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PRÉVENTION TROP DE CROSSFIT N’EST PAS CROSSFIT !

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ON AIR,

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PAR LE DOCTEUR STÉPHANE CASCUA, MÉDECIN DU SPORT

Sébastien a 37 ans. Il a longtemps pratiqué le sport en salle en associant cardio-training et musculation. En fin d’année, il a découvert le CrossFit… et il a adoré ! À la rentrée, il a opté avec enthousiasme pour cette discipline, il s’y consacre désormais à raison de 5 séances par semaine. Il vient me voir car il souffre du bas du dos depuis plusieurs semaines.

Le Doc : Cette douleur est-elle survenue au cours d’un geste précis ou progressivement ?

Sébastien : C’est arrivé peu à peu.

Le Doc : Chronologiquement, à quoi pouvez-vous l’associer ? Avez-vous aidé votre cousin à déménager ? À moins que ce soit le début du CrossFit…

Sébastien : Oui… ça correspond un peu. Mais pas tout de suite… Mais j’ai fini par arrêter un peu et ça m’a fait du bien.

Je l’interroge plus précisément. Il n’a pas de douleur en toussant mais plutôt en position assise prolongée et quand il se lève le matin. Je l’examine. Il ne souffre ni en redressant son buste ni en remontant sa jambe tendue. En revanche, il a mal quand j’appuie sur ses dernières vertèbres. Bref, il ne présente pas de compression des gros nerfs qui descendent dans les jambes : il n’a pas de sciatique ! Il n’a sûrement pas de hernie, juste une irritation de son ultime disque, à la jonction entre sa colonne et son bassin.

Le Doc : Sébastien, nous allons faire la synthèse. Vous présentez probablement un petit pincement de votre dernier disque. Entre chaque vertèbre, il existe une structure amortissante appelée « disque intervertébral ». Quand ce dernier est tout neuf, il est constitué d’un noyau gélatineux maintenu sous pression par des anneaux fibreux concentriques. En 3 dimensions, cette formation ressemble à un bulbe d’oignon. En cas de hernie discale, les fibres annulaires sont déchirées, la gélatine est expulsée et s’entoure d’un œdème qui vient toucher et agresser les nerfs. Ce n’est pas votre cas ! Je pense que vous avez plutôt distendu vos anneaux sans les faire craquer et que votre substance visqueuse est un peu plus étalée que la normale. On parle d’« insuffisance discale » ou de « discopathie ».

Sébastien : C’est grave ?

Le Doc : Non ! Pas de drame, vous allez guérir et je vais vous accompagner ! Nous allons faire une IRM pour confirmer la lésion et la quantifier. Je vais vous donner du collagène, du silicium et de l’acide hyaluronique en compléments alimentaires. Avec ce traitement naturel, tout se passe comme si je vous apportais la matière première constitutive du disque pour l’aider à se réparer.

Sébastien : Mais quelle est la cause de cette blessure ? Est-ce le CrossFit ? On m’a pourtant dit que le sport était bon pour le dos !

Le Doc : Vous avez raison, le sport est bénéfique pour la prévention et le traitement des douleurs vertébrales ! L’amélioration de la force, de la souplesse et de la coordination assure un meilleur contrôle des postures et des mouvements… L’étude emblématique a été réalisée par Tom Mayer. Il a réentraîné des manutentionnaires américains en arrêt depuis plus de 4 mois. Après 3 semaines de réhabilitation, 80 % d’entre eux ont repris leur travail au même poste ! Bref, la raison de votre mal au dos n’est pas le CrossFit, mais l’excès de CrossFit ! La sollicitation crée de l’adaptation ! Un excès de sollicitation tourne à l’agression, source de lésion !

Sébastien : Mais avant je faisais autant de sport, pratiquement tous les jours !

Le Doc : Oui, mais vous pratiquiez des sports différents, complémentaires et d’intensité variée. Vous travailliez votre cardio sur de nombreux appareils : vélo, elliptique, rameur, tapis. Vous souleviez des poids libres mais aussi des charges guidées. Vous participiez à quelques cours collectifs orientés renforcement, étirements et même chorégraphiques ! Vous étiez plus CrossFit ! Je vous rappelle que l’étymologie de CrossFit est « fitness croisé » ! L’esprit originel consistait à varier les activités pour multiplier les bénéfices et diviser les risques ! Désormais, vous faites toujours la même chose… peut-être trop intensément, trop vite, trop lourdement ! Où est votre séance longue en endurance pour apprendre à brûler les graisses ? Où est votre séance de « décrassage » courte et facile, omniprésente en sport de haut niveau ? Les sessions systématiquement intenses favorisent les blessures et le surentraînement. Elles stressent le système cardio-vasculaire et font le lit de l’hypertension artérielle et des palpitations. Sans compter que les pépins cardiaques sérieux surviennent préférentiellement à ce niveau de sollicitation.

Sébastien : Vous avez raison ! D’ailleurs, depuis peu, ma salle propose des parcours de cardio-training continus à intensité moyenne ou modérée au cours desquels on enchaîne les différents appareils disponibles : vélo, rameur, AirBike, SkiErg. Mais je n’y suis jamais allé, je préfère chahuter mon corps plus énergiquement !

Le Doc : Oui, les promoteurs ont bien senti l’écueil et les limites du concept ! Ils tentent de s’adapter et c’est bien ! J’ai vu trop de blessures de crossfiteurs exclusifs et intensifs, notamment au dos, aux épaules, aux coudes et aux genoux. Mais ne vous inquiétez pas, votre disque va cicatriser ! Recommencez dès ce soir à faire un peu de vélo en endurance, les mains posées sur le cintre en posture de grand singe ��. Votre dos va adorer cet équilibre de quadrupédie retrouvée ! Vous n’aurez pas mal ! Dans une dizaine de jours, renouez avec la musculation légère sur appareils à charge guidée pour assurer votre stabilité vertébrale. Ensuite, renouez avec un programme varié… incluant du CrossFit �� !

Sébastien : Alors, que me proposez-vous ?

Le Doc : Je vous suggère de pratiquer des activités diversifiées et complémentaires. Faites du cardio-training en alternant les simulateurs : vélo, elliptique, tapis, rameur, stepper… pourquoi pas AirBike et SkiErg au sein des parcours organisés dans votre salle de CrossFit. Faites de la musculation, sur appareils guidés pour monter les charges sans risques mais aussi avec des poids libres plus faibles pour travailler la technique. Complétez avec du renforcement fonctionnel en utilisant les poulies pour mettre à contribution l’ensemble des chaînes musculaires stabilisatrices. Dans un esprit voisin, une à deux séances hebdomadaires de CrossFit sont les bienvenues. De façon complémentaire, optez aussi pour des disciplines permettant d’entretenir et d’améliorer vos amplitudes articulaires. Pensez au stretching musculaire mais surtout aux disciplines étirant plus globalement vos fascias, le yoga ou le Pilates. Reprenez les cours collectifs sollicitant votre coordination. Ils s’intègrent aussi dans un programme équilibré. Les salles regorgent de créativité sur ces concepts autour de la danse ou des simulations de combat.

Sébastien : Vous me parliez aussi de pratique cardio à faible intensité…

Le Doc : Oui bien sûr ! Ce mode d’entraînement est incontournable pour la santé du cœur et l’énergie au quotidien. Une séance de récupération en piscine est idéale pour drainer les masses musculaires, surcompenser et progresser. Un parcours facile sur appareil de cardio dans la convivialité de votre salle de CrossFit s’y prête bien aussi. Un petit footing dans la nature également. N’oubliez pas la rando ou une grande balade champêtre à vélo en aisance respiratoire. Le contact avec la nature en plein effort a démontré son efficacité pour le bien-être du sportif. Les psychologues parlent de greenness. C’est en alternant les activités que vous « croiserez votre fitness »… C’est comme ça que vous serez vraiment CrossFit ! ✱

LE SPORT EST BÉNÉFIQUE POUR LA PRÉVENTION ET LE TRAITEMENT DES DOULEURS VERTÉBRALES !

Quelles sont les spécificités de la méthode CTS ?

On a tous le même système articulaire et pulmonaire, nous possédons donc tous les mêmes besoins. Cette méthode aide l’organisme à se régénérer en fonction de la pratique et de l’objectif de chacun. Elle agit sur les muscles et sur la récupération plus profonde. Elle permet ainsi d’éviter les blessures et de mieux régénérer à tous les niveaux. Pour cela, il faut adapter sa pratique en fonction de sa capacité à récupérer et adapter son planning afin de ne rien s’imposer. D’où l’importance d’évaluer son stress quotidien et d’agir sans « se brûler ».

À qui s’adresse cette méthode ?

Tout le monde devrait s’y mettre, c’est une méthode rationnelle. Je la pratique depuis 20 ans sans contrainte. Faites-en moins, faites-en mieux plutôt que d’en faire toujours plus comme imposé par la société. Il faut gérer son stress quotidien pour être capable d’en ajouter un via l’activité physique. Le corps et l’esprit sont liés, tout part de la tête et quand ça ne va pas mentalement, il faut pratiquer de la bonne manière et s’adapter à cette contrainte pour la libérer.

Peut-on l’exercer tout en pratiquant d’autres sports ?

Cette méthode est complémentaire avec tous les sports. Je l’ai pratiquée pour me remettre d’une blessure lors de ma carrière à haut niveau en karaté (champion du monde). Elle peut s’assimiler à une pratique physique générale. Il faut d’abord maîtriser son corps avant d’intensifier les charges d’entraînement. C’est une méthode qui combine préparation, récupération et prévention.

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