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Quelle est la prochaine superbatterie?
Le besoin en batteries de stockage pour les énergies renouvelables augmentera massivement à l’avenir. Pourrions-nous également concevoir des modèles qui impactent moins l’environnement et préservent mieux nos précieuses ressources que les batteries lithium-ion? La recherche se penche sur les variantes possibles.
Texte: Rainer Klose, Empa
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Les quantités croissantes d’électricité verte temporairement disponibles ne peuvent plus être stockées dans les seules centrales de pompage-turbinage, car le réseau électrique surchargé ne le permet guère. Dans de nombreuses régions du monde, ce type de centrales n’est de toute façon pas réalisable en raison du manque d’eau et de formations montagneuses appropriées. La demande de batteries stationnaires à faible coût va donc augmenter fortement. Dans la mesure du possible, elles doivent être fabriquées à partir de matériaux respectueux de l’environnement, afin de ne pas épuiser davantage les réserves mondiales de lithium, de cobalt et d’autres métaux coûteux – ces substances étant contenues dans les batteries lithiumion. Kostiantyn Kravchyk et Maksym Kovalenko, chercheurs de l’Empa et de l’EPF de Zurich, ont examiné de plus près les alternatives possibles à la batterie lithium-ion. Ils ont étudié des dizaines de publications de groupes de recherche du monde entier et ont systématiquement mené leurs propres expériences. Leurs évaluations ont été publiées au début de l’année dans le «New Journal of Chemistry», entre autres.
Eviter le lithium – se tourner vers le sodium? L’une des idées les plus simples serait de remplacer le lithium par du sodium. On trouve du chlorure de sodium dans l’eau de mer et il est accessible partout dans le monde. Mais c’est là son seul avantage. Comme un ion sodium est environ 50 % plus grand qu’un ion lithium, les matériaux de la cathode sont électrochimiquement moins stables. De plus, l’oxyde de sodium-cobalt peut supporter beaucoup moins de cycles de charge. Il y a également des problèmes de l’autre côté de la batterie, avec le matériau utilisé pour l’anode. Le graphite comme dans la batterie lithium-ion ne peut pas s’utiliser dans les batteries au sodium car il stocke trop peu d’ions sodium. Des expériences faites avec de l’étain, de l’antimoine ou du phosphore peu coûteux ont certes montré de bons résultats dans le stockage des charges électriques, mais lorsque l’anode est chargée, elle gonfle jusqu’à avoir trois fois son volume initial. En cas de choc, le matériau gonflé peut facilement se désintégrer et
Batterie lithium-ion
Anode Li+ Li+ Cathode
Graphite Oxyde de cobalt
Lorsque la batterie est déchargée, des ions de lithium sont libérés de l'anode en graphite, s'écoulent vers la cathode et sont incorporés dans le réseau cristallin d'oxyde de cobalt. Lors du chargement, le processus est inversé (principe du «rocking chair»). la batterie serait endommagée. Les anodes de phosphore posent un problème plus grave encore: lors de la charge, du phosphure de sodium (Na3P7) se forme dans l’anode, ce qui, avec l’eau, produit du monophosphane, un gaz extrêmement toxique qui provoque des arrêts respiratoires. Les phosphures métalliques, utilisés comme raticide, ont le même effet. Personne ne voudrait avoir une telle batterie, entièrement chargée à l’énergie solaire, dans sa cave.
Et le magnésium? Dans le tableau périodique des éléments chimiques, le magnésium suit le sodium. Il s’agit d’un petit atome léger qui peut transférer deux électrons à la fois. Le magnésium est
Batterie aluminium graphite
Anode AlCl4 -
Al2Cl7 AlCl4 Cathode
Aluminium Graphite
Lors de la décharge, le chlorure d'aluminium (AlCl4 est converti chimiquement (en Al 2Cl 7
- ) à l'anode et est simultanément libéré du graphite à la cathode. Le processus est inversé lors de l'inculpation. Pour pouvoir recharger complètement la batterie, il faut disposer d'une quantité suffisante d'AlCl4 -. Il faut donc beaucoup de liquide électrolytique. C'est pourquoi les piles en aluminium sont près de cinq fois plus lourdes que les piles au lithium-ion.
Kostiantyn Kravchyk explique le «bon» et le «mauvais» graphite pour les électrodes des batteries aluminium-ion. Les ions d’aluminium doivent pouvoir pénétrer les plis du graphite comme ils le feraient dans une rame de papier.
Comparaison d’une batterie au lithium-ion avec une batterie aluminium graphite
bon marché et non toxique. Pourrait-on l’utiliser pour fabriquer des batteries? Du côté de l’anode de la batterie, le magnésium présente en effet des avantages: le graphite n’est pas nécessaire, le magnésium métallique peut directement servir d’anode. Mais l’ion magnésium présente des inconvénients du côté de la cathode. La charge électrique élevée concentrée sur un petit diamètre provoque des forces d’attraction électrique élevées. Ainsi, l’ion ne migre vers une structure d’oxyde de cobalt qu’au prix d’une forte réaction, et une fois qu’il a migré il est difficile d’effectuer la procédure inverse. Si on utilise la force – c’est-à-dire des tensions plus élevées –, on risque de déclencher des processus d’oxydation et de réduction des composants chimiques de la batterie et donc de la détruire. Ces batteries ne se rechargent donc pas rapidement et ne peuvent être utilisées que dans une plage de tension réduite si elles doivent durer longtemps.
Batteries aluminium-graphite Si on avance dans le tableau périodique et qu’on regarde à droite du magnésium, on y trouve l’aluminium. Ce métal est également disponible en grande quantité, il n’est pas toxique et bon marché. Il peut transférer trois électrons. Comme pour la batterie au magnésium, l’anode est facile à fabriquer; il suffit d’une feuille d’aluminium. Cependant, le reste d’une batterie à l’aluminium fonc-
«Il est important d’adopter une approche holistique dans la recherche sur les batteries.»
Kostiantyn Kravchyk et Maksym Kovalenko
tionne d’une manière fondamentalement différente d’une batterie au lithium-ion: le principe appliqué dans les batteries au lithium-ion est appelé le principe du «rocking chair». Lors de la décharge, les ions de lithium migrent de l’anode vers la cathode, lors de la charge, ils migrent en sens inverse. En revanche, dans une batterie aluminium-graphite, les ions d’aluminium ne font pas directement l’aller-retour entre l’anode et la cathode. Pendant la charge, les composants du fluide électrolytique sont «consommés» par les deux électrodes (voir le graphique). D’un côté, l’électrolyte fournit de l’aluminium qui se dépose sur l’anode sous forme de métal. De l’autre côté de la batterie, les ions AlCl4 sont extraits du fluide électrolytique et se déposent dans l’anode en graphite. Une batterie aluminium-graphite sera donc toujours environ cinq fois plus lourde qu’une batterie lithium-ion comparable pour assurer une quantité suffisante d’électrolyte. En outre, la cathode en graphite se dilate de plus de deux fois son volume initial lors de chaque processus de charge et se contracte à nouveau lorsqu’elle se décharge, ce qui a également un effet négatif sur la résistance aux vibrations et la stabilité à long terme. Dans tous les cas, ces batteries ont besoin d’une enveloppe extérieure souple et d’un boîtier de protection offrant suffisamment d’espace pour «respirer».
■ Les batteries de stockage doivent être bon marché et leur production respectueuse de l’environnement. La taille et le poids sont moins importants.
Nouvelle gestion des batteries L’algorithme de charge de ces batteries non lithium-ion constitue un défi supplémentaire. Le groupe de recherche dirigé par Kostiantyn Kravchyk et Maksym Kovalenko a découvert que la performance d’une électrode en aluminium-graphite pouvait être augmentée jusqu’à 25 % par une charge progressive et intelligente. Un groupe international de chercheurs de Taïwan, de Chine, des Etats-Unis et d’Allemagne a découvert que ces électrodes sont nettement plus efficaces lorsqu’elles sont refroidies à –10 degrés Celsius. Ces résultats montrent clairement qu’un nouveau système de gestion des batteries, c’est-à-dire de nouveaux capteurs, dispositifs de charge et algorithmes, doit être mis au point pour des batteries chimiquement complètement différentes. On ne sait pas encore très bien quelle technologie de batteries décrite ici prévaudra et remplacera les batteries lithium-ion dans certains domaines. Dans leur analyse, les chercheurs soulignent également qu’aucune des technologies présentées ne peut rivaliser avec les batteries lithium-ion en termes de densité énergétique. Il est très probable que cela continuera d’être le cas à l’avenir. Ces batteries alternatives ne sont donc concevables que pour des applications dans lesquelles l’électricité doit être stockée à un prix aussi bas que possible et où l’accent est mis sur la production écologique des batteries.
Il faut davantage de recherche appliquée Il reste donc beaucoup à faire pour les groupes de recherche du monde entier avant que les batteries alternatives ne fassent une percée. Kostiantyn Kravchyk et Maksym Kovalenko souhaitent une approche plus holistique. «Souvent, dans le monde de la recherche, une expérience ne fait que prouver la faisabilité d’une idée – en revanche, le coût de tous les composants nécessaires et le poids total estimé du système complet de batteries sont souvent négligés», explique Maksym Kravchyk. Cependant, ce sont précisément ces paramètres qui sont décisifs pour une éventuelle commercialisation. «Ils devraient donc être davantage pris en compte dans les travaux de recherche que ce n’est le cas jusqu’à présent.» Malgré cette étude quelque peu décevante, Kostiantyn Kravchyk continuera à faire des recherches sur les batteries de stockage alternatives. «Les systèmes utilisant le graphite comme cathode restent très intéressants. Nous avons déjà pu montrer que le gonflement et le rétrécissement du matériau de la cathode est un problème qui peut être surmonté.» Avec ses collègues, il fait actuellement des recherches sur des électrodes en graphite «semi-solide» qui sont durables et peuvent en même temps bien transmettre l’électricité.
Références: M Walter, MV Kovalenko, KV Kravchyk; Challenges and benefits of post-lithium- ion batteries; New J Chem (2020); DOI: 10.1039/C9NJ05682C
KV Kravchyk, MV Kovalenko; Rechargeable Dual-Ion Batteries with Graphite as a Cathode: Key Challenges and Opportunities; Adv Energy Mater (2019); DOI: 10.1002/ aenm.201901749
Récompense
Maksym V. Kovalenko et son groupe de recherche, en partie basé à l’Empa, étudient la synthèse et les propriétés de divers matériaux fonctionnels inorganiques dans le but d’utiliser ces matériaux, par exemple, comme futures sources de lumière quantique et comme composants de batteries à haut rendement. Il a notamment reçu une bourse de consolidation du CER en 2018 et le Prix Rössler de l’EPF de Zurich en 2019 pour ses recherches sur les nanoparticules lumineuses.