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LE SPORT CHEZ LE JEUNE DIABÉTIQUE

LE SPORT CHEZ LE JEUNE DIABÉTIQUE

En 2015 (source : Ameli), dernier recensement en date, ce ne sont pas moins de 3,7 millions de Français qui sont touchés par un diabète. Parmi eux, se trouve Hakaroa Vallée, 16 ans. La découverte de cette maladie l’a amené à réaliser des projets sportifs pour sensibiliser le grand public sur le sujet. Loin des clichés autour de l’incompatibilité du diabète et du sport de haut niveau, le jeune sportif en a fait un atout. Dans notre interview, il fait part de son parcours et de ses ambitions.

PAR LE DOCTEUR LINH VU NGOC, CHEF DU SERVICE MÉDICAL DU CREPS ÎLE-DE-FRANCE

QU’EST-CE QUE LE DIABÈTE ?

Le diabète désigne une maladie métabolique auto-immune chronique qui touche la régulation des glucides, communément appelés « sucres ». Le glycogène, glucide complexe, est un des carburants essentiels de notre organisme. Il est stocké principalement dans le foie et dans les muscles. Tous les organes de notre corps l’utilisent mais le cerveau et les muscles en sont les plus gros consommateurs. Dès que l’on pratique une activité physique ou intellectuelle, notre organisme va avoir besoin de la juste quantité de glycogène. Le rôle du pancréas est complexe car, au-delà de permettre la digestion des graisses, il fabrique également une hormone essentielle appelée « insuline » qui permet de réguler le taux de glucide dans le sang (0.7 à 1g/L). Selon les moments de la journée, du type d’aliments ou boissons ingérés, de l’activité physique ou intellectuelle, ce taux de glucide va varier. On parle d’« hyperglycémie » quand il est trop élevé et d’« hypoglycémie » quand il est trop bas. Lorsque le pancréas ne sécrète plus d’insuline, on parle de diabète de type 1 dit « insulino-dépendant ». Il touche 10 % des diabétiques. Une (ou plusieurs injections) sous-cutanée d’insuline quotidienne sera nécessaire pour combler le défaut de production du pancréas. Si le pancréas sécrète de l’insuline, mais en quantité insuffisante, on parle de diabète de type 2. Un traitement médicamenteux antidiabétique oral sera alors nécessaire pour stimuler le pancréas. Il arrive parfois qu’il faille tout de même donner un coup de pouce au pancréas avec des petites doses d’insuline en complément du traitement médicamenteux ; on parle d’insulino-requérance.

LE SPORT, PARTIE INTÉGRANTE DU TRAITEMENT CONTRE LE DIABÈTE

« Bouger pour aller mieux » pourrait être le leitmotiv de chaque diabétique ! Il est prouvé scientifiquement que la pratique régulière d’une activité physique est bénéfique pour l’organisme en diminuant les risques cardio-vasculaires. Cela est encore plus vrai pour le sujet diabétique. Associé à une alimentation variée, régulière, équilibrée et à une bonne hydratation, le sport améliore la circulation sanguine, permet un meilleur contrôle du poids, de la tension artérielle et de la fonction rénale. La pratique régulière du sport permet d’obtenir un meilleur équilibre métabolique. En effet, l’activité physique, notamment chez le diabétique, va mettre en action toutes les filières énergétiques dont notre corps dispose pour produire en quantité adaptée tous les substrats nécessaires au maintien de l’effort. L’organisme aimant l’équilibre et l’harmonie, le challenge du diabétique sportif va être la recherche d’un taux de glucide le plus régulier possible. En cas de déséquilibre de ce taux, l’organisme va devoir fabriquer des moyens de compensation et d’adaptation. En situation d’hypoglycémie, l’organisme va devoir aller piocher dans ses réserves. Lorsque les réserves sont épuisées, cela peut parfois conduire au malaise, voire au coma. À l’inverse, si le taux est trop élevé, cela peut entraîner des altérations des organes principaux (reins, cœur, artères, cerveau).

UNE CONTRAINTE QUI PEUT DEVENIR UN ATOUT

L’aspect psychologique dans la gestion du diabète est fondamental. Le diabétique doit être en vigilance permanente et à la recherche d’un équilibre global. La clé pour un sportif est de savoir parfaitement personnaliser son traitement et à quel moment il faut le minorer ou le majorer en fonction du type d’activité physique qu’il va vouloir faire (ex. haute intensité prolongée, explosivité, etc.). Réussir à apprivoiser sa maladie et sa gestion quotidienne confère aux sportifs une maturité générale, condition sine qua non pour performer dans une discipline.

TÉMOIGNAGE

ÊTRE DIABÉTIQUE ET VIVRE NORMALEMENT

À 16 ans, Hakaroa Vallée est diabétique de type 1 depuis 4 ans. Dès la découverte de cette maladie, il réalise des projets sportifs pour sensibiliser le grand public sur le sujet.

PROPOS RECUEILLIS PAR BAPTISTE DEPOIS

Quand et comment as-tu découvert que tu étais diabétique ?

En juillet 2016, j’ai été très stressé en regardant la finale de l’Euro de football. Le taux de sucre dans mon sang est monté en flèche, car le stress est un accélérateur du diabète avec la production d’adrénaline, qui est une hormone sucrée. J’ai tout de suite consulté un médecin généraliste qui a diagnostiqué une gastro (les symptômes sont les mêmes). Le lendemain, lors d’une nouvelle consultation, j’avais perdu 5 kg et je n’arrivais presque plus à marcher. Il m’a fait un dextro (une piqûre au doigt) pour mesurer le taux de glycémie dans mon sang. Le résultat ne s’affichait même plus sur l’appareil tellement mon taux était haut, j’ai été envoyé à l’hôpital en urgence en hélicoptère et c’est à ce moment où j’ai appris que j’étais diabétique de type 1.

Quel a été ton sentiment en apprenant ta maladie ?

Au début, je ne connaissais pas cette maladie. Quand j’ai appris qu’elle était inguérissable, je l’ai trouvée très injuste, car je n’avais pas eu de comportement à risques. Pourquoi moi ? Alors que je fais du sport, je travaille bien à l’école, je fais attention à moi. J’ai été encore plus en colère en découvrant d’autres injustices par rapport à cette maladie, comme des métiers interdits, des capteurs remboursés sous condition, permis de conduire temporaire, assurance doublée, voire triplée.

Quel impact la découverte de cette maladie a-t-elle eu sur ton quotidien ?

Sur ta pratique sportive ? Je vis normalement, mais j’ai une contrainte de surveillance permanente. Au quotidien, j’ai un capteur de glycémie et une pompe pour surveiller 10 à 15 fois par jour mon taux. En fonction du résultat, j’ai une pompe en Bluetooth pour commander l’injection d’insuline à faire. Cela remplace le dextro au bout du doigt et la piqûre pour faire l’insuline. Au lieu de faire 300 piqûres par mois, je n’en fais que 12. Il y a toujours des contraintes au quotidien, car il n’y a pas de jours de pause ou de vacances, mais cela a révolutionné ma vie par rapport à avant. En ce qui concerne l’alimentation, il faut surveiller au quotidien les glucides contenus dans chaque aliment pour gérer la bonne dose d’insuline. Au niveau de la pratique du sport, je me surveille toutes les 15 minutes. Avant de faire du sport pour ne pas tomber en hypoglycémie, je me fais un peu moins de dose d’insuline ou je me fais un débit basal temporaire.

Tu t’es lancé dans un défi incroyable pour ton jeune âge (traverser la France, en parcourant 2 000 km en course à pied et à vélo), quel va être ton prochain challenge ?

L’été prochain, j’ai le projet de réaliser le Tour de France cycliste 2021 en tandem avec Jean-Luc Perez (vainqueur de la Race Across France et professeur de physique agrégé). Nous réaliserons chaque étape du Tour la veille du passage des coureurs. Mon objectif est de sensibiliser au diabète la France entière et prouver que l’on peut vivre avec cette maladie et réaliser des exploits sportifs.

Dans plusieurs interviews, tu as évoqué des termes très durs à entendre : « ma vie est foutue », « injustice » et « je suis un sous-citoyen », tu as donc décidé de mener un combat auprès des politiques pour dénoncer les discriminations rencontrées par les diabétiques. Peux-tu nous dire où tu en es ?

Je trouve injuste que les diabétiques soient encore victimes aujourd’hui des sanctions de la société. Il y a plusieurs combats derrière ma démarche : une étude au cas par cas des métiers interdits, un remboursement des capteurs sans conditions (le coût est de 70 € tous les 7 jours), la gratuité des capteurs plus performants, le permis de conduire temporaire (obligation de repasser tous les 5 ans une visite médicale aux frais du patient) et les surprimes des assurances. Concernant les métiers interdits, j’ai sensibilisé des élus, des ministres et même trois présidents de la République. Une proposition de loi (PPL) a été déposée à l’Assemblée Nnationale sur l’étude de toutes les pathologies chroniques pour certains métiers, qui concernent tout de même 20 millions de personnes en France ; cette PPL a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et se trouve en stand-by au Sénat depuis janvier 2020. J’ai écrit une lettre à toutes les assurances pour l’arrêt des surprimes, seule une a répondu favorablement.

Tu vas être parrain de notre projet Semaine Olympique et Paralympique (SOP) 2021, quels conseils peux-tu donner aux diabétiques qui ont peur de commencer une activité physique ?

Lors de la traversée de la France que j’ai faite, j’ai eu plusieurs témoignages, un a tout particulièrement retenu mon attention. Une personne m’a dit que son médecin lui avait recommandé de ne pas faire du sport à cause des risques d’hypoglycémie. Au contraire, le sport est un super-moyen de réguler notre glycémie, car cela agit comme de l’insuline, c’est comme un médicament. Pour tous les diabétiques, faire une pratique régulière est essentielle pour réguler la glycémie, donc faire beaucoup moins de doses d’insuline et avoir une meilleure hémoglobine glyquée. ✱

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