Actes et paroles, 2013
Té m o i n s a u j o u r d ’ h u i ∆ 2 0 1 3
2 0 1 3
s n i o Tém i u h ’ d r u o auj
2013
Actes et paroles
CouvLC2013.indd 1
19.09.13 08:43
Qui est DM-échange et mission ? DM-échange et mission est la plateforme de services mandatée par les Églises protestantes romandes pour les aider à être témoin de l’amour de Dieu, de la foi des Églises et de l’espérance des humains, en Suisse et dans le monde. 3 POINTS FORTS DM-échange et mission exprime son identité par la valorisation du témoignage, en actes et en paroles : Témoin de l’amour de Dieu proposer une conviction enracinée dans l’Evangile et ouvrant au dialogue : « Nous ne sommes pas responsables de la foi des autres. Nous sommes responsables de notre foi devant les autres »; Témoin de la foi des Eglises travailler à un partenariat entre Eglises protestantes en Suisse et à l’étranger afin de renforcer leur présence au monde, en liant adoration de Dieu et respect de la dignité de toute personne; Témoin de l’espérance des humains contribuer à une mondialisation à visage humain selon la perspective œcuménique justice, paix et sauvegarde de la création, par un engagement de foi et des actions de solidarité. IMPRESSUM Responsable de la publication : Jacques Küng, secrétaire général de DM - échange et mission - Chef de projet : Bertrand Quartier, responsable communication de DM-échange et mission - Interviews & rédaction : Sylviane Pittet et Pierre Léderrey - Création : Expression Créative - Crédit photos : ©Jean-Charles Rochat, sauf p 34, 43, Shutterstok. P 40, Eddy Mottaz/Pixsil - Illustrations : Jean-Charles Rochat - Impression : Jordi Belp SA - Tirage de ce numéro : 4000 exemplaires
CouvLC2013.indd 2
3 CHAMPS D’ACTIONS : - envoie des volontaires au service de populations locales dans le monde. - organise des stages à l’étranger pour des jeunes ou des professionnels - favorise les expériences interculturelles et spirituelles par des visites de groupes, des camps de jeunes, des tournées de spectacles
19.09.13 08:43
2013
SOMMAIRE
TÉMOINS AUJOURD’HUI
ire : 2 Co rin th 8 ns ie
est être gé r c’ né ne
ΔL ux re
et 9
Le pasteur es des tourist
Tém oig
14
Bernois d’origine, le pasteur Beat Abegglen anime la vie spirituelle des cultes et des visiteurs de passage en Valais.
EAT ABEGGLEN SE SENT EN MISSION. Pas aux antipodes, mais en terre valaisanne. «Nous sommes juste de l’autre côté de la Gemmi d’où je viens, sourit le pasteur établi au-dessus de Saxon. Mais c’est un autre monde. Ici, c’est le sud des Alpes et un monde catholique. » Beat Abegglen a franchi cette frontière invisible il y a douze ans. Consacré en 1991 déjà dans la grande Eglise protestante bernoise, il a ensuite été pasteur à Kandersteg pendant une quinzaine d’années. « Un endroit bien connu pour être le lieu d’origine d’Adolf Ogi, non ? Maintenant, je me dis que c’était aussi un peu ma porte d’en-trée pour le Valais. »
B
Son épouse a des soucis de santé, ne supportant plus le climat plutôt humide de la région. Le couple cherche l’exact contraire : du chaud et du sec. « Et
NOUS « PETIT À PETIT, COMME AVONS ALLIONS AU CULTE, NOUS DES ÉTABLI DES CONTACTS AVEC PROTESTANTS DU COIN. » A C T E S
&
P A R O L E S
naturellement, le Valais central s’est vite imposé. Nous y venions en été. Petit à petit, comme nous allions au culte, nous avons établi des contacts avec des protestants du coin. » Jusqu’à ce qu’on lui propose un poste à Loèche-lesBains. Depuis longtemps, les cliniques y ont une aumônerie à l’intention des curistes. Mais ces cliniques ayant été vendues les unes après les autres à des groupes privés, la fonction d’aumônier a
2 0 1 3
peu à peu disparu. « Avant mon arrivée, il s’agissait d’un poste à 100%, puis 60% au départ pour moi ; il n’en reste
mais certaines personnes reviennent, une ou deux fois par année. Du coup, je dis que c’est la plus grande paroisse du pays. »
maintenant plus que 20%. » Dans tout le canton, le pasteur a relancé les cultes en station, menacés par un manque d’argent, les puissantes paroisses bernoises
Il lui faut donc inventer autre chose. Et c’est là que Beat Abegglen redécouvre une tradition tout aussi ancienne: si
qui les finançaient n’en ayant plus les moyens. « Les protestants valaisans ont
la présence protestante en Valais a accompagné l’industrialisation et le chemin de fer que viennent construire Bâlois et autres Suisses alémaniques, leur seconde porte d’entrée sera touristique.
« Les Anglais, qui furent parmi les premiers à découvrir les Alpes, y ont construit des chapelles un peu partout. Gstaad, Wengen, Zermatt ou Saas-Fee en possèdent encore.» Celle de Loèche a dû laisser la place à un grand hôtel. Mais pourquoi ne pas relancer un culte pour touristes dans la station? Grace à un petit noyau de paroissiens fidèles, la cure est vendue au profit de l’acquisition d’un lieu de culte. Ce sera, dans l’hôtel de Ville, l’ancienne... station de police. « Chaque mercredi, nous
y organisons une animation pour les gens de passage, touristes ou personnes en cure. Cela fonctionne plutôt bien. Ce ne sont pas tout le temps les mêmes têtes,
donc repris cette responsabilité, parce qu’il est important d’assurer une présence. Afin de donner un visage à cette organisation, les premières années, je me suis occupé de la planification. » Dans certains endroits, comme Chandolin, Champex-Lac ou SaasFee, la propriété d’une chapelle permet aux protestants d’y organiser ces cultes touristiques. Ailleurs, on se débrouille, utilisant notamment les églises ou les salles de paroisse catholiques. L’air de rien, cela représente tout de même deux cents célébrations annuelles en station, été comme hiver. « Et à Loèche ou Zermatt, c’est même chaque dimanche », se réjouit le Bernois. Qui ne manque d’ailleurs jamais de solliciter ses anciens collègues cantonaux. « Plusieurs pasteurs retraités viennent régulièrement. Cela nous aide également à répondre aux nombreuses demandes de service religieux. » Pour se passer la bague au doigt sur l’Alpe ou baptiser son enfant lors de vacances dans un bel endroit… 4
2 ≠ Edito
26 ≠ Un travail qui fait sens
3 ≠ Témoins aujourd’hui, troisième édition !
28 ≠ De la télé au caté 30 ≠ Solidaires avec les migrants
A C T E S
&
P A R O L E S
4 ≠ Une oreille pour les cœurs
2 0 1 3
: Philippie ns Lire
2
-4 v1
ner, c’est aim oig e
32 ≠ Rapper pour témoigner rΔ
Chrétien he de gauc J’aime “Le Seigneur des anneaux car je pense que notre monde a toujours été davantage dans le chaos que dans la construction. Depuis le début de la création du monde, nous sommes face à un Dieu résistant qui tente d’y mettre de l’ordre.»
Té m
INCENT LÉCHAIRE EST CHRÉTIEN ET SOCIALISTE. Ou socialiste et chrétien. Pour lui, l’un ne va pas sans l’autre. « Si je devais classer les valeurs chrétiennes par ordre d’importance, je commencerais par solidarité et engagement social. Des valeurs que je retrouve dans mon engagement politique. » Responsable d’un centre pour adolescents, le Lausannois a été élu au Conseil régional de l’EERV pour Lausanne-Epalinges. Deux casquettes qu’il porte avec logique. « On ne peut pas changer la société uniquement par le
V 20
Si sa foi lui permet de ne pas « rester bloqué dans une idéologie », Vincent Léchaire n’est pas tombé dans le chaudron spirituel quand il était petit. « Baptisé à 23 ans, ma conversion chrétienne m’a amené à la solidarité. Ma conversion politique, elle, m’a conduit à l’humanisme. » Puiser dans la foi pour recevoir la paix, la liberté, un sens à la vie, une force et une espérance, voilà son credo. « Franchement, ce sont des choses que plein de gens recherchent, non ? Et après ça, que l’on ne me dise pas que le christianisme est dépassé ! ». 4
les transactions à courts termes qui ne servent à rien sinon à enrichir certains. L’idée, c’est de faire en sorte d’évoluer dans une économie durable et solidaire. »
sourit-il, le combat vers plus de justice ne l’effraie pas le moins du monde. « Pour moi, le plus important consiste à résister.
P A R O L E S
2 0 1 3
A C T E S
&
10 ≠ Ecouter, l’art et la manière
39 ≠ Pied de nez à la solitude
12 ≠ Les liens du sang et de l’ailleurs
40 ≠ Témoins paradoxaux de l’infini et du concret
14 ≠ Le pasteur des touristes
42 ≠ En marche
16 ≠ Auprès des blessés de la vie
44 ≠ En guise de conclusion
18 ≠ L’Eglise, servante des hommes
45 ≠ Comment être témoin ? Des outils pour vous
20 ≠ Chrétien de gauche
46 ≠ Coupon contact
anticléricales plus qu’avec des chrétiens aux valeurs opposées » aux siennes. Débattre, innover, trouver des issues : le futur se construira ensemble, dit-il, «les mouvements politiques, religieux ou autres défendant les mêmes valeurs doivent pouvoir s’unir ».
Conscient de représenter une minorité - « les socialistes ne sont guère à la mode, les chrétiens, je n’en parle même pas ! »,
&
36 ≠ Un Evangile pour une civilisation d’humanité
l’impact que chacun peut avoir dans le monde, ça commence par là. » Quant à la place des chrétiens au PS, il reconnaît que le côté « bouffeur de curé » des gens de gauche n’a pas disparu en avouant préférer « débattre de valeurs communes avec des personnes
travail de terrain. Il faut aussi s’investir au niveau politique pour faire évoluer les structures. »
P A R O L E S
34 ≠ L’Eglise dans les médias et sur les réseaux sociaux
9 ≠ Les panneaux indicateurs
En gardant à l’esprit l’idée de « réunir les forces vives », dans l’Eglise comme en politique, l’éducateur vaudois pense global et agit local. « Conscientiser nos proches, familles et amis, sur
Changer la société ? Ni anarchiste ni utopiste, Vincent Léchaire pense franchement que l’on peut réformer en profondeur notre monde et sa façon de penser. « Nous vivons dans le mammonisme (ndlr le dieu Mammon symbolisait le profit). Or l’argent doit être un moyen, et pas un but en soi. » Une idée parmi d’autres pour engager une réforme : mettre bon ordre dans la bourse. « Garder le système des obligations, mais supprimer
A C T E S
8 ≠ De Fribourg au Bénin et retour
Vincent Léchaire préside la Fédération romande des socialistes chrétiens. Il siège également au Conseil régional Lausanne-Epalinges de l’EERV (Eglise évangélique réformée vaudoise). Un double mandat résumant une double appartenance.
« ON NE PEUT PAS É CHANGER LA SOCIÉT LE UNIQUEMENT PARIN » TRAVAIL DE TERRA
2 0 1 3
gard Δ 2 T rin im as
7 e 1v hé ot
a foi, c’e st de s p er
6 ≠ Aux rythmes de l’Afrique
Ils rappent pour le Christ. Elimelek, c’est quatre jeunes étudiants de Fribourg dans un collectif convaincu.
L Y A BÉNI NGONDE, CONGOLAIS, ALIAS YOUNG BLESS’ED, 20 ANS, PHILIPP KROPF OU P2KSOJ, 18 ANS, ET SON FRANGIN GREGORY APPELÉ UN ! que, 17 ans. Le quatrième, c’est Filipe Costa, ou Eliakim, 22 ans. A eux tous, ils forment Elimelek, un
TRANQUILLES, MAIS VIBRANTS « Ça fait mal. Qui nous apportera l’espoir ? » « Celui qui est en moi » « Tout ce qu’il fait, c’est beautiful. » « C’est beautiful de vivre une vie nouvelle ». Dans ses textes, Elimelek appelle
groupe de rap engagé qui rappe à « cœur ouvert ». En français, schwytzertütsch, anglais ou lingala.
pour parler ce que nous vivons sans porter un masque. Nous voulons surtout dire ce que nous avons dans le cœur. » Autour d’eux, dans l’Eglise en particulier, leur rap n’a pas séduit d’emblée. « Le pasteur n’était pas fan, mais petit à petit, il a remarqué que Dieu travaillait via nos chants. » Et il n’est pas le seul : plusieurs de leurs auditeurs disent pareil, « écouter nos chants, ça les aide. » Alors Gloire à Dieu, comme ils disent !
Témo ign
I
Avant de rapper ensemble, Béni et Filipe n’étaient pas les meilleurs amis du monde. « Puis nous nous sommes convertis, parlé une fois sur Facebook, et j’ai invité Béni à venir au groupe de jeunes, ici, au Schönberg », raconte Filipe. C’était il y a trois ans. Philipp et Gregory, eux, jouaient déjà un peu ensemble. « On avait trouvé un
32
programme à 20 dollars pour rapper et on s’y est mis », racontent les deux frères. Bref, de fil en aiguille, les quatre garçons se sont retrouvés derrière des micros et Elimelek a balbutié ses premières rimes. Ce n’est pas un hasard si Béni et Filipe viennent tous deux du quartier populaire du Schönberg, un lieu classé
Rapper pour témoigner
violent, qui sera relié en 2014 au reste de la ville par le gigantesque pont de la Poya. « Ici, il n’y a
rien à faire à part la musique et le sport, explique Béni. Il y a un côté banlieue, mais bon, on est en Suisse, on est bien. » Filipe tempère : « Certains sont en colère et ils ont des raisons de l’être. » Un exemple ? Le racisme, dont les racines résistent à l’arrachage. « Parce que la justice n’est pas toujours très juste quand on est black». Mais bon, aujourd’hui, les petits gars sont loin de ces histoires : « On est tranquille ».
A C T E S
&
P A R O L E S
2 0 1 3
A C T E S
&
P A R O L E S
un chat un chat et Dieu papa. « Nous rappons
Ils rappent ensemble ou en solo, des mixtape (compilations de plusieurs titres) à écouter sur le web. Si l’un ou l’autre a un projet, le groupe le soutient, par sa voix et ses prières. « Chacun écrit ce qu’il chante. On ne fait pas de la théologie. On a plutôt tendance à se retrouver dans les textes les uns des autres.» Le futur se dessine bien. Elimelek continue à mixer ses titres au Centre d’animation du Jura, à Fribourg. « Donc ça ne nous coûte rien, mais on était soutenu pour financer le CD. » Derrière eux, il y a d’abord leurs parents, depuis le début. Une chance. « On s’est aperçu que nos mamans priaient ensemble pour nous quand on était petits », sourient Filipe et Philipp. Le monde est petit et Dieu est grand. « On fait ça vraiment par la foi, parce qu’on croit que Dieu a quelque chose à transmettre à travers nous. » 4
2 0 1 3
e sa foi, c’es rd t ne
e 1v7 hé ot
ingard Δ 2 T sr im pa
Tém oig
22 ≠ Du pain et du temps
n marche E «N
42
E VOUS EFFRAYEZ PAS. Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié : il est ressuscité, il n’est pas ici ; voyez l’endroit où on l’avait déposé. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre : Il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit . » Elles sortirent et elles s’enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées ; et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur1.»
Selon les meilleurs manuscrits, l’évangile de Marc se termine ainsi. Par le silence et la peur. Témoigner n’est pas chose légère. Il importe de le rappeler, même s’il faut pour cela aller à l’encontre de certains enthousiasmes.
l’invitation du Seigneur; il s’agit donc de le recevoir, de le travailler, avec d’autres qui s’y heurtent encore, et s’y sont heurtés au travers des siècles et en diverses régions du monde.
Le Seigneur nous attend sur les chemins
Si nous construisons notre vie sur
« quelque chose » qui est de l’ordre du saisissable, du définissable, alors nous risquons de nous y enfermer.
« Qui es-tu pour oser rendre mes plans obscurs à force de parler de ce que tu ignores ? Où donc te trouvais-tu quand je fondais la terre ? Renseigne-toi si tu connais la vérité : qui a fixé ses dimensions, le sais-tu bien ? Et qui l’a mesurée en tirant le cordeau ?3 »
Ce «quelque chose», ce peut être l’appartenance à une « famille », à un « parti », à une « ethnie », à une « nation », à une « religion ». Lorsque «quelque chose» de cet ordre-là devient pour nous
Autrement dit : qu’as-tu compris de mon projet créateur ?
interpellation vient m’ébranler : ne suis-
perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera.2 »
je pas en train de passer à côté de
cet avertissement ? Car il y a bien un avertissement, pleinement intégré à
référence absolue, alors un piège risque de se refermer sur nous. Que ce soit au nom d’un « parti », d’une « nation » ou d’une « religion », toute conviction d’avoir raison de manière définitive s’accompagne d’un risque
compris la volonté du Seigneur, chaque fois que je me lève en défenseur acharné de son projet créateur, cette
l’essentiel ? Ne suis-je pas en train de m’enfermer dans ce que je pense avoir compris de Dieu ?
24 ≠ Montbrillant, un espace pour rayonner
goût, saveur et valeur.
par les questions de Dieu à Job :
comprendre que son invitation n’est pas une sinécure : « Qui veut sauver sa vie la
Quelle bonne nouvelle discerner dans
qui fonde notre existence, ce qui – au plus intime de nous-mêmes – lui donne sens,
Cet avertissement, je propose de l’éclairer
Chaque fois que je suis trop sûr d’avoir de la vie. Il n’a précisé ni le lieu ni l’heure du rendez-vous, mais il nous fait
L’avertissement de Jésus s’inscrit dans la même perspective. L’enjeu porte sur ce
de dérive. Dans quelque domaine que ce soit, dès que l’on essaie d’affirmer une certitude absolue, on est proche de la prise de pouvoir sur l’autre, de la manipulation. Dès que je veux assurer ma vie par un cadre auquel je refuse de toucher, je risque de passer à côté de l’essentiel : qui veut assurer sa vie la
Si j’accepte de risquer ma vie, si je vais à la rencontre des autres pour que nous puissions partager nos questions et nos espérances, si je me laisse mettre
Mais nous croyons que le pouvoir de la mort n’a pas eu le dernier mot sur lui. Aujourd’hui encore, il reste pour nous témoin de la vie : Ce que vous voulez que
en chemin par ce feu qui brûle en moi, alors, je goûterai peut-être à l’essentiel :
les humains fassent pour vous, faites-le aussi pour eux !
qui risquera sa vie à cause de moi la retrouvera… Cet avertissement nous est laissé par Jésus de Nazareth. On retient de lui qu’il ne s’est laissé récupérer par aucune idéologie, par aucun pouvoir, par aucune religion. Il s’est retrouvé bien seul. Et sa manière de déranger les pouvoirs établis
En nous préparant à être remis en question, en osant aussi interpeller les autres sur leur choix de vie, nous apprenons à nous raconter les uns aux autres ce qui donne élan à notre existence, nous apprenons ensemble à être vivants, témoins en marche vers Dieu qui nous attend ! 4
Pour aller à sa rencontre, il s’agit de résister à l’absolutisation de toute appartenance « clanique », « familiale »,
Jacques Küng
« ethnique », « nationale », « religieuse ». Une telle attitude est à même de
secrétaire général de DM-échange et mission
provoquer des remises en question dont il est difficile de parler; mais elle peut aider à ne pas passer à côté de la vie.
a conduit à son exécution.
perdra…
A C T E S
&
P A R O L E S
2 0 1 3
1 Evangile de Marc, chapitre 16, v. 6 à 8. 2 Evangile de Marc, chapitre 8, v. 35. 3 Job 38, v.1et ss.
A C T E S
&
P A R O L E S
2 0 1 3
A C T E S
TA_2013.indd 1
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
EDITO Ici et ailleurs Ici, dans nos lieux de vie et d’engagement. Ici, dans nos perplexités et nos élans. Ici, avec nos questions et nos passions.
2
Ailleurs, là où des femmes et des hommes vivent et s’engagent. Ailleurs, là où des femmes et des hommes souffrent ou se réjouissent. Ailleurs, là où des femmes et des hommes s’inquiètent et se mobilisent.
Ici et ailleurs ! Au nom de Jésus-Christ qui s’est incarné dans le quotidien de l’humanité pour y inscrire des gestes d’amour et de solidarité. Ici et ailleurs ! Par le Souffle du Seigneur capable d’élargir notre horizon jusqu’aux extrémités de la création.
Ici ou ailleurs ? Certaines personnes privilégient leur ici : ce qui se passe ailleurs fait peur et de toute manière il y a bien assez à faire ici . D’autres personnes voudraient fuir leur ici et cherchent un ailleurs où la vie soit meilleure.
Ici et ailleurs ! Pour discerner ensemble les urgences d’aujourd’hui. Pour inventer ensemble des gestes porteurs de vie. Pour affirmer ensemble la dignité de toute personne.
Ici et ailleurs ! Témoins aujourd’hui 2013 donne la parole à des femmes et des hommes pleinement engagés dans leur ici et pleinement solidaires des ailleurs où d’autres humains agissent comme du levain dans la pâte. Par leurs gestes et leurs paroles, ils montrent que les humains sont appelés à vivre debout, non pas repliés sur euxmêmes, mais ouverts à la diversité du monde.
Ici et ailleurs ! Pour témoigner ensemble d’une Bonne Nouvelle stimulante : Dieu nous attend sur les chemins de la vie, mais il n’a précisé ni le lieu ni l’heure du rendez-vous.
Témoins aujourd’hui 2013 vous invite donc à vous mettre en route : laissez-vous surprendre et racontez-le à d’autres, pour que l’aventure continue, ici et ailleurs !
A C T E S
TA_2013.indd 2
&
P A R O L E S
Jacques Küng secrétaire général de DM-échange et mission
2 0 1 3
17.09.13 17:56
TÉMOINS AUJOURD’HUI, TROISIÈME ÉDITION ! Est-il possible pour le chrétien de témoigner de sa foi dans le monde d’aujourd’hui ? Le respect de l’être humain - l’autre -, de sa culture, de sa religion, de sa spiritualité, ne nous pousse-t-il pas à renoncer à exprimer ce que nous croyons, en dehors du cocon de l’Eglise ? La mission estelle vraiment plus facile « ailleurs » ? DM-échange et mission croit, et c’est son rôle de le rappeler, que le témoignage de la Bonne Nouvelle peut s’exprimer en tous lieux, sous des formes variées et par des personnes diverses. C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans ce nouveau Témoins aujourd’hui. Pour cette troisième édition, nous avons tenu à donner la parole à des femmes et à des hommes qui s’engagent ensemble au service du Christ. C’est d’ailleurs Lui qui a envoyé ses disciples deux par deux pour annoncer l’Evangile sur les chemins. Parce qu’ensemble, il est peut-être plus facile d’oser aller à la rencontre de ses contemporains, mais peut-être aussi parce qu’à plusieurs, la cohérence du message est renforcée. Ce n’est pas la lubie ou les visions d’un seul, mais c’est une foi portée par une communauté qui peut ainsi s’exprimer. Voyez donc comment des paroisses, des groupes, des services de l’Eglise s’engagent ensemble pour témoigner : visiteuses à domiciles, aumôniers en hôpital, rappeurs, jeunes paroissiens, tous et toutes témoignent que le Christ est bien vivant et qu’il accorde la force de transmettre ce message plus loin! Un bel encouragement pour moi, pour vous… Bonne lecture !
Bertrand Quartier responsable communication à DM-échange et mission
A C T E S
TA_2013.indd 3
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
: Philippie ns Lire
2v 4 1-
ner, c’est aim e oig
rΔ
r u o p e l l i e r o e Un les cœurs
Té m
4
À ÊTRE LÀ, « MON RÔLE SE RÉSUME MALADES, S AUX CÔTÉ DES PERSONNERAMENER À ET DE LES » LEURS PROPRES FORCES A C T E S
TA_2013.indd 4
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
Dans plusieurs hôpitaux fribourgeois, Luc Genin visite les malades. En blouse blanche, car il vient pour des soins.
UAND LUC GENIN FRAPPE À LA PORTE D’UNE CHAMBRE D’HÔPITAL, c’est en blouse blanche, toujours. «Je ne viens pas de l’extérieur, mais je fais partie des soignants. » C’est pour des soins spirituels que le Bullois pousse la porte des lieux de santé. Comprenez qu’il n’évoque pas la composition des repas au menu ni la disponibilité du personnel infirmier, pas plus que le temps qu’il fait. Il est «aumônier en visite ». « Comment allez-vous ? Comment vivez-vous cette hospitalisation ? Et moralement, comment ça va ? » Voilà à peu près à quoi ressemble l’amorce du dialogue.
Q
Souvent, une question suffit. « Je pratique l’écoute active, mais je sais où j’ai envie que la discussion nous mène.» Vers la vie et sa puissance qui met debout encore et encore. « Mon rôle se résume à être là, aux côté des personnes malades, et de les ramener à leurs propres forces », résume cet ancien enseignant, 55 ans, devenu diacre de paroisse, puis aumônier d’hôpital il y a huit ans. Revisiter le passé avec l’un, évoquer les écueils avec une autre et rappeler à l’un comme à l’autre comment ils se sont remis debout. « Fondamentalement, je crois que l’humain a des capacités de rebondir extraordinaires ! » De lui, on attend une prière, la lecture d’un texte biblique, une parole de réconfort, une discussion. On espère une oreille en ouvrant son cœur. Luc Genin s’assied et prend le temps. « Certains patients sont en colère. Contre les médecins qui “ ne disent rien “, contre Dieu qui est injuste. » Luc Genin ne défend personne. « Je propose d’être là quand la personne parlera au médecin. Ça arrive parfois. » Et le diacre devient ainsi « courroie de transmission ». « Il m’arrive d’aller voir l’infirmière pour lui dire que je trouve M. J. un peu sombre ou que Mme L. dit qu’elle ne supportera pas de ne pas être chez elle à Noël.»
A C T E S
TA_2013.indd 5
&
Les émotions de chacun, Luc Genin les valorise. Toutes. La colère d’être là, la tristesse de devoir laisser ceux que l’on aime. Dans les moments critiques, il lui arrive de visiter une personne plusieurs fois par semaine. Comme ce patient, devenu aphone en fin de vie, avec lequel le dialogue s’est engagé par écrit. « L’autre jour, je lui ai demandé ce que je pouvais faire pour lui, se souvient Luc Genin. Il a griffonné : « Je suis au regret de vous dire : rien du tout. Mais notre dialogue me fait tellement de bien ! » Etre à côté et vibrer en résonance, le diacre connaît ça. Il se met en colère, lui aussi parfois, contre l’injustice de la souffrance, et il laisse les larmes couler. Puis il sort de la chambre, formule une prière, avale un verre d’eau. Et reprend ses visites. « Une qualité essentielle pour pratiquer mon métier consiste à parvenir à être dans l’impuissance avec l’autre. » Un ange passe. Il dit encore que la mort ne l’a jamais effrayé, non. Au contraire. « J’aime beaucoup rencontrer les familles lors de services funèbres pour évoquer ce qu’a été la vie du défunt. » La vie, sa force, sa beauté. De sa voix douce, ce père de trois filles adultes confie se ressourcer dans la solitude et l’exercice physique, vélo en tête. «Et en famille, aussi. Mon épouse possède une écoute extraordinaire !» 4
En deux mots L’Hôpital fribourgeois a été constitué en 2007 par la mise en réseau des hôpitaux de Riaz, Châtel-St-Denis, Billens, Tavel et Meyriez avec l’Hôpital cantonal de Fribourg. A l’Hôpital cantonal, l’aumônerie réformée est également assurée par des pasteurs de la paroisse de Fribourg, pour les patients germanophones notamment. Luc Genin assume la presque totalité de l’aumônerie francophone. Il est également présent dans des activités diaconales de la paroisse de Fribourg et la catéchèse au Cycle d’orientation.
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
-10 v6
ner, c’est ce d oig o
Romain er Δ s1 2 nn
Té m
6
Aux r ythmes de l’Afrique
A C T E S
TA_2013.indd 6
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
C’est au sein de l’Eglise évangélique réformée de Neuchâtel (EREN) que Daniel Mabongo, pasteur, célèbre des cultes d’un autre genre. Il a créé l’association Présence Afrique chrétienne, la PAC.
Ù SONT LES AFRICAINS ? Quand il arrive en Suisse en 1989, diplômé de la Faculté de théologie de Yaoundé puis de celle de Strasbourg, le pasteur Daniel Mabongo s’est interrogé. « Autour de moi, je voyais pas mal de personnes africaines, mais dans ma paroisse comme dans d’autres, il n’y en avait pas une seule ! » Quelques rencontres plus tard, il a compris. « Les Africains avaient de la peine à vivre des cultes « normaux », à l’occidentale. Pour sa part, le milieu réformé peinait souvent ne serait-ce qu’à taper dans les mains durant la louange.»
O
Créer un espace où les Européens et les Africains puissent vivre le culte autrement, sans pour autant lancer une église africaine : c’est ce concept que Daniel Mabongo a présenté à l’Eglise évangélique réformée de Neuchâtel
(EREN). Le projet convainc, car il propose à la fois accueil et intégration. « Ce qui
est l’une des missions de l’Eglise », assure Daniel Mabongo. En 1995, l’organisation Présence Afrique chrétienne, la PAC pour les intimes, voit le jour. C’est elle qui propose, chaque premier dimanche du mois, un culte africain au Temple des Valangines, à Neuchâtel. Lors de chaque rencontre, entre septante et cent personnes se retrouvent pour échanger, danser, prier. Des Africains et des Neuchâtelois qui apprécient ce style de célébration œcuménique et vivante. « La différence avec un culte « normal » est plus dans la forme que dans le fond », note Daniel Mabongo. Aux Valangines, la chorale du Soleil, emmenée par le pasteur Mabongo, réunit d’ailleurs des chanteurs d’origines différentes. Beaucoup de chants, autant de rythmes et, pour finir, un repas aux saveurs congolaises, camerounaises
A C T E S
TA_2013.indd 7
&
P A R O L E S
ou européennes, voilà la recette des matinées de la PAC. Sans compter que, quand l’un ou l’autre de ses membres est dans le besoin, l’organisation lui assure un soutien financier et spirituel. Ne pas créer de « ghetto » est un souci qui habite le pasteur neuchâtelois.
« Je trouve dommage de créer des communautés uniquement africaines ou sud-américaines. » Convaincu que la foi commune peut faire tomber les barrières, il persévère. « Si je regarde autour de moi, je vois des Neuchâtelois sur la réserve ou méfiants à l’égard des migrants et des migrants qui craignent le rejet, analyset-il. L’Eglise possède la force de mettre les gens ensemble, aussi différents qu’ils soient ! » 4
2 0 1 3
17.09.13 17:56
a foi, c’es de s tp er
1v 7 ée th
gard Δ 2 Tim rin o as
De Fribourg au Bénin et retour
Tém oig n
« J’AI TOUJOURS RÊVÉ DE PARTICIPER À UN PROJET D’ÉCHANGE»
8
D’OÙ EST VENUE L’ENVIE DE PARTICIPER À CE VOYAGE ? Sarah Müller: C'était lors d'un événement avec les jeunes de la paroisse de Fribourg, en automne 2009, que notre pasteur, Martin Burkhard, nous a proposé de monter un projet d'échange de jeunes avec une paroisse ailleurs dans le monde. Vu que j'adore voyager et que j'ai toujours rêvé de participer à un projet d'échange, j'étais toute de suite partante. QUELLE PRÉPARATION AVEZ-VOUS ACCOMPLIE AVANT DE PARTIR ? On s'est informé sur le pays, et il y a eu une première prise de contact avec la paroisse
méthodiste du Bénin. Deux personnes qui ont vécu au Bénin et au Cameroun ont partagé leur expérience. On s’est préparé à ce qui nous attendait : comment s'habiller, se comporter quand on est invité, ce qu'il ne faut absolument pas faire ou dire... Ensuite, il y a eu la recherche de fonds. DM-échange et mission et la Cevaa ont pris en charge une partie du financement de notre projet. Nous avons aussi organisé des repas de soutien et des ventes de gâteaux, ce qui a aussi noué la paroisse et nos familles à ce projet. Et il y a eu le soutien financier accordé par le Conseil de
A C T E S
TA_2013.indd 8
&
paroisse de Fribourg. Avant notre départ, la paroisse méthodiste du Bénin nous a envoyé un programme très détaillé de notre séjour. QU’EST-CE QUI VOUS A LE PLUS SURPRISE SUR PLACE ? On avait un peu l'impression que rien n'était organisé (malgré le programme très détaillé). On improvisait; parfois, il fallait attendre pendant une heure, deux heures, trois heures jusqu'à ce qu'un repas soit prêt ou que l’on parte pour une visite. Mais ce n'était pas important, les gens avaient tout le temps du monde. L'accueil était très chaleureux: dès qu'on arrivait quelque part, on était invité
P A R O L E S
par des amis des familles des jeunes béninois de notre groupe. Ce qui m'a aussi étonnée, c’est que le Bénin est assez vert et relativement riche. La pauvreté est moins visible que dans d'autres pays africains. QUEL GENRE DE RELATIONS AVEZ-VOUS PU TISSER AVEC LES JEUNES BÉNINOIS ? Une amitié profonde, évidemment davantage avec certains qu’avec d’autres. On espère qu'elle durera longtemps! Mais malgré tout, on ressent qu'il y a quelques différences culturelles que l'on n’arrivera peut-être jamais à dépasser. 4
2 0 1 3
17.09.13 17:56
Les panneasux indicateur OUS LES VENDREDIS À 9H26, MICHEL CAMPICHE, 81 ANS, PATIENTE SUR LE QUAI 1. A peine le train en provenance de Vallorbe entre-t-il en gare que le retraité file en queue de convoi où ont pris place des requérants d’asile en transit. Ils viennent du Centre d’enregistrement et procédure (CEP) de Vallorbe pour rejoindre d’autres centres d’accueil, en Suisse alémanique ou ailleurs. Parfois, ils sont vingt; d’autres fois, il n’y a personne. «C’est l’inconnu et ça me plaît, raconte Michel Campiche. Le matin même, j’appelle la sécurité au CEP, et on me dit combien de personnes devraient quitter le centre. » Ce matin-là, six départs étaient annoncés, mais personne ne s’est présenté. Ou peut-être les personnes se sont-elles débrouillées seules.
T
Sur le quai, une collaboratrice de SOS Gare est là pour lui prêter main-forte, au besoin. Prévoir une chaise roulante pour une personne âgée, des bras pour porter de petits enfants. Une poignée de main, quelques mots d’anglais ou d’allemand, histoire de savoir où les personnes doivent se rendre. De son classeur, Michel Campiche sort une longue liste de gares, d’heures de départ et de numéros de quais, sésame pour se rendre dans l’un ou l’autre des trente-cinq lieux d’accueil de requérants en Suisse. « Il faut être rapide : selon l’heure de leur train, les personnes n’ont parfois que quelques minutes pour changer de voie. » Une copie de l’horaire, du numéro de
A C T E S
TA_2013.indd 9
&
Depuis une douzaine d’années, du lundi au vendredi, une dizaine de bénévoles aiguillent les requérants d’asile en transit à la gare de Lausanne. Parce que les informations reçues du Centre d’enregistrement et de procédure à Vallorbe (CEP) ne sont pas légion ni toujours exactes. Reportage.
quai, l’adresse du Bureau d’aide juridique d’Aarau ou de Chiasso, et départ ! A 10h26, c’est Simone Collet, journaliste pulliérane, qui prend le relais. Comme Michel Campiche, elle tient entre ses mains des photos du CEP de Vallorbe, afin que les requérants en transit l’identifient vite. « Ce n’est
pas évident de savoir qui est requérant et qui ne l’est pas, souffle Simone Collet. Sauf que les personnes requérantes dégagent une sorte d’inquiétude. Je repère leurs bagages aussi, sommaires, comme des sacs poubelles. Et les requérants tiennent souvent à la main l’enveloppe qu’ils ont reçue au CEP portant leur adresse de destination. Les pendulaires, eux, savent où ils vont et quittent rapidement le wagon. »
P A R O L E S
C’est parce que le monde est devenu « tellement dur » que Simone Collet s’est engagée dans ce service bénévole. «Pour glisser un tout petit peu de réconfort et d’humanité là-dedans.» Engagée en politique dans les rangs des Verts, elle donne également des leçons de français aux requérants logés à Pully. La motivation de Michel Campiche, c’est qu’il est «métis», dit-il. « Ma mère était anglaise et mon père suisse. Je n’ai jamais compris le repli sur soi, qui me navre. » Sachez que jamais il ne songe faire œuvre charitable; d’ailleurs, il ne bronche pas quand certains voyageurs l’envoient sur les roses alors qu’il propose son aide : « Il faut prendre les gens comme ils sont. C’est excellent pour dégonfler les ego ! » 4
2 0 1 3
17.09.13 17:56
: Philippie Lire ns
2 -4 v1
ner, c’est aim oig e m
rΔ
Té
10
t r a ’ l , r e t u o Ec e r è i n a m a l t e Diacre, Nathalie Kraehenbuehl est également art thérapeute. Elle travaille au sein de deux lieux d’écoute mis en place par l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV).
A C T E S
TA_2013.indd 10
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
PHYSIQUE, « LA GUÉRISON PEUT ÊTRE MAIS ELLE PEUT PASSER » PAR D’AUTRES CHEMINS N FIN D’ANNÉE, NATHALIE KRAEHENBUEHL NE SAIT PLUS OÙ DONNER DE LA TÊTE. Ils sont nombreux, les coups de fil pour prendre un rendez-vous, évoquer la disparition d’un être cher, la traversée d’un désert arpenté seul. Souvent, celui ou celle qui appelle a attendu longtemps avant de faire le pas, « la marche
E
est haute », raconte Nathalie, diacre et art thérapeute au Raidillon, à Chailly-surMontreux, et à la Cascade, à Renens, des lieux d’écoute de l’EERV (Eglise évangélique réformée vaudoise). Pas facile d’appeler à l’aide, de dire que l’on va mal, ou pas si bien que ça, sans savoir qui l’on va avoir à l’appareil: «C’est une démarche qui demande beaucoup de courage». La première marche gravie, la rencontre peut avoir lieu. Il y a ceux qui ne viendront qu’une fois, orientés ailleurs, vers une structure différente, médicale, conjugale, et ceux qui poursuivront leur cheminement dans le calme du Raidillon. D’une voix douce, Nathalie énumère sans jamais cataloguer. « Un lieu d’écoute peut être l’endroit où cheminer. Nombreux sont ceux qui ont vécu un deuil et ne sont pas revenus à la vie. Alors on
regarde s’il y a des paroles qui ont manqué, une action qui pourrait être faite. » Nathalie Kraehenbuehl a été aumônière durant treize ans au CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois), à Lausanne. Au Raidillon, l’aspect spirituel est présent, évidemment : pourtant, la foi qui devait transporter les montagnes prend des tours et des détours et s’abîme en chemin. « Il y a le
besoin de vider son sac, parfois, face à la souffrance vécue, la crainte d’être puni quand une guérison ne vient pas, le souvenir douloureux des abus spirituels ». Nathalie prie, mais pas toujours: « Ce n’est pas recommandé quand cela renforce le côté “magique”. Quand on me demande de prier pour une guérison, je formule ma prière en remettant le désir de guérison à Dieu. La guérison peut être physique, mais elle peut passer par d’autres chemins. » Oublier les étiquettes, dépister de fausses croyances, s’aventurer dans la confiance. Au Raidillon, on n’est pas enfermé dans une case «malade psychique » ou « dépressif » et ça fait du bien. « Nous sommes hors du réseau de soins. Cela aide à voir la personne avec une lunette différente : comme un humain
A C T E S
TA_2013.indd 11
&
en souffrance, en lien avec la transcendance ». C’est sur cette notion de transcendance que travaille Nathalie. « Quel est ce Dieu, cette force supérieure qui font que vous êtes là ? Est-ce quelque chose qui vous aide ou qui vous empêche d’avancer et vous étouffe ? » Quand la parole se bloque et que le chemin stoppe net, la diacre propose de travailler autrement. Et c’est là qu’entre en scène l’art thérapie. « On essaie de questionner les résistances. La personne qui a mis en place une protection, une carapace, l’a fait à un moment où il lui était impossible d’agir autrement. A celui qui dit « je suis nul », je ne répète pas qu’il est quelqu’un de bien. Je cherche à savoir ce qui a pu faire naître en lui cette croyance-là. » Choisir le gris pour évoquer les jours d’orage, préférer l’image d’un arbuste à celle d’un chêne pour dire sa faiblesse : l’art thérapie pose des mots sur ce que l’on ressent; Nathalie en est le témoin. « Je n’interprète pas ce que je vois; je donne du poids, de la valeur à l’interprétation que la personne fait de son cheminement. » Toujours avec le même idéal : « Permettre à chacun de s’épanouir dans toutes les dimensions de sa personne. » 4
P A R O L E S
Dix lieux d’écoute en terre vaudoise Depuis 2000, l’Eglise évangélique réformée vaudoise a ouvert dix lieux d’écoute dans différentes région du canton. Une façon d’offrir écoute et soutien à celles et ceux qui sont désireux d’être accompagnés lors d’un temps de remise en question, de doutes ou de traversée d’un deuil. Compléments d’autres formes d’aide (médicale, psychologique, etc.), ces lieux sont animés par des professionnels de la relation d’aide, qui assurent la confidentialité.
www.santesolidarite.eerv.ch
2 0 1 3
17.09.13 17:56
er, c’est ce d gn o oi
Romain s1 2 -10 v6
Δ er nn
Té m
s n e i l s e L 12 t e g n a s u d s r u e l l i a ’ l de A 78 et 48 ans, Louis-François et Nicolas Monnier n’ont pas que la génétique en commun. Le père et le fils ont tous deux passé une partie de leur vie au Mozambique. Entretien croisé entre des envoyés d’époques différentes ayant tous deux répondu à un appel qui les a mis en route.
A C T E S
TA_2013.indd 12
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
UAND IL COMPREND, AU FOND DE SA CAMPAGNE VAUDOISE, QU’IL « DOIT » PARTIR, LOUISFRANÇOIS MONNIER N’A PAS 30 ANS. Il a achevé son école d’agriculture et épousé Josiane. L’appel se précise : ce sera le nord du Mozambique, où l’Eglise presbytérienne du Mozambique (IPM) possède un vaste terrain qu’elle désire mettre au profit de ses membres. « Au village, ma décision a
Q
causé pas mal de surprise. On s’attendait à ce que je reprenne les vignes familiales. » C’est la terre d’Afrique australe que Louis-François va travailler, retourner et comprendre. Pendant deux ans et demi, le couple vaudois vit à Chicumbane, avant de rejoindre Macuvulane, au nord de Maputo, la capitale. Louis-François initie les habitants aux subtilités de la culture agraire, afin qu’ils en tirent un revenu et n’aient pas à immigrer dans les mines d’Afrique du Sud. Mais on n’enseigne pas l’agriculture comme n’importe quelle science. Louis-François en sourit encore : « Je trouvais des ressemblances entre les paysans d’Arnex-sur-Orbe, mon village, et les cultivateurs mozambicains. Un rapport simple avec la terre, une prudence face aux changements proposés, le poids des traditions… » DU CÔTÉ DES ENFANTS Pendant douze ans, Louis-François et Josiane travaillent au sein de l’IPM. Entretemps, deux garçons sont nés, Jean-Louis et Nicolas, ainsi qu’une fille, Isabelle. De cette époque, Nicolas Monnier a des souvenirs d’une « grande liberté ». « Nous vivions dans la brousse, raconte-t-il. Je parlais le tsonga et passais mon temps à jouer avec mes copains, mon frère et ma sœur. Tous les trois, nous avons été marqués par cette période. Chacun a donné une continuité à ce passé. Mon frère a traversé le Mozambique à vélo, ce pays inspire les toiles de ma sœur qui peint et a adopté deux enfants mozambicains. »
A C T E S
TA_2013.indd 13
&
Nicolas, lui, est reparti au Mozambique en 2001. Après une licence en sciences politiques durant laquelle il s’intéresse à l’Afrique, il bifurque vers la théologie, et c’est comme pasteur qu’il rejoint le nord du pays. Il y donne, à la demande de l’Eglise du Christ de Zambézie, des cours de formation continue. Nicolas, Eliane et leurs trois enfants y vivront deux ans avant de rejoindre le Séminaire de théologie de Ricatla, près de Maputo, où Nicolas enseignera. S’il ne parle plus le tsonga, la musique de la langue résonne à ses oreilles comme un air connu. Durant son enfance au Mozambique, ses parents n’avaient jamais appelé la Suisse, «juste un télégramme à la naissances
des enfants »; Nicolas et son épouse sont, eux, en contact régulier avec leurs familles et amis par mail, sms ou téléphone. « Mais à la différence de nos parents qui vivaient près de nombreux collègues missionnaires, nous étions les seuls envoyés de Suisse. » En 1975, à l’indépendance du pays, la famille de Louis-François retrouve Arnex-sur-Orbe. « Nous nous sommes questionnés au sujet de la scolarité de nos enfants. Avions-nous le droit de leur imposer douze ans de vie au Mozambique?» se rappelle le père. Nicolas et sa famille ont passé six ans en Afrique australe. «Au terme de ce temps, j’ai eu le sentiment d’avoir achevé un cycle. Se posait également la question de la scolarité des enfants, âgés alors de 8, 10 et 12 ans. » Si, à son retour, Louis-François a dû attendre cinq ans pour que ses vignes donnent leurs premiers fruits (« heureusement, Josiane, mon épouse, infirmière, a trouvé un emploi »), Nicolas, lui, a repris rapidement son travail en paroisse. Le lien avec le Mozambique perdure et se transmet. L’été dernier, Nicolas et sa famille ont organisé, à l’occasion des 125 ans de l’IPM, un voyage choral. Riche de ces partages, le pasteur yverdonnois dit essayer de ne jamais se dire: «C’est mieux ici ou c’est mieux là-bas; l’autre a beaucoup à nous apporter, même s’il est pris, comme nous tous, dans ses contradictions. » 4
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
ire : 2 Co rin th 8 ns ie
est être gé r c’ né ne
ΔL ux re
et 9
r u e t s a p e L s e t s i r u o t des
Tém oig
14
NOUS « PETIT À PETIT, COMME AVONS ALLIONS AU CULTE, NOUS EC DES ÉTABLI DES CONTACTS AV PROTESTANTS DU COIN. » A C T E S
TA_2013.indd 14
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
Bernois d’origine, le pasteur Beat Abegglen anime la vie spirituelle des cultes et des visiteurs de passage en Valais.
B
EAT ABEGGLEN SE SENT EN MISSION. Pas aux antipodes, mais en terre valaisanne. «Nous
sommes juste de l’autre côté de la Gemmi d’où je viens, sourit le pasteur établi au-dessus de Saxon. Mais c’est un autre monde. Ici, c’est le sud des Alpes et un monde catholique. » Beat Abegglen a franchi cette frontière invisible il y a douze ans. Consacré en 1991 déjà dans la grande Eglise protestante bernoise, il a ensuite été pasteur à Kandersteg pendant une quinzaine d’années. « Un endroit bien connu pour être le lieu d’origine d’Adolf Ogi, non ? Maintenant, je me dis que c’était aussi un peu ma porte d’entrée pour le Valais. »
Son épouse a des soucis de santé, ne supportant plus le climat plutôt humide de la région. Le couple cherche l’exact contraire : du chaud et du sec. « Et naturellement, le Valais central s’est vite imposé. Nous y venions en été. Petit à petit, comme nous allions au culte, nous avons établi des contacts avec des protestants du coin. » Jusqu’à ce qu’on lui propose un poste à Loèche-lesBains. Depuis longtemps, les cliniques y ont une aumônerie à l’intention des curistes. Mais ces cliniques ayant été vendues les unes après les autres à des groupes privés, la fonction d’aumônier a
peu à peu disparu. « Avant mon arrivée, il s’agissait d’un poste à 100%, puis 60% au départ pour moi ; il n’en reste maintenant plus que 20%. » Il lui faut donc inventer autre chose. Et c’est là que Beat Abegglen redécouvre une tradition tout aussi ancienne: si la présence protestante en Valais a accompagné l’industrialisation et le chemin de fer que viennent construire Bâlois et autres Suisses alémaniques, leur seconde porte d’entrée sera touristique. « Les Anglais, qui furent parmi les premiers à découvrir les Alpes, y ont construit des chapelles un peu partout. Gstaad, Wengen, Zermatt ou Saas-Fee en possèdent encore.» Celle de Loèche a dû laisser la place à un grand hôtel. Mais pourquoi ne pas relancer un culte pour touristes dans la station? Grace à un petit noyau de paroissiens fidèles, la cure est vendue au profit de l’acquisition d’un lieu de culte. Ce sera, dans l’hôtel de Ville, l’ancienne... station de police. « Chaque mercredi, nous y organisons une animation pour les gens de passage, touristes ou personnes en cure. Cela fonctionne plutôt bien. Ce ne sont pas tout le temps les mêmes têtes,
A C T E S
TA_2013.indd 15
&
P A R O L E S
mais certaines personnes reviennent, une ou deux fois par année. Du coup, je dis que c’est la plus grande paroisse du pays. » Dans tout le canton, le pasteur a relancé les cultes en station, menacés par un manque d’argent, les puissantes paroisses bernoises qui les finançaient n’en ayant plus les moyens. « Les protestants valaisans ont donc repris cette responsabilité, parce qu’il est important d’assurer une présence. Afin de donner un visage à cette organisation, les premières années, je me suis occupé de la planification. » Dans certains endroits, comme Chandolin, Champex-Lac ou SaasFee, la propriété d’une chapelle permet aux protestants d’y organiser ces cultes touristiques. Ailleurs, on se débrouille, utilisant notamment les églises ou les salles de paroisse catholiques. L’air de rien, cela représente tout de même deux cents célébrations annuelles en station, été comme hiver. « Et à Loèche ou Zermatt, c’est même chaque dimanche », se réjouit le Bernois. Qui ne manque d’ailleurs jamais de solliciter ses anciens collègues cantonaux. « Plusieurs pasteurs retraités viennent régulièrement. Cela nous aide également à répondre aux nombreuses demandes de service religieux. » Pour se passer la bague au doigt sur l’Alpe ou baptiser son enfant lors de vacances dans un bel endroit… 4
2 0 1 3
17.09.13 17:56
4 v 1-
igner, c’es mo ta Té
2 ns
Lire : Phi lip er Δ pi e im
Viviane Maeder est descendue dans la rue il y a bientôt vingt ans. Pas pour y faire son cinéma comme Polnareff, mais pour aller à la rencontre de la souffrance.
s e d s è r p Au e i v a l e d s blessé 16
« J’AI JUSTE ESSAYÉ D’AIMER CES GENS EN ÉTANT MOI-MÊME »
A C T E S
TA_2013.indd 16
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
IER AUPRÈS DES PROSTITUÉES, DES ZONARDS ET DES TOXICOMANES, bientôt du côté des requérants d’asile de la région de Vevey, où elle reprend dès la fin de l’été un ministère Solidarités: à l’approche de la soixantaine, Viviane Maeder, aumônière de rue, reste fidèle à sa volonté d’être
H
«auprès des blessés de la vie», forte de son amour d’une Eglise qui «sort de ses murs et va à la rencontre de la souffrance», comme autrefois Jésus qui rejoignait les marginaux de son temps. Diacre consacrée – elle regrette la volonté du Synode de supprimer «ce lien fort qui m’a toujours rappelé que c’était bien mon Eglise réformée qui m’envoyait » –, Viviane Maeder s’est immédiatement sentie «à sa place» au milieu de ces «enfants qui souffrent.» En 1994, avant même d’obtenir son diplôme, elle demande à rejoindre la pastorale de rue créée à Lausanne par Jan de Haas. «Il m’a dit de venir une journée, et de voir comment cela se passait. J’ai atterri sur les escaliers de Saint-Laurent, puis chez Mère Sofia, avant de passer au CHUV, puisque c’était, hélas, en pleine période d’hécatombe du sida. Je n’avais pas fini ma formation de diacre, j’ai juste essayé d’aimer ces gens en étant moimême.» Une volonté communicative, apparemment, puisque sa fille travaille au Passage, autre lieu des exclus de la capitale vaudoise.
Ce sera donc dans ce contexte peu reluisant pour beaucoup, et en apparence si loin des lieux de culte que l’aumônière va faire «entendre la voix
attitude violente ou provocatrice. Cela dit, il n’y a pas de recette, et je me plante encore, bien sûr…»
du Christ.» Car si Viviane Maeder ne cherche jamais à convertir quiconque, elle se refuse tout autant à avancer masquée. «Je ne fais pas du social. Et il m’est primordial de savoir ce qui m’anime, au nom de quoi je suis là. A La Lanterne, à Neuchâtel, il y a une partie bistrot, mais aussi une chapelle. Et l’on prie, même brièvement, avant un repas.» Elle a également appris la modestie, sait qu’elle «ne peut résoudre toutes les situations», et voit son rôle comme une écoute, un «temps donné gratuitement.» Comme pour le grain planté, difficile de savoir ce qu’il en advient. «A la limite, cela ne m’appartient pas. Je ne raisonne pas en termes de résultat. Je ne donne pas de conseil, je ne fais pas la morale. Je me contente d’être là, témoin de l’amour de Dieu. Et je sais qu’il agit dans les cœurs. La dimension spirituelle surgit d’ailleurs tôt ou tard.»
Après toutes ces années, le milieu de la rue reste prenant, parfois envahissant. L’aumônière reconnaît qu’elle doit de temps à autre prendre un peu de recul, «dire stop en me rappelant pourquoi je suis là. Il y a un équilibre à trouver entre une attitude cool et la volonté de garder ses valeurs. L’important, pour moi, est de demeurer reliée à ma foi en Christ.» Etre authentique, cela s’apprend, et Viviane Maeder rappelle la chance qu’elle a de poursuivre une supervision avec la théologienne Lytta Basset. «Dans la rue, on ne peut pas tricher. Trouver la bonne distance, accepter d’apprendre de ses erreurs suppose d’être au clair dans mon identité de femme et de diacre. Et le chemin n’est pas sans embûches.» 4
Evidemment, le temps a passé. Désormais, Viviane Maeder limite les nuits blanches, respecte ses limites. Son énergie n’est plus la même, elle apprend à ne pas la gaspiller. «Autrefois, j’étais un peu la copine de ces jeunes de la zone. Aujourd’hui, je suis plutôt leur maman. Peut-être que j’ai appris à mieux écouter, à plus facilement déceler ce qui se cache derrière une
A C T E S
TA_2013.indd 17
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
est être g r, c’ én ne
t9 s8e en hi
x Δ Lire : 2 Cor eu in t ér
Tém oig
u Testament en Professeur de Nouvea e uga fait remarquer qu Allemagne, François Vo les r pli sa vie pour rem le Christ ne donne pas ncer la présence d’un no an églises, mais pour s religions et des rêves Dieu qui nous libère de de sainteté. Edifiant !
L’Eglise, 18 ser vante des hommes A C T E S
TA_2013.indd 18
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
ATTITUDE DE JÉSUS APPARAÎT COMME THÉRAPEUTIQUE. Sa parole et ses actes guérissent les gens de leurs infirmités et de leur désespoir. L’évangile de Marc l’a fortement mis en évidence en commençant précisément son récit par «commencement»: le véritable big bang n’a pas eu lieu à la création du monde, mais il survient comme l’événement qui, au milieu de l’histoire, donne à chaque vie humaine identité et sens. Il révèle la reconnaissance inconditionnelle dont chaque personne est l’objet; c’est le sens de la présence du Royaume. Et il appelle à la confiance en cette confiance faite à chacune et à chacun: «Ayez confiance en Dieu !».
L’
Pour vous donner des idées, relisez donc l’évangile de Marc! Vous y découvrirez une attitude de Jésus entièrement attentive à la libération et au bonheur de l’humanité emprisonnée et souffrante. Le Fils de Dieu ne donne pas sa vie pour remplir les églises, mais pour que le lépreux soit réintégré dans son village, pour que le paralytique prenne son lit et reparte en marchant, que le fou retrouve sa famille, que la femme en quête d’identité s’en aille en paix, que la fille de Jaïrus se lève comme femme et mange, que celle de la femme syro-phénicienne puisse tout simplement dormir tranquillement à la maison, que les sourds entendent, que le fils cesse de se détruire et que les aveugles
voient distinctement. La liste n’est pas terminée. Les disciples sont d’ailleurs appelés à le suivre, à prendre le même chemin, pour l’allonger jusqu’à l’infini: annoncer la présence du Dieu de confiance qui règne sur les vies, guérir les malades et chasser les démons, c’est-à-dire détacher les gens des addictions, des esclavages et des dépendances dans lesquelles ils se sont enfermés, croyant sauver leur âme et s’y trouver eux-mêmes. Jésus ne fonde pas un mouvement religieux que nous aurions maintenant vocation de gérer et de défendre sur le marché des croyances. Il atteste au contraire la présence d’un Père céleste, d’un Créateur qui nous libère des religions, des rêves de sainteté qui paralysent et des images du sacré qui séparent les bons des méchants, les purs des souillés de la vie.
«Un goinfre et un poivrot», disaient de lui les gens bien intentionnés: il s’attable, il mange et boit en mauvaise compagnie, observaient les croquantes et les croquants, communion éternellement ouverte à ceux que leur histoire, leur provenance, leur origine ou leurs actes disqualifient. C’est d’ailleurs ce qui, pour l’apôtre Paul, constitue l’Eglise: que chacun s’y trouve accueilli et reconnu, sans conditions, comme personne libre et responsable. Telle est pour lui la véritable présence réelle du Ressuscité que symbolise la célébration de la sainte cène:
A C T E S
TA_2013.indd 19
&
P A R O L E S
que tous se trouvent invités à partager le même pain et à boire à la même coupe, comme les membres solidaires d’un seul corps ouvert sans discriminations à l’universalité de l’humanité. Vous comprenez bien qu’il ne s’agit ni de compassion ni de charité, mais, tout simplement, de respect de soi. De reconnaître que nous savons construire des palais et des cathédrales, mais que nul n’est maître de sa vie. Que le sens du temps qui nous est donné ne peut être produit ni par les appartenances, ni par le confort, ni par notre travail, mais qu’il est offert par l’amour d’un Père céleste qui nous invite à mettre toute notre confiance dans la confiance infinie qu’il fait à chacune et à chacun d’entre nous. On peut ainsi comprendre l’explication des amis de Paul qui nous ont légué l’épître aux Ephésiens: les femmes et les hommes qui ont eu le privilège d’entendre la bonne nouvelle de ce «commencement», de ce big bang qui, au milieu de l’histoire, transforme le quotidien par la reconnaissance et la gratitude, ont reçu du même coup la responsabilité d’édifier le monde qui nous est confié comme un seul corps dans lequel règnent l’amour, la justice et la paix. L’Eglise n’est pas là pour établir sa propre gloire, mais pour être servante, pour le bonheur des hommes. 4
2 0 1 3
17.09.13 17:56
ner, c’est aim oig e
: Philippie ns Lire
2
-4 v1
rΔ
Té m
S « ON NE PEUT PAÉ IÉT CHANGER LA SOC LE UNIQUEMENT PARIN » A TRAVAIL DE TERR
20
A C T E S
TA_2013.indd 20
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:56
n e i t é r h C e h c u a g e d Vincent Léchaire préside la Fédération romande des socialistes chrétiens. Il siège également au Conseil régional Lausanne-Epalinges de l’EERV (Eglise évangélique réformée vaudoise). Un double mandat résumant la double appartenance de cet ancien envoyé de DM-échange et mission.
INCENT LÉCHAIRE EST CHRÉTIEN ET SOCIALISTE. Ou socialiste et chrétien. Pour lui, l’un ne va pas sans l’autre. « Si je devais classer les valeurs chrétiennes par ordre d’importance, je commencerais par solidarité et engagement social. Des valeurs que je retrouve dans mon engagement politique. » Responsable d’un centre pour adolescents, le Lausannois a été élu au Conseil régional de l’EERV pour Lausanne-Epalinges. Deux casquettes qu’il porte avec logique. « On ne peut pas changer la société uniquement par le travail de terrain. Il faut aussi s’investir au niveau politique pour faire évoluer les structures. »
V
Changer la société ? Ni anarchiste ni utopiste, Vincent Léchaire pense franchement que l’on peut réformer en profondeur notre monde et sa façon de penser. « Nous vivons dans le mammonisme (ndlr le dieu Mammon symbolisait le profit). Or l’argent doit être un moyen, et pas un but en soi. » Une idée parmi d’autres pour engager une réforme : mettre bon ordre dans la bourse. « Garder le système des obligations, mais supprimer les transactions à courts termes qui ne servent à rien sinon à enrichir certains. L’idée, c’est de faire en sorte d’évoluer dans une économie durable et solidaire. » Conscient de représenter une minorité - « les socialistes ne sont guère à la mode; les chrétiens, je n’en parle même pas » -, le combat vers plus de justice ne l’effraie pas le moins du monde. « Pour moi, le plus important consiste à résister. J’aime “Le
A C T E S
TA_2013.indd 21
&
Seigneur des anneaux“ car je pense que notre monde a toujours été davantage dans le chaos que dans la construction. Depuis le début de la création du monde, nous sommes face à un Dieu résistant qui tente d’y mettre de l’ordre.» En gardant à l’esprit l’idée de « réunir les forces vives », dans l’Eglise comme en politique, l’éducateur vaudois pense global et agit local. « Conscientiser nos proches, familles et amis, sur l’impact que chacun peut avoir dans le monde, ça commence par là. » Quant à la place des chrétiens au PS, il reconnaît que le côté « bouffeur de curé » des gens de gauche n’a pas disparu en avouant préférer « débattre de valeurs communes avec des personnes anticléricales plus qu’avec des chrétiens aux valeurs opposées » aux siennes. Débattre, innover, trouver des issues : le futur se construira ensemble, dit-il, «les mouvements politiques, religieux ou autres défendant les mêmes valeurs doivent pouvoir s’unir ». Si sa foi lui permet de ne pas « rester bloqué dans une idéologie », Vincent Léchaire n’est pas tombé dans le chaudron spirituel quand il était petit. « Baptisé à 23 ans, ma conversion chrétienne m’a amené à la solidarité. Ma conversion politique, elle, m’a conduit à l’humanisme. » Puiser dans la foi pour recevoir la paix, la liberté, un sens à la vie, une force et une espérance, voilà son credo. « Franchement, ce sont des choses que plein de gens recherchent, non ? Et après ça, que l’on ne me dise pas que le christianisme est dépassé ! ». 4
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
, c’est être ner g ig
s 8 et 9 ien th in
ux Δ Lire : 2 Co ére r én
Depuis 2001, la Genevoise Micheline Gueissaz anime des célébrations en EMS. Des moments de partage qui la relient aux autres et à l’essentiel.
Tém o
Du pain et du temps 22
Quand la célébration compte une Cène, la Genevoise commence par pétrir le pain du repas tout en malaxant intérieurement les textes qu’elle a choisis. « J’aborde tous les thèmes, y compris
ES PERSONNES ÂGÉES, MICHELINE GUEISSAZ A TOUJOURS BIEN AIMÉ. Petite, elle se souvient des soins de ses grands-parents, oncles et tantes, «qui m’ont davantage dorlotée que ma mère, sans doute ». Du coup, quand la paroisse de la Servette où elle a ses habitudes lui demande si elle serait partante pour des célébrations en EMS, Micheline n’hésite pas une seconde. Il faut dire que se pencher sur les textes bibliques ne lui fait pas peur : la théologie l’interpelle et la met « en route ». « J’ai fait de la théologie sur le tas avec les professeurs pour lesquels je travaillais au Centre protestant d’études, racontet-elle. Un virus qui ne se soigne que par la lecture des textes bibliques, bon nombre de séminaires, de réflexion solitaire et des cures régulières de silence. »
ceux du calendrier, Pâques, Avent, Noël. Et je m’adresse aux personnes âgées comme à vous : je refuse d’être bêtifiante et de m’exprimer différemment. » Bien sûr, l’âge est là – entre 85 et 95 ans –, certains s’assoupissent. Et pourtant, le courant passe. « C’est amusant, ceux et celles qui donnent l’impression de dormir posent fréquemment des questions à la fin. » L’officiante choisit sciemment des textes bibliques tirés de deux versions différentes. « Ceux qui le remarquent entendent autrement des paroles connues. Les autres retrouvent la musique des mots dans la version qu’ils connaissent. »
C’est dit. Et voilà cette jeune grand-maman qui se retrouve impliquée dans une équipe d’animation œcuménique et assure un temps de célébration dans deux résidences, Les Lauriers et La Poterie, pour des groupes allant de six à une vingtaine de personnes. Avant de vivre ces moments, elle les prépare, « cela me prend joyeusement une journée pour trente minutes de célébration », souffle-t-elle dans un sourire. On l’a compris, Micheline Gueissaz reçoit autant qu’elle apporte, si ce n’est plus, déjà au moment des préparatifs.
Que recherchent-ils durant ces moments ? Sans doute les souvenirs de temps passés devant Dieu. Des moments de silence, de prière, de musique, une ambiance. « Les personnes âgées ont un passé, des expériences de vie, heureuses et malheureuses. Personnellement, j’essaie toujours d’être la plus positive possible, raconte Micheline Gueissaz. Dieu, c’est pour tout le monde, ici et maintenant. Le jugement dernier ? Je crois que nous passerons tous au creuset de l’amour de Dieu et que nos parts d’ombre seront jetées au feu. Vous savez, quand je dis ça, hop, les yeux s’ouvrent ! »
L
A C T E S
TA_2013.indd 22
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
« C’EST AMUSANT, CEUX ET CELLES QUI DONNENTIR L’IMPRESSION DE DORM DES POSENT FRÉQUEMMENT QUESTIONS À LA FIN.»
Forcément, la mort n’est jamais très loin. Une visite à l’un, une discussion ou un repas avec une autre : certains ne seront plus là lors du prochain passage. Elle grimace. « Quand je me sens plus proche, émotionnellement, c’est plus dur. » Lorsque Micheline voit des personnes agitées repartir sereines, elle dit que cela lui apporte beaucoup. « Je reçois leurs regards. Je les remercie de me permettre de partager ce moment avec eux. » Parfois, les mots sont superflus. Comme avec cette dame qui se plante chaque fois devant Micheline, pose les yeux sur la croix huguenote qui se balance à son cou, murmure le Notre Père et puis s’en va. 4
A C T E S
TA_2013.indd 23
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
: Philippi Lire en s2
ner, c’est aim oig m
-4 v1
Δ er
Té
24
, t n a l l i r b t Mon r u o p e c a un esp rayonner De gauche à droite : Laurence Mottier, Sœur Caroline Clarisse, Anne-Christine Menu-Lecourt et Katharina Vollmer Mateus
A C T E S
TA_2013.indd 24
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
A Genève, trois communautés se sont regroupées pour partager une partie de leurs activités. Etat des lieux avec Laurence Mottier et Anne-Christine Menu-Lecourt, pasteures, l’une pour les personnes handicapées et l’autre pour les personnes sourdes et malentendantes.
EST L’HISTOIRE D’UNE PAROISSE DONT LES EFFECTIFS FONDAIENT AU FIL DU TEMPS. Que faire ? Vendre le bâtiment ? Ou vivifier les lieux et remettre sur pied des célébrations ? Alors que la paroisse de Montbrillant, non loin de la gare Cornavin, allait être mise sous tutelle – son conseil ne comptait plus que trois membres –, une commission a réfléchi à son avenir. C’est là qu’entrent en scène la pasteure du lieu, Katharina Vollmer Mateus, ainsi que Laurence Mottier et Anne-Christine Menu-Lecourt, toutes deux pasteures réformées engagées au sein de la Communauté œcuménique des personnes handicapées et leurs familles (COPH) et la Communauté des sourds et malentendants de Genève (CSMG), et l’aumônier catholique Jacques Fornerod. C’était en 2010.
C’
Mandatés par leur conseil respectif, pasteures et aumônier imaginent le potentiel d’une mise en commun des forces, mais aussi des faiblesses de chacun. « Nous étions sûrs d’un élément : l’envie de faire quelque chose ensemble », raconte Laurence Mottier. Avant de démarrer le projet, les conseils se côtoient lors de deux retraites, pour prier et partager. Arrondir les angles aussi et exprimer les éléments sur lesquels les uns et les autres ne transigeraient pas. « Il y avait une certaine naïveté, sourit Laurence Mottier. On s’est dit : « Vivons notre foi ensemble et regardons ce qu’il en ressort ! » On n’a pas forcément réalisé à quel point on était différent. » Un exemple ? La musique. Un must pour les personnes handicapées qui apprécient énormément ce mode d’expression, mais que les personnes sourdes et malentendantes chérissent moyennement. Concrètement, on commence par installer une sonorisation digne de ce nom, indispensable pour les personnes
A C T E S
TA_2013.indd 25
&
malentendantes, et une rampe d’accès pour les chaises roulantes, essentielle aux personnes handicapées, aménagements financés par des dons importants. En novembre 2010 a lieu la première célébration « tous ensemble ». « C’était extraordinaire, se souvient Anne-Christine Menu-Lecourt. Des moments très, très forts. On a su que ça allait marcher ». Pour les paroissiens de Montbrillant, pas évident pourtant de se sentir concernés sans avoir le sentiment d’être envahis par ces dizaines de nouveaux membres. « Les personnes handicapées peuvent effrayer quand elles ont des gestes brusques incontrôlés, qu’elles crient pendant un temps de prière ou alors ne peuvent pas parler », souligne Laurence Mottier. Cette dernière n’anticipe pas les questions, mais y répond, en expliquant les codes des personnes handicapées, les autres façons d’être au monde. Garder un esprit d’ouverture. Se questionner sur l’être et le faire autrement. C’est à ce genre de défis que s’attelle l’Espace Montbrillant. Peu avant Pâques, le thème d’un atelier créatif – évidemment traduit en langage des signes – était « Jésus, jardinier de mon cœur ». Chacun a garni un panier de terre, de graines, de fleurs. « Les gens se donnaient des coups de main, on a amené ces paniers lors d’une célébration, et c’était un beau moment, évoque Anne-Christine Menu-Lecourt. Ensemble, on apprend à communiquer autrement que verbalement, sur le mode manuel par exemple. » Et Anne-Christine d’avouer que la spontanéité de certains paroissiens lui manque lorsqu’elle assiste à un culte ailleurs… « Les personnes handicapées réagissent, elles interrompent le pasteur, rebondissent, c’est génial! Spirituellement, elles nous mettent en marche! » 4
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
4 v 1-
igner, c’es mo ta Té
2 ns
Lire : Phi lip er Δ pi e im
l i a v a r t n u « C’est » ! s n e s t i qui fa Résidente et animatrice, Rosmarie Ryser gère le Centre, un lieu qui accueille les bureaux et locaux de l’Eglise française de Bâle, mais aussi des chambres et des appartements. Elle raconte cet espace où elle travaille depuis vingt-sept ans aux côtés de son mari Jean-Michel, sacristain et concierge.
26
QUAND L’ÉGLISE FRANÇAISE DE BÂLE A-T-ELLE OUVERT LE CENTRE ? Rosmarie Ryser : En 1974, année de la construction des lieux. Le Centre compte vingt-sept appartements pour des personnes âgées dès 60 ans et vingt et une chambres pour des jeunes jusqu’à 30 ans. Ce sont fréquemment des élèves de l’école de musique qui se trouve de l’autre côté de la rue, ainsi que des universitaires.
QUELLE DIFFÉRENCE Y A-T-IL ENTRE CE TYPE DE LOGEMENT ET UNE RÉSIDENCE “NORMALE”? Disons que la différence principale, c’est l’échange avec les locataires. Je suis sur place pour aider ceux qui ont besoin d’être aiguillés. On organise des repas communautaires, tantôt pour les jeunes, tantôt pour les personnes âgées, et cela marche bien. Ce sont des moments que les résidents apprécient beaucoup.
POUR QUELLE RAISON L’ÉGLISE A-T-ELLE OUVERT CE LIEU ? Au départ, on imaginait qu’il y aurait interaction entre les jeunes et les personnes âgées. Dans les faits, cela se produit rarement. Reste que le Centre fonctionne très bien, dans la mesure où nous avons en permanence des personnes en liste d’attente.
L’ÉGLISE N’EST PAS LOIN : LES HABITANTS DU CENTRE PARTICIPENT-ILS AUX CULTES ET AUX AUTRES ACTIVITÉS DE LA PAROISSE ? Cela arrive, oui, mais ce ne pas une majorité, car nos locataires appartiennent à toutes les confessions.
QUELLE EST LA DURÉE DE SÉJOUR DE VOS LOCATAIRES ? C’est très diversifié. Un semestre ou deux pour les étudiants, plusieurs années pour les personnes âgées.
QU’EST-CE QUI VOUS MOTIVE, DEPUIS VINGT-SEPT ANS ? Je considère mon travail comme un service. Il fait sens dans l’aide et l’accueil de l’autre. Ainsi, au Centre, par exemple, nous donnons des coups de main aux personnes âgées, afin qu’elles puissent y demeurer le plus longtemps possible. 4
www.erk-bs.ch/kg/eglise
A C T E S
TA_2013.indd 26
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
A C T E S
TA_2013.indd 27
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
6-10
igner, c’est mo c Té
2v s1
ner Δ Roma on in ed
Journaliste, Aline Gagnebin a bifurqué vers le catéchisme et l’animation Terre Nouvelle pour la région de Berne-Jura-Soleure. Avec bonheur.
De la télé au caté 28 OOK SPORTIF DÉCONTRACTÉ ET ALLURE JEUNE, ALINE GAGNEBIN N’A PAS FORCÉMENT LA TÊTE DE L’EMPLOI. Son métier est de toute manière unique en Suisse romande : catéchète professionnelle. «J’ai appartenu à la première volée qui a terminé en 2008. L’Eglise était devenue une partie trop importante de ma vie, à laquelle elle a toujours appartenu, pour ne pas me lancer.»
L
Comme sa taille de sylphide le laisse supposer, cette quadra est une sportive accomplie. Au moment de s’engager professionnellement dans les paroisses du Par8 (syndicat de huit paroisses), Aline Gagnebin avait d’ailleurs fait du sport la matière première de son métier : elle travailla au Télétext et au service des sports de la Télévision suisse romande. A l’époque, les femmes n’étaient pas très nombreuses à faire du
A C T E S
TA_2013.indd 28
&
journalisme sportif. «Il fallait être mordue, et je l’étais. Petit à petit, je me suis imposée, même si certains restaient à la limite de me demander si je connaissais la règle du hors-jeu.» Peu à peu, Aline Gagnebin se sent appelée à la prise d'un ministère. « Je sentais que mes centres d'intérêt se déplaçaient irrémédiablement dans cette direction. Les émissions religieuses? Pourquoi pas, mais je me voyais plutôt quitter le journalisme pour un poste en Eglise. J'ai entendu parler de cette nouvelle formation, et je me suis lancée. » La fonction de catéchète professionnel correspond en général à du temps partiel. Quarante pour cent, dans le cas de cette Bernoise qui s'y consacre dans le Par8 et dans la paroisse des Franches-Montagnes. « J'ai principalement des adolescents
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
entre la 7e et la 9e année ; j'aime beaucoup travailler avec eux, peut-être parce que mes propres enfants sont eux-mêmes grands, 22 ans et 19 ans. » Evidemment, Aline Gagnebin sait bien que l’attachement à la communauté réformée demeure plus fort dans son coin de campagne. Dans son village de Tramelan, plusieurs communautés évangéliques et charismatiques sont installées. « Les évangéliques proposent une approche de la foi indéniablement plus sexy pour les jeunes. Cela ne nous empêche pas de bien collaborer. » Si elle envie leur forte implication communautaire et « le côté joyeux » de la théologie évangélique, la Bernoise reste attachée à une "théologie de réflexion" et à la liberté protestante plutôt qu'au dogmatisme. « Vivre quelque chose ensemble dans la convivialité et le partage m'apparaît plus important qu'un enseignement pur et dur. » Camps, tournois de football ont donc autant leur place dans son programme que des
A C T E S
TA_2013.indd 29
&
retraites à Taizé. Mais Aline Gagnebin a une autre corde à son arc ecclésial, puisqu’elle assure aussi le poste d’animatrice Terre Nouvelle. « Mon oncle était missionnaire. Petite, j’ai fait beaucoup
de camps avec l’Espoir romand. On parlait beaucoup des pays du Sud et du sens de notre présence là-bas. Je dirais que, pour moi, aider l’autre où il se trouve, c’est vivre pleinement l’Eglise. » Pas de recette magique pour renforcer la présence de l’Eglise dans la société. Son poste salarié à lui seul indique « le vrai effort réalisé par notre région auprès des jeunes. Néanmoins, personnellement, je demeure profondément attachée à la liberté réformée, et je ne suis pas prête à tout faire pour grossir les travées du dimanche. Avec mes collègues, notre but n’est pas d’évangéliser, plutôt de donner des pistes, de semer des graines. Et si certains restent, c’est peut-être précisément parce qu’on ne leur a pas donné le sentiment de les retenir à tout prix. » 4
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
sa foi, c’ es r de t ne
1v7 hée ot m
ngard Δ 2 s ri Ti pa
Tém oig
Pasteur de la paroisse protestante de Casablanca, le Français Samuel Amedro préside également l’Eglise évangélique au Maroc (EEAM). Cet envoyé Cevaa parle de ses paroissiens, d’exil et de justice sociale. Interview.
30
s e m m o s s « Nou c e v a s e r i a solid » s t n a r g i m s le A C T E S
TA_2013.indd 30
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
QUI SONT LES PAROISSIENS DE L’ÉGLISE ÉVANGÉLIQUE AU MAROC ? Samuel Amedro : Au cours des années, ils ont changé. Pour commencer, disons que l’Eglise évangélique au Maroc a été fondée par des Européens réformés français et suisses. Il reste quelques très vieilles familles, de moins en moins nombreuses et disséminées dans tout le pays. Dès les années 90, des étudiants subsahariens sont arrivés, venus pour obtenir des diplômes de qualité supérieure à ce qu’ils pouvaient espérer dans leur pays et une éventuelle opportunité de passer en Europe. Désormais, les étudiants forment entre 60 et 70% du corps de l’Eglise. La plupart sont là pour un séjour de deux ou trois ans, ce qui amène un renouvellement constant des membres et une difficulté à construire dans la durée. Mais certains paroissiens se sont installés ici, se sont mariés et ont trouvé un travail. Ils forment maintenant les cadres de l’Eglise. Depuis les années 2000, nos rangs se sont garnis de migrants en situation irrégulière qui caressent le rêve de passer en Europe. Ils fuient la guerre, la misère ou la dictature dans leur pays. Chaque soubresaut en Afrique amène son lot de migrants. Enfin, derniers arrivés, nous voyons de plus en plus de « touristes médicaux » : des malades de toute l’Afrique subsaharienne qui désirent se faire soigner ici au Maroc et bénéficier de la médecine européenne. Tout cela compose l’EEAM, une Eglise jeune
composée de plus de quatre-vingt-dix nationalités et de toutes les composantes du protestantisme. QUE PENSEZ-VOUS QUE L’ÉGLISE APPORTE AUX MIGRANTS ? Ici, au Maroc, nous sommes tous des migrants, vu que l’Eglise n’est pas composée de Marocains, mais uniquement d’expatriés. Du coup, il est difficile, voire impossible, de trier et de savoir qui est en situation régulière et qui ne l’est pas. Ce n’est pas notre rôle et cela ne nous intéresse pas. Cela dit, nous croyons que l’amour du Christ nous envoie pour remettre debout tous ceux qui se trouvent à terre. Nous refusons de juger le rêve de ces migrants: nous ne sommes pas là pour penser à leur place ou essayer de les dissuader de s’exiler. Ils sont ici, et nous voulons juste les aider à se relever s’ils sont blessés et abîmés. Nous souhaitons partager avec eux les petits moyens qui sont les nôtres, pour qu’ils trouvent dans l’Eglise un lieu où personne ne les juge ni ne leur demande de justifier leurs choix. Nous sommes là ensemble, et nous partageons avec eux un petit bout de route que nous espérons lumineuse et réparatrice. QUE PENSEZ-VOUS DE LA FAÇON DONT LES EUROPÉENS QUE NOUS SOMMES CONSIDÈRENT LA MIGRATION? L’Europe exporte et externalise au Maroc ses peurs et ses exigences de sécurité. Par ses accords de réadmission, par une politique uniquement sécuritaire, par sa police Frontex, par le refus constant de délivrer des visas, l’Europe montre qu’elle a peur. Alors, elle paie très cher sa tranquillité et son rêve de sécurité, à coup de millions d’euros chaque
A C T E S
TA_2013.indd 31
&
P A R O L E S
année. Ce faisant, elle n’a pas conscience qu’elle participe au même rêve de sécurité que les migrants. Eux aussi ont peur, eux aussi rêvent de sécurité et eux aussi paient leur rêve très cher. Personnellement, je pense que les Européens ont raison d’avoir peur: pour le moment, l’Afrique subsaharienne vient quémander et mendier son rêve de sécurité en tendant la main. Mais il arrivera un jour où ces gens que je croise tous les jours iront chercher de force ce qu’on refuse de partager avec eux. Ce que l’Europe ne veut pas voir, c’est que les murs ne peuvent pas monter jusqu’au ciel. Il est impossible, à terme, de ne laisser passer que les matières premières, l’argent et les cerveaux. Un jour se lèvera où ces gens viendront prendre en tendant le poing. QUE POURRAIT FAIRE L’ÉGLISE DE PLUS – OU DE MIEUX – D’APRÈS VOUS ? A mon humble avis, les choses ne se jouent pas dans le « faire », mais dans « l’être » de l’Eglise. L’une des marques essentielles de l’être profond de l’Eglise, c’est son universalité. L’Eglise du Christ est universelle, ou elle n’est pas. Elle ne connaît pas de frontières dans le temps et dans l’espace. Nous sommes ensemble solidaires et membres d’un même corps. Cela signifie à mes yeux que ce que nous vivons ici, en tant que toute petite et insignifiante Eglise évangélique au Maroc confrontée à ces questions qui nous dépassent devrait avoir des répercussions directes sur ce que vous vivez et sur ce que vous prêchez, vous qui êtes membres des grandes Eglises officielles de la vieille Europe. Il me semble que notre protestantisme a souvent été pointé du doigt à juste titre pour ses lacunes dans ce domaine. 4
2 0 1 3
20.09.13 09:32
a foi, c’e st de s p er
7 e 1v hé ot
gard Δ 2 T rin im as
Témo ign
32
r u o p r e p Rap r e n g i o tém A C T E S
TA_2013.indd 32
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
Ils rappent pour le Christ. Elimelek, c’est quatre jeunes étudiants de Fribourg dans un collectif convaincu.
L Y A BÉNI NGONDE, CONGOLAIS, ALIAS YOUNG BLESS’ED, 20 ANS, PHILIPP KROPF OU P2KSOJ, 18 ANS, ET SON FRANGIN GREGORY APPELÉ UN ! que, 17 ans. Le quatrième, c’est Filipe Costa, ou Eliakim, 22 ans. A eux tous, ils forment Elimelek, un groupe de rap engagé qui rappe à « cœur ouvert ».
I
En français, schwytzertütsch, anglais ou lingala. Avant de rapper ensemble, Béni et Filipe n’étaient pas les meilleurs amis du monde. « Puis nous nous sommes convertis, parlé une fois sur Facebook, et j’ai invité Béni à venir au groupe de jeunes, ici, au Schönberg », raconte Filipe. C’était il y a trois ans. Philipp et Gregory, eux, jouaient déjà un peu ensemble. « On avait trouvé un programme à 20 dollars pour rapper et on s’y est mis », racontent les deux frères. Bref, de fil en aiguille, les quatre garçons se sont retrouvés derrière des micros et Elimelek a balbutié ses premières rimes. Ce n’est pas un hasard si Béni et Filipe viennent tous deux du quartier populaire du Schönberg, un lieu classé violent, qui sera relié en 2014 au reste de la ville par le gigantesque pont de la Poya. « Ici, il n’y a rien à faire à part la musique et le sport, explique Béni. Il y a un côté banlieue, mais bon, on est en Suisse, on est bien. » Filipe tempère : « Certains sont en colère et ils ont des raisons de l’être. » Un exemple ? Le racisme, dont les racines résistent à l’arrachage. « Parce que la justice n’est pas toujours très juste quand on est black». Mais bon, aujourd’hui, les petits gars sont loin de ces histoires : « On est tranquille ».
TRANQUILLES, MAIS VIBRANTS « Ça fait mal. Qui nous apportera l’espoir ? » « Celui qui est en moi » « Tout ce qu’il fait, c’est beautiful. » « C’est beautiful de vivre une vie nouvelle ». Dans ses textes, Elimelek appelle un chat un chat et Dieu papa. « Nous rappons pour parler ce que nous vivons sans porter un masque. Nous voulons surtout dire ce que nous avons dans le cœur. » Autour d’eux, dans l’Eglise en particulier, leur rap n’a pas séduit d’emblée. « Le pasteur n’était pas fan, mais petit à petit, il a remarqué que Dieu travaillait via nos chants. » Et il n’est pas le seul : plusieurs de leurs auditeurs disent pareil, « écouter nos chants, ça les aide. » Alors Gloire à Dieu, comme ils disent ! Ils rappent ensemble ou en solo, des mixtape (compilations de plusieurs titres) à écouter sur le web. Si l’un ou l’autre a un projet, le groupe le soutient, par sa voix et ses prières. « Chacun écrit ce qu’il chante. On ne fait pas de la théologie. On a plutôt tendance à se retrouver dans les textes les uns des autres.» Le futur se dessine bien. Elimelek continue à mixer ses titres au Centre d’animation du Jura, à Fribourg. « Donc ça ne nous coûte rien, mais on était soutenu pour financer le CD. » Derrière eux, il y a d’abord leurs parents, depuis le début. Une chance. « On s’est aperçu que nos mamans priaient ensemble pour nous quand on était petits », sourient Filipe et Philipp. Le monde est petit et Dieu est grand. « On fait ça vraiment par la foi, parce qu’on croit que Dieu a quelque chose à transmettre à travers nous. » 4
Site internet: https://soundcloud.com/elimelek-officiel
A C T E S
TA_2013.indd 33
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
sa foi, c ’es r de t ne
ée 1v7 oth m
ngard Δ 2 s ri Ti pa
Directeur de Médias-pro, le Département protestant des médias, Michel Kocher est journaliste et pasteur. Il évoque la situation des Eglises réformées dans les médias.
Tém oig
«Le service public nous demande un regard sur la société »
34
COMMENT L’ÉGLISE APPARAÎTELLE DANS LES MÉDIAS ? Michel Kocher: Plutôt bien! D’une façon générale, les Eglises réformées bénéficient d’une certaine sympathie médiatique. D’un côté, on parle beaucoup du pape, de scandales liés à la pédophilie et de l’autre, on évoque l’extrémisme de courants évangéliques. Au milieu de cela, les protestants rassurent plutôt et génèrent une forme de bienveillance. On était nettement plus malmené auparavant. Il y a vingt ans, je me suis entendu dire que je n’avais pas ma place à la radio. Je me disais: «On va se faire jeter!» QU’EST-CE QUI A CHANGÉ ? En premier lieu, le rôle de l’Eglise dans la société, où elle a perdu de l’importance. A la radio, les émissions religieuses ont connu trois périodes. Il y a eu, au départ, des pasteurs à l’antenne, comme dans la Minute œcuménique. Puis l’information religieuse a été présentée de façon institutionnelle par des laïcs. Aujourd’hui, des journalistes RP présentent les faits religieux avec une indépendance journalistique. Et c’est ce que le service public nous demande: proposer un regard sur la vie ou sur un sujet de société. Offrir un angle différent et pertinent sur la société qui nous entoure.
EN JUIN, VOUS AVEZ SIGNÉ UNE CONVENTION AVEC LA RTS. QUE SIGNIFIE-T-ELLE ? Symboliquement, c’est un signe fort qui reconnaît notre travail. Depuis quelques années, la dimension interreligieuse a pris une place importante dans les émissions. Le label RTSreligion a d’ailleurs été créé pour incarner cette évolution. Cette nouvelle convention répartit plus clairement les prestations des partenaires que sont Médias-pro et le Centre catholique de radio et télévision. Ces derniers assument les coûts éditoriaux liés aux offices religieux, alors que la RTS finance les prestations techniques et participe aux coûts éditoriaux des magazines. DANS LA PRESSE ÉCRITE, COMMENT SE PORTE L’IMAGE DU PROTESTANTISME? L’agence de presse Protestinfo est bien suivie, en particulier sur les médias sociaux. Quant aux Vie protestante, journaux des Eglises cantonales, les choses vont changer. La demande des Eglises protestantes est de travailler sur un journal romand. En bref, il comportera deux volets, une partie romande, une autre régionale ou cantonale. Ce journal sera pensé pour le web. Au plan du lectorat, ce sera un poids lourd: près de 300’000 lecteurs, si l’on additionne les lecteurs des différentes VP et autres Bonne Nouvelle. 4
A C T E S
TA_2013.indd 34
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
Théologien, Nicolas Friedli est également spécialiste du web. Sur son blog – theologique.ch –, on parle de web et de théologie. Il éclaire notre lanterne sur la relation entre Eglises et médias sociaux.
« Etre présent sur les réseaux ? C’est une question d’attitude ! » LES ÉGLISES ONT-ELLES PLUTÔT UNE LONGUEUR D’AVANCE OU DE RETARD EN MATIÈRE DE MÉDIAS SOCIAUX (FB, TWITTER) ? Nicolas Friedli: Elles sont dans la «moyenne institutionnelle». Elles s’intéressent aux médias sociaux, parce que ceux qui les composent les utilisent à titre personnel et comprennent qu’il s’y passe quelque chose. Mais on peut ajouter, globalement, qu’elles ne s’intéressent pas assez à ce qui s’y passe.
QUELS BÉNÉFICES POURRAIENT-ELLES EN RETIRER ? Justement, avant de penser à leurs bénéfices, les Eglises feraient peut-être bien de penser à ceux de leurs paroissiens et de la population. A partir du moment où une institution comprend que les réseaux sociaux ne sont pas un simple média pour apporter son message, frontalement, elle n’aura aucune peine à imaginer des présences pertinentes: partage par le haut comme par le bas, conseil rapide et personnalisé, service après-vente 24 heures sur 24, etc.
POURQUOI S’INTÉRESSENT-ELLES À CE TYPE DE MÉDIAS ? Au fond, l’intérêt des Eglises sur les réseaux sociaux est purement utilitaire. Elles espèrent toucher plus de monde, à moindre coût, en particulier les jeunes. Mais elles n’appréhendent pas encore, parce qu’elles sont des institutions, que ces médias fonctionnent différemment d’elles et qu’elles ne peuvent pas les utiliser comme les «anciens» médias. Elles doivent concevoir les bouleversements qu’ils véhiculent, pour être à même de les utiliser pleinement.
DE QUELLE FAÇON DEVRAIENT-ELLES Y ÊTRE PRÉSENTES? Etre présent sur les réseaux, c’est avant tout une question d’attitude, de déchiffrage des codes et du langage. Le nombre de réseaux fréquentés et la quantité des publications ne disent rien de la capacité d’une institution à entrer vraiment en relation. Le problème pour les institutions (toutes, pas seulement les Eglises), c’est que le fonctionnement de ces réseaux est parfaitement opposé à ce qu’elles sont: modèle hiérarchique contre réseau a-hiérarchique, centralisation contre décentralisation, processus de validation contre immédiateté, communication frontale contre communication multidirectionnelle. C’est la capacité, en tant qu’institution, à
A C T E S
TA_2013.indd 35
&
P A R O L E S
saisir et à intégrer ces conceptions a priori contraires qui permet d’évaluer l’aptitude à être «bien présent». SI L’ON PARLE DES CHRÉTIENS AU SENS LARGE, SE SERVENTILS FACILEMENT ET SOUVENT DES MÉDIAS SOCIAUX? ET SI OUI, POURQUOI ET DE QUELLE FAÇON? Je pars du principe que les chrétiens vivent dans notre monde de la même manière que les non chrétiens. Ils utilisent les mêmes outils, aussi bien, aussi souvent. Les chrétiens sont efficaces sur les réseaux, non parce qu’ils sont chrétiens, mais parce qu’ils sont des individus qui s’adaptent vite et bien au monde contemporain. C’est à l’opposé des institutions qui peinent, non parce qu’elles sont Eglises, mais parce qu’elles sont institutions! 4
2 0 1 3
17.09.13 17:57
Romains 12 v
6
est ce do nn r, c’ ne
0 -1
Δ er
Fin connaisseur de la vie ecclésiale africaine, le pasteur Jean-Blaise Kenmogne, docteur en droits de l’homme et directeur général du CIPCRE (Cercle international pour la promotion de la Création) partenaire de DM-échange et mission basé au Cameroun, donne sa vision de la mission de l’Eglise en Afrique. Prophétique.
Tém oig
Un Evangile pour une civilisation d’humanité 36
A C T E S
TA_2013.indd 36
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
IER, L’EGLISE AFRICAINE AVAIT ESSENTIELLEMENT POUR MISSION DE CONVERTIR LE PLUS GRAND NOMBRE DE PERSONNES POUR EN FAIRE DES FIDÈLES. J’estime que de nos jours, cette posture doit fondamentalement évoluer pour prendre en compte l’exigence de transformation qualitative de notre société.
H
Après de longues décennies d’un discours pessimiste sur l’Afrique, une mutation de fond est en train de s’opérer dans l’image qu’a le monde des perspectives globales du continent. Au catastrophisme économique qui voyait les peuples africains couler à pic à plus ou moins brève échéance succède un optimisme mesuré qui augure d’une nouvelle ère: celle des tigres économiques d’Afrique capables d’attirer des investisseurs de plus en plus nombreux et de plus en plus confiants.
La société elle-même bouge dans le bon sens, portée par des espoirs qu’incarnent les dynamismes des mouvements civiques et la parole libérée des populations en quête de nouvelles espérances et de possibilités de vie. Tout cela est très fragile encore mais constitue une réalité avec laquelle il faut compter. Au fond, on peut dire que l’Afrique est aujourd’hui dans un combat pour l’espoir, avec toutes les chances de s’ouvrir de nouvelles routes d’avenir politique, économique et social féconds. C’est au cœur de ce combat d’espoir qu’il convient de placer la vision à promouvoir sur la mission de l’Eglise en Afrique aujourd’hui. LA PAROLE D’UNE EGLISE PROPHÉTIQUE Cette mission est celle de la puissance d’un Evangile annoncé en tant que pouvoir de transformation profonde et positive de l’Afrique, en fonction des grands rêves africains d’aujourd’hui. La parole de Dieu proclamée dans cet élan pour la transformation globale de la société devrait être celle qui s’articule sur trois forces de changement : La force d’une théologie de la guérison réussie. Faire prendre conscience à chaque Africain, à chaque Africaine qu’il est guéri par le Christ. Il est guéri de toutes les cécités, de toutes les paralysies, de toutes les surdités, de toutes les pathologies psychiques
A C T E S
TA_2013.indd 37
&
P A R O L E S
et de toutes les impuissances qui l’empêchaient de prendre conscience de ses pouvoirs réels. Les pouvoirs de se changer, de changer la société et de s’engager dans la construction d’un autre monde possible. Une telle théologie n’est pas celle d’une attente, mais la certitude que l’Afrique est guérie, vraiment, et qu’elle doit se prendre en charge comme un continent guéri. Le Seigneur lui a déjà dit: «Lèvetoi et marche», «Ta foi t’a sauvée». Fécondée par cette dynamique de guérison, l’Afrique doit se mettre en route vers «la vie en abondance». Loin des lamentations sur les maux que les peuples africains subissent de la part de l’ordre mondial, l’Afrique guérie est tenue de contribuer à ce que le continent devienne un autre monde possible. La force d’une théologie de la résurrection irréversible de l’Afrique. La mutation actuelle du continent africain vers des horizons de nouvelles espérances s’interprète théologiquement en termes de résurrection: le passage à une nouvelle vie que Dieu donne à un continent longtemps meurtri, déshumanisé, cassé dans ses ressorts créateurs et brisé dans son élan vital. Ce continent, «Dieu l’a ressuscité», avec des exigences de résurrection et des pouvoirs de résurrection. S’il y a un discours que l’Eglise comme énergie prophétique doit tenir en Afrique, c’est ce discours-là,
2 0 1 3
17.09.13 17:57
non pas comme une attente ou une espérance, mais comme une réalité vécue ici et maintenant.
38
La force d’une théologie de la pentecôte africaine, ici et maintenant. L’Esprit de Dieu est sur l’Afrique, et son souffle la met en mouvement pour une grande mission dans le monde: annoncer un nouveau monde possible de bonheur partagé, de libération intégrale, des identités généreuses et de la vie heureuse. Du fond de ses souffrances historiques et de ses appauvrissements anthropologiques, de ces tombeaux d’où elle est sortie et dans lesquels elle ne rentrera plus jamais, l’Afrique doit faire rayonner son nouveau rêve et le nouveau rêve du monde: l’humanité éthique nourrie par une énergie spirituelle qui renouvelle la face de la terre. DES ACTES D’INSTITUTIONS PROPHÉTIQUES POUR UN AUTRE MONDE POSSIBLE Les trois lignes de l’Evangile prophétique telles que je les ai définies sont des lignes d’action. Si ce dont on est guéri est la cécité, la paralysie, les chaînes psychiques et toutes sortes de maladies, il est clair que l’action est d’animer partout les effets de guérison pour qu’ils entraînent d’autres dynamiques de guérison. La mission de l’Eglise, c’est d’ouvrir les yeux des personnes et de la société pour s’attaquer aux problèmes par des actes d’une nouvelle vie, visiblement, selon la belle injonction du disciple de Jésus: « Venez et voyez ! ».
Là où le tribalisme et les identités meurtrières abondent, il faut que l’Eglise ouvre les yeux de tous sur ces problèmes, pour de nouvelles logiques sociales, de nouvelles manières d’être ensemble. Là où règnent la misère, les inégalités destructrices et les dénis des droits humains, il convient que les chrétiens s‘unissent pour vivre des solidarités nouvelles et des générosités fécondes. On ressuscite alors la société, afin qu’elle sorte de ses tombeaux politiques, économiques, sociaux, culturels et religieux, qu’elle vive vraiment comme une société de résurrection, de manière visible: à travers des actes individuels de transformation de logique et de mode d’être, mais également dans la création d’institutions politiques, économiques, sociales, culturelles et religieuses qui s’engagent dans la construction d’un autre monde possible. En Afrique, mais aussi dans les liens de vie avec toutes les autres Eglises et institutions qui, dans le monde, luttent pour la construction d’un autre monde possible. Cela signifie qu’une Eglise africaine prophétique est une Eglise ouverte, en lien avec d’autres Eglises engagées dans le même processus de transformation du monde par des actes, des devoirs et des pouvoirs de faire de l’Evangile le sel de la terre et la lumière du monde: la vérité d’un autre choix de civilisation. Une civilisation de générosité, de solidarité, de bonheur partagé. En somme, une civilisation d’humanité. 4
A C T E S
TA_2013.indd 38
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:57
à z e n e d d e i P la solitude OSE-MARIE VUFFRAY EST FACTRICE D’ESPOIR. Comme six autres personnes de sa paroisse, elle effectue des visites. « Depuis
R
que je suis jeune, j’aime faire cela. Je me souviens d'avoir visité telle personne seule ou en difficulté quand mes deux garçons étaient encore petits. » Ce goût de l’autre, Rose-Marie ne sait pas exactement d’où il vient. Ou peut-être que si: « J’ai été souvent seule étant enfant, mes parents tenaient un restaurant. Ceux qui vivent la solitude me touchent. Si c’est un fardeau que l’on peut alléger, eh! bien, tant mieux ! ». Depuis quelques années, cette retraitée s’est donc portée volontaire pour deux types de rencontres dans sa ville : les visites régulières et les visites systématiques. Un quartier d’Yverdon, une centaine de lettres aux protestants des lieux pour annoncer la visite: voilà à quoi ressemble la version « systématique ». «On est parfois mal reçu, on nous prend pour des Témoins de Jehova. » D’entrée de jeu, le duo de visiteurs – « à deux, c’est plus facile et on peut s’épauler ! » – explique que la visite a été annoncée par l’EERV et qu’elle aurait pu être refusée. Avec ce calme qui la caractérise et ce respect de l’autre et de sa pensée, Rose-Marie, par ailleurs formée à l’écoute, ne s’offusque pas quand on lui répond mal : «Les gens craignent les sectes. Certains sont révoltés contre Dieu ou l’Eglise, je les laisse s’exprimer et je m’en vais. » Heureusement, il y a les autres fois, les fois où cela se passe bien. Rose-Marie
« ON ÉCOUTE BEAUCOUP, ON DISCUTE DE TOUT ET AUSSI DE LA BIBLE» raconte les échanges, les moments de partage, cette demande de prière ou de visite régulière. Voir une personne chaque semaine ou chaque mois, c’est un mode de visite que Rose-Marie apprécie énormément. « Certains facteurs d’espoir sortent au restaurant avec la personne qu’ils visitent, d’autres vont se promener. Moi, il m’est arrivé de lire un ouvrage à une dame, et c’était des moments merveilleux. » Ce sont souvent des personnes âgées et esseulées que Rose-Marie et les facteurs, retraités
A C T E S
TA_2013.indd 39
comme elle, rencontrent régulièrement. « On écoute beaucoup, on discute de tout
&
P A R O L E S
et aussi de la Bible. On échange avec des personnes qui sont riches de leur vécu. On prie ensemble.» Si elle fait de l’évangélisation ? Elle sourit. « Je ne dirais pas ça ; néanmoins, mes visites sont une occasion de témoigner de ma foi en JésusChrist. Elles sont un signe de l'intérêt que l'Eglise porte à chacun. Les laïcs ont un rôle à jouer, car ils donnent justement du corps à l’Eglise. » 4
2 0 1 3
17.09.13 17:58
8 ns ie
’est être gé r, c né ne
Δ Lire : 2 Cor in ux th re et 9
Tém oig
40
x u a x o d a r a p s Témoin t e r c n o c u d t e i n de l’infi
A C T E S
TA_2013.indd 40
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:58
Etre chrétien, est-ce mission impossible ? Professeur honoraire à l’Université de Genève, Denis Müller, théologien et éthicien, nous fait partager sa vision.
E RÔLE DE L’ÉGLISE DANS LE MONDE EST D’ABORD, TOUT SIMPLEMENT, D’ÊTRE ÉGLISE, C’EST-À-DIRE, À LA FOIS ET TOUJOURS EN MÊME TEMPS, UN LIEU D’ÉTONNEMENT ET UN LIEU DE FRATERNITÉ.
L
Pourquoi est-ce que je commence par l’étonnement ? Parce que, si nous y réfléchissons bien, l’Eglise ne va jamais de soi. Elle est toujours une surprise, une étrangeté, quelque chose qui dérange, qui suscite, selon les situations et les mentalités, la moquerie, la pitié, l’ironie, l’agressivité, la violence. Il y a en effet dans le christianisme une particularité très forte, une originalité, qui est à la base de son succès mais aussi de son paradoxe permanent. Les autres religions peuvent plus facilement (du moins en apparence) se réfugier derrière une conception vague de Dieu et de la foi. L’homme est suffisamment complexe et Dieu suffisamment vaste pour qu’on puisse en rester à des généralités. La foi chrétienne, au contraire, oblige à être concret. Et elle ne le fait pas par hasard,
ou par le seul souci, bien moderne, de la concrétude. Elle le fait à cause de son objet, à cause de son contenu. Ce qui dérange, dans le christianisme, c’est le Christ, comme ce point de jointure paradoxal (scandaleux ou incompréhensible pour beaucoup de nos contemporains) entre Dieu et l’homme. Et alors, il se produit de la part des autres ce que nous connaissons bien : le rejet, le mépris, le dédain, l’indifférence. Le philosophe allemand Friedrich Nietzsche (ce fils de pasteur devenu grand protagoniste d’un athéisme mordant) l’avait bien noté : quand on évoque le Christ (non pas Jésus l’homme, mais le Christ, comme Dieu-homme), on éveille des arrière-mondes, des soupçons, des désarrois, comme si le monde n’avait plus de valeur, comme si la terre ne comptait pas, mais seulement le ciel, le divin, l’absolu. Or le christianisme, tout au contraire, veut relier, réunir, marier sans cesse le ciel et la terre. Il nous demande en permanence d’avoir les pieds sur terre et le cœur dans les étoiles. Cela dérange ; cela perturbe ; c’est trop divin ou sublime pour être vrai ; ce n’est pas assez matérialiste, pas assez scientifique, d’un autre côté. Une folie. Un scandale.
A C T E S
TA_2013.indd 41
&
P A R O L E S
Mais on le sait bien, ce christianisme dérangeant est en même temps un humanisme généreux, proche de l’homme et de la femme, attentif à la femme, à l’enfant, au vieillard. Tel est alors le pari du témoignage chrétien dans le monde – aussi bien celui des croyants individuels que des communautés ecclésiales : nous sommes complètement différents et choquants, et nous le serons toujours ; n’attendons pas que les autres nous prennent pour des gens « normaux » ! Et en même temps, au nom même de ce qui nous rend le plus différents, le plus étranges, nous sommes des serviteurs de l’humain, des défenseurs des faibles, des petits, des pauvres, des paumés (par «paumés», j’entends aussi ces patrons de multinationales qui ne savent plus où donner de la tête, ces cadres qui se suicident, ces riches qui se croient arrivés, ces footballeurs surpayés et dont la tête menace d’exploser). Nous serons toujours cela, les deux à la fois : témoins de l’impossible, témoins du nécessaire ; chantres de l’amour infini, ouvriers de la justice concrète. 4
2 0 1 3
17.09.13 17:58
e sa foi, c’es rd t ne
e 1v7 hé ot
ingard Δ 2 T sr im pa
Tém oig
e h c r a En m E VOUS EFFRAYEZ PAS. Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié : il est ressuscité, il n’est pas ici ; voyez l’endroit où on l’avait déposé. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre : Il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit . » Elles sortirent et elles s’enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées ; et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur1.»
«N
42
Selon les meilleurs manuscrits, l’évangile de Marc se termine ainsi. Par le silence et la peur. Témoigner n’est pas chose légère. Il importe de le rappeler, même s’il faut pour cela aller à l’encontre de certains enthousiasmes. Le Seigneur nous attend sur les chemins de la vie. Il n’a précisé ni le lieu ni l’heure du rendez-vous, mais il nous fait comprendre que son invitation n’est pas une sinécure : « Qui veut sauver sa vie la
perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera.2 »
l’invitation du Seigneur; il s’agit donc de le recevoir, de le travailler, avec d’autres qui s’y heurtent encore, et s’y sont heurtés au travers des siècles et en diverses régions du monde.
L’avertissement de Jésus s’inscrit dans la même perspective. L’enjeu porte sur ce qui fonde notre existence, ce qui – au plus intime de nous-mêmes – lui donne sens, goût, saveur et valeur.
Cet avertissement, je propose de l’éclairer par les questions de Dieu à Job :
Si nous construisons notre vie sur « quelque chose » qui est de l’ordre du saisissable, du définissable, alors nous risquons de nous y enfermer.
« Qui es-tu pour oser rendre mes plans obscurs à force de parler de ce que tu ignores ? Où donc te trouvais-tu quand je fondais la terre ? Renseigne-toi si tu connais la vérité : qui a fixé ses dimensions, le sais-tu bien ? Et qui l’a mesurée en tirant le cordeau ? 3 » Autrement dit : qu’as-tu compris de mon projet créateur ? Chaque fois que je suis trop sûr d’avoir compris la volonté du Seigneur, chaque fois que je me lève en défenseur acharné de son projet créateur, cette interpellation vient m’ébranler : ne suis-je pas en train de passer à côté de l’essentiel ? Ne suis-je pas en train de m’enfermer dans ce que je pense avoir compris de Dieu ?
Quelle bonne nouvelle discerner dans cet avertissement ? Car il y a bien un avertissement, pleinement intégré à
A C T E S
TA_2013.indd 42
&
P A R O L E S
Ce «quelque chose», ce peut être l’appartenance à une « famille », à un « parti », à une « ethnie », à une « nation », à une « religion ». Lorsque «quelque chose» de cet ordre-là devient pour nous référence absolue, alors un piège risque de se refermer sur nous. Que ce soit au nom d’un « parti », d’une « nation » ou d’une « religion », toute conviction d’avoir raison de manière définitive s’accompagne d’un risque de dérive. Dans quelque domaine que ce soit, dès que l’on essaie d’affirmer une certitude absolue, on est proche de la prise de pouvoir sur l’autre, de la manipulation. Dès que je veux assurer ma vie par un cadre auquel je refuse de toucher, je risque de passer à côté de l’essentiel : qui veut assurer sa vie la perdra…
2 0 1 3
17.09.13 17:58
Si j’accepte de risquer ma vie, si je vais à la rencontre des autres pour que nous puissions partager nos questions et nos espérances, si je me laisse mettre en chemin par ce feu qui brûle en moi, alors, je goûterai peut-être à l’essentiel : qui risquera sa vie à cause de moi la retrouvera… Cet avertissement nous est laissé par Jésus de Nazareth. On retient de lui qu’il ne s’est laissé récupérer par aucune idéologie, par aucun pouvoir, par aucune religion. Il s’est retrouvé bien seul. Et sa manière de déranger les pouvoirs établis a conduit à son exécution.
1 Evangile de Marc, chapitre 16, v. 6 à 8. 2 Evangile de Marc, chapitre 8, v. 35. 3 Job 38, v.1et ss.
TA_2013.indd 43
Mais nous croyons que le pouvoir de la mort n’a pas eu le dernier mot sur lui. Aujourd’hui encore, il reste pour nous témoin de la vie : Ce que vous voulez que les humains fassent pour vous, faites-le aussi pour eux ! Pour aller à sa rencontre, il s’agit de résister à l’absolutisation de toute appartenance « clanique », « familiale », « ethnique », « nationale », « religieuse ». Une telle attitude est à même de provoquer des remises en question dont il est difficile de parler; mais elle peut aider à ne pas passer à côté de la vie.
A C T E S
&
P A R O L E S
En nous préparant à être remis en question, en osant aussi interpeller les autres sur leur choix de vie, nous apprenons à nous raconter les uns aux autres ce qui donne élan à notre existence, nous apprenons ensemble à être vivants, témoins en marche vers Dieu qui nous attend ! 4
Jacques Küng secrétaire général de DM-échange et mission
2 0 1 3
17.09.13 17:58
EN GUISE DE CONCLUSION OUVENEZ-VOUS D’AVOIR EU EN MAINS UN KALÉIDOSCOPE ! A chaque mouvement, l’image se fragmente, s’enrichit, évolue, se réunit puis se partage à nouveau, faisant apparaître des figures à la fois extrêmement diverses, mais conservant chacune son unité de couleurs fondamentales.
S
44
« Oser ÊTRE ÉGLISE aujourd’hui »…voilà ce qu’esquisse le kaléidoscope réunissant les témoignages de femmes et d’hommes dans leur quotidien engagé au service de différentes communautés. L’image qui s’en dégage nous incite chacun, à « donner du corps à l’Eglise ». OSER l’accueil de l’autre, tel qu’il est, croyant ou non, jeune ou âgé, malentendant, malade, bien portant, malvoyant, handicapé ou migrant, marginal, étranger sans papiers. Le reconnaître dans sa qualité d’enfant de Dieu. Aller à la rencontre de ceux qui souffrent dans leur corps ou leur âme, même si pour cela il faut franchir les portes de nos routines, et de nos églises. Etre PRÉSENTS et IMPLIQUÉS dans nos sociétés en pleine évolution, qui sont en proie à l’inquiétude, et y proposer un regard d’humanité à poser sur les personnes, la vie et le monde. Se démarquer ainsi de l’exploitation de l’homme pour retrouver les valeurs authentiques de la vie. Que cela
A C T E S
TA_2013.indd 44
&
soit au Maroc avec des migrants, dans une banlieue de Suisse romande, dans la rue avec des personnes marginales, ou dans une chambre d’hôpital.
« Oser ÊTRE ÉGLISE aujourd’hui, » c’est ASSUMER la diversité et la beauté de ce corps multiple, fragile, jamais figé, où chacun peut discerner la valeur et la complémentarité de l’autre. I Corinthiens 12 /25… « Dieu a disposé dans le corps chacun des membres, selon sa volonté, en donnant le plus d’honneur à ce qui en manque, afin qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient chacun le souci les uns des autres. » 4
Christine Noyer présidente du conseil de DM-échange et mission
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:58
COMMENT ÊTRE TÉMOIN AUJOURD’HUI? AFFICHES, SIGNETS ET SETS DE TABLE
Les textes et témoignages du document que vous avez entre les mains vous donnent-ils envie d’aller plus loin ? En réponse à ce « comment », il y a bien sûr de multiples moyens que vous pourrez mettre en oeuvre dans les paroisses locales ou encore auprès des Eglises cantonales, notamment grâce au réseau Terre Nouvelle, et directement auprès de DM-échange et mission qui vous propose
trois possibilités de témoigner
DM-échange et mission vous propose 4 affiches - de format A3 - à placer dans votre paroisse, chez vous ou dans un lieu de rencontre. Elles engagent à poser ou se poser des questions sur la foi et l’Evangile. ❶
❷
S’ENGAGER ET SE FORMER SUR LE TERRAIN LES TÉMOIGNSEZ UNS LE AUTRES
LES TÉMOIGNSEZ UNS LE AUTRES
TÉMOIGNER, C’EST SE DONNER
AP 09-AFF.2
OIGNEZ
LE
S
A lire : 2 Timothée 1v7 TÉ
TÉ
M
S
ES
AP 09-AFF.1
A lire : Romains 12 v 6 -10
UN
S L ES AU
M
OIGNEZ
LE
Cinq types de séjour et d’engagement sont proposés:
TÉMOIGNER DE SA FOI, C’EST PAS RINGARD
ES
Vous avez trois atouts ? ✱ un métier ✱ une conviction ✱ l’amour du prochain
TR
UN
S L E S AU
TR
www.dmr.ch
www.dmr.ch
❸
❹
LES TÉMOIGNSEZ UNS LE AUTRES
LES TÉMOIGNSEZ UNS LE AUTRES
TÉ
A lire : Philippiens 2 v 1-4 M
OIGNEZ
UN
S LE S AU
A lire : 2 Corinthiens 8 et 9
TR
www.dmr.ch
M
OIGNEZ
LE
LE
S
AP 09-AFF.4
TÉMOIGNER, C’EST ÊTRE GÉNÉREUX
ES
AP 09-AFF.3
TÉMOIGNER, C’EST AIMER
TÉ
Découverte et sensibilisation 4. séjour individuel (2 à 4 mois) 5. voyages et visites de groupes
ES
Mandats professionnels 1. long terme ( 2 ans et plus ) 2. moyen terme ( 6 à 12 mois ) 3. service civil en Suisse ou à l’étranger ( 6 à 13 mois )
S
UN
S LES AU
TR
www.dmr.ch
Pour commander et recevoir gratuitement des affiches, des sets de table et des signets, détachez le coupon contact en dernière page Ou contactez DM-échange et mission, 021 643 73 73 ou animation@dmr.ch
A C T E S
TA_2013.indd 45
&
P A R O L E S
2 0 1 3
20.09.13 09:32
SIGNETS T S L ES AU
O IG NE Z
M
UN
LE
EZ LES TÉMOIGNA S UNS LES UTRE
EZ LES TÉMOIGNA UTRES S LE UNS
AVEC VOS DONS
S
T S L ES AU
O IG NE Z
UN
M
S
T S L ES AU
T
R
ES
S L ES AU
O IG NE Z
UN
M
S
EZ LES TÉMOIGNA S UNS LES UTRE
TÉ
O IG NE Z
ES
UN
R
TÉ
M
ES
S
R
TÉ
EZ LES TÉMOIGNA UTRES S LE S UN
❹
LE
TÉ
❸
LE
ES
❷
LE
R
❶
1. VOTRE DON DE TEMPS : être bénévole avec DM-échange et mission. Votre métier, votre passion, votre amour du prochain sont des outils utiles pour DM-échange et mission et pour ceux que vous allez rencontrer. Δ C’EST UN DON QUI CONSTRUIT ! 2. VOTRE DON FINANCIER : même modeste, un don financier aide DM-échange et mission à poursuivre sa mission et à encourager le témoignage de l’Evangile. Δ C’EST UN DON QUI FAIT UNE DIFFÉRENCE ! DM-échange et mission est financé principalement par des dons privés. Il reçoit aussi des contributions des Eglises protestantes de Suisse, de Pain pour le prochain ou d’ organismes publics.
46 SETS ❶ TÉMOIGNEZ LES S AUTRES
Z LES TÉMOIGNE UNS LES AUTRES
❷
www.dmr.ch
ES
S L ES AU
TR
A lire : 2 Timothée 1v 7
S
TR
ES
S L ES AU
TR
TÉ
TÉ
www.dmr.ch
TÉMOIGNER, C’EST ÊTRE GÉNÉREUX
OIGNEZ
UN
A lire : 2 Corinthiens 8 et 9
M
O I G NE Z
LE
S
AP 09-SET.4
M
LE
AP 09-SET.3
S LES AU
❹
www.dmr.ch r.ch
A lire : Philippiens 2 v 1-4
O I G NE Z
UN
Z LES TÉMOIGNE UNS LES AUTRES
UNS LE
TÉMOIGNER, C’EST AIMER
M
ES
❸ TÉMOIGNEZ LES S AUTRES
TÉ
TÉMOIGNER DE SA FOI, C’EST PAS RINGARD
OIGNEZ
UN
AP 09-SET.2
S
LE
AP 09-SET.1
M
LE
A lire : Romains 12 v 6 -10
TÉ
www.dmr.ch r.ch
TÉMOIGNER, C’EST SE DONNER
3. VOTRE DON DE FOI : en priant pour DM-échange et mission et ceux que nous aidons. Δ NOUS CROYONS À LA FORCE DE LA PRIÈRE
ES
UNS LE
S
UN
S LES AU
TR
Pour commander et recevoir gratuitement des affiches, des sets de table et des signets, détachez le coupon contact en dernière page Ou contactez DM-échange et mission, 021 643 73 73 ou animation@dmr.ch
A C T E S
TA_2013.indd 46
&
P A R O L E S
2 0 1 3
20.09.13 09:32
✁ COUPON CONTACT Je souhaite recevoir :
Nom: _______________________________________________________________________
Signet : ________ exemplaire(s) du ou des modèles suivant(s) ; n° ______
Prénom: _________________________________________________________________
Affiche:
Adresse: _________________________________________________________________
________ exemplaire(s) du ou des modèles suivant(s) ; n° ______
Set de table :
NPA: _____________________________Localité:_____________________________
________ exemplaire(s) du ou des modèles suivant(s) ; n°______
Pays: ________________________________________________________________________
Témoins aujourd’hui 2013: ________ exemplaire(s)
mail: _______________________________________________________________________
Témoin (bulletin trimestriel)
Veuillez nous renvoyer ce coupon à l’adresse suivante:
Je souhaite aussi : DM-échange et mission
Faire un don
chemin des Cèdres 5
Merci de m’envoyer ______ bulletin(s) de versement
CH - 1004 Lausanne
Un RdV. Merci de me téléphoner au :_________________________________________________________
WANTED ! On recherche des témoins pour notre prochaine édition!!!
« Appel à témoin ! » VOUS CONNAISSEZ DES GENS ÉTONNANTS, DE CEUX DONT LA FOI TRANSPORTE LES MONTAGNES OU PRESQUE ? Si vous avez envie de voir leur portrait dans notre prochain Témoins aujourd’hui,
Glissez leurs noms et coordonnées au dos ¨ &
P A R O L E S
2 0 1 3 AP 13
A C T E S
TA_2013.indd 47
17.09.13 17:58
S E L Z E N G I O M TÉ S E R T U A S E L S UN
peu, qu’elles font changer le monde - un dit se on t don s ne son per des a y Il issez ? nité encouragent. Vous en conna beaucoup - et dont la foi et l’huma faire connaître plus loin, Si oui, et que vous avez envie de les coordonnées! merci de nous donner leur nom et ie de participer à notre prochain Nous nous assurerons de leur env votre coup de pouce ! Témoins aujourd’hui. Merci pour
48 Informez-vous régulièrement avec le bulletin Témoin: Voir au dos
DM - échange et mission chemin des Cèdres 5 CH - 1004 Lausanne Tél +41 21 643 73 73
La brochure que vous tenez entre les mains coûte, au prix de revient, Fr. 10.-. Nous nous permettons de joindre un bulletin de versement et vous remercions par avance pour votre soutien
Fax +41 21 647 36 01 info@dmr.ch
A C T E S
TA_2013.indd 48
&
P A R O L E S
2 0 1 3
17.09.13 17:58