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B La nature, actrice de LA qualité architecturale

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introduction

introduction

Les règlementations nous contraignent à utiliser « la résistance » comme stratégie étant la plus adaptée aujourd’hui, alors que chaque situation doit être analysée séparément pour l’avenir. La résilience reste la solution la plus adaptée durablement. L’architecture de risque en zone inondable étant le sujet du studio du semestre 6, ce sujet m’a passionné. Avec mon collègue, nous avons libéré le lit du DRAC sur une bande de 50 par 500 mètres (voir fig. 4) et ainsi conçu un quartier sur pilotis au-dessus de l’eau. Cette réflexion à l’échelle du quartier afin de garantir la sécurité des réseaux et mobilités en cas de grandes crues est d’après moi nécessaire. Afin de répondre au mieux aux éventuels aléas, il est possible de mettre en place des stratégies où l’aléa spatialise les différentes activités du quartier en fonction de leur importance : les activités primordiales (centres de soins, écoles et réseaux de mobilités) se trouvent dans les zones les moins vulnérables. Des toitures végétalisées, une omniprésence de la végétation contre l’imperméabilité des sols et une consommation d’énergie allégée par les énergies renouvelables apportent elles aussi une réponse aux risques de la ville. Cette architecture se retrouve mise en valeur par la contrainte naturelle, la connaissance des risques et les solutions apportées. Elle devient un atout, une ressource pour le projet et engendre la création de qualités architecturales par l’innovation des concepts mis en place. La nature qualifie l’architecture.

Encadré d’expérience: STUDIO DE PROJET S4 (Studio PNG) - Phénoménologie, ambiances et matérialités de l’architecture - 2018

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B La nature, actrice de qualité architecturale

La nature est définie comme « l’ensemble de la réalité matérielle considérée comme indépendante de l’activité et de l’histoire humaine » (Bonnet, 2016, p. 8). André Corboz insiste sur le fait que la nature est aujourd’hui utilisée comme « un bien commun à la disposition de l’humanité, que les hommes peuvent et même doivent exploiter à leur profit » (Corboz, 2001, p. 6). Cette définition a été popularisée et nous a mené aux crises environnementales que nous subissons aujourd’hui. La nature ne doit pas être exploitée, elle représente « un bien commun » qui nous a été offert. Il est essentiel de l’utiliser avec prudence et retenu. Je suis de l’avis d’André Corboz : la nature doit être « une espèce de pédagogue de l’âme humaine, […] un être mystique entretenant avec les hommes un incessant dialogue » (Corboz, 2001, p. 6). De son étymologie, « du latin « natura » lui-même dérivé de « nasci », être né » (Sauquet ; Vielajus, 2014, p. 61). Cela nous permet de se rendre compte du « lien avec les éléments innés d’un individu » (Sauquet ; Vielajus, 2014, p. 61), et à quel point elle est notre essence. C’est pourquoi je pense qu’il est important d’entretenir avec elle une relation fusionnelle. Elle est à la base de principes marqueurs d’époques et de qualités architecturales symboliques. Prenons l’exemple du nombre d’or et de la suite de Fibonacci, grands principes de l’architecture grecque antique que l’on retrouve dans la croissance des pétales de plantes et certains légumes, existants depuis des milliers d’années. L’architecture est reliée au reste de l’univers. La nature nous apporte des connaissances que nous ne pouvons renier. Son observation a permis d’apporter des innovations historiques significatives comme l’avion inspiré de l’oiseau ou le pansement inspiré de la toile d’araignée. L’Homme imite la nature, elle qui évolue depuis des millions d’années à laquelle nous ne pouvons rivaliser. Ce concept se nomme le biomimétisme ; il vise à concevoir des dispositifs ou systèmes spécifiques inspirés du monde du vivant. Largement utilisé dans l’architecture, il peut apporter de multiples qualités au projet.

Fig. 4 Maquette d’intention de projet - 1/2000. Photo perso - Cad, 2019, Studio S6

Fig. 5 Structure de la LilyPad immaginée par Vincent Callebault. Modélisation, 2015 in Vincent.Callebault.org

Celui qui reste, selon moi, un des plus importants est l’économie de matière liée à la performance structurelle de nos bâtiments intégrant ainsi la notion de durabilité dans la conception. Prenons l’exemple de la Lylipad, une ville flottante, imaginée par Vincent Callebault, capable d’accueillir cinquante mille réfugiés climatiques. Aujourd’hui au stade d’architecture de papier, elle est imaginée à partir de sa structure : élégante, fine et nervurée, possédant une flottaison optimale au grès des océans (voir fig. 5). Une capacité due à l’imitation d’un élément naturel. Celui-ci possède des capacités de flottaison hors du commun grâce à ses nervures composées géométriquement : le nénuphar géant d’Afrique. Il peut mesurer jusqu’à 4 mètres de diamètre et supporter des charges de plus de 80 kilos (Voir fig. 6). Ces observations prouvent le«génie de la nature » (Boeuf, 2017) auquelLéonard de Vinciportait déjà énormément d’importance : « Scrute la nature, c’est là qu’est ton futur » (Léonard de Vinci.) Le futur réside dans une utilisation réfléchie de la nature, dans un contexte d’observation pour l’imiter mais aussi dans un contexte plus personnel, où la nature nous permet de ressentir des émotions, créer des ambiances et atmosphères et de se sentir « protégé » ou « menacé » selon sa disposition, sa densité, sa hauteur. Ces ambiances sont modifiées selon l’espace que l’on perçoit et les expériences personnelles vécues. La nature peut être architecture et donc modeler des espaces. En considérant la nature comme espace, on peut réaliser à quel point un simple arbre peut offrir des dizaines de qualités que l’on peut retrouver dans l’architecture : en été, il nous protège du soleil par ses larges feuilles, en hiver, il nous réchauffe en laissant passer la lumière. L’arbre évolue dans le temps et peut accueillir des dizaines d’activités et usages par la complexité de ses réseaux de branches (Voir fig. 7). Il nous plonge dans une atmosphère spécifique, nous fait ressentir l’espace et est selon moi architecture. Cédric Price, architecte britannique, défend l’idée que l’architecture évolue dans le temps, tel un arbre et pense la nature comme architecture. Le projet 25 Verde (conçu par Luciano Pia à Turin en 2015), par son excessive utilisation de la nature, caractérise et qualifie ses espaces (Voir fig. 8). L’omniprésence de la nature dans un projet d’immeuble collectif en ville est osée mais se démarque méliorativement du reste du quartier (Voir fig. 9). Une utilisation moindre d’énergie due à l’isolation naturelle des arbres, la création d’une barrière sonore et visuelle naturelle sur le reste de la ville, des saisons pleinement vécues par les habitants, des espaces extérieurs en mouvement permanent ou encore la fusion entre les espaces naturels et habitables, sont autant de qualités que la nature apporte au projet d’architecture. Par la présence de la nature, les habitants, après les avoir interrogés, ont tous affirmé qu’elle était un moteur de créativité, d’enthousiasme et de détente. Ils ne se voient plus aujourd’hui vivre autre part. Ce concept est, selon moi, entièrement réussi dans ce projet. L’architecture parait vivante et modifie ainsi son image banalisée. On se retrouve dans un espace proche de l’imaginaire (Voir fig. 10).

Fig 7. Croquis descriptifs des possibilitées d’usages offerts par l’arbre. Grenoble, France, 2019

Fig 8. La végétation dans le logement collectif. Turin, Italie, 2012, in Archdaily.com

Fig 9. Turin, Italie, 2012, in Archdaily.com Fig 10. Turin, Italie, 2012 in Archdaily.com

Je pense que l’architecte se doit aujourd’hui de collaborer avec des biologistes et ingénieurs. Ils peuvent, par leurs connaissances et leurs études environnementales et techniques, proposer des solutions plus optimales comme vu précédemment avec la Lilypad de Vincent Callebault. L’architecture doit utiliser les qualités que la nature possède, ces projets en sont la preuve. C’est en l’imitant, la recopiant que nous pourrons mettre en œuvre des principes plus adaptés à nos besoins dans notre contexte actuel. Outre les qualités pouvant améliorer notre rapport à l’architecture comme vu précédemment, la nature possède d’autres qualités que l’on a appris à exploiter au fil du temps dans le but de diminuer au maximum notre impact environnemental. Elles nous permettent aujourd’hui de répondre à une demande toujours croissante de façon plus raisonnée. Nombre d’architectes cités dans ce rapport comme par exemple Luciano Pia, cherchent à adopter des méthodes de conception et de consommation plus responsables et respectueuses de l’environnement.

L’écologie est définie comme « l’étude des conditions d’existence et des comportements des êtres vivants en fonction de l’équilibre biologique et de la survie des espèces » (Trésor de la Langue Française informatisé ). Cependant, sa définition peut selon moi être complétée, en particulier dans le domaine de l’architecture. L’écologie architecturale peut être définie par un système ayant pour but de concevoir des espaces de vies responsables, durables et respectueux de l’environnement pour assurer la survie des espèces qui y vivent. Après des dizaines d’années d’insouciance écologique et de désastres environnementaux causés en particulier par le secteur du bâtiment « 40 % des émissions de CO2 des pays développés, 37 % de la consommation d’énergie et 40 % des déchets produits » (Golla, 2018), nous devons trouver des solutions permettant de réduire au maximum le gaspillage d’énergie et de ressources que nous causons. Certains chiffres sont accablants : L’Europe, l’Amérique et le Japon produisent à eux seuls 900 millions de tonnes de gravats qui ne sont qu’en infime partie, recyclables. De nombreux jeunes architectes, aujourd’hui figures du XXIème siècle, ont vécu dans des villes asphyxiées et revendiquent une architecture éco-responsable, capable de répondre positivement aux impacts environnementaux. Je souhaite faire partie de cette génération qui entreprend de nouvelle façon de concevoir et d’habiter l’architecture comme gage de soutenabilité pour notre planète.

A Les matériaux locaux, acteurs de durabilité

La durabilité est définie comme «quelque chose qui dure dans le temps, qui est susceptible de durer pour toujours et qui présente de la stabilité et de la constance dans le temps » (Trésor de la Langue Française informatisé). Suite à la première Guerre mondiale, le béton armé est devenu indispensable à l’homme, cette architecture est allée à l’encontre même de la notion de localité et durabilité. Il a été utilisé en masse pour son faible coût et ses capacités structurelles qui permettaient de construire sur de grandes hauteurs dans le but de loger en masse. Suite à quoi, il est aujourd’hui nécessaire de détruire ces bâtiments mal construits et énergivores afin de reconstruire de manière plus réfléchie. L’utilisation et la nature des matériaux sont l’une des grandes problématiques de notre époque. Les maîtres d’œuvres ont un choix à faire quant à l’utilisation de ressources locales, durables, souvent plus chères, face à des ressources énergivores en tout point, vieillissant mal, mais moins chères. Depuis peu, les matériaux naturels et locaux sont réenvisagés dans la construction et notamment le bois en France. Nous avons aujourd’hui de nombreuses forêts exploitables durablement dans le cadre de l’architecture. L’utilisation de matériaux plus sains écologiquement sur le plan énergétique comme durable engage un possible renouveau écologique. L’utilisation de ressources locales reste la méthode la plus efficace afin de pallier aux énergies grises dans la récupération et l’acheminement des matériaux. Mais ce n’est pas son seul avantage, outre sa qualité environnementale. Chaque matériau spécifique s’insère dans une zone géographique restreinte dans laquelle les savoirs-faires liés à ces matériaux sont ancestraux et de qualité. Ils permettent la mise en œuvre de matériaux de façon économe, réfléchie, ingénieuse et en peu de temps car la population connaît ce matériau, ses usages et ses techniques de mise en œuvre.

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