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II. DÉMATÉRIALISATION DES DONNÉES DES

Entreprises

La question de l’authenticité et de la preuve

Le développement de la dématérialisation a posé rapidement la question de l’authenticité et de la valeur des échanges par voie électronique, qu’il s’agisse de demandes de renseignements, d’envoi de documents, de capacité à identifier l’auteur d’une démarche ou de la validité de la réponse reçue de l’administration.

Concernant les recours contentieux des entreprises, l’écrit demeure la règle. En effet, outre l’exposé des faits, moyens et conclusion, la réclamation doit comporter la signature manuscrite de son auteur, habilité pour représenter la société.

Il en va de même pour le rescrit fiscal, procédure très encadrée dans laquelle l’administration peut être interrogée sur son interprétation des textes pour une application générale ou particulière. Sa réponse écrite lui est alors opposable.

Le facteur technologique a néanmoins joué un rôle dans la nécessité de reconnaître les échanges informatisés. Les courriers électroniques de l’administration en réponse aux questions d’un contribuable ne peuvent pas, en principe, être invoqués par ce dernier avec la même valeur que le rescrit.

Cela étant, l’opposabilité d’une prise de position formelle notifiée par courrier électronique est admise si les conditions cumulatives suivantes sont réunies : - le contribuable établit la preuve de l’existence de la position formelle prise par courrier électronique ; - le document produit est complet (avec notamment mention du nom, des fonctions et coordonnées de l’agent) et permet d’établir avec certitude le point de départ (date de la saisine) et l’expiration du délai de réponse ; - la réponse ainsi faite satisfait l’ensemble des conditions permettant de caractériser sans équivoque une prise de position formelle (avec notamment le rappel des faits et du droit applicable et une prise de position explicite, précise et sans ambiguïté) ; - la réalité et le contenu de celle-ci ne sont pas contestés par l’administration.

La facture électronique

En 1991, la France a adopté une législation permettant aux entreprises d’émettre des factures électroniques. Toutefois l’authenticité de l’origine, l’intégrité du contenu, la lisibilité de la facture doivent être assurés à compter de son émission et jusqu’à la fin de sa période de conservation.

Tel est le cas lorsque la facture est transmise par voie électronique soit au moyen d’une signature électronique « qualifiée » par un prestataire ad hoc ou sous la forme d’un message structuré selon une norme convenue entre les parties. A défaut, l’entreprise doit établir et documenter pour l’administration fiscale une « piste d’audit fiable » permettant de reconstituer le processus qui a conduit à établir la facture.

Dans le rapport « La TVA à l’ère du digital en France », d’octobre 2020, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) examine la généralisation de la facturation électronique et explique la réforme envisagée par le gouvernement. Celle-ci s’inscrit dans le cadre de l’évolution mondiale en faveur du développement de la facturation électronique et de la lutte contre la fraude à la TVA.

Pour prendre en compte les impacts qu’une telle réforme devrait avoir sur les entreprises, la mise en œuvre de l’obligation de facturation électronique sera étendue dans le temps : „ Dès 2023, une obligation de réception de la facture électronique pour l’ensemble des entreprises

„ Une obligation d’émission progressive, en fonction de la taille des entreprises : „ 2023 pour les grandes entreprises, „ 2024 pour les entreprises de taille intermédiaire, „ 2025 pour les petites et moyennes entreprises.

Les fichiers d’écritures comptables et le contrôle fiscal

Aucun texte n’oblige les entreprises à la tenue d’une comptabilité informatisée. La doctrine administrative fiscale qualifie de « comptabilité informatisée » celle qui est tenue en tout ou partie au moyen de systèmes informatisés mais un simple tableur suffit à lui conférer une telle qualification.

Une conséquence importante de cette qualification réside dans l’obligation, depuis la loi de finances rectificative du 29/12/2012, de remettre une copie des fichiers d’écriture comptable (FEC) sous forme dématérialisée au début des opérations de contrôle.

Les FEC doivent répondre à un format précis et être documentés afin de faciliter le rapprochement entre les pièces justificatives et les écritures (détail ligne à ligne de chaque opération comptable enregistrée dans les différents journaux du système informatisé). La DGFIP met à la disposition des entreprises un logiciel « Test compta demat » permettant de vérifier le respect des normes.

Les FEC constituent ainsi la pierre angulaire du contrôle fiscal des comptabilités informatisées.

Par ailleurs, le facteur technologique a fait évoluer le cadre de la vérification de comptabilité vers « l’examen de comptabilité » qui constitue une alternative plus souple et plus légère à la vérification de comptabilité, à mi-chemin entre le contrôle fiscal externe et le contrôle sur pièces.

L’examen de comptabilité couplée à la remise des FEC consacre la possibilité pour l’administration de contrôler la comptabilité des entreprises à partir du bureau. Le lieu du déroulement de l’examen de comptabilité (bureau du vérificateur) a un impact sur la conception du débat oral et contradictoire, conçu au départ pour le contrôle sur place, au sein

La dématérialisation des comptabilités a offert une opportunité dont s’est saisie l’administration : comme pour la particuliers les contraintes de réduction des coûts et des effectifs ne sont pas non plus étrangères à cette mutation.

L’évolution du rôle des conseils et professionnels de la comptabilité

Cette évolution aura pour conséquence le renforcement de la coopération requise des organismes agréés et experts comptables qui doivent désormais procéder à un véritable contrôle a priori dans la détection de la défaillance fiscale des entreprises.

En interne, l’exploitation du FEC par le comptable lui-même permet de préparer les contrôles en effectuant des contrôles de cohérence : l’ordre des experts comptables a d’ailleurs à ce sujet publié un guide particulier.

Les recommandations formulées dans ce guide incitent à retenir que la responsabilité en matière de FEC incombe à celui qui tient la comptabilité :

« Le FEC fait très clairement partie de la mission fiscale d’un expert-comptable. En matière de responsabilité civile, c’est toujours celui qui produit la comptabilité qui sera responsable du FEC ».

En effet, en cas de rejet du FEC ou d’anomalies détectées par l’administration fiscale, la responsabilité de l’expert-comptable pourrait être engagée. Au-delà du risque financier, cela ne manquerait pas d’altérer l’image du cabinet et pourrait entraîner une perte de clientèle.

En définitive, le FEC ouvre un accès exhaustif aux écritures comptables à l’inverse de la pratique classique qui consistait à opérer par sondages. C’est donc l’intimité de l’entreprise qui est dévoilée et accessible aux contrôleurs ainsi qu’une nouvelle stratégie de programmation-contrôle qui s’ouvre pour l’administration :

- industrialisation des contrôles - recherche de profils d’anomalies - profilage selon les métiers - contrôles ciblés et le chemin vers une perspective européenne de normalisation des données destinées à l’audit fiscal.

Alain PACCIANUS

Vice-président de l’Association des comptables

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