CARTOGRAPHIE
DU FL Â NEUR TOME 1
MARIE FUHRMANN
Il n’y a pas de reconnaissance sans l’hésitation du départ, sans une perte de repère pour enfin pouvoir se dire : « Je suis là… évidemment, c’est moi, là » Sabine Réthoré, artiste-cartographe
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| SOMMAIRE
SOMMAIRE REMERCIEMENTS
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AVANT-PROPOS
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1. LE TERRITOIRE URBAIN LA VILLE
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Perception urbaine Changer d’espace pour changer de vie La ville comme espace social Appréhender et penser la ville
COMMUNIQUER SUR LA VILLE — — — —
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Représenter la ville La ville et ses codes d’apprentissage La ville : regard critique, regard artistique Rêver la ville, utopie urbaine ?
2. PRATIQUER LA VILLE LE HASARD — — — —
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43 45
L’utilisation du hasard La dérive urbaine comme théorie Le déplacement est un langage Le hasard dans la représentation créative
DÉPLACEMENTS (EXTRA)ORDINAIRES
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— Apprendre à se perdre — La dérive illustrée par la psychogéographie — La flânerie ou la poétique de la ligne
3. TOURISTE URBAIN : RALENTISSEZ TOURISTE URBAIN : VISITEUR-FLÂNEUR ?
83 85
— Tourisme urbain, tourisme pressé — Typologie du nouveau voyageur — Flâner aujourd’hui
SUPPORTS DE VOYAGE
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— Supports éditoriaux, numériques et atypiques — La cartographie — Nouvelle cartographie du hasard : le générateur
CONCLUSION
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PROBLÉMATIQUES
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INDEX
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| REMERCIEMENTS
REMERCIEMENTS À vous…
Un jour, je ferai vivre Mon étoile nomade Et j’irai loin des routes Par chemins oubliés Mon ciel sera ouvert Mon esprit libéré Je donnerai au monde La trace de mes pas. Moebius Made in LA
Je souhaite avant tout remercier toute l’équipe pédagogique de l’École de Condé qui m’a suivi, soutenu et encouragé durant cette dernière année de Mastère. Je remercie tout particulièrement Alban Gervais, mon suiveur, pour sa patience, son calme, mais aussi pour m’avoir laissé mûrir ce projet qui m’était cher et m’avoir guidé à travers mes moments de doutes. Son intérêt, sa patience et son partage de connaissances m’ont beaucoup aidé et m’ont réellement permis de m’épanouir au mieux dans l’élaboration de ce diplôme. Je pense aussi à mes partenaires de flâneries urbaines, tous ceux qui m’ont encouragé en flânant des journées entières dans Paris au mépris de la météo, ceux qui m’ont soutenu, écouté, rassuré. En plus du travail de longue haleine, j’ai gagné confiance en moi et en mes qualités. Merci enfin à vous, Jury, qui allez me suivre sans cette dernière aventure.
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| AVANT-PROPOS
AVANT-PROPOS Souvenir d’une expérience personnelle…
S’installer dans une nouvelle ville. Perdre ses repères, en construire de nouveaux, apprivoiser les habitudes, les formes, les sons et les mots. C’est ce à quoi j’ai été confronté l’année dernière, lors de mon arrivée à Paris. Le meilleur moyen pour faire connaissance avec un nouveau lieu hostile est de l’apprivoiser, de vagabonder, de s’y perdre. Passer par la flânerie, le parcours sans but, pour mémoriser et cartographier le bon chemin. Chacun sait ce qu’est une carte, carte d’atlas, carte routière…, un outil conçu et éprouvé pour se repérer dans l’espace, auquel on attribue des vertus de transparence et d’objectivité. Jacques Lévy, géographe français, défend la thèse qu’une carte exprime, voire défend, toujours un point de vue ; elle n’est jamais objective. La cartographie s’efforce de transcrire, dans un langage qui lui est propre, la manière dont les hommes habitent. Elle propose des enjeux et défis de la représentation par la carte des grands phénomènes du monde dans lequel nous vivons. MALTE MARTIN Signalétique sur le sol de la base de vie 2012
Une réelle démocratisation de la cartographie s’est développée, avec un nouveau type d’images qui amène à de nouvelles formes cartographiques. Tout doit être noté de façon précise. Mais tout peut-il se retranscrire ? Un déplacement aléatoire, déambulatoire, hors des lignes cartographiées ont-ils la légitimité d’exister ? Pourquoi donner de l’importance à la subjectivité d’un chemin, notamment par la flânerie ? Un parcours par le hasard, comment se transcrit-il ? Choisir le thème de la cartographie et du flâneur pour mon sujet de diplôme m‘a semblé être une évidence. Ces deux termes contradictoires opposent les caractéristiques normées d’une carte, d’une part, et la subjectivité des choix du flâneur, d’autre part. La flânerie, la découverte, la déambulation déterminent une sensibilité singulière et permettent d’appréhender une ville autrement qu’à travers un guide. C’est comme proposer par la flânerie, une reconstitution visuelle d’une ville, suivant son imaginaire, et s’en faire ses propres images mentales plutôt que de mémoriser une ville à travers des visites balisées communes à toutes et à tous. C’est rechercher à lier l’expérience empirique du voyageur à celle de la déambulation dans un paysage urbain. Il y a dans cette réflexion le fil conducteur de la quête de soi. Devenir citoyen-géographe. Devenir flâneur. Flâneur d’un jour.
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| LA VILLE
LA VILLE « Les villes sont folles, mais la folie est grande. Les villes sont belles, mais la beauté est triste. » Christophe Morley (1890-1957)
TERRITOIRE
Afin de pouvoir traiter du thème du flâneur, il convient de pouvoir décrire son habitat. En effet, le flâneur est urbain. Au travers des époques, la notion de ville a évolué. De la cité grecque aux métropoles modernes, on retrouve cependant le besoin commun d’organiser la vie de la communauté : des frontières sont fixées, des codes sont érigés… Néanmoins, les territoires urbains s’avèrent être représentés de différentes manières.
URBAIN
Perception urbaine Questionnez votre entourage et vous obtiendrez sûrement une perception à la fois similaire et différente de ce qu’est une ville. Tout le monde est imprégné d’une image de la ville, parce qu’on y vit soi-même ou parce qu’on en parle souvent ; mais qu’est-ce qu’une ville exactement ? De manière fréquente, la plupart des gens croient qu’il s’agit d’un phénomène récent, alors qu’il remonte à des milliers d’années. Ses racines se trouvent à l’époque des grandes civilisations dans les vallées de la Mésopotamie, de l’Égypte, de l’Inde et de la Chine. Elles étaient alors appelées « cités », ce qui désigne un groupe hautement organisé, par exemple, les cités États de la Grèce antique (du terme latin « cité », équivalant au grec « polis » qui signifie territoire où vit un peuple, c’est-à-dire une ville). Nous percevons clairement l’image d’une ville, ses formes ou encore ses matériaux, mais ses limites sont imprécises. On ne sait pas toujours où elle commence et où elle finit. SHAI KREMER Concrete Abstract 15 World Trade Center 2001-2013
Autrefois, les fortifications mises en place par la main de l’homme délimitaient clairement la cité. Mais aujourd’hui, comment peut-on la définir et qu’est-ce qui permet de la définir ? Faut-il inclure les quartiers périphériques et les banlieues (appelés aussi « agglomérations urbaines ») ou faut-il se limiter au centre ? Par exemple, selon les limites que l’on choisit d’établir, la population tokyoïte au Japon, oscille entre 13 et 36 millions de personnes. Francis Godard (président de l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée) décrit cette ville en mouvement, qui « tend à devenir une nébuleuse urbaine, aux contours incertains et mouvants », faite de réseaux et de flux, assemblage hétérogène dont les citoyens cherchent à recomposer les espaces publics, mais qui doit faire face à la réelle décomposition des relations sociales.
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CHICAGO Sear Tower
| LA VILLE
En effet, alors que les villes ont favorisé l’essor économique, les progrès techniques et la création culturelle, elles ont modifié nos modes de vie ainsi que la structure même de nos sociétés. On estime qu’au XXIe siècle, la moitié de la population du globe vivra en milieu urbain, ce qui amènera peut-être la population à se questionner sur un nouveau fonctionnement urbain. Néanmoins, quelle que soit la définition que l’on donne à ce terme, l’on voit bien que la ville joue et jouera encore un grand rôle dans notre vie quotidienne puisqu’elle n’a de cesse de se développer. Les centres urbains ont grossi rapidement après les révolutions agricoles et industrielles entre 1780-1850 et 1880-1950 en Europe, du fait de l’exode rural et se sont énormément développés durant les cinquante dernières années, tant en nombre qu’en taille. Ce phénomène est appelé « l’urbanisation ».
Changer d’espace pour pouvoir changer de vie Avec leurs usines, leurs embouteillages et leurs rutilants immeubles, les villes sont très souvent perçues comme une création de la vie moderne et leur très long développement pourrait se résumer en trois grandes phases de mutation. La première phase débute il y a environ 6000 ans, par les premiers établissements humains qui ont donné naissance aux civilisations basées dans les grandes vallées de la Mésopotamie, d’Inde, de Chine et d’Égypte. Au départ, ces établissements dépendaient beaucoup de l’agriculture et de l’élevage, mais la concentration de population et la multiplication des voies de communication ont attiré un grand nombre de marchands, de commerçants et créé les premières cités. La deuxième phase apparaît plus tard, lors des révolutions agricoles et industrielles en Europe entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Les usines avaient besoin de main-d’œuvre et les activités commerciales créaient de nouvelles possibilités d’emploi dans les villes. Alors, à la recherche d’un travail, les gens ont quitté les campagnes à un rythme de plus en plus accéléré. Enfin, la troisième phase démarre juste après la Deuxième Guerre mondiale avec une expansion forte et très rapide des villes dans le monde. Les échanges économiques se multiplient, deviennent internationaux, et les agglomérations grossissent rapidement.
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| LA VILLE
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La ville est donc un phénomène plus vieux qu’on ne le pense, qui s’est développé avec l’homme. Avec des critères de définition variables, les cités urbaines forment des similitudes bien qu’elles soient pensées et imaginées différemment selon la sensibilité, la culture (ex. : ville européenne, américaine, japonaise) ou encore le besoin de l’être humain, car des villes ont été réalité ou rêvées, comme les villes utopiques, chimériques, idéales de Thomas More ou encore de Le Corbusier. Mais la ville est surtout et avant tout un lieu de croisement, de rencontre sociale pour ses habitants qu’ils soient flâneurs ou non.
La ville comme espace social D’après le sociologue Yves Grafmeyer, on peut parler de complexité d’une ville, car une ville est simultanément territoire et population, cadre matériel et unité de vie collective, configuration d’objets physiques et nœud de relations entre sujets sociaux. Elle renvoie donc à deux ordres de réalité : d’un côté, une ville statique et figée, délimitée dans des cadres matériels ; et de l’autre, une ville dynamique, composée de citadins et de groupes en relation. Entre habitat et habiter s’exprime bien la divergence entre, une ville sclérosée dans une certaine morphologie de l’habitat et d’autre part, une ville mouvementée où restent visible diverses manières d’habiter et de s’approprier un lieu. Une ville est conçue et traitée comme une réalité spatiale dans laquelle émerge une entité sociale puisque les rapports sociaux et la vie quotidienne se déroulent dans un cadre spatial. Cette entrée dans le régime de l’urbain mondialisé nous impose de constater que l’humanité s’engage sans doute irréversiblement dans le temps des villes Henri Lefebvre, sociologue
Dans la plupart des cas, la ville est un point d’articulation entre un espace densifié, différencié, limité dans son étendue (puisque tout territoire est limité d’une certaine manière) et une population fusionnée, hétérogène. Elle est un lieu de confrontation entre de multiples acteurs de la vie sociale et une matérialité urbaine formalisée.
Il y a la nécessité d’appréhender les multiples formes d’interaction entre ces deux dimensions de la ville, de rendre visible la complexité du lien entre la ville statique et la ville bien vivante, en mouvement. La société forge ainsi l’espace et vice versa.
JIM JARMUSH Permanent vacation 1980
| LA VILLE
Il est intéressant de voir que le mot « ville », à la fois riche et ambigu, se matérialise par des dimensions institutionnelles, sociales, matérielles, affectives et symboliques. Si bien, que la ville en vient à dépasser l’urbain puisqu’elle reflète une certaine manière de vivre ensemble, ce à quoi elle est vouée, jusqu’à se questionner à propos du règne de l’urbain. En effet, celui-ci aurait pour conséquence de lisser les inégalités de la vie urbaine et de réduire ainsi la charge symbolique et identitaire de l’espace à travers l’implantation banalisée et sans relief des mêmes chaînes d’hôtels, de restaurants et de magasins. Difficile dès lors d’avoir envie de flâner dans un tel environnement. Pour autant, si notre monde est urbain, il n’est pas que cela. Certes, l’urbain s’étend et le rural s’urbanise.
Mais l’urbain n’emprunte-t-il pas au rural dès lors qu’il s’organise autour de territoires et d’identités territoriales ? En outre, si la ville s’urbanise et se standardise pour produire ici et là des « non-lieux », il reste qu’elle conserve son épaisseur symbolique avec ses bars, ses marchés, ses parcs. Par ailleurs, l’urbain peut aussi être vu comme un champ des possibles. Henri Lefebvre (sociologue et géographe français), dans son livre « La révolution urbaine », voit en l’ère urbaine le moment de rétablir le principe de plaisir dans l’acte d’habiter en ville et surtout de vivre à temps plein dans un endroit humanisé et moderne. Il considère que le concept de ville ne correspond plus à aucun objet social. Sociologiquement, c’est donc un « pseudo-concept » incapable de rendre visible la réalité différentielle et prometteuse de la « société urbaine » par rapport à une société plus sauvage. Nous pouvons cependant, nous demander si l’urbain est vraiment destiné à s’émanciper de la ville ? L’urbain serait-il un « champ » qui se suffit à lui-même ? Rien de certain, dans la mesure où l’urbain est fondamentalement le pendant, de la ville. Il en est l’extension même, la déclinaison concrète à une échelle globale. Les valeurs et les usages urbains expriment un style de vie : celui-là même des villes. La poétique de l’urbain reprend à son compte l’éclat de la ville et plus encore de ses lieux, note Pierre Sansot dans « Poétique de la ville ». C’est pourquoi la sociologie urbaine est assurément une sociologie de la ville. Henri Lefebvre lui-même précisait dans l’écrit « Le droit à la ville », que l’urbain ne peut se passer d’une base réelle, d’une morphologie significative, autrement dit, de la ville.
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| LA VILLE
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• • Expérience
Appréhender et penser la ville
Dans l’ouvrage « The Image of the City » publié en 1960, Kevin Lynch démontre, à travers une étude réalisée pendant cinq ans la façon dont les personnes perçoivent et organisent l’information spatiale en se déplaçant dans une ville.
De quelle manière rendre compte aujourd’hui de la vie en ville et de ce qui nous entoure au-delà des mutations, transformations, évolutions, changements, variations, bouleversements, accélérations, métamorphoses, qui qualifient et permettent d’identifier le milieu urbain ?
À partir de trois exemples de villes américaines (Boston, Jersey City, et Los Angeles), il examine la qualité visuelle de la ville américaine en étudiant la représentation mentale de celle-ci chez ses habitants. Il s’intéresse à la lisibilité du paysage urbain, cette lisibilité étant perçue comme la capacité d’en reconnaître les éléments et de les organiser en un schéma cohérent.
Philosophes, économistes, géographes, artistes, archéologues, architectes, urbanistes et bien évidemment, sociologues portent tous des regards plus ou moins singuliers sur la ville. L’urbaniste et architecte américain Kevin Lynch, assure le fait que la ville n’existe pas à la manière d’une œuvre simplement faite pour un spectateur qui la saisirait du dehors. Elle ne s’offre pas au regard à la façon d’un produit fini doté d’une définition objective fixée définitivement.
KEVIN LYNCH Composite map of Boston 1960
CHRISTIAN MARC SCHMIDT Madrid (architypes) 2003
La ville évolue, change, se transforme sans cesse. Elle s’appréhende du point de vue de ceux qui la vivent du dedans et qui à leur façon, participent à son invention. Chaque citadin en est son pionnier. Ce qui fait donc d’elle l’objet de multiples images saisies à partir d’enquêtes, de visites, des discours, de ballades.
| LA VILLE
Les éléments de l’image de chaque cité urbaine se répartissent selon les types formels d’éléments : — les voies (paths) : rues, canaux, chemins de fer, le long desquels les utilisateurs se déplacent — les limites (edges) : rivage, mur, éléments linéaires le long desquels les utilisateurs ne se déplacent pas — les quartiers (districts) : parties de villes identifiables par leurs caractères généraux et utilisées comme repère — les nœuds (nodes) : lieu où l’on change de système de transport, carrefour, etc. points stratégiques dans lesquels on peut pénétrer, divisés en points de jonction et points de concentration — les points de repère (landmarks) : points très stratégiques dans lesquels on peut pénétrer, qui servent de repère externe. Ils peuvent être lointains et vus de multiples endroits (tours isolées, dômes, collines, etc.), ou être plus locaux (boutique, enseigne, etc.). Dans son livre, Kevin Lynch introduit également les notions de « wayfinding », opération qui consiste à trouver son chemin et « d’imagibility », traduit par imagibilité. L’Image de la ville a eu une influence importante et durable dans le domaine de la planification urbaine ainsi que dans celui de la psychologie environnementale. De ce fait, il y a différentes manières, cartésiennes ou non, d’appréhender la ville, mais la meilleure, pour moi, est celle de se perdre, de flâner et de découvrir par sa propre perception, de manière intime et unique, le milieu urbain dans lequel nous vivons. C’est en fait percevoir la ville comme un objet de recherche, avec de multiples regards sans cesse renouvelés comme l’explique le philosophe Olivier Mongin dans « La Troisième ville ». Mais la ville est aussi un moyen de communication grâce à des supports et des codes qui lui sont propres.
Tout comme cette page imprimée est lisible si l’on peut la percevoir comme un canevas de symboles reconnaissables et liés entre eux, de même une ville lisible est celle dont les quartiers ou les voies sont facilement identifiables et aisément combinés en un schéma d’ensemble Kevin Lynch, urbaniste
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| COMMUNIQUER LA VILLE
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| COMMUNIQUER LA VILLE
COMMUNIQUER LA VILLE « L’architecture est une forme d’expression, à la fois, graphique (dessins, plan…) et non graphique (symbole, usage, culture, identité…) » Hafida Boulekbache-Mazouz
La révolution numérique et la démocratisation de nos sociétés bouleversent le système de représentation de la ville et ses objectifs dans ses finalités et ses modalités : le public change et l’objet cartographique évolue dans sa fabrication, sa portée et son usage.
Qu’en est-il de la représentation d’une ville aujourd’hui ? Quelles sont les nouvelles manières d’envisager la représentation d’un l’espace urbain ? Comment définir un langage et une sémiologie adaptée ?
Pour une meilleure compréhension du système urbain, mais aussi pour croire à une certaine maîtrise de l’espace qui l’entoure, l’être humain représente ce dernier sur des supports variés (carte, etc.) et a développé un vocabulaire qui lui est singulier. C’est à cela que répond la cartographie : permettre de communiquer l’agencement de la ville à ses habitants. Seulement une ville s’appréhende et s’approprie de diverses manières, des plus universelles aux plus intimes, parfois loin des cartes normées.
Avec des outils actuels comme la 3D ou le digital, les ambitions sont décuplées, mais encore faut-il réussir à bien représenter un territoire complexe tout en restant lisible. La représentation territoriale se doit de saisir le monde à travers des codes graphiques qui lui sont propres et peut même appeler, grâce aux nouvelles technologies, à une participation citoyenne. L’émergence de la ville a contribué à la diffusion massive d’images. Cartographie participative, interactive, datavisualisation, infographie font aujourd’hui partie du quotidien de notre société. Celle-ci s’approprie désormais les questions territoriales et s’exprime de plus en plus à travers les outils numériques et les réseaux sociaux.
Pour parler de sa relation à la ville, une personne évoquera tout un registre de sensations. Le fait de vivre dans un environnement qui lui est familier l’amène à s’imprégner d’habitudes visuelles, auditives, olfactives et de s’immerger dans l’univers qui est le sien. MICHEL DE BROIN 12 tons of asphalt, yellow paint, road sign, 40 m long 2001
Communiquer une ville c’est donner à lire la ville et les formes dont elle se dote ; c’est mettre en lumière la manière d’y habiter, d’occuper et de s’approprier l’espace urbain en général. Mais c’est aussi étudier les formes de la sociabilité qui y règnent : de la cohabitation aux différents types de cohésion sociale ; repérer les formes de recomposition des configurations spatiales ; analyser les modes de transition de l’espace privé à l’espace public, de l’espace résidentiel à celui du travail et des identités locales (cités, quartiers, communes...).
L’expression graphique des représentations urbaines s’est ainsi transformée avec les nouvelles technologies et a fait évoluer la manière cartographique de représenter une ville. Il a donc fallu développer des codes de compréhension, des images, pour représenter la ville. Cette nouvelle considération introduit dès lors un regard sur la société, un discours et des pratiques d’intervention. À travers la ville se développe alors une réflexion à propos des changements sociaux et urbains ; et la ville devient alors mythe, réalité. Elle est rêvée, idéalisée, possible. La ville a donc fait l’objet d’études, elle a été identifiée grâce à la mise en place de systèmes reconnaissables par tous. L’homme a en fait voulu envisager la ville et la dompter.
Avant tout, il faut comprendre que penser la ville c’est à la fois la penser, la construire et la vivre.
Représenter la ville Depuis des siècles, l’homme représente sa ville de tous les moyens possibles : peinture, photo, dessin, gravure, etc. Il cartographie son environnement afin de le maîtriser, d’en cerner les limites et de les repousser. Il représente les territoires, mais aussi les projets et les actions qui visent à les transformer.
BORDEAUX CITÉ DIGITALE 2011
Mais comment envisager la ville ? La ville s’envisage-t-elle elle-même ?
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MENTALGASSI Donner à la ville un visage 2011
| COMMUNIQUER LA VILLE
Questionner la ville et ses codes implique l’idée qu’il y aurait un visage de la ville en analogie avec le visage humain puisque l’homme fait la ville, c’est en quelque sorte son reflet. La ville pourrait donc être une sorte de sujet, une figure dont les contours sont identifiables par ses passants (l’expression « ville transfigurée/défigurée » est d’ailleurs fréquemment utilisée). La ville renvoie à la notion de transformations, de métamorphoses du quotidien urbain et de formes. De fait, la ville nous offre à voir plusieurs de ses visages (dû au temps et à l’aménagement d’espace). La représentation de celle-ci se voit donc changée, transfigurée et incessamment variable selon les transformations et mutations ; ce qui amène à la reconnaissance ou la méconnaissance d’une ville. Les codes changent, il est donc intéressant d’observer la manière dont la ville est représentée. Après le « corps » et l’« empreinte », le visage métaphorique de la ville questionne géographiquement le paysage urbain, de ses formes, de sa structure, de son écriture cartographique et de ses codes. Le visage est ce qui permet au sujet d’être reconnu et le fait de transcrire les codes de la ville sur un support, par exemple cartographique, permettrait de lui redessiner son visage ? Il n’y a aucune ressemblance entre une ville et une autre peut-être un air de « famille », et pourtant, leurs représentations graphiques sont semblables. Les codes et langages visuels sont similaires. Cela amène à requestionner la dimension du regard des acteurs qui s’inscrivent dans le système urbain et qui en produisent au quotidien la physionomie, sans cesse redessinée.
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| COMMUNIQUER LA VILLE
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Une grande variété d’échelles est utilisée dans les plans de rues, du 1/2 000 au 1/1 000 000. Les plus précis sont les panneaux d’information sur la voie publique (1 cm pour 50 m ou moins), mais ils ne représentent souvent que le quartier dans lequel ils sont implantés.
La ville et ses codes d’apprentissage • • Une ville lisible par tous Le langage des villes s’apprend comme une langue étrangère, dès le plus jeune âge. À force de les voir tous les jours dans notre vie quotidienne, les codes qui nous entourent ne sont même plus perçus et pourtant ils sont bien présents. Lire une carte et un plan, savoir nouer les liens du voyage, avoir envie de découvrir les parties inconnues de la ville, être en mesure de se faire une représentation exacte de la cité urbaine. Parler « urbain », ça s’apprend, c’est pourquoi des dispositifs d’aide à la lecture de la ville sont mis en place dans des lieux d’intersections et de croisements humains.
GRAND LYON Lire la ville 2013
Seuls les supports cartographiques offrent une représentation englobante de l’ensemble urbain : les plus grandes sont pliables ou murales et ont une échelle de l’ordre de 1 cm pour 300 m, ce qui permet de représenter presque toutes les voies. Cependant, on trouve aussi une multitude de cartes à des échelles très petites, où 1 cm ne représente que 10 km et où n’apparaissent plus que les voies que le cartographe a considéré comme étant les plus importantes. Ces représentations dessinent ainsi le tracé des voies sélectionnées, indiquent généralement leur nom officiel et codifient leurs données différentes selon une typologie spécifique (autoroutes, sens unique, accès restreint, axes principaux, voie piétonne, etc.). C’est donc une cartographie centrée sur les implantations linéaires des rues, même si elle laisse souvent place à des implantations ponctuelles (monuments, etc.).
La complexité des déplacements dans une ville ainsi que celle des outils d’appropriation des espaces qui permettent ainsi de les comprendre, implique que les individus allient à la fois des représentations et des déplacements dans des territoires différents les uns des autres sur tous les plans : les rythmes, les agencements, les architectures, les images, les paysages, les sons… Rendre une ville « lisible » par tous, demande l’apprentissage de celle-ci et de la mobilité, des dispositifs d’aide à la lecture de la ville, mais aussi de design urbain et de paysage. Les freins renvoyant à la lisibilité de la ville englobent un ensemble de difficultés de compréhension, d’appropriation et d’usage issu de l’ensemble des fonctionnements urbains tels que : la compréhension des cartes et des plans de villes, celle des nouveaux réseaux, etc.
• • Décrypter les codes Le plan des rues est l’une des représentations graphiques les plus communes d’une ville, peut-être même la plus commune de toutes. On le trouve partout, sous forme d’affiche sur des panneaux présents dans les espaces publics, de carte murale affichée dans les bureaux, dans les commerces, de carte pliable ou d’atlas dans la boîte à gants des véhicules ou encore, sous forme électronique dans les systèmes GPS, etc. L’échelle des atlas des rues est de l’ordre de 1 cm pour 100 à 200 m : toute l’agglomération est couverte, mais fragmentée en plusieurs centaines de planches.
| COMMUNIQUER LA VILLE
MAGNY LE HONGRE Plan
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| COMMUNIQUER LA VILLE
• • Rue et représentation de la ville (selon Jérôme Monnet) La disposition des voies sur un plan, leurs noms ainsi que leurs noms propres, fournissent des bribes d’information qui nourrissent les lieux communs sur la genèse de la ville. Pour parler un lieu, on fait souvent appel à la capacité métonymique d’une image de rue comme partie signifiante de la ville à laquelle elle appartient. La métonymie en question est couramment utilisée dans le processus de symbolisation qui permet de convertir un lieu ou un monument célèbre en emblèmes de la ville : parler de la tour Eiffel pour Paris ou la Statut de la Liberté pour New York. Contrairement à ce que l’on croit, l’espace n’est pas tout à fait neutre, il est une vue de l’esprit. Hervé Regnauld
Les lieux emblématiques sont d’ailleurs ceux qui occupent les places principales dans la hiérarchie des représentations, car les conventions sociales établissent qu’ils sont les plus représentatifs de la ville (Hollywood sign pour Los Angeles, Tour de Pise pour l’Italie, etc.).
Selon l’étude du géographe et urbaniste français Jérôme Monnet sur ce sujet-là, il y a l’hypothèse que nous habitons les villes en partie grâce à des lieux communs que nous partageons avec autrui non pas concrètement, mais dans l’imaginaire, grâce à l’intermédiaire de nos représentations sociales. Les voies de circulation constituent certains de ces lieux communs, lorsqu’elles deviennent des symboles précis de la ville où elles se trouvent. Le mystère peut contenir charme poétique : « La carte est une sorte de chef-d’œuvre littéraire. La lecture du plan des rues peut se lire comme si un écrivain issu de l’école du réalisme magique avait traduit l’encyclopédie, l’avait réduite en confetti et éparpillée dans toute la ville. Ici, les gens vivent entre Cœur et Âme […], Arbre de feu, Bois du Secret, Mer et Rêves […] » Norbert Wiener, chercheur
Le lieu symbolique peut être soit un espace matériel unique (bâtiment particulier) soit générique (la rue), dont l’expérience que peut en avoir l’individu est surdéterminée par diverses significations collectives qui transcendent le lieu et l’individu. Ainsi, le bâtiment peut symboliser l’Église ou la tyrannie, et la rue représenter l’insécurité ou l’animation… Si nous comprenons ces symboles, c’est parce qu’ils font l’objet d’une grande production de représentations, à l’aide d’icônes en raison de leur caractère répétitif, qui circulent dans notre société. Par exemple, le World Trade Center de New York, symbole matériel des États-Unis, mais aussi du capitalisme, était aussi une icône qui circulait sur toute la planète.
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| COMMUNIQUER LA VILLE
Mais au-delà de la relation établie entre la rue et la ville au sein des représentations sociales, il paraît important de se demander dans quelle mesure l’image de la rue, conçue non seulement comme un décor ou un paysage physique, mais surtout comme un paysage humain, comme une scène en mouvement où l’essentiel se situe dans l’interaction qui existe entre les usagers, est prise en compte dans les aménagements concrets. Ainsi il est fréquent que les représentations sociales de la rue mènent à la métonymisation de la ville notamment dans les correspondances entre différents types de représentations. Le plan ne me guidera donc complètement que lorsque je pourrai lui faire correspondre des images de paysages ou d’emblèmes urbains et des usages sociaux de la rue. C’est comme une histoire racontée, illustrée, un voyage signalisé.
• • Narrativité urbaine Que ce soit dans l’art, le cinéma, la sociologie ou encore l’architecture, travailler autour des notions d’urbanisme, utopie et réalité, ville rêvée ou ville possible, a déclenché une nouvelle voie de recherche sur la narrativité urbaine. En effet, la ville est rapidement devenue un phénomène de représentation, c’est-à-dire une manifestation proposée à notre conscience et qui pourrait ensuite devenir l’objet d’une connaissance. Architecturale, picturale, scripturale, projetée, vécue, narrée ou encore scénographiée, la thématique de la ville apparaît dans des domaines différents : la géographie, la sémiologie, la littérature, l’anthropologie, l’histoire, dans lesquelles apparaissent diverses de ses manifestations, par le biais de l’imaginaire parfois. Depuis les années 1990, les sciences humaines et les lettres ont imposé des approches destinées à saisir la ville, une ville signifiante, enracinée dans le temps et dans l’identité des hommes. FRITZ LANG Métropolis 1927
Selon l’architecte français Hervé Regnault, les représentations de la ville et la ville en tant que support de représentation sociale, individuelle, collective ou créative délimitent une catégorie du savoir en administrant la ville comme réceptacle identitaire, sur le statut de l’urbain comme source de l’imaginaire à la base du processus mythique à l’œuvre dans l’élaboration de la pensée et de la matière de la ville.
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| COMMUNIQUER LA VILLE
La ville inspire et devient un lieu d’étude : étude des codifications, des constitutions, de transmissions des identités collectives. De par son influence, elle conditionne en partie ses habitants, ce qui se dévoile par exemple au travers de la peinture, de la littérature ou du cinéma. L’homme tisse un rapport avec la ville. On parle de ville imaginaire, ville identitaire, d’identité urbaine et encore de la mémoire du paysage. Apparaissent dès lors des constructions imaginaires de la ville, entre représentations et réalités, comme lieu de l’imaginaire ou bien des mythologies urbaines. Cela a formé le champ lexical, verbal et visuel, de la ville. Dans un esprit d’exploration et d’échange entre les lettres, les arts, les sciences humaines, la ville est abordée comme objet et comme un phénomène de représentation ; et ce sont ces représentations qui font exister la ville, peu importe les méthodes utilisées. La thématique de la ville comme typologie de l’image urbaine a été étudiée par l’historien et le théoricien, ainsi qu’évidemment l’artiste, qui a ouvert l’éventail de nombreuses représentations urbaines.
La ville : regard critique, regard artistique Habitée ou déserte, la ville propose une grande gamme de liberté et de possibilités d’interprétations pour les artistes, se trouvant face au développement des cités modernes et des grandes mégalopoles et leur risque d’aliénation. En effet, les grandes villes ont été mises en place pour faire cohabiter de milliers voire de millions de personnes, en leur dictant des règles à respecter et un mode de vie auquel se tenir. Nous pouvons parler ici de risque d’aliénation des villes modernes pour plusieurs raisons. La première causée par la notion d’anonymat et de solitude liée aux grandeurs des villes dans lesquelles vivent des milliers de personnes. En effet, il peut y avoir un réel sentiment de liberté dans cette forme d’anonymat contrairement à la vie dans un village ou tout le monde se connaît et personne n’a de secret pour personne. Mais cette fausse liberté se voit contrebalancée par la solitude que procure la ville.
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| COMMUNIQUER LA VILLE
De plus, cette cohabitation mène à des modes de vie toujours plus stéréotypés. À Paris par exemple, la vie stressée, bruyante, emporte dans son rythme, les individus sans les différencier les uns des autres.
Suis-je encore moi-même ou le reflet des autres ? Est-ce que la ville est faite pour les habitants ou est-ce les habitants qui doivent se faire à la ville ? Je fais le plein d’essence, Je pense aux vacances, Je fais la gueule, Et je suis pas le seul le ciel est gris, les gens aigris je suis pressé je suis stressé j’aime plus paris on court partout ça m’ennuie je vois trop de gens, je me fous de leur vie j’ai pas le temps, je suis si bien dans mon lit Thomas Dutronc J’aime plus Paris 2007
C’est justement ce mal-être ou bien-être de la vie en société en milieu urbain que donnent à voir de nombreux artistes. La société dans laquelle évolue la pratique artistique se voit faite de mutations architecturales (cités, quartiers), humaines (corps, échange) et cela conduit alors le travail artistique et urbaniste à répondre à certaines craintes en ce qui concerne le devenir de la ville. Ils interroger la place des citoyens dans leurs environnements, mais aussi les amener à redécouvrir et ré investir leur propre lieu de vie. La ville propose deux facettes : un lieu de tension, où il n’est pas facile d’y vivre tous les jours et un lieu d’avenir, source de culture de travail et d’ouverture. Ces formes de vies sont proposées par la ville. C’est aux habitants de choisir entre le conformisme proposé par la ville et la cohabitation imposée avec les autres, ou, au contraire, un mode de vie loin des zones urbaines. Mais la dynamique de la ville pousse l’homme à vivre de manière intense et à s’inventer de nouvelles formes d’existences. L’art contemporain se donne ainsi les moyens de repenser la ville, perçue donc trop souvent comme négative (polluée, sale, personne désagréable, etc.).
JAZZBERRY BLUE Paris 2014
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• • Les débuts de la métamorphose urbaine La première représentation d’un paysage urbain date du XIVe siècle et a été réalisée par Ambrogio Lorenzetti sous le nom de « Le Bon Gouvernement de la Ville » (1338-1340) qui présente la cité de Sienne et propose des perspectives, volumes et couleurs nouveaux. Puis, durant la seconde moitié du XVe siècle a lieu une étude très précise et poussée des écrits platoniciens et aristotéliciens qui développe les notions de réorganisations des cités à travers un regard architectural mais aussi urbanistique, ce qui donne naissance au mythe de la cité idéale, fonctionnelle, ordonnée et des mouvements utopistes. Une des œuvres très connues de la représentation d’une cité idéale est celle de Leon Battista Alberti « L’art d’édifier », réalisée en 1450. Par la suite, le célèbre peintre hollandais Vermeer s’est attardé sur l’expression de la lumière naturelle de la ville. En s’éloignant d’une représentation topographique de la ville, il condense le paysage urbain, accentue la monumentalité du tableau en opposant horizontalité de la ville et immensité du ciel. AMBROGIO LORENZETTI au Palazzo Publico 1338-1339
Manet, peintre avant-gardiste du mouvement moderne s’intéresse à la rue vue comme un lieu d’une vie urbaine. Avec un cadrage quasi frontal, il transcrit l’atmosphère de la rue. À leurs manières, ces artistes réalisent les prémisses des cartographies modernes. Les codes utilisés, leurs représentations de l’espace urbain ne sont finalement pas si différents de ceux que les cartographes utiliseront par la suite. Cependant, la ville au départ très ressemblante et réaliste dans les œuvres, va vite très s’éloigner des représentations classiques. Elle va passer par différents mouvements artistiques, allant des villes symbolisées par des formes simples à des formes déstructurées, qui s’étendent de l’éloge à la dénonciation du mode de vie urbain.
ROBERT DELAUNEY Paris 1911
Le peintre Robert Delaunay réinvente aussi la cité moderne, Paris, en 1911 avec un principe cubiste et une palette de couleur austère. Dans un autre tableau, « Moscou, la Place rouge », le peintre utilise des perspectives sphériques et fait apparaître des monuments de manière abstraite dans un paysage urbain transfiguré. Ses outils de représentation sont ceux d’une nouvelle vision de la ville. De nombreux exemples suivront au fur et à mesure de votre lecture : des villes morcelées, abstraites, futuristes, étrangères… mais surtout et avant tout rêvées.
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Rêver la ville, utopie urbaine ? « Ailleurs, un monde meilleur existe ». Cette pensée a amené le développement de nombreuses formes d’utopies urbaines de l’Antiquité à nos jours. Par exemple, l’Oniropolis défini comme la cité du rêve donne son nom à un site où l’imaginaire est maître, hors du temps et de l’espace. Oniropolis représente le Paradis perdu dont les seules limites sont celles de l’imagination elle-même et sa particularité étant qu’elle n’est accessible qu’à la seule condition de rêver. Utopia, quant à elle, regroupe les descriptions des cités idéales de Platon à Le Corbusier. L’œuvre du même nom écrit par Thomas More (courant littéraire utopiste) décrit une civilisation utopiste. MATTIEW PICTONAUNEY Saint-Pétersbourg 2009
Il y a aussi la cité Virtualopolis, cité qui regroupe des expériences communautaires utopiques du 19 e siècle et les espaces immatériels construits grâce aux technologies de la réalité virtuelle de nos jours ; la Cyberpolis qui matérialise la relation entre la ville et la technologie de Jules Verne à la ville numérique ; ou encore la cité Futurapolis qui propose une réflexion sur les alternatives urbaines de l’avenir. L’homme d’hier et d’aujourd’hui n’a jamais manqué d’imagination quand il s’agit d’imaginer un autre monde, loin du sien. Cependant, ces représentations sont malgré tout souvent empreintes de réalisme alors que d’autres rêvent d’une ville vraiment différente et marquée de simplicité.
Il y a une vraie qualité intrinsèque à la cartographie qui va au-delà du document scientifique. La beauté de la forme et du détail, un record des temps et des lieux du passé, quelque chose qui vit, comme un monde où l’imagination peut s’écouler ; lieux à des lieux revisiter, reimaginer un monde à se refaire dans l’imagination Mattiew Picton (au sujet de la cartographie)
Mais rêver la ville c’est aussi l’imaginer fragile et anonyme comme l’œuvre de Matthew Picton. Cet artiste travaille la ville avec un simple matériau, le papier. Avec celui-ci, il construit soigneusement les arêtes d’une ville, de ses rues, ses bâtiments, mais de manière anonyme voire fantomatique. Le travail de Matthew Picton a quelque chose de plus qu’une carte, même plus qu’une ville. Chaque paroi des bâtiments est construite à partir de bande de papier en laissant son vide intérieur. D’une certaine façon, ses cartes en trois dimensions permettent ainsi d’obtenir la personnalité d’une ville.
Plusieurs de ses pièces en papier dépeignent des villes avant et après une catastrophe naturelle ou une guerre, d’où le vide et le silence qui règnent dans ces cités urbaines en papier.
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• • Les habitants au cœur de leur environnement urbain Comme Matthew Picton pour les villes, des artistes contemporains se sont intéressés plus précisément au le statut de l’homme au sein des cités urbaines et de sa fonction dans les interstices de celle-ci. Puisque l’homme vit dans un milieu urbain, s’y déplace, rencontre, échange, ce sont ces expériences de vie que des artistes-citoyens retranscrivent à travers leurs réalisations. L’artiste chinoise Yin Xiuzhen travaille sur la notion de changement physique du paysage urbain, les modes de vie bouleversés, la perte d’identité, due à la montée du capitalisme et de la mondialisation. Ses œuvres « Portable Cities » (2002) appellent à la mémoire. Elle utilise des vêtements, des matériaux collectés dans les villes visitées, pour constituer des maquettes des villes dans une valise. Le vêtement, métaphore de l’humain et de son existence, retrouve son importance dans la course effrénée des développements urbains et ne tombe pas dans l’oubli. De son côté, le français Damien Mazières photographie la ville pour la peindre ensuite à l’image d’architectures abstraites d’après ses photos. Apparaissent alors des lignes verticales, obliques presque schématiques à l’image des structures de nos métropoles. Les couleurs irréelles font hésiter entre réalité et illusion. De plus, l’absence de présence humaine et l’abstraction des formes démontrent un environnement standardisé et stéréotypé. DAMIEN MAZIERES Untitled 2005
YIN XLUZHEN Portable City : Madrid 2012
Enfin, l’artiste brésilien Joao Modé intervient dans l’espace urbain à travers des projets interactifs et itinérants. Les passants sont invités à tisser une structure à base de matériaux divers (corde, ficelle, laine) dans l’espace public choisi par l’artiste. À sa manière, il matérialise les réseaux en tout genre : relationnels entre citadins, urbains et amène les passants à tisser de nouvelles relations avec les acteurs de son œuvre. C’est ainsi une belle manière de dynamiser les rapports sociaux tout en partageant un regard personnel sur la ville. Œuvre-citoyenne, éloge ou dénonciation de la ville ? Le milieu urbain se voit en effet ancré dans le quotidien de chacun avec un regard qui lui est propre, mais aussi une manière artistique de l’exprimer. De ces critiques naissent alors des regards nouveaux sur la ville. Mais nous pouvons en conclure que chaque ville semble encore et toujours imprégnée d’utopie (rêvée, fataliste ou non).
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• • Entre utopie et réalité Depuis que l’homme vie en communauté, il cherche, espère, rêve même une société meilleure voire idéale. Les utopistes des années passées jusqu’à encore aujourd’hui souhaitaient voir naître une ville rêvée, de nouvelles structures (même les plus folles), un principe de gouvernance différent, de nouveaux habitants, d’autres modes de vie. Il est intéressant d’observer les étroites relations qu’il peut y avoir entre une ville rêvée (utopie urbaine), une ville programmée dans laquelle l’être humain évolue inévitablement et une ville possible, qui trouve le juste milieu entre rêve et réalité.
La ville idéale est-elle possible ? Est-elle souhaitable ? Cher aux penseurs et aux flâneurs, rêver une ville suscite encore aujourd’hui beaucoup d’interrogations et la volonté de comprendre comment les sociétés envisagent leur futur, ce qui interroge autant la géographie que les disciplines du social. (1) RABELAIS Essai de restitution de l’abbaye de Thélème par Charles Lenormant, 1840 (2) LE CORBUSIER Ville Contemporaine 1935 (3) PLATON Imagerie de l‘Atlantide
À travers les écrits utopistes, nous nous apercevons que la plupart des grandes utopies ont pris la forme d’une ville : — l’Atlantide de Platon (île qui aurait été engloutie sous les mers) — l’Utopia de Thomas More (livre fondateur de la pensée utopiste) — l’Abbaye de Thélème de Rabelais écrit en 1534 (qui imagine un nouveau système social) — les Phalanstères de Charles Fourier (qui définit un regroupement organique d’éléments considérés nécessaires à la vie harmonieuse d’une communauté) — la Cité Jardin d’Ebenezer Howard (manière de penser la ville qui s’oppose à la ville industrielle et polluée, mais qui s’oppose également à la campagne considérée comme trop loin des villes) — la Métropole du futur de Hugh Ferris (ou l’auteur présente sa vision romantique d’une cité future) — le projet de Ville contemporaine de Le Corbusier Les hommes ont donc rêvé la ville. Pourquoi ? Parce que la ville représente, pour l’homme, une des organisations complexes les plus achevées des sociétés humaines. Elle est donc propice au développement de la créativité des hommes. À travers mes recherches, j’ai observé que la ville, au sens large, trouve son héritage dans divers domaines. Elle apparaît aussi bien dans les sciences, les récits littéraires, l’architecture et elle s’est vue représenter différemment selon les visions que les hommes se sont fait d’une société urbaine idéale.
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| COMMUNIQUER LA VILLE
Les villes se sont développées de manière phénoménale durant le XXe siècle. À force de recherches et de progrès techniques, les hommes ont essayé de lier et rapprocher les notions d’utopie et réalité de la ville, notamment dans les années soixante. Il y a, par exemple, La Cité Radieuse à Marseille, la ville étudiante de Louvain la Neuve, les villes nouvelles… ou encore aujourd’hui le projet Spreefeld, qui développe une coopérative dans le but d’améliorer le mode de vie communautaire, l’entraide, la culture. Ces villes sont devenues un lieu d’expérimentation pour divers et nombreux projets d’aménagements se voulant fonctionnels et urbains. Vivre la ville à travers un projet réel nécessite de penser l’espace. La rapprocher du rêve dans les limites du pensable et réalisable : une ville pour tous à chemin entre ville rêvée et ville vécut. Pour autant, réfléchir autour de l’imaginaire géographique dépend aussi de la géographie sociale car l’espace favorise les rapports sociaux étant donné qu’il représente un lieu de croisements et d’intersections humaines. Pour imaginer la ville, il faut penser à ceux qui y vivent. Lier imaginaire et territoire permet donc de comprendre et de voir les problèmes à l’origine des rapports entre les lieux et les hommes. Aujourd’hui, chaque ville ou agglomération urbaine créent leur image, leur propre identité et projettent leur futur. Chaque ville veut, à sa manière, représenter la ville idéale et amène à une concurrence urbaine. « I Amsterdam », « Lond-on », « Only Lyon », « I Love NY ». Pour attirer les habitants et les touristes sur leur territoire, les villes s’inspirent fortement des stratégies des marques. Elles définissent leur positionnement, créent un slogan, affinent leur communication pour vendre une ville unique. Ces logos-slogans, nouvelle identification forte d’une ville, sont en tout cas symptomatiques d’une nouvelle démarche typique du monde de l’entreprise : le city branding. I AMSTERDAM City branding 2012
Mais ce marketing stratégique citadin envisage-t-il plusieurs manières de « faire la ville » ou au contraire n’enferme-t-il pas la ville dans un modèle unique et semblable aux autres ? On peut se demander quelles représentations de la société urbaine idéale véhiculent-ils. Qui les pense ?
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| COMMUNIQUER LA VILLE
Est-ce que penser la ville dans la durée est un bon moyen de faire changer le rythme « just in time » qui la mobilise ? Penser une ville, « l’utopiser » permet donc de penser et d’imaginer un ensemble de représentations sans cesse renouvelées. Mais y a-t-il des limites à ces représentations ? La ville se réinvente en permanence et la production de ses nombreuses représentations a des intentions et conséquences sur la réalité du territoire existant. Quelles sont alors les nouvelles formes d’urbanités émergentes qui peuvent participer au futur d’une ville ? Il n’y a que le citadin, celui qui habite et qui vit, ici et maintenant sur un territoire en transit qui représente un imaginaire bâtisseur permettant d’envisager comme il se doit son territoire. L‘habitant devient la pierre fondatrice d’une réflexion citoyenne urbaine. Il participe à l’imaginaire de sa ville. Quelle place peut donc être faite à un « imaginaire habitant » dans la conception ce que l’on pourrait appeler « imaginaire géographique » ? Cela amène à remettre en question le territoire dans la perspective d’une possible réinvention de la ville au quotidien ? Est-ce toutefois envisageable ? En conclusion, à défaut d’une ville rêvée, mais parfois trop utopique, il peut être préférable d’envisager une ville possible, mais vivable à l’aide d’une citoyenneté participative et d’une urbanité sans cesse modulable et transformée favorable à l’imaginaire collectif. La ville pourrait alors se faire, se défaire et se refaire par tous ceux qui l’habitent ? Quelle place pour une géographie sociale impliquée dans la production de la ville ? Y a-t-il une place pour le « géographe habitant » ? Tout le monde peut-il remplir ce rôle ? Dans cette première partie nous avons donc traité le sujet de la ville, son mode de vie, ses codes, ses représentations, ses appréhensions, mais aussi de l’humain et sa manière d’appréhender son lieu de vie. Nous allons dans un second temps, nous intéresser à la ville, mais à la manière de la pratiquer autrement dit, comment vivre la ville comme une expérience autre que celle du quotidien de l’habitant ou du touriste guidé.
De quelle manière une ville peut-elle s’appréhender ? Peut-elle être découverte autrement ? Nous parlerons aussi du support cartographique, premier support communiquant la ville et ferons un état des lieux avec une première approche des modes de déplacements (extra)ordinaires au sein de la ville.
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| LE HASARD
LE HASARD La ville se pratique essentiellement par les habitants qui y vivent et par le tourisme en allant simplement d’un point A à un point B. Mais l’on s’aperçoit que d’autres moyens, plus atypiques, se sont mis en place pour appréhender et (re)découvrir la ville autrement.
PRATIQUER
Le dictionnaire définit le mot hasard comme « l’incapacité de prévoir avec certitude un fait quelconque », c’est-à-dire prévoir ce qu’il va advenir. Il est souvent dit que le hasard est synonyme « d’imprévisibilité » ou « d’imprédictibilité ». Il a toujours fasciné les hommes. D’où vient-il ? Faut-il s’en méfier ? Comment le calculer ? L’appréhender ? Le hasard reste avant tout une notion difficilement définissable. Le biochimiste français Jacques Monod a voulu catégoriser le hasard selon deux parties distinctes : l’une définit celui-ci comme un aléa subi (une incertitude essentielle) et l’autre comme provoqué (incertitude opérationnelle). Le hasard peut se donner à voir comme un accident ou événement inexplicable et inattendu.
LA VILLE
Exemple de Fractal
Un des moyens pour découvrir une ville, se l’approprier, mais aussi s’y repérer est celui de faire confiance au hasard et de l’introduire dans un processus de guidage incalculable et aléatoire.
L’utilisation du hasard Le hasard, hazard, ou al-zahr, selon les langues et les traditions est un jeu de dés. Il évoque l’idée d’un monde gouverné non pas par les seules règles de la physique, mais aussi par les rencontres inattendues et imprévisibles, proche de la notion de sérendipité, présente dans la réflexion des dérives de l’imaginaire. Sérendipité, est un terme inventé en 1754 par le philosophe anglais Sir Horatio Walpole, pour définir des : « découvertes inattendues, faites grâce au hasard et à l’intelligence ». Le hasard intervient alors dans une situation dite imprévue et l’intelligence se définit comme la capacité de l’homme à profiter de l’inattendu et de reconnaître la découverte dans celui-ci. En fait, la sérendipité est le fait de trouver autre chose que la chose cherchée, elle résulte de l’action humaine qui agit parce qu’il a un but. Les sérendipitistes (créateurs, aventuriers, tout le monde peut l’être) sont souvent des personnes vus comme des observateurs, curieux, ouverts à l’expérience et à la nouveauté. Dans le domaine scientifique, la sérendipité (procédure d’essais et d’erreurs) désigne une certaine méthode de recherche et d’invention basée sur la dérive et le hasard, élaboré par Guy Debord.
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| LE HASARD
Il n’y a pas de statistiques possibles ni autres calculs envisageables pour contrôler le hasard. De fait, la dérive suppose ouvrir son esprit à l’inattendu et de se laisser guider par les aléas rencontrés. En opposition à l’acceptation de notion de hasard est née la pensée déterministe, notion définissant chaque événement déterminé par une cause, quelle qu’elle soit. Ainsi, chaque événement peut être prévisible par une loi physique ou mathématique. Il ne faut pas croire en un hasard absolu et en un univers où les lois de la nature sont, approximées, et évoluent selon des processus aléatoires. Le hasard n’est plus le signe d’une absence de lois de la nature ainsi que de toute inférence inductive rationnelle. Dire que nous vivons au sein d’un univers de hasard n’est pas un argument sur notre ignorance. Cela est lié au fait que les statistiques en sont venues à envahir les aspects de notre vie. Ian Hacking
Ni les théories du déterminisme ni celles des serendipitistes ne surent devenir une croyance universelle. C’est pourquoi, un équilibre a été trouvé durant le XXe siècle, notamment grâce à l’invention et le renforcement de procédures visant à contrôler le hasard et l’imprévisible dans les domaines des sciences, de la nature ou de l’humain, sans pour autant être similaire à la théorie du chaos. La théorie du chaos, terme apparu en 1990 dans les écrits du canadien Ian Hacking « The Taming of Chance » et utilisé pour expliquer de nombreux phénomènes non maîtrisables et complexes, est une théorie qui fait partie du processus de « domestication du hasard ». Hacking parle de l’érosion du déterminisme, de la domestication du hasard ainsi que de l’autonomisation des lois mathématiques, c‘est-à-dire utiliser les statistiques pour développer un raisonnement nouveau dans le but de domestiquer le hasard, sans pour autant réussir à le contrôler.
Ainsi, le hasard est un « concept » qui peut être utilisé de manière légitime, comme une science exacte qu’on utiliserait pour réaliser un travail. C’est pourquoi il est intéressant de s’arrêter sur la notion de hasard dans la ville.
Quelle est la part de hasard dans la découverte d’une cité urbaine ? Par quoi se caractérise-t-il ? Que représente la part de hasard dans la visite d’une ville ? Peut-on l’utiliser comme valeur touristique ?
BEN Le hasard est partout 2006
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| LE HASARD
La dérive urbaine comme théorie La notion de « dérive urbaine » signifie l’acceptation de ce hasard, cette part d’imprévu qui s’insinue en toute chose. La dérive utilise ce phénomène comme pratique fiable. En pratique, elle prévaut la pensée urbanistique, contrôlée et calculée comme la pensée haussmannienne. Paris change ! Mais rien dans ma mélancolie n’a bougé ! Palais neuf, échafaudages, blocs, vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie. Walter Benjamin
La pensée haussmannienne est apparue entre 1852 et 1870 avec l’aménagement de la capitale française par le Baron Haussmann. Avec les nombreuses mutations urbaines (industrialisation et urbanisation rapide) dont Paris était la cible, il imagina un espace ouvert, dynamique, pratique et utile. Sa vision de l’urbanisme moderne a été pensé en termes de réseaux.
Pour faciliter la circulation et les transports, le Baron Haussmann décide d’effacer les vieux quartiers parisiens et de les transformer en Grands Boulevards dans le but de donner à la ville un aspect de lieu de promenade, mais l’activité du marcheur avait été pensée comme cadrée, balisée dans des circuits prévus, sans laisser place à la surprise ou à la flânerie. Une ou plusieurs personnes se livrant à la dérive renoncent, pour une durée plus ou moins longue, aux raisons de se déplacer et d’agir qu’elles connaissent généralement, aux relations, aux travaux, mais aussi aux loisirs qui leur sont propres, pour se laisser aller aux sollicitations du terrain et des rencontres qui y correspondent. Guy Debord
En contradiction à ces grandes allées : le terme de dérive urbaine. La dérive se définit comme une opposition directe aux chemins balisés et préconçus par Haussmann. Celle-ci représente la ligne directive du mouvement Situationniste dont la volonté est celle d’inventer un nouveau quotidien plus poétique que l’actuel. Ce mouvement divise en deux parties : d’un côté le situationniste artistique (1952-1962) souhaitant le dépassement de l’art et de l’autre le politique. De façon générale, les situationnistes admettent que l’époque où l’art des années 1950 critiquait la forme et le matériau est bien révolue, qu’il faut réussir à dépasser les acquis et déplacer les activités créatrices sur un autre terrain que celui de l’art, comme celui de la vie quotidienne et de la politique.
Il y a un rapport quasi scientifique aux recherches urbaines mises en place par les situationnistes. Ils produisent des rapports de leurs traversées dans la ville, font des cartographies sur lesquelles ils notent les zones d’influences, les tourbillons qui surgissent au gré de leurs dérives. Ceci dans le but de multiplier les chances de rencontre et d’aventures surprenantes. L’écrivain français Guy Débord (19311994), grand initiateur de ce mouvement en a fait l’expérience. GUY DEBORD Psychogéographique de Paris 1958
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Fuir, c’est tracer une ligne, des lignes, toute une cartographie. Gilles Deleuze
| LE HASARD
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Guy Debord invente, par exemple, dans son écrit « La théorie de la dérive » (1958), aussi appelée le « Jeu du rendez-vous impossible », qui consiste à se faire fixer un rendez-vous avec un inconnu dans un lieu public. Pour cela, la personne est alors contrainte d’adresser la parole à un inconnu se trouvant sur le lieu public en question.
Le déplacement est un langage Le support le plus fiable et sûr pour se diriger dans la ville éloignant toute volonté de surprise et de hasard est celui de la cartographie. Faite de mesures, d’échelles, de repères, elle codifie un parcours, une ville à l’aide d’un langage graphique qui lui est propre.
La dérive est donc en parenté avec la pratique de l’errance urbaine, basée sur l’acceptation du hasard, de la rencontre et de la trouvaille. Elle est le fruit d’une expérience arbitraire qui pousse l’errant à sortir de son itinéraire prévu pour aller vers l’inconnu.
Le langage cartographique n’est fait que de signes graphiques dont chacun propose une définition ou une signification qui lui est propre. Si l’on parle de dérive urbaine ou d’utilisation du hasard dans une trajectoire utilisée, apparaît alors l’inattendu qui lui n’est pas codifié. Avons-nous donc besoin d’utiliser un nouveau langage, des signes, de nouveaux codes personnalisés pour représenter ce hasard ?
Autre exemple de dérive urbaine, mais maintenant plus spontanée, « La théorie des chemins du désir » imaginée par Gaston Bachelard, philosophe des sciences et de la poésie. Dans son livre « La poétique de l’espace » écrit en 1958, les chemins caractérisent la présence humaine marquant un espace défini. Autrement dit, les chemins du désir sont les tracés d’un itinéraire utilisé par les piétons et qui n’est pas le fruit de l’urbaniste. Ils prennent la forme de tracés naturels au sol créé par les usagers (comme le chemin le plus court entre deux points à travers une pelouse dans un parc) et qui transgresse le paysage urbain initial. Ces chemins symbolisent la volonté psychologique de cet acte, c’est-à-dire le désir du piéton. Un urbaniste dessine un chemin sur lequel il veut faire marcher ses semblables, mais ceux qui marchent décident alors de prendre un autre chemin : le symbole d’une liberté qui s’exprime de ce fait, inconsciemment, dans le détail d’un parcours. La dérive est une technique du déplacement sans but. Elle se fonde sur l’influence du décor. Guy Debord
En général, la durée moyenne d’une dérive est d’une journée, considérée comme l’intervalle de temps compris entre deux périodes de sommeil. D’ailleurs les points de départ et d’arrivée, dans le temps, par rapport à la journée solaire, sont indifférents. La dérive dépend en fait de l’envie de chacun. Ce sentiment subjectif se rattache naturellement à une façon plus générale d’envisager la vie. On trouve ainsi dans la volonté de dérive, une manière consciente ou non dans la volonté d’introduire le hasard aussi bien dans le mode de vie, la manière de faire, de visiter, de penser la ville. Cependant, nous pouvons nous questionner sur la possibilité ainsi que la manière dont on peut envisager la transcription de ce hasard.
Est-ce un nouveau langage, de nouveaux codes ? Est-il possible et souhaitable de codifier le hasard ?
| LE HASARD
La découverte issue du hasard est aussi accompagnée de variations émotionnelles. Et ces émotions sont propres à chaque personne. De ce fait, doit-on retranscrire des émotions ? Ce langage peut-il être universel ou au contraire déclinable à souhait pour chaque individu ? Chaque carte doit être descriptible par tous ou unique et personnelle ? Se pose alors la question d’un langage universel des émotions… Les graphistes X&Y se sont par exemple intéressés à imaginer un nouveau langage visuel dans l’espace digital, les « Sound Words », permettant la transmission d’émotions. Une émotion est ce sentiment qui naissant d’une sensibilité unique, propre à chacun et qui dépend en quelque sorte d’un hasard. X&Y ont poussé leur questionnement sur divers supports, de l’installation à la création de spécimens, à chaque fois autour des notions d’oralité et d’écriture. Ils en ont déduit que la façon de parler influence la manière de s’exprimer sur le web. Elle envahit la communication digitale et crée de nouveaux usages. X&Y Sound Words 2012
La création de ces « Sound Words » traduit typographiquement un état. Ce langage est répertorié dans un web-dictionnaire et classifie, selon chacun, ses mots inédits, une transcription sonore, les variantes de rythme et d’intensité se distinguent par un jeu de graisses et de hauteurs des lettres. Le langage développé ici est personnel et unique. Mais un voyage, un déplacement peut aussi développer son propre langage graphique et parfois même unique.
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En ce qui concerne les récits de voyage et les parcours effectués dans un espace urbain, beaucoup disent qu’il est impossible de faire une typologie de ses récits et de les retranscrire. Pourtant, il existe différents schémas de voyages. Ils sont liés aux rapports à l’espace qu’ils entretiennent. Selon le philosophe français Guillaume Thoroud, le langage graphique des déplacements oppose deux formes simples et distinctes : le cercle et la ligne.
• • Le cercle Le cercle représente les déplacements qui consistent à faire un tour, par exemple comme les Grands Tours des aristocrates britanniques du XVIIIe siècle, les tours du monde, circumnavigations. Autre exemple de voyage notamment symbolisé par un cercle : celui des romantiques lors des « Voyage en Orient ». En ce temps-là, les individus qui avaient la possibilité de voyager allaient tous plus ou moins aux mêmes lieux et gardaient toujours en tête le retour au pays. Ces voyages ont développé la notion de tourisme puisque le tourisme (faire le « tour ») consiste à partir loin de chez soi et revenir chez soi. Aujourd’hui, les récits de voyages sont plus à l’image d’un parcours longeant les frontières d’un territoire, par exemple le texte « Zones » écrit par Jean Rolin décrit les parcours cycliques du tour extérieur de la ville de Paris. Autre exemple de parcours cyclique, dans la ville de New York, le « Journal d’un cycle » écrit par Catherine Cusset. Cette dernière effectue des tours de la ville en faisant des balades à bicyclette pour se fondre dans l’immensité cyclique du trafic de la ville. STUDIO GIRAUD Flânerie bordelaise 2014
• • La ligne droite En opposition à au cercle, la ligne, qui elle, représente un itinéraire. Cet itinéraire ressemble aux récits de voyage qui partent de A pour arriver à B, sans revenir obligatoirement par le point A. Ces trajets ne sont pas réellement en ligne droite ; la ligne n’est que la réduction en image de l’itinéraire. Dans « L’usage du monde », l’auteur Nicolas Bouvier parle de lignes. Autre exemple, dans « Le voyage » d’Ella Maillart effectué en Chine en 1937 décrit des trajectoires en ligne droite. D’après ces auteurs, il y a deux structures différentes de déplacements dits traditionnels qui s’opposent ainsi à travers la représentation linéaire et cyclique d’un parcours. Parallèlement à ces deux représentations, d’autres sortes de récits rivalisent ces modèles. Tout d’abord celui du voyage dit immobile et celui de la flânerie appelée aussi vagabondage. Nous allons voir que ces modes de déplacements, surtout celui de la flânerie relève d’une trajectoire improbable, dont le flâneur est seul maître de celle-ci.
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• • Le voyage immobile
La représentation, graphique de ses deux derniers déplacements (flânerie et voyage immobile) peut paraître plus incertaine voire très individuelle. De ce fait, peuvent-ils se rabattre sur une forme universelle et figée tels que le cercle et la ligne, ou représentent-ils des formes dérivées d’elles ? Nous pouvons nous demander s’il est possible et faisable de lier flânerie et voyage immobile à l’une des deux formes géométriques citées plus haut (cercle et ligne). S’ils ne sont qu’une forme dérivée d’elles ou s’ils forment un autre modèle, plus autonome, de récit de voyage.
Le voyage immobile représente les récits de parcours et de voyages réalisés sur un territoire unique, sans insister sur les déplacements, les itinéraires et les étapes. Ces types de voyages sont des récits où il n’y a pas vraiment d’étapes au sens « voyageur » du terme, aucune halte. Il peut prendre la forme d’un voyage initiatique, intellectuel et intérieur. Le voyage statique qui n’amène aucun déplacement physique, mais intellectuel. Ce terme de voyage immobile est notamment utilisé dans le lexique du flâneur. En effet, le flâneur est le piéton qui déambule dans la ville, mais qui voyage aussi en pensée.
On pourrait par exemple penser à la flânerie dans Paris, tant décrite par les auteurs, cela revient à parler à la fois d’un voyage immobile (par la pensée) et d’un ensemble de lignes droites, combinées à des tours. La flânerie serait alors moins une résistance aux structures des récits issus de voyages traditionnels qu’une prolifération de ces figures.
• • La ligne improbable de la flânerie Beaucoup de personnes définiront le verbe « Flâner » comme : une manière de « se promener, d’errer de-ci, de-là, sans but apparant ». C’est une définition courante, mais cette signification s’avère fausse. Dans un contexte littéraire, la flânerie signifie un déplacement citadin réfléchi, qui a pour but de couvrir un certain territoire, principalement celui de la ville, et d’expérimenter des états de perceptions variés. La flânerie n’est pas seulement le vagabondage dans la ville. La flânerie est aussi une méthode de lecture des textes, des traces de la ville. C’est aussi une méthode d’écriture, de production ainsi que de construction de textes Featherstone
GLADYS BOURDON Raconte-moi Dieppe 2011
La trajectoire du flâneur n’est donc pas strictement définie, puisque l’important pour lui ne sera pas la destination, le but, c’est-à-dire le point à atteindre définit par une direction donnée, mais plutôt l’attention qui sera portée sur ce chemin parcouru. En effet, les endroits traversés sont issus de l’envie personnelle d’une volonté de surprise et d’intuition. C’est cela se déplacer en flânant. Le parcours ne se trace alors pas en une seule ligne directe et droite, ce n’est peut-être pas non plus un tour, mais plutôt des demi-tours, des retours, des détours.
Ce mode de déplacement est très présent dans le domaine littéraire, notamment à travers les écrits de Baudelaire, « Le Spleen de Paris » écrit en 1869 ou encore dans « Le Piéton de Paris » de Léon-Paul Fargue écrit en 1939 et Bruce Bégout « Lieu commun » (2001). Le phénomène de la flânerie a souvent été étroitement lié à la ville de Paris, ville où l’on marche. « Flâner », ce n’est ni, aller en ligne, ni en cercle, mais surtout couvrir un territoire, d’une manière qui n’apparaisse pas comme méthodique. De plus, la flânerie implique aussi un voyage de la pensée intellectuelle qui n’a donc pas de direction précise à suivre. Nombreuses cartographies ont été d’ailleurs réalisées autour des parcours issus de flâneries. Les supports cartographiques d’habitude universels et déchiffrables par tous ne le sont plus du tout dans ce cas, puisque la flânerie est un comportement propre et unique à chacun. Naissent alors des représentations subjectives. Par exemple la carte de Gladys Bourdon qui représente sa perception de la ville de Dieppe à travers ses flâneries urbaines.
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Au contraire, puisque la flânerie forme un modèle opposé, plus personnel et autonome de récit de voyage et qu’elle se différencie donc graphiquement des deux autres à l’image d’un simple ensemble de lignes droites combinées à des tours, nous pouvons en conclure que sa représentation va dépendre de tout un chacun et sera plus personnelle, loin des chemins tracés et figés des cartes. L’imaginaire est en marche. MALTE MARTIN L’espace est un doute 2009
Cependant, la narration des divers récits de voyage ne propose pas seulement des représentations alternatives de la ville via des formes géométriques, elle suggère aussi une cartographie des événements et des faits narrés, qui s’accompagne d’un processus d’identification et de représentation de la part des lecteurs qui fréquentent, plus ou moins, des lieux précis décrits. La relation existante entre le récit et la ville n’est pas une simple relation de représentation. Un texte constitue une image de la ville. Écrire ne se résume pas seulement à réfléchir sur les caractéristiques d’une ville, il s’agit également d’une opération destinée à construire une image de la ville elle-même. Une ville est donc faite de formes comme de mots dans l’imaginaire de chacun. D’ou par exemple les cartographies entièrement faites de mots réalisées par Axis Maps. Pour finir, attardons-nous sur la présence du hasard dans le domaine de l’art, les formes de représentations qu’il peut prendre ainsi que la manière d’être utilisé en tant que processus créatif.
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Le hasard dans la représentation créative Le hasard a toujours fasciné les artistes. Conscients du formidable potentiel qu’il offre, les artistes ont tenté de l’introduire au cœur de leur démarche afin d’y trouver des bienfaits créatifs, nouveaux et aléatoires. À travers des mouvements tels que le Dada, l’Oulipo et l’art numérique, les artistes proposent un rapport au hasard qui leur est propre. ZZZ Running with the beast 2008
Comme nous l’avons signifié plus haut, le hasard peut être soit subi, soit provoqué. S’il est subi, il peut prendre la forme d’un accident ou d’un événement inexplicable pouvant s’inviter à tout moment dans l’acte créatif et devient alors acteur bouleversant de l’œuvre en bien ou en mal. Une des premières expériences avec le hasard survenu dans l’œuvre artistique est celle de la légende de Protogène, peintre de l’Antiquité, En effet, Protogène n’arrivait pas à reproduire la bouche d’un chien écumant de bave. Après de nombreuses tentatives, le peintre attrapa une éponge imbibée de couleur puis l’a projeta sur la toile. Le hasard de la trajectoire de cette éponge voulut qu’elle atterrisse sur le museau du chien et reproduisit l’effet recherché par l’artiste. Autre expérience du fruit du hasard, le peintre japonais Hokusai, a fait courir un coq sur une toile, dont les pattes ont été trempées au préalable dans de la peinture dans le but que ses pas, hasardeux sur la toile, dessinent les flots de la rivière Tatsouta. Le groupe hollandais ZzZ renouvela l’expérience avec deux coqs, recouverts de peinture, s’affrontant sur une grande feuille de papier, inscrivant ainsi la dynamique du combat sur celui-ci. Utiliser le hasard de cette manière permet d’admettre que la nature travaille seule, que le hasard soit une sorte de sorcellerie positive qui manifeste ce que l’artiste ne pourrait réaliser.
Plus d’inspiration, d’intention créatrice, d’esquisse préparatoire et de plan, le hasard devient la source même de la création. Dada
C’est au début du XXe siècle que l’artiste prend réellement conscience du potentiel qu’offre l’utilisation du hasard dans l’œuvre artistique, à l’image des créations du mouvement Dada, qui provoque sciemment le hasard au cœur de leurs productions. Ce hasard est nommé « hasard mécanique », car il appelle plus souvent à la notion d’aléa que de hasard.
L’aléa, quant à lui, se définit ici comme un événement incontrôlable amené par l’artiste à investir l’œuvre. L’œuvre finale sera le résultat d’une des nombreuses combinaisons possibles, qui elles-mêmes se voit limitées dans un système donné.
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• • Hasard Dadaïste Le célèbre mouvement Dada né en Suisse durant la Première Guerre mondiale, rassemble un groupe d’artistes : Hugo Ball, Tristan Tzara, Jean Arp, Marcel Janco et Sophie Taeuber-Arp fervent opposants à la guerre et au système culturel et social. C’est pourquoi ils souhaitent critiquer à travers leur art, la civilisation occidentale, idéologique, artistique et politique considérée comme fausse. Pour accomplir leur projet, les dadaïstes ont recours au rejet de la raison et de la logique et s’approprièrent de nouveaux outils de création comme le hasard, l’automatisme. L’introduction du phénomène du hasard dans l’œuvre pose les fondements d’une ascendance de son rôle dans l’art. Pour les dadaïstes, le hasard devient un outil sérieux qui va permettre la réalisation de la critique sociétale défendue par le Dada. En rejetant toute rationalité, le hasard devient le principe d’un anti-art, d’un art de l’absurde, du non-sens et l’artiste cherche une forme de détachement, de nonmaîtrise et de spontanéité vis-à-vis du résultat. Prenons l’exemple du peintre Jean Arp qui revendique l’utilisation du hasard dans ses œuvres réalisées à base de collages fabriqués selon les lois du hasard en 1916. Insatisfait après avoir longuement travaillé sur un dessin, Jean Arp finit par déchirer la feuille et laissa s’éparpiller les lambeaux de papier au sol. Lorsque par hasard, il regarda les morceaux au sol, il fut surpris par leur disposition qui traduisait ce qu’il avait essayé d’exprimer auparavant. Ce qu’il n’avait pas réussi plus tôt, le hasard s’en était chargé. Cette provocation du hasard fut donc considérée comme une providence et fut la base de son collage final. Il réalisa ensuite une série de collages selon les lois du hasard. JEAN ARP Collage de carrés disposés selon la loi du hasard 1916
(1) MARCEL DUCHAMPS Trois-Stoppages-étalon 1913-1914 (2) MARCEL DUCHAMPS Réseaux de Stoppages 1915
Autre exemple, le travail de Marcel Duchamps qui, à travers deux œuvres représentent parfaitement l’idée d’un processus provenant du hasard et utilisé dans une réflexion artistique. Deux de ses œuvres les plus représentatives de ce concept sont « Trois-Stoppages-étalon » ainsi que « Réseaux de Stoppages ». L’artiste prône ici l’utilisation de l’aléa et du hasard comme un outil de composition de certains éléments de l’œuvre. Pour la réalisation de celles-ci, Duchamps répète trois fois d’affilée un même geste. Il laisse tomber horizontalement un fil d’un mètre de longueur depuis un mètre de hauteur. Le hasard de la chute lui administre alors une forme qui par la suite est fixée avec du vernis. Avec Duchamp et Arp, la notion de pur hasard disparaît donc au profit d’un hasard apprivoisé et une mécanique aléatoire. Seul le résultat restera formellement incontrôlable.
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• • L’art numérique Dans la continuité du mouvement Dada mais quelques années plus tard, la cybernétique voit le jour en 1950. La cybernétique se définit comme une science exacte qui étudie les mécanismes de communication et de régulation des machines, mais aussi des êtres ; et est initiée par l’américain Norbert Wiener. Ce mathématicien amène une réponse à la question de comment contrôler une information pour que le mécanisme balistique aille là où on le souhaite. Le contrôle de l’information passe alors par la reconnaissance de quelque chose d’incontrôlable. Appelé « art informatique » puis « art multimédia » ; il désigne tout type d’images produites par le biais de l’ordinateur et place ainsi l’outil informatique au cœur du processus de production de l’œuvre. La pratique de l’art numérique est diverse : net art, software art, installations interactives, art génératif. L’application de la cybernétique dans le domaine des sciences et de la psychologie, va intensifier la question de la complexité du réel et le recours à l’aléa pour y répondre. De ce fait, hasard et aléa ne sont plus des choses qui s’opposent à la raison, mais deviennent une composante de la connaissance et de l’imaginaire dominant. L’ordinateur est une application qui résulte directement du système élaboré par la cybernétique. C’est d’ailleurs avec cet outil que l’on créé des bugs pour donner naissance au Glitch, qui n’est que le résultat d’une esthétisation d’erreurs analogiques par corruption de codes ou de données ou manipulations d’appareils électroniques. À savoir que le Glitch s’est vu devenir un mouvement artistique appelé le Glitch Art et ses partisans transforment les bugs en images fascinantes et aux notions artistiques. C’est donc dans ce contexte d’acceptation de l’irrationnel que l’art numérique et ses nombreuses pratiques apparaissent dès les années 1960 et instaurent un nouveau rapport à l’aléa et au hasard dans l’œuvre. Cependant, deux grands positionnements définissent l’art numérique : le premier est celui d’utiliser l’art numérique pour une transposition, voire une reproduction de formes et de techniques existantes (la photographie, la vidéo numérique, le digital painting), proposant une tentative d’imitation de l’existant en souhaitant tout en minimisant la présence du numérique ; et le second voit dans l’art numérique comme un moyen de création pour de nouvelles formes (de l’art interactif, l’art en temps réel, etc.).
Exemple de Glitch Art 2012
L’une des pratiques précises de l’art numérique : l’art génératif, semble intéressante puisqu’elle représente une nouvelle forme d’art à part entière avec l’outil du générateur. Cette partie sera étudiée plus précisément dans la troisième partie de ce mémoire.
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DÉPLACEMENTS (EXTRA)ORDINAIRES « À tout moment, le hasard vous envoie promener. En profitez-vous ? » Paul Morand
À quelles fins se laissent-ils guider par l’accidentel ? Où déploient-ils leurs trajectoires aventureuses ? Ces interrogations nous amène à parler brièvement du labyrinthe, motif de perdition, ou le choix d’une direction dépendra d’un choix hasardeux et invitera inévitablement à la déambulation.
Tout voyage se voit être une récréation du réel. Celui-ci peut être pensé comme une activité qui dépasse le divertissement et qui devient une quête de soi, un voyage intérieur. Mais il peut aussi être perçu comme une quête de l’inconnu, il invite à l’imaginaire et initie au voyage intellectuel et inattendu. Si l’on choisit le hasard comme outil de déplacement, tout comme d’autres l’on utilisé en tant qu’outil créatif, ce dernier devient alors un mode de déplacement atypique, différent du schéma classique de celui allant d’un point A à un point B, parfaitement défini. La trajectoire n’est pas définie et la part de surprise et d’inattendu s’invite alors au voyage. On appelle cela : l’errance, la flânerie, le vagabondage. C’est en fait apprendre à se perdre.
Apprendre à se perdre Voyager, se déplacer, mais pour aller où ? Dans le projet « A Walk of Four Hours and Four Circles » de l’artiste Richard Long, des trajets circulaires et linéaires sont restitués sous la forme d’une carte géographique sur laquelle il a tracé quatre cercles concentriques. À côté de chacun de ces cercles est portée la mention « One hour ». Les cercles ne représentent donc pas un trajet, mais une durée. Le plan convoque avant tout une valeur temporelle et on comprend rapidement que la carte ne montre pas simplement un parcours, mais enregistre aussi un déplacement. La carte montre une Rien ici ne saurait être abandonné géométrisation du parcours, où la route est pour ainsi dire au hasard de la dérive. toute tracée, et l’itinéraire planifié. Rien ne saurait être arbitrairement construit, car le marcheur suit un Dans une société où tout est calculé et paramétré, il y a peu parcours le conduisant d’un endroit de place réservée au hasard, à l’accidentel, notions étrangères précis à un point, ou à tout le moins à ses tracés ordonnés. Difficile d’aborder un questionnement à une zone d’arrivée prévue. autour de la vision de déambulation urbaine et d’ailleurs et plus largement du voyage. Thierry Davila Se pose alors la question : Comment réintroduire l’imprévu
et l’inattendu lors d’un déplacement ? Qui sont ces artistes aventuriers de la dérive ?
Les deux formes originelles issues d’architecture mythique et religieuse, sont le labyrinthe et l’observatoire, toutes deux symboliques – de la connaissance ou de la perdition – se manifestent avec insistance dans l’art in situ. Rosalind Krauss
Le labyrinthe est typiquement un lieu de désorientation, de perdition. Le méandre symbolise une sorte d’épreuve extrême et personnelle. L’homme se retrouve confronté à la réalité de l’intuition et celle du hasard. L’auteure Colette Garraud écrit d’ailleurs : « Tels seraient donc les risques encourus par le marcheur qui abandonne ses pas aux couloirs sinueux du labyrinthe. Vertige, effondrement, épreuve des limites, épuisement, ivresse de l’espace, exténuation : malheur du marcheur. »
Le labyrinthe est ainsi, en un sens, un combat, une confrontation directe, voire dangereuse, avec le lieu et son environnement. Mais plutôt que de subir ou d’envisager ce lieu comme une menace, pourquoi ne pas se rendre disponible à l’inconnu, à l’inattendu, au hasard des découvertes ? Pourquoi ne pas reconstruire notre aptitude à nous perdre ? L’artiste Robert Smithson s’est posé cette question dans ses écrits lors d’un voyage dans le Yucatán et en a conclu que tous les guides de voyage ne sont d’aucune utilité. Il faut voyager au hasard comme les premiers Mayas ; risquer de se perdre pour retrouver l’essence même du voyage. Cela donnera naissance à la création artistique. Mais apprendre à se perdre, se perdre vraiment, n’est pas chose facile, il faut se laisser aller à l’abandon et arriver à se détacher du quotidien, l’oublier.
• • Provoquer le hasard, l’accident Provoquer le hasard, l’inviter dans une quête de nouveau voyage, c’est, par exemple, ce qui a été l’objectif de l’artiste Till Roeskens, à travers son œuvre « Le voyage des autres » (2000). À travers des performances aux allures de voyages sans fin, l’artiste explorateur Till Roeskens provoque des enchaînements imprévisibles de rencontres, suscitant la participation active de ses partenaires. « Le voyage des autres » est une performance dans laquelle l’artiste fait de l’autostop en continu pendant plusieurs jours, sans direction préétablie, en suivant chaque personne qui s’arrête sur son chemin jusqu’à sa destination, puis en continuant son chemin.
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À chaque endroit où on me laissait, je prenais une photo de la route devant moi, sans recherche formelle, pur constat du présent dans lequel je me trouvais, puis je tentais de noter tout ce que mon chauffeur m’avait dit durant le trajet. Till Roeskens
TILL ROESKENS Le voyage des autres 2000
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Sans prévoir aucune destination à l’avance, il se laisse porter par le mouvement du voyage et se contente de dialoguer avec les personnes qu’il rencontre. Ici, la notion de hasard et d’imprévu est donc centrale dans sa démarche artistique. L’inattendu conditionne totalement le voyage de l’artiste. Mathias Poisson, un autre artiste invite aussi les notions d’imprévu et de hasard au cœur de sa pratique artistique. Pour cela, il organise des promenades expérimentales pour petits groupes depuis 2001 à Marseille.
Au départ de chaque excursion, les participants enfilent une paire de lunettes conçues pour l’occasion qui floute le paysage et perturbe la vision. Cette expérience troublante est une invitation à lâcher prise sur la compréhension des éléments qui nous entourent et à percevoir l’environnement autrement. Au retour de la balade, un temps de parole est donné aux promeneurs afin partager leurs expériences respectives. La conclusion que l’artiste a tiré de ces expériences sensorielles et physiques que : « voir moins et avoir moins dans une époque qui cherche sans cesse à nous promettre toujours plus de capacités et plus de possibilités, permet de relativiser et d’apprécier à nouveau ce que nous possédons : la sensation de l’existence et la capacité de percevoir et se représenter le monde. »
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Mathias Poisson réalise aussi des cartes sensibles, c’est-à-dire des cartes géographiques subjectives réalisées sur la base de ses déplacements. Avec les exemples de Till Roeskens et Mathias Poisson, le caractère errant de leur voyage s’inscrit à la fois dans l’espace urbain et dans les paysages naturels, mais aussi dans des espaces « contrastés », selon les termes de ce dernier, qui comprennent les rues, les centres commerciaux, les intérieurs privés, etc. L’espace du non-lieu ne crée Ainsi, ces artistes-voyageurs traversent différents types ni identité singulière, ni relation, de lieux, voire de « non-lieux », c’est-à-dire des zones ou mais solitude et similitude […] ; espaces d’anonymat de circulation qui se voient piétinés le voyageur est en quelque sorte chaque jour par des milliers d’individus. Autrement dit, dispensé d’arrêt et même de regard des endroits de forts passages comme les aéroports et les espaces de transits d’après la définition qu’en fait Marc Augé dans son livre « Non-lieux ». Marc Augé Autour des mêmes notions énoncées par Marc Augé, se rapproche la performance « Dans L’inconnu des grands horizons » de Laurent Tixador et Abraham Poincheval en 2002, qui consistait à traverser la France à pied, en ligne droite avec pour seul bagage une boussole. En partant de Nantes, ils ont atteint Metz au bout de vingt-six jours. Cette progression en ligne droite a contraint les artistes à traverser des espaces de circulations rapides, notamment des autoroutes, ce qui amène donc à interroger les nouveaux lieux stériles et autres espaces par leur expérience. Nous allons maintenant nous focaliser plus précisément sur l’espace urbain qui, selon Walter Benjamin serait un grand labyrinthe imaginé par l’homme.
De ce fait, quel environnement pourrait-il être plus propice à l’errance, à la dérive, à la flânerie que l’espace de la ville ? Le motif du labyrinthe est donc particulièrement pertinent pour désigner l’espace urbain et ses trajectoires imprévisibles.
MATHIAS POISSON Carte Sensible 2001
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L’errance a aussi été la grande thématique d’un travail d’écriture et de photographie pour Raymond Depardon. Dans ses écrits, l’homme n’est que très peu présent, car l’errance, pour Depardon est la quête d’un lieu dans lequel il évolue. L’homme se retrouve solitaire, dans son errance, ce qui donnera naissance à des clichés photographiques.
L’errance L’errance n’est ni le voyage, ni la promenade, mais plutôt cette expérience du monde qui renvoie à une question essentielle : Qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi ici plutôt qu’ailleurs ? Comment vivre le plus longtemps possible dans le présent ? Comment se regarder, s’accepter ? Qu’est-ce que je suis ? Quel est mon regard ? Raymond Depardon
Après avoir étudié juste avant les codes de représentation, l’un des modes de déplacement extra-ordinaire que nous allons maintenant aborder est l’errance. L’errance se définit comme une invitation au voyage. Ce thème est à la fois universel, concret et cherche à traduire la quête métaphysique dans laquelle s’engage tout homme tôt ou tard. Il est indissociable du rêve. On peut retrouver cette notion dans la littérature, les poèmes ou encore la photographie et se trouve être une composante typique de la poésie allemande du mouvement Romantique.
Le photographe évoque son expérience de photo-reporter en tant qu’expérience d’errance. Cette expérience débute avec le sentiment d’un réel manque de désir, puis la naissance d’une appréhension de l’errance et enfin l’évolution de sa conception de l’errance au fur et à mesure qu’il l’apprivoise et l’accepte pour se questionner :
Quel rapport au passé ? Quel rapport au présent ? Quel rapport à la solitude ?
Par exemple dans le poème « Les Chevaliers de Fortune » d’Eichendorff, les héros incarnent cette incertitude à la fois souriante et inquiète du vagabond philosophique. Nomades par instinct, ces héros ont choisi la vie errante.
Le fait d’errer, seul avec lui-même à travers des paysages silencieux, lui a permis de vivre le présent et plus le passé, vivre sa solitude qu’il dit nécessaire pour son métier. Le photographe développe une réflexion autour de l’errance, ses peurs, ses doutes, sa conception de la photographie pour en revenir plus fort.
Un autre récit des plus caractéristiques de l’errance est celui écrit par Ludwig Tieck, « Voyage dans le bleu ». Ce texte énonce et définit ce qu’un jeune romantique entend par « voyager ».
Il affine son projet en énumérant les différentes errances rencontrées lors de son expérience : la fausse errance vécue dans des lieux qu’il connaissait déjà, l’errance rêvée ressentie avec une femme, l’errance commandée ou encore l’errance nostalgique, l’errance forcée et l’errance occasionnelle… Au final, l’on comprend que l’errance de « la quête du lieu acceptable » défini au début du texte se transforme au fur et à mesure de la lecture en quête du moi acceptable.
En voici un extrait : — « Oh ! Frédéric, ce qui m’attire c’est la solitude, cette douceur de ton que la forêt prend pour nous parler, le secret qu’un ruisseau veut nous confier dans son murmure. Et j’ai pu aussi remarquer que tout au long de notre voyage, tu ne me comprends pas. » — « Non, dit Frédéric avec quelque surprise, je ne te saisis vraiment pas. Nous allons tantôt à droite, tantôt à gauche, nous passons la nuit à la belle étoile, tu escalades cette montagne ou cette autre, tu n’es jamais content, tu n’aspires qu’à aller plus loin et tu te fâches lorsque je veux te faire comprendre combien, finalement, il est tant nécessaire que nous rebroussions chemin. » Cet extrait nous fait bien comprendre que l’errance quelque part, sans but précis. Mais il faut savoir que le thème de l’absence est aussi fatalement lié à celui de l’errance. C’est le départ, origine de toute séparation, qui est la base de toute errance. Il s’établit donc un mouvement dialectique entre la personne que l’on quitte et le monde qui va être découvert dans la progression de l’aventure. Le voyage se qualifie ici d’adieu. On quitte la relation avec autrui pour commencer la recherche d’une relation inconnue.
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Proche des notions abordées par l’errance, qui s’éloignent de la trajectoire rectiligne toute tracée, ainsi que de la carte, nous allons à présent nous intéresser à la dérive urbaine et à ses antagonistes, autre déplacement (extra)ordinaire.
RAYMOND DEPARDON Errance 2003
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La dérive illustrée par la psychogéographie Les artistes évoqués plus haut sont tous les héritiers des pratiques théorisées à la fin des années cinquante par Guy Debord. Grand fondateur du mouvement avant-gardiste l’Internationale Situationniste (I.S.) en 1956, Guy Debord (ainsi que Jacques Réda, Stevenson, Baudelaire, Léon-Paul Fargue), fait partie des adeptes qui ont institué la psychogéographie et la « théorie de la dérive » (le passage rapide entre les ambiances urbaines). Ils ont transcrit leurs errances et explorations urbaines des villes comme Paris, Londres, New York ou Berlin à travers des cartes, des dessins, des collages. Peu importe le lieu choisi, la psychogéographie reste individuelle et unique. À travers la notion de psychogéographie, il y a l’idée d’une cartographie, d’un chemin, d’un tracé partageant un nouvel intérêt en géographie, pour la carte, son utilisation et son langage. Depuis la création de la toure première carte, sa représentation offre deux regards : celui de comprendre une réalité en image simplifiée, réduite et hiérarchisée, mais aussi celle d’une intervention dans cette réalité retranscrite. Dans l’architecture même, le goût de la dérive porte à préconiser toutes sortes de nouvelles formes du labyrinthe. Guy Debord
Selon Guy Debord, la théorie de la dérive se définit comme « une technique du passage hâtif à travers des ambiances variées ». Il s’agit de se laisser aller à toutes les sollicitations du terrain et des rencontres, tout en préservant une certaine maîtrise du parcours. La dérive est avant tout une construction qui invite à voir la ville comme un terrain propice à l’errance.
Guy Debord recommande de déambuler en petits groupes : « On peut dériver seul, mais tout indique que la répartition numérique la plus fructueuse consiste en plusieurs petits groupes de personnes parvenues à une prise de conscience semblable, le recoupement des impressions de l’ensemble des groupes devant alors permettre d’aboutir à des conclusions objectives. » Depuis le flâneur des villes, personnage baudelairien que nous allons étudier juste après, les enseignements au sujet de la dérive permettent d’établir les premiers relevés des articulations psychogéographiques d’une cité moderne. Cette nouvelle philosophie propose une nouvelle appréhension de l’environnement urbain, des méthodes pour transformer les rues familières à une expérience quotidienne, en quelque chose d’inattendu et de nouveau.
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Guy Debord et ses apôtres aimaient les cartes et les plans de Paris, de bataille, du Tendre et cartes d’état-major, puisqu’ils étaient tous des grands marcheurs, qualité essentielle pour prétendre à la dérive. Marcher sans but dans la ville et s’y laisser aller demande beaucoup d’application et un comportement ludique et constructif opposé aux notions classiques de voyage et de promenade. Il ne s’agit pas pour autant de marcher au hasard, mais de suivre le « relief psychogéographique » et d’en rendre compte grâce à la fabrication de plans appelés les cartes psychogéographiques.
Cette application permet d’entrer en interaction avec le premier individu connecté sur l’application en lui lançant un défi préenregistré : « compliment me on my haircut », « let me inspect the content of your bag for bombs and such », « ask me what I think of the war ».
• • Héritiers illégitimes de la psychogéographie La cartographie urbaine des situationnistes de Guy Debord prônait le recours à la subjectivité comme un acte personnel et artistique, loin de toute logique mathématique et en détournant la technique. Seulement, faire de la psychogéographie un moyen de représentation cartographique légitime la transforme en une technique et perd donc toute logique de subjectivité puisqu’elle suit ses propres règles de représentation. La logique des situationnistes se voit ainsi limitée et occultée des préceptes fondés dans le passé.
La fabrication de cartes psychogéographiques permet ainsi de décoder les déplacements gratuits d’un voyageur errant, qui ne se soumet pas aux trajectoires habituelles. La psychogéographie se base donc d’abord sur la recherche d’insoumission. Les cartes de la psychogéographie mêlent à la fois l’objectivité d’un plan réel et l’expérience subjective de la ville. Elles sont en fait des détournements de la ville.
Cependant, l’objectif premier n’est pas tant de projeter sa propre subjectivité sur un plan, mais avant tout de découvrir la ville et ses recoins et détours. D’apprendre la ville pour s’en faire une alliée et apprivoiser la liberté qu’offre le déplacement lié à la dérive
Le passant qui flâne détourne l’espace urbain de sa fonction première c’est-à-dire celle d’orienter les foules alors que le dit cartographe-psychogéographe détourne une carte officielle et lui donne à dire un nouveau message, un nouveau sens, mais aussi une nouvelle direction. Exemple de carte psychogéographique 1955
Pourtant, il est difficile aujourd’hui de retrouver cette notion de liberté dans une société urbaine qui mesure et planifie tous les gestes des passants. Le territoire de la ville s’est vu, en l’espace de quelques années, quadrillé par des caméras de vidéo surveillance, ce qui a donné naissance à de nombreuses actions menées par des groupes tels que les « Surveillance Camera Players » à New York ou « Souriez, vous êtes filmés » en France. Des cartographies indiquant l’emplacement des caméras dans la ville ont par exemple été imaginées pour s’opposer à cette liberté surveillée. Ces dispositifs réactifs à la recherche d’une anti-cartographie de la subjectivité, fournissent à leur manière des armes, pour éviter d’être repérés, aux individus et leur offrent ainsi la possibilité d’échapper à leur « cartographication ».
Il s’agit donc de critiquer des espaces réels en introduisant un côté subjectif dans un milieu urbain. Mais est-ce que ce concept peut perdurer malgré une société qui a évolué ?
• • La psychogéographie aujourd’hui Les notions de dérive et de psychogéographie ne sont pas tombées dans l’oubli. Dans la vie de tous les jours, des cartographies de villes invisibles sont réalisées. Par exemple, le site « Bordeaux Invisible » propose des dossiers qui répertorient des lieux, des histoires et des personnages méconnus de Bordeaux et de ses environs, ce qui amène le visiteur à revisiter la ville autrement. Ce concept existe aussi dans d’autres villes telles que comme Paris ou New York. Les difficultés de la dérive sont celles de la liberté Guy Debord
Dans le domaine digital, des applications web à « users generated contents » c’est-à-dire dont un « contenu généré par l’utilisateur » ont été imaginées. Pour exemple : « MyBlockNYC » propose aux new-yorkais de faire le tour du voisinage de façon créative pour recenser les parcours aléatoires des marcheurs. D’autres d’applications de téléphone se sont inspirées des pensées des situationnistes et proposent des dérives urbaines en réalité augmentée comme avec l’application smartphone « Situationist ».
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La carte devient donc un support fréquemment utilisé, sans cesse revisité et redessiné. Pour une cartographie empreinte de déplacements issus du hasard, il faudrait peut-être pouvoir sortir de la carte ou ne jamais cesser de la détourner en utilisant les signaux du monde urbain (icônes), la lecture que nous en faisons (tracé et sens de la ville), l’écriture urbaine et les post-its urbains (papiers, tags) pour dessiner une ville nous ressemble. SURVEILLANCE CAMERA PLAYERS Routes of least surveillance 2001
En dernier lieu, nous allons parler de flânerie, cette autre manière de se déplacer et d’appréhender le milieu urbain.
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La flânerie ou la poétique de la ligne Contrairement à l’errance, la flânerie est l’action de se promener sans hâte, sans but, en s’abandonnant à l’impression et au spectacle du moment, en se complaisant dans une douce inaction procurée par la démarche du flâneur, mais également en analysant la société dans laquelle il évolue. Mais cette définition est paradoxale. Si le flâneur est celui qui aime ne rien faire, il engage consciemment son corps à une attitude passive. C’est pour cette raison que l’action de flâner se rapproche de l’errance et fortement du vagabondage. Le flâneur, lui, est celui à la recherche du voyage dans la ville, mais aussi intérieur, celui de la perte de soi. De ce que l’on pourrait définir par l’errance physique et psychologique. La flânerie, ce concept fondateur de la modernité, métamorphose le promeneur-voyageur en lui offrant un nouveau statut et en lui proposant une nouvelle perception de la ville. En accord total avec la déambulation, la foule et la ville, la notion de flânerie est avant tout une activité, une pratique. Selon Ash Amin et Nigel Thrift dans « Cities, reimagining the urban » écrit en 2002, dans des villes en constant mouvement, le flâneur, en tant qu’intellectuel vagabond, possède à la fois la sensibilité poétique, mais aussi la science nécessaire pour lire la ville et décrire les multiples usages de ses rues tout en dépassant les stéréotypes. Le concept du flâneur symbolise différentes choses : - la bougeotte associée à l’individu forcé de vivre en communauté avec des contraintes territoriales et professionnelles - le tourisme prêt-à-consommé - le désir d’apprécier la vie à un rythme ralenti et le développement de sa sensibilité. Même si ces attitudes sont difficiles à mettre en pratique, surtout, dans une société comme la nôtre, l’utilisation du concept de flâneur reflète une nécessité de notre époque et la soif de nouveaux rapports avec les lieux, la ville et ses habitants.
HAPPY SOUP La route du rock 2012
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Quand au XIXe siècle l’auteur Walter Benjamin ou encore Baudelaire parlaient du « Flâneur », celui-ci était associé à la vie des poètes et des intellectuels qui se promènent dans la ville dans l’unique but de l’interpréter. Ce personnage pourrait s’apparenter à celui du dandy et du touriste dans sa manière d’être, d’agir et dans sa relation avec la foule. Cependant, le dandy est plus intéressé par le fait d’être regardé que d’observer ce qui l’entoure. De plus, le touriste souvent dans un marathon pour réussir à visiter une ville en quelques jours présente davantage plus de curiosité pour explorer la ville, mais reste aussi détaché de la foule. Le flâneur, au contraire, se mêle à la foule anonyme et se glisse dans le décor. Il s’adapte au milieu dans lequel il se trouve et garde son individualité et son statut d’observateur.
• • Une vie de solitude Le caractère provocateur du flâneur se devine dans la lenteur et la liberté de ses actes et mouvements, en totale contradiction avec les contraintes temporelles et collectives. Le flâneur a pour caractéristique de se déplacer à pied afin de lui permettre de mieux concilier marche, observation et interprétation dans le but de prendre conscience par lui-même et ce qui l’entoure. Marcher dans la ville renvoie à une notion de solitude et de liberté puisque le flâneur s’oppose à la foule en refusant les parcours et la vitesse imposés par les contraintes urbaines via des panneaux directionnels, traçages au sol, etc. Le flâneur préfère faire une pause et donner du temps au temps. La marche peut aussi être vécue comme une pratique favorisant la socialisation de l’homme avec les lieux publics dans une volonté d’un acte citoyen puisqu’ainsi le flâneur habite la ville et non plus ses espaces privés (appartement). Les rues et trottoirs deviennent alors un terrain de rencontre et de découverte. Cependant, il est difficile aujourd’hui d’entretenir le rôle de flâneur dans une grande ville puisque le flâneur se retrouve aujourd’hui observé par ceux qu’il observait dans le passé. Dans une ville au rythme toujours plus effréné, l’utilisation du métro ou de voitures accroît la solitude, mais une solitude bien différente de celle du flâneur, avec un réel appauvrissement d’expériences relationnelles.
STUDIO YUKIKO Flâneur Magazine 2014
Malgré tout, la flânerie renaît doucement aujourd’hui, avec son style de vie qui lui est propre. On recommence à s’intéresser à la figure du flâneur avec le souhait de se construire des modes de vie plus personnalisés et d’explorer des lieux nouveaux. Sur le marché se développent justement de nouveaux magazines (ex. Le Flâneur édité à Berlin) et guides proposant par exemple de visiter une ville via des circuits atypiques.
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• • Flâneur = acteur urbain Contrairement à d’autres figures actives de l’espace urbain comme le joggeur ou le travailleur, la démarche du flâneur, proche de celle du piéton, accentue ses efforts d’observation et d’interprétation de son environnement urbain pour mieux découvrir et comprendre le monde qui l’entoure. Marcher lentement lui permet d’observer et d’interpréter la réalité jusqu’aux détails les plus banals. Tout son corps est en mouvement, ses jambes, ses yeux, son esprit, pour une meilleure lecture du milieu urbain. Telle est sa mission. Il est un peu comme un super-héros du quotidien, qui lutte contre tous les modèles en place à la recherche incessante des sens cachés que les villes donnent à voir pour ceux qui savent les regarder. De plus, pour bien mener son activité et réussir à observer, absorber et sélectionner ce qui lui provient de l’extérieur, le flâneur développe une capacité à la lenteur et une temporalité relâchée, s’éloignant ainsi du rythme quotidien. Cette acuité au mouvement ralenti doit ressembler à celle de l’enfant qui s’émerveille et s’ouvre au monde. Cette trame sensorielle donne à la marche le long des rues une tonalité agréable ou non selon les circonstances. L’expérience de la marche en ville sollicite le corps entier en un appel continu aux sens et au sens. La ville n’est pas en dehors de lui, elle est en lui, elle imprègne son regard, son ouïe et ses autres sens ; celui-ci se l’approprie et agit sur elle sur la base des sens qu’il lui attribue. David Le Breton 2000
À ce propos, David Le Breton dans « l’Éloge de la marche », écrit en 2000, consacre un chapitre à la flânerie urbaine et aux caractéristiques du flâneur. Pour l’auteur, marcher c’est d’abord se retrouver soi-même, humer l’air du temps, se moquer de la modernité et de ses voitures toutes plus rutilantes les unes des autres pour mieux aiguiser ses sens et goûter la vie. Marcher, c’est être disponible pour des découvertes visibles au rythme naturel du piéton en exerçant ces cinq sens pour un rapport direct et personnel avec la ville. Emblème de la désorientation, le flâneur se trouve au cœur de la ville et est entouré de millions de personnes, de millions symboles qui s’entrecroisent sans cesse devant lui. Nous en venons alors à nous questionner sur un éventuel aménagement de l’espace public propice à la flânerie.
Est-ce seulement possible ? Judicieux ? Dans quel but aménager l’espace public pour le flâneur ? Comment intégrer celui-ci dans l’espace public ? Quelle mise en scène pour le flâneur ?
LE CAUE 75 Square Léon Frapié Paris 20 2013
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• • Espace flâneur En effet, nous pourrions imaginer la possibilité de rendre l’espace urbain praticable à des membres de la cité tels que le flâneur : libérer les boulevards… Des espaces permettant une bonne mobilité pédestre qui préservent les lieux et leurs origines sans les transformer pour les touristes. Mais cette idée ne peut être réalisable seulement si elle concerne une grande partie de la société ; or les flâneurs ne représentent pas une masse au sein de cette dernière. Il faut donc s’adapter au décor.
• • Un futur possible pour le flâneur ? Le thème du flâneur réapparait doucement depuis quelques années grâce à des phénomènes de remise en question des traditionnels modèles de production. Tout en préservant les attributs originels des traits du flâneur, celui-ci évolue tout de même avec son temps. Aujourd’hui, vouloir flâner correspond essentiellement à récupérer le rapport avec soi-même et les autres dans des espaces urbains parfois difficiles à lire ; et donc s’opposer, à la masse, à la société de consommation et aux caractères rigides d’une ville. Ce concept fondateur issu de la société moderne, qu’est la flânerie, se pratique de manière rigoureuse. Pour cela, le flâneur effectue une série d’opérations et de gestes propre à la flânerie. Sa logique s’oppose à celle de l’accumulation des savoirs en participant à la défondation et le désapprentissage de ce que le flâneur a acquis. Pour ouvrir son regard et sa pensée, il faut oublier pour pouvoir voir, regarder autrement, être disponible. Le rapport à la lenteur est de mise, la notion de temps, de limites disparaît et le tempo s’oppose radicalement à la notion de productivité. Ainsi, le flâneur en tant qu’acteur de l’espace public est un individu qui se déplace sans règles précises et qui aime se perdre dans une ville. Il entre ainsi en contact intellectuel et corporel avec la ville et tout ce qui l’entoure. Ses mouvements simples, lents lui permettent une entière disponibilité à rencontrer l’autre, à se faire transcender par la réalité urbaine et bercée de mélancolie. Il aide à définir la scène urbaine parce qu’il interprète l’espace, le raconte et interprète l’âme cachée de la ville elle-même. Je pense qu’il est essentiel de rappeler à nouveau l’importance du flâneur dans l’organisation de la vie urbaine et de ses espaces pour réapprendre aux citadins à regarder leur ville. Et de rapprocher les notions cartographiques au comportement opposé et irrationnel du flâneur. FLANEUR SOCIETY Flaneur Society Guide to Getting Lost 2010
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Assez curieusement, mon imagination ne fonctionne jamais mieux que lorsque je suis seul au milieu d’une assemblée, quand le tumulte et le bruit exigent le substrat de la volonté pour que l’imagination s’accroche à son objet
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La flânerie invite à se défaire des formes dites identitaires, sociales ou culturelles. Il s’agit en fait de « refaire le monde » en se déplaçant loin des lieux connus, balisés et contrôlés, en posant une différence, en produisant une véritable conversion du regard. Le flâneur se rend alors disponible, tout autrement, à son mode de subjectivisme, à l’espace et au temps qu’il traverse.
Kierkegaard On observe une similitude entre les formes de pensée et formes de déambulation c’est-à-dire que le déplacement physique permet de conditionner un type de déplacement psychique. Penser, c’est se déplacer et vice versa. Traverser un paysage, provoque des enchaînements d’idées tout comme l’esprit devient paysage et espace impliquant des déplacements physiques ainsi que psychologiques. Quand on mêle les termes « psychologie » et « flânerie », on parle de psychogéographie intimement liée à la notion de cartographie de l’esprit.
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| TOURISTE URBAIN : VISITEUR-FLÂNEUR ?
TOURISTE URBAIN : VISITEUR-FLÂNEUR ? « On y va — Mais où ? — Je ne sais pas, mais on y va ! » Jack Kerouac
TOURISME URBAIN :
Halls d’immeubles, escaliers, ruelles, quais de gare, musées et monuments : la ville aménage des lieux qui deviennent des nœuds de relations sociales. Des lieux où l’on se rencontre, où l’on parle, où l’on attend, où l’on apprend. Ce qui fonde la ville, ce sont nos circulations. La ville assemble des lieux fixes associés à un appartement, une chambre et des lieux à valeur communautaire : l’école, le bureau, l’usine. Pour que ces espaces interagissent ensemble, s’organisent alors les circulations, les transits desquels naissent des points de croisement appelés aussi grands axes. Là où les individus influent en grand nombre vers un même point de croisement permettra de définir ce lieu comme important. Et tous lieux importants attirent le voyageur appelé aussi touriste.
RALENTISSEZ JOAO MODÉ Projet REDE 2007
Comme vu précédemment, les hommes ont toujours voyagé : depuis les hommes préhistoriques qui se déplaçaient surtout pour survivre, en passant par l’Antiquité ou les Grecs et enfin l’homme d’aujourd’hui, qui voyage soit pour travailler, soit pour ses loisirs, pour étudier, ou simplement pour le plaisir de découvrir. Mais tout déplacement ne se définit par comme du tourisme. Le tourisme est le fait de voyager, ou de parcourir pour son plaisir, un lieu autre que celui où l’on vit habituellement. Et la constante évolution de l’urbanisme, des infrastructures de transport ainsi que les nouveaux modes de comportement en matière de tourisme pour améliorer l’offre, influencent fortement le développement des différentes formes de tourisme, notamment celle du tourisme urbain et donc de son visiteur : le touriste, le voyageur, le flâneur ? Avec la volonté de voyager, de visiter, le statut de touriste au sens large c’est-à-dire personne qui visite, qui regarde, qui découvre un nouvel endroit, l’homme voyageur s’approprie la ville l’espace de quelques jours. Au début des années soixante, certaines artistes du mouvement Fluxus ont commencé à pratiquer la promenade-performance, proche des dérives situationnistes. Des artistes comme Yoko Ono ou Vito Acconci ont invité le public à leur dessiner une carte pour se perdre. Tout comme Stanley Brouwn qui parcourt Amsterdam selon les lois du hasard d’autrui. Ces moyens permettent donc de visiter une ville différemment.
Avec eux, peut-on parler d’un nouveau retour à la lenteur et de la naissance de nouveaux voyageurs urbains ?
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Cependant, selon des études, la principale activité d’un touriste urbain reste la promenade. Dans les « Mémoires d’un touriste » Stendhal, grand voyageur, parlait du « délicieux plaisir de voir ce que je n’ai jamais vu ». À ce moment-là, il portait déjà le statut de city-breaker, c’est-à-dire un touriste urbain. Les city-breakers (façon de voyager de courte durée, entre deux et cinq jours environ pour une destination en ville) sont de plus en plus nombreux dans les villes au point que celles-ci constituent le premier espace de fréquentation de la destination France. Mais les villes sont des destinations complexes, car les publics ne sont pas homogènes.
Tourisme urbain, tourisme pressé De manière générale, il faut savoir qu’en 2004 la France avait reçu 75,1 millions de touristes étrangers, en 2008 environ 80 millions. En 2009, avec 74 millions de visiteurs, la France a conservé son titre de 1er pays touristique au monde et en 2010, les arrivées de touristes étrangers se sont élevées à 76,8 millions. Le tourisme de façon générale se porte bien, surtout à Paris. Parmi les types de tourisme existants, le tourisme urbain est l’une des formes les plus anciennes de l’activité touristique et pourtant c’est un phénomène récent, car la ville est devenue une destination à part entière depuis la fin des années 1980. Dès lors, la prise de conscience a été immédiate et les villes ont décidé de mener des actions en commun : promouvoir leur ville, leurs réseaux, leur qualité de vie.
• • Vitesse ou éloge de la lenteur Les vrais adeptes du mode city-break cherchent à couper avec leur rythme quotidien pour découvrir une nouvelle ville et une nouvelle culture durant un court séjour (Wikipédia). Ils partent moins longtemps, mais plus souvent. Le city break peut aussi être d’ordre divers : professionnel ou personnel. Il est vrai que les voyageurs d’affaires partent souvent en déplacement pour des congrès, des rencontres internationales pendant quelques jours. Du peu de temps qu’il leur reste, ils en profitent alors pour visiter la ville. Mais bien que cette tendance se soit beaucoup développée ces dernières années dans le but de permettre un réel break dans leur quotidien, il est très fréquent de visiter une ville au rythme d’un marathon. Rester trois jours dans une ville grande comme Paris ne suffit en effet pas pour découvrir tout le potentiel de celle-ci. C’est pourquoi, comme tout bon touriste, muni de casquette et baskets, le city-breaker traverse Paris au pas de course, s’assurant de visiter les axes inévitables de la capitale. Tout est une question de rythme.
Ainsi, le tourisme urbain est apparu comme un réel enjeu pour les villes, via des productions d’images valorisantes favorables à l’accroissement d’activité et de visiteurs. Les villes génèrent la plus forte consommation touristique, estimée à 23,6 milliards d’euros, dont 60 % proviennent des touristes étrangers. Elles représentent 25 % des nuitées totales, 30.3 % des séjours effectués par les résidents, dont 40 % des séjours effectués par les non-résidents. Cependant, la ville est une destination complexe, difficile à cerner et à appréhender, car elle est multiforme (tourisme d’affaires, de passage vacances, courts séjours, tourisme, etc.) et avec des durées de séjour très variables. Foule à Paris
Le tourisme urbain n’est plus l’exclusivité des grandes capitales mondiales car en valorisant leur image, les villes, petites ou grandes sont devenues plus attractives et se sont imposées comme nouvelles destinations touristiques à part entière. Ces nouvelles destinations sont donc obligées d’améliorer leur visibilité via la création d’une marque globale, puisque la concurrence se fait plus rude, mais aussi le bien-être des citoyens puisqu’ils en parlent et recommandent un lieu ou non. Pourtant, contrairement à la mer, la ville n’est pas un espace reposant sur des habitudes semblables d’une année à une autre. C’est un lieu de courts séjours et rarement un endroit où l’on passe de grandes vacances. Mais la découverte touristique urbaine est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur et pour y répondre, les villes ont donc su se rendre séduisantes. À première vue, cette course aux touristes se présente aux antipodes des notions étudiées précédemment et s’éloigne plutôt de l’éloge de la lenteur du flâneur et du vagabondage prôné par l’errance.
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Comment ajuste-t-il sa propre cadence au rythme déstabilisant du dehors ? ORLAN Marches au ralenti 1964
Parallèlement au touriste, l’artiste a aussi développé une réflexion sur la ville et les différents rythmes à adopter pour une progression, et un déplacement en milieu urbain. Entre lenteur, décélération et immobilisme, l’artiste française Orlan a par exemple réalisé « Marches au ralenti » en 1964, qui consiste à faire des promenades urbaines avec un rythme ralenti (inspiré par son nom « Or-lent »). L’expérience invite donc au dépassement de soi et la totale harmonie du corps dans son décor. La recherche de lenteur permet de ne pas brusquer le temps et de ne pas le subir aussi puisqu’il passe. La lenteur revendiquée devient alors un acte de contestation. Essayez ! Se poster immobile dans l’espace public ne manque pas d’interroger les passants, qui rentreront très vite en contact avec l’immobile, par son regard, ses gestes, ses mots.
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• • L’itinérant autonome
Typologie du nouveau voyageur Ainsi il va, il court, il cherche. Que cherche-t-il ? À coup sûr, cet homme, ce solitaire doué d’une imagination active, toujours voyageant à travers le grand désert d’hommes, a un but plus élevé que celui d’un pur flâneur, un but plus général, autre que le plaisir fugitif de la circonstance. Il cherche ce quelque chose qu’on nous permettra d’appeler la modernité ; car il ne se présente pas de meilleur mot pour exprimer l’idée en question. Charles Baudelaire
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Quant à l’itinérant-autonome, il a conscience de ne faire qu’effleurer la surface de ce monde qu’il visite, mais il cherche pourtant à aller plus en profondeur et de découvrir celui-ci de manière autonome. Ce voyageur est aventurier et curieux, il n’a pas d’horaire et s’adapte à toutes les conditions. Il est surtout très heureux et fier d’avoir été là où personne d’autre n’a été avant lui.
Chacun de nous est un potentiel touriste, un potentiel voyageur, un potentiel flâneur. Que ce soit dans son quartier, une ville, un nouveau pays, nous sommes voués à jouer un jour le rôle de touriste. Le tourisme se définit par le fait de voyager, de parcourir pour son plaisir, un lieu autre que celui où l’on vit. Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme : « le tourisme est un déplacement hors de son habituel lieu de résidence pour plus de 24 heures, mais moins de 4 mois ».
Le voyageur pratiquant l’itinér(r)ance de façon autonome présente des caractéristiques qui lui sont propres. Certes, il visite peut-être moins de monuments renommés ou de sites touristiques connus, mais reste plus longtemps sur place pour s’imprégner davantage de ce qui l’entoure. Le voyageur itinérant se retrouve alors à flâner dans des lieux qui lui sont inconnus, mais reconnus pour d’autres critères qui lui sont personnels. De plus, il accorde une importance au temps passé sur la route et à la traversée des grands espaces en cherchant, mais sans pour autant y parvenir, à fuir les masses urbaines. Le mouvement Beatnik en est un bon exemple. Voyage et voyageur itinérant et autonome le beatnik a relancé l’errance initiatique à travers des « road-movies ».
Il est donc possible de devenir touriste, nouveau visiteur dans un lieu connu ou inconnu. Pour exemple, je m’appuie sur ma propre expérience : Paris, nouvelle ville de cœur et de vie pour mes études reste après deux ans de vie intensive encore inconnue. Certes, les chemins très fréquentés deviennent vite des habitudes visuelles, sonores, mais il y a tant de rues, de passages, de lieux encore cachés que je n’ai pas encore découverts. C’est pourquoi il semble juste d’administrer à tout individu le statut de nouveau voyageur, même voyageur du quotidien.
L’existentialisme est un courant philosophique et littéraire qui défend la responsabilité, la subjectivité et la liberté individuelle, considérant que chaque personne est un être unique, libre, maître de ses actes et de son destin. La Beat generation, mouvement symbolique de l’Amérique des années cinquante et soixante, conteste le conformisme et le matérialisme de la société de consommation. Ses membres se qualifient de néo-ruraux, car ils furent des adeptes de la circulation, du vagabondage, nomades ou pèlerins en quête spirituelle de soi.
Chaque voyageur est différent, mais ont peux les différencier selon deux catégories : celui qui suit les chemins tracés, le découvreurplanificateur, et celui qui s’aventure, l’itinérant autonome ou encore le flâneur.
• • Le découvreur-planificateur Il a soif de nouvelles découvertes et il s’est imaginé sa destination comme la dernière contrée à envahir. Souvent, un simple reportage sur une destination en vogue le décide à réserver, organiser, planifier une semaine de découverte dans un pays ou une ville inconnue. Il fait partie de ceux qui viennent voir plus que vivre, qui consomment, qui photographient, qui se raproche en fait du touriste classique.
Ce nomadisme a beaucoup inspiré les artistes littéraires, peintres, photographes et cinéastes. Le cinéma a exploité fortement la quête de soi à travers l’errance et la dérive avec le road-movie. Le road-movie donne une importance à la route qui symbolise à la fois les vastes espaces naturels et le temps long nécessaire pour permettre à l’individu de se transformer.
Le découvreur-planificateur n’est pas un aventurier. Il a très souvent besoin d’un minimum de confort et réduit au maximum la possibilité d’imprévus pouvant survenir lors de son voyage. Il prévoit, épluche les guides, les brochures et les sites Internet, les forums de voyageurs, les sites d’avis de clients et les comparateurs ; trace un itinéraire qu’il définit précisément, cherche à voyager hors des sentiers battus, mais pourtant ne souhaite rien rater des classiques touristiques.
L’itinérant autonome se retrouve donc confronté à sa liberté et ses envies, nous pouvons l’apparenter à la figure célèbre du voyageur : le flâneur. WALTER SALLES On the Road (BY Jack Kerouac) 2012
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• • le Flâneur Les premières escapades urbaines issues de la flânerie débutent au XIXe siècle, date de l’apparition du flâneur, figure baudelairienne étudiée précédemment. La société urbaine en pleine industrialisation stimule ces nouveaux promeneurs-observateurs dans leur désir d’excursion citadine. En allant à contre-courant d’un impératif de productivité, le flâneur se déplace par lui-même selon ses intuitions, sa sensibilité, mais aussi pour le plaisir d’une promenade oisive. Cette figure du flâneur a inspiré, comme nous l’avons vu plus haut de nouvelles attitudes chez les artistes questionnant la mobilité du corps dans la ville. Parmi les types de voyageurs contemporains, le flâneur a une place à part, car depuis la description de Charles Baudelaire et la théorie de Walter Benjamin à son sujet, il est toujours resté d’actualité. Le flâneur, figure de l’art moderne, personnifie une autre façon d’être « de la foule » et d’« épouser la foule ». Homme de la société, le flâneur est une figure humaine, historique, politique et artistique qui questionne la notion de liberté individuelle et les limites de celle-ci au temps de l’urbanité. Cet individu, à l’affût de détails, d’occasions, de surprises, prête attention à des « riens » avec un rapport fort à la lenteur et à la durée. Tout l’art du flâneur consiste à perdre ses repères, à les déplacer constamment, en oubliant adresse, destination, finalité. Sans point fixe ni fixité, c’est donc le flâneur qui devient son propre centre, sans référent extérieur à son propre geste.
91 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 1
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ALEXIS LAURENT Be a flâneur 2009
FAYÇAL BAGHRICHE, NIKLAS GOLDBACH, YANN LEGUAY, DAMIEN MANIVEL, JULIEN PRÉVIEUX, TILL ROESKENS Les Flâneurs ou pourquoi et comment arpenter un territoire 2013
Pour Charles Baudelaire L’écrivain décrit le flâneur comme un homme urbain, libre, rêveur, voire philosophe : « La foule est son domaine, comme l’air est celui de l’oiseau.
La ville est le véritable terrain sacré de la flânerie Walter Benjamin
Sa passion et sa profession, c’est d’épouser la foule. Pour le parfait flâneur, l’observateur passionné, c’est une immense jouissance que d’élire domicile dans le nombre, dans le mouvement dans l’ondoyant, dans le fugitif et l’infini. Être hors de chez soi et pourtant se sentir partout chez soi : voir le monde, être au centre du monde et rester caché au monde, être au centre du monde et rester caché au monde, tels sont quelques-uns des moindres plaisirs de ces esprits indépendants, que la langue ne peut que maladroitement définir ».
Le milieu urbain reste donc un territoire de tourisme, de recherche et de flânerie dans lequel recèlent des endroits qui, trop souvent, ne se perçoivent plus. La foule, trop pressée, suivant un itinéraire déjà tracé, en oublie la richesse de l’égarement. Les regards sur la ville sont si vastes qu’il faut penser l’espace urbain comme une reconquête à tout moment. Il ne suffit pas seulement de visiter une ville, il faut savoir aussi la revisiter encore et encore pour à chaque fois la redécouvrir.
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Flâner aujourd’hui Bien que le flâneur de Baudelaire ait, aujourd’hui, un certain âge, il n’est pas entièrement tombé dans l’oubli. On peut même s’apercevoir d’un renouveau du comportement du flâneur et de la flânerie au XXIe siècle. Par exemple la conférence « Le Flâneur à l’étranger : perspectives historiques et internationales sur cet archétype urbain » qui s’est déroulée à Nottingham en 2012 a relancé, par exemple, les discussions autour de l’appréhension du monde urbain ainsi que du moyen de s’y déplacer et du flâneur contemporain. La flânerie en tant que mode de déplacement et de pensée n’est donc pas oubliée. Encore faut-il arriver à la maintenir dans une société accélérée et où le passant-flâneur, aux pas ralentis, dérange plus la foule qu’il ne passe incognito.
• • Constat Chaque jour, vous et moi paramétrons nos déplacements. Nous les calculons et les envisageons pour ne pas perdre de temps, mais rares se font les déplacements instinctifs en flânant, rare aussi se fait l’utilisation des cartes, le smartphone est plutôt de mise. Il n’y a donc plus de temps donné au temps. Dans les grandes aires urbaines, les individus se déplacent en effet, de plus en plus à l’aide d’un téléphone avec GPS intégré en oubliant souvent de regarder ce qui les entoure. La miniaturisation des moyens de repérage temporels et sociaux dont nous sommes tous dépendants ne permet plus qu’un regard furtif sur la rue dans laquelle on marche. Serait-ce la fin du mythe du flâneur ? Ce personnage du flâneur né il y a deux siècles pouvait survivre dans une société comme la sienne, mais aujourd’hui le flâneur
peut-il encore exister ? Désormais, la connaissance de l’urbain passe toujours par divers moyens impersonnels pour des usages plus personnels (portable, application personnalisée). Cependant il faut admettre qu’à l’inverse la pratique du vélo regagne de l’ampleur, la marche à pied ressort de l’oubli et des visites guidées s’organisent de plus en plus autour de thématiques particulières et inhabituelles. Les pratiques de l’urbain seul ou à plusieurs progressent aussi. Elles peuvent d’ailleurs se lier aux technologies de géolocalisation. Toutes ces pratiques proposent une nouvelle forme d’interaction avec le monde urbain et permettent donc de développer une toute nouvelle appréhension de l’espace. Mais dans tous les cas, le milieu urbain reste lisible pour tous ; qu’ils utilisent Google Maps ou qu’ils prennent le risque de se perdre.
The Flâneur Abroad : International and historical perspectives on an urban archetype 2012
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L’urbain reste lisible pour les individus, qu’ils mélangent réalités virtuelles ou réalités pratiquées. Google Maps serait-il finalement une aide pour saisir l’urbain et découvrir finalement l’après-ville, c’est-à-dire ce qui se cache derrière la ville elle-même ? La carte est vue comme un support réaliste qui emprisonne le réel à une échelle moindre. Comment ses cartes se construisent-elles ? Ce sont des relevés reportés sur papier. Ce qui est porté sur carte est donc une représentation de la représentation rétinienne de celui qui fait la carte. Mais il y a toujours des choix faits de représentation. C’est pourquoi, nous n’y retrouverons jamais le territoire lui-même. Le processus de représentation filtrera toujours le réel si bien que le monde mental ne sera qu’une série de cartes et de cartes et de cartes. Ainsi, toute apparence peut être trompeuse… Il y a donc différents processus, cartésiens ou non, pour recenser une flânerie ou encore un paysage. Le support le plus utilisé actuellement et de manière quotidienne pour se repérer rapidement, puisque tout doit aller vite, est bien sûr le smartphone et les différentes applications qu’il propose. Les yeux rivés sur les écrans, partout, tout le temps, nous ne voyons plus ce qui nous entoure. Néanmoins, il serait fabuleux de pouvoir relier navigation contemporaine via Internet avec la notion héritée du flâneur. Mais comme énoncé précédemment, les applications digitales inspirées de la réflexion situationniste ont connu très peu de succès. En attendant, une tendance nouvelle s’est développée pour contrer l’individualisme qu’amènent ces supports numériques, celle du Slow.
• • Slow Attitude (1) PARESSE CAFÉ Babette Auvray-Pagnozzi 2014 (2) SEMAINE DE LA PARESSE Sébastien Marchal 2013
Puisqu’aujourd’hui on parle de flâneur contemporain, on doit parler de société contemporaine. C’est-à-dire qu’autour de lui des voitures déambulent à vive allure, des passants, travailleurs pressés courent vers leurs bureaux, des publicités visuelles et auditives inondent sans arrêt les lieux publics. Ce mouvement s’oppose fatalement aux idées véhiculées par le flâneur baudelairien qui, lui, se laisse fasciner par la foule, la lenteur et ce qui l’entoure. Lui qui définit la flânerie comme un effacement avant tout, comme s’il voulait échapper au visible. Mais aux vues de l’ampleur du mouvement
Slow, certains de ces adeptes du culte à l’urgence auraient-ils franchi un seuil limite ? La question de notre rapport frénétique au temps se situe au cœur de la mouvance Slow. Cette philosophie est le résultat d’une société trop individuelle et trop urgente. Les courants Slow (food, sex, city) prônent le retour du collectif par rapport à l’individualisme ainsi qu’un retour au bien-être, d’un mieux vivre ensemble conjuguée avec une attitude responsable.
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L’éloge de la lenteur a donc refait son apparition il y a quelques années avec le mouvement « Slow » : « Slow Food », « Slow Sexe » et notamment « Slow City ». Ce mouvement « Slow City » propose le concept de développer un espace qui prend conscience du temps et conscience des autres. Ce concept proposant la survie dans une société accélérée est né en 1999 au nord de l’Italie et s’inspire du mouvement « Slow City » qui le précède d’une dizaine d’années. Le mouvement touche rapidement toute l’Europe avec plus d’une vingtaine de villes qui s’engagent et se labellisent « Slow City » puis se structure en réseau international, dirigé par Paolo Saturnini, maire de Grève. Un manifeste du Slow City énonce 70 recommandations à respecter dont voici un extrait : mise en valeur du patrimoine historique et urbain en évitant la construction de nouveaux bâtiments ; propreté de la ville, multiplication des espaces verts et des espaces de loisirs, multiplication des zones piétonnes (pour les futurs flâneurs ?). Le développement du mouvement « Slow City » ne peut se faire dans une grande ville puisqu’elle ne serait pas compatible au vu du nombre d’habitants, et des moyens qu’il faudrait déployer. De fait, chaque Slow City doit comprendre maximum 60 000 habitants. Mais au-delà du manifeste et du concept de base, le mouvement Slow a surtout voulu amener un nouvel état d’esprit. D’ailleurs, celui-ci pourrait bien se greffer à l’image du flâneur d’aujourd’hui ; car l’éloge de la lenteur est aussi celui du temps indispensable à la réflexion et à la remise en question dans la volonté de prôner la politique de la lenteur. Les flâneurs, c’est eux et c’est vous, les arpenteurs des territoires et des axes de passage, les déchiffreurs d’improbables domaines. Le sens et le lieu de la marche ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Cela ne tient qu’à nous de devenir flâneur d’un jour. Mais comme tout bon voyageur, puisqu’un flâneur peut l’être aussi, il est indispensable d’aborder le sujet des supports matériels et communicationnels propres à celui qui se déplace. Un vrai voyageur sans son guide ou son blog de bonnes adresses n’en est pas un. Ce n’est certes pas l’objectif du flâneur des villes que d’avoir un support de voyage pour le guider puisque cette idée est aux antipodes de ses préceptes ; mais il y a des supports ainsi que des représentations du territoire parfois très originales voire personnelles qu’il semble intéressant d’aborder.
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Supports de voyage
De plus, contrairement à d’autres domaines éditoriaux, les éditeurs provinciaux sont souvent liés à des groupes de presse importants, ce qui favorise leur diffusion locale.
Il y a plusieurs manières d’amener le voyageur à visiter les villes. Tout d’abord le bouche-à-oreille : savoir qu’une connaissance, ou un ami est parti visiter une destination, partager son séjour, ou encore ses souvenirs. Il y a aussi les réseaux sociaux et de manière générale l’utilisation de la toile. Un commentaire d’une photo, un article sur un blog, un avis posté, tous peuvent être déclencheur d’une nouvelle envie d’évasion. Enfin, les guides touristiques et leurs variantes qui permettent d’avoir un avis global et des connaissances générales sur un lieu spécifique.
En effet, dans plusieurs villes de France, on observe des éditions à moyens tirages de dépliants touristiques autour de thématiques. Ceux-ci proposent de découvrir, de manière synthétique, la ville qu’ils représentent. C’est notamment le cas avec le magazine « Le Petit Zappeur » créé à Vanne par Patrice Castano, « Le Monde Provincial » (Perpignan), ainsi que les « 15 lieux incontournables » à Angers et Nantes.
Sur un écran En parallèle et en complément, la plupart des éditeurs de guides touristiques développent des supports électroniques en ligne appelés le e-tourisme. Le support papier n’est pas abandonné, mais c’est le digital qui représente une bonne alternative à son côté obsolète qui apparaît dès sa parution, puisque les renseignements pratiques évoluent vite.
• • Supports éditoriaux, digitaux et atypiques Les supports éditoriaux tout comme les digitaux ne connaissent pas la crise. Avec des individus qui évoluent avec les nouvelles technologies, tous les moyens et supports, classiques ou atypiques, sont bons pour proposer un parcours touristique, une promenade.
Le guide sur support électronique, notamment en ligne, a pour lui d’être mis à jour instantanément. Il peut aussi bien être adapté à un public de niche, tout comme à un public plus large, d’enfants et permet donc d’accompagner et d’actualiser un voyage, un trajet ou un déplacement en temps réel.
Sur du Papier Livre Hebdo, revue hebdomadaire du Syndicat National de l’Édition consacre chaque année un numéro spécial au tourisme et aux voyages. En 2000, l’édition touristique représentait environ 1 150 ouvrages publiés par les éditions francophones, principalement des guides de voyages. Les objets principaux des guides de voyage sont : — Le repérage : itinéraire, restaurant (Guide du Routard) — L’offre culturelle : monuments, sites, curiosités, musées (Guides Michelin « verts » et assimilés, Guides bleus). Le marché est très concentré et dominé par le trio Hachette, Michelin et Gallimard qui à eux seuls représentent environ 80 % du marché, mais des éditeurs de plus petite taille réussissent à se faire aussi une place sur le marché éditorial comme Le Petit Futé. Cependant, l’édition touristique se caractérise également par une production de niche : — Rivages : avec les destinations de charme — Autrement : approche littéraire des destinations, à travers le regard d’écrivains — Parigramme : plus de 100 titres consacrés exclusivement à Paris, notamment avec la collection Guide du Promeneur, présentant une destination unique — Éditions du Plaisancier : consacré uniquement aux bateaux — Solilang dont Repères de vie quotidienne : proposition d’expériences de voyage, en partageant leur vie quotidienne.
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De fait, l’édition de guides touristiques s’intéresse de plus en plus aux nouveaux supports, notamment mobiles. Par exemple, Le Guide du Routard est l’éditeur de guides français dont le site est le plus visité et son offre s’est donc désormais élargie à des guides audios. Autre exemple, l’application Musambule récemment primée pour leur concept permet de se rendre sur des lieux publics sans forcément les connaître, tout en ayant un maximum d’informations sur les horaires, les prix d’entrée, etc. WALTER SALLES Musambule 2012
Cependant, les e-guides francophones sont de manière globale en retard par rapport à l’offre sur supports électroniques des guides anglophones. En effet, le site lonelyplanet.com propose des extraits de chapitres à télécharger ; le site Rough Guides offre la possibilité de consulter l’intégral des guides en ligne avec des guides ebooks, des cartes interactives et des bonnes adresses à télécharger sur iPod. Dernier exemple, le guide de voyage DK a lancé un tout nouveau site interactif consacré au voyage, basé sur les informations publiées dans les guides des collections Eyewitness.
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INTERACTIVE THINGS Ville vivante (Genève) 2012
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Dans un contexte global de surinformation, de développement des technologies de l’information, de la communication et donc, de l’interactivité et de la viralité, les réseaux sociaux sont des outils innovants pour lancer et promouvoir une offre touristique. Avec l’apparition constante de nouveaux usages et comportements via Internet ainsi que la mobilité, le secteur touristique se retrouve confronté à de fortes mutations. Avec environ plus de 16 millions de pratiquants français, des espaces sociaux comme Facebook ou Twitter ont pris une place primordiale dans la communication touristique. Près de 60 %, des internautes vont vérifier l’avis en ligne des consommateurs avant de confirmer une réservation. Ainsi, surveiller sa e-notoriété et inciter ses clients à témoigner sur les réseaux sociaux est devenu indispensable. De plus, l’émergence de la ville 2.0 a contribué à une diffusion massive d’images de territoire. Entre les cartographies en 3D, participatives, interactives et la datavisualisation (qui est l’étude, la science ou l’art de représenter des données de façon visuelle), tous ces nouveaux systèmes de représentation font aujourd’hui partie du quotidien de notre société. Il y a maintenant la possibilité de s’approprier les questions territoriales et de s’exprimer à travers les outils numériques et les réseaux sociaux. Nous pouvons illustrer ce propos avec le site wearedata.watchdogs qui a élaboré une cartographie des villes de Paris, Berlin et Londres hyperconnectée. En temps réel, nous pouvons suivre les tweets publiés ainsi que leurs localisations, les points réseau des mobiles, le passage des feux rouges au vert ou encore la fréquence des bus et métros. Et tout cela bercé par un fond musical énigmatique. De quoi prendre conscience que nous vivons de manière connectée et que cela favorise la naissance de nouvelles cartes. S’ajoute aux nombreux sites en lignes et pages web touristiques, certaines applications originales comme : — Guides CitySpeaker : collection de guides culturels et pratiques à télécharger sous la forme de fichiers audios numériques — Le tourisme expérimental et praticable dans le monde entier prend la forme de LATOUREX (LAboratoire de TOURisme EXpérimental). Que ce soit sur la place du Champ-de-Mars à Paris ou un endroit des plus insolite, ce site Internet répertorie toutes les nouvelles formes de tourisme atypiques et déjantées. Nous pouvons ainsi faire du « Cunéitourisme » c’est-à-dire un tourisme qui consisterait à découvrir un endroit selon les recommandations des habitants, que l’on suivra à la lettre ; mais cette expérience peut aussi être tentée dans sa propre ville en s’y faisant passer pour un visiteur étranger.
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ÉTAPE 1
Il y a aussi l’« Hypotourisme » qui se définit par l’expérience du manque en voyage : partir trop peu de temps avec un mini budget pour un ailleurs aux charmes chiches dont on maîtrise mal la langue.
Variantes — Le Plan Brib est un guide culturel et touristique quelque peu différent des guides touristiques traditionnels puisqu’il raconte des histoires singulières d’individus anonymes : celle d’un voisin ou de votre belle-sœur. Ce concept propose aussi une plateforme web avec des vidéos documentaires réalisées par des vidéastes locaux sur les habitants et les lieux qui font des endroits de vie uniques et foisonnant d’histoires. Ainsi, ce Plan Brib offre aux résidents et non-résidents une porte d’entrée sur l’imagination, la créativité des gens des lieux visités. — Autre exemple, celui du Guide olfactif : la start-up Presensia a développé un nouveau projet, celui d’un écran plasma odorant qui permet de regarder un film avec des séquences en « odorama ». Le concept est très simple, une fragrance intense d’iode et d’algues se diffuse automatiquement à la vue d’une image de mer sur écran. Le secteur du tourisme semble s’intéresser de près à ce concept puisque le Club Med a été un des premiers clients à investir. Une salle a été mise en place dans laquelle les clients et visiteurs respirent les images et odeurs qu’ils pourront rencontrer au cours de leur voyage.
ÉTAPE 2
Nous allons aborder maintenant la cartographie, support que vous et moi avons déjà utilisé pour nous repérer dans l’espace.
ÉTAPE 3 La cartographie La cartographie est le terme donné à une réalisation et une étude des cartes géographiques et géologiques. Elle a pour principe de représenter des données sur un support réduit représentant un espace réel et pour but d’être très concise, efficace et pratique. Cette représentation graphique représentant des phénomènes complexes naturels qui nous entourent doit être simplifiée pour permettre une meilleure compréhension de l’espace, rapide et pertinente. Deux types d’informations doivent être collectées : — les contours et l’espace présentés comme fond de carte (étape 1) — les informations diverses présentes sur cet espace (étape 2 et 3) Puis, ces informations sont dessinées, assemblées et renseignées. De manière générique on peut parler de cartographie thématique, terme qui définit la représentation cartographique.
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Qu’on la définisse comme carte d’inventaire, d’analyse ou statique, les cartes thématiques ont toutes des points communs : elles sont basées sur une communication par les signes. Elles relèvent ainsi du langage visuel tout en décrivant l’espace. Si l’invention de la cartographie moderne accompagne l’invention du calcul des probabilités et naît du même désir de contrôler aussi bien l’espace que le « hasard », c’est parce que l’homme cherche à assumer et avoir le contrôle sur les activités de l’espace ainsi que l’anticipation des événements. L’art de la cartographie naît en fait de la nécessité de contrôler leur espace-temps. J’essaie depuis dix ans de jouer à brouiller les cartes. Toujours dans l’espoir de refaire le monde. Sabine Réthor
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la cartographie n’est pas une science exacte. Elle se base sur une objectivité du réel, mais elle reste le fruit du travail de l’homme ; elle peut donc omettre, nier, tromper. Autrefois, les acteurs principaux de la cartographie étaient les explorateurs et cartographes, mais aujourd’hui, la cartographie moderne s’est vue devenir transdisciplinaire et nécessite ainsi une collaboration entre cartographes, scientifiques, urbanistes, etc. De plus, les nouvelles données sont actuellement numériques et satellitaires, ce qui permet de développer des cartographies numériques, virtuelles et amène aussi de nouveaux partenaires, les informaticiens, pour de représentations cartographiques 2.0.
• • Outil de communication
AXIS MAPS Typographic maps 2010
La communication géographique présente un certain nombre de similitudes si l’on observe le langage traditionnel : « réseaux », « voies », « canaux », « trafic », « espaces ». Pourtant, les échanges entre ces deux disciplines sont assez rares et les géographes qui ont mis leurs méthodologies au service de recherches sur les phénomènes et moyens de communication aussi. Cependant, même si la carte ne travaille pas forcément sur la communication à proprement parler, elle reste tout de même basée sur la communication puisqu’elle utilise des signes, des codes et en dégage donc un langage visuel. Même si son élaboration doit suivre des règles graphiques propres à son support, elle reste un outil de communication et d’information. Le langage visuel, lui, est spécifique, car il s’oppose au langage écrit ou parlé. L’œil perçoit d’abord un ensemble de signes, puis celui-ci se focalise sur un détail. Le cartographe met en valeur les formes, c’est-à-dire que le langage de la carte ne s’arrête pas à la symbolique des signes et ne doit pas être une simple image artistique d’un espace, elle doit transmettre une information, un message. Elle représente des mémoires visuelles artificielles avec un grand nombre d’objets localisés. Si trop de données sont représentées, elle est illisible. Se pose alors la question de ce qui doit être représenté, de quel message fat-il transmettre et pour quel public ?
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La communication par l’image dépend du public auquel s’adresse la carte. La réalisation doit s’adapter et ne retenir que ce qui semble indispensable aux lecteurs visés. Sur le plan graphique, le choix doit dépendre du caractère mémorisant du dessin : plus une forme sera simple, plus elle sera facile à enregistrer. En fait il appartient au cartographe de faire en sorte que l’information perçue soit conforme le plus possible à celle dont il a chargé la carte. La carte est un instrument performant qui se doit d’être universelle, mais aussi un document visuel et un document immédiat. Une représentation cartographique est efficace si le temps nécessaire de mémorisation est rapide. Le choix des objets représentés nous informe sur le type de carte, qui se distingue selon deux idées : — la carte quantitative qui permet l’analyse de données chiffrées — la carte conceptuelle qui permet d’exprimer des idées Dans tous les cas, la carte est un moyen très efficace pour exprimer des idées et repérer des phénomènes qui seraient plus difficilement identifiables par d’autres moyens. Intéressons-nous maintenant au côté historique de ce support.
• • Son histoire et son concept Les hommes ont utilisé des cartes depuis la plus lointaine antiquité, et le faisaient déjà probablement à des époques préhistoriques. En effet, le fait de traduire graphiquement la perception de notre monde est reconnu comme le moyen précurseur de toutes les autres formes de communication (des dessins retrouvés dans des refuges ou dans des grottes représentaient des territoires où ils vivaient). (1) PTOLÉMÉE Cosmographia, reconstituée en 1467 (2) PTOLÉMÉE Première projection redessinée en 1490
Depuis l’Antiquité, jusqu’au milieu du XVIe siècle, les informations relevées pour dessiner une cartographie étaient issues de nombreux témoignages. La plus ancienne cartographie retrouvée, comme nous l’entendons actuellement, est celle dessinée durant le IIe siècle par Ptolémée. Par la suite, les données géographiques sont relevées et assemblées par des cartographes qui travaillent en collaboration avec les moines savants du Moyen Âge. La cartographie était plutôt vue comme un moyen de transmettre une intention, une compréhension du monde, qu’une représentation territoriale. Mais c’est grâce au développement d’outils de mesure que les données et les tracés s’affinent et d’améliorent. Nous avons pour exemple la première triangulation de la France réalisée par Jean Picard en 1682, carte qui donne à voir les vraies proportions de la France.
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Puis, l’utilisation des engins aéronautiques, à partir du début du XXe siècle, a permis d’affiner une couverture cartographique. De même, tout comme le développement des dernières techniques ont permis l’utilisation et le traitement numérique de ses données. D’où des photographies beaucoup plus précises, prises depuis le ciel, de contours terrestres, cartographies des fonds marins ou encore de la Lune.
L’utilisation de ces cartes numériques connaît aujourd’hui une telle ampleur qu’un historien de la cartographie, Jerry Brotton, explique : « Je pense que nous assistons, en ce qui concerne la fabrication des cartes, à un changement plus profond que celui qu’a connu la Renaissance en passant des manuscrits à l’imprimerie. Le passage à l’imprimerie a ouvert les cartes à un public plus large. Le passage à la cartographie numérique, lui, accélère et étend cette ouverture, mais il transforme aussi le rôle que les cartes jouent dans notre vie. »
Les approches récentes rendues possibles par les technologies issues de la communication utilisent la ville comme une source de données analysables quasiment en temps réel, à partir desquelles peuvent être abstraites de nouvelles images de la ville montrant les flux, activités et dynamiques de toutes les dimensions de la ville.
• • L’apport technologique Grâce aux avancées techniques, technologiques et informatiques, la cartographie peut se permettre des projections toujours plus innovantes et nouvelles. Par exemple le Système d’Information Géographique, est un outil de cartographie qui permet la réalisation de cartes intelligentes et automatiques : toutes informations répertoriées sont superposables et croisent des données différentes afin d’élaborer de nouvelles cartes. Autre exemple, la possibilité de mettre en relation et de diffuser des documents cartographiques du monde et de toutes les époques via Internet a donné naissance, en France en 2012, à une collaboration « Cartes et photographies pour les géographes ». Celle-ci consiste à développer le réseau de portails cartographiques et de plateformes de diffusion de données pour ainsi permettre une meilleure diffusion des images géographiques. Dans le cadre de la Directive Inspire et de la convention d’Aarhus (sur l’accès à l’information), un mouvement de libération des données (Open data) va être développé, qui avec des organisations de type Open Street Map, permettra de développer une cartographie dont le contenu est fait par des citoyens bénévoles. Le nouveau défi des cartographes serait de donner une représentation partageable de ce qu’est une ville numérique. Qui n’est jamais allé sur son application Maps proposée par l’iPhone pour retrouver un arrêt de métro ou une rue inconnue ?
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GOOGLE MAPS Paris
Le projet de la réalisation d’une carte du monde à l’échelle 1 qui reproduit tout ce qu’il contient a déjà été imaginé. Par exemple dans le film d’Harry Potter, il existe une carte qui montre ce que tous les gens du royaume font à chaque instant. Google utilise le même processus dans la vie réelle en créant des cartes virtuelles et réduisant ainsi la distance entre consulter une carte et interagir avec le monde. Par exemple, les lunettes de Google (Googleglass) peuvent projeter directement dans notre périmètre visuel l’adresse d’un restaurant que nous sommes en train de regarder. Google ne cesse de cartographie notre vie (Google Maps ou Earth) et d’en faire la carte du monde de l’information. Dans un monde de smartphones équipés de GPS, quand nous consultons une carte, nous ajoutons nous-mêmes nos propres données aux bases existantes de Google.
Sommes-nous donc repérables partout, tout le temps ? De quelle liberté pouvons-nous jouir aujourd’hui ?
• • Le support Il est bien difficile, en géographie comme en morale, de connaître le monde sans sortir de chez soi. Voltaire
Le principal support utilisé au départ, pour la cartographie est le support papier (plat et rectangulaire), qui bien avant était remplacé par de la pierre, du métal ou du parchemin. Avec le temps, les représentations d’un globe d’un terrain se sont améliorées.
Avec l’exploration spatiale et la cartographie satellitaire et numérique, les précisions sont meilleures et de nouveaux supports émergent : les globes personnels, les cartes planes ou encore les pseudo-globes virtuels (Google Earth).
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• • Création d’une cartographie
Cartographie dynamique
Le travail du cartographe est un travail qui demande la sélection des informations, composé de plusieurs étapes. Il doit tout d’abord réaliser un cahier des charges (objectif/cible/usage) et une enquête de terrain pour, par la suite, trier et sélectionner les diverses données graphiques afin de choisir le mode de représentation : déformante, comme l’étaient les cartes symboliques de l’antiquité ou réaliste, proche de l’espace physique avec peu de transformations.
La cartographie dynamique est un processus de construction similaire au fonctionnement d’un générateur, c’est-à-dire que c’est un mode de construction automatique permettant la réalisation de cartes géographiques ou informatives. Beaucoup de cartographies ont été réalisées autour de thèmes et notions plus que réels. Mais existe-t-il d’autres fonctions de la carte ? Narrative ? Ou pédagogique ? Qu’est ce que va devenir la carte ? Va suivre un état des lieux des différents types de cartes.
Avant de dessiner la carte, il est nécessaire de créer une convention cartographique définissant les icônes, les lignes (routes, frontières, cadre de la carte) et le fond spatial (code de couleur). La forme, le style, la couleur de chaque élément sont définis ; ils sont pensés ensemble pour une meilleure harmonie. Ces éléments doivent autant s’accorder qu’être contrastées pour une lecture à plusieurs niveaux.
La Cartographie dans tous ses états Cartes, plans, images satellitaires, prises de vue : la représentation géographique a pris une importance considérable dans le champ des images et dans l’art contemporain, et ce depuis la Renaissance.
Enfin, les calques des différentes données sont assemblés et le titre, la taille, la légende, l’échelle sont pensés.
• • Famille cartographique
Dans le domaine des arts, ce sont les situationnistes et les artistes du Land Art (Robert Smithson, Richard Long et Dennis Oppenheim), du Dada, qui ont commencé à travailler autour du détournement de la carte. La carte devient alors un outil de connaissances entre le réel et l’imaginaire, l’objectif et le subjectif. Le travail cartographique amène une volonté de meilleure connaissance du monde non pas en terme de données calculées, mais en terme de société et croisement humains. De nombreux exemples comme les artistes du groupe Fluxus ou de Grav ont aussi imaginé des schémas cartographiques.
La carte est donc un objet de communication qui, selon son emploi, transmet des valeurs diverses : religieuses, historiques, biologiques, sociales, culturelles, scientifiques, économique, humaines ou encore politiques. Dans chacun des cas, le langage graphique de la carte lui est propre et est défini selon plusieurs règles.
La Cartographie sociale La cartographie sociale permet de représenter les territoires selon des thèmes précis qui illustrent les relations entre les acteurs d’un territoire. Par exemple, les relations hommes-femmes, les relations intergénérationnelles ou encore la mise en évidence des différences en matière d’éducation. C’est aussi une manière de faire intervenir différents acteurs et de croiser le regard qu’ils possèdent sur un même territoire.
Cartographie politique De manière similaire au système cartographique sociale, la carte politique représente des données de ce domaine-là sur des cartes. Tout comme les cartes scientifiques ou économiques.
Cartographie mentale Le concept de la carte mentale (ou carte cognitive) a été développé par le psychologue américain Edward, en 1948. Cette carte est une représentation mentale qui permet d’acquérir les codes et les informations pour repérer ce qui l’entoure dans son environnement spatial ; et peut être étudiées en psychologie, géographie, architecture, urbanisme, etc.
Vous êtes, comme toutes les villes : prenable et votre plan résiste à mes déambulations désordonnées. Hélène Gerster
La carte permet aussi de faire la topopographie d’un lieu et peut être utilisée comme un réel outil pédagogique et personnalisée à l’image d’une carte de données, mentale, ou sensorielle. Elle a été représentée dans divers domaines.
• • C(art)ographique Hélène Gerster La carte invite toujours à un voyage, à une exploration. Cette artiste suisse réalise des cartographies et des topographies singulières à l’image de cartes postales, de broderie et de dessin. Avec une démarche proche de celle de la psychogéogaphie, Hélène Gerster rédige des lettres imaginaires destinées à Klaipeda, une ville de Lituanie. Ces récits racontent la découverte et l’apprentissage de la ville par l’artiste qui y a séjourné.
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• • Cartographie sonore
Avec la technique du dessin et de la broderie, l’artiste crée aussi des cartes représentant des trajets effectués en milieu urbain sur un tissu couleur crème. Métaphore de la peau ? La carte relève les expériences in situ du corps dans la ville. Pour cela, Hélène Gerster utilise le geste du topographe, de la mesure du territoire. Le dessin permet ici une représentation mentale de la ville et favorise le travail de mémoire, car se souvenir d’un trajet nécessite un effort mémoriel.
Le mot cartographie s’allie souvent au mot « papier ». Mais elle peut aussi s’écouter grâce à des bruits (moteur, sirène) vent). Cela s’appelle une carte sonographique ou carte sonore. La première réalisation de carte sonore a été faite par l’Association des Étudiants en électroacoustique de Concordia de Montréal. Le projet consiste à représenter cette métropole par ses sons, ses bruits à partir d’une carte géographique de Google Maps. Ce projet est évolutif puisqu’il nécessite sans cesse l’addition de nouvelles sonorités urbaine.
Jochen Gerner NMC
Cet artiste français dessine des cartes géographiques, sur des cartes d’époque, celles qui servaient de support aux cours de géographie de l’instituteur. Jochen Gerner les a recouvertes d’acrylique en épargnant des mots, une suite de mots ou encore une suite de mots recréant un mot nouveau. Il redessine ainsi des cartographies poétiques, comparables aux cartes du ciel ; excepté que là, les constellations sont formées par des lettres. Est-ce les rêves des hommes qui se transforment en étoiles ou bien les pensées des êtres humains qui se promènent dans l’espace ? JOCHEN GERNER Amérique du Nord 2013
Autre exemple, la NMC Music Map qui est une carte musicale. Il suffit de cliquer sur un compositeur proposé sur la carte pour que la carte musicale se déploie en plein écran en affichant une liste de compositeurs (et leurs maîtres). Un clique et tout s’anime avec des extraits musicaux en fond sonore.
• • Cartographie olfactive Urbania En 2003, le magazine Urbania a entrepris de cartographier la ville de Montréal par l’odorat. Il proposait de saisir grâce à une carte, l’image olfactive de la ville par les mots : transpiration provenant des sweatshops, crottin de chevaux de courses, soufre lors des feux d’artifice au Vieux Port, vapeurs de pétrole des raffineries...
Bertille Bak Bertille Bak, artiste française est une expérimentatrice de terrain. Son travail cartographique s’articule autour de matériaux récupérés et de témoignages pour en faire des films, dessins et installations cartographiques.
• • Cartographie personnelle
• • Cartographie digitale L’omniprésence des cartes digitales dans nos vies et le fait qu’elles gagnent toujours en précision prend de l’importance. Comme expliqué précédemment, depuis le début des années 2000, la cartographie digitale est devenue un marché immense. La firme Google est présente dans le monde de la cartographie en Europe depuis 2006 à travers son outil Maps (ainsi que Earth). Bing Maps est un service web de cartographie proposé par le moteur de recherche Bing. Apple, propose aussi son propre système de carte avec l’iOS tout comme Mappy, un autre géant de la cartographie digitale. Enfin, OpenStreetMap, déjà défini auparavant, est un projet digital qui a pour but de constituer une base de données cartographiques libre du monde en utilisant le système GPS et d’autres données libres.
Taguage La personnalisation et le hasard au cœur d’un moteur de recherche, voici l’ambition d’une petite start-up chinoise Taguage qui souhaite donner naissance à un puissant outil de découvertes personnalisées en laissant agir le hasard. À l’heure actuelle, les moteurs de recherche sur Internet fournissent exactement la même liste de suggestions à tous ceux qui entrent le même mot-clé. Pourtant, ces réponses correspondent-elles exactement à ce que chaque individu entend voir en lançant la recherche ? Taguage 2013
Pas forcément, car un mot-clé n’évoque pas toujours la même chose pour chacun. Des ingénieurs ont donc développé un outil de prise de notes qui permet à chaque utilisateur, une fois qu’il a fini de sauvegarder un texte, de générer une carte heuristique composée des mots-clés.
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| SUPPORTS DE VOYAGE
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• • Jeu cartographique
Plus le tag est en lien avec le contenu du texte plus il sera placé au centre, mais d’autres termes associés sont également suggérés, à l’image d’un brainstorming. Un service baptisé « tag gravity » propose alors d’afficher des résultats en se référant aux mots-clés apparus dans les notes des utilisateurs. Ils leur seront même proposé des suggestions associées aux termes recherchés, afin de permettre une plus grande sérendipité (découvertes par hasard). Cela permettra donne donc naissance à un moteur de découvertes entièrement personnalisées.
Kasia Ozga Le Puzzle Maps est une sculpture aux allures d’un jeu en bois (120 cm x 83cm). Les pièces du puzzle représentent les morceaux des villes et pays dans lesquels l’artiste a vécu pendant 3 mois. L’ampleur et l’importance de ses lieux ne sont pas représentées de manière réaliste, mais selon la perception de celui qui y a vécu. C’est une géographie personnelle soumise aux visiteurs qui sont invités à jouer et interagir avec le jeu de puzzle.
Cracovie maps
ANONYME Cracovie maps 2013
Cinq habitants de Cracovie aux profils et habitudes différents, ont été sollicités pour utiliser un enregistreur GPS pendant deux semaines. L’enregistreur GPS répertorie leurs activités quotidiennes en traçant parallèlement la ligne correspondant aux mouvements de chaque personne, dessinant ainsi leur carte personnelle de la ville. Chaque carte comprend une légende faite de nombreuses marques laissées sur des points correspondant aux lieux visités. Ces informations induisent une lecture différente de chaque tracé et donc une cartographie subjective.
• • Cartographie mentale Ligne d’erre de Fernand Deligny Entre 1969 et 1976, au cœur des Cévennes, Gisèle Durand, Jacques Lin et Fernand Deligny réalisent un ensemble de cartes surprenantes reprenant les déplacements d’enfants autistes qui leur sont confiés. Sans connaître la destination ni la fonction des déplacements des enfants, les cartes montrent un ensemble de tracés noirs, de strates : la carte de fond plante le décor et correspond aux choses vues et sues, puis des calques se superposent, sur lesquels sont tracés les trajets et les gestes quotidiens des enfants et des adultes qui les entourent sont ajoutés. Ces tracés cartographiques ont été appelés « lignes d’erre », car la ligne évoque la trajectoire et le mot « erre », suggère l’errance. Il y a dans ce travail une grande part d’intuition de la part des enfants qui ne comprennent pas et ne connaissent pas le but de ces cartographies.
FERNAND DELIGNY Lignes d’erre 1960
| SUPPORTS DE VOYAGE
KASIA OZGA Puzzle Map 1960
• • Street Cartographie IEP et anonymes
IEP Street Cartographie
Une équipe berlinoise a imaginé une street-cartographie dans les rues de Berlin. Comment ? En renversant des pots de peinture sur les routes empruntées quotidiennement par les voitures pour que les pneus de celles-ci s’en imprègnent et laissent les traces colorées de leurs trajectoires. Cette carte de réalité augmentée se veut donc évolutive, puisqu’elle se construit au fur et à mesure que les voitures circulent. Ainsi, la notion de hasard est très présente dans ce concept de carte puisque personne ne sait d’avance dans quelle direction se dirigent les voitures. Elles sont les maîtres du jeu, tout comme le flâneur, qui est le seul maître de sa trajectoire.
• • Cartographie digitale Cartographie alternative Une cartographie alternative est une représentation divergente de la réalité. Elle s’oppose à nos certitudes, nos savoirs et permet ainsi de nous interroger sur la façon dont nous pouvons envisager le monde autrement.
Comment penser le territoire, hors des normes acceptées de la cartographie, sans pour autant recourir à de la pure imagination ? Comment penser et comprendre autrement ? Par exemple « Les déversoirs d’orage » de l’artiste français Dove Allouche sont un travail photographique et cartographique de Paris sous terre, dans les égouts. Les égouts de Paris ont la particularité de suivre fidèlement les rues de la capitale et donc de former sous terre, une seconde ville. L’artiste a donc tout d’abord photographié cette deuxième ville puis a retranscrit ces parcours en héliogravures (impression en creux).
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| SUPPORTS DE VOYAGE
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| SUPPORTS DE VOYAGE
Par exemple les « générateurs Emotepoem 27 » de Peter Howard permettent de générer de la poésie ; tout comme le « SCIgen — An automatic CS Paper Generator 28 » est un générateur d’article académique qui reproduit la structure d’un véritable article avec sa composition et sa hiérarchisation.
Qu’elles soient donc olfactives, sonores, visuelles ou mentales, les cartographies poursuivent deux objectifs principaux à savoir : permettre aux habitants d’une ville de prendre conscience de leur environnement et conserver les données de la ville pour la postérité et pour des usages futurs. Laisser une trace au présent pour celles du future.
• • Générateurs visuels Tout comme les générateurs de texte, il existe des générateurs d’images. Des règles de couleurs, type de lignes, de caractères typographiques sont programmées afin de délimiter le champ des possibilités du générateur. D’une expérience à l’autre, les résultats sont différents, et il devient pratiquement impossible de générer deux fois le même résultat. Par exemple le designer américain Joshua Davis, mêle à la fois dessin fait main avec une programmation numérique afin de pouvoir créer des compositions graphiques uniques. D’autres artistes utilisent une même démarche : le graphiste-artiste John Maeda programme une suite d’actions aléatoires et le résultat dépendra de la complexité du processus généré et moins du hasard lui-même c’est pourquoi on peut parler d’un processus de « pseudo hasard ».
Nouvelle Cartographie du hasard : le générateur • • L’art génératif Cet art consiste à créer un procédé tel qu’un ensemble de règles langagières, un programme informatique, qui par la suite, est mis en marche et de manière autonome lancera la création d’une œuvre d’art issue de ce procédé. Pour cela, l’artiste choisi ses règles contenant des éléments aléatoires et pour réaliser son œuvre, il utilise des systèmes de logique, voire mathématiques pour générer des formes ou des mouvements. L’œuvre finale se base ainsi sur une programmation de règles fixant les limites des possibilités du générateur, cela permettra à l’œuvre de se générer encore et encore, toujours de manière autonome. Le rendu est donc inconnu.
• • Visualiser des données en temps réels, carte du futur ? Nous pouvons nous questionner sur la liberté induite par le hasard. Un artiste peut-il perdre le total contrôle de son œuvre et laisser parler le hasard ? Il y a bien des données programmées, mais l’acte de générer pioche des données extérieures pour y aboutir. Quelles sont ces données ? Sont-elles variables ?
Ce concept semble récent et pourtant, Mozart déjà utilisait cette technique en 1767 pour générer des mélodies grâce à un jeu de dés musical. Tout comme dans les années 1950, le musicien John Cage enregistre le morceau 4’33 constituée des sons de l’environnement, que les auditeurs entendent lorsqu’elle est interprétée. Il faudra attendre 1960 pour qu’apparaissent les premières formes d’art visuel génératif, moment où l’homme et la machine s’associent.
Visualiser une carte du trafic aérien en temps réel, il y a bien une carte qui se forme et pourtant l’évolution sera générée en temps réel. La carte se transformera sans arrêt. Son auteur ne gère donc qu’une partie de la transformation. Serait-il donc possible de produire des œuvres entièrement autonomes ?
Ce sont tout d’abord des scientifiques intéressés par l’art qui ont recherché l’esthétique du support qu’est l’ordinateur pour réaliser les premières œuvres numériques (Georg Nees et Michael Noll). L’ingénieur américain Michael Noll a par exemple créé des formes selon un programme qui définissait leurs propriétés de manière aléatoire. Cependant, le concept du générateur s’utilise aussi dans d’autres domaines comme l’écriture et l’image.
Comme expliquée auparavant, une cartographie évolutive en temps réel a été développée à Berlin, Paris et Londres. Grâce à cette data-cartographie il est possible de connaître à tout moment les tweets publiés sur Paris, les feux rouges devenus verts, etc., comme nous pouvons le voir sur la carte « Paris Data ».
• • Les générateurs de textes L’ordinateur a les capacités de créer un texte de la même manière que le fait l’homme, en le programmant et le structurant de façon précise. Pour cela, des règles d’orthographes, de grammaire ou de syntaxes souhaitées par l’utilisateur sont programmées.
Paris Data 2014
119 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 1
| CONCLUSION
CONCLUSION J’ai erré, flâné, cherché, avancé, continué, reculé, effacé, recommencé, pour rédiger mes nombreuses recherches autour de la ville, de la carte, du flâneur et je pourrais continuer encore et encore… Suite à mes nombreuses recherches autour des notions de ville, du déplacement, de la carte et du flâneur, les questionnements ont nourri ma réflexion jusqu’à conclure que la ville, en tant que citadine, est une partie de moi. Je fonctionne ville, je pense ville, je suis ville. Mais chaque rapport à la ville, chaque appréhension de celle-ci sont propres à chaque personne. Retraçons les grandes lignes de notre parcours. Au point de départ, il y a la ville. Ce grand labyrinthe urbain dont des milliers d’individus, chaque jour, empruntent les chemins. Pour ma part, la ville est riche de sens. Après un long développement, de nombreuses mutations et de représentations picturales et cartographiques variées, elle est le point central de nombreux déplacements, visites et voyages. Ces trajets quotidiens tour à tour éprouvants, périlleux, magnifiques, prometteurs, ou encore insolites, m’auront convaincu des différents visages que le voyage propose, mais aussi de la vitalité et diversité des visions qui existent autour de ceux-ci. J’aime à penser le voyage en termes incertains, improbables. L’idéologie du flâneur qui, à tout prix, essaiera d’imposer son propre rythme à la ville m’intéresse beaucoup. Flâner, c’est ce moment favorable à l’inattendu, à l’inopiné, où l’on se découvre vulnérable et plus que jamais vivant. Le passant-flâneur, le voyageur du quotidien est celui qui commence le voyage là où la trace disparaît et qui, au fil de ses déambulations urbaines, devient réceptif à ce qui l’entoure. La flânerie urbaine est donc à mon sens un moyen de visiter, de connaître, de redécouvrir une ville et de se l’approprier différemment. J’ai forgé au fil de mon étude, la conviction selon laquelle il faut que ce mode de pensée et de déplacement propre à la flânerie refasse surface à l’heure ou notre société en constante accélération ne laisse aucune place au temps. Autour de la mise en place de différents enjeux, j’ai développé plusieurs problématiques afin de m’y référer pour l’élaboration du Tome 2, tome de recherches et d’expérimentations dans le but de répondre à :
— Comment redonner un caractère légitime à la flânerie urbaine et au statut de flâneur ? — Comment lui assigner des notions cartographiques ? Pour cela, j’ai choisi d’axer mes expérimentations selon 2 pistes de recherches :
— La poésie du voyage — Se perdre Ces différentes recherches me permettront, par la suite, d’élaborer deux stratégies de communication distinctes pour pouvoir imaginer un projet final.
PROBLÉMATIQUES
123 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 1
| PROBLÉMATIQUES
L’ensemble de mes recherches à travers des rencontres, des sites Internet, des livres, des vidéos, aussi nombreuses soient-elles m’ont amené à me questionner sur le statut de la ville, ses habitants, leurs représentations… — Comment regagner une part de liberté dans la grille urbaine ? — De quelle manière se réapproprier la ville ? — Par quel moyen revaloriser la carte, un territoire ? — Est-il possible d’envisager son propre territoire ? — Peut-on faire et voir la ville de plusieurs manières ? — Comment baliser une flânerie urbaine ? — Quelle place peut-elle être faite à un « imaginaire habitant » dans la conception d’un « imaginaire géographique » ? — Y a-t-il une place pour le « géographe habitant » ? — Le territoire, celui de l’« ici et maintenant », peut-il permettre la perspective d’une possible réinvention de la ville au quotidien ? — Dans quelle mesure imaginer le futur de la carte ? — Quelle autre fonction pourrait proposer la carte ? Narrative ? — À quelles nouvelles caractéristiques pourrait-elle répondre ? — Comment revisiter les codes graphiques de la carte ? — Quelles images nous faisons-nous des zones non cartographiées ?
De ces nombreuses questions sont nées trois problématiques autour desquelles je vais développer un travail de recherches plastiques et littéraires pour trouver une réponse et un enjeu pour mon projet final.
— Comment les cartes peuvent faire changer notre manière de voir le monde ? — Comment envisager de cartographier et renseigner par le hasard ? — Comment penser le territoire hors de ses normes cartographiques culturellement acceptées sans, pour autant, recourir à la pure imagination ?
INDEX
127 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 1
| INDEX
BIBLIOGRAPHIE — — — — — —
Spleen de Paris, Baudelaire (1869) Anatomie de l’errance, Bruce Chatwin (2006) Psychogéographie, Guy Debord (1957) Errance, Raymond Depardon (2003) Le flâneur, Auguste Lacroix (1841) Réinventer la France, 30 cartes pour une nouvelle géographie, Jacques Lévy (2013) — Propos sur la flânerie, Suzanne Liandrat-Guigues (2009) — La condition humaine, André Malraux (1933) — Carte mentale, imaginez l’imaginaire, Palais de Tokyo (2012) — L’homme de la foule, Edgar Alan Poe (1840) — Le flâneur postmoderne : entre solitude et être-ensemble, Jieun Shin, 2014— La conjuration, Philippe Vasset (2013) — Un livre blanc, Philippe Vasset (2007) — Zones, Philippe Vasset (2006) — Le sens de l’intrigue, ou, La narrativité, le jeu et l’invention du diable, Johanne Villeneuve (2004)
FILMOGRAPHIE — Alphaville, Jean-Luc Godard (1965) — C’est beau une ville la nuit, Richard Bohringer (2006) — Cloud Atlas, Lana Wachowski (2012) — Into the wild, Sean Penn (2007) — Les Flâneurs ou pourquoi et comment arpenter un territoire, Fayçal Baghriche, Niklas Goldbach, Yann Leguay, Damien Manivel, Julien Prévieux, Till Roeskens (2012) — On the road, Walter Salles (2012) — Permanent vacation, Jim Jarmusch (1980)
SITOGRAPHIE www.actu-philosophia.com www.cartographie-et-diagrammes.blogspot.fr fr.forumviesmobiles.org www.latourex.org http://laprecaritedusage.blog.lemonde.fr/2010/01/14/typologiespatiale-des-recits-de-voyage/ www.lefigaro.fr www.lemonde.fr www.liame.revues.org/264 www.liberation.fr/culture/2013/10/03/place-a-l-ouvroir-decartographie-potentielle_936830 www.promenades-sonores.com www.seuil.com www.strabic.fr/Florent-Chavouet-Cartomaniaque www.strabic.fr/Cartographier-les-interstices-de http://www.urbain-trop-urbain.fr/miroirs-de-la-ville-3psychogeographie-poetique-de-l’exploration-urbaine/ http://wearedata.watchdogs.com/start.php?locale=enEN&city=paris www.wikipedia.fr www2.cndp.fr/archivage/valid/44533/44533-7463-7403.pdf
MASTÈRE Stratégie de Communication par l’Image
2013-2014
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+,--./-0-1*,# TOME 2
MARIE FUHRMANN
Lí errance, en tant que parti pris crÈ atif, laisse autant de place aux recherches quí au produit final. Thomas Huot≠ Marchand, graphiste
5 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| SOMMAIRE
SOMMAIRE AVANT PROPOS
7
PROBL…MATIQUES
9
ENJEUX
11
ProblË me de communication Objectif de communication HypothË ses ProblÈmatique Supports Partenariat ó
ó
ó
ó
ó
ó
…LABORER UN PROJET
1. AXE : PO… SIE DU VOYAGE RECHERCHES GRAPHIQUES
15
19 21
(Images/logos/affichesÖ )
HYPOTH» SE 1 : LA PO…TIQUE DE LA FL¬ NERIE
77
HYPOTH» SE 2 : FL¬ NER PAR LE JEU
117
STRAT…GIE DE COMMUNICATION N∞ 1
151
2. AXE : SE PERDRE RECHERCHES GRAPHIQUES
159 161
(Images/logos/affichesÖ )
HYPOTH» SE : LABYRINTHE PUBLIC
193
STRAT…GIE DE COMMUNICATION N∞ 2
225
CONCLUSION
231
INTENTION DE FINALISATION
233
7 | CARTOGRAPHIE DU FLNEU R | Tome 2
| AVANT≠PROPOS
AVANT≠PROPOS De mes nombreuses recherches rĂˆdigĂˆes dans le Tome 1, jĂ ai gardĂˆ une idĂˆe, celle que la fl‚ nerie doit retrouver sa place dans notre sociĂˆtĂˆ trop pressĂˆe. Le rythme de notre sociĂˆtĂˆ ne permet plus aux individus de sĂ arrĂ? ter au quotidien. Chaque journĂˆe qui passe est remplie dĂ impĂˆratifs et dĂ obligations, obstacles ‥ toute idĂˆe de fl‚neri e et de dĂˆambulation dans la ville. CĂ est une tendance de sociĂˆtĂˆ qui, nous le voyons tous les jours, ne fait que sĂ accĂˆlĂˆrer : aller dĂ un point A ‥ un point B sans dĂˆtour. De plus, le hasard nĂ y a plus sa place. Nous suivons tous des chemins tracĂˆs et dictĂˆs par la sociĂˆtĂˆ, par de nombreux signes que nous ne voyons mĂ? me plus ‥ force de trop dĂ automatismes. La ville est truffĂˆe de directions ‥ suivre et nous les suivons sans jamais nous y opposer. La ville nous surveille, elle nous scrute, la part de libertĂˆ en milieu urbain se fait de plus en plus minime avec la volontĂˆ de surveiller tous les faits et gestes des habitants en milieu urbain.
ARMELLE CARON (T)here
Â’ Â’ Â’
La ville et le visiteur sont deux notions prospectives qui mĂ amĂ‹nent donc ‥ me questionner autour dĂune nouvelle maniĂ‹r e envisageable de voir la ville et de sĂy dĂˆplacer. Il y a une tension entre le Paris dĂˆcrit par le fl‚neur de Baudelaire et le Paris dans lequel je vis et jĂ Ăˆvolue aujourdĂ hui. JĂ ai justement envie de corrĂˆler, confronter et amener le passant, vous, moi, le voyageur de demain ‥ adopter une posture de nouveau fl‚ neur et dĂˆcouvrir ou redĂˆcouvrir la ville dans laquelle il se lĂ‹ ve et se couche chaque jour. La dĂˆfinition courante de la ´  fl‚neri e ª est celle de ´  se promener, errer de≠ci de≠l‥ sans but ª . Mais en rĂˆalitĂˆ, la fl‚ nerie se dĂˆfinit telle : ´  un dĂˆplacement citadin rĂˆflĂˆchi, dont le but est de couvrir un certain territoire et dĂ expĂˆrimenter des Ăˆtats de perceptions variĂˆs ª . CĂ est la description dĂ une action de dĂˆplacement individuelle au sein dĂ une la ville, mĂ? lant mĂˆthode stricte, incertitude et dĂˆsordre mental.
Apprendre lance là errance. Michel Serres, Le tiers≠instruit
Il y a dans cette volontĂˆ de fl‚ nerie, une lutte de lĂ individu pour restaurer un rapport crĂˆatif ‥ la ville, et ne pas laisser le commerce dicter les logiques de dĂˆplacement et pratiques urbaines. Pour mieux cerner mon sujet et dĂˆbuter ainsi mes recherches graphiques, jĂ ai posĂˆ des problĂˆmatiques autour de ce sujet.
9 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| PROBL…MATIQUES
PROBL… MATIQUES De mes lectures, mes errances, mes fl‚ neries au musÈe, dans les livres et ailleurs, jí en ai tirÈ quelques problÈmatiques :
> Comment penser un territoire, loin des normes cartographiques culturellement acceptÈes, sans recourir, pour autant, ‡ la pure imagination ? > Comment cartographier et renseigner avec des notions autres que cartÈsiennes (par le hasard ?) > De quelle maniË re prendre en compte la notion de hasard dans la volontÈ de tourisme et de visite díune ville ? > Par quel moyen redonner une lÈgitimitÈ au comportement du fl‚ neur ?
11 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| ENJEUX
ENJEUX De ces problÈmatiques dÈcoulent des enjeux Èconomiques, sociaux, de communication, de territoire ainsi que de mode de vie.
> Enjeux sociaux ó
Revisiter le quotidien urbain Proposer une nouvelle forme de visite Bien≠ Ít re du citoyen/AccessibilitÈ IntÈgrer les citoyens et primo≠ arrivants ó ó ó
> Enjeux de communication ó
Donner ‡ voir une nouvelle ville Procurer des supports alternatifs Innover, cibler large ó ó
> Enjeux de mode de vie ó
RÈinterprÈter le nouveau fl‚neur contemporain Baliser une fl‚neri e urbaine ó
> Enjeux de territoire ó ó
SubjectivitÈ de la carte Envisager son propre territoire
Lí enjeu social du projet concerne directement la ville de Paris. En effet, Paris est la ville du fl‚neur baudelairien, labyrinthique et Ètendue. Cet enjeu consiste ‡ dÈvelopper une nouvelle forme de tourisme au sein de lí environnement urbain dans lequel Èvoluent et vivent beaucoup de personnes. Pour apprivoiser le quotidien de chaque habitant ou primo≠ arrivant, la ville doit leur procurer un bien≠ Í tre et lí aider ‡ apprÈcier celle≠ ci. Pour cela, chaque moyen dÈployÈ pour communiquer doit Ít re accessible ‡ tous et facile de comprÈhension. Cet enjeu dit social est intimement liÈ ‡ un enjeu culturel puisque cí est par ce biais≠ l‡ que la ville facilite souvent lí accËs aux individus. En liant ville et culture, il y a la volontÈ de susciter un rÈel intÈrÍ t pour lí activitÈ culturelle quí est, lointainement le tourisme et donc lí apprentissage de la ville dans laquelle nous vivons ; ainsi que faire dÈcouvrir cette activitÈ de fl‚ nerie auprË s des passants≠ fl‚ neurs. Il y a donc une volontÈ de relier la pratique de la fl‚neri e ‡ líi ntÈrÍt que peuvent susciter certaines activitÈs citoyennes en proposant de nouvelles clÈs pour dÈcouvrir la ville ‡ travers le hasard, la ballade, la dÈambulation, la fl‚ nerie.
13 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| ENJEUX
Lí enjeu communication est celui de promouvoir un nouvel ÈvÈnement se dÈroulant dans une ville et procurer de nouveaux supports pour celui≠ ci. Surprendre en communiquant de maniËr e virale et alternative pour questionner le spectateur autour des notions que le plan de communication vÈhicule. RÈinterprÈter le nouveau fl‚neur baudelairien gr‚c e ‡ líÈl aboration dí une stratÈgie de communication qui redonnerait de lí importance ‡ cet Ètat dí esprit quí est la fl‚ nerie urbaine. Certes, le fl‚ neur a ÈvoluÈ, est connectÈ, mais il ní a pas tout ‡ fait disparu et peut resurgir encore dans une sociÈtÈ accÈlÈrÈe.
Lí enjeu de mode de vie correspond ‡ la volontÈ de caractÈriser
CLEMENT VALLA Postcards from Google Earth
et cibler directement tout passant≠ fl‚ neur en le redÈfinissant comme nouveau fl‚ neur de la citÈ urbaine contemporaine. Il y a la volontÈ de lui permettre ainsi de devenir, lí espace dí un instant, un fl‚ neur invÈtÈrÈ. Enfin, il y a lí enjeu de territoire qui permet aux individus ciblÈs de leur laisser une certaine libertÈ de manú uvre et de dÈplacement dans la ville favorisant la dÈcouverte, la surprise. Lui donner la possibilitÈ dí envisager son propre territoire, sa propre ballade, sa propre fl‚ nerie dans la ville selon son propre rythme et ses propres envies. Envisager en fait, une totale subjectivitÈ de lí acte de fl‚neri e. Le projet sera donc centrÈ sur le voyageur et la ville, ce qui impliquera les idÈes de perception, de reconnaissance, dí orientation, voire mÍ me de signalÈtique. Parler de la ville en elle≠ mÍ me et de ses dÈplacements ‡ travers un temps ralenti. Mes recherches graphiques sí articulent autour de la dÈfinition du statut de touriste≠ passant≠ voyageur au quotidien.
15 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| …LABORER UN PROJET
… LABORER UN PROJET s s ProblË me de communication Le tourisme urbain sí est dÈveloppÈ avec lí accroissement des villes et le rythme endiablÈ de celles≠ ci. La ville reprÈsente un rÈel attrait pour les individus et il faut savoir que 50 % de la population mondiale vivra dans des villes avant 2050. La ville est un lieu social, de culture, de divertissement, qui propose un grand panel visuel et sonore. Seulement, comme je lí ai dÈmontrÈ, les moyens de visiter une ville restent succincts : il y a beaucoup de guides touristiques papier et quelques applications sur internet mais ce domaine pourtant en pleine expansion reste pauvre en communication et originalitÈ des procÈdÈs. En effet, visiter une ville se fait souvent via des circuits touristiques prÈÈtablis, loin des lieux inconnus ou sans intÈrÍt s. De plus les citadins anciens ou nouveaux vivent dans une ambiance urbaine plus que soutenue ou le temps de se reposer ní existe pas, ou lí on se dÈplace dí un point A ‡ un point B, Ù tant toute imprÈvu. Deux problËm es de communication apparaissent alors :
> Le tourisme urbain se dÈveloppe mais les moyens (outil de communication et mÈdias) pour visiter la ville restent succincts via des circuits touristiques prÈ≠ Ètablis, loin des lieux inconnus.
> La communication sur la diversitÈ de visites dans la ville est trË s peu dÈveloppÈe.
s s Objectif de communication Il me semble donc important de questionner le statut du visiteur et de lui trouver de nouveaux moyens pour visiter la ville, loin de toutes habitudes citadines pressÈes. Il est aussi intÈressant de questionner le lieu quí est la ville, sa perception et lí autre maniË re de donner ‡ voir la ville pour lí apprÈcier diffÈremment.
> Questionner le statut de voyageur > Trouver de nouveaux moyens pour lui, de visiter une ville > Questionner la nouvelle image donner ‡ voir de la ville et comment lí apprÈcier diffÈremment Ainsi, la fl‚neri e reprÈsente, selon moi, un bon moyen díy parvenir, car peu importe le chemin utilisÈ, pourvu quíi l ne soit pas battu.
16 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| …LABORER UN PROJET
s s HypothË ses De ce fait, les hypothË ses de recherche retenues sont les suivantes :
> La ville et le tourisme : visiter et revisiter la ville, sí adresser aux citoyens de longue date ainsi quí aux primo≠ arrivants > La ville et le hasard : lí errance comme mode de visite
s s ProblÈmatique Le milieu urbain est rempli de signes, de directions ‡ suivre. Tout comme chaque trajet est calculÈ, mesurÈ et chronomÈtrÈ. Le besoin de se dÈplacer dans une grande ville est vital et rÈel, mais donner du temps au temps et accepter dí en prendre devient difficile. On habite dans une ville que lí on ne connaÓ t que superficiellement et le temps donnÈ pour síy perdre pour la (re)dÈcouvrir autrement ní est que minime. Bien que la figure du fl‚neur de Baudelaire a bel et bien disparu et se voit dÈpassÈ par les gens pressÈs et touristes sportifs, des petites mouvances existent dans la volontÈ de relancer lí Ètat dí esprit ´ fl‚ nerie ª pour revaloriser aujourdí hui, la figure du fl‚n eur contemporain. Cí est pourquoi, je souhaite redonner, ‡ ma faÁon, une place lÈgitime au comportement du fl‚ neur en redonnant envie aux habitants et aux passants≠ voyageurs de prendre le temps, dans une ville, pour la dÈcouvrir avec un nouveau regard.
s s Supports ≠ Application smartphone personnalisable connectÈe aux autres pour imaginer une carte interactive personnelle ≠ Beau livre expÈrimental (livre unique) autour de la notion de voyage ≠ Guide du voyageur rÍ veur (1 chapitre, 1 voyage) ≠ …vÈnement Week≠ end dÈdiÈ ‡ la fl‚ nerie
s s Partenariat ≠ Un cartographe ? Le collectif LUST (leurs cartographies) ≠ LíO ffice du Tourisme de la ville de Paris ≠ Le Guide du Routard
1
21 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
CHAMP LEXICAL Pour travailler et imaginer des images autour de la notion de poÈsie du voyage, thÈmatique de mon premier axe de recherche, jí ai rÈalisÈ un brainstorming des mots, expressions, sensations qui pour moi, gravitent autour de celui≠ ci.
LA PO… SIE DU
VOYAGE
Corps Chemin Destin IdentitÈ Corporel Mot Langue IntÈrioritÈ PersonnalisÈ Mien Hybride RÍ ve Hasard Fl‚ nerie Utopie IrrÈel PoÈsie Sublimer
Loin Ici Solitude Appartenance LibertÈ GÈographie TemporalitÈ Empreinte Perdre Voir Regard Nouveau Ailleurs EnvolÈe Quotidien Trace Transparent DÈfier
22 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
MON PAYS En survolant la ´ Chronique díhi ver ª de Paul Auster, je dÈcouvre le passage dí une description poÈtique qui dÈcrit líi mportance des cicatrices sur notre peau. ´ Tu y penses rarement, mais chaque fois que tu le fais, les vois, tu comprends quí il sí agit de marques de vie, que ces lignes brisÈes, gravÈes sur ton visage, sont les lettres dí un alphabet secret qui raconte lí histoire de la personne que tu es, car chaque cicatrice est la trace dí une blessure guÈrie et chaque blessure a ÈtÈ provoquÈe par une collision inattendue avec le monde ª . PAUL AUSTER Chronique dí hiver 2013
CARTOGRAPHIE-MOI
Je me suis donc inspirÈe de cette notion de cartographie corporelle et personnelle autour des attributs physiques qui apparaissent par hasard, lors de notre naissance : point de beautÈ, veine, etc. Ces empreintes sur notre corps sont uniques et pourraient reflÈter la cartographie intime de notre ‚m e. Je rÈpertorie les miennes. Mes points de beautÈ, mes veines, mes flux sanguinsÖ
MON PAYS
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PARIS
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26 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
plage
MON DIEPPE DÈcouvrir une ville, la sentir, la regarder. Se souvenir díune ville. ´ Mon Dieppe ª redessine la ville de Dieppe, son port, ses places, ses rues, ‡ travers mon ressenti personnel. DÈcouvrir une ville et ses ambiances ‡ travers des ballades improvisÈes et non par un plan. Seulement par mon instinct et mes envies.
banlieue
Míi mprÈgner de ce qui mí entoure sans jamais avoir de repË res, sans jamais chercher ‡ me diriger. Fl‚ner . Marcher. DÈambuler. Durant mes 4 jours de marche hasardeuse dans la ville de Dieppe, je me suis laissÈe guider par ma seule intuition selon les couleurs, les odeurs, les reliefs, tout imprÈgnait ma mÈmoire. Marcher et regarder afin de garder une trace visuelle, mÈmorielle et construire ma carte mentale de ces lieux jusque l‡ inconnus. Les ronds coupant les lignes sont les ronds≠ points empruntÈs lors de mes dÈplacements et les lieux de pauses sont reprÈsentÈs par une croix dans un cercle suivi díune indication textuelle.
café La Potinière plage
restaurant L’espérance
plage
café National
Cette libertÈ dí action sans cadre ni contrainte mí a vraiment permis banlieue banlieue de dÈcouvrir les aspects cachÈs, díune ville o˘ seuls mes pas ainsi que mon imagination mí ont menÈ.
plage
café La Potinière
café National
café National
chez Jordan cimetière café La Potinière chez Jordan
office du tourisme
Fête du Hareng
Jeudi après-midi (Thursday ( afternoon) Vendredi matin (Friday ( morning) Vendredi après-midi (Friday ( afternoon) Samedi matin (Saturday ( morning) Samedi après-midi (Saturday ( afternoon) Dimanche matin (Sunday ( morning) Dimanche après-midi (Sunday afternoon)
chez PTH gare SNCF
plage
plage
28 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
PAYS FLOU Lors dí un workshop sur le territoire, la carte et la ville, jí ai choisi de travailler en duo sur ´ La ville est mienne ª . Mon empreinte digitale est unique et de par ses lignes, elle forme symboliquement un chemin, le mien. Mon destin ? Ce pays abstrait est nÈ de mon empreinte digitale et prend la forme díune cartographie Èpiderme. Elle impose des chemins, qui, superposÈs sur un vrai plan de ville peuvent mener quelque part. O˘ ? Je ne sais pas. Les directions semblent confuses et elles le sont. Il ní y a pas de direction imposÈe, juste un chemin ‡ suivre, celui de ma propre empreinte. Le hasard est lí axe principal de cette rÈalisation, cí est pourquoi elle reste Ènigmatique. Chacun peut se rÈapproprier cette ville qui offre un voyage autour de la trace digitale. VINCENT PERROTTET Images dans tous les sens
Le cÙt È surrÈaliste de ce travail sí oppose aux codes graphiques ancrÈs dans le domaine de la retranscription díun paysage. Les lignes, les traits, les motifs ont ÈtÈ dessinÈs en síi nspirant des motifs existants sur des cartes anciennes. Les flË ches sont celles díune boussole qui indique une direction abstraite. Est≠ ce le nord ? Est≠ ce le sud ? Il níy a aucune direction. Les codes de la carte sont dÈtournÈs ‡ líi mage des cartes rÈalisÈes par les sÈrendipistes ou psychogÈographes. InspirÈes aussi des sÈrigraphies du graphiste Vincent Perrotet, les flËches indiquent une direction tout en nous perdant.
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| LA PO…SIE DU VOYAGE
L’errance n’est ni le voyage ni la promenade, mais cette expérience du monde qui renvoie à une question essentielle : qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi ici plutôt qu’ailleurs ? Comment vivre le plus longtemps possible dans le présent, c’est-à-dire être heureux ? Comment se regarder, s’accepter ? Qu’est-ce que je suis, qu’est-ce que je vaux, quel est mon regard ?
PASSAGES LITT…RAIRES Cette carte rÈseautÈe de lí Europe est le rÈsultat dí un projet rÈalisÈ par lí UniversitÈ de Stanford qui a rÈpertoriÈ 55 000 Èchanges Èpistolaires issus des correspondances de 6400 personnalitÈs des Lettres, couvrant les XVIIe, XVIIIe et XIXe siËcl es. Les lettres on souvent contenu des messages, des Ènigmes, des codes, pourquoi pas un trajet ou un parcours ? ¿
La ville rÈsautÈe
lí aide díun extrait du livre ´ Errance ª Ècrit par Raymond Depardon, jí ai tissÈ des liens entre les lettres, des chemins colorÈs, qui, superposÈs sur le plan dí une ville peuvent reprÈsenter un trajet ‡ effectuer pour dÈcouvrir un nouvel endroit, issu du hasard de ce processus. Dans un second temps, ce mÍ me texte est rÈutilisÈ. Les extrÈmitÈs dí un mÍ me mot sont reliÈes entre elles pour former une surface colorÈe. Ce processus est rÈpÈtÈ sur chaque mot du texte et apparaÓ t alors des surfaces faisant directement rÈfÈrence aux reprÈsentations cartographiques dí immeubles et de maison vus du ciel. On peut alors crÈer une ville ‡ lí aide de ces mots≠ maisons. Enfin, la derniËr e expÈrimentation est celle dí attribuer ‡ chaque lettre et ‡ chaque moyen de transport une couleur pour recrÈer des phrases colorÈes. Une zone de couleur apparaÓ t abstraite, mais si on la dÈcode, il devient possible de dÈcrypter ce qui síy cache derriËr e et de se diriger.
L’errance n’est ni le voyage ni la promenade, mais cette expérience du monde qui renvoie à une question essentielle : qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi ici plutôt qu’ailleurs ? Comment vivre le plus longtemps possible dans le présent, c’est-à-dire être heureux ? Comment se regarder, s’accepter ? Qu’est-ce que je suis, qu’est-ce que je vaux, quel est mon regard ?
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L’errance n’est ni le voyage ni la promenade, mais cette expérience du monde qui renvoie à une question essentielle pour moi : qu’est-ce que je fais là ?
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34 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
PO…SIE URBAINE Voir la ville en poÈsie, avec des miroirs, avec des couleurs. Ici, la recherche poÈtique se transcrit avec un rapport direct au questionnement, au jeu de piste, au puzzle. ¿
la faÁ on dí une chasse au trÈsor, les morceaux díi mages cachÈs et trouvÈs dans la ville forment un endroit secret.
PAS À PAS
36 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | To e 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
SOUS TERRE Fl‚ ner dans la capitale franÁ aise peut se faire aussi bien ‡ lí extÈrieur quí ‡ líi ntÈrieur du ventre de Paris : le mÈtro. Au hasard, jí ai pris une ligne, puis un wagon, puis un autre, puis un autre. Dans un wagon, sur la ligne 6 du mÈtro parisien, je me suis retrouvÈe face ‡ un poË me de Vladimir MaÔ akovski. Celui≠ ci Ètait placÈ par la RATP, comme dans dí autres wagons. Dans de nouveaux wagons, sur de nouvelles lignes, je me suis aperÁ ue que ces poË mes avaient tous une mÍ me thÈmatique, celle de la ville. Cí est pourquoi jí ai imaginÈ des images inspirÈes de ces poËm es VLADIMIR MAœ AKOVKY PoË me RATP
Des
vill
es
Le poËm e disait : ´ Des villes, et encore des villes ; Jí ai des souvenirs de villes comme on a des souvenirs dí amours. ¿ quoi bon en parler ? Il mí arrive parfois, La nuit, de rÍv er que je suis l‡, ou bien l‡, Et au matin, je míÈv eille avec ce dÈsir de voyage ª .
et encore des villes
Des
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et encore des villes
Puisqu’on m’amène à zéro !"#$"#%&"# "#%&" '()*#+(#,")-./$
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40 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
HASARD T¬ CHET… Proposition dí images rÈalisÈes avec chemin hasardeux de la peinture sur une feuille. Ici, cí est la prise en compte du hasard qui importe. Le hasard devient processus de crÈation. Cí est lui qui fait lí affiche et qui trace un chemin, qui se mÈlange.
Où aller ?
Où suis-je ?
42 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
MA PO…SIE CITADINE Je collecte mes diffÈrentes fl‚ neries urbaines ‡ travers diffÈrentes illustrations. Croiser des passants, leurs regards, des rues, ressentir le dÈsordre urbain, mes pensÈesÖ Voil‡ mon ressenti graphique.
REGARDE LE CIEL Je suis repérée
Je suis repérée
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REGARDE LE CIEL
50 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
CARTO LOMO Utilisation de la technique de superposition quí offrent les appareils Lomography pour capter des moments ÈphÈmËr es et poÈtiques. Voici des bribes de souvenirs fantomatiques photographiÈs lors díune fl‚neri e dans le 10e arrondissement de Paris.
ET SOUVENIR Retracer, gr‚c e aux clichÈs photographiques pris lors des diverses fl‚ neries, un parchemin, une bible du Week≠ End de la Fl‚ nerie. Faire de cette Èdition une mÈmoire en papier. > Aller dans une zone de la ville qui vous est familiËr e et que vous souhaiteriez explorer. > La tÍt e en direction díun pont le plus proche. > Prendre une rue que vous ne prenez pas díhab itude. Et encore, et encore, Et encore, Et encore, Etc.
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| LA PO…SIE DU VOYAGE
FLÂNEUR
FLÂNEUR
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LOGO DU FL¬ NEUR Le fl‚neur . Nouvelle marque ? Nouvelle application ? Nouvelle collection Èditoriale possible ? Recherches de logos autour de ce personnage qui ne vit plus au XVIIIe siËcl e, mais au XXIe siËcl e.
FLANEUR
FLANEUR
FLANEUR
FLANEUR
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| LA PO…SIE DU VOYAGE
Errer est humain FL¬NER
EST PARISIEN
Cette piste crÈative pourrait Ít re rÈalisÈe en partenariat avec Anne, une graphiste qui a rÈalisÈ des clichÈs photo autour de la thÈmatique de fl‚neri e ‡ Paris. Impasses, porche ou rues dÈsertes, le Paris secret se dÈvoile selon sa sensibilitÈ de fl‚ neuse. Elle nous livre son Paris. ¿ cela sí ajoutent des flËche s, qui reprÈsentent la direction (abstraite). O˘ est le sud, o˘ est le nord ? La bonne direction : la vÙt re !
Errer est humain
Flâner est parisien
Flâner est parisien
56 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
JUNGLE URBAINE Organiser un projet tel quíun week≠ end dÈdiÈ ‡ la fl‚neri e implique le dÈplacement dí individus dans la ville et donc par consÈquent le dÈveloppement dí une signalÈtique en lien avec la thÈmatique de líÈv Ènement. Je transforme ici, de maniËr e poÈtique, les panneaux de circulation. Ces panneaux se voient transformÈs, modifiÈs et ní indiquent plus une direction, mais lí Ètat dí esprit, le type de parcours quí Èvoquent les dÈplacements issus de la fl‚ nerie. Ces panneaux ironisent et dÈtournent la dÈambulation alÈatoire qui síi nstitutionnalise ici.
SAFARI URBAIN
58 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
SAFARI URBAIN Rythmer la ballade du fl‚ neur et transformer son parcours ‡ la faÁ on de celui díun aventurier.
THE CITY IS YOUR FOREST.
60 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
…NIGME Parler de position, de dÈplacement avec un travail fluorescent, visible la nuit. Pourquoi ne fl‚neri ons≠ nous pas aussi la nuit ?
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62 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
DOUBLE LECTURE SystË me dí affiche avec utilisation dí encre phosphorescente ou díi mpression recto verso pour une lecture ‡ double sens ‡ lí aide du rÈtro≠ Èclairage (technique díÈcl airage par lí arriËr e permettant aux Ècrans, gr‚ ce ‡ une source de lumiË re intÈgrÈe, dí amÈliorer le contraste de lí affichage et dí assurer ainsi une bonne lisibilitÈ).
64 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
ANALPHAB»TE La carte est un outil de communication. On y reprÈsente des donnÈes objectives ou non selon des rËg les quí on lui impose. Mais cartographier une ville cí est aussi mettre en place de nouveaux codes et dÈvelopper un nouveau langage. Avec ce processus je veux crÈer des codes Ènigmatiques affichÈs dans la ville. Comme lí idÈe prÈcÈdente, utilisation ici du rÈtroÈclairage pour offrir une bonne lisibilitÈ de ces codes. Jeu avec líÈp hÈmËr e, le prÈcieux, le suggestif. Le jour : des codes, des signes, une image abstraite. La nuit : dÈcouverte du message.
66 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
SOUS LA VILLE, LAÖ Utiliser des images de textures brutes de la citÈ urbaine, des textures qui nous entourent et crÈer un jeu dí optique, une double lecture, une illusion. En míi nspirant de lë expression soixante≠ huitard ´ Sous les pavÈs, la plage ª , les murs de la ville de Paris dÈvoilent des bribes, des morceaux de chemin, des traces, des empreintes pour rendre poÈtique lí essence mÍm e de la ville.
68 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
NO TIME Líune des caractÈristiques de la fl‚neri e est celle de ne pas savoir o˘ lí on va en perdant toutes notions de temps et de devoir. Perdre le Nord, le Sud, líheur eÖ Images mÈmorielles.
70 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
TR…SOR URBAIN Une ville est pleine de trÈsors. Non pas de caisses pleines dí or, mais des trÈsors urbains (ce que lí on trouve dans la rue), parsemÈs ici et l‡. ¿
travers une collecte de ces trouvailles, retracer mon parcours ‡ la faÁon díune sorte de carte aux trÈsors urbains. Retrouver un intÈrÍt pour les objets errants, oubliÈs ou perdus dans la ville. > Ici des bouts de verre de bouteille et des schewing≠ gum.
72 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
NOUVEAU MONDE La fl‚neri e nous emmËne dans nos pensÈes, vers de nouvelles rues inconnues, vers un nouveau monde. Mon nouveau monde, ma terre promise. Dans ce procÈdÈ de crÈation, je me suis attardÈe sur les notions de rÍv e et díi maginaire, de fluiditÈ, de flottement, de nouvelle terre.
74 | CARTOGRAPHIE DU FL¬NEU R | Tome 2
| LA PO…SIE DU VOYAGE
LA PO…TIQUE DU TRAIT Líi mportant dans la fl‚neri e ce ní est pas de savoir o˘ lí on va, mais le chemin que lí on prend, líi mportance de la ligneÖ
27— 28 SEPT WEEK END DE LA FLÂNERIE
SENTIR
HYPOTH» SE : LA PO… TIQUE DE LA FL¬ NERIE
HYPOTHÈSE : LA POÉTIQUE DE LA FLÂNERIE
79 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
Pourquoi la poétique ? La flânerie est vue, à travers le monde de la littérature, comme acte poétique en soi et à part. La poétique de ce personnage du flâneur baudelairien représente un mode d’appréhension de la ville moderne et rend compte d’une nouvelle réalité urbaine. Déambulation gratuite et désœuvrée dans la ville et placée sous le signe du mouvement et de l’instantanéité, la flânerie s’inscrit dans une perception artistique éclatée à la limite de l’inconstance, de l’inachèvement et le poétique. Le comportement du flâneur se définit comme l’expression d’une nouvelle sensibilité et reflète une nouvelle conception artistique et poétique de la ville. Il capte le spectacle d’une ville en plein transit. Nous l’avons vu dans le Tome 1, la littérature s’est particulièrement intéressée à la figure flottante et insaisissable du flâneur. Les sérendipistes et autres dérives des situationnistes énoncées dans ce Tome nous montre bien que le facteur hasard est souvent maître des expériences de déplacements et de trajectoires. Il existe des creux tièdes au sein de ce monde agité, des grottes silencieuses où, l’on peut s’abriter sous l’aile de la beauté, loin des vérités que je désire atteindre.
La dérive situationniste a pour principal but de torpiller, par des « effets de turbulence », les parcours fléchés, mais aussi de regarder ce qu’on ne voit pas d’habitude. Pour cela il faut « renoncer aux raisons, pour une durée plus ou moins longue, de se déplacer et d’agir qu’elles propres aux relations, aux travaux, aux loisirs, pour se laisser aller aux sollicitations du terrain et aux rencontres qui y correspondent » écrit Guy Debord.
Virginia Woolf Les vagues
De ce fait, il me semble important de proposer une piste créative autour de la notion de flânerie poétique avec une communication peut-être plus expérimentale et plus énigmatique qu’une simple communication institutionnelle.
Accroches envisagées ? — — — — — — — —
Échappez au visible, flânez ! Instant présent Invitation au voyage Flâner commence là où la trace disparaît Le secret réserve l’inattendu Échappez au visible Nulle part Là où il n’y a rien
80 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
MESSAGE CODÉ Photographier les impasses, les ruelles, les lieux secrets de Paris, tous les endroits où pourrait aboutir une flânerie. Un endroit calme, vide, différent de ce que l’on connait déjà. Ses images, destinées à de l’affichage sauvage détiennent des indices, des messages codés, des directions. Seule information : un QR code apposé au bas de l’affiche, que les passants peuvent flasher. Ils tomberont alors sur des citations sur la thématique de la ville poésie, ou autre possibilité, sur une plate-forme cartographiant leur parcours.
82 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
NOUVEAU REGARD Confronter le flâneur parisien à sa propre ville grâce au miroir. Reflet de la réalité, l’image est cependant transformée selon le temps, l’heure, les couleurs. Des miroirs ou du papier miroirs seront postés un peu partout dans la ville pour refléter un imaginaire caché de celle-ci. Je propose ici un regard modifié de la ville au quotidien, connue de chacun connait. L’image peut passer inaperçue, mais celui qui flâne surprend les détails et les anomalies que les murs, les pavés, les fenêtres peuvent cacher.
84 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
POÉSIE LITTÉRAIRE Le hasard représenté par des tâches colorées sont issues selon le même processus inspiré des dadaïstes. Elles s’étalent, coulent, parfois même se mélangent, se rencontrent, puis s’éloignent sans l’intervention calculée de la trajectoire. C’est le mélange encre/eau qui génère l’image avec de différentes couleurs pour de différents parcours hasardeux… Suggestion d’une citation pour définir la quête de flânerie. Je souhaite ici, donner à voir la poésie d’une ville et visualiser l’état d’esprit dans lequel le flâneur flâne : son esprit est libre, il pense…
88 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
JE SUIS LÀ Parsemer des images poétiques de morceaux de route, de passages dans la ville. L’image est floue, indéchiffrable, le lieu ne se localise pas et pourtant il y a ces vignettes de localisation type Google Map. Je suis partout, là, ou là-bas
90 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
WEEK
DE
— END
ZONES À travers le support de l’affiche, reprendre des codes énigmatiques, des zones, des signes. Faire de l’affiche un support à décoder. Certes, elle nécessite un effort de lecture, mais le comportement de flâneur ne nécessite-t-il pas un effort pour le parisien pressé ?
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J’utilise, ici, des filtres de couleur car flâner, c’est aussi filtrer le réel pour y voir ce que l’on désire ou ce que l’on ne voit justement pas.
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27 et 28
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92 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
PISTER LE RÉEL Signalétique et site internet inspirés des signes typographiques utilisés sur l’affiche proposée sur la page précédente. Pourquoi ne pas donner à ces caractères typographiques abstraits une caractéristique de signalétique à la façon des signes que l’on peut trouver graver sur les arbres pour baliser les sentiers de forêt. Walter Benjamin écrit : « Ne pas trouver son chemin dans une ville, ça ne signifie pas grand-chose. Mais s’égarer dans une ville comme on s’égare dans une forêt demande toute une éducation. » Ici, la forêt, c’est les murs de la ville.
WEEK END DE LA FLÂNERIE l’évènement
vos hasards
QUOI QUI OU QUAND COMMENT INFORMATIONS PRATIQUES
contact
WEEK-END DE LA FLÂNERIE
94 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
VOUS AVEZ DIT ANAMORPHOSE ? Signalétique inspirée du concept de l’anamorphose rendu célèbre par, entre autre, l’artiste français Georges Rousse. Le principe de l’anamorphose est défini comme un mode de figuration éclatée dans l’espace. Les éléments peints ne peuvent être visuellement rétablis que si on les regarde d’un certain point de vue, celui où l’artiste a placé l’œil de son appareil photo. Si on se décale un peu, on ne perçoit plus du tout la même chose. Tout au long de son œuvre, Georges Rousse a énormément utilisé ce principe, qu’il définit lui-même comme un « outil ». Ce concept peut répondre aux notions de flânerie qui amène la surprise au détour d’une ruelle : une figure colorée qui doit se déchiffrer pour la comprendre.
GEORGES ROUSSE
ICI
96 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
(É) (É) DES CODES Autres propositions d’affiches parlant de code, d’énigme, d’effort, de hasard, de cheminement, d’apparition, de disparition…
Nouvel Évènement
INVITATION Organisé par la ville de Paris
Parce que décider d’aller nulle part, c’est déjà décider d’aller quelque part
AU VOYAGE
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FLÂN R 09.2014
W EEE EEE K K W E E IK EE IN DDD EE I AA A FLÂNER
www.flaneraparis.fr
WEEK-END DE LA FLÂNERIE 27 et 28 Septembre 2014 — PARIS
98 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
WEEK-END DE LA FLÂNERIE ––––– PARIS
27-28 SEPTEMBRE 2014
AFFICHE À RÊVER Proposition d’affiche issue de l’imaginaire avec des bribes de rêves de ville, des fragments de pensées urbaines comme un rêve éveillé.
WEEK-END DE LA FLÂNERIE ––––– PARIS
1-3 MAI 2015
INVITATION
INVITATION AU
AU
VOYAGE www.flaneraparis.fr
VOYAGE www.flaneraparis.fr
100 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
DÉFINITION Flâner est avant d’être un mode de déplacement, un état d’esprit, une philosophie, une manière d’être et de penser. Comme beaucoup de gens ne connaissent pas bien cette notion, pourquoi ne pas leur rappeler la définition de ce terme qui doit être connue de tous ?
*
*
* * Comportement à adopter à Paris le 8-9-10 mai 2014
* Comportement à adopter à Paris le 8-9-10 mai 2014
Plusd’informations sur www.flaner.fr
102 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
LA OÙ LE VENT ME MÈNE Penser à un système directionnel qui prendrait en compte l’effet du vent de la ville de Paris comme le font les girouettes sur le toit des maisons. Les aiguilles posées sur un support peuvent tourner autant de fois que le vent tournera et des centaines de directions toutes plus réelles que surnaturelles seront possibles : vers le ciel, vers la terre, à droite, à gauche, justement pas.
104 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
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O IMAGE LATENTE
S’ajoutent à ces images des signes graphiques et directionnels : flèches et points cardinaux. Mais si l’on regarde bien, ces points sont faussés et placés à l’envers. Ils montrent la perte de repère dans la volonté de flâner avec le facteur hasard.
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Cette proposition d’affiche sauvage donne à voir la ville dans la ville à travers les clichés photographiques d’Anne Guiton sont j’ai déjà parlé plus haut.
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| HYPOTHÈSE 1
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106 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
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SEP- BRE WEEK END
Flâner c’est aussi une ballade intellectuelle statique…
SEP- BRE WEEK END
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Flâner, c’est aussi se balader et la notion de ballade est visible ici grâce aux lettres du mot flânerie disséminées sur l’affiche. Le lettrage se balade alors que l’humain sur la photo est statique.
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BALLADE
E www.flaneraparis.fr
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108 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
ABCDEFGHIJKLM NOPQRSTUVWXYZ OMBRES PARLANTES Imaginer ici un système de signalétique dont des signes pourraient apparaître grâce à l’ombre et à la lumière. Cette proposition se réalise en extérieur et de manière éphémère puisqu’elle dépend de la météo. L’idée est de développer un alphabet qui utilise les objets urbains comme par exemple les poteaux des trottoirs. L’ombre des poteaux sur le trottoir forme une ligne sombre qui pourrait servir d’arrête pour des lettres alphabétiques. Au préalable, des signes seraient peints au sol pour former des lettres entières quand le soleil sort son nez.
ABCDEFGHIJKLM NOPQRSTUVWXYZ un peu de soleil
Les traits au sol additionnés aux ombres formeront alors une lettre, des lettres voire des mots ? Ces signes, abstraits par temps gris deviendront lettres par temps ensoleillé.
un poteau et un signe anonyme
L
un lettre, un mot
110 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
ÇA MOUILLE J’imagine ici, un système de signalétique éphémère réalisé avec de l’eau. Des messages, mots, formes, directions seraient peints à l’eau sur les murs de la ville et ils s’effaceraient doucement avec le temps et le soleil (s’il y en a). Les passants, chanceux de tomber au hasard d’une rue sur ces signaux, pourraient alors les suivre et tomber, qui sait, sur un endroit secret de Paris. Ce système demande un investissement humain, car des personnes devront sillonner la ville sans cesse pour y laisser des empreintes mouillées.
ERRER EST HUMAIN FLANER EST PARISIEN
112 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
VILLE-REFLET L’idée ici, fait suite à la précédente : une signalétique qui se reflète dans l’eau. Cela impliquerait cependant que les flâneries parisiennes ne se fassent qu’en bord de Seine.
LÀ OU IL N’Y A QUE CALME
ICI
ET VOLUPTÉ…
114 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
YUMMY Autre proposition de signalétique éphémère, mais cette fois-ci avec de la nourriture. Paris c’est quoi ? C’est la Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, le Louvre, les taxis, mais aussi les pigeons ! Pourquoi ne pas les utiliser comme acteurs d’une signalétique ? Des graines, disposées à des endroits stratégiques donneraient des directions, des indications, mais celles-ci disparaîtront au fur et à mesure que les pigeons grignoteront ces graines.
27.09.2014 28.09.2014
L
Â
INVITATION AU VOYAGE
HYPOTHÈSE 2 : FLÂNER PAR LE JEU
119 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
Pourquoi le jeu ? Des bouchons et des concerts de klaxons aux heures de pointe ; des excès de vitesse le reste du temps. Elle semble loin, l’époque où Yves Montand chantait son bonheur de « flâner sur les Grands Boulevards ». Pour redonner à cette autoroute urbaine un petit air de promenade, nous pourrions envisager de traiter le sujet de la flânerie par le jeu. Bien que la flânerie a ce côté désinvolte et poétique, on pourrait envisager de progresser dans une ville et la découvrir en jouant : modifier un plan de circulation, refaire de la place aux piétons, transformer les rues en laboratoire à ciel ouvert pour les jeux de la flânerie des passants. Que flâner devienne un jeu pour rendre réceptif un public qui ne l’est pas forcément, parce que visiter une ville en suivant page à page un guide plus lourd que son sac n’a pas d’intérêt pour une manière de (re)visiter une ville qui se veut différente des autres. Choisir le jeu pour faire flâner les gens permet de les intéresser, petits et grands, jeunes et vieux, hommes ou femmes, parisiens ou non. Par le jeu, les passants deviendront actifs et acteurs dans la ville. Naîtra alors une interaction avec la ville même pour que ces nouveaux flâneurs vivent la ville et la flânerie comme une expérience à part entière, que lors de leurs promenades, ils doivent peut-être flasher un code, répondre à des questions ou suivre une ligne, une forme, recherchez des indices pour trouver les secrets détenus par la ville. Le comportement du flâneur vu ici comme comportement ludique propose toujours un but unique, celui de flâner pour découvrir. Il y a dans cette volonté de jouer avec la ville, l’engagement réel à des actions de sensibilisation des habitants dans le but de mettre aussi en valeur les éléments le patrimoine urbain. Afin de réussir au mieux ces parcours, voici donc quelques pistes imaginées.
Idées d’accroches ? — Pourquoi aller du point A au point B quand on peut faire tout l’alphabet ? — Jeu flâne — Flâmuser — L’art de ne pas aller au point B — Ailleurs si j’y suis
120 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
POURQUOI ALLER D’UN POINT A À UN POINT B, QUAND ON PEUT FAIRE TOUT L’ALPHABET ?
DE A À Z Comme nous l’avons vu dans le Tome 1, flâner ce n’est pas aller d’un point A à un point B, mais c’est d’un point A à… un point R ? T ? F ? Les trajectoires alphabétiques que l’on peut faire dans Paris sont ici représentées sur le support affiche.
POURQUOI ALLER D’UN POINT A À UN POINT B, QUAND ON PEUT FAIRE TOUT L’ALPHABET ?
WEEK-END DE LA
FLANERIE
WEEK-END DE LA
FLANERIE
122 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
ALPHABET Dans la continuité de l’idée précédente, la ville est ici, un alphabet.
L’ART DE NE PAS ALLER AU POINT B… 27 et 28 Septembre 2014 Week-end de la Flânerie à Paris www.flaner-a-z.fr 19h
de 7h à
L’ART DE NE PAS ALLER AU POINT B… 27 et 28 Septembre 2014 Week-end de la Flânerie à Paris de 7h à 19h www.flaner-a-z.fr
124 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
27 et 28
PERDRE LA TÊTE Imaginer une série d’affiches où il n’est plus question de chronologie des données, de communication institutionnelle, mais plutôt d’un jeu de piste en image.
WEEK END septembre
DE LA
N
S 2
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WEEK END M A I
DE LA
N
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FL� NERIE
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FL� NERIE
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| HYPOTHÈSE 2
HIÉROGLYPHES Je propose ici, des images anonymes et impossibles à déchiffrer de premier abord. La typographie utilisée est fléchée et chaque lettre correspond à un fléchage. Il est donc question de direction, de chemin, de parcours. Ces images ne sont pas imaginées pour donner une indication, mais juste pour donner à voir et à penser.
VOUS ÊTES ICI* VOUS ÊTES ICI* VOUS ÊTES ICI*
*VOUS ÊTES ICI
*VOUS ÊTES ICI *VOUS ÊTES ICI
128 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
FIL ROUGE Pour cette piste, on parle du fil rouge d’Arianne. De vrais fils de pelotes de laine rouge pourraient couvrir les murs, les sols parisiens. Les passants-flâneurs pourraient avoir la possibilité de suivre ses fils qui les mèneront à un endroit paisible peut-être même inconnu. Il serait incroyable d’imaginer aussi la possibilité de distribution de rouleaux de fils rouge aux parisiens pour que durant le fameux week-end dédié à la flânerie, chacun puisse tisser son propre chemin. Une grande toile rouge serait donc visible après 2 jours de flânerie dans Paris.
CARTOGRAPHIE DES HASARDS
130 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
MESSAGES CODÉS À la façon d’un affichage politique, des bribes de mots, de citations parlant de flânerie collés à la sauvette dans les rues de Paris. Ceux-ci pourront être recouverts par d’autres mots et donc créer des formes hybrides ou des mots surprenants. Cette proposition est un jeu, avec la poésie du mot.
« Errer est humain, Flâner est parisien »
132 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
ABÉCÉDAIRE POUR FLÂNER Élaborer un système d’affiche composée de lettres et de symboles inspirés des livres d’apprentissage. La déambulation, la flânerie comme mode de déplacement et de vie n’est pas bien connu du public, il faut donc lui apprendre.
comme Flâner
comme Flâner
134 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
3 1
JEU FLÂNE La flânerie peut être aussi proposée comme un jeu à travers la ville. Celui-ci demanderait de relier des points numérotés (en référence directe aux illustrations numérotées de ma jeunesse) et ces points formeraient un parcours à suivre dans Paris. La destination n’est pas donnée, juste les références d’un plan.
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3 > Modules de carte à la façon d’un jeu de piste numéroté
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KIT DU FLÂNEUR Pour impliquer la foule et leur faire découvrir une nouvelle manière de regarder leur ville, j’ai imaginé le kit du flâneur. À l’intérieur, il pourrait s’y trouver un appareil photo Lomography (partenaire) qui pourrait être utilisé pour photographier les parcours urbains de chacun, un guide du flâneur ainsi qu’un plan. Ce kit utilise tous les éléments du touriste lambda, mais ces objets sont voués à être utilisés différemment. Avec ce kit le rôle du flâneur veut être démocratisé et souhaite refaire surface dans notre société à la façon d’un touriste pas comme les autres.
GUIDE POUR SE PERDRE
FL
ANEUR
« N’allez pas là où le chemin peut mener. Allez là où il n’y a pas de chemin et laissez une trace. » Ralph Waldo Emerson
KIT DU FLANEUR
> Partenariat avec la marque Lomography pour un souvenir photographique des flâneries urbaines prises lors du weekend. Pourquoi Lomography ? Parce que les photos présentent une inégularité de rendu, du flou, de la superposition, autant de poésie photographique que de poésie dans la ville.
> Carte composée des quartiers de la ville, qui se découvrent au fur et à mesure que le touriste gratte la carte. Le geste ludique permet ainsi d’amuser le voyageur.
138 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
COMME À LA MONTAGNE Paris est une grande forêt dans laquelle on peut se perdre. Et si la signalétique de cet événement ou des indications étaient gravées, peintes sur les troncs des arbres, les cailloux les murs, comme les balises colorées que l’on trouve au bord des chemins, en montagne ?
JE DÉCOUVRIS LE CHARME DE LA LIGNE POUR ELLE-MÊME, LA LIGNE DANS L’ESPACE ET LE NÉANT ENTRE LES LIGNES ET L’EXPLOSION LORSQU’ELLES SE CROISENT, S’INTERROMPENT, LORSQU’ELLS SONT D’UNE COULEUR OU D’UN TYPE DIFFÉRENTS. JE DÉCOUVRIS QUE PARFOIS L’INTERLIGNE EST AUSSI IMPORTANT QUE LA LIGNE ELLE-MÊME.
140 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
PETIT POUCET Inspirée du conte du Petit Poucet, j’imagine une signalétique à l’aide de cailloux colorés. La veille de l’évènement, des cailloux colorés aux couleurs de la charte de l’évènement seraient disposés dans les rues et les quartiers ou se trouveraient les endroits à découvrir. Les passants pourraient alors les suivre pour arriver sur des lieux cachés et inconnus. Seulement, un caillou n’est pas statique. On peut le déplacer, taper dedans, l’emporter. Cette signalétique est évolutive, même mouvante et donnera probablement, après 2 jours de flânerie, des chemins différents qui n’en seront peut-être même plus.
Premier jour
Deuxième jour
142 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
BOUSSOLE Comme le Petit Poucet dépose des cailloux derrière lui pour baliser un chemin, les pierres sont ici des objets de survie, des boussoles. À ce concept d’image sauvage pourrait s’ajouter un système de carte peinte sur des galets, qui seraient distribués puis déposés sur les divers chemins empruntés par les flâneurs. En vue aérienne nous verrons alors une cartographie évolutive et colorée dans tout Paris.
O
N
E
S
Macadam mon amour
144 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
(IL)LISIBILITÉ Signalétique inspirée à nouveau du concept d’anamorphose rendu célèbre par l’artiste français Georges Rousse comme vu plus haut. Une image ou un message n’est visible qu’à un seul endroit précis. Si on se décale un peu, on ne perçoit plus du tout la même chose. Des indications ou des directions pourraient être suggérées avec des mots qui parfois s’échapperaient des murs. En ton sur ton, tout est moins lisible. Ouvrez l’œil !
146 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
FILTRER LE RÉEL Utilisation des filtres pour donner un caractère utopique aux décors qui se cachent sur les affiches. Les affiches sont complémentaires entre elles ; elles peuvent être placées l’une à côté de l’autre, ou au contraire, dispersées pour que les passants, au hasard d’une rue ou d’un quai de métro, croisent un second exemplaire et fassent le lien en elles.
FLÂ
Parce que décider d’aller nul part, c’est déjà décider d’aller quelque part
NE WEEK END DE LA FlÂNERIE 27-28.09.2014
WEEK END DE LA FlÂNERIE 27-28.09.2014
Parce que décider d’aller nul part, c’est déjà décider d’aller quelque part
Parce que décider d’aller nul part, c’est déjà décider d’aller quelque part
WEEK END DE LA FlÂNERIE 27-28.09.2014
148 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 2
Hémingway allait souvent y boire un verre...
VILLE À BULLE
Rond, piquant et juteux
Une carte, des bulles, des énigmes. Imaginer une carte d’énigmes que les marcheurs devront résoudre en se déplaçant dans la ville.
Il est vert et bleu, sur l’eau… Héminguay allait souvent y boire un verre...
Rond, piquant et juteux
PARIS…
AUTREMENT Il est vert et bleu, sur l’eau…
Mouillé et célèbre…
PSEUDO MOT DE PASSE GO
Mouillé et célèbre…
STRATÉGIE DE COMMUNICATION N° 1
153 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| STRATÉGIE 1
STRATÉGIE 1 : WEEK-END DE LA FLÂNERIE Suite à mes nombreuses recherches et flâneries graphiques autour des notions de poésie dans la ville et flânerie urbaine, je propose l’élaboration d’un week-end dédié à la flânerie pour redonner envie aux habitant d’une ville de regarder leur ville autrement.
EN 2 MOTS Contexte — Rythme quotidien effréné — Manque de temps pour visiter, revisiter le quotidien, la ville
Objectif — Inviter les habitant à découvrir leur quotidien loin du stress — Faire renaître le flâneur qui someiille en chacun
Cible — L’habitant et le primo-arrivant — Le voyageur, l’errant visiteur
Commanditaire — La Ville de Paris
Promesse — (Re)découvrir la ville
Ton — Subjectif — Personnel — Poétique
Supports — Développer un événement : le Week-End de la Flânerie à Paris
Pourquoi un week-end ? Ce projet a pour initiative de proposer, aux citoyens d’une ville, un mode de déplacement et de découverte différent de celui prôné par le tourisme de masse pour (re)découvrir une ville, loin du stress du quotidien : celui de la flânerie citadine. Le rythme effréné de notre société contemporaine ne le permet pas. C’est pourquoi, proposer un week-end traitant cette thématique me semble une bonne initiative pour amener les citoyens à visiter ou revisiter leur ville pendant un week-end qui leur est dédié. Le week-end est le moment ou l’on peut prendre le temps de faire autre chose que les obligations de la semaine ; et pour un nouvel événement encore inconnu, il faudrait qu’il se développe et se fasse connaître à travers une communication attractive et intrigante. De ce fait, cet événement peut avoir lieu un week-end par an mais peut aussi être reconduit un week-end par saison voire aussi dans d’autres pays. Cela permettant une diversité de visites.
Pourquoi communiquer avec des supports print et digitaux ? Le week-end du flâneur est un nouveau concept encore inconnu. Certes les gens flânent, le dimanche le long de la Seine, mais leurs flâneries restent succinctes et trop souvent éloignées de la vraie philosophie du flâneur. Ce nouvel évènement, proposé à une cible large, se doit d’établir une communication globale en développant des divers supports de communication divers avant et pendant l’évènement tels que des affiches, un site web, un livret ou encore une application. Enfin cet événement amène les gens à se déplacer et il serait intéressant de travailler la signalétique pour l’occasion. Une signalétique éphémère, voire absurde, puisque la flânerie ne se balise pas, pour permettre au voyageur de suivre sa propre intuition et non des indications données.
154 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| STRATÉGIE 1
Pérenniser ce projet ? Pour une bonne pérennisation, il est indispensable de bénéficier de fonds et d’aides financières pour l’événement et d’élaborer des partenariat ou collaborations avec des personnes. Il pourrait être intéressant d’élaborer une édition post-évènement, pour permettre de garder une trace des parcours et des ressentis durant ces deux jours de flânerie et d’errance dans la ville. Garder une mémoire de l’événement. Divertir pour faire aimer le patrimoine et la ville dans laquelle de nombreuses personnes vivent chaque jour, c’est là aussi un travail de mémoire pour assurer une relève et une volonté de transmission. Le week-end de la flânerie doit faire parler les gens, créer des liens grâce à leurs différentes expériences et découvertes issue de la ville. C’est pourquoi ce projet a aussi un volet pédagogique.
Zoom sur le projet… • • Où ? Le projet de ce week-end dédié à la flânerie pourrait être organisé par la Mairie de Paris pour ses citoyens et primo-arrivants. Paris est la ville la plus appropriée pour cet événement puisque le personnage du flâneur inventé par Baudelaire, auteur français, flâne à Paris. Puisque les psychogéographes déambulaient aussi dans cette ville. Il est cependant envisageable de développer ce projet dans toutes les grandes villes et capitales d’autres pays puisque le personnage du flâneur est aussi lié à la modernité, à l’urbanisme ainsi qu’aux métropoles et au cosmopolitisme.
• • Quand ? Ce week-end aura lieu à l’automne, le 27 et 28 septembre. Pourquoi cette période ? Parce que c’est la fin des vacaces, et du mois d’aout à Paris ou les rues sont désertes. La rentrée vient tout juste de démarrer, le travail a repris, les gens sont stressés, pressés. Ce week-end est un appel à faire une pause dans leur quotidien. De plus le mois de septembre compte déjà des évènements comme les Journées du Patrimoine donc il faut que la date choisie coordonne avec un moment sans événements national ou municipal. Enfin, septembre propose souvent une météo encore clémente, un été indien avec une douceur ensoleillée. Enfin, choisir les deux jours d’un week-end permet d’avoir des citoyens disponibles et donc un certain investissement de ceux-ci.
155 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| STRATÉGIE 1
• • Comment ? La vision d’une ville et les cartes actuelles de celles-ci prétendent toujours atteindre une forme d’objectivité. Et c’est en réaction à ce statut de vérité officielle et scientifique qu’il y a la volonté de créer une proximité entre la ville et ses habitants. La découvrir différemment, adopter une réflexion et une manière d’être plus poétique prônée par la vision du flâneur ainsi qu’une subjectivité totale du déplacement. À des endroits stratégiques dans les arrondissements de la ville de Paris seront placés des stands sur lesquels pourront se rendre les flâneurs avant de commencer leurs flâneries urbaines. Ils pourront y récupérer un plan de la ville, un livret présentant l’événement et discuter avec divers organisateurs de celui-ci. Chaque flâneur aura la possibilité d’emprunter un appareil photo Lomography en contrepartie d’une participation de 55 euros, dont 50 euros de caution, pour le développement des photos prises durant ces deux jours. Ils se verront aussi remettre le kit du flâneur comportant divers pièces et supports énigmatiques (un carnet blanc par exemple, un plan anonyme ?). Les photos prises durant ces deux jours de flânerie feront ensuite l’objet d’un livre-mémoire réalisé et publié après l’événement. Celui-ci répertoriera tous les parcours et cartographies subjectives (l’idée de carte subjective relève du pléonasme, oui) et ils seront retranscrits par un graphiste ou un collectif différent chaque année. Ce travail final permet d’explorer ainsi les catégories psychiques de représentations et de construire une subjectivité de groupe qui débouchera sur une possibilité, parmi d’autres, de représentation collective. On parle de l’espace de tous. L’enjeu réel, c’est l’espace public et son rôle dans la société contemporaine d’espace partagé, vécu et imaginé en commun, qui appartient avant tout à ceux qui le vivent et qui devraient donc pouvoir aussi le penser et le dessiner. Il n’y a aucun enjeu commercial puisque la ville cherche ici à faire découvrir et redécouvrir la ville à travers un moyen simple et à but non lucratif, mais avec cependant la proposition de vente d’un objet éditorial en toute finalité de l’événement.
• • Qui ? Ce projet s’articule d’abord pour les parisiens habitants dans Paris, connaissant leur ville (ou croyant la connaître), mais aussi pour les nouveaux citoyens, les primo-arrivants dans la ville encore inconnue.
156 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| STRATÉGIE 1
Quels partenaires ?
157 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| STRATÉGIE 1
Quels collaborateurs ?
• • L’Office du tourisme de la ville de Paris ?
• • Lomography ?
Puisque l’événement se déroule à Paris, il semble judicieux d’établir un partenariat entre la Mairie et l’Office du Tourisme de la ville de Paris. C’est en effet un événement parisien, qui invite au voyage, à la visite même si elle n’est pas balisée et structurée.
L’intervention de la marque d’appareils photo Lomography pourrait être intéressante. La marque baroudeuse et authentique dégage un état d’esprit proche de celui de la flânerie, du hasard du chemin et de la surprise. Les clichés de ses appareils photo en sont la preuve.
• • Le Guide du flâneur ?
Nous pourrions imaginer un prêt d’appareil photo pour l’occasion pour réunir à la fin de ce week-end des milliers de clichés issus des flâneries des parisiens.
L’association du Guide du Flâneur a pour objectif de réunir passion de la randonnée pédestre et découverte des terroirs français en allant à la rencontre des habitants et des initiatives locales qui tissent le lien social et économique du territoire. Pourquoi pas élargir leur secteur d’activité à Paris ?
• • MyLittleParis ? Ce blog (et application smartphone) recense les bons plans parisiens qui sortent de l’ordinaire, atypique, original. Il pourrait donc être un partenaire et diffuser ainsi les informations au sujet de l’événement.
• • Le Bonbon ? Tout comme MyLittleParis, Le Bonbon est une plate-forme internet qui recense les bonnes adresses, les choses à faire dans la capitale. Ce site pourrait lui aussi communiquer l’événement.
• • Orange Orange a réalisé des études au sujet de la localité et durée des appels, leurs nombres, etc., de leurs salariés et ont retranscrit, pour illustrer leur étude, leurs données de façon cartographique. Chaque cartographie porte le nom du salarié en question, on peut parler de cartographie unique et totalement personnelle.
• • RATP ? Pour favoriser et encourager la flânerie, la RATP pourrait permettre de se déplacer librement en métro et en bus pendant les deux jours dédiés à ce week-end.
• • Eram ou André ? Puisque flâner c’est marche, une marque de chaussures pourrait se porter ambassadrice du week-end grâce à un parrainage de l’événement ou la sortie d’une paire de chaussures spécialement stylisées pour l’événement.
Zoom sur le projet… En me référant aux diverses recherches traitant de la flânerie urbaine et du flâneur dans mon Tome 1, je propose ici, un week-end autour de la thématique du flâneur pour permettre aux individus de devenir flâneur, flâneur d’un jour, ce personnage devenu contemporain. À travers ce projet je souhaite amener les parisiens à voir l’essence même de leur ville. Leur faire prendre conscience. Cela demande donc un investissement personnel des participants. Il faut que ces passants-voyageurs-flâneurs soient guidés par cette philosophie. La poésie du voyage s’apprend et se découvre au rythme des découvertes de chacun, à travers une perception à chaque fois différente et des moyens de découverte poétique (signalétique éphémère et absurde), images dans la ville… De plus, le projet photographique envisagé en collaboration avec la marque Lomography permet une poésie en image de cette expérience, grâce aux parcours personnels retranscrits en photo. La subjectivité est donc de mise, la personnalisation des parcours aussi, avec une poésie différente à chaque fois. Enfin, le kit du flâneur permettrait à chacun de porter la casquette de ce personnage et de garder un souvenir de cette expérience, reconductible et renouvelable selon les envies de chacun.
2
2
161 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| SE PERDRE
CHAMP LEXICAL Pour travailler et imaginer des images autour de la notion de pérégrination, d’errance, de labyrinthe, thématique de mon deuxième axe de recherche, j’ai réalisé un second brainstorming des mots, expressions, sensations qui, pour moi, gravitent autour de ces champs lexicaux.
SE PERDRE
Circuit Croisement Code Cacher Deviner Double lecture Pensée Logique Intuition Pérégrination Ligne Ballade
Labyrinthe Chemin Réseau Lien Cerveau Nerfs Neurone Surprise Errance Ensemble Chemin Pérégrination
162 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| SE PERDRE
ERRANCE NOCTURNE Ce travail a débuté avec la lecture d’un poème « Nuit de tempête » de Rainer Maria Rilke. Lire, encore et encore, m’imprégner de ses mots, de leurs sonorités et de leur sens. Après de nombreuses relectures, j’ai cherché ce à quoi pouvait s’opposer le poème, dans notre société actuelle. La nuit, l’errance, les morts, la solitude : Le Métro bien sur ! Ses couloirs dans lesquels les gens déambulent en se bousculant, ses wagons dans lesquels s’agglutinent contre les vitres de mornes individus comme dans les wagons de bestiaux. Ce travail est donc le résultat photographique de 8 heures d’errance dans le métro parisien, sous la terre, éclairé de lumière artificielle. Le poème étant divisé en 8 parties, j’ai ressorti 8 termes importants par partie et choisi de réaliser ce travail en 8 heures pour que cette réalisation suive un système numérologique et cyclique. Observer, suivre ces gens pressés qui vivent cachés, c’est ainsi que j’ai perçu clairement l’image d’une ville nocturne et souterraine avec ses formes et ses matériaux. Ce travail photographique m’a par la suite permis d’ériger une carte de mes déplacements et lieux ou des photos ont été prises. Je me suis mise dans la peau du flâneur-traquant. En suivant secrètement le quotidien de tous ses individus anonymes, j’ai découvert un nouveau regard sur celui qui flâne. Car le flâneur, par son seul geste de flâner dans l’espace public, devient suspect. Raymond Depardon en a d’ailleurs fait la même expérience : « Il paraît que l’errant a une drôle d’allure. Un jour, j’ai été dénoncé à la police, place Vendôme, par les commerçants, je faisais des photos, j’avais, paraît-il, une drôle d’allure. » Marcher au ralenti, déambuler dans les rues procure un plaisir tout particulier. On est débordé par la hâte des autres. Les gens pressés, eux, ne déambulent pas quelque part, ils vont vers un but précis en un temps déterminé.
NUIT DE TEMPÊTE Huit planches et une page titre
i PARTIE 7
PARTIE 8
15h08
iI
16h12
iII
18h18
iV
08h49
i
15h08
iI
16h12
iII
18h18
iV
08h49
V
11h33
VI
10h05
VII
12h00
VIII
16h52
V
11h33
VI
10h05
VII
12h00
VIII
16h52
i
15h42
iI
17h50
iII
18h46
iV
10h28
i
15h42
iI
17h50
iII
18h46
iV
10h28
V
18h14
VI
10h10
VII
18h34
VIII
16h19
V
18h14
VI
10h10
VII
18h34
VIII
16h19
166 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| SE PERDRE
PARCOURS PRISON La ville est parsemée de lignes et de motifs graphiques, tous indiquant une direction, une interdiction, en fait une règle à respecter. J’ai voulu répertorier cela pour voir la variété d’images existantes et donc visiter mon quartier à travers un parcours contraint par diverses indications rencontrées sur des panneaux et au sol. Ce que j’en ai conclu, c’est que peut-être de manière inconsciente, les formes labyrinthiques sont récurrentes.
168 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| SE PERDRE
LABYRINTHE CITADIN La ville est en elle-même un grand labyrinthe, mais en flânant dans les rues de la capitale, j’ai tenté de montrer que l’errance pouvait relever de la cinéplastique c’est-à-dire par le pouvoir de donner la forme par le déplacement. L’axe du labyrinthe m’a permis d’expérimenter la manière de capturer l’expérience de la déambulation. Il y a les rails, qui donnent une direction et qui, une fois assemblés proposent un parcours. Il a aussi les motifs des routes, des autoroutes qui représentent un labyrinthe en soi.
170 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| SE PERDRE
TRAITÉ LABYRINTHIQUE Recherches vectorielles de ce qu’on appelle le Labyrinthe pour un potentiel futur support digital. Chaque labyrinthe débute par un trait et ce trait, m’a été inspiré d’un tableau d’hexagrammes de la Chine antique. Ceux-ci sont composés de 64 symboles faits de traits pleins ou coupés. Le tableau est organisé avec une répétition des mêmes symboles. La symbolique est ésotérique et a donné naissance au « Grand livre des changements » basé sur le Ying et Yang et mis en relation avec les signes astrologiques. Le tout se divise en 2 puis le 2 se divise en 6 et le 6 se divise en 64 et les 64 symboles représentent l’origine (eau, terre, feu, etc.). En les combinant entre eux, ils codifient les 10 000 êtres et choses créés par les divinités, selon le taoïsme.
ICI ET MAINTENANT
172 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| SE PERDRE
OUI
CROYEZ-VOUS AU HASARD ?
VOYEZ-VOUS LES NUAGES ?
OUI
AVEZ-VOUS UN STYLO SUR VOUS ?
NON
SUIVEZ UNE VOITURE ROUGE
NON
NON
CHOISISSEZ 3 RUES. SUIVEZ-LES
OUI
NOTER 3 MOTS
DEMI-TOUR !
NON
OUI
NOTER 3 MOTS OUI
SUIVEZ L’ITINÉRAIRE LABYRINTHE « ICI »
174 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| SE PERDRE
VILLE-ÉNIGME Je me suis questionnée quant à la caractéristique de la déambulation à l’aide d’un dispositif tel que le QR code. Graphiquement très proche de l’image que nous avons du labyrinthe, ce code digital propose des données propres à un seul code destiné à être scanné pour accéder à l’information qu’il véhicule. Le flashcode est un de ses codes que l’on rencontre très fréquemment sur les affiches, les magazines, les flyers et qui représente un signe, de premier abord abstraits et incompréhensible. La forme de celui-ci est faite de carrés noirs et blancs représentant un paysage numérique de données. J’ai donc voulu revisiter le QRcode à travers un caractère typographique et des images.
178 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| SE PERDRE
LOGO RÉSEAU Proposition de logo pour une application smartphone. Représentation graphique du lien, du réseau, du labyrinthe, proche de la notion de perdition avec une petite difficulté pour le lire.
errance urbaine
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errance urbaine
180 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
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AFFICHE-SIGNALÉTIQUE Inspiration du labyrinthe, de la notion de flânerie et d’errance pour ces affiches directionnelles. La typographie est personnifiée et se perd comme le passant qui erre dans nombreuses ruelles qu’une ville peut cacher.
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182 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
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JE FLÂNE DONC JE SUIS Proposition d’affiche pour un évènement dont la phrase d’accroche est celle de René Descartes, mais transformée. Cette affiche parle de foule, de temps, de rythme.
JE FLÂNE DONC JE SUIS
JE FLÂNE DONC JE SUIS
27 et 28 Septembre 2014
27 et 28 Septembre 2014
184 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
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PENSÉES DÉSORDONNÉES C’est le bordel dans ma tête : poésie des pensées perdues qui forme un nuage labyrinthique de pensées.
186 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| SE PERDRE
L’ILLUSION EST PARTOUT Le labyrinthe n’est que l’illusion d’un chemin tracé. Il forme un chemin qui mène une information. Le but n’est pas ici de guider le flâneur, mais de le perdre en lui donnant l’illusion qu’il suit un chemin balisé. C’est-à-dire que le QR code flashé ne mènera à rien ou sinon à des mots, des images.
188 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
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FANTOMATIQUE Proposition d’animation visuelle sur les façades des maisons durant la nuit, la journée, avec des portraits, des mots, formant des messages et des énigmes… À cela s’ajoute des panneaux directionnels lumineux sur les lesquels des affiches et des messages qui eux-mêmes changent sur un laps de temps donné. Les directions indiquées ne sont donc pas définitives et le passant est voué à se perdre.
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PAR LÀ
190 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| SE PERDRE
THE MEMORY OF THE PRESENT-DAY
MESSAGE PIXELISÉ Jeu avec des pixels sur les murs de la ville, dévoiler un portrait, un message, des témoignages de flâneurs.
THE MEMORY OF THE PRESENT-DAY
THE MEMORY OF THE PRESENT-DAY
HYPOTHÈSE : LABYRINTHE PUBLIC
195 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
Pourquoi grand public ? Cette hypothèse traite le sujet de la flânerie et de l’errance urbaine de manière plus large et moins ciblée. En effet, les parisiens, vous, moi n’avons pas de temps à perdre et encore moins pour ne rien faire. Et pour que le comportement de flâneur puisse être accepté et que les individus soient réceptifs facilement, il faut élargir sa cible et donc sa manière de communiquer. Parce que la liberté du flâneur peut faire peur. Nous vivons dans une société où tout est dirigé, calculé, rien n’est justement laissé au hasard. « Flâner » ne doit pas devenir synonyme de « perte de temps ». Flâner doit rassembler, fédérer, doit rentrer dans les mœurs : souffler, inspirer, et soudain on respire mieux. Un autre rythme et les soucis s’effacent. Loin de l’agitation et du bruit, et pourtant au cœur de la ville, qu’il est bon de profiter de ce magnifique paysage. Paris est belle, mais les parisiens ne le voient même plus. Coute que coute, il faut redécouvrir la vie en ville. Naturellement.
Idées d’accroches ? — — — —
La ville est à nous Parle à ta ville L’espace à marcheurs Vous êtes ici
196 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
Flâner à Paris ?
ZOOM CITY Proposition d’affiche inspirée du zoom photographique.
Flâner à Paris ? Regarder la ville avec un nouvel œil
Regarder la ville avec un nouvel œil
198 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
JE SUIS PASSÉE PAR LÀ Ces créations montrent une similitude avec des codes d’une carte vue du ciel, faite de zones colorées dont on ne sait pas toujours ce à quoi elles correspondent. Les plans des villes souvent placés, sous verre sur ces grands panneaux d’affichage, se verront donc remplacés par des faux plans.
200 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
APPRENDRE LABYRINTHE La ville, ce labyrinthe gigantesque qui regorge d’endroits cachés, inconnus, nouveaux.
À APPRENDRE
À
FLÂNER
FLÂNER 8 MAI 2015 SORTIE DU NOUVEAU GUIDE DU ROUTARD POUR APPRENDRE À FLÂNER
8 MAI 2015 SORTIE DU NOUVEAU GUIDE DU ROUTARD POUR APPRENDRE À FLÂNER
202 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
N’ALLEZ PAS LÀ OÙ LE CHEMIN PEUT MENER.8 9 ALLEZ LÀ OÙ IL N’Y A10PAS DE CHEMIN ET LAISSEZ MAI UNE TRACE 2014 dans la
ENIGME
CARTOGR-AFFICHE Mélange de citations, de signes cartographiques pour cette affiche annonçant l’événement autour de la flânerie dans Paris organisé par Le Guide du Routard.
DE LA
N’ALLEZ PAS LÀ OÙ LE CHEMIN PEUT MENER.8 9 ALLEZ LÀ OÙ IL N’Y A10PAS DE CHEMIN ET LAISSEZ MAI UNE TRACE 2014 dans la
ENIGME
DE LA
Ville
Renseignements sur www.routard.fr
Ville
Renseignements sur www.routard.fr
204 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
PARCE QUE DÉCIDER D’ALLER NULLE PART
TYPOGRAPHIE Imaginer des caractères typographiques inspirés des notions de voyages, de cheminement et de surprise.
COMMENT DECOUVRIR UNE VILLE AUTREMENT ?
QUOI OU QUAND COMMENT POURQUOI
C’EST DÉJÀ DÉCIDER D’ALLER QUELQUE PART
206 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
EXPÉRIENCE Nouvelle charte pour un travail éditorial proposé par le Guide du Routard. Ce livre pourrait proposer des parcours atypiques dans la ville, loin des grands axes touristiques.
VOYAGER EN FLÂNANT
HASAREMENT VÔTRE Parce que décider d’aller nul part, c’est déjà décider d’aller quelque part
PARIS
20eme a
LAURA 02/05/15 18:46 RUE LOUIS MICHEL LEGRAND
qu’est-ce que le hasard ?
INVITATION AU VOYAGE
208 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
TRAITS DE RUES L’important dans la flânerie ce n’est pas savoir où l’on va, l’important, c’est le chemin que l’on prend, l’important, c’est la ligne. Bribes de chemins, de lignes de rue pour former le mot « flânerie ».
210 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
VILLE EN RÉSEAU Paris est une ville en réseau. Elle est reliée de partout. On peut la visiter en métro, en bateau, en taxi, à vélo. Proposition ici d’une signalétique faite de lignes réseautées, parfois seules, parfois qui se rejoignent. Elles deviennent des lignes colorées de guidages à l’air libre. Sur les pavés, flânez !
RIE
E FLÂN
N° 2
212 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
18e FLÂNERIE
bla bla bla bla bla bla
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WEEK-END DÉCOUVERTE FLÂNER ––––––––– À PARIS
Guillaume Farges 36 ans
VOYAGER AUTRMEENT –– 22 MAI 2015
Autre proposition d’affiche et de design de site internet développés autour de la notion de liens et de réseaux.
214 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
ESCALATOR Utiliser les moyens existants pour donner à lire des messages urbains, des directions temporairement visibles comme par exemple ceux sur les marches d’un escalator.
N’ALLEZ PAS Là OU
LE CHEMIN
EST
TRACÉ
IL
VOUS
PERDRA
216 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
Le système de recherche d’indices permet de rassembler un grand nombre de personnes et la motivation est certaine s’il y a en plus une récompense à la fin.
AU LOIN, LÀ-BAS...
POURQUOI ALLER LÀ, QUAND ON PEUT
Cette proposition est une communication entièrement faite à la main pour un côté aventurier, réaliste et personnel. À la craie ou à la peinture des messages, des indications et autres directions seraient graffés sur des trottoirs, des murs. Cela inciterait donc les intéressés à scruter l’espace dans lequel ils évoluent pour trouver ces indices dissimulés.
LÀ-BAS ?
MESSAGES ANONYMES
AU LOIN, LÀ-BAS...
218 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
CONTEMPLATION BRUYANTE Un travail avec des designers pourrait être envisagé ici. Il leur serait demandé d’imaginer un banc, objet du flâneur puisqu’il peut s’y poser pour contempler ce qui l’entoure. Ces bancs seraient ensuite placés à des endroits ou il fait bon se poser, attendre ou penser. Sur chaque banc, un QRcode serait gravé et celui-ci, en le flashant, mènerait à une plate-forme digitale réalisée pour l’occasion. Celle-ci n’aurait aucun but précis si ce n’est fondre et refondre les paysages urbains dans le bruit de la ville imagé par des citations, des mots qui donnent à réfléchir.
VISEZ VOTRE OBJECTIF QUE LE QRCODE CE PROGRAMME RECONNAIRTRE ET VALIDERA LE MOTIF.
PRENEZ UNE PHOTO DE L'ENDROIT
DOUCEMENT LE BRUIT DE LA VILLEº
REFAIT SURFACE
REFAIT SURFACE
REFAIT SURFACE
220 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| HYPOTHÈSE 1
J’IRAIS OU TU IRAS Proposition d’une carte-parcours sur mesure grâce à un générateur d’itinéraire. Celui-ci se nourrit de tout type d’informations pour avoir ensuite, la possibilité de créer des milliers de combinaisons de flâneries dans une même ville.
Quel est ton jour de visite ? J
M
A
Combien de temps restes-tu ? 2 Enfant ? 2
Adultes ? 1
Je suis avec ? Quelle est ton humeur ? Degré de surprise
86 %
STRATÉGIE DE COMMUNICATION N° 2
225 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| STRATÉGIE 2
STRATÉGIE 2 : NOUVEAU GUIDE Suite à mes nombreuses recherches et flâneries graphiques autour des notions de poésie dans la ville et flânerie urbaine, je propose l’élaboration d’un week-end dédié à la flânerie pour redonner envie aux habitant d’une ville de regarder leur ville a ville autrement.
EN 2 MOTS Contexte — Moyens de communication pour visiter une ville souvent semblables. — Guide du Routard, marque à image vieillissante. — Déambuler dans la ville en flânant n’est pas la priorité des guides de voyage
Objectif — le Routard et l’association Guide du Flâneur s’associent — A deux, il veulent rajeunir l’image de la marque grâce à une nouvelle alternative de visiter une ville (hasard)
Cible — Habitués des guides — Personnes à la recherche de nouvelles expériences
Commanditaire — Guide du Routard
Promesse — Donner à voir une nouvelle image de la ville et offrir une expérience alternative.
Supports — Événement-buzz pour lancer un nouveau guide pour flâner dans à Paris — Nouvelle application digitale
Pourquoi faire le buzz ? De nombreuses études sur l’efficacité publicitaire ont été réalisées au cours de ses dernières années et démontrent que les techniques de communication classiques sont de moins en moins efficaces. Pour gagner l’attention et l’intérêt du consommateur, les annonceurs sont appelés à faire évoluer leur communication en faisant appel à de nouvelles techniques publicitaires plus subtiles. Le buzz marketing se situe à la tête des techniques qui ont connu une grande expansion. Il utilise l’implication du consommateur pour arriver à ses fins. Cette technique se base sur l’impact du bouche-àoreille pour faire augmenter de façon phénoménale le nombre des destinataires d’une campagne publicitaire. Ce buzz sera donc à la base du lancement d’une nouvelle gamme de guides alternatifs, rédigés en collaboration avec des blogueurs, et sur des thèmes originaux (flâner à paris, visite des lieux inutiles). En utilisant le buzz, le Guide du Routard redynamise son image grâce à une communication percutante. De plus, collaborer avec un autre guide, le Guide du flâneur permet de recentrer de nouveaux supports de communication, de le rendre plus intime, plus personnel, urique, plus hasardeux, loin de l’industrie des guides touristiques connus. Enfin, le concept d’éditions éphémères (par son contenu et par sa réalisation) réalisées avec l’aide de blogueurs sur des thèmes alternatifs contribue à rajeunir l’image de la marque.
Pourquoi communiquer avec des supports print et digitaux ? Le Guide du Routard est principalement connu pour ces supports éditoriaux. C’est pourquoi il est indispensable, pour ne pas perdre la clientèle habituelle et de continuer sur la même lignée. Cependant, le digital reste peu présent dans le domaine du guide touristique. Même si aujourd’hui, le Guide du Routard a réalisé deux applications digitales et tient à jour un site internet, celui-ci n’est pas stratégique puisqu’il reproduit les informations des guides, mais de façon digitalisée. De ce fait, il semble judicieux de développer de nouveaux supports afin de pallier le manque.
226 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| STRATÉGIE 2
Pérenniser ce projet ? Ce projet se développe autour des notions de hasard, découverte et de déambulation dans la ville. Il parait intéressant de proposer une publication unique, un guide éphémère (jusqu’à s’autodétruire ?). Cela permettrait de renouveler l’engouement collectif et d’entretenir un enthousiasme chez les utilisateurs et visiteurs. De plus, relancer l’utilisation du support digital avec un nouveau concept permet d’amener de nouveaux intéressés tout en restant actuel. Manière aussi de s’opposer à l’obsolescence des guides sur support papier.
Zoom sur le projet… • • Où ? Le buzz de départ aura lieu dans la ville de Paris, puisque le Guide du Routard est français, autant démarrer ce concept dans la capitale. De plus c’est le lieu le plus approprié pour créer le buzz puisque la ville brasse une multitude de personnes et le bouche-à-oreille pourra donc être fructueux. Enfin, c’est une destination touristique par excellence, où les habitués ne s’attendent plus à être surpris.
• • Quand ? Pendant 3 semaines se déroulera l’événement déclencheur du buzz. Il y a la nécessité d’éphémère pour rendre l’expérience plus intense et excitante. Il sera précédé de trois semaines de communication. Au début, il s’agira d’une communication énigmatique, pour susciter la curiosité. Ensuite, la communication deviendra plus standard avec une multiplication des supports d’annonce, etc. Les passants pourront donc participer et découvrir ce que le Guide du Routard leur aura préparé, mais aussi en parler autour d’eux et amener de nouvelles personnes propices à participer. Une fois le buzz terminé, une étude d’impact sera réalisée et partagée avec les commanditaires. Une cartographie individualisée sera aussi livrée aux participants dans un délai d’un mois.
• • Comment ? Le projet tourne autour du hasard et de la volonté de se perdre dans la ville pour mieux la découvrir. Le QRcode, code énigmatique et proche de la complexité du labyrinthe, permet de rendre compte de cette notion d’aléatoire, de hasard. Parsemé partout, personne ne sait ce qu’il cache. Il faut le flasher, suivre des instructions et ainsi de suite.
227 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| STRATÉGIE 2
Plusieurs affiches composées de multiples QRcodes seront disséminées dans la ville et les utilisateurs pourront au hasard, flasher l’un d’entre eux. Comme rien ne ressemble plus à un QRcode qu’un autre QRcode, les participants se livreront eux-mêmes au jeu du hasard. Ces codes indiqueront des énigmes, des fausses directions, des citations ou tout simplement… le néant. Chacun d’entre eux les renverra ensuite sur une plate-forme digitale créée pour l’occasion avec la possibilité de poster des photos floues, de leurs flâneries. Cette expérience a pour but d’être expérimental. Cela permettra par la suite de faire connaître le concept viral et digital de l’événement développé par la marque et du concept original lancé par celle-ci. Une fois le buzz terminé, une étude d’impact sera alors produite et partagée avec des commanditaires. Pour les participants, afin de garder une trace de cette expérience, leurs trajets seront mémorisés sur l’application et une cartographie individualisée leur sera remise au bout de paliers de 5, 10, 15 ou 20 validations de flash. La récompense pour le meilleur flâneur permettra de (i) rejoindre l’équipe en charge de la prochaine publication du Routard, (ii) voir son propre parcours publié sous le titre « la Bible du flâneur à Paris », (iii) de recevoir gratuitement les nouvelles éditions éphémères publiées par le Routard et le Guide du Flâneur.
• • Qui ? Ce projet s’articule principalement pour les parisiens habitants voyageurs, habitants, touristes, personnes joueuses et présentes dans la ville au moment où se déroule l’événement.
Quels partenaires/collaborateurs ? • • Blogueurs (Fabrice Dubesset et Christopher Chriv) Aux vues de l’emprise des blogueurs actuels, il peut être intéressant de s’allier avec quelques un d’entre eux pour personnaliser l’offre et toucher encore plus une cible précise.
• • Le Vieux Campeur Le Vieux Campeur est une chaîne de magasins française d’articles de sports et de loisirs. Celui-ci pourrait, en collaborant au projet, développer une ligne vestimentaire ou des articles spécifiques au flâneur urbain.
229 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 1
| CONCLUSION
CONCLUSION Les multiples recherches présentes dans le Tome 2 développent un univers graphique autour de la flânerie et du voyage entre imaginaire, poésie et réalité. De ces créations sont nées des idées qui ont amené l’hypothèse de deux stratégies envisageables dont le but est de proposer aux parisiens de flâner dans leur ville, loin des lieux quotidiens. Pour rappel, l’essence de mon projet de diplôme s’articule autour du développement d’un moyen pour redonner envie aux individus de prendre le temps et de (re)regarder leur ville, par le biais du comportement du flâneur, chose qui n’est plus de l’ordre de la priorité aujourd’hui. L’enjeu principal de ce projet est tout d’abord celui de rendre compte de ce comportement qui n’est pas commun ainsi que de promouvoir le flâneur comme comportement légitime dans une société accélérée. Pour cela des ébauches de réponses ont été imaginées à travers 2 stratégies et 3 hypothèses dans lesquelles la flânerie est vue : — comme acte poétique — comme un jeu urbain — comme inconnue qui se doit de se faire connaître du grand public. Ces différentes phases de recherches m’ont ainsi permis d’aborder de manière différente la flânerie avec toujours l’intention de mettre en avant le flâneur, ce personnage (extra)ordinaire.
231 | CARTOGRAPHIE DU FLÂNEUR | Tome 2
| INTENTIONS DEINALISATION
INTENTIONS DE FINALISATION La réalisation de ce second Tome a permis de montrer les multiples facettes visuelles que pouvait avoir la flânerie. Après avoir élaboré mes 2 stratégies autour de problématiques et hypothèses posées, je me suis aperçue que chacune d’entres-elles ne s’opposent pas tant que cela, elles se complètent. L’une annonce un événement et la thématique autour de laquelle il tournera : la flânerie et la poésie de la ville ; et la suivante amène le déroulement de l’événement à travers une flânerie dans la ville, des codes dispersés, etc. C’est pourquoi, pour la finalisation de mon projet, je souhaite faire fusionner plusieurs pistes évoquées ici, proposer une communication poétique parlant de flânerie urbaine. Flâner c’est être dans un autre monde et aborder celui-ci différemment. Flâner m’évoque une communication cachée, suggérée. Mêler poésie urbaine à celle que l’on peut ressentir en se perdant corps et âme dans les rues labyrinthiques d’une capitale. La phase de finalisation se matérialisera en une stratégie de communication finale et définitive, annonçant la mise en place d’un événement public proposant aux citoyens d’une ville, Paris, de devenir flâneur d’un jour. Ce nouvel événement impliquera le développement d’un ensemble de supports de communication afin de promouvoir le mode de vie de pensée, de déplacement du flâneur contemporain auprès des citadins d’aujourd’hui. Annonce d’un WEEK-END DÉDIÉ À LA FLÂNERIE.
MASTÈRE Stratégie de Communication par l’Image
2013-2014