Santos, bruno anthologie poétique usp (2012)

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UNIVERSITÉ DE SÃO PAULO - USP FACULTÉ DE PHILOSOPHIE, LETTRES ET SCIENCES HUMAINES DÉPARTEMENT DE LETTRES MODERNES FLM1138 – Introduction à la Littérature Française Prof. Dr. Alexandre Bebiano de ALMEIDA

BRUNO PEREIRA DOS SANTOS (le matin) – NUSP 4944852

Anthologie poétique de la douleur

São Paulo novembre 2012

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Sommaire INTRODUCTION ........................................................................................................ 3 Poésie féminine ............................................................................................................ 5 Renée VIVIEN [1877-1909] .................................................................................... 5 Rosemonde GÉRARD [1871-1953]......................................................................... 6 Cécile SAUVAGE [1883-1927]............................................................................... 7 Poésie nègre ................................................................................................................ 10 Léon-Gontran DAMAS [1912-1978] ..................................................................... 10 Guy TIROLIEN [1917-1988]................................................................................. 11 David DIOP [1927-1960] ....................................................................................... 13 Lux Mea ...................................................................................................................... 15 Gaston COMPÈRE [1924-2008] ............................................................................ 15 Chez les québécois ..................................................................................................... 17 Napoleón AUBIN [1812-1890] .............................................................................. 17 Albert LOZEAU [1878-1924] ................................................................................ 18 RÉFÉRENCES ........................................................................................................... 20

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I.

INTRODUCTION « … cette magie, qui consiste à éveiller des sensations à l’aide d’une combinaison de sons… cette sorcellerie grâce à laquelle des idées nous sont nécessairement communiquées, d’une manière certaine, par des mots qui cependant ne les expriment pas. » [BANVILLE apud GIDE : 1949, p. 50]

À la lecture de l'introduction d’un recueil de poésie féminine, j'ai été frappé par les mots que l'écrivain Henry de Montherlant a laissé sur la poésie des femmes: « Je crois que, en matière de poésie, c'est toujours des femmes que je recevrai le plus, parce qu'elles surtout y on le 'chant profond'... ». Mais on ne va pas pas loin en termes d'impression, pourtant nous nous sommes inspirés de choisir une partie de notre anthologie par les historiennes Michelle Perrot (française) et Mary Del Priore (brésilienne), qui nous ont influencé à mieux comprendre l'histoire, l'âme et la suprême importance de femmes dans le monde et dans la vie. Mais on n’appelait pas une « poésie féminine », parce que pour tout ce qui est écrit il n'y a pas de sexe, comme disait Rachilde (dans la même introduction): « Il y a des écrivains. Le sexe importe peu. » (BEALU : 1953, p. 8). Dans la queue de ce qui est au-delà de l'attendu, on suit une représentation (un essai) et un besoin d'aller un peu à la poésie francophone nègre, qui exprime avec force les douleurs subies par les processus engendrés par l'impérialisme européen en Afrique. Comme pour le genre, pourrions nous discuter s'il y a une « poésie noire », mais notre envie dans la formation de cette petite anthologie est tout simplement dire, par nousmême: « Il y a des auteurs francophones nègres très expressifs. », au lieu d'essayer de classifier ou nommer l’ensemble de poètes invités ici. Il est avec un écrivain belge, et également soutenu dans les manifestations de certains élèves pendant le développement de notre cours ce semestre, que je justifie le choix dans ce travail : il est « aléatoire » (même si certains titres ont motivé, par eux-même, l'étude). Nous ne pouvons faire une anthologie thématique de poésie française satisfaisante qu’après un long congé sabbatique (ce qui prendrait trop de temps) d'incursion dans la littérature francophone. page 3


Et Charles-André Julien justifie le choix de Senghor pour son recueil (qu’on utilise dans ce travail) : Ce recueil, Sédar Senghor l'a constitué non seulement avec goût mais avec amour. Philologue érudit, il a cependant conservé une âme de poète toute neuve. Aucun préjugé d'école n'a influé sur son choix et ce choix est excellent qui n'a été inspiré que par son culte de la beauté et sa foi en l'éminente dignité de la négritude. [JULIEN : 1948, p. VII]

Et enfin, une sorte de déplacement géographique, c'est-à-dire, même si l'on peut dire qu'il n'y a pas une anthologie de poésie de la littérature française sans introduire de poètes français, c'était au Québec que nous nous sommes inspirés à fermer le groupe. Ici, une douleur beaucoup plus subtile apparaît dans la poésie, dont la forme poétique ne renonce pas à son importance dans l'expression. Nous avons dans ce travail Renée Vivien - poète britannique d'expression française -, Rosemonde Gérard (parisienne, épouse de l’auteur dramatique Edmond Rostand), et Cécile Sauvage, surnommée « la poétesse de la maternité »1 après avoir écrit un recueil tel que « L’âme en bourgeon ». Deuxièmement, Léon-Gontran Damas : guyanais, cofondateur du mouvement de la négritude avec Césaire et Senghor dans les années 40 ; de l’île de Guadeloupe, Guy Tirolien, contributeur à la fondation de la revue Présence africaine et David Diop (fils d’un père sénégalais et d'une mère camerounaise, mais né à Bordeaux), professeur, ancien élève de Senghor. Avant la présence des poètes du continent américain, un extrait de la poésie belge contemporaine, de Gaston Compère, avec « Les larmes ». Les québécois Napoleón Aubin (né en Suisse, mais arrivé jeune au Canada) et Albert Lozeau (de Montréal), mélancolique, nous amène quelques mots sur la solitude - en guise de conclusion de ce recueil.

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Confirmé sur : [http://mmepastel.tumblr.com/post/15122516794/c-cile-sauvage-enfant-p-leembryon]. Accès en 24.novembre.2012. page 4


II.

Poésie féminine A.

Renée VIVIEN [1877-1909]

MON AMI LE VENT (« Sillages », Sansot, 1908)

Mon doux ami le vent, entre dans ma demeure Et joins ta voix à ma voix lamentable et pleure... Pleurons le jour, pleurons le soir, pleurons la nuit.

Pleurons avec la voix des femmes malheureuses Sur la jeunesse morte et sur l'amour qui fuit Malgré les bras tendus des tristes amoureuses.

Pleurons les jougs mauvais qui pèsent sur les fronts Et sur tous et sur tout, ô mon ami, pleurons ! Pleurons le sort mauvais des êtres et des choses.

Plaignons les yeux que nul rayon d'or ne ravit, Les vieux livres brûlés, la lente mort des roses... O vent, mon cher ami, plaignons tout ce qui vit !

Qu'on s'éloigne de la grand'salle où l'ombre flotte Et que nul ne m'entende alors que je sanglote Avec le vent, avec mon doux ami le vent...

L'amitié vient du vent, comme nous l'avons décrit dans le titre. La solitude est donc la toile de fond d'une série de complaintes vers les moments de la journée, les femmes malheureuses, vieux livres brûlés et des fleurs qui meurent lentement.

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Pour tout ce qui vit! Dit dans un moment de culmination de regret. Larmes incontrôlables et le désir de maintenir la solitude et l'aliénation de tous ceux qui pourraient y assister en sanglotant, mais il y a toujours un complice présent, le vent, le « doux ami » vent, ce qui est toujours le bienvenu et accompagne son deuil sans fin. Situation qui rend à la mémoire le vent ami d'Anis, chanteur français - dont la carrière a décollé quand il a commencé à chanter dans la ligne de métro de Paris 6, après recommandation d'un ami -, ce qui rend parfois un complice dans le refrain: « Avec le vent comme complice » (extrait de l'album « la Chance », 2005).

B.

Rosemonde GÉRARD [1871-1953]

PRIÈRE

Seigneur, pardonnez-moi. Parmi l'avoine grise, J'ai trop aimé les soirs, les fleurs et les fourmis ; Je préférais, aux lys d'argent de votre église, Ceux, dans les sentiers frais, que vous-même aviez mis.

Seigneur, pardonnez-moi. Parmi l'heure indécise, J'ai pris l'astre du ciel pour un doute éclairci ; Et, d'un coeur plus penché que le clocher de Pise J'ai pris le ver luisant pour une étoile aussi.

Comment pouviez-vous donc écouter ma prière Quand, par une fenêtre, un parfum de bruyère Suffisait pour troubler mon coeur qui palpitait ?

Seigneur, chaque printemps dictait la parabole De mon âme si grave et pourtant si frivole... Et je n'ai su prier qu'en mots que j'inventais ! page 6


Dieu pardonne tout? Cette scène dans laquelle une sorte d'émotion fait plier un coeur et à confondre les étoiles et les vers luisants, une âme demande pardon. Mais le coeur n'est pas fait par Dieu? Ses émotions ne sont pas guidés par le Seigneur ? Le coeur est faible, et le témoignage démontre qu'un parfum simple qui vient à travers la fenêtre est en mesure de le faire palpiter. Il y a une confession à la fin du récit, en particulier par la frivolité et le manque d'un meilleur contrôle sur la façon de communiquer avec le Tout-Puissant, à l'exception des mots qui sont inventées.

C.

Cécile SAUVAGE [1883-1927]

IL EST NÉ... (« L'âme en bourgeon », 1929)

Il est né, j'ai perdu mon jeune bien-aimé, Je le tenais si bien dans mon âme enfermé, Il habitait mon sein, il buvait mes tendresses, Je le laissais jouer et tirailler mes tresses. A qui vais-je parler dans mon coeur à présent ? Il écoutait mes pleurs tomber en s'écrasant, Il était le printemps qui voit notre délire Gambader sur son herbe et qui ne peut en rire. Il me donnait la main pour sauter les ruisseaux, Nous avions des bonheurs et des peines d'oiseaux ; Son sommeil s'étendait comme un aveu candide. Mon oeil grave flottait sur son âme limpide, Je couvais dans son coeur les oeufs de la bonté, J'effeuillais sur son front des roses de clarté. Le silence des fleurs reposait sur sa bouche, Son doux flanc se gonflait de mon orgueil farouche ; page 7


Son souffle était le mien, il voyait par mes yeux, Son petit crâne avait la courbure des cieux. Je le tenais des dieux que j'ai conçus moi-même ; C'était le jardin clos où la vérité sème, C'était le petit livre où des contes naïfs Me reposaient de l'ombre et des rayons pensifs. Ses doigts tendres savaient caresser ma misère. Devant ce front de lait, devant cette âme claire Mon coeur n'éprouvait point de honte d'être nu, Mon âme était l'instinct dans son geste ingénu, J'étais bonne d'avril nouveau comme la terre, Je donnais mes ruisseaux, mes feuilles, ma lumière ; La mort cachait ses os sous les duvets herbeux, Nous étions le mystère et la vie à nous deux. Notre âme, au ras du sol mollement étendue, Etait um blé qui berce une vague pelue.

Maintenant il est né. Je suis seule, je sens S'épouvanter en moi le vide de mon sang ; Mon flair intérieur furette dans son ombre Avec le grognement des femelles. Je sombre D'un bonheur plus puissant que l'appel d'un printemps Qui ferait refleurir tous les mondes des temps. Ah ! que je suis petite et l'âme retombée, Comme lorsque la graine ayant pris sa volée La capsule rejoint ses tissus aplanis. O coeur abandonné dans le vent, pauvre nid !

Rien de plus égoïste de vouloir garder pour toujours intégré à soi-même le fruit des entrailles. Alors qu'il vient à la lumière, elle sent qu'elle a perdu son « jeune bien-aimé ».

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Et la relation post-partum est encore la dépendance de la mère à l'être humain nouveau-né, mais elle se demande quand-même: « A qui vais-je parler dans mon coeur à présent ? ». Elle sent le vide, se sent toute seule (« je sens / S'épouvanter en moi le vide mon sang... »). La douleur causée par le sentiment de la plus haute égoïsme maternel et incompréhensible.

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III.

Poésie nègre A.

Léon-Gontran DAMAS [1912-1978]

LA COMPLAINTE DU NÈGRE (« Pigments », G.L.M., 1937)

Ils me l'ont rendue la vie plus lourde et lasse la liberté m'est une douleur affreuse mes aujourd'hui ont chacun sur mon jadis de gros yeux qui roulent de rancoeur de honte

Les jours inexorablement tristes jamais n'ont cessé d'être à la mémoire de ce que fut ma vie tronquée Va encore mon hébétude de temps jadis de coups de corde noueux de corps calcinés de l'orteil au dos calcinés de chair morte de tisons de fer rouge de bras brisés sous le fouet qui se déchaîne sous le fouet qui fait marcher la plantation s'abreuver de sang de mon sang de sang la sucrerie et la bouffarde du commandeur crâner au ciel

Le cadre d'une soumission à un autre homme, qui utilise son gros travail pour profiter de la vente des matières premières, marque d’une grande partie de la relation que les européens avaient avec les hommes d’Afrique noire, conduit les hommes à une condition si

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indigne que la sensation de liberté devient douloureuse, étant donné une telle honte d’avoir passé pour une situation dégradante de l'esclavage. La mémoire prend soin de ne pas laisser oublier comment était la « vie tronquée » de qui a été prise par la violence causée par l'avidité pour le matériel.

B.

Guy TIROLIEN [1917-1988]

PRIÈRE D'UN PETIT ENFANT NÈGRE (1943)

Seigneur je suis très fatigué. Je suis né fatigué. E j'ai beaucoup marché depuis le chant du coq Et le morne est bien haut qui mène à leur école. Seigneur, je ne veux plus aller à leur école, Faites, je vous en prie, que je n'y aille plus. Je veux suivre mon père dans les ravines fraîches Quand la nuit flotte encore dans le mystère des bois Où glissent les esprits que l'aube vient chasser. Je veux aller pieds nus par les rouges sentiers Que cuisent les flammes de midi, Je veux dormir ma sieste au pied des lourds manguiers, Je veux me réveiller Lorsque là-bas mugit la sirène des blancs Et que l'Usine Sur l'océan des cannes Comme un bateau ancrée Vomit dans la campagne son équipage nègre... Seigneur, je ne veux plus aller à leur école, Faites, je vous en prie, que je n'y aille plus. page 11


Ils racontent qu'il faut qu'un petit nègre y aille Pour qu'il devienne pareil Aux messieurs de la ville Aux messieurs comme il faut. Mais mois je ne veux pas Devenir, comme ils disent, Un monsieur de la ville, Un monsieur comme il faut. Je préfère flâner le long des sucreries Où sont les sacs repus Que gonfle un sucre brun autant que ma peau brune. Je préfère vers l'heure où la lune amoureuse Parle bas à l'oreille des cocotiers penchés Écouter ce que dit la nuit La voix cassé d'un vieux qui raconte en fumant Les histoires de Zamba et de compère Lapin Et bien d'autres choses encore Qui ne sont pas dans les livres. Les nègres, vous le savez, n'ont que trop travaillé. Pourquoi faut-il de plus apprendre dans des livres Qui nous parlent de choses qui ne sont point d'ici ? Et puis elle est vraiment trop triste leur école, Triste comme Les messieurs de la ville, Les messieurs comme il faut Qui ne savent plus que danser le soir au clair de lune Qui ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds Qui ne savent plus conter les contes aux veillées. Seigneur, je ne veux plus aller à leur école.

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Petite histoire d'un enfant qui veut les choses simples de la vie, dans un environnement où le contact avec la nature physique et culturelle (de sa origine ethnique / couleur) est plus important que grandir pour être ce que les autres pensent qu'il devrait être. Il y a une nostalgie présent tout au long de la poésie, et un sentiment très passionné par les choses d'une civilisation traditionnelle, représentée par la figure du père et une voix ancienne qui raconte les histoires qui ne sont pas dans les livres (mais on peut aussi vivre dans les contes et les légendes savoureux de l'écrivain français Yves Pinguilly, par exemple). L'école est le symbole, le contrepoint d'une vie frugale et heureux ; contrairement aux manières réserves de « messieurs de la ville », avenir de ceux qui sont tristes dans cette institution.

C.

David DIOP [1927-1960]

UN BLANC M'A DIT... (« Coups de pilon », Présence Africaine, [1956] 1973)

Tu n'es qu'un nègre ! Un nègre ! Un sale nègre ! Ton coeur est une éponge qui boit Qui boit avec frénésie le liquide empoisonné du Vice Et la couleur emprisonne ton sang Dans l'éternité de l'esclavage. Le fer rouge de la justice t'a marqué Marqué dans ta chair de luxure. Ta route a les contour tortueux de l'humiliation Et ton avenir, monstre damné, c'est ton présent de honte. Donne-moi ce dos qui ruisselle Et ruisselle de la sueur fétide de tes fautes. Donne-moi tes mains calleuses et lourdes page 13


Ces mains de rachat sans espoir. Le travail n'attend pas ! Et que tombe ma pitié Devant l'horreur de ton spectacle.

L'horreur et la douleur des mots forts résonnent dans toute personne qui lit ou entend telles impressions d'un homme blanc, sur le Noir déjà fortement marquée par le système oppressif de l'esclavage. Disséquer la condition d'un homme par sa couleur de peau et l'associer au vice, la luxure, l'humiliation et la honte est montrer comme vilaine peut être (et elle était) la pensée humaine. Ici, la douleur physique est mélangé à la douleur psychologique, cela se trouve dans le vers: « Et ton avenir, monstre damné, c'est ton présent de honte. » Comme s'il n'y avait pas d'avenir de liberté.

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IV.

Lux Mea A.

Gaston COMPÈRE [1924-2008]

LES LARMES

Les larmes viennent de la mer depuis toujours. Les larmes depuis toujours vont à l'air clair.

Qu'on me laisse dans mon vacarme sucer le souci et la douce-amère.

Trop de morts en moi, trop dehors, depuis toujours. Les larmes depuis toujours rêvent des morts.

Laisser vos spermes, dieux hilares, ma souiller longtemps sous le sycomore.

Inermis. J'ai la peau humide depuis toujours. Les larmes, les spermes nocturnes... Le vide.

La mort. Laisse. Je connais l'art miraculeaux des atroces acides.

Dans les larmes la mer, la mer de toujours. Dans les larmes la mort, l'immense primevère. page 15


Sortez tous ! Je suis las des armes. La mer est inerte, la mort éclôt dans la lumière.

Ah que j'oublie, - oublier dans l'or le suc du souci et de la douce-amère !

Les larmes sont la marque de la tristesse et la souffrance de notre personnage, qui se mélange dans les souvenirs et la résonance que l'expression et le contenu de « la mer » ont avec l'intitulé « les larmes ». L'hyperbole d'une mer de larmes expose la sensation douloureuse qui a, en tout temps, la peau exposée à l'humidité de ce qui répresente la tristesse de notre condition humaine.

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V.

Chez les québécois A.

Napoleón AUBIN [1812-1890]

TRISTESSE (Répertoire National2)

Seul bien que j'envie, Amour ! douce erreur ! Viens, ma triste vie S'éteint de langueur. Ô coupe d'ivresse, Pourquoi te tarir ? Ô fleur de jeunesse, Pourquoi te flétrir ?

Une fièvre ardente Consume mes os : Chacun se tourmente Pour changer de maux ; On suit sa chimère, On fait des projets... Et bientôt la terre Les couvre à jamais.

Comme un flot se brise Aux rochers du bord, Ma vigueur s'apaise À vaincre le sort. Mal qui me possèdes,

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De Huston (1848). page 17


Abrège ton cours ! Combien tu m'obsèdes, Ô fardeau des jours !

Serait-t-il l'amour une erreur douce? Qui mène à la vie, la tristesse des situations éphémères: l'ivresse et la jeunesse. On sent à l'intérieur un sens extrême de la douleur, comme une fièvre qui arrive à brûler les os. Il n'y a aucune force interne qui peut résister à la situation, ce qui rend les jours lourds (« Ô Fardeau des jours »).

B.

Albert LOZEAU [1878-1924]

MAUVAISE SOLITUDE (« Le Miroir des jours », 1912)

Ô poète songeur, si triste de toi-même, Qui pourrait te guérir et qui pourrait t'aimer ? Tu portes à ton front l'ombre amère et suprême D'une âme que l'ennui va bientôt consumer.

La solitude grave à ton coeur est mauvaise: Le pire compagnon de toi-même, c'est toi ! Ô le regard aimé qui doucement apaise, Quand viendra-t-il poser sa caresse sur moi ?

L'heure m'est un tourment cruel, et tous les livres Ne pourraient endormir ce mal fort et subtil. Afin qu'heureusement, un jour, tu t'en délivres, Et pour jamais, ô coeur blessé, que te faut-il ? page 18


C'est au poète la solitude de soi-même, personne ne peut le guérir ou l'aimer, on ne peut éviter l'ennui qui occupe son esprit. Outre sa propre compagnie dans les moments de solitude est d'être soi-même, la souffrance inéluctable, dans l'attente d'un regard d'amour qui peut accueillir son coeur blessé.

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VI.

RÉFÉRENCES

AUBIN, Napoleón. « Tristesse ». In : MAILHOT, Laurent et NEPVEU, Pierre (orgs). La poésie québécoise – des origines à nos jours - anthologie. Québéc : Presses de l'Université du Québéc, 1980. p. 71. BEALU, Marcel (org). « Avant-propos ». In : ______. Anthologie de la poésie féminine française. Paris : Stock, 1953. pp. 7-9. COMPÈRE, Gaston. « Les larmes ». In : Lux Mea - Anthologie poétique et arbitraire (1952-2004). Bruxelles : Maelström, 2004. p. 267. DAMAS, Léon-Gontran. « La complainte du nègre ». In : SENGHOR, Léopold Sédar (org). Anthologie de La nouvelle poésie nègre et malgache de langue française. Paris : Presses Universitaires de France, 1948. [Colonies et empires Collection Internationale de Documentation Coloniale]. pp. 10-11. DIOP, David. « Un blanc m'a dit... ». In : SENGHOR, Léopold Sédar (org). Anthologie de La nouvelle poésie nègre et malgache de langue française. Paris : Presses Universitaires de France, 1948. [Colonies et empires - Collection Internationale de Documentation Coloniale]. p. 175. GÉRARD, Rosemonde. « Prière ». In : BEALU, Marcel (org). Anthologie de la poésie féminine française. Paris : Stock, 1953. p. 35. GIDE, André. « Préface ». In : ______ (org). Anthologie de la poésie française. Paris : Gallimard, 1949. [Bibliothèque de la Pléiade] pp. 7-53. JULIEN, Charles-André. « Avant-propos ». In : SENGHOR, Léopold Sédar (org). Anthologie de La nouvelle poésie nègre et malgache de langue française. Paris : Presses Universitaires de France, 1948. [Colonies et empires - Collection Internationale de Documentation Coloniale]. pp. VII-VIII.

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LOZEAU, Albert. « Mauvaise solitude ». In : MAILHOT, Laurent et NEPVEU, Pierre (orgs). La poésie québécoise – des origines à nos jours - anthologie. Québéc : Presses de l'Université du Québéc, 1980. p. 159. SAUVAGE, Cécile. « Il est né... ». In : BEALU, Marcel (org). Anthologie de la poésie féminine française. Paris : Stock, 1953. pp. 49-50. TIROLIEN, Guy. « Prière d'un petit enfant nègre ». In : SENGHOR, Léopold Sédar (org). Anthologie de La nouvelle poésie nègre et malgache de langue française. Paris : Presses Universitaires de France, 1948. [Colonies et empires Collection Internationale de Documentation Coloniale]. pp. 86-87. VIVIEN, Renée. « Mon ami le vent ». In : BEALU, Marcel (org). Anthologie de la poésie féminine française. Paris : Stock, 1953. p. 16.

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