Sarah ALBRAND-Restauration d'une oeuvre culturelle composite du sud de l'Inde

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ECOLE DE CONDE Département Conservation-Restauration Spécialité peinture de chevalet

Restauration d'une œuvre cultuelle composite du sud de l'Inde Etude de l'influence de trois techniques de moulage sur la brillance d'une résine synthétique

Mots clés : Inde – Tanjore – objet de culte – Hindouisme – Ramayanâ – panneau de bois – verre – miroirs – pierres semi-précieuses – feuille d'or – déontologies Orient/Occident – brillance-mètre – brillance – Epoxy EC-161 – Epoxy WWA HT

Mémoire présenté et soutenu publiquement par

Sarah ALBRAND

Mastère II – Promotion 2016



Remerciements J'adresse pour commencer un Merci tout particulier à Marie Parant, qui a été comme un ange gardien pour moi depuis le début de mon aventure de restauratrice et qui m'a confié ce tableau. Merci pour sa confiance et sa générosité si inspirante. Merci à mes professeurs de restauration Yves Crinel, Olivier Nouaille et Marguerite Szyc pour leur patience, leur dévouement et leurs encouragements quand nécessaire. Je remercie également mes tuteurs Philippe Ollier et Claude Pepe. Merci à Mélodie Bonnat pour ses conseils avisés et sa passion contagieuse. Merci à tous les spécialistes d'ici et d'ailleurs qui m'ont répondu, aiguillée et fait avancer toujours plus loin sur des chemins de traverse que je n'aurai pas forcément empruntés et au bout desquels était souvent cachée une grande richesse. Un très grand Merci aux secrétaires de l'école, Sylvia Boisdur, Nathalie Fradet et Frédérique Planchon pour leur travail et leur chaleur irrésistible. Un Merci infini à mes parents, pour m'avoir donné cette belle indépendance et cette intarissable curiosité qui sont de grandes forces. Merci à ma sœur pour sa présence quotidienne si précieuse. Enfin un grand Merci à mes amies de cœur Maud Pouliot et Océane Minot, à Estelle Brunet, ainsi qu'à cette belle tribu de restauratrices en herbe dont la présence chaque jour a été aussi colorée que riche, sans jamais cesser de me surprendre et de me ravir.

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Résumé Cette représentation est extraite de l'épopée indienne du Ramayanâ. Elle dépeint le retour d'exil du prince Ramâ et son sacrement à Ayodhya (capitale de son royaume). Autour du roi sont regroupés sa femme Sitâ, ses trois frères, de nombreux sages ainsi que tous ses alliés (dont une armée d'ours et de singes). Cette œuvre est composée d'un panneau de bois recouvert de toiles de coton sur lesquelles ont été appliqués des colorants naturels ainsi que des incrustations de verre et de pierres semiprécieuses. Par endroits est également présente une fine feuille d'or. La réintégration des différents éléments de l’œuvre, dont des perles de verre, nous a entraîné à nous intéresser scientifiquement à la brillance des résines Epoxy, envisagées comme substitution. Le support de l’œuvre était fendu sur toute sa longueur. Afin de le consolider, une ancienne restauration avait déjà été effectuée. Ainsi, près de la moitié de sa surface avait été recouverte de pâte à bois, de papier, puis largement repeinte. Ces matériaux lourds et de stabilité douteuse entraînaient un manque de cohésion et d'adhésion entre les différents matériaux. Un vernis oxydé et inégal était présent sur la surface, altérant les couleurs et créant d'épaisses concrétions noirâtres. La première étape de la restauration a été le nettoyage de ce vernis ainsi que des repeints les plus problématiques. Un adhésif naturel a ensuite été injecté à l'aide d'une seringue afin de renforcer l'adhésion entre les couches. La précédente restauration maintenant la fente du panneau a été retirée afin d'effectuer une consolidation plus appropriée. Finalement, les lacunes de couche picturale ont été comblées et retouchées. Le but de cette restauration a été de redonner à cette œuvre unité et harmonie, malgré les matériaux hétéroclytes et les repeints conservés.

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Abstract The painting has been extracted from the Ramayanâ indian tale. It depicts the return of Ramâ from exile and his coronation in Ayodhya (capital of his kingdom). The king Ramâ is surrounded by his wife Sitâ, his three brothers, holy men and all his allies (including an army of bears and monkeys). This artpiece was created with natural dyes applied on a coton cloth pasted on a wood panel with glass and semi-precious stones incrustations. Some parts were also covered with a thin 22carats gold foil. The reimplacement of some of those peculiar materials (semi-precious stones and glass) brought us to scientifically study the different glosses of Epoxy resins. The wood panel supporting the painting presented a deep break running through all its high. In order to fix this, the panel had undertaken a previous restoration intervention. Half of its surface had been covered with wood fibers paste and paper, then overpainted. Those differences between thick layers created a general lack of adhesion whithin and between the various materials. An old and inequal varnish had also been applied on the surface, altering the colors and creating thick dark patches. The first step of our intervention was to take off the oxidized varnish and the thickest overpaints. A natural adhesive has then been injected with a needle in order to strenghten adhesivity between the different layers and materials of the painting. The previous restoration intervention supporting the wood panel's break was removed in order to repair it properly. The last part of the intervention consisted in the filling of the losses on the surface and the retouching. During this process we aimed at giving the painting unity and harmony back, despite the different materials and remaining overpaints.

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Fiche d'identification

Illustration 1: Revers de l'oeuvre, avant restauration

Illustration 2: Oeuvre vue de face, avant restauration Date d'entrée en atelier : 04/09/2014 Propriétaire : Propriétaire privé

Appellation de l’œuvre : Sri Ramapattabhishekam, Couronnement de Ramâ. Epoque de création : XIXe ou XXe Attribution : Artiste(s) inconnu(s) appartenant(s) à l’École de Tanjore Technique : Encres, feuille d'or, pierres semi-précieuses, perles de verre et miroir sur toiles marouflées sur un panneau de bois. Dimensions : 50,7x40,2cm Etat de conservation : Le support bois présente plusieurs fentes. La couche picturale révèle de nombreuses lacunes de genres divers, des craquelures et d'importants manques d'adhérence. On relève également des repeints conséquents. ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 6


Table des matières Remerciements.....................................................................................................................................3 Résumé.................................................................................................................................................4 Abstract.................................................................................................................................................5 Fiche d'identification............................................................................................................................6 Avant-propos........................................................................................................................................8 Introduction générale............................................................................................................................9

ETUDE HISTORIQUE Introduction ........................................................................................................................................11 La découverte d'une œuvre tangible...............................................................................................12 O De l'étude de sa matérialité.......................................................................................................13 O … à la source de sa création.....................................................................................................16 Le sens d'une œuvre sacrée..............................................................................................................19 O Suivre le fil de la foi..................................................................................................................20 O Une vertueuse assemblée..........................................................................................................24 O Un hymne à la dévotion............................................................................................................35 O Conclusion................................................................................................................................37

ETUDE SCIENTIFIQUE Présentation des différents paramètres..........................................................................................40 O Choix des résines......................................................................................................................40 O Techniques de moulage.............................................................................................................42 O La brillance...............................................................................................................................42 O Le Brillance-mètre....................................................................................................................43 O Hypothèse.................................................................................................................................43 Protocole expérimental.....................................................................................................................44 O Fabrication des prototypes........................................................................................................44 O Fabrication des moules.............................................................................................................45 O Fabrication des échantillons......................................................................................................46 Répétabilité ......................................................................................................................................47 Mesures et interprétations...............................................................................................................51 O Epoxy WWA HT.......................................................................................................................51 O Epoxy E-161.............................................................................................................................55 O Confrontation des résultats.......................................................................................................58 O Conclusion................................................................................................................................59

ETUDE TECHNOLOGIQUE Examen des éléments constitutifs....................................................................................................62 O Le bois.......................................................................................................................................63 O Les toiles ..................................................................................................................................64 O Enduit n°1 avec dessin préparatoire..........................................................................................66 ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 7


O Enduit n°2 : assiette rouge........................................................................................................66 O Enduit n°3 : d' incrustation........................................................................................................68 O Les incrustations.......................................................................................................................69 O Enduit n°4 : assiette jaune.........................................................................................................76 O Peinture originelle.....................................................................................................................77 O Première campagne de repeints ...............................................................................................78 O Deuxième campagne de repeints..............................................................................................80 O Vernis........................................................................................................................................83 O Enduits et papiers de maintien au revers...................................................................................84 Relevé des altérations.......................................................................................................................86 O Altérations du support bois.......................................................................................................86 O Manques d'adhésion aux interfaces...........................................................................................90 O Craquelures...............................................................................................................................90 O Lacunes.....................................................................................................................................90 O Repeints.....................................................................................................................................90 O Oxydation du vernis..................................................................................................................91 O Empoussièrement......................................................................................................................91 Diagnostic..........................................................................................................................................92 O Nécessité de traitement.............................................................................................................94 O Cahier des charges....................................................................................................................95 Proposition de traitement................................................................................................................96 Protocole de dévernissage................................................................................................................99 Compte-rendu de restauration......................................................................................................105 o Dépoussiérage...........................................................................................................................105 o Dévernissage.............................................................................................................................105 o Allègement des repeints............................................................................................................106 o Refixage (face/revers)...............................................................................................................118 o Consolidation du support..........................................................................................................119 o Reprise de la stratigraphie côté face.........................................................................................124 o Incrustations..............................................................................................................................127 o Retouche...................................................................................................................................130 Conclusion générale........................................................................................................................137

ANNEXES Glossaire...........................................................................................................................................140 Le Ramayanâ....................................................................................................................................141 Nature des éléments – Tests..............................................................................................................146 Relevé des lacunes............................................................................................................................148 Observation aux Ultraviolets – Interprétation..................................................................................155 Radiographie et interprétation..........................................................................................................157 Fiches techniques..............................................................................................................................159 Bibliographie....................................................................................................................................173 Table des illustrations.......................................................................................................................175

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Avant-propos Au cours d'un voyage en Inde il y a quelques années, nous nous étions arrêtés à Tanjore, petite ville du Sud de l'Inde. En visitant le temple principal, nous avions surpris la répartie d'une guide face à une question d'un visiteur. Elle avait déclaré que la restauration telle qu'on la percevait en Occident était un terrible sacrilège en Inde, car la tradition a de tout temps été de recouvrir les fresques abîmées par du neuf. Les nouvelles couches deviennent alors sacrées et « intouchables ». Il est amusant aujourd'hui que l’œuvre que nous avons restaurée durant ces deux années avec tout notre cœur et notre dévouement provienne exactement de cette même ville. Ce tableau s'est présenté comme un cadeau. Lorsqu'il nous est arrivé entre les mains, nous avons su sans hésiter que nous souhaitions en faire l'objet de notre mémoire, malgré les défis que ce choix entraînait... ou peut être grâce à eux. A quelle autre occasion en effet aurions-nous eu la chance et le cadre permettant un examen aussi approfondi de tous les domaines que nous a permis de découvrir cette œuvre ? Des ateliers de miroiterie parisiens aux chantiers himalayens, avec l'aide de spécialistes nombreux et bienveillants, chaque pas a été une aventure en soi. Avoir à faire à une œuvre d'art asiatique nous a permis une remise en perspective de tous nos automatismes et certitudes. C'est donc avec de l'ambition, mais surtout une profonde humilité et infiniment de joie que nous avons relevé ce défi quotidien et que nous le présentons à présent.

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Introduction générale C'est par une étude historique que nous initierons ce travail de mémoire. Il nous a en effet semblé essentiel d'approfondir au mieux nos connaissances sur l’œuvre avant d'entamer sa restauration. Sa plastique nous entraînera dans le Sud de l'Inde, d'où elle provient. Ce sont en effet leurs méthodes de fabrication si atypiques qui nous permettront de faire le lien avec son lieu de création. Les nombreux éléments de la représentation seront ensuite apprivoisés, jusqu'à faire jaillir d'elle-même la scène déposée sur ce panneau. De celle-ci finalement nous pourrons extraire le message profond de cette œuvre, son rôle et son essence. Toujours en lien avec les matériaux si particuliers propres à cette peinture, dont les perles de verre, nous développerons notre étude scientifique autour de la brillance de certaines résines Epoxy. Grâce à des moules réalisés de différentes manières, nous serons à même de comparer les effets de surface obtenus. Cette expérimentation nous sera extrêmement utile lors des opérations de restauration. Dans la dernière (mais non la moindre) partie de ce mémoire nous aborderons le complexe et passionnant travail qu'a été le processus de restauration de ce tableau. Ce sinueux cheminement nous a mené de la réception et la découverte matérielle de cette œuvre à des choix d'intervention parfois risqués, mais toujours accompagnés et mûrement réfléchis. C'est dans un grand respect pour cette œuvre issue d'une culture aux mille couleurs que chaque opération a été menée à bien. Un glossaire des termes indiens est annexé à ces travaux. L'orthographe issue de la traduction du sanskrit que nous avons trouvée pour chaque mot variant d'un ouvrage à un autre, nous utiliserons la plus répandue.

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Étude Historique

« Tant que les montagnes et les mers Sculpteront ce morceau de Terre, Le Ramayanâ vivra toujours, Sauvant les hommes par l'Amour. » Ramayanâ (extrait)

Illustration 3: Sitâ dans les bois, Garhwal, vers 1800, Collection C. L. Bharani

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Introduction Face à une œuvre aussi atypique, nous avons avant tout cherché à emmagasiner un maximum d'informations, que ce soit sur les techniques de création, sur l'iconographie, ou sur le rôle de l’œuvre. En effet, ce n'est qu'en prenant pleinement conscience du sens de ce panneau et de sa valeur (matérielle, historique, sacrée) que nous serons le plus à même de faire des choix de restauration cohérents et adaptés. Il y avait plusieurs questions auxquelles nous souhaitions apporter une réponse dans cette étude. La provenance de l’œuvre et son contexte de création soulevaient un intérêt particulier à nos yeux, notamment à cause des précisions que nous pourrions recueillir sur les matériaux employés. Trouver ces informations nous permettrait en outre potentiellement de proposer une datation voire un artiste, bien que peu d’œuvres asiatiques anciennes puissent être aujourd'hui attribuées à un créateur en particulier. En outre, au-delà de la scène représentée, qu'il nous faudra identifier et éclaircir, nous nous sommes interrogés sur le sens de l’œuvre. Nous avons donc décidé de diviser notre recherche en deux axes. Dans un premier temps, l'étude des caractéristiques plastiques uniques de cette peinture permettra de déterminer son lieu d'origine ainsi que les spécificités de ce processus de création. Un intervalle de datation pourra ainsi être suggéré. Ensuite, en partant des connaissances que nous avons de l'hindouisme, nous serons capables, en suivant un fil du plus général au plus précis, d'identifier la scène et les sujets représentés. Une analyse plus spécifique de chaque personnage, de sa position, de ses attributs et de la symbolique qu'il porte sera également menée afin de saisir profondément le propos de cette représentation et ses différents niveaux de lecture. Cet ordre est tout d'abord chronologique, puisqu'il suit l'avancée de nos démarches personnelles, qui se sont d'abord centrées sur la matérialité du tableau, mais il est aussi en lien avec une croyance profondément ancrée dans les religions orientales. Comme nous le verrons, cette représentation en elle-même est une invitation à passer du matériel au spirituel, du profane au sacré. Nous avons décidé de respecter la même démarche, en abordant en premier lieu l’œuvre palpable avant de se pencher sur son sens intangible. ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 12


La découverte d'une œuvre tangible Les premiers pas dans la découverte de cette œuvre ont été de chercher à déterminer sa provenance. Il était en effet primordial pour le travail de restauration de rassembler le plus d'informations possibles, en particulier pour ce qui est de la méthode de création. C'est une étude approfondie de la plastique et de la matérialité de l’œuvre, recoupée avec des recherches parallèles, qui nous ont permis de faire le lien avec l'Ecole de Tanjore. Une première sous-partie consistera donc en un examen de la plastique de l’œuvre, qui nous entraînera par la suite à développer l'Ecole de Tanjore, ses méthodes et son histoire, à la recherche d'une datation éventuelle.

O De l'étude de sa matérialité... Il est important de prendre en compte que l'art indien, extrêmement codifié, ne laisse pas de place au hasard dans ses représentations sacrées : tout est porteur de sens. C'est en gardant cette notion à l'esprit que nous tenterons, dans cette étude, d'appréhender les divers niveaux de lecture du sujet représenté. → Composition La composition de cette scène est particulièrement statique. Aucun mouvement ne vient perturber l'intemporalité du message délivré. La représentation s'articule autour d'un personnage central. Élément principal, il a une taille supérieure à tous les compagnons qui l'entourent. Cette différence est bien sûr significative par rapport à l'importance de chacun, et sera développée ultérieurement. La scène est composée de trois registres horizontaux, à la fois reliés et séparés. Une scène se déroule dans le registre inférieur (en bleu foncé). Nous pouvons observer des singes (en vert) ouvrant une caisse et entourés par deux chevaux et deux Illustration 4: Oeuvre de mémoire ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 13


éléphants. Au centre trônent divers personnages, positionnés régulièrement autour de la figure principale. Enfin des arches d'or délimitent le troisième registre : les cieux. On notera une forte volonté de symétrie, peu prisée pourtant par l'art oriental. → Dessin La ligne du dessin est très présente et très marquée, ce qui est généralement le cas dans l'art indien. Le trait est fluide, précis, rappelant la dextérité asiatique pour la calligraphie et le travail des encres. Le dessin très appuyé permet également de donner un ancrage et une forte présence aux personnages, appuyant par son exécution sûre et limpide leur puissance et leur sérénité. C'est en observant le dessin que nous pouvons voir que plusieurs mains ont pu prendre part à la réalisation de cette œuvre. Si on observe attentivement le

Illustration 5: Personnage central, détail

visage des sages de la partie dextre de l’œuvre, on note une grande finesse d'exécution, au niveau des yeux et des poils de barbe particulièrement. En revanche, la partie senestre semble réalisée avec moins de raffinement.

Illustration 6: Personnages, bord senestre

Illustration 7: Personnages, bord dextre

Les personnages, aux traits sobres, n'ont pas été peints dans une volonté de réalisme. La forme des yeux en amande est caractéristique de l'Ecole de Tanjore.1 Les proportions humaines (et 1 R. COHN, J. RUSSEL, Tanjore painting, p. 39

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animalières) sont librement adaptées au discours de l’œuvre. Ainsi, comme souvent dans l'art hindou, l'idéalisation est largement préférée à l'exactitude anatomique. Le but est de transmettre une idée, un sentiment de dévotion devant des divinités au sommet de leur gloire.

→ Couleurs La palette employée est relativement simple. Les modelés ne sont en effet pas rendus par des variations chromatiques, mais plutôt par le relief de la composition. Les chairs comme les fonds sont ainsi essentiellement verts, bleus, rouges ou ocres. Certains personnages ont de plus une carnation rosée, et les animaux du registre inférieur sont blancs. Ces couleurs pures permettent de rendre de puissants contrastes de complémentaires et de mettre certains éléments en valeur. Le personnage central, de couleur verte, est ainsi assis sur un socle rouge et positionné devant un arrière-plan de même couleur. D'un autre côté, le bleu du ciel et des arcades latérales permet de faire ressortir les éléments d'architecture dorés ainsi que les carnations claires de certains personnages. La composition ainsi que le dessin étant relativement statiques, ce sont les teintes employées qui donnent son rythme à l’œuvre, tant au niveau des incrustations que des visages des personnages. Ainsi les zones périphériques de l’œuvre sont de différents tons de bleu (ciel, arcades latérales, registre inférieur), tandis que le centre de la scène est occupé par un rouge flamboyant. Le dynamisme de la représentation se trouve également renforcé par les contrastes de luminosité que provoquent l'alternance entre carnations claires, vêtements sombres, et éléments dorés. Se trouvent ainsi juxtaposés des tons vifs ou sourds qui, par la vibration ainsi créée, donnent un fort sentiment d'énergie. → Relief et incrustations Si la profondeur n'est atteinte ici ni par la ligne, ni par les couleurs, la sensation de volume dans cette œuvre est due à sa structure même. En effet à de nombreux endroits la couche picturale présente un relief cohérent avec le dessin, appuyant la forme représentée. Le voile porté par le personnage central

Illustration 8: Vêtement de Ramâ, mis en par exemple est un parfait exemple. On voit en effet volume ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 15


que grâce à un enduit préalablement posé et façonné, la surface peinte adopte le moindre pli de son vêtement. De même les feuilles d'or et incrustations imitent à la perfection les bijoux portés par les personnages ainsi que les éléments d'architecture sous lesquels ils se trouvent. Ces éléments accrochent la lumière et la redistribuent, soulignant la richesse de la scène, certes, mais également celle de l'enseignement qu'elle délivre. Ce sont ces matériaux très particuliers ainsi que l'aide de différents spécialistes 2 qui nous ont permis de faire le lien avec l'Ecole de Tanjore, ou Thanjavur.

O … à la source de sa création Étudier le processus de création des œuvres de l'Ecole de Tanjore a été une étape essentielle de notre travail, la méthode utilisée à Tanjore étant unique. Afin de pouvoir restituer celle-ci le plus fidèlement et précisément possible, différents spécialistes ont été sollicités. J'ai ainsi reçu l'aide d'actuels artistes originaires de Tanjore qui travaillent encore sur place selon les méthodes ancestrales. Les peintures de Thanjavur sont traditionnellement réalisées sur une planche en bois de Jacquier. Cet arbre fruitier proche de l'arbre à pain pousse dans les régions tropicales et est originaire d'Inde et du Bangladesh. La planche est recouverte de toile de coton brut fixé à l'aide de colle de farine.3 Une fois sec, le support est enduit de poudre de craie ou d'Oxyde de Zinc mélangé à de la colle naturelle et de l'eau. Cette couche peut être apposée 5 à 10 fois puis est poncée à l'aide de papier de verre afin d'obtenir une surface bien lisse sur laquelle pourra être tracé le dessin. A cet instant sont ajoutées les incrustations qui peuvent être de verre, de miroir, ou plus fréquemment sont des pierres semi-précieuses appelées « Pierres de Jaipur ». Les éléments de relief, comme les drapés, les architectures ou les bijoux sont obtenus avec une pâte de gomme arabique et de poudre de craie, de graines de Tamarin ou encore d'argile. 2 Edith Parlier-Renault, conférencière à la Sorbonne spécialisée en hitsoire de l'art indien, Anupam Sah, restaurateur au CSMVS Museum Art Conservation Centre basé à Mumbai, ainsi que Vani Venkatesh et Edjoumalé Djaermine, actuels artistes de Tanjore.

3AGRAWAL O. P., Conservation des biens culturels das l'Asie du Sud et du Sud-Est, p. 82 ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 16


De fines feuilles d'or à 22 carats sont ensuite appliquées sur la surface. Pour finir, l’œuvre est peinte avec un mélange de gomme arabique et de colorants naturels. → Thanjavur

Thanjavur, de son nom anglais Tanjore, est une ville du Tamil Nadu, au Sud-Est de la péninsule indienne. La ville doit son nom à la légende du démon Tanjan, qui causait des ravages dans la région. Celui-ci,finalement vaincu par deux valeureux guerriers, demanda, comme ultime souhait, que la ville portât son nom. Son vœu lui fut accordé et la cité fut baptisée Thanjavur.4 Les premières indications de l'existence de Tanjore remontent à 850 après J.-C..5 Important centre artistique et politique, elle fut la capitale de l'empire Cholas jusqu'au XIIIe siècle. Ils y ont laissé de nombreuses traces, dont le fabuleux temple de Brihadeeshvara, classé au patrimoine mondial de l'UNESCO. Elle fut conquise en 1674 par les Marathes, peuple hindou en guerre contre les Moghols.

Illustration 9: Brihadeeshvara

C'est de cette époque que date le développement de l’École de peinture de Tanjore. Les souverains marathes encourageaient en effet toute expression artistique au service de la culture hindouiste.6

4 D. L. ECK, India, a sacred geography,p. 53 5 R. REGNIER, Tanjore, Encyclopaedia Universalis V. 15, p. 726 6 R. COHN, J. RUSSEL, Tanjore painting, p. 19

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→ L’École de Tanjore A partir de la fin du XVIe siècle, se développe donc dans la région du Tamil Nadu une peinture caractérisée plastiquement par ses fonds rouges et la forte présence de la ligne.7 Dès la première moitié du XVIIIe siècle les riches voyageurs européens passant par Tanjore se passionnent de cette École si atypique. Leurs commandes permettent à celle-ci de se développer. Les peintures de Tanjore étaient à l'époque encadrées (ce qui n'est pas courant dans l'art oriental), de relativement grands formats (il faut les comparer à la taille des miniatures indiennes) et destinées à être accrochées aux murs dans les salles de prières, chez les particuliers (salle de la puja) ou dans les ashrams et lieux publics (bhajan hall). Elles étaient remarquables Illustration 10: Ecole de Tanjore, è è par leur palette (rouges vifs, verts profonds, blanc crayeux, bleu Nataraja, fin XVIII -début XIX , turquoise) et les incrustations de verre, pierres semi-précieuses et

British Museum, Londres

d'or. Les sujets de prédilection de ces œuvres votives étaient les représentations de dieux, déesses, personnalités religieuses et occasionnellement des portraits.8

Dès la fin du XVIIIe siècle apparaissent des influences européennes. Les couleurs évoluent (usage de bleu outremer synthétique, vert émeraude, rouge crimson et vermillon). Le traditionnel

fond

neutre

fait

place

à

des

architectures

sophistiquées richement dorées pour recevoir les dieux. Les peintures se trouvent de plus en plus ornées et leur composition démontre pour la première fois une certaine volonté de symétrie autour du personnage central.9

Illustration 11: Déesse Lakshmi, Ecole de Tanjore, XXe siècle, Collectionneur privé, spécialiste de l'art oriental

Les peintures sur verre et sur panneau de l’École de 7 A.L. DALLAPICCOLA, South Indian paintings, A catalogue of the British Museun collection, p.15 8 A.L. DALLAPICCOLA, South Indian paintings, A catalogue of the British Museun collection, p.16 9 A.L. DALLAPICCOLA, South Indian paintings, A catalogue of the British Museun collection, p.18

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Tanjore resteront très populaire jusqu'au début XX e. Elles sont encore produites aujourd'hui mais moins dans un but votif que comme objet de décoration et de souvenir pour les voyageurs européens. → Datation/artiste En recoupant les informations recueillies sur l'évolution de l'Ecole de Tanjore avec les observations effectuées sur notre œuvre, on peut suggérer une datation ultérieure à la fin du XVIII e siècle. Le bleu employé pour les tons de fond est en effet certainement un outremer tandis que le rouge ressemble à du vermillon. La composition même porte toutes les caractéristiques du changement opéré à cette époque dans la création des scènes peintes : architectures dorées et sophistiquées, parures des divinités et volonté de symétrie. On peut donc supposer que notre œuvre a été réalisée entre le XIXe et le XXe siècle. On sait en outre, grâce à son ancienne propriétaire, qu'il y a vingt ans cette œuvre se trouvait déjà en France, et ce depuis une époque indéterminée. Elle avait, de plus, déjà été endommagée et restaurée en Inde. Sur des journaux présents au revers et rédigés en Tamoul (langue du Tamil Nadu où se trouve Tanjore) nous avons retrouvé Illustration 12: Journal collé au revers de l'oeuvre une date : 19-4-78 Ces journaux ont certainement été apposés lors de la précédente intervention de restauration de l’œuvre. Ils ne nous permettent pas d'affirmer que cette peinture a été créée de manière certaine avant le 19 Avril 1978 mais au vu de l'ampleur des opérations réalisées alors (voir dans la partie restauration), il semblerait probable que l’œuvre ait déjà été relativement ancienne. Dans l'incapacité de réaliser des analyses plus poussées des composants de l’œuvre, nous pouvons néanmoins avancer l'hypothèse que cette œuvre a été créée entre la fin du XVIII e siècle et le milieu du XXe. Bien qu'imprécise, cette fourchette de 150 ans reste une information précieuse. Il a malheureusement été impossible, même en contactant des spécialistes et des artistes sur place, de retrouver la trace d'un artiste, d'un atelier ou d'une lignée qui aurait pu être à l'origine de ce panneau.

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Le sens d'une œuvre sacrée Il était primordial pour notre étude de comprendre la scène représentée sur ce panneau. En déterminant s'il s'agit ou non d'une peinture religieuse, nous définiront également l'attitude à adopter lors de notre restauration. Au-delà de sa qualité esthétique, la clarté du message transmis sera peut être ainsi à favoriser. Ayant déjà quelques connaissances sur l'art indien, nous sommes partis de l'hypothèse qu'il s'agissait bel et bien d'une scène sacrée, étant donné que celles-ci constituent la majeure part de la production hindoue. Une première partie sera donc consacrée, à partir de connaissances génériques de l'hindouisme, à réduire le champ de nos possibilités (près de 5000 divinités) pour se concentrer ensuite sur les personnages représentés, leurs attributs et leur symbolique. Ces informations nous permettront, pour finir, d'exposer l'objectif principal de cette œuvre et son sens profond.

O Suivre le fil de la foi → L'Hindouisme L’œuvre à laquelle nous faisons face est certainement, comme il est courant en Inde, une représentation d'une, ou plusieurs, des nombreuses divinités qui composent le panthéon hindou. Parmi les dieux majeurs de l'hindouisme, trois sont particulièrement chéris des indiens, formant ce qu'on appelle la Trimūrti. Il s'agit de Brahma, créateur de l'univers, Vishnu, protecteur de toute création, et Shiva, avec ses pouvoirs de destruction, mais également de grande fertilité. Ceux-ci sont non seulement vénérés sous leurs formes originelles, mais également lorsqu'ils se réincarnent dans notre monde. Vishnu par exemple a 10 avatars, c'est à dire 10 réincarnations, dont les plus célèbres sont celles de Krishna et du prince Siddharta, plus tard appelé le Bouddha. 10 Il est dit que Vishnu descend sur terre chaque fois que celle-ci est en péril. Une nouvelle réincarnation de

10 L. SCHULBERG, L’Inde classique, p. 182

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ce dernier serait encore attendue par certaines sectes indiennes.11 Ces divers groupes d'adorateurs célèbrent en général une unique divinité, puisque selon la tradition, toutes ne sont que différentes facettes d'un même diamant. Chaque culte est reconnaissable à différentes marques et notamment aux signes peints sur le front des dieux et de leurs prêtres. Ils sont en effet différents pour Shiva, Brahma et Vishnu, et ont aidé, dès le début de nos recherches, à déterminer lequel de ces Dieux, ou de leurs avatars, était représenté.

Illustration 15: Shiva

Illustration 14: Brahma

Illustration 13: Visnhu

Si on la compare à la marque présente au centre du front des personnages présents sur notre œuvre, il semble qu'il s'agisse de la marque de Vishnu.

Illustration 16: Personnages centraux de l'oeuvre

Illustration 17: Vishnu Afin de s'assurer de ce point de départ des recherches plus approfondies ont été entreprises.

11 Il est à préciser que le terme de « secte » n'a pas le même sens lorsqu'on parle de l'hindouisme qu'en Occident, où la connotation est très négative. En Inde il s'agit plutôt d'un groupe rendant un culte spécifique à telle ou telle divinité. Il en existe donc énormément.

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Dans le tableau suivant sont ainsi décrits différents signes distinctifs liés à diverses sectes. Les adeptes des différents cultes Vishnuïtes adopteront ainsi les symboles des cases n°6 à 35. Nous porterons une attention particulière au signe n°19.12

Illustration 18: Signes des sectes

→ Visnhu Il semblait donc important pour la suite d'approfondir notre connaissance du culte de Vishnu, ainsi que de celui de ses principaux avatars. Visnhu est révéré depuis l'époque du Rigveda (entre 1500 et 1200 av J.-C.) dans lequel il est lié à la puissance du disque solaire. Les premiers temples dédiés à sa gloire datent du III e siècle av. J.-C.13. Puis sa place dans le panthéon indien s'est imposée jusqu'à ce qu'il en vienne à faire partie de la triade majeure (Trimūrti), avec Shiva et Brahma. Dieu mineur à l'origine, Vishnu a gagné son importance au travers du grand texte épique du Mahâbhârata ainsi que dans un pûrana qui lui est dédié. Les pûrana sont au nombre de trois. Il s'agit de textes narratifs centrés chacun autour d'un des trois dieux de la Trimūrti. Le padma-pûrana nous relate d'ailleurs la naissance du monde selon les hindous. « L'être suprême » se serait lui-même extrait de son flanc gauche sous la forme de Brahma. Pour conserver ce qu'il avait créé, il tira ensuite Vishnu de son flanc droit. Et afin de pouvoir, si besoin, détruire sa création, il fit naître Shiva du centre de son corps.14 Visnhu est donc le protecteur, celui qui maintient en place l'ordre de l'univers. Il est l'incarnation de la vérité, de la bonté, de la clémence et de la grâce. 12 E. RUDY JANSEN, Iconographie de l'Hindouisme, Les Dieux, leurs manifestations, leur signification, p.37 13 PROF. S. K. RAMACHANDRA, Encyclopédie d'Iconographie indienne, p. 1535 14 E. RUDY JANSEN, Iconographie de l'Hindouisme, Les Dieux, leurs manifestations, leur signification, p. 86

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Ses différents avatars intervenant dans l'histoire de l'humanité sont : Matsya, l'homme-poisson, Kûrma, l'homme-tortue, Varâtha, homme à tête de sanglier, Narasimha, homme-lion, Vâmana, le nain, Parashu-Rama, « Rama à la hâche », le prince Ramâ, Krishna, Buddha, et Kalkî, qu'on attendrait encore.15 Outre Buddha, les plus populaires d'entre eux sont sans aucun doute Krishna et le prince Ramâ. Tous deux présentent une carnation foncée, généralement bleue. Héros de l'épopée du Mahâbhârata, Krishna est souvent associé à la notion du plaisir et de la légèreté. Il est révéré comme un beau jeune homme, charmeur et joueur, régulièrement représenté dans la nature entouré de femmes. Ramâ, lui, est le héros du texte du Râmayana. C'est un prince qui présente les plus hautes qualités. Dans sa quête, il s'associe notamment avec une armée de singes et c'est leur présence dans cette œuvre de mémoire qui nous a fait privilégier cette piste. → Ramâ et le Râmayana Le Râmayana est, avec le Mahâbhârata, l'un des textes épiques les plus renommés de la culture indienne. Il pourrait être considéré comme un équivalent oriental de l'Illyade ou de l'Odyssée d'Homère. Le Râmayana a le pouvoir des textes sacrés qui ont façonné et inspiré des centaines de générations. Aujourd'hui encore, Ramâ et sa femme Sitâ, héros du Râmayana, représentent l'archétype du couple idéal, étant chacun la vertu et la noblesse incarnées. Il est possible, à la lecture de ce texte, de percevoir en profondeur les lois immuables qui régissent la vie et la spiritualité indienne. L'histoire contée est celle du prince Ramâ, qui n'est autre qu'un avatar de Vishnu. Aimé et admiré de tous, il est évincé par une de ses belle-mères à l'aube de son accession au trône et se retrouve en exil dans la forêt. Le terrible roi démon Ravanâ, séduit par Sitâ, la belle épouse de Ramâ, décide de l'enlever et de l'emmener dans sa capitale de Lankâ où la belle ne pourrait que succomber à ses charmes et ses richesses. Le Râmayana raconte donc la quête de Ramâ qui, sans relâche, traversera toutes les épreuves et vaincra tous les obstacles pour être réuni à sa bien-aimée.16 Au-delà de l'histoire à proprement parler, il est important de saisir l'importance qu'a encore le Râmayana dans l'éducation et la culture hindoue. Ramâ, Sitâ, ainsi que tous les valeureux personnages dépeints dans ce récit sont perçus en Inde à la fois comme des divinités à révérer, mais 15 E. RUDY JANSEN, Iconographie de l'Hindouisme, Les Dieux, leurs manifestations, leur signification, p. 90 16 Voir récit du Ramayanâ en annexe

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également comme des exemples à suivre. Car en effet, tout aussi extraordinaires soient-ils, ces héros ne sont que des mortels. Ils permettent donc encore aujourd'hui à des milliers d'Indiens de s'identifier à eux, dans leurs joies et leurs peines, à la recherche de la juste voie. → Identification de la scène Les représentations divines et sacrées, en Inde, sont extrêmement codifiées. Les fidèles doivent être capables de reconnaître instantanément la scène et le Dieu représentés, ainsi que les caractéristiques de celui-ci qu'on veut mettre en valeur. C'est pourquoi les postures, tailles et positions de chaque personnage sont toujours identiques lorsqu'il s'agit de la même scène. C'est donc dans les illustrations du Râmayana que nous sommes allés chercher de plus amples informations.

Illustration 20: Oeuvre de mémoire

Illustration 21: Rama Navami, Ecole de Tanjore, Sri Ramapattabhishekam, XXe siècle, Tanjore Royal Museum

Illustration 19: Artiste inconnu, Sri Ramapattabhishekam, XXe siècle, British Museum, Londres

Nous avons ainsi découvert que sur notre œuvre se déroule le couronnement de Ramâ, ou Sri Ramapattabishekam. Tout dans les ouvrages, de la position des personnages principaux jusqu'à la hauteur à laquelle ils doivent être dessinés par rapport à Ramâ est décrit avec la plus grande précision. Il n'y a donc aucun doute possible quant à la scène représentée. Il s'agit à présent de l'éclaircir et de l'analyser dans les moindres détails. ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 24


O Une vertueuse assemblée → Ramâ et ses attributs

Illustration 22: Ramâ Au centre de l’œuvre, trônant sur un socle richement orné se tient donc Ramâ, avatar de Vishnu, et reconnaissable à son physique, à son attitude et à ses attributs. Il est important de noter que dans la tradition picturale indienne tout, de la posture aux bijoux adoptés par les divinités, tout est porteur de sens. Archétype de l'être idéal, Ramâ est représenté comme un jeune homme au larges épaules, d'une rare finesse de traits. Sa peau sombre « telle un nuage chargé de pluie »17 est ornée de vêtements dorés. Ses longs bras puissants lui arrivent aux genoux. Il est décrit comme possédant les trente-trois signes physiques distinctifs des grands hommes dans la tradition indienne.18 La position (asanâ) dans laquelle est représenté Ramâ, permet ensuite de déterminer lesquelles de ses qualités sont les plus mises en avant : est-ce sa combativité ? Sa majesté ? Son intelligence ?

17 P.S.K. RAMACHANDRA RAO, Encyclopaedia of indian iconography, Hinduism-Buddhism-Jainism, p.1395 18 P.S.K. RAMACHANDRA RAO, Encyclopaedia of indian iconography, Hinduism-Buddhism-Jainism, p.1395

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Vîrâsana est le nom de l'attitude de ramâ sur cette représentation. Assis, une jambe repliée près de lui sur son socle, l'autre tombant vers le sol, ce « demilotus » est la posture du héros.19 Elle caractérise les divinités ayant combattu avec bravoure les démons et s'adapte donc parfaitement à Ramâ. Les qualités de la divinité sont également transmises par les gestes de la Illustration 23: main (mudrâ) qu'esquisse celle-ci. Ils indiquent précisément et de manière Virâsana raffinée ses intentions et enseignements. La main droite de Ramâ est en position de Vitarka mudra. Très répandu, ce geste exprime la pureté du jugement et la sagesse intellectuelle de l'être suprême. 20 La fleur de lotus dans la paume de sa main est symbole de son éveil spirituel.

Illustration 24: Vîtarka Mudra

Illustration 25: Oeuvre, détail

Ramâ est un prince guerrier. Il a gagné la main de Sitâ en tendant et brisant un arc légendaire, requérant une force surhumaine. Pour ces raisons l'arc est devenu un de ses attributs principaux. Puisqu'il s'agit ici d'une scène de couronnement, l'arme est discrètement accrochée derrière son épaule gauche. Il est représenté en majesté et non pour ses qualités de Illustration 26: Arc de Ramâ combattant. La coiffe est également caractéristique. Celle-ci, Kiritamukuta, est la plus haute et glorieuse de toutes les couronnes. De forme à la fois cylindrique et conique, elle est l'attribut du dieu Visnhu, ainsi que de toutes les divinités qui lui sont associées.21

19 E. RUDY JANSEN, Iconographie de l'Hindouisme, Les Dieux, leurs manifestations, leur signification, p.17 20 E. RUDY JANSEN, Iconographie de l'Hindouisme, Les Dieux, leurs manifestations, leur signification, p.23 21 E. RUDY JANSEN, Iconographie de l'Hindouisme, Les Dieux, leurs manifestations, leur signification, p.27 ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 26


Illustration 27: Kiritamukuta

Illustration 28: Coiffe de Ramâ

Les Dieux indiens sont traditionnellement représentés torse nu. En revanche, les hanches de Vishnu et de ses avatars sont ceintes d'un voile très particulier nommé pitâmbara. De couleur jaune or, celui-ci est à la fois une référence au caractère solaire de Vishnu mais aussi à la lumière des Védas, textes sacrés de l'hindouisme. Il est dit que « la vérité divine brille à travers les Védas comme le corps sombre de Illustration 29: Pitambarâ de Ramâ, Vishnu derrière ce voile couleur or. »22 On aperçoit sur recouvert de noir notre œuvre le jaune du vêtement enserrant la taille de Ramâ, bien que celui-ci semble avoir été postérieurement recouvert d'une couche de peinture noire. Comme tous ses autres attributs, les bijoux arborés par Ramâ ont également une signification particulière. Il en porte d'ailleurs relativement peu (par rapport à d'autres divinités), rappel de son existence d'ermite. La première notable est la chaîne autour de son cou (Malâ). Elle représente la bienveillance du Dieu qui la porte, ainsi que sa puissance. En plus de ce bijou,Vishnu, ses avatars et ses adeptes portent de grands colliers de fleurs 23. Il s'agit ici de lotus, fleur de l'éveil spirituel en Inde. Ce malâ a été déposé sur les épaules de Ramâ lors de son couronnement par le vent, en guise d'hommage.24 22 M. STUTLEY, The illustrated dictionary of Hindu Iconography, p.161 23 E. RUDY JANSEN, Iconographie de l'Hindouisme, Les Dieux, leurs manifestations, leur signification, p.34 24 VALMIKÎ, Ramayana, illustré par les miniatures indiennes du XVIe au XIXe siècle, Chant VI : Yuddhakanda, p. 319

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Illustration 31: Collier de fleurs, attribut de Ramâ

Illustration 32: Malâ Illustration 30: Malâ de Ramâ

Le trône est également d'une grande importance. En effet, les Dieux ne font pas partie du monde terrestre, mais uniquement du royaume des Cieux. Leurs pieds ne doivent donc jamais toucher le sol. De même, les arcades entre lesquelles se situe la scène signifient la porte d'entrée de l'univers cosmique où siègent les êtres divins. C'est un passage Illustration 33: Kîrthimukha

entre l'espace humain et celui des dieux. On relève ici la présence

d'un masque surmontant l'arche principale. Celui-ci, Kîrtimukha, offre une protection magique au groupe de personnage qu'il surplombe.25

25 E. RUDY JANSEN, Iconographie de l'Hindouisme, Les Dieux, leurs manifestations, leur signification, p.19 ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 28


→ Sitâ

Illustration 34: Sitâ Sur le socle auprès de son époux trône Sitâ, fille de la Terre. Princesse au « teint doré », elle doit être assise à sa gauche, le sommet de son crâne au niveau de l'épaule de Ramâ. De la main droite, elle tient un lotus, symbole de l'éveil spirituel, tandis que son bras gauche retombe vers la terre. Elle est coiffée d'un chignon sur le sommet du crâne agrémenté de boucles brunes retombant sur son front.26 Comme Ramâ, elle porte la glorieuse couronne Kiritamukuta. Elle présente en outre des signes féminins distinctifs tels que Illustration 35: Visage de Sitâ l'anneau qu'elle a dans le nez ou ses boucles d'oreilles. Celles-ci sont symboliques d'un rite d'initiation lorsqu'un enfant, féminin ou masculin, passe à l'âge adulte. Il s'agit d'une deuxième naissance. Plus le bijou est lourd et précieux, plus les lobes d'oreille du porteur s'allongeront. Les personnages divins et importants sont donc généralement représentés avec des lobes d'oreilles très longs, signe de puissance, noblesse et richesse. 27 Sitâ est dite être une réincarnation de la déesse Lakshmi, la compagne de Vishnu. Elle apporte l'abondance, la prospérité, la créativité et la protection.28 26 P.S.K. RAMACHANDRA RAO, Encyclopaedia of indian iconography, Hinduism-Buddhism-Jainism, p.1396 27 E. RUDY JANSEN, Iconographie de l'Hindouisme, Les Dieux, leurs manifestations, leur signification, p.35 28 F.W. BUNCE, Encyclopaedia of Hindu Deities, demi-gods, godlings, demons and heroes, p. 450

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→ Les frères de Ramâ

Illustration 36: Lakshmana, Bharata, Satrhugna (de dextre à senestre) Dans la légende du Ramayanâ, lorsque Vishnu descend du royaume céleste pour s'incarner dans le monde humain, il se divise entre Ramâ et ses trois frères, en offrant la plus grande part de lui-même à Ramâ. Lors de son couronnement, celui-ci est donc accompagné par Lakshmana, son plus proche frère et allié, qui l'a suivi dans son exil et dans sa quête à la recherche de Sitâ, Bharata, qui l'a remplacé à la tête du royaume durant son absence et Satrughna, le cadet. Lakshmana est reconnaissable car il est le plus près de Ramâ, à sa droite. Il est, de plus, supposé en être une réplique exacte : « Ramâ et Lakshmana doivent être représentés comme extrêmement beaux, d'aspect calme et souriant légèrement ; leurs yeux doivent être longs et larges, et ils doivent être visualisés comme dans la fleur de leur jeunesse. »29 Le seul signe permettant de distinguer les deux frères est la couleur de leur peau, celle de Lakshmana étant de teinte dorée. Illustration 37: Lakshmana 29 P.S.K. RAMACHANDRA RAO, Encyclopaedia of indian iconography, Hinduism-Buddhism-Jainism, p.1397

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A la gauche du couple royal se tiennent Bharata et Satrughna. Bharata est reconnaissable à sa peau sombre, comme celle de Ramâ, tandis que Satrughna, frère jumeau de Lakshmana, a un teint plus clair. Les trois frères portent également la couronne kiritamukuta. Lakshmana et Satrughna agitent deux chasse-mouches (Chamara) de part et d'autre de Ramâ. Fabriqués en crin de yak, quand ils sont associés à Vishnu ils symbolisent la Illustration 38: Chamara royauté et augurent le bonheur.30 Bharata, lui, protège Ramâ avec un parasol blanc (Chattra), apanage des rois et promesse de joie et de félicité.31

Illustration 39: Chattra

Illustration 40: Chattra oeuvre → Les animaux alliés

L'ours Les singes

Illustration 41: Les animaux alliés 30 E. RUDY JANSEN, Iconographie de l'Hindouisme, Les Dieux, leurs manifestations, leur signification, p.42 31 A. L. DALLAPICOLLA, South Indian paintings, A catalogue of the British Museum collection, p. 109

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Ramâ, lors de sa quête, a reçu l'aide de nombreux peuples. Les plus remarquables et les plus révérés de ses partisans sont sans aucun doute les singes. Ceux-ci, accompagnés des ours, ont mis leur force armée au service de Ramâ afin de l'assister dans sa recherche de Sitâ ainsi que dans la conquête de Lanka, la démoniaque capitale de Ravana. Dans le registre inférieur de l’œuvre, on voit ainsi le roi des singes, Sugriva, accompagné par son neveu Angada, qui avait été envoyé comme premier émissaire de paix par Ramâ avant l'attaque sur Lanka. Le souverain simiesque tire des richesses d'un coffre d'or pour les offrir symboliquement aux alliés du prince.

Illustration 42: Registre inférieur Aux pieds de Sitâ, à senestre, se trouvent trois singes, le visage tourné vers Ramâ et les mains jointes en posture d'obéissance. Ils se nomment Susena, Rsabha et Gavaya. Ces trois princes simiesques ainsi qu'Hanuman, l'intendant des singes, avaient été envoyés la veille du couronnement chercher de l'eau de tous les océans afin de servir au sacre de Ramâ. Susena a ainsi rapporté de l'eau de la mer orientale, Rsabha de l'Océan du Sud, Gavaya de l'Ouest et Hanuman le fils du Vent est parti dans le Nord lointain.

Leur

présence

lors

de cette

consécration

souligne

l'universalité du pouvoir bienveillant du seigneur Ramâ, qui ne connaît Illustration 43: Hanuman pas de limites.32 Mais plus encore que Sugriva, c'est l'intendant du roi des singes qui a la place d'honneur aux pieds (littéralement) de Ramâ. Hannuman est en effet le fils du Dieu du vent. Ses nombreuses ascèses lui ont valu les bienfaits de Brahma et le singe est doté de pouvoirs particulièrement puissants. Mais plus que ses pouvoirs, ce sont son courage et sa dévotion envers Ramâ qui sont à l'origine du culte qui lui est porté. Hannuman est en effet symbole de fidélité et de don de soi.33 32 VALMIKÎ, Ramayana, illustré par des miniatures indiennes, Chant VI : Yuddhakanda, p. 316 33 THOMAS P., Hannuman le singe parfait, héros de deux épopées, Unesco, Le courrier (Décembre 1967), p.16

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Ce puissant héros est donc agenouillé, comme le veut la tradition 34, devant le trône du roi Ramâ, dans une posture de prière et de servitude. En signe de respect, et de par sa place d'importance, il tient le pied droit du Dieu dans ses mains. Autour du cou, il porte un collier de pierres précieuses offert par Sitâ en gage de gratitude. Il est dit que, ainsi paré, Hannuman « resplendissait comme un mont sous l'effet d'une nuée blanche qu'irradie un clair faisceau de rayons de lune. »35 → Les sept sages (Saptarshis)

Illustration 45: Vashisatha

Illustration 44: Les sept saptarshis A la droite de Ramâ et Lakshmana sont rassemblés sept sages, venus assister au couronnement du roi. Menés par Vashisatha, précepteur des quatre princes et conseiller de leur père, ce sont des ermites et grands ascètes de l'époque du Ramayanâ. Sont ainsi présents Kashyapa, Atri, Vishvamitra, Gautama, Jamadagni et Bharadjava. 36 Tous ont les mains jointes au centre de la poitrine en position (mudra) de prière et d'obéissance.

34 A. L. DALLAPICOLLA, South Indian paintings, A catalogue of the British Museum collection, p. 109 35 VALMIKÎ, Ramayana, illustré par des miniatures indiennes, Chant VI : Yuddhakanda, p. 319 36 P.S.K. RAMACHANDRA RAO, Encyclopaedia of indian iconography, Hinduism-Buddhism-Jainism, p.1400

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→ Le nouveau roi démon

Illustration 46: Vibhishana Un autre allié de Ramâ, bien que sa présence puisse nous sembler improbable, est souvent représenté dans les scènes de Sri Ramapattabhishekam : il s'agit du jeune frère du démon Ravana, qui le remplacera sur le trône après sa mort, Vibhishana. Il est reconnaissable à sa couleur de peau (bleue), à sa moustache et surtout aux deux petites dents pointues visibles de part et d'autre de sa bouche. Sa présence est significative à plusieurs niveaux. Il est tout d'abord représentatif de la complexité avec laquelle les hindous abordent les thèmes des Dieux et des Démons. Il n'y a ni Bien ni Mal absolu. Chaque être est doté d'ombres et de lumières. Tous possèdent en eux la capacité de s'élever. Ainsi un Dieu tel Ramâ peut se laisser abattre par une tristesse terrible en perdant sa bien-aîmée, une princesse royale peut être sujette à la convoitise en apercevant un daim doré, et un démon peut être un

Illustration être de vertu, de valeur et de bonté. C'est le cas de Vibhishana. Être sensé, il aura tenté 47: de convaincre son frère de rendre Sitâ à son époux à maintes reprises. Voyant Ravana Vibhishana refuser d'écouter la voix de la sagesse, il lui tourna finalement le dos pour aller se battre aux côtés de Ramâ. Il a également les mains jointes en signe de soumission. Sa présence ici sert également à souligner la grandeur d'âme de celui-ci, qui accepte auprès de lui les êtres au cœur ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 34


pur et vertueux, sans faire de distinction entre leurs passés ou origines. → Les animaux du registre inférieur Dans la partie basse du tableau, de part et d'autre de la scène, se font face deux éléphants et deux chevaux blancs. Ils sont porteurs d'une symbolique importante. Les éléphants sont les animaux symboliques de Vishnu et Lakshmi, qui sont encore révérés à travers eux en Inde. Ils apportent la chance et représentent la force, la richesse et la sérénité tandis que les chevaux soulignent le caractère héroïque des personnages principaux. Leur association permet de rendre la puissance, la majesté et la sagesse de Ramâ.37

O Un hymne à la dévotion La composition de ce couronnement est extrêmement classique et codifiée. En effet, dans toutes les scènes similaires de Sri Rama Pattabhishekam, les personnages présents sont toujours plus ou moins les mêmes et leurs attitudes sont identiques.

Illustration 49: Oeuvre de mémoire, Sri Rama Pattabhishekam

Illustration 48: Rama Navami, Ecole de Tanjore, Sri Rama Pattabhishekam, XXè siècle, Tanjore Royal Museum

37 E. RUDY JANSEN, Iconographie de l'Hindouisme, Les Dieux, leurs manifestations, leur signification, p.60

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L'oeuvre est composée de trois registres horizontaux, à la fois séparés et reliés. Au centre se tiennent Ramâ, sa femme, ses frères et ses alliés les plus proches de part et d'autre. Le registre inférieur, délimité par le trône du souverain, relate une scène se déroulant au même moment : il s'agit de Sugriva, roi des singes, tirant d'un coffre de larges richesses pour récompenser les alliés de Ramâ. Les arcades abritant le groupe central créent un troisième registre : celui du royaume des cieux, auquel nul humain de peut accéder. Étudiée de bas en haut, la composition prend tous son sens : le registre inférieur est celui des biens matériels de ce monde. Le pouvoir, symbolisé par Sugriva, et toutes les richesses du monde, ne sont que les besoins primaires de l'homme. Ils sont situés sur le même plan que les besoins animaux (on notera la présence des chevaux et éléphants dans ce même registre). Le but de tout être humain doit être de s'élever au-dessus de ces désirs illusoires. De part et d'autre de l’œuvre deux groupes de trois personnages (trois singes et trois hommes) font le lien avec le registre supérieur. Leur position de dévotion indique clairement ce

Illustration 50: Les différents passage du matériel au spirituel. Dans le registre central en effet registres ne sont représentés que des êtres ayant déjà effectué ce sacrifice et atteint une certaine sainteté : Ramâ, Sitâ et Lakshmana ont connu la vie d'ermite dans la forêt, Bharata et Satrughna, les deux autres frères de Ramâ, ont gardé le trône du royaume en son absence sans s'y attacher et lui ont rendu avec joie un pouvoir dont ils ne sont pas devenus dépendants. Hanuman, aux pieds de Ramâ, s'est démarqué par son total don de soi. Le roi des démons Vibhishana n'a pas hésité à abandonner le palais de son frère et tous les siens pour faire ce qui était juste et combattre aux côtés de Ramâ et les sept sages à dextre, en tant qu'ermites vénérables, ont également dû renoncer aux richesses et ambitions de ce monde. Ce sont toutes les valeurs représentées par ces personnages qui occupent la place principale de cette œuvre, puisque ce sont elles qui permettent à l'être de s'élever vers le royaume des cieux représenté par le registre supérieur, et dont les portes se sont ouvertes pour Ramâ et les siens. Au sein même du registre central, la taille des personnages et leurs places respectives sont également significatives. Ramâ trône au centre, plus imposant que tous. Il ne faut pas oublier qu'il est à la fois le représentant de Vishnu, le héros de cette épopée et le symbole de l'homme parfait et ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 36


vertueux. Il est donc représenté en majesté, afin d'inspirer chaque indien à se comporter dans sa vie comme le seigneur Ramâ. A ses côtés, plus grands que tous les autres, sont Sitâ, la divine fille de la Terre, réincarnation de la déesse Lakshmi, et ses trois frères, portant également Vishnu en eux. Suivent hiérarchiquement Hanuman, fils du Dieu du vent et les sept sages, hommes ayant atteint la sainteté par une vie ascétique tournée vers la méditation. La composition a un caractère particulièrement statique. Tous les personnages sont dépeints dans une immobilité parfaite. De plus, aucune perspective ne vient donner de profondeur supplémentaire à la scène. Même le socle symbolisant le trône de Ramâ est uniquement suggéré par une simple ligne horizontale. Tout se passe ici et maintenant. Cette absence de mouvement souligne l’intemporalité du Râmayana et de ces règles qui permettent à l'homme d'évoluer. De tout temps en Inde une vie ascétique a été encouragée. Le renoncement, la vertu et la méditation ont toujours été mis en avant comme les clés vers une libération du monde matériel. L'exemple parfait de la quête de Ramâ et son caractère sans tâche sont représentés comme des guides éternels vers un accomplissement spirituel. Nul besoin de mouvement ici, la notion de cycle est primordiale : peu importe la vaine agitation des hommes puisqu'il en a toujours été ainsi, puisqu'il en sera toujours ainsi.

O Conclusion Nous avons vu que toute cette mise en scène avait pour but principal de glorifier le prince Ramâ et ses nombreuses vertus. Il faut bien comprendre que le Râmayana, en Inde, n'est pas perçu comme un récit fantaisiste. Il s'agit, à l'image des épopées homériques en Europe, d'un mélange entre faits historiques et mythologie. Des traces archéologiques ont été retrouvées attestant de la présence de cette civilisation et retraçant même le parcours d'une large armée parcourant le Nord de l'Inde (aucune confirmation quant à la nature simiesque ou non des combattants). 38 Ce conte influence le quotidien de la culture indienne depuis des millénaires, des arts à la conception du couple idéal. S'il est cependant un aspect de cette épopée qui est particulièrement au cœur de la spiritualité indienne, c'est la notion de Dharma. Le Dharma est le devoir de chacun dans la vie, sa place dans 38 D. L. ECK, India, a sacred geography, New York, Three rivers press, 2012, p.121

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l'ordre de l'univers. Les Indiens sont particulièrement attachés à cette idée : ainsi celui qui se soumet à son Dharma sans se rebeller remplit sa mission dans le maintien d'un ordre cosmique, dont nous faisons tous partie. Le prince Ramâ en est l'exemple parfait : il accepte placidement de succéder à son père et ne se rebelle pas lorsqu'il est exilé le lendemain même. Son attitude rappelle à chaque hindou que toute destinée fait partie d'un plus grand dessein et qu'il est essentiel de s'y soumettre pour pouvoir ensuite en récolter les fruits. C'est cette notion que symbolise le couronnement de Ramâ. Au-delà du récit, il s'agit d'une célébration de la victoire de la vertu (Ramâ) et de la dévotion (Sitâ) sur l'orgueil et la concupiscence (Ravana). 39 Tout indien, face à cette représentation, peut s'éveiller à l'importance de son propre Dharma. Cette œuvre est une pièce sacrée, un support à dévotion, une invitation à une méditation profonde sur les valeurs qui forment les éternels piliers de la tradition indienne : la vertu, le courage, la foi, le don de soi, la dévotion, et le sens du devoir. Car il ne s'agit pas de l'histoire d'un Dieu. Aussi parfait soit-il, Ramâ reste simplement un homme, gagnant ainsi sa place au plus près du cœur des milliards d'êtres qui ont un jour entendu son récit.

39 S.S. PREMANANDA, Spotlights on the Ramayana, Himalayas, India, The divine life society, 1995, p22

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Etude Scientifique Mesure de la brillance d'une résine synthétique selon la technique de moulage

« Il est plein de charme, de grâce, Resplendissant dieu de l'Amour. Il est roi du Monde et sa face Brille comme l'astre du jour. » Ramayanâ (extrait)

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Présentation des différents paramètres Parmi les matériaux constitutifs de notre œuvre de mémoire figurent des perles de verre et pierres semi-précieuses. Certaines ont cependant été perdues, laissant des trous dans la représentation. Dès le début de notre travail, nous avons soulevé la problématique de leur réintégration possible, et donc des techniques et matériaux qui pourraient convenir. Cette étude scientifique était donc pour nous l'occasion de développer le sujet plus profondément, d'autant plus qu'il s'agit d'un domaine peu abordé en restauration de peintures. L'idée première était de trouver une résine qui présenterait toutes les caractéristiques nécessaires à son emploi en restauration (stabilité, innocuité, réversibilité) et une technique de moulage qui lui donnerait l'aspect souhaité. Parmi les paramètres pris en compte (dureté, vieillissement, transparence, brillance, coloration), c'est sur la brillance que nous nous sommes plus particulièrement penchés. Il était en effet important d'obtenir un résultat qui s'intégrerait harmonieusement avec l'original.

O Choix des résines En s'intéressant aux travaux des restaurateurs de verre et de céramiques, ainsi qu'avec l'aide d'experts du moulage40 nous avons découvert les résines epoxy, parfaitement dures, transparentes et d'indice de réflexion proche de celui du verre. Celles utilisées en restauration sont principalement l'Epoxy Epotek et l'Epoxy Hxtal. Elles sont privilégiées notamment en raison de leur excellent vieillissement. La fenêtre de mesures du brillance-mètre étant de plusieurs centimètres carrés il nous fallait de relativement grands échantillons, donc une importante quantité de résine. Le prix d'achat des résines Hxtal et Epotek étant particulièrement élevé (486$ pour 227g d'EPO-TEK® 301-2 chez 40 DE NOBLET M.-L., Conservation-Restauration de verreries du XVIIIe siècle : Une bouteille et un gobelet provenant des fouilles du Château de Vincennes, Mémoire de fin d'études, Ecoles de Condé, Paris, 2009

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Kremer Pigmente) nous avons trouvé inapproprié d'utiliser ces précieuses résines pour notre expérimentation. Notre protocole en effet, ne prend pas en compte le vieillissement des matériaux. Nous réserverons donc l'emploi de la résine Hxtal à la restauration et testerons deux autres résines epoxy : La WWA HT de chez Laverdure et la E-161 de chez Esprit Composite. En observant les résultats de ces deux résines epoxy nous saurons prévoir, si ils sont proches, les résultats de l’époxy Hxtal.

De nombreux essais ont également été menés à bien dans le but de tester d'autres résines (le Paraloïd B72®, également utilisé en restauration de verrerie, ainsi que le Regalrez 1094® et le Laropal A81®). Malheureusement, tous les protocoles mis en place pour réaliser des échantillons parfaitement lisses et homogènes se sont solvés par des échecs. Le Paraloïd B72 par exemple a une forte tendance à buller et mets de plus de nombreux mois à sécher. Les autres résines ont été ramollies soit en mélange avec un solvant, soit en leur faisant dépasser leur température de transition vitreuse. Les résines coulées selon la première méthode n'ont jamais séché tandis que des bulles restaient prisonnières des échantillons obtenus à la chaleur. Une surface molle ou accidentée (creux et bulles) ne nous permettait pas d'effectuer nos mesures de brillance. Nous avons donc centré notre étude sur la résine Epoxy.

Illustration 51: Paraloïd B72 ramolli à la chaleur

Illustration 52: Paraloïd B72 en solution (Acétone 20%, Ethanol 30%, résine 50%)

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O Techniques de moulage Pour ce qui est des techniques de moulage, trois nous semblaient intéressantes et répétables. Il s'agit de fabriquer un moule en silicone à partir, soit d'un prototype en plâtre neutre, soit d'un prototype en plâtre vernis, soit d'un prototype en plâtre recouvert d'un film alimentaire. La silicone prenant l'empreinte du matériau au micron, notre hypothèse est que les résultats seront grandement différents les uns des autres. La répétabilité de cette technique cependant sera à vérifier.

O La brillance « Quotient de l'intensité lumineuse diffusée par une surface éclairée, dans une direction déterminée, par l'aire de cette surface projetée sur un plan normal à cette direction. »41 Tout comme la forme, le texture ou la couleur, la brillance est une caractéristique de la perception visuelle. Elle représente la quantité de lumière réfléchie par une surface et reçue par l'oeil. Elle est dépendante de trois caractères principaux : l'indice de réfraction du matériau étudié, l'angle d'incidence et la topographie de la surface (surface lisse ou accidentée).

Sur une surface lisse en effet la lumière est entièrement réfléchie dans une seule direction. L'angle d'incidence est alors le même que l'angle de réflexion. Pour l’œil, il n'y a aucune déperdition de lumière. Il s'agit d'une Illustration 53: Réflexion sur une réflexion dite « spéculaire » offrant un rendu brillant.42 C'est le cas des miroirs. surface lisse Sur une surface rugueuse ou accidentée, la lumière est réfléchie dans toutes les directions : il s'agit d'une réflexion « diffuse ». Plus la lumière est répandue de façon homogène, plus l’intensité des composantes angulaires est faible et plus la surface est mate.

Illustration 54: Réflexion sur une surface rugueuse

En restauration, ces notions de « brillant », « mat » ou « satiné » sont essentielles, notamment lorsqu'il est question de retouche ou de vernis. Mais si notre œil est capable de faire 41 LAITIER G., Dictionnaire de Physique, Librairie Maloine S. A., Paris, 1969 42FENSTERSEIFER F., Measurement of gloss and reflection, p. 612

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intuitivement la différence, il serait bien en mal de nous donner des mesures et grandeurs précises. Nous emploierons donc à ces fins un brillance-mètre, généreusement mis à notre disposition par le laboratoire Minolta. O

Le Brillance-mètre Les brillance-mètres fonctionnent en envoyant un rayon lumineux sur

la surface étudiée et en mesurant la quantité de lumière réfléchie par cette dernière. L'angle incident généralement utilisé pour la mesure de la brillance

Illustration 55: est un angle à 60°. Cependant, pour une plus grande précision dans la Mesure de la caractérisation des surfaces très brillantes ou, au contraire, mates, il est réflexion dirigée conseillé de faire varier l'angle, selon le résultat obtenu à 60°. Par exemple, si, lors d'une mesure à 60°, le résultat est inférieur à 10 43, nous sommes alors face à une surface mate. Il est recommandé de prendre une mesure avec un angle incident de 85°. Cette valeur-ci sera en effet plus exacte. De même, si le résultat obtenu avec un angle incident de 60° dépasse 70 il faudra utiliser un angle de 20° afin de mesurer le plus fidèlement possible cette surface très brillante.44 L’angle de mesure doit donc toujours être indiqué en même temps que la valeur de la brillance mesurée. O

Illustration 56: Angles de mesure

Hypothèse Nous pouvons imaginer que les échantillons réalisés dans les moules « neutres »

présenteront une surface aussi accidentée et inégale que celle du plâtre et seront donc plus mats que les échantillons réalisés dans les moules « vernis ». Le vernis en effet formera un film protecteur qui amoindrira les états de surface inégaux du plâtre. Pour finir, notre hypothèse est également que les moules ayant pris l'empreinte du film alimentaire seront les plus brillants. Ils seront sûrement aussi les plus réguliers. 43 Il n'existe pas d'unité propre à la mesure de la brillance. Bien que certains spécialistes parlent en UB (Unité de Brillance) ou GU (Gloss Unit), aucune n'est officiellement reconnue. Elles ne seront donc pas utilisées dans cette étude. 44 SEVE R., Importance et problème du brillant : évaluation, mesure, Conférence présentée au cinquième congrès de la couleur à Monte-Carlo, 1985

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Protocole expérimental O Fabrication des prototypes Nous avons commencé par mouler des prototypes en plâtre. Leur épaisseur et leur poids importaient peu pour nos mesures. Il était cependant essentiel qu'ils aient une taille suffisante pour le brillance-mètre (environ 5 cm²). Il fallait en outre obtenir une surface la plus régulière possible. Le plâtre devait en outre être toujours le même. Nous avons donc choisi de couler des prototypes de plâtre de Paris (marque Sade) dans des moules à financier en silicone rigide. La forme des prototypes était donc trapézoïdale. Illustration 57: Plâtre moulé

Face dont la brillance serait mesurée sur les échantillons en résine

Les prototypes présentant des bulles ou défauts sur la face qui nous intéressait ont été éliminés. Neuf prototypes ont été ensuite réutilisés. Les trois premiers (P1, P2 et P3) ont été laissés tels quels, de manière à présenter la surface mate et imparfaite du plâtre. Les prototypes P4, P5 et P5 ont été vernis. Devant la grande porosité du matériau, nous avons opté pour un vernis à retoucher à vaporiser de chez Adam Montparnasse. Nous avons choisi un vernis de brillance moyenne. Finalement, les prototypes P7, P8 et P9 ont été recouverts de film alimentaire bien tendu et collé sur le revers.

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Illustration 59: P7, face vers le bas

Illustration 60: P7, face vers le bas

Illustration 58: P7 filmé, face vers le haut

O Fabrication des moules Les prototypes ont ensuite été déposés face vers le haut dans un contenant légèrement plus grand. Celui-ci a ensuite été remplis à ras bords de silicone RTV127, mêlée à 5% de catalyseur. Sèche en 6 heures, cette silicone permet de prendre une empreinte du matériau et de la reproduire ensuite au micron près. Elle a en outre une bonne durée de vie et peut servir de moule à répétition avant de s'user. Moule Prototype Nous obtenions ainsi neuf moules. Les moules M1, M2 et M3 ont été obtenus à partir des prototypes de plâtre simple P1, P2 et P3. Nous les nommerons les moules « neutres ». Les moules M4, M5 et M6, obtenus à partir des prototypes P4, P5 et P5 seront les moules « vernis », et les moules M7, M8 et M9 seront les moules « filmés ».

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Illustration 61: De gauche à droite : moule M8 "filmé" et moule M6 "vernis"

O Fabrication des échantillons Les échantillons ont ensuite été coulés dans les moules ainsi obtenus. L'Epoxy WWA HT a été mélangé à 35% de son durcisseur associé (WWB HT). Le mélange est travaillé à la spatule un certain temps, afin de bien lier la résine avec son durcisseur. Une grande délicatesse est nécessaire pour ne pas inclure de bulles dans la préparation. Il faut attendre que celle-ci devienne parfaitement translucide. Le temps de travail est ensuite de quelques minutes avant que la solution ne commence à durcir. Ce laps de temps nous permit de couler la résine dans chacun des moules préalablement préparés. Le temps de séchage avant démoulage est ensuite de 24h. L'opération est ensuite réitérée trois fois. La solution d'Epoxy EC-161 comprend deux parts de résine pour une part de durcisseur. Le processus de préparation est ensuite plus ou moins le même. Trois échantillons de chaque résine ont été coulés dans chacun des neuf moules.

Illustration 62: De gauche à droite : échantillon "filmé", échantillon "vernis", échantillon "neutre". Epoxy WWA HT ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 46


Répétabilité Pendant le temps de fabrication de tous les échantillons nécessaires, nous avons testé la répétabilité de notre processus expérimental. Une fois le mode de moulage de l'Epoxy WWA HT mis en place, nous avons coulé dix échantillons de cette résine dans un dixième moule en silicone M10, fabriqué à partir d'un prototype de plâtre simple. Nous ne voulions pas utiliser un des moules fabriqués pour notre expérimentation afin de ne pas user la silicone avant d'autres mesures. Nous relèverons à chaque fois les trois mesures, à 20°, 60° et 85°. M10

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

20°

0

0,1

0

0

0,3

0,2

0

0,1

0,3

0,5

60°

6,3

5,5

7,2

8,4

8,1

9,2

5,8

7,3

7,1

5,6

85°

13,1

12,8

11,6

13,7

14,1

13,9

12,6

11,5

13,1

12

Les mesures relevées à 60° sont en-dessous de 10. Pour plus de précision, nous nous intéresserons donc aux mesures prises avec un angle de 85°. → Calcul de la moyenne La moyenne est l'indicateur le plus simple pour résumer l'information fournie par un ensemble de données statistiques : elle est égale à la somme de ces données divisée par leur nombre. ̄x =

x1+x2+ x3+...+ xn n

n étant le nombre total de mesures

̄x =

13,1+12,8+11,6+13,7+14,1+13,9+12,6+11,5+13,1+12 10

̄x =

12,84

→ Calcul de la variance La variance indique de quelle manière une série se disperse autour de sa moyenne. Une petite variance indique que les valeurs sont proches les unes des autres alors qu'une variance élevée est signe que celles-ci sont très écartées. ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 47


σ² =

(x1−̄x ) ²+( x2−̄x ) ²+...+( xn−̄x ) ² n−1

σ² =

(13,1−12,84) ²+(12,8−12,84) ²+(11,6−12,84)²+...+(12−12,84)² 10−1

σ² =

0,26²+(−1,24) ²+0,86²+1,26²+1,06²+(−0,24) ²+(−1,34) ²+0,26²+(−0,84)² 9

σ² =

0,068+1,54+0,74+1,59+1,12+0,06+1,80+0,07+0,71 9

σ² =

7,70 9

σ² = 8,55. 10−1

→ Calcul de l'incertitude absolue, ou écart-type à 95% L'incertitude absolue ∆x est l'erreur maximale que l'on est susceptible de commettre dans l'évaluation de x. L'incertitude absolue s'exprime donc dans les unités de la grandeur mesurée. Δx =

2σ √n

Δx =

1,71 √10

Δx = 5,41. 10−1 → Calcul de l'incertitude relative L'incertitude relative ∆x/x représente l'importance de l'erreur par rapport à la grandeur mesurée. L'incertitude relative n'a pas d'unités et s'exprime en général en %. IR = ( IR =

Δx ).100 ̄x

5,41 .10−1 .100 12,84

IR = 4,21% Avec une incertitude relative de 4,21%, nous pouvons considérer que notre mode opératoire est fiable.

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Il ne s'agit cependant pas uniquement de savoir si un seul moule peut reproduire des échantillons plus ou moins identiques. Nous cherchons surtout dans cette étude à étudier une technique de moulage. Nous avons donc effectué des tests de répétabilité pour chacun des trois types de moulage étudié. Dix moules ont été réalisés à partir de prototypes de plâtre neutre, dix à partir de prototypes vernis et dix à partir de prototypes filmés. Un échantillon de résine Epoxy WWA HT a été coulé dans chacun de ces moules. Les mesures de brillance mesurées ont été reportées dans le tableau cidessous. Pour plus de précision nous utiliserons la mesure à l'angle approprié.

Angle

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

20°

0

0,1

0

0,9

1,2

2,4

0

0,5

3,5

3

60°

6,3

7,1

6,7

7,4

8,2

8

4,1

6,3

18,7

9,4

85°

13,1

13,3

7,6

9,7

11,1

13,3

7,8

8,5

12,9

12,6

20°

12,3

17,8

18,8

11,4

11,7

20,6

10,9

17,3

22,4

15,5

60°

35,3

51,3

57,8

47,9

38,5

49,9

37,6

48,9

40,1

47,8

85°

63,1

46,8

67,1

60

63,2

80,4

67,1

79,2

83,1

42,2

20°

79,7

80,1

90,9

80,7

84,1

87,9

90,2

79,8

81,2

87,9

60°

112,4

100,8

107,8

100,3

110,2

111,1

112

103,4

104,5

110,7

85°

93,6

96,2

101,5

94,2

100

101,3

100,7

97,9

96,2

99,4

Neutres

Vernis

Filmés

→ Moules « neutres » Moyenne :

̄x

= 10,99

Variance :

σ²

= 5,24

Ecart-type à 95% :

Δx = 1,45

Incertitude relative :

IR

= 13,18%

Avec une incertitude relative de 13,18%, nous pouvons considérer que la technique de moulage d'après différents prototypes d'un même plâtre préparés à l'identique est fiable. Tous les moules donnent des échantillons dont la brillance est proche. → Moules « vernis »

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̄x

= 45,51

Variance :

σ²

= 54,92

Ecart-type à 95% :

Δx = 4,69

Incertitude relative :

IR

Moyenne :

= 10,30%

Les prototypes en plâtre ont tous été préparés en vaporisant une quantité similaire du même vernis. Il était cependant difficile d'être surs de la répétabilité de cette technique. Or l'incertitude relative sur la brillance des échantillons réalisés à partir de ces moules « vernis » étant seulement de 10,13%, cette technique de moulage est répétable et donc valide pour notre expérimentation. → Moules « filmés » Moyenne :

̄x

= 84,25

Variance :

σ²

= 20,66

Ecart-type à 95% :

Δx = 2,88

Incertitude relative :

IR

= 3,41%

Le film alimentaire étant un matériau lisse et parfaitement homogène, il n'est pas étonnant que les moules réalisés selon cette méthode soient les plus réguliers, avec une marge d'erreur de seulement 3,41%. Parmi les erreurs constatées lors des différentes mesures, certaines peuvent être attribuées à des problèmes de mise en œuvre, à l'inclusion lors du séchage de poussières en surface (bien que des dispositions aient été prises à cette encontre), ou encore à de minimes irrégularités des moules... Ces tests complémentaires finissent de valider notre protocole expérimental. Nous pouvons donc à présent développer notre étude de la variation de la brillance d'une résine selon sa technique de moulage.

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Mesures et interprétations

O Epoxy WWA HT

M1 Neutre

M2 Neutre

M3 Neutre

M4 Vernis

M5 Vernis

M6 Vernis

Angle 20° 60° 85° 20° 60° 85° 20° 60° 85°

Échantillon 1 0 7,1 13,3 0 6,7 7,6 0,9 7,4 9,7

Échantillon 2 0 6,5 12,5 0,3 7,4 7,9 0,2 4,5 10,7

Échantillon 3 0,1 5,4 11,7 0 6,7 6,9 0 6,5 11,2

20° 60° 85° 20° 60° 85° 20° 60° 85°

12,3 35,3 63,1 17,8 41,3 46,8 18,8 47 ,8 67,1

12,8 38,5 50,4 16,5 38,4 49,2 22,7 49 65,7

12 38,3 47,3 24,6 45 66,9 27 42,7 66

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M7 Filmé

M8 Filmé

M9 Filmé

20° 60° 85° 20° 60° 85° 20° 60° 85°

79,7 112,4 93,6 80,1 100,8 96,2 90,9 107,8 101,5

80,6 92,2 89,7 85,6 95,6 89,4 87,7 99,7 93

83,7 101,2 95,8 86,3 111,1 93,4 87,2 97,2 91,3

Pour les échantillons M1 à M3, les mesures à 60° sont inférieures à 10. Nous calculerons donc une première moyenne avec les mesures prises à un angle de 85°. Pour les échantillons M4 à M6 en revanche, nous utiliserons les mesures à 60°, car celles-ci sont comprises entre 10 et 70. Pour les échantillons M7 à M9, les mesures à 60° sont supérieures à 70. Nous nous intéresseront donc aux résultats relevés avec un angle de 20°. Si par la suite cependant nous souhaitons pouvoir comparer toutes les mesures ensemble, il est nécessaire de choisir un référentiel commun. Nous calculerons donc également la moyenne de la brillance de tous les échantillons à un angle de 60°. Bien que moins précise, cette valeur nous permettra une comparaison de résultats très différents. Les incertitudes seront également calculées pour une mesure prise avec un angle de 60°. → Moules M1 à M3 neutres M1 : à 85°, ̄x = 12,5 à 60°, ̄x = 6,33

M2 : à 85°, ̄x = 7,47 à 60°, ̄x

= 6,93

M3 : à 85°, ̄x = 10,53 à 60°, ̄x = 6,13

Pour les échantillons neutres : ̄x = 6,46 σ² = 1,73. 10−1

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Δx = 4,81. 10−1 IR = 7,44% → Moules M4 à M6 vernis M4 : à 60°, ̄x = 37,37

M5 : à 60°, ̄x = 41,57

M6 : à 60°, ̄x = 46,5

Pour les échantillons vernis : ̄x = 41,81 σ² = 41,75 Δx = 7,47 IR = 17,87% → Moules M7 à M9 filmés M7 : à 20°, ̄x = 81,33 à 60°, ̄x = 101,93

M8 : à 20°, ̄x = 84,0 à 60°, ̄x

M9 : à 20°, ̄x = 88,6

= 102,5

à 60°, ̄x = 101,57

Pour les échantillons filmés : ̄x = 102 σ² = 4,40. 10−1 Δx = 7,67. 10−1 IR = 0,75% → Epoxy WWA HT Pour avoir un point de référence face à ces résultats et afin d'être certains que les différences de brillance sont bien dues aux techniques de moulage et non à la résine, nous avons également mesuré la brillance de la résine seule. Ces mesures ont été prises au revers de 10 échantillons choisis au hasard. Les revers des échantillons ont en effet été laissés à sécher à l'air libre, simplement recouverts pour éviter l'incrustation de poussières sur la surface. N'ayant pas été en contact avec la silicone, ils reflètent la brillance propre de la résine étudiée. Les résultats obtenus sont :

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70,1 – 65,7 – 50,7 – 68,5 – 71,2 – 59,2 – 63,4 – 57,8 – 69,6 – 71,3 Les résultats à 60° étant très proches de 70, et pour permettre une comparaison, nous ne relèverons que ceux-ci. La brillance moyenne de la résine Epoxy à couler WWA HT de Laverdure est donc de : ̄x = 64,75 à 60°. σ² = 47,77 Δx = 4,37 IR = 6,76%

120 100 80 Epoxy Neutre Vernis Filmé

60 40 20 0 Echantillon 1

Echantillon 2

Echantillon 3

L'interprétation de ces premiers résultats semble confirmer note hypothèse de départ. Les échantillons sortis d'un moule coulé sur du plâtre seul sont largement moins brillants que ceux dont le prototype en plâtre avait été vernis. Il est intéressant également de relever que le film alimentaire permet d'obtenir une brillance supérieure à celle de la résine seule.

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O Epoxy E-161

M1 Neutre

M2 Neutre

M3 Neutre

M4 Vernis

M5 Vernis

M6 Vernis

M7 Filmé

Angle 20° 60° 85° 20° 60° 85° 20° 60° 85°

Échantillon 1 1,7 6 8 2,5 8 5,1 1,5 8,9 9,1

Échantillon 2 3 9,9 12,3 0,5 9,7 5,9 1,3 7,1 10

Échantillon 3 3,5 9,8 10,9 1,2 6,2 6,4 2 6,8 8,7

20° 60° 85° 20° 60° 85° 20° 60° 85°

6,7 28,7 26,9 10 32,6 38,3 13,8 41,5 42,1

3,7 29,2 38,1 7,8 29,4 30,6 11,2 37,4 40,1

5,7 31,1 30,4 9,2 39,3 39,9 10,9 42,7 43

20° 60° 85° 20°

87,1 101,3 93,6 91,3

88,2 98,8 88,9 95,6

79,6 95,9 90,6 94,7

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M8 Filmé

M9 Filmé

60° 85° 20° 60° 85°

105,6 97,5 92,6 107,5 99,3

111,3 95 96,1 111,2 99,9

103,4 86,4 93,4 110,9 91,8

→ Moules M1 à M3 neutres M1 : à 85°, ̄x = 10,4 à 60°, ̄x = 8,57

M2 : à 85°, ̄x = 5,8 à 60°, ̄x

= 7,97

M3 : à 85°, ̄x = 9,27 à 60°, ̄x = 7,6

Pour les échantillons neutres : ̄x = 8,05 σ² = 4,79. 10−1 Δx = 8,0. 10−1 IR = 9,94% → Moules M4 à M6 vernis M4 : à 60°, ̄x = 29,67

M5 : à 60°, ̄x = 33,74

M6 : à 60°, ̄x = 40,53

M8 : à 20°, ̄x = 94,87

M9 : à 20°, ̄x = 97,34

Pour les échantillons vernis : ̄x = 34,65 σ² = 23,04 Δx = 5,55 IR = 16,01% → Moules M7 à M9 filmés M7 : à 20°, ̄x = 84,97 à 60°, ̄x = 98,67

à 60°, ̄x

= 106,74

à 60°, ̄x = 109,87

Pour les échantillons filmés : ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 56


̄x = 105,09 σ² = 33,40 Δx = 6,68 IR = 6,36% → Epoxy E-161 Mesures sur le revers de 10 échantillons à 60° : 92,7 – 93,6 – 90,6 – 90,4 – 86,4 – 100,2 – 99,3 – 88,2 – 83,9 – 102,7 ̄x = 92,8 σ² = 29,96 Δx = 3,46 IR = 3,73%

120 100 80 Epoxy E-161 Neutre Vernis Filmé

60 40 20 0 Echantillon 1

Echantillon 2

Echantillon 3

Comme précédemment, les moules coulés sur du plâtre simple ont atténué la brillance de la résine au maximum. La résine naturelle est plus brillante que les prototypes vernis mais encore une fois le film alimentaire permet d'obtenir un résultat encore plus brillant.

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O Confrontation des résultats

120

100 Epoxy Epoxy Epoxy Epoxy Epoxy Epoxy Epoxy Epoxy

80

60

40

WWA HT WWA HT Neutre WWA HT Verni WWA HT Filmé EC-161 EC-161 Neutre EC-161 Verni EC-161 Filmé

20

0 Echantillon 1

Echantillon 2

Echantillon 3

Il est intéressant tout d'abord de relever la différence de brillance des deux résines Epoxy. Bien que toutes deux vendues selon les mêmes caractéristiques (résine de coulée, transparente, semblable au verre), la WWA HT a une brillance moyenne de 64,75 à 60° tandis que celle de la EC161 est de 92,8 à 60° également. Cependant, nous remarquons bien que les techniques de moulage priment sur la brillance initiale de la résine quant au résultat. Ainsi, les deux résines moulées à partir de moules « neutres » ont une brillance respective de 6,46 (WWA HT) et 8,05 (EC-161) à 60°, ce qui est extrêmement proche. Notre hypothèse selon laquelle les moules fabriqués à partir de prototypes en plâtre neutre donneraient un rendu mat est donc confirmée. De même, les résines obtenues à partir de moules « vernis » ont une brillance de 41,81 (WWA HT) et 34,65 (EC-161) à 60°. Bien qu'un peu plus espacés, ces mesures restent proches et confirment notre seconde hypothèse selon laquelle l'ajout d'un vernis sur les prototypes augmenterait la brillance finale des échantillons de résine. ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 58


Finalement, les échantillons réalisés à partir de moules « filmés » sont, comme nous l'avions pensé, largement plus brillants que les autres : 102 (WWA HT) et 105,09 (EC-161) à 60°.

O Conclusion Cette étude aura confirmé nos suppositions de départ et permis de mettre des valeurs sur une appréciation optique qui reste somme toute très empirique quand nous l'appliquons aux œuvres que nous restaurons. Elle nous a en outre aiguillé sur les techniques que nous privilégierons pour couler nos perles de verre de substitution. Bien que de mise en œuvre plus délicate, la technique du film alimentaire reste à nos yeux celle offrant le résultat le plus stable et optiquement satisfaisant. Pour poursuivre cette étude, il faudrait peut être l'élargir à d'autres résines, comme nous avions pensé le faire au départ, ou inclure le paramètre du vieillissement sur la brillance, bien que celui-ci soit certainement léger. En effet, de tous les paramètres qui déterminent la brillance, l'état de surface est certainement le plus susceptible de varier avec le temps, reste seulement à savoir à quelle échelle.

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Etude Technologique Conservation et Restauration de l’œuvre

« Je te le promets divine princesse Par toutes les montagnes de la Terre, Par toutes les forêts où habitent mes frères, Par toutes les racines et les fruits Dont les singes nourrissent leurs petits, Je te le promets : tu verras sous peu Le doux visage de Ramâ, Ses cheveux bouclés, ses beaux yeux ; Divine Sitâ, tu verras ton Dieu. » Ramayanâ (extrait)

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Examen des éléments constitutifs Une étude approfondie de chaque strate est absolument nécessaire. En effet, ce n'est que par

une meilleure connaissance des matériaux utilisés que nous serons à même de concevoir et de réaliser une restauration répondant au mieux à leurs contraintes spécifiques. Il s'agit ici d'un panneau de bois, recouvert sur presque toute sa superficie avant et arrière par plusieurs toiles. Dans certaines zones, on en dénombre jusqu'à quatre. Sur celles-ci sont identifiables diverses couches. Nous les nommerons « enduits ». Ceux-ci n'étant pas les mêmes sur la face et au revers de l’œuvre, nous observerons les deux séparément. L'une des particularités de ce tableau est les nombreuses incrustations visibles dans l'architecture et les ornements des personnages. Il s'agit majoritairement de perles de verre, de pierres semi-précieuses de Jaïpur45 et de miroir. Nous tenterons de les classer et de les relever le plus précisément possible. Les strates de peintures feront également l'objet un examen approfondi, de même que la couche de vernis visible à l’œil nu et aux Ultraviolets. Incrustations Repeints

Enduit d'incrustation

Strate fibreuse

Vernis Peinture d'origine Assiete rouge Enduit préparatoire

Assiette jaune + or Toiles Bois Illustration 63: Schéma stratigraphique de l'oeuvre

45 Voir les techniques de fabrication des peintures de Tanjore dans l'étude historique

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O

Le bois

L’œuvre est peinte sur une unique planche de bois (probablement du Jacquier),46 de fil vertical. En hauteur elle mesure 50,8cm à senestre et 50,6cm à dextre. Le bord supérieur Inscription à la craie au revers Inscription au revers

mesure 40,3cm et le bord inférieur 40,2cm. La périphérie du panneau est biseautée et mesure 4mm d'épaisseur. L’œuvre étant recouverte de divers matériaux sur toute sa superficie, tant sur la face qu'au revers, il n'est pas possible de déterminer son épaisseur centrale ou le type de débit du bois. Une grande marque de façonnage est visible sous la traverse inférieure.

Illustration 64: Support bois, revers

Le panneau est pourvu d'un système de renfort : deux traverses horizontales clouées par la face et certainement originelles sont visibles au revers du panneau. Elles sont chacune fixées par cinq clous avec pointes rabattues et mesurent réciproquement 35,9 et 36cm de long, 2cm de haut et 3,4cm de largeur. Il reste de plus quatre clous plantés dans les côtés des traverses.

Illustration 65: Traverse clouée par la face

Sur la face, dans les lacunes et sur les bords, le bois est teinté avec une couleur rouge bordeaux.

46 Entretien avec Vani Ventakesh, actuelle artiste à Tanjore

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O

Les toiles

Sur le panneau sont marouflées plusieurs toiles. D'après Alain Roche, Claire Bergaud et Jean-François Hulot, « le marouflage désigne le contre-collage d'un support sur un support plus rigide. »47, comme ici le textile sur le bois. A l'arrière de notre œuvre on relève la présence d'au moins quatre toiles différentes. Cependant, comme elles ne sont pas présentes de manière homogène sur toute la surface visible, et qu'elles ont généralement été recouvertes par diverses couches d'enduits et de papiers il est difficile d'en établir une stratigraphie précise et de déterminer leurs propriétés particulières.

Au moins trois toiles sont différenciables

Illustration 66: Identification des toiles présentes au revers. Bord inférieur dextre L'observation des bords semble indiquer que certaines des toiles présentes à l'arrière de l’œuvre sont les mêmes que celles observables sur la face. Sur l'illustration précédente par exemple on note la continuité de la toile entre les deux côtés de l’œuvre. On relève à certains endroits une forte épaisseur de toiles agglomérées ensemble (sur les bords notamment) tandis que dans les lacunes centrales seules une ou deux toiles semblent dénombrables. 47 BERGEAU C., HULOT J.-F., ROCHE A., La dégradation des peintures sur toile. Méthode d'examen des altérations, p. 21

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Epaisseur : 0,5mm

Epaisseur : 1mm Epaisseur : 2mm

Illustration 68: Etude de l'épaisseur des toiles. Bord dextre

Illustration 67: Observation des toiles dans une lacune de la face

Certains tests ont été effectués afin d'étudier la nature des textiles. Ils ont été réalisés à divers endroits de l’œuvre pour limiter la marge d'erreur. Les différentes toiles observées semblent de même nature. Elles sont composées de fibres naturelles48, probablement de coton49 (ces résultats nous semblent cohérents avec le processus de création des œuvres de Tanjore, où une planche de bois est recouverte de textiles de coton brut)50. Le coton est un composé cellulosique (87% de cellulose) 51. Hygroscopique, il retient l'humidité beaucoup plus longtemps que le lin.52 Les toiles présentent également des caractéristiques physiques similaires : fines et souples, elles ont des fils réguliers et une armure toile. La contexture peut être considérée comme relativement lâche car l’épaisseur d’un fil de toile est légèrement inférieure à la distance séparant deux fils. On dénombre 7x10 fils au cm². Il n'a pas été possible de déterminer de manière certaine les sens de torsion des fils ainsi que les sens chaîne et trame des toiles. Elles sont en effet bien trop indissociables les unes des autres. La colle traditionnellement employée pour fixer les toiles sur le support est fabriquée à base de farine ou de graine de tamarin.53 Celle-ci, très ancienne, semble par endroits avoir complètement disparu. 48 49 50 51 52 53

Voir test en annexe p. 146 Voir test en annexe p. 146 Entretien avec Anupam Sah, restaurateur au CSMVS Museum Art Conservation Centre basé à Mumbai BROSSARD, Technologie des textiles, P. 153 PEREGO F., Dictionnaire des matériaux du peintre, P. 240 Anupam Sah, restaurateur au CSMVS Museum Art Conservation Centre basé à Mumbai, ainsi que Vani Venkatesh et Edjoumalé Dkaermine, artistes actuels de Tanjore.

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O

Enduit n°1 avec dessin préparatoire

Dans plusieurs lacunes de la face est présent un enduit de couleur ivoire, sur lequel est encore visible le dessin préparatoire de l’œuvre, probablement tracé avec une encre bleue. Cette couche est traditionnellement réalisée à base de poudre de craie mélangée à une colle naturelle protéinique. L'enduit a un rendu très lisse et brillant. Tout comme l'encre, il ne présente aucune sensibilité au passage d'un coton humidifié.

Illustration 69: Mise en évidence du dessin sousjacent, bord dextre

O

Illustration 70: Mise en évidence du dessin sousjacent, coin inférieur dextre

Enduit n°2 : assiette rouge

AGRAWAL O. P., Conservation des biens culturels das l'Asie du Sud et du Sud-Est, p.82

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Ce qui frappe particulièrement lorsqu'on observe cette œuvre, c'est son relief très inégal. De manière générale, l'épaisseur des couches suit le dessin. Le modelé du drapé autour des hanches de Ramâ par exemple est rendu plus par des jeux de matière que par la peinture. Ces importantes différences d'épaisseur de la couche picturale sont dues à la présence au-dessus de l'enduit de préparation d'une couche Illustration 71: Mise en évidence en lumière rasante des différences d'épaisseur de matière au niveau du drapé

de couleur ocre rouge, travaillée à la manière des enduits utilisés en dorure pour donner du relief aux œuvres.

Il pourrait s'agir d'une préparation traditionnelle à base d'argile et de colle naturelle. 54 Après un entretien avec Mme Sophie Kha, doreuse professionnelle, nous avons désigné cette couche comme étant une assiette rouge, puisqu'elle sert de sous-préparation à une feuille d'or.

Illustration 72: Observation de l''assiette rouge en épaisseur

Illustration 73: Observation à la loupe de l'enduit n°2, Grossissement x4

54 Entretiens avec Anupam Sah, restaurateur au CSMVS Museum Art Conservation Centre basé à Mumbai, ainsi que Vani Puram et Venkatesh Kaur, artistes actuels de Tanjore.

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O

Enduit n°3 : d' incrustation

L'une des autres spécificités de cette œuvre est les nombreuses incrustations (que nous détaillerons ultérieurement) qui lui donnent son caractère si riche. A l’œil nu ou au microscope on observe que celles-ci sont cernées d'un enduit blanc, assez granuleux, ressemblant par sa consistance au plâtre. 55

Enduit blanc n°3. Creux laissé par une ancienne incrustation verte Incrustation, perle de verre arrondie Illustration 74: Observation de l'enduit n°3 au microscope. Grossissement x50

L'hypothèse peut être avancée, notamment grâce à l'observation de l'illustration ci-dessus, que les perles ont été incrustées directement dans l'enduit n°3 alors qu'il était encore frais. En effet, on voit ici la trace ronde creusée dans cet enduit par une ancienne incrustation, aujourd'hui disparue. O

Les incrustations

55 Voir tests en annexe

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Avant d'étudier une à une les différentes sortes d'incrustations présentes sur cette œuvre, il est primordial de mieux comprendre de quelle manière elles ont été fixées sur le support. De nouvelles observations en coupe dans les lacunes accessibles semblent confirmer l'hypothèse avancée précédemment, selon laquelle les perles de verre auraient été apposées directement dans l'enduit n°3 encore frais. Cependant on observe également la présence par dessus d'un nouvel enduit, jaune et partiellement doré.56

C

A B Illustration 75: Observation en coupe d'une lacune. Étude du montage des incrustations A : Assiette rouge B : Enduit d'incrustations C : Assiette jaune

→ Incrustations de bordure – type 1 L’œuvre devait originellement être sertie du même type d'incrustations sur tout son pourtour. Aujourd'hui cependant, seule la moitié est encore présente et visible. De la forme particulière d'une pyramide tronquée, ces pierres sont translucides. L'examen de l’œuvre aux ultra-violets nous a permis de constater que ces incrustations n'étaient pas en verrerie (le verre devient phosphorescent sous UV) mais bel et bien en pierres semi-précieuses de Jaïpur, tel que c'est souvent le cas dans les

56 Pour l'étude des incrustations ne seront prises en compte que celles qui sont visibles. Il est en effet possible que plusieurs perles soient encore présentes sous des couches posées ultérieurement sur l’œuvre, mais étant dans l'incapacité d'apprécier leur forme, leur couleur ou leur état, elles seront exclues de cette étude. De plus, pour ce qui est de les mesurer, étant donné que même des perles de la même « famille » sont toutes uniques et irrégulières, une moyenne a été faite en mesurant à chaque fois dix d'entre elles. Cette moyenne sera l'unique dimension livrée ici.

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peintures de Tanjore.57

Illustration 77: Pyramide tronquée

Illustration 76: Incrustations en bordure Au niveau de la base, ces perles mesurent en moyenne 7,25mm², tandis que leur sommet mesure 9mm². Leur hauteur avoisine 1,5mm. On en dénombre encore 19 sur le bord dextre, 28 sur le bord supérieur et 13 sur le bord inférieur, avec la possibilité d'en retrouver d'autres sur le bord inférieur et le bord senestre, présentement recouverts d'autres couches.

Illustration 79: Coin dextre, UV

Illustration 78: Relevé des incrustations 1 Incrustations de type 1

57 Voir photographie de l’œuvre sous Ultra-violets en annexe p. 155

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→ Incrustations d'éléments d'architecture – Type 2 Les incrustations que nous nommerons « de type 2 » sont des perles de verre, plus petites que les précédentes, de base carrée et au sommet arrondi. Elles sont transparentes et leur couleur rouge intense est due à une couche de peinture posée en-dessous. Leurs tailles varient entre 3mm² et 5mm² selon les endroits. Leur épaisseur atteint presque 1mm. On en dénombre pour l'instant 246 : 58 pour l'arcade centrale de l'architecture, 67 pour le petit dôme dextre plus 26 pour son arcade, 50 pour le dôme de senestre et 16 pour Illustration 80: Observation des son arcade. incrustations de type 2 A ces chiffres on peut ajouter 20 perles pour la décoration supérieure du dôme central et 9 dans la partie inférieure du socle sur lequel est assis le Dieu. On inclura également dans les incrustations de type 2 trois autres rangées de perles. Le socle de Rama s'orne en plus de 15 perles roses, son collier de 11 perles vertes et l'architecture de 6 perles oranges. Toutes ces incrustations de verre brillent sous ultraviolets.58

Incrustations de type 1

Incrustations de type 2

Illustration 82: Coin dextre, UV

Illustration 81: Relevé des incrustations n°2

58 Voir annexe photo UV

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→ Incrustations d’apparat – Type 3 et 4 Les nombreux bijoux arborés par les personnages sont également largement décorés de perles. Celles-ci, en forme de demi-sphères légèrement aplaties sur le dessus ont leurs bases peintes de diverses couleurs : rouge, rose et orange. Leurs tailles diffèrent également : les petites ont un diamètre compris entre 3mm et 3,5mm, et les grandes, servant seulement à souligner certains bijoux, mesurent diamétralement de 4,5mm à 6mm.

Illustration 83: Incrustations de type 3 et 4

Pour ce qui est des incrustations de petite taille, on en dénombre respectivement 269 rouges, 66 roses et 41 orange, localisées majoritairement dans les coiffes, les colliers et les bracelets des personnages. Il faut ajouter à ce résultat 26 perles roses, 25 perles vertes et 19 perles blanches de grandes tailles, relevables pour leur part uniquement au niveau des couronnes des personnages du registre supérieur. On rajoutera dans les incrustations d'apparat celles dites de « type 4 ». Au nombre de 19, transparentes et parfaitement plates à la surface, elles ont été positionnées au niveau de la malâ (collier) de Ramâ ainsi que des coiffes, au-dessus d'une peinture verte appliquée directement sur l'enduit n°3.

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Incrustations de type 1

Incrustations de type 2 Incrustations de type 3 Incrustations de type 4 Illustration 84: Relevé des incrustations 3

→ Incrustations diverses-Type 5 Au niveau de la décoration du socle du dieu, dans la partie inférieure du tableau, se trouvent trois incrustations qui diffèrent des autres par la forme et la couleur. Elles sont toutes trois parfaitement translucides et mesurent près de 2mm d'épaisseur. La première, située à dextre, a une base de forme hexagonale allongée. La seconde au centre a une base carrée et la dernière, à senestre, a une base hexagonale également, mais régulière. Elles ne réfléchissent pas les rayons ultra-violets et sont donc certainement des pierres semi-précieuses de Jaïpur. 6mm 12,5mm 16,5mm

4,5mm

7mm

9mm

→ Incrustations de miroirs – Type 6 Pour finir, les dernières incrustations relevables sur cette œuvre sont des morceaux de miroir. Ils se situent dans le parasol du roi et dans l'architecture autour. Deux pièces se trouvent dans le parasol, mais il semble qu'une troisième soit manquante.

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Papier

Illustration 85: Observation des incrustations de miroir Le premier morceau de miroir, à dextre, est de forme trapézoïdale, tandis que le second est un triangle. 21mm 8mm

9mm h = 7,5mm 14mm

20mm h = 7,5mm

21mm

On relève aussi la présence de miroir dans 7 arcades de l'arche dextre, au-dessus de Lakshmana. Cependant le miroir a ici été presque intégralement recouvert d'une couche de peinture épaisse, brillante et noirâtre.

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Illustration 86: Relevé des incrustations 4

Incrustations de type 1 Incrustations de type 2

Incrustations de type 3 Incrustations de type 5

Incrustations de type 4 Miroirs

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O

Enduit n°4 : assiette jaune

Au-dessus de l'assiette rouge décrite précédemment apparaît par endroits un enduit jaune. Il est presque intégralement recouvert de feuille d'or. Le dessin est de nouveau appuyé ici par des traits d'encre ou de peinture noire. Cette assiette est présente sur l'ensemble de l’œuvre, sous certaines couches de peinture comme dans les arcades, où elle sert au sertissage des incrustations. Il s'agit d'une couche maigre.59

A

B

Illustration 87: Enduit n°4, bord supérieur

C

D E

Illustration 88: Observation des différentes strates dans une lacune, bord inférieur A : Le bois B : La (Les) Toile(s) C : L'enduit n°1 avec dessin préparatoire D : Assiette rouge E : Assiette jaune et or (usé)

59 Voir tests en annexe

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O

Peinture originelle La palette employée, bien que variée, est relativement

simple. La modulation tonale n'est que peu rendue par la couleur mais plutôt, comme nous l'avons vu précédemment, par le relief de l’œuvre. En effet, bien que vives et complémentaires, les teintes sont posées en aplats. Les quatre couleurs dominantes sont le bleu outremer, utilisé dans le ciel, les arcades latérales du porche, la partie inférieure et les visages de certains personnages, un rouge vermillon, présent dans l'arcade centrale et le socle du dieu principal, le vert, pour les carnations de plusieurs divinités ainsi que des singes, et l'ocre, également Illustration 89: Couleurs employées pour les carnations, bord dextre

employé pour la peau de plusieurs figures.

A ces couleurs majoritaires60 il faut ajouter le blanc61 des chevaux et éléphants du registre inférieur de l’œuvre ainsi que le brun, principalement employé pour les vêtements des personnages, et le noir, servant à souligner les lignes du dessin. Traditionnellement les œuvres de Tanjore sont peintes avec des encres et colorants naturels et synthétiques. Ces matériaux donnent une grande légèreté à la représentation et permettent également de beaux effets de transparence. La peinture est mate. Nous différencierons les couches de peinture originelles de celles qui nous semblent être des repeints postérieurs. Dans la stratigraphie, la peinture originelle se trouve au-dessus de tous les enduits précédemment développés. Elle est représentée sur le schéma en rouge et en bleu clair.

60 Informations sur les pigments : A.L. DALLAPICCOLA, South Indian paintings, A catalogue of the British Museun collection, Londres, The trustees of the British Museum, 2010, p. 14. 61 La radiographie nous a indiqué la présence probable de plomb dans les blancs. Ceux-ci ressortent en effet fortement aux rayons X. Voir radiographie en annexe.

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Une couche rouge vermillon est présente sur une grande partie de l’œuvre. Originelle, appliquée en plusieurs couches, elle sert à la fois de couche de préparation et de fond, selon les zones. Les parties visibles étant originales sont réalisées avec une grande finesse (tels les visages des sages sur l'illustration page précédente) mais sont peu nombreuses. Un relevé a été effectué en blanc sur l'illustration suivante. O

Première campagne de repeints

Illustration 90: Relevé des zones originales visibles avant restauration Pour ce cas particulier, les repeints seront abordés aussi bien dans les éléments constitutifs que dans les altérations. En effet dans la tradition indienne, le but primordial est de préserver le sens d'une œuvre, son message profond, et pas forcément son histoire ou ses qualités esthétiques. Ainsi, il est très courant dans cette culture de trouver de nombreuses campagnes de repeints au travers des décennies, des siècles, voire des millénaires suivant la création d'une peinture. A partir du moment ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 78


où ils sont apposés à cette fin didactique, les repeints deviennent partie intégrante de l’œuvre, enrichissant son identité. Deux importantes campagnes de repeints ont pu être séparées.

Illustration 91: Bronzine sur les dorures. Arcade dextre Grossissement x50

Illustration 92: Bronzine sur les incrustations, arcade centrale. Grossissement x50

La première concerne principalement les dorures. En effet on relève sur celles-ci un genre de « bronzine » ayant été appliquée sur les usures de la feuille d'or. Cet alliage de paillettes dorées et de colle s'est amalgamé et altéré au fil du temps et présente aujourd'hui un aspect brillant et noirâtre. En outre, des couches de peinture argentée pailletée ont également été ajoutées sur des personnages originellement dorés ou sur les miroirs présents dans les arcades latérales.

Illustration 93: Miroirs repeints. Arcade dextre

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Illustration 94: Relevé de la première campagne de repeints

O

Deuxième campagne de repeints

→ Strate fibreuse

Il est aisé de séparer cette deuxième campagne de repeints du reste de l’œuvre. En effet sur près de la moitié du tableau (partie inférieure et partie senestre), la représentation est recouverte d'une épaisse couche grisâtre. Il semble qu'il s'agisse d'une strate composée de fibres agglomérées. Il pourrait s'agir de pâte à bois. Au-dessus de cette épaisseur fibreuse ont été appliqués un ou plusieurs papiers, sur lesquels vient une couche de peinture.

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D

C

B A

Illustration 95: Observation de la strate fibreuse. Grossissement x50

Illustration 96: Observation de la strate grise fibreuse à l'oeil nu

A : Assiette jaune + or B : Strate fibreuse C : Papier D : Peinture

Illustration 97: Délimitation des zones en sur-épaisseur

→ Repeints Au-dessus de cette strate très épaisse (jusqu'à 6mm) et parfois directement sur la peinture originale se trouvent de nombreux repeints. Ils semblent avoir été réalisés avec le même type d'encres que l’œuvre initiale. Ils sont cependant facilement identifiables par la différence de finesse de leur exécution, comparée aux personnages d'origine que nous avons déjà identifiés. ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 81


Dans le ciel et le registre inférieur, deux lacunes importantes laissent entrevoir l'original sous-jacent. Sous le bleu clair du ciel apparaissent un bleu plus foncé et une aile orangée. Dans le registre inférieur la caisse ouverte par le roi des singes semble avoir été originellement recouverte d'or. En grande majorité, les repeints sont fidèles à l'iconographie classique de cette scène.

Illustration 98: Lacune du ciel

Illustration 99: Scène du registre inférieur

Certains de ces repeints en revanche se révèlent peu cohérents avec la lecture de l’œuvre.

Illustration 100: Peinture en sur-épaisseur. Architecture, coin supérieur senestre Toute la moitié senestre de l’œuvre est repeinte, ainsi que le registre inférieur, le ciel, les personnages centraux et certains détails du côté dextre.

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Illustration 101: Relevé des repeints Deuxième campagne

Première campagne

O

Vernis

L’œuvre a un rendu très lisse et très brillant, mais pas de manière uniforme. Il y a certaines zones mates, observables en lumière rasante. L'observation de l’œuvre aux UV n'a apporté aucune certitude absolue quant à la présence d'un vernis. Aucune fluorescence significative n'a été détectée. En revanche, l'examen des bords de l’œuvre a mis en évidence des gouttes transparentes et brillantes. Des tests à l'Ethanol et à l'Acétone ont permis de solubiliser cette couche brillante. En nous référant au triangle de solubilité de Teas nous avançons donc l'hypothèse d'un vernis d'origine naturelle à base de résine terpénique.

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O

Enduits et papiers de maintien au revers Différentes couches sont identifiables au revers, au-dessus des toiles décrites au début de

l'examen des éléments constitutifs. Elles semblent pour la plupart être postérieures à la création de l’œuvre et avoir un but de consolidation du support. Directement sur la ou les toiles a été posée une couche d'enduit blanc. Celui-ci a ensuite été recouvert d'une couche de peinture rouge puis d'une couche d'ocre.

1. La/Les toiles

3. La couche de rouge 2. L'enduit blanc

4. La couche d'ocre

6. Papier

5. Colle (en gris)

7. Couche Illustration 102: Identification des matériaux présents au revers

supérieure de peinture orange

L'ensemble de ces strates a été soumis à divers tests62 afin d'avoir de nouvelles indications quant à leur nature. Nous sommes donc en présence de matériaux poreux, de liants non lipidiques et pour certains solubles à l'eau. Au dessus de ces enduits viennent des matériaux qui ont pu être posés lors d'une intervention précédente. Il s'agit d'une couche de colle, de journaux écrits dans un idiome indien (Tamoul, langue du Tamil Nadu, où se trouve Tanjore) et de peinture orangée. Le revers de l’œuvre n'est pas entièrement recouvert de papier, en revanche la peinture orangée a été posée de manière relativement uniforme. Des tests au coton humide nous montrent qu'elle est complètement soluble dans l'eau. Nous pouvons penser que ces matériaux présents au revers ont un rôle de protection du 62 Voir tests en annexe p. 146

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support bois face à l'humidité ambiante et le gardent de variations dimensionnelles dommageables pour sa conservation. On peut néanmoins soulever la question de leur efficacité au vu de leur forte sensibilité à l'eau.

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Relevé des altérations Les altérations seront décrites dans le même ordre que les éléments constitutifs, une à une,

afin de conserver la même logique de découverte et de compréhension de l’œuvre. Lors des interventions de dé-restauration, l'aspect de l’œuvre a considérablement été transformé. D'autres altérations ont été mises en évidence. Dans un souci de clarté et de continuité, nous avons cependant décidé de livrer le relevé des altérations de l’œuvre dans l'état dans lequel elle nous fut confiée. O

Altérations du support bois

→ Courbure En premier lieu, le panneau est voilé. Cette altération n'est pas préjudiciable à la bonne lisibilité de l’œuvre.

→ Fentes L'altération la plus remarquable et la plus importante du support est la présence de plusieurs fentes sur sa surface. L'une d'elles court sur toute la hauteur du bord senestre du tableau. Elle est nettement visible à divers endroits, mais également sur la radiographie de l’œuvre.

Illustration 103: Fente verticale visible sous la traverse inférieure, bord senestre

Illustration 104: Radiographie

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Une autre fente est relevable au centre du tableau. Il semble qu'une part de cette altération soit due à l'intervention humaine puisqu'une entaille (certainement une marque de façonnage) dans le bois à cet endroit a certainement fragilisé ce dernier. La fente mesure 6,9cm du bord inférieur jusqu'à la traverse du bas, puis 13,3cm de l'entaille jusqu'au centre du tableau. L'entaille pour sa part mesure 15,1cm de long en son centre, 3cm de large au niveau de la traverse et 0,95cm de profondeur au même endroit. Une autre fente part du bord supérieur de l’œuvre de manière verticale, exactement au même niveau que celle-ci. Elle mesure 6,2cm de long.

Illustration 105: Fente et entaille, bord inférieur

→ Marques de brûlures Sur certaines zones du bois sont visibles des traces de brûlure. Le bois dans ces zones-là a une apparence vermoulue et pulvérulente. Les toiles présentes à ces endroits sont également noircies et tombent en poussière au moindre effleurement.

Le papier peint orange avoisinant cependant,

garde sa couleur claire, indiquant qu'il a certainement été posé après ces dommages. Illustration 106: Traces de brûlures au revers, coin supérieur dextre → Trous d'envol et zones attaquées On trouve plusieurs petits trous de forme circulaire à divers endroits de l’œuvre. Ceux-ci sont caractéristiques de trous d'envol laissés par des insectes xylophages lors de leur départ du panneau de bois. Il semblerait qu'ils ne soient plus dans le panneau. En outre, deux zones présentent des altérations particulières. Le bois semble avoir été rongé dans le Illustration 107: Zone de bois attaquée, bord inférieur ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 87


sens vertical de la fibre, au niveau de la traverse inférieure. Les creux ont 4 à 5mm de profondeur.

→ Consolidations Pour finir, en plus des toiles et papiers déjà cités précédemment, cinq plaques rectangulaires ont été fixées par de petits clous au revers pour consolider la fente présente sur le bord senestre. Pulvérulentes, elles pourraient être un agglomérat de fibres de bois de type isorel et ajoutent entre 6 et 8mm d'épaisseur au support. Elles mesurent réciproquement (de haut en bas) 5,5x3cm, 11,5x6,2cm, 8,5x6,2cm, 6,4x7,8cm et 5,4x8,7cm et sont recouvertes de papiers journaux ainsi que de peinture.

Illustration 108: Consolidations, bord senestre

Des petits agglomérats de la même matière sont également présents au niveau de certains bords et de l'entaille centrale.

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Illustration 109: Relevé des altérations du support avant intervention Fente supposée

Fentes Brûlures

Plaques de renfort en isorel

Marque de façonnage

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O

Manques d'adhésion aux interfaces L'altération la plus problématique au niveau des interfaces entre les différents matériaux est

le manque d'adhésion. On observe en effet à divers endroits de la face des zones en soulèvement, notamment au niveau des fentes précédemment relevées. Il peut s'agir soit d'une cloque de marouflage63 entre les toiles et le bois, ou de la couche supérieure de peinture qui se décolle et s'écaille, ou encore d'une perte d'adhérence entre l'enduit de préparation et les couches supérieures. A chaque fois qu'un tel phénomène est observé il entraîne des répercussions sur chacune des strates. O

Craquelures Peu nombreuses, elles sont situées au niveau des fentes du bois ou aux limites entre

différents matériaux : comme la peinture et les incrustations, ou la peinture et l'ajout de la strate fibreuse. Elles se répercutent généralement sur toute la stratigraphie. Un relevé précis est proposé en annexe.64 O

Lacunes Les repeints couvrent environ 90% du tableau. Le relevé des lacunes qui a été réalisé lors de

la réception de l’œuvre, s'il permet d'évaluer la complexité de l'état de surface de celle-ci, n'a pas une grande signification, puisqu'il ne concerne pas l’œuvre originale, peu accessible. Il ne nous a pas semblé pertinent de le présenter ici, il est cependant consultable en annexe. O

Repeints Les différentes campagnes de repeints qui couvrent la majorité du tableau ont déjà été

détaillées dans le constat d'état. Elles ne seront pas de nouveau abordées. Il convient cependant de souligner le mauvais vieillissement de certains éléments, comme la bronzine, qui a noirci et dénature à présent l'or de l'architecture ou du voile de Ramâ. De moins bonne qualité que l'original, les surpeints ne sont pas toujours parfaitement justes iconographiquement non plus.

63 GOLENVAUX L., Les œuvres sur toile marouflées sur panneaux de bois : attitude et démarches du conservateur-restaurateur, p. 37 64 Page 154

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O

Oxydation du vernis Le vernis présent sur l'ensemble de l’œuvre a été appliqué de manière très inégale. Ceci est

potentiellement dû aux reliefs disparates de la couche picturale. Il est en outre très oxydé. O

Empoussièrement L’œuvre présente un léger empoussièrement. Cette altération est particulièrement flagrante

au niveau des reliefs de l'architecture et des coiffes des personnages. La poussière s'est en effet accumulée dans les creux et autour des incrustations.

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Diagnostic L'étape du diagnostic est primordiale pour comprendre l'évolution de l’œuvre, de sa création à aujourd'hui. Il existe une logique bien précise qui lie entre elles toutes les altérations que nous avons pu relever. Saisir cette évolution et différencier les causes accidentelles, environnementales, mécaniques et humaines ayant conduit à l'état actuel de l’œuvre nous permettra de définir au mieux notre nécessité de traitement et d'adapter le cahier des charges de l’œuvre. Le diagnostic sera développé dans un ordre chronologique, afin d'embrasser une vue globale de l'histoire de l’œuvre. → Conditions environnementales de création. Le bois est un matériau hygroscopique. Il aura ainsi tendance à gonfler dans une atmosphère au taux d'humidité relative élevé et à se rétracter en temps de sécheresse. Le caractère réactif du bois est dû à la substance ligneuse qui constitue les parois de ses cellules. Celle-ci se compose principalement de cellulose et présente donc une grande sensibilité à l'eau. Le bois contient en permanence une « humidité d'équilibre », c'est à dire une certaine quantité d'eau qui varie au diapason des changements climatiques environnementaux (température et humidité relative de l'air). Le « point de saturation des fibres » du bois se situe à environ 25-30% d'humidité intrinsèque. Au-delà ou au-dessous de ce point d'équilibre le bois va gonfler, se rétracter ou même se déformer. C'est ce que l'on nomme le « jeu du bois ». En outre les cellules et fibres du bois étant orientées dans un même sens, un panneau de bois se déformera de manière anisotrope. En effet le jeu sera plus important dans le sens tangentiel que dans le sens radial.65 Or l'Inde est un pays au climat hautement variable. L'été est chaud et sec (le taux d'humidité 65 GOLENVAUX L., Les œuvres sur toile marouflées sur panneaux de bois : attitude et démarches du conservateurrestaurateur, p.46 STEVENS W.C., Rates of change in the dimensions and moisture contents in wooden panels resulting in changes in the ambiant air conditions, p. 21-25 UNESCO, The care of paintings : the care of wood panels, P. 139-194

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relative peut descendre à moins de 30%), tandis que les trois mois de mousson dans la région de Tanjore entraînent une hausse considérable de l'humidité ambiante (jusqu'à 90-100%). 66 On peut donc imaginer les effets de telles variations sur la structure réactive du bois. De plus, le panneau a sans doute été soumis à un apport important d'eau lorsqu'il a été recouvert de plusieurs couches de toiles au moment de sa création. La présence des traverses a de plus empêché le jeu du bois de se faire en souplesse. En contraignant fortement le panneau, elles ont contribué à la formation des fentes visibles aujourd'hui.

→ Cause accidentelle A ces conditions initiales, il faut rajouter les brûlures, visibles à divers endroits du revers. Elles témoignent de la forte chaleur à laquelle a été soumise l’œuvre. Cette sécheresse subite dans un climat relativement humide a sans aucun doute été une des causes des fentes et déformations du bois.

→ Évolution mécanique des différentes strates de l’œuvre Soumis à de violentes variations climatiques et fortement contraint par ses traverses, le tableau s'est voilé. Le bois s'est en effet très certainement rétracté à la chaleur, tandis que les traverses empêchaient une mouvement libre du panneau. Les premières fentes sont probablement apparues à ce moment-là, se répercutant ensuite sur l'ensemble des couches. Une fente dans le bois provoquera en effet des contraintes de cisaillement au niveau des toiles et enduits supérieurs. Deux phénomènes sont alors identifiables : une perte de cohésion au sein de chaque strate, accompagnée parfois d'une perte d'adhésion aux interfaces entre les différents matériaux. Dans le premier cas on assistera à la formation d'une craquelure. Les strates, liées les unes aux autres, se rompront uniquement dans un sens vertical.

66 F. LANDY, Paysans de l'Inde du Sud, le choix et la contrainte, p. 58

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Illustration 110: Formation d'une craquelure 1

Illustration 112: Formation d'une craquelure 2

Illustration 111: Formation d'une craquelure 3

Le deuxième cas, perte d'adhérence aux interfaces des couches, correspondra à la création de lacunes plus ou moins profondes.

Illustration 114: Formation d'une lacune 1

Illustration 113: Formation d'une lacune 2

Illustration 115: Formation d'une lacune 3

Les fentes, craquelures et lacunes présentes sur l’œuvre ont ainsi pu provoquer l'intervention de consolidation aujourd'hui encore présente sur plus de la moitié de l’œuvre. Celleci aura aussi été porteuse de conséquences. → Intervention humaine Dans le but de consolider une œuvre fendue, craquelée et lacunaire a été mis en place tout un système de renfort à base de pâte à bois, d'isorel, de papiers et de peintures. Sur les deux faces de l’œuvre ces interventions ont rajouté des couches supplémentaires, hétérogènes et relativement épaisses, qui elles-même ont imposé de nouvelles contraintes au panneau et provoqué un déséquilibre, tant structurel qu'esthétique. → Conditions de conservation Depuis son rapatriement en France, dans un climat très différent de celui de l'Inde, de nouvelles fentes ont pu apparaître dans le support, se répercutant sur toute l’œuvre. On ne sait rien des conditions de voyage ou de son état à l'arrivée.

O Nécessité de traitement Après toutes ces observations et analyses, il reste à déterminer dans quelle mesure cette œuvre nécessite d'être restaurée. Le support pour commencer, présente des fentes et entailles qui mettent ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 94


gravement en danger son intégrité. Bien que certaines d'entre elles soient maintenues par les interventions réalisées en Inde, la solidité de ce système à base d'isorel cloué et de papier reste douteuse, tant structurellement qu'esthétiquement, de même que sa stabilité dans le temps. Il sera donc nécessaire d'envisager d'importantes opérations de consolidation du support. En outre deux problèmes majeurs affectent la couche picturale. D'un point de vue structurel, il est essentiel de retrouver une bonne cohésion des strates ainsi qu'une adhérence optimale entre les couches. Le risque sinon est de continuer à perdre de la matière picturale. D'un point de vue formel, l’œuvre manque d'unité esthétique et visuelle. Il faudra donc, dans le respect de la déontologie, choisir des opérations qui nous permettront de redonner à la représentation une certaine harmonie. O

Cahier des charges Il est impératif d'éviter les traitements directs à base d'eau sur la couche picturale. 67 La

feuille d'or étant sensible, nous ne pourrons pas envisager de nettoyage aqueux de la surface. Nous tenterons également, dans la mesure du possible, de ne pas employer de matériaux synthétiques (type consolidants et adhésifs) qui ne seraient pas en accord avec les matériaux traditionnels employés originellement. La difficulté de ce travail sera surtout de trouver des compromis entre les déontologies orientales et occidentales par rapport à la conservation et restauration. Les artistes indiens ont de tous temps repeint par-dessus les originaux, comme l'illustre notre œuvre. La valeur historique et sacrée de ces repeints est ce qu'il nous faut déterminer afin d'orienter notre choix de restauration. Et plus de son histoire, c'est le caractère votif de notre œuvre ainsi que les informations rassemblées grâce à la radiographie qui nous permettront de faire les choix adaptés. La radiographie nous a en effet révélé que sur tout le côté senestre de la représentation, très peu de l'original subsistait. Nous ne devons en aucun cas perdre de vue que l’œuvre est un support à dévotion et à recueillement avant tout. Il n'est donc pas souhaitable de dégager ces couches supérieures qui, bien que maladroites, respectent à la perfection l'iconographie du couronnement de Ramâ, surtout si c'est pour retrouver en-dessous une représentation fragmentaire et illisible. 67 Type nettoyage aqueux au coton

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Proposition de traitement → Dévernissage de la couche picturale Il ne semble pas possible d'effectuer un nettoyage de l’œuvre à l'aide de solutions aqueuses. Trop de composants (dont l'or) présentent en effet une forte sensibilité à l'eau, et ils ne sont recouverts que par un vernis appliqué de manière hétérogène et aléatoire, laissant de larges zones sans protection. Avec les forts reliefs de la couche picturale, un nettoyage à l'aide d'une gomme ne nous a pas non plus semblé approprié. La priorité sera donc le dévernissage. Retirer le vernis présent sur l’œuvre permettra à la fois d'y voir plus clair entre l'original et les repeints mais également évitera que la saleté contenue dedans se fixe au sein de l’œuvre lors des opérations postérieures de consolidations. Les crasses superficielles seront en effet éliminées lors de cette opération, emportées avec le vernis. Il faudra trouver une méthode de dévernissage qui n'attaque ni les couches de peinture sensibles, ni la feuille d'or. Si possible, une purification des amalgames de bronzine pourra être envisagée au même moment, avant l'ajout d'un adhésif à la stratigraphie.

→ Purification des repeints De même, si la stabilité de l'original le permet, nous pourrons retirer les repeints nuisibles à la représentation après le dévernissage et avant ajout d'un consolidant entre les différentes strates.

→ Rétablissement de l'adhésion-cohésion au sein des couches Un refixage général sera nécessaire afin d'éviter d'autres pertes de matière et de résorber les décollements entre les composants. Au vu de la nature des éléments du tableau, nous utiliserons plutôt un adhésif naturel, comme la colle d'esturgeon. A 4% dans de l'eau, cet adhésif a un très bon pouvoir collant, tout en étant suffisamment fluide pour être injecté à l'aide d'une seringue jusque

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dans les zones les plus profondes. Il est de plus possible de l'appliquer déjà tiède, puisque nous ne pourrons pas le réchauffer ensuite à l'aide d'une spatule chauffante. Le choix de l'adhésif est particulièrement important. En effet le bois, nous l'avons vu, est un matériau très réactif. Mais tous les autres composants de cette œuvre le sont également, à des degrés différents. Il est donc essentiel de sélectionner un adhésif qui permettra de maintenir entre eux ces éléments instables mais qui soit aussi assez souple et épais pour faire office de film tampon et absorber ainsi une partie de leurs variations dimensionnelles. De par la force des liaisons hydrogènes liant les matières organiques entre elles, un adhésif collagénique semble tout indiqué. La colle de peau de lapin forme un film trop fin, tandis que la colle d'os ou de nerfs crée un film épais, certes, mais qui aura tendance à se rigidifier avec le temps et à devenir cassant. La colle d'esturgeon en revanche a la capacité de rendre un film relativement épais qui ne durcira jamais complètement, gardant son élasticité et répondant parfaitement à notre demande.68 → Consolidation du support La consolidation du support, si elle n'est pas urgente, sera néanmoins nécessaire. Nous ne nous proposons pas de remédier au voilage du panneau. Bien que prononcé, celui-ci n'est problématique ni pour l'intégrité de l’œuvre, ni pour sa lisibilité. De même, après une longue réflexion, nous avons décidé de conserver les traverses originales fixées en l'état. Bien qu'elles soient contraignantes et ne respectent pas le jeu du bois, les ôter aurait risqué de les endommager profondément, ainsi que le panneau. Il n'y avait en effet pas suffisamment d'espace entre ce dernier et les traverses pour scier les clous de maintien en toute sécurité. Cette opération aurait été rendue encore plus délicate par le voilage du support. Dans les fentes seront insérés de petits flipots de bois afin d'en maintenir fermement les bords. Elles seront de plus consolidées par des petites incisions dites en « V ». Le tout sera teinté à l'aquarelle. Les renforts d'isorel maintiennent à peu près correctement les fentes du bois, cela dit cellesci s'étendent de plus en plus. En outre, les plaques d'isorel sont simplement clouées sur la surface, sans colle, et commencent à s'effriter. Elles n'assurent donc pas un maintien stable dans le temps. 68 PERRAULT G., Vertus des colles anciennes, dans L'estampille, n° 222, Février 1989, p. 35

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Elles seront retirées, de même que les clous et la peinture orange datant des interventions précédentes. Ce retrait nous permettra de mettre à jour l'état véritable du support sous-jacent et de décider au mieux de la procédure de consolidation à suivre. Le bois utilisé pour les flipots et les incrustations sera un morceau de Jacquier puisque c'est probablement l'essence de notre panneau. → Rétablissement de la stratigraphie Une fois la peinture refixée et purifiée, et le support consolidé, il restera à retrouver une stratigraphie cohérente. Des incrustations de toile seront réalisées dans les lacunes où elle est manquante. Il faudra trouver une toile de coton de même épaisseur et de même contexture. Des mastics seront ensuite posés afin de retrouver une surface au volume moins chaotique. Au vu de l'épaisseur à fournir par endroits, un mastic naturel à base de carbonate de calcium et de colle de peau à 10% sera favorisé. La toile incrustée en dessous permettra également une meilleure accroche des mastics. Au cours de notre étude technico-scientifique nous étudierons la brillance et le moulage de certaines résines pour tenter ensuite de reproduire des perles de verre à incruster là où elles manquent. → Consolidation et isolation de la couche picturale Avant et après masticage, des couches de consolidation devront être appliquées sur la surface de l’œuvre. Nous ne chercherons pas à obtenir un aspect très brillant et testerons donc une solution de Regalrez 1094® à 18% dans du White Spirit. Le Regalrez a une très bonne pénétration capillaire, tout en gardant un aspect légèrement satiné. Ces couches serviront à la fois à re-nourrir les strates originales fragilisées mais aussi à les isoler et les protéger. → Réintégration L'oeuvre étant peinte avec des encres et colorants naturels mats, nous envisageons une retouche à l'aquarelle. Sur celle-ci, là où se sera nécessaire, des paillettes d'or mica pourrons être déposées afin de redonner l'aspect de l'or usé de l'original. ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 98


Protocole de dévernissage Des premiers tests ont été effectués. Une goutte de différents solvants a été déposée sur l’œuvre et observée sous loupe binoculaire, afin de tester la réactivité ou non de la couche de vernis. Trois solvants ont été sélectionnés : le Cyclohexane, très peu polaire, ainsi que l’Éthanol et l'Acétone, tous deux polaires, volatiles et efficaces pour le retrait des résines naturelles. La couche de vernis n'a eu aucune réaction face au Cyclohexane. Elle s'est en revanche ramollie en présence des deux autres solvants. Ces informations sont intéressantes car elles nous permettront, à l'aide du triangle de Teas et des paramètres de solubilité (force de dispersion, polarité et liens Hydrogènes) de chaque solvant de déterminer la nature du vernis présent sur notre œuvre 69. Les paramètres de solubilité sont les suivants : Ethanol (36;18;46) et Acétone (47;32;21). Nous positionnerons également sur le triangle le Cyclohexane (94;2;4) et la Méthyléthylcétone (53;30;17), que nous avons également utilisés lors de nos tests. Comparons à présent ces informations avec les zones de solubilité des résines et autres matériaux.

Acétone Méthyléthylcétone Ethanol

Cyclohexane

Illustration 116: Triangle de solubilité 69 CREMONESI P., L'uso dei solventi organici nella pulitura di opere policrome, p. 22

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Sur ce schéma sont modélisées les zones de solubilité des composés usuels des peintures: en bleu, protéines et polysaccharides, en jaune, les résines, en rouge les huiles fraîches, en violet, les huiles vieillies et en vert, les cires. Nous avons vu notre vernis réagir aux alcools comme l’éthanol et encore plus aux cétones type acétone. Il semble donc que nous ayons à faire à un vernis à base d'une résine naturelle. Il a donc été décidé de tester les mélanges de la liste de Cremonesi, 70 en commençant par ceux comprenant de l’Éthanol et du Cyclohexane (Le Cyclohexane a été sélectionné pour remplacer la Ligroïne, qui n'est pas un solvant pur). La concentration en Éthanol sera progressivement augmentée afin de se rapprocher de la zone de solubilité des résines tout en contrôlant bien la puissance de notre intervention. En plus de la purification du vernis oxydé, nous chercherons lors de cette opération à retirer les amalgames noircis de paillettes dorées, rajoutés bien souvent sur les dorures. Ceux-ci en effet, en plus d'être disgracieux, recouvrent des zones où la feuille d'or, bien qu'usée, est encore parfois présente. La réaction des repeints sera également testée.

CE1

Couches de préparation

Dorure

Peinture originale

Repeints

Vernis

Bronzine

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Aucune action

Faible

Aucune action

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Aucune action

Faible

Aucune action

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Aucune action

Faible

Aucune action

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Aucune action

Faible

Aucune action

90% Cyclohexane – 10% Éthanol

CE2 80% Cyclohexane – 20% Éthanol

CE3 70% Cyclohexane – 30% Éthanol

CE4 60% Cyclohexane – 40% Éthanol

Cotons

70 CREMONESI P., L'uso dei solventi organici nella pulitura di opere policrome

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CE5

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Aucune action

Faible

Aucune action

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Aucune action

Action légère mais trop d'action mécanique

Aucune action

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Aucune action

Bien mais trop d'action mécanique

Aucune action

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Aucune action

Bien mais trop d'action mécanique

Aucune action

50% Cyclohexane – 50% Éthanol

CE6 40% Cyclohexane – 60% Éthanol

CE7 30% Cyclohexane – 70% Éthanol

CE8 20% Cyclohexane – 80% Éthanol

Il est à noter que le noir présent au bout des cotons n'est pas du vernis, qui est plutôt marron, mais un type de crasse. Il pourrait s'agir de suie. Devant ces résultats, nous décidons de tester les mélanges de cyclohexane et d'acétone proposés par Cremonesi. Il serait en effet mieux avisé de trouver une solution de nettoyage Illustration 117: Test de

dévernissage avec CE7, bord sénestre

limitant les frottements, qui usent la peinture.

CA1

Couches de préparation

Dorure

Peinture originale

Repeints bord senestre

Vernis

Paillettes noires

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Aucune action

Faible

Aucune action

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Aucune action

Faible

Aucune action

90% Cyclohexane – 10% Acétone

CA2 80% Cyclohexane – 20% Acétone

Cotons

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CA3

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Aucune action

Faible

Aucune action

Sensible

Usée par frottement s

Bleu sensible

Aucune action

Bien

Action légère

Sensible

Usée par frottements

Bleu sensible

Usés par frottements

Bien

Action légère

70% Cyclohexane – 30% Acétone

CA4 60% Cyclohexane – 40% Acétone

CA5 50% Cyclohexane – 50% Acétone

Le problème majeur de ces tests étant une trop grande action mécanique qui a tendance à fragiliser les couches de peinture et de dorure, nous décidons de nous tourner vers un dévernissage à l'aide d'un gel de solvants. Utilisés depuis les années 8071, ils ont l'avantage d'éviter une trop forte pénétration du solvant tout en le laissant agir efficacement à la surface de l’œuvre. Moins volatils que les solvants purs, ils sont également moins toxiques. Nous testerons donc les mélanges de solvants Illustration 118: Test de dévernissage au ayant donné des résultats encourageants mais sous forme

CA4

gélifiée. Nous aurons aussi la possibilité de revenir en plusieurs fois. Les mélanges étant polaires, les gels sont fabriqués de la manière suivante : –

2g de Carbopol 934 et 20ml d'Ethomeen C25 sont mélangés ensemble. Le Carbopol, en réagissant avec l'eau, sert de gélifiant. Cependant sa forte acidité nécessite l'emploi de l'Ethomeen, qui est une base.

100ml du mélange de solvants souhaité sont ajoutés. La solution est bien mélangée.

Entre 10 et 15ml d'eau déminéralisée sont ajoutés au goutte à goutte jusqu'à ce que le gel ait la consistance voulue.72

71 BAGLIONI P., CARRETTI E., DEI L., GIORGI R., Gels for the conservation of cultural heritage 72 Recette de WOLBERS R., Le nettoyage des surfaces peintes, Méthodes aqueuses

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Couches de préparation

Dorure

Peinture originale

Repeints bord senestre

Vernis

Paillettes noires

Gel Acétone/ Éthanol 50/50 + Klucel G

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Aucune action

Bien

Aucune action

Gel Cyclohexane/ Éthanol 70/30 + Ethomeen C25 et Carpobol 934

Sensible

Sensible aux frottement s

Aucune action

Aucune action

Très bien

Action lente

Gel Cyclohexane/ Acétone 70/30 + Ethomeen C25 et Carpobol 934

Sensible

Sensible

Bleu sensible

Action légère

Très bien

Très bien

Mélange 50/50 des deux gels précédents

Sensible

Sensible

Bleu sensible

Action légère

Très bien

Très bien

Gel de Méthyéthylcétone + Ethomeen C25 + Carbopol 934

Sensible

Aucune action

Bleu sensible

Très bien

Très bien

Très bien

Cotons

Dans un premier temps, nous avons testé un gel d'acétone et d’éthanol à 50/50 afin d'essayer d'accélérer l'action de l’éthanol tout en limitant celle de l'acétone. Son action étant trop forte, nous avons fabriqué un gel polaire de cyclohexane/éthanol (en proportions 30/70) pour les zones peintes et un gel de cyclohexane/acétone (en proportions 30/70), celui-ci étant destiné au repeints pailletés difficiles à ôter. Le gel cyclohexane/éthanol s'est avéré parfaitement adapté à la suppression du vernis sur les zones peintes. Néanmoins les résultats n'étant toujours pas concluants au niveau de la bronzine vieillie, un mélange à 50/50 des deux gels a également été réalisé, encore une fois pour réduire l'impact de l'acétone et éviter d'insister trop sur les dorures avec le gel d’éthanol. Ce mélange n'étant toujours pas adapté, nous avons décidé de changer de cétone, car il semblait que l'acétone, efficace sur les repeints pailletés, attaquait aussi légèrement la dorure. La méthyléthylcétone a été sélectionnée pour son temps d'évaporation plus long que l'acétone. Le résultat a cette fois été concluant : le gel nous a permis de ramollir les amalgames de paillettes ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 103


noircies. Il fallait ensuite l'ôter délicatement à l'aide du crochet à dentiste. Il suffisait ensuite simplement de rincer légèrement avec un mélange d'acétone à 30% dans du white spirit. Deux passages sont parfois nécessaires, mais cette absence de frottements permet de retirer vernis et repeints noirs sans user l'or sous-jacent, lorsqu'il en reste.

Illustration 119: Or avant nettoyage avec gel de MEK. Grossissement x8

Illustration 120: Or après nettoyage avec gel de MEK. Grossissement x8

Si l'on se réfère au triangle de solubilité précédemment présenté il semblerait que cette substance soit fortement sensible aux cétones donc certainement liée avec une résine naturelle. Les repeints sont également sensibles à ce dernier gel. Il pourra être utilisé pour leur purification. Rappelons donc nos choix définitifs : –

Au niveau des zones peintes sera appliqué un gel de cyclohexane-éthanol (en proportions 30-70). Ce gel a l'avantage de retirer parfaitement notre vernis, et ce sans provoquer de frottements qui pourraient user la peinture sensible.

Au niveau des zones dorées on utilisera un gel de méthyléthylcétone. Celui-ci nous permet de retirer les amalgames de colle pailletée tout en préservant l'or sous-jacent lorsqu'il en reste.

Le même gel de méhyléthylcétone pourra être utilisé pour retirer certains repeints. L'évolution de ces opérations sera régulièrement contrôlée sous lumière ultra-violette.

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Compte-rendu de restauration o Dépoussiérage L’œuvre, qui présentait un léger empoussièrement, a tout d'abord été dépoussiérée mécaniquement au pinceau fin. Les poussières sèches les plus superficielles ont ainsi pu être éliminées, assainissant la surface avant de commencer les opérations de dévernissage.

o Dévernissage Un premier dévernissage général du tableau a été réalisé avec le gel de Cyclohexane-Éthanol dont nous avons précédemment testé l'efficacité. Cette opération a permis de retirer le vernis présent superficiellement sur l'ensemble de l’œuvre. L'opération la plus conséquente a ensuite été le retrait de la bronzine noircie sur les dorures. Cette intervention a été réalisée au gel de Méthyléthylcétone et au crochet à dentiste, moins abrasif qu'un scalpel et plus précis qu'un coton. Cet instrument ainsi que l'utilisation systématique de la loupe binoculaire nous a permis d'effectuer un travail extrêmement précis, notamment dans toutes les moulures de l'architecture.

Illustration 121 : dévernissage sous binoculaire

Les résultats obtenus par cette opération ont été des plus impressionnants et ont permis de retrouver des éléments jusque là invisibles, tels les miroirs dans les arcades de l'architecture dextre.

Illustration 122 : avant intervention

Illustration 123 : après retrait de la bronzine

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Il est important de préciser qu'il était impossible de faire un dégagement partiel, qui aurait peut-être permis d'obtenir un résultat moins brillant. Il s'agissait de concrétions de paillettes noircies, qui formaient des grumeaux de la consistance du goudron. Une fois le nettoyage commencé, on ne pouvait en laisser certains et en retirer d'autres. Dans le but d'éclaircir la lecture de l’œuvre, le choix a donc été fait de nettoyer totalement cette couche qui ne remplissait plus son rôle d’apparat. Les dorures et bijoux des personnages ont aussi été dégagés, mettant à jour de nombreuses perles de verre. Souvent, malheureusement, l'or était presque entièrement usé, et seule restait l'assiette jaune.

Illustration 124 : avant inervention

Illustration 125 : après intervention

Tout le pourtour de l’œuvre a également été nettoyé avec la même technique.

Illustration 127 : en cours de nettoyage Illustration 126 : observation des pierres de pourtour à la loupe binoculaire x8

o Allègement des repeints En parallèle de l'opération précédente fut réalisée une suppression de quelques repeints. ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 106


Cette opération a été possible car nous nous sommes aperçus que ceux-ci étaient également relativement sensibles au gel de Méthyléthylcétone, tandis que les couches de peinture originale ne l'étaient pas. Nous étions face à deux solutions très différentes : –

D'un côté nous pouvions privilégier une intervention minimale et maintenir l’œuvre en l'état, considérant les repeints comme partie intégrante de la représentation. Bien que prudente et déontologique, cette intervention aurait pour résultat de présenter une œuvre confuse, laissant apparaître des repeints devenus discutables.

D'un autre côté, nous pouvions nous tourner vers une restauration plus « archéologique », dans une volonté d'épuration visant à retrouver uniquement l'original, en supprimant les ajouts postérieurs. Le risque nous a cependant semblé grand de se retrouver avec une scène lacunaire, difficilement lisible et de perdre ainsi son message ainsi que sa qualité plastique. Devant ce choix peu satisfaisant et avec des exemples d'autres restaurations aux

problématiques similaires,73 nous sommes partis en quête d'un compromis qui permettrait de redonner sens, lisibilité et harmonie à l’œuvre, tout en respectant son histoire et les usages culturels dont elle témoigne. Le choix de supprimer certains repeints et d'en garder d'autres fut le fruit d'une longue réflexion et d'un dialogue permanent avec de nombreux professionnels, à la fois de la restauration en France, mais aussi de la restauration des œuvres sacrées orientales74. Nous avons considéré de nombreux paramètres. Une règle générale n'a cependant pas pu être adoptée. Le caractère hétérogène qui fait la richesse même de cette œuvre nous a forcés à prendre des décisions au cas par cas, en se posant à chaque fois des questions d'ordre esthétique, didactique, culturel, historique et mécanique. Il était évident tout d'abord que d'un point de vue purement esthétique, les repeints n'avaient pas la qualité ou la finesse d'exécution des éléments originaux. Parfois largement débordants, certains avaient mal vieillis ou ne s'accordaient pas avec les éléments originaux avoisinants. Bien que cette diversité puisse créer une certaine disparité visuelle, nous avons considéré que ce critère seul ne pouvait justifier à lui seul leur retrait. En effet, ces repeints n'avaient justement pas été réalisés dans un but esthétique, mais bien 73 CHATAIGNERE M., DELANGE E., La porteuse d'auge du département des antiquités égyptiennes : une restauration « casse-tête », dans Revue du Louvre, La revue des musées de France, p. 84 74 En particulier Mélodie Bonnat, restauratrice diplômée de l'INP et spécialiste de l'art oriental

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didactique. Leur rôle privilégiait la conservation et la transmission du message et de l'iconographie sacrée de l’œuvre par rapport à leur qualité visuelle. Ces pratiques sont très répandues en Asie. Bien souvent les murs des temples sont repeints à maintes et maintes reprises, parfois maladroitement, afin que l'enseignement contenu dans les fresques ne se perde pas. Il nous a semblé essentiel de prendre le temps de bien comprendre cette démarche de repeints successifs. Cette question en effet est le centre de la problématique de restauration d'une œuvre orientale. La notion de conservation est intimement liée à notre perception du « temps ». Pour nous en Occident, le temps a la forme d'une ligne interminable. Ce qui appartient au passé est derrière nous et ne sera jamais plus. C'est par déférence et attachement à ce qui a été et dont nous ne voulons pas perdre la richesse que nous entreprenons des campagnes de conservation et de restauration. 75 Notre priorité sera donc souvent de conserver une trace la plus fidèle possible d'une époque, d'une technique, d'un maître, la qualité de ce vestige étant souvent un enseignement à lui seul. Nous restaurons ainsi dans le plus grand respect d'une unité d'époque et d'esthétique. Dans les civilisations orientales, et plus particulièrement dans l'Hindouisme, le temps n'est pas une ligne, mais un cercle. Il s'agit d'un cycle infini, d'un serpent qui se mord la queue. Les hindous croient fermement que ce qui a été sera à nouveau, que ce qui est aujourd'hui est identique à ce qui a toujours été. Ainsi nous voyons bien que la notion de conservation que nous connaissons ne peut s'appliquer que très difficilement à ces cultures. Pourquoi conserver un vestige en mauvais état ? Autant repeindre par-dessus et retrouver l'invitation spirituelle d'une fresque entière. L'important ici n'est plus la matière sur laquelle se pose la représentation, mais bien son enseignement, entier et éternel.76 Qui plus est, à partir du moment où ils sont apposés sur une peinture religieuse, les repeints en deviennent une part intégrale. Ils sont dès lors sacrés, et les retirer devient très difficile.77 Les repeints présents sur l’œuvre que nous avons choisi de restaurer sont donc à considérer avec révérence, car ils sont un témoin culturel qui participe également à la richesse de l’œuvre. 75 ECCO, Recommendation européenne pour la Conservation et la Restauration du patrimoine culturel, 2008 76AGRAWAL O. P., Le point de vue de l'Asie, dans Conservation des biens culturels das l'Asie du Sud et du Sud-Est, p. 157 77 Sur certains chantiers de fresques murales dans des temples indiens, les cotons de nettoyage sur lesquels se trouvaient des résidus de suie prélevés sur le mur ne pouvaient être jetés n'importe comment. Ils avaient de la matière sacrée du temple dessus et devaient donc subir tout un rituel avant que les moines n'en disposent.

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Bien que cette notion soit essentielle, elle ne nous a pas semblé non plus suffisante pour justifier une conservation systématique de tous les repeints. En effet « Toute création spirituelle est dépendante de la matière. Sans elle, il n'y aurait pas de transmission possible. Dans cette collaboration de la matière avec l'esprit réside le mystère de l'art. »78 Cette œuvre aujourd'hui se trouve en Occident et, bien que spirituelle, a aussi un but décoratif, dépendant de son état physique ; le statut des repeints est donc aujourd'hui plus culturel que sacré. En outre, d'autres questions étaient importantes à soulever. Historiquement, l’œuvre n'étant pas très ancienne (entre 1800 et 1950), les repeints ne sont pas anachroniques. Ils ont également été réalisés dans cette fourchette de temps. Les conserver ne créerait donc pas d'incohérence historique. Enfin, d'un point de vue mécanique, nous nous sommes posé la question des contraintes imposées à l'œuvre par cette couche de repeints parfois très épaisse. Il nous a semblé évident que cet ajout de pâte à bois et de papier rajoutait du poids à une œuvre déjà hétérogène. Il aurait pu être intéressant de tenter d'assainir la couche picturale en retirant toute cette strate, complexe et de stabilité douteuse. Cette question se posait principalement dans la partie senestre du tableau, ainsi que pour le registre inférieur, puisque nous avons vu précédemment que ces zones-là étaient majoritairement recouvertes.

Illustration 128 : zones Il fallait cependant savoir s'il restait encore quelque chose repeintes en sur-épaisseur

d'original sous ces repeints. La radiographie nous donnait quelques indications mais s'avérait par endroits complexe à lire.79 Nous avons donc pris la décision de faire des tests. Quelques petites fenêtres ont été dégagées là où, avec l'aide de la radiographie, nous pensions pouvoir retrouver quelque chose. Dans le registre inférieur par exemple, nous avons relevé la trace d'un personnage à la radiographie, qui ne correspondait pas au repeint visible.

78 WACKER N., La peinture à partir du matériau brut, p.9 79 Voir radiographie en annexe

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Illustration 129 : registre inférieur, repeint

Illustration 130 : radiographie, détail

Nous avons donc dégagé le repeint sur une fenêtre de 5mm², à l'aide du gel de méthyléthylcétone et d'un scalpel, sous loupe binoculaire. Nous avons vu apparaître un relief ainsi que de la peinture argentée. Ce test a validé la présence sous-jacente de la peinture originale. Dans la partie senestre en revanche, les fenêtres, réalisées de la même manière, ont toutes montré qu'il ne Illustration 131 : fenêtre de restait plus que le support directement sous la pâte à bois. dégagement A partir de ces éléments concrets, aussi bien que de la longue réflexion menée auparavant nous avons fait des choix. Il a tout d'abord été décidé de conserver toute la partie senestre repeinte. Celle-ci occupe en effet un tiers de l’œuvre environ. Bien que la stabilité du matériau ne soit pas optimale, nous avons considéré qu'il serait renforcé lors du refixage général. De plus, une fois qu'il a été certain qu'il ne restait rien en dessous, il nous a semblé plus juste de garder un repeint qui, bien que maladroit, serait le témoin culturel d'une tradition millénaire, plutôt que de proposer nous même une reconstitution.

Illustration 132 : Ramâ, détail retrouvé

Ensuite, malgré le fait que nous soyons plutôt favorables à la conservation des repeints dans le respect de cette tradition, nous avons décidé d'en retirer un certain nombre.

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Nous avons donc purifié dans un premier temps les repeints qui, ayant mal vieillis, n'étaient plus en accord avec l'iconographie classique de ces représentations. Le vêtement du prince Ramâ par exemple (le pitambarâ) est censé être jaune or. Or ici il apparaît noir car la couche de bronzine pailletée qui avait été apposée a noirci avec le temps. Nous l'avons donc intégralement retirée pour rendre au Dieu son rayonnement.

Illustration 133 : Ramâ après intervention

Illustration 134 : Ramâ avant intervention

Iconographiquement toujours, il manquait dans le ciel deux petits anges généralement présents dans ces représentations. Il s'agit d'Asparas, femmes-anges habitant les Cieux et dansant au son de la musique de leurs maris 80. Or malgré leur absence, nous apercevions sous le repeint des ailes orangées. Nous avons donc également décidé de dégager les deux triangles de ciel.

Illustration 136 : ciel dextre, avant intervention

Illustration 135 : ciel dextre, après intervention

80 LECLERC C., Restauration – conservation d'une peinture sous verre indienne avec fond de papiers dorés, Mémoire de fin d'études, Spécialité Arts Graphiques, Ecoles de Condé, p. 46

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Bien qu'usée et lacunaire, nous avons découvert une peinture d'une grande finesse. Après avoir retiré les repeints erronés iconographiquement, nous nous sommes penchés sur ceux dont l'esthétique gênait la lecture de l’œuvre, soit par leur nature même, soit parce qu'ils étaient partiellement lacunaires et laissaient paraître l'original sous-jacent. Nous les décrirons de haut en bas du tableau. Dans la première catégorie, nous avons décidé de retirer le repeint noir qui couvrait une partie du ciel et de l'architecture senestre. Nous savions qu'il ne restait rien en-dessous, mais nous avons estimé que dans ce cas précis, sa présence ne favorisait pas une lecture fluide de l’œuvre.

Illustration 137 : coin supérieur senestre avant Illustration 138 : intervention après intervention Une remise à niveau et reconstitution sera proposée par la suite. A cette même occasion a été retirée une couche de peinture noire présente par endroits sur le pourtour de l’œuvre. Cette intervention a permis de dégager plusieurs pierres semi précieuses et de redonner de l'harmonie au cadre.

Illustration 139 : en cours de dégagement Au centre de l’œuvre ensuite, dans l'arcade principale, la couche rouge foncé présente épisodiquement sur le fond vermillon originel a été nettoyée, redonnant une unité spatiale à l’œuvre et découvrant des décors en points blancs très délicats. Le dégagement de ces repeints a mis à jour une partie des chasse-mouches originaux ainsi que des mains des personnages. Les repeints ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 112


couvrant ceux-ci ont été retirés.

Illustration 140: arcade centrale, avant intervention

Illustration 141 : arcade centrale, après intervention

Sur le personnage central, le collier de fleurs laissait par endroits transparaître l'original, créant une confusion visuelle. Il a donc été nettoyé. De même, au niveau du socle du trône, où se trouvent Hannuman et deux pots de fleurs, la lecture n'était pas claire. Des bijoux apparaissaient sous la couche de noir qui recouvrait Hannuman, tandis que les pots de fleurs dorés originaux étaient Illustration 142 : fleurs également visibles à côté du repeint lacunaire. La peinture rouge foncée du socle a après été retirée, dévoilant un fond écarlate similaire à celui au centre des arcades. dégagement

Original

Illustration 144 : avant intervention Illustration 143 : en cours d'intervention Le registre inférieur également présentait de grandes incohérences visuelles, notamment à cause de l'énorme lacune au centre. Grâce à la radiographie, nous nous doutions que les restes originaux sous-jacents étaient dans un piteux état. Les tests effectués cependant nous ont montré qu'il étaient suffisamment présents pour permettre par la suite une reconstitution la plus fidèle

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possible. Le groupe animalier senestre était intacte et similaire à l'original dextre. Il a été conservé. En dégageant la scène centrale, nous avons découvert que le fond, loin d'être bleu outremer, était du même rouge que celui précédemment retrouvé. Il nous a donc paru sensé de le mettre à jour. Ce nettoyage a révélé une peinture d'une grande fragilité et

Illustration 145 : registre très lacunaire. Comme nous le savions grâce aux tests, toute la inférieur en cours de partie senestre était manquante. Les animaux ont donc été dégagement détourés, la différence de niveau sera réajustée durant les étapes suivantes. La peinture argentée recouvrant la robe du personnage fut elle aussi retirée.

Illustration 146 : après dégagement, détail

Illustration 147 : scène centrale du registre inférieur après dégagement

Illustration 148 : partie senestre après dégagement

Pour finir, le trio de personnages à dextre qui présentait un aspect confus a été nettoyé et dégagé de nombreux repeints dorés. Les pieds finement peints des personnages sont même apparus dans le registre inférieur.

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Illustration 151 : détail

Illustration 149 : avant intervention Illustration 150 : après intervention Après toutes ces opérations, nous nous sommes retrouvés à un point où avaient donc été retirés tous les repeints ayant mal vieillis, étant erronés iconographiquement ou incohérents visuellement. L’œuvre avait retrouvé une certaine harmonie.

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3

3

5

44 1 2

1

2

65

Illustration 152: relevé des repeints restants Les repeints restants ont été étudiés avec soin. Le repeint n°1 est toute la partie senestre, sous laquelle il a été prouvé qu'il n'y avait plus rien, et que nous avons décidé de conserver. Le repeint n°2 est également une zone couverte de pâte à bois en sur-épaisseur. Elle s'intègre relativement à l’œuvre d'un point de vue visuel, bien qu'elle soit peinte quelque peu maladroitement. Une fenêtre de test a de plus montré qu'il ne restait plus d'original en dessous. Il sera également conservé. Le repeint n°3, bien que lacunaire, est très cohérent dans la composition d'ensemble. Les repeints n°4, 5 et 6 sont des personnages, dont deux très importants. Au vu de la qualité des ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 116


peintures découvertes presque systématiquement sous les repeints s'est posée la question de les enlever. Cela n'a cependant pas été jugé opportun. Tout d'abord, à la radiographie comme dans plusieurs lacunes, nous n'avons pas eu de preuve qu'il restait quoi que ce soit en-dessous. Retirer les personnages centraux de la représentation sans aucune assurance de retrouver l'original nous a semblé un très grand risque à faire prendre à l’œuvre. Qui plus est, ils s'intègrent particulièrement bien dans la composition et permettent de faire un lien esthétique avec l'important repeint de la partie senestre. Il est certain que, sans cette harmonie entre les visages de la partie senestre et ceux des personnages centraux, la scène serait clairement divisée en deux d'un point de vue esthétique. Tous ces repeints ont donc été conservés. Obtenir un compromis était notre objectif depuis le début. Tous les choix semblaient possibles et justifiables pour cette délicate question des repeints. Nous avons quant à nous cherché à allier la sensibilité et la rigueur de la restauration occidentale à la spécificité culturelle et la richesse des traditions orientales. Notre axe a été de privilégier la meilleure lecture possible d'une œuvre très hétérogène et complexe. Dans le cas d'une dissonance visuelle, les repeints ont été ôtés. Quand c'était possible cependant, nous avons préféré garder cette empreinte culturelle, plutôt que retrouver une Illustration 153: Travail sous peinture trop lacunaire, voire inexistante, et proposer nous-même une binoculaire reconstitution contemporaine. Les opérations de dévernissage et de purification des repeints ont nécessité plus de trois mois d'interventions, toujours sous loupe binoculaire.

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Illustration 155: Avant intervention

Illustration 154: Après dévernissage et allègement des repeints

o Refixage (face/revers) Une fois nettoyée et allégée de ses couches superflues, l’œuvre fut refixée. De petites injections à la seringue de colle d'esturgeon à 4% ont été faites pour en vérifier l'efficacité. Les essais s'étant avérés probants, un protocole a été établi. Chaque zone de l’œuvre a été consolidée par injection de colle d'esturgeon à 4% avant d'être protégée d'un intissé et mise sous poids. L'intissé servait d'intermédiaire entre la couche picturale et le poids, tout en permettant une évaporation progressive de l'eau contenue dans l'adhésif. Le poids était laissé plusieurs heures, jusqu'à séchage complet de toutes les strates.

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Illustration 156: Injection de l'adhésif

Illustration 157: Mise sous presse

Cette opération, en comptant les temps de séchage, aura duré une semaine.

o Consolidation du support Le support tel qu'il était visible lors du constat d'état de l’œuvre présentait plusieurs altérations que nous rappellerons brièvement. Trois fentes se trouvaient au centre de l’œuvre de manière certaine. Nous soupçonnions également une quatrième fente sous les plaques d'isorel présentes au revers sur le côté dextre. Le panneau était presque intégralement recouvert d'une couche de peinture orangée, sous laquelle se délitaient les toiles et la teinture rouge originelle. Des amas de pâte à bois avaient de plus été ajoutés dans la profonde entaille centrale due au travail de façonnage du panneau. Pour pouvoir intervenir dans les meilleures conditions possibles nous avons commencé par fabriquer un fond sur lequel fixer l’œuvre. Quatre cales en bois ont été vissées sur une planche de contreplaqué. Les mesures ont été prises de manière à ce que le panneau soit maintenu tout en lui laissant un léger espace. Celui-ci a été déposé sur une mousse de 3 cm d'épaisseur. La présence de cette dernière permet de retourner l’œuvre face vers le bas sans appuyer sur les reliefs de la couche picturale ou sur le voilage du panneau. Un intissé servait d'intermédiaire entre la

Illustration 158: Œuvre sur son fond

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mousse et le tableau. Pour finir, des petites languettes métalliques ont été vissées sur les cales. Mobiles, elles assurent un bon maintien à l’œuvre. Le revers a tout d'abord été nettoyé pour permettre d'y voir plus clair entre les composants originaux et les matériaux de consolidations. La couche orange claire a été enlevée à l'eau tiède et au coton, les agglomérats de pâte à bois avec un scalpel. Par souci de cohérence et de sécurité, les strates de toiles originelles ainsi que la peinture rouge au-dessus ont été refixées avec la même colle d'esturgeon à 4% que celle Illustration 159: Nettoyage du revers utilisée sur la face. Une plaque d'isorel maintenant la partie senestre de l’œuvre fut ensuite ôtée, afin de se faire une meilleure idée de l'état du panneau. Elle tenait au panneau essentiellement par de petits clous et un peu de colle. Celle-ci, oxydée, ne remplissait plus son rôle. Il a donc suffi de creuser le papier et l'isorel autour des clous pour décoller la plaque. Ce faisant, nous avons réalisé que le panneau n'était plus complet. En effet, il n'était plus présent sur environ 6cm depuis le bord senestre. Si nous nous référons à l'illustration ci-contre, la zone n°1

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correspond bien au bois de l’œuvre. Celui-ci a dû être très détérioré dans le passé et a perdu environ 6cm de sa largeur.

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Une pièce de bois a ensuite été ajoutée sur toute sa longueur. Il s'agit de la zone n°2. Ce bois est cependant Illustration 160: Bord senestre après dégagement d'une nature différente du premier. Nous remarquons qu'il a été grandement attaqué par des insectes xylophages, qui en ont laissé toute la fibre dure, créant les rainures visibles aujourd'hui. Ces insectes n'ont pas attaqué le bois d'origine et ont certainement quitté l’œuvre quand il n'y avait plus rien de tendre à « se mettre sous la dent ». Ils ne sont plus présents aujourd'hui. Finalement, pour revenir au format d'origine de l’œuvre (facile à retrouver puisque la représentation ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 120


respecte toujours les mêmes codes iconographiques et la même symétrie), des plaques d'isorel ont été ajoutées à l'extrémité senestre (zone n°3). Nous comprenons ainsi mieux l'absence totale de peinture originale sous les repeints de la partie senestre de l’œuvre. Devant la fragilité du support, nous avons décidé de ne retirer les plaques qu'une à une, laissant ainsi des ponts de maintien le temps de consolider l'assemblage. Le travail s'est fait de bas en haut. A chaque fois qu'une zone était dégagée, elle était renforcée à l'aide de flipots. Une fois ceuxci secs, une nouvelle plaque de maintien pouvait être retirée. Pour toutes les incrustations de bois nous nous étions procuré un morceau de Jacquier, puisqu'il s'agit de l'arbre exotique traditionnellement employé pour les peintures de Tanjore.

Illustration 161: Ponts de maintien

Certaines crevasses ont été comblées avec un mélange de sciure très fine du Jacquier et de colle d'esturgeon à 4%, afin d'obtenir une surface plane et saine. De plus les fentes ont toutes été consolidées par un système de flipots.Ceux-ci ont été taillés dans le bois de Jacquier et insérés profondément dans les fentes du support. Bien taillés, ils épousent les parois de celles-ci en les maintenant sans créer de tensions ou contraintes.

Illustration 162: Flipots, coin inférieur senestre

Illustration 163: Comblement, coin inférieur senestre

Ce système permet d'éviter leur élargissement tout en s'adaptant aux variations dimensionnelles du bois. Seule la partie dure du bois (le Duramen) est utilisée pour ce travail de flipots. Ceux-ci sont insérés dans le sens des fibres du support puis collés à la colle de poisson à 20%. Nous avons choisi la colle de poisson par souci de cohérence avec les opérations réalisées précédemment et cette forte concentration assurait une adhésion maximale entre les matériaux ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 121


originaux et ceux de consolidation.

Illustration 164: Flipots en cours de pose Une fois les flipots insérés sur toute la longueur du panneau, ils ont été mis à niveau au ciseau à bois et au scalpel, avant d'être poncés à l'aide d'une lime à bois très fine. Leurs arrêtes ont été arrondies afin de s'harmoniser aux fibres encore existantes du bois. Nous obtenons ainsi une surface au relief légèrement irrégulier qui permet à la fois de consolider le support et de respecter le caractère atypique du bois de rajout.

Illustration 165: Flipots ragréés avant ponçage

Toujours sur la partie senestre, un décalage entre deux plaques d'isorel créait une différence de niveau et une craquelure côté couche picturale. Les deux plaques d'isorel ont été recollées ensemble et maintenues sous pression entre deux plaques de plexiglas et deux serre-joints. Illustration 166: Collage

Les autres fentes menaçant la stabilité du panneau ont également été traitées par un système de flipots. Pour plus de solidité, quatre incrustations ont été posées à la base de chaque fente. Des pièces de Jacquier sont ensuite taillées de manière à s'insérer parfaitement dans les incisions et ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 122


collées, renforçant le maintien entre les deux côtés de la fente. Des incrustations de Jacquier ont également été réalisées dans des trous dégagés lors du nettoyage de la pâte à bois dans la partie inférieure de l’œuvre ainsi qu'au centre. Des pièces de renfort furent aussi insérées entre le bois de rajout et l'isorel quand un espace s'était créé au fil du temps entre les deux. Les marques de façonnage et cavités naturelles du bois ont été laissées telles quelles. Toutes les consolidations ont finalement été teintées à l'aquarelle

Illustration 167: pour se fondre plus naturellement avec le panneau. Les teintes différentes des Fente centrale. Incision en "V" et deux bois et de l'isorel dont est constituée l’œuvre ont à chaque fois été flipots (teintés) respectées. Isorel

Bois de rajout Flipots teintés

Pièce de Jacquier Panneau originel Pièce de renfort Bois de rajout

Illustration 168: Bord senestre de l’œuvre Les opérations de support ont été menées à terme en un mois.

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Illustration 170: Revers avant restauration

Illustration 169: Revers après restauration

o Reprise de la stratigraphie côté face → Mise à niveau du support bois La face présentait plusieurs niveaux différents dus à une irrégularité du support. Le coin supérieur senestre par exemple était en surélévation par rapport au panneau originel à cause d'un décalage de l'isorel. Cette dénivellation n'a pas pu être réajustée. Les trous et fentes présents sur la face ont en revanche été comblés avec des petites pièces d'incrustation, des flipots ou un mélange de fine sciure de Jacquier et de colle d'esturgeon à 4% selon la nécessité. → Assainissement des métaux Tous les clous encore présents sur la face (fixation des traverses par exemple) ont été limés et traités avec une goutte d'anti-rouille afin que leur oxydation ne se propage pas dans les matériaux avoisinants. → Incrustations de toile Après avoir été décatie par deux fois, une toile de coton de même épaisseur et de même ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 124


contexture a été incrustée dans les lacunes où l'originale était manquante. Sans connaître le nombre exact de toiles présentes sur la surface, nous avons décidé d'en incruster une seule épaisseur. Cette strate permet à la fois de retrouver une stratigraphie cohérente mais également servira de support au mastic à venir, qui adhérera mieux sur le textile que sur le bois.

Illustration 171: Zones lacunaires ré-incrustées → Consolidation et isolation de la couche picturale Avant les opérations de masticage, deux couches de Regalrez 1094® (résine aliphatique de faible poids moléculaire)81 à 18% dans du white spirit ont été appliquées au pinceau sur l'ensemble de l’œuvre. Cette opération avait le double objectif d'isoler la peinture originale avant la pose des mastics mais aussi de finir de la consolider. Extrêmement poreuse, elle nécessitait en effet d'être nourrie. → Masticage L'enjeu principal du masticage était de redonner de l'harmonie aux nombreux reliefs de l’œuvre et de relier ses différents composants, fussent-ils originaux ou repeints. Devant l'étendue des lacunes et l'inégalité des volumes originaux, plusieurs interprétations, appuyées d'une solide documentation, ont été proposées. Le personnage de Ramâ, grandement lacunaire, a été repris sur le modèle d'autres 81 Cours sur les résines, Marguerite Szyc

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représentations de la même scène issues de l'école de Tanjore.

Illustration 172: Ramâ, lacunaire, oeuvre de mémoire

Illustration 174: Rama Navami, Ecole de Tanjore, Sri Rama Pattabhishekam, XXè siècle, Tanjore Royal Museum, détail

Illustration 173: Ramâ reconstitué

Rien ne subsistait du coin supérieur senestre qui présentait en plus une surépaisseur. Cependant, grâce à nos connaissance sur la perpétuelle recherche de symétrie de l'école de Tanjore, nous avons pu recréer une architecture cohérente, basée sur le modèle encore complet dextre.

Illustration 176: Architecture dextre

Illustration 175: Lacune bord senestre

Illustration 177: Reconstitution bord senestre

Illustration 178: Masticage, détails

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Le plus gros défi à relever a été la scène du registre inférieur, dont il ne subsistait presque rien. Le mastic a tout d'abord été ragréé au niveau du fond rouge, sur lequel les personnages viennent se poser en relief. Puis, grâce à des scènes similaires, la représentation a pu être reconstituée. L'interprétation personnelle a été réduite au minimum.

Illustration 179: Registre inférieur lacunaire

Illustration 180: Rama Navami, Ecole de Tanjore, Sri Rama Pattabhishekam, XXè siècle, Tanjore Royal Museum, détail

Illustration 181: Reconstitution

Après structuration des mastics, ceux-ci ont été isolés et nourris avec du vernis Regalrez à 18%, afin de permettre une meilleure réversibilité de la retouche à venir, d'autant plus que celle-ci serait certainement réalisée avec un matériau aqueux. Il nous aura fallu trois semaines pour terminer ce travail de masticage.

o Incrustations Dans cette même optique de redonner la plus grande cohérence possible à l’œuvre, nous avons pris la décision de couler en résine transparente des imitations des perles de verre et pierres semi-précieuses présentes sur l’œuvre, afin de combler les zones où le temps les avait emportées. Pour ce faire, des prototypes en plâtre ont été sculptés exactement à la bonne taille. Grâce à notre étude scientifique, nous avions pu expérimenter les résultats donnés par trois types de moulages différents. Riches de ces expériences, nous avons décidé de recouvrir nos prototypes en plâtre de film alimentaire, afin d'obtenir une surface lisse, brillante et régulière. Des moules en silicone ont ensuite été réalisés, puis une résine transparente synthétique a été coulée dans ceux-ci. En nous renseignant sur les restaurations de verre,82 nous avons appris que deux résines étaient 82 JESTIN M., Etude et restauration de deux œuvres en verre d'Emile Gallé, Mémoire de fin d'études, INP, p. 110

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régulièrement utilisées : le Paraloïd B72 et l'Epoxy. 83 D'après les tests réalisés lors de notre étude scientifique, nous avons opté pour l'Epoxy. Cette résine possède une faible viscosité, une bonne stabilité, ainsi qu'un indice de réfraction proche de celui du verre. 84 Si pour nos expérimentations scientifiques le vieillissement de la résine importait peu, il n'en est pas de même pour les incrustations que nous souhaitons réaliser. Nous avons donc opté pour la résine Epoxy Hxtal, dont le jaunissement ne serait visible dans le temps qu'après environ un siècle. 85 Cette résine est cependant d'une dureté importante et peu réversible. Le choix de l'adhésif utilisé était donc essentiel. Nous avons opté pour une colle à base de Paraloïd B72 à 50% dans un mélange Ethanol/Acétone (30/20). L'Acétone permet la bonne dissolution de la résine tandis que l'Ethanol ralentit la vitesse d'évaporation de ce dernier, prévenant la formation de bulles. Le Paraloïd offre l'avantage d'être à la fois extrêmement résistant et réversible.86 Pour recréer la coloration des incrustations, nous avons utilisé une méthode similaire à celle d'origine : c'est à dire que la colle de Paraloïd elle-même a été colorée à l'aide de pigments. Originale

Originale

Illustration 182: Incrustations Des incrustations ont ainsi été rajoutées sur le pourtour de l’œuvre, dans l'architecture du coin supérieur senestre, dans le trône de Ramâ ainsi que dans les bijoux et couronnes de certains personnages.

83 DE NOBLET M.-L., Conservation-Restauration de verreries du XVIIIe siècle, Mémoire de fin d'études, Ecoles de Condé, p. 189 84 DAVISON S., Conservation and restoration of glass, p. 83 85 DOWN J., The yellowing of epoxy resin adhesives : report on high intensity light aging, dans Studies for Conservation, Vol 31, n°4, Novembre 1986 86 DE NOBLET M.-L., Conservation-Restauration de verreries du XVIIIe siècle, Mémoire de fin d'études, Ecoles de Condé, p. 190

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Illustration 184: Incrustations registre inférieur Illustration 183: Incrustations coin supérieur senestre Si le temps de préparation et de séchage des incrustations a été très long, la pose en elleIncrustations en Epoxy Hxtal

même nous a pris moins d'une journée.

Illustration 185: Relevé des incrustations rajoutées

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Pour finir, des miroirs ont été rajoutés là où ils étaient manquants, c'est à dire dans l'arcade senestre et dans le parasol au-dessus du prince Ramâ. Ceux de l'architecture ont été gracieusement taillés par un artisan miroitier tandis que celui du centre, dont la coupe ne convenait pas parfaitement, a été coupé par nos soins, à l'aide d'une pointe de diamant. Les miroirs ont ensuite été artificiellement vieillis par plusieurs couches de

Illustration vernis Dammar dans lequel ont été ajoutés des pigments noirs. Notre objectif 186: Découpe n'était pas tant d'imiter parfaitement les vieux miroirs que de rendre nos rajouts de miroir secondaires visuellement.

Illustration 187: Miroirs ajoutés avant patine artificielle Des mastics ont de nouveau été apposés autour des incrustations lorsqu'ils étaient nécessaires.

o Retouche Ces étapes terminées, nous nous sommes attelés à la retouche. Tout comme l'allégement des repeints, cette opération peut être un objet de polémique. Encore une fois nous retrouvons l'opposition entre une approche minimale, qui présenterait le respect total de l'état matériel de l’œuvre et de son histoire 87 et une intervention plus poussée qui permettrait d'avoir un rendu plus esthétique. Ce n'est pas pour l'esthétique seul cependant que nous nous sommes tournés vers la seconde proposition. Comme nous l'avons énoncé tout au long de cette étude, cette représentation a un triple rôle : votif, décoratif et didactique. Lorsque nous avons fait le choix de retirer certains repeints, sachant que nous retrouverions en-dessous une peinture fragmentaire et peu lisible (registre inférieur par exemple), nous savions que notre reconstitution devrait être à la hauteur de cette décision. Il était impensable de laisser cette œuvre sacrée mutilée et illisible. Dans une volonté de cohérence, nous proposons donc à présent une réintégration colorée 87BRUNET E., Restauration d'une peinture de culte tibétaine, Mémoire de fin d'études, Écoles de Condé ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 130


proche de l'illusionnisme, visant à redonner tout son sens et sa splendeur à une œuvre qui le mérite infiniment. Restait ensuite à déterminer une méthodologie et les matériaux appropriés. En effet, les différents composants du tableau avaient absorbé le Regarlez 1094® de manière très inégale et présentaient des variations de brillance. Nous étions bien conscients que nous ne pourrions obtenir une homogénéité optimale à ce niveau, étant donné que certaines couches absorbent énormément le vernis tandis que d'autres le conservent en surface. Devant cet état de fait, nous avons décidé de faire preuve d'adaptabilité. Afin d'avoir une base mate, solide et parfaitement unie, des tons de fond ont été posés à la gouache, légèrement endessous du ton chromatique souhaité. Nous avons utilisé la gamme extra-fine Linel® de Lefranc & Bourgeois. Chez ce fabricant, les pigments sont liés avec de la gomme arabique (composé polysaccharidique soluble dans l'eau et insolubles dans une grande partie des solvants organiques, dont les alcools). Sont ajoutés un agent plastifiant (miel ou glycérine), un agent conservateur et une charge minérale (la plus fréquente est le Carbonate de Calcium).88

Illustration 188: Tons de fond, Pitambarâ Sur ces tons de fond, nous avons effectué une retouche à l'aquarelle. Il s'agit d'une peinture peu opaque obtenue à partie de l'association de pigments broyés très finement, de gomme arabique, d'agents plastifiants (miel ou glycérine) et d'agents conservateurs.89 Facilement réversible à l'eau, ses principales faiblesses sont son manque de souplesse et sa sensibilité aux moisissures.90 Elle présente en revanche l'avantage de ne pas jaunir dans le temps.91 Nous avons sélectionné l'aquarelle extra-fine de chez Windsor & Newton. Celles-ci sont 88 DE COURLON C., Etude du phénomène de lustrage d'une peinture mate non vernie et de différents types de retouche, Mémoire de fin d'études, INP, Spécialité Peinture, 2012, p. 95 89 Idem 90 MASSCHELEIN-KLEINER L., Liants, vernis et adhésifs anciens, Bulletin de l'IPRA, Bruxelles, 1978 91 DE WITTE E., GUISLAIN-WITTERMANN, Comparaison de quelques matériaux et techniques de retouche, Bulletin de l'IRPA, Bruxelles, 1981

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fréquemment utilisées en restauration de par la pureté des couleurs et leur résistance à la lumière. L'aquarelle nous a permis de rendre la légèreté et la transparence des encres utilisées pour l'original. Elle a été appliquée avec beaucoup de délicatesse afin de ne pas solubiliser la couche de gouache sous-jacente.

Illustration 189: Chassemouche dextre

Illustration 190: Chassemouche senestre

Illustration 191: Chassemouche dextre

Illustration 192: Chassemouche senestre

Elle était cependant par endroits trop brillante, trop mate, ou adaptée. Des tests sur d'autres liants de retouche aqueux ont été concluants. Dans les zones plus mates, l'aquarelle a été mélangée à de la Klucel G (ou hodroxypropylcellulose). Cet éther de cellulose possède à la fois résistance mécanique, transparence et souplesse. Utilisé comme adhésif, il est également parfaitement réversible à l'eau ainsi qu'à l'éthanol.92 Il permet d'obtenir une retouche matte93 et sa forme gélifiée prévient la dissolution de la gouache préalablement posée en retenant l'humidité en surface. 92SIRVEN M., Restauration de huit photographies appartenant au fonds France-Soir, Mémoire de fin d'études, INP, p. 81 93 GABRIAC P., Etude et restauration de la partie peinte d'un thang-ka tibétain du musée national des arts asiatiques – Guimet, Mémoire de fin d'études, INP, p. 201

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Illustration 193: Collier de fleurs avant retouche

Illustration 194: Collier de fleurs après retouche

Dans les zones où son aspect satiné convenait, l'aquarelle a été utilisée telle quelle. Pour augmenter sa brillance, elle a pu être mélangée à une pointe d'Aquazol 200 à 15% dans de l'eau. Synthétisé depuis les années 1990 le Poly(2-ethyl-2-oxazoline) ou Aquazol est une résine au pH neutre et à l'excellente stabilité dans le temps. Il se solubilise dans l'eau aussi bien que dans d'autres solvants polaires.94 Illustration 196: Coin dextre

Illustration 195: Coin dextre

Enfin, s'est posée la question de la réintégration des zones dorées. Nous n'avons pas souhaité effectuer une dorure à la feuille. En effet, bien que cette méthode eusse été fidèle à la technique originale, la réflexion métallique n'est pas chose aisée à reproduire. Il aurait été difficile de retrouver la même teinte et le même rendu. En outre nous souhaitions conserver les usures de la feuille d'or apposée sur l’œuvre. Lui redonner un aspect neuf n'était pas notre objectif. Dans cette optique, nous nous sommes tournés vers les poudres d'or ou poudres mica. Ces dernières ne sont pas des pigments métalliques, mais minéralogiques. Les particules de mica sont enrobées d'oxydes 94 EBERT B., GRIMALDI N., SINGER B., Aquazol as a consolidant for matte paint on Vietnamese paintings, in Journal of the Institute of Conservation, Volume 35, Number 1, 2012, p. 62

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métalliques qui leur donnent l'aspect et le brillant du métal. Elles offrent également une grande gamme de couleurs, une bonne stabilité dans le temps et ont un fort pouvoir couvrant.95 Ce sont ces poudres mica sous forme d'aquarelle qui ont été utilisées pour la retouche. Appliquées avec parcimonie, elles ont permis de rendre l'effet usé de l'or en créant une continuité entre les zones originales et nos interventions.

Illustration 198: Avant retouche

Illustration 199: Pendant retouche

Illustration 197: Après retouche

Comme le format de l’œuvre avait été légèrement rétréci, il n'y avait plus la place d'incruster de fausses perles sans perdre la ligne de contour. Un trompe-l’œil à l'aquarelle a donc été réalisé. Le but était de suggérer la présence originale de pierres aujourd'hui disparues et, optiquement, de faire passer cette zone à l'arrière-plan. De la même manière que lors des opérations de masticage, aucune des reconstitutions proposées n'a été laissée au hasard. Nous nous sommes basés dans nos interprétations à la fois sur tous les indices subsistant de l'original et sur d'autres modèles de la tradition de Tanjore. 95 DELARUELLE E., Etude des différentes pratiques de réintégration de l'or et analyse des phénomènes de brillance, Mémoire de fin d'études, INP, Spécialité Peinture, 2006, p. 87

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Illustration 200: Hannuman, Détail

Illustration 201: Ecole de Tanjore, Sri Rama Pattabhishekam, XXè siècle, détail

Illustration 202: Hannuman après retouche

C'est le visage reconstitué de Hannuman qui nous a permis de faire une proposition pour les deux singes du registre inférieur. Le visage de l'homme face à eux a quant à lui été inspiré par les faciès des autres personnages du tableau.

Illustration 203: Registre inférieur

Illustration 204: Rama Navami, Ecole de Tanjore, Sri Rama Pattabhishekam, XXè siècle, Tanjore Royal Museum, détail

Illustration 205: Registre inférieur après retouche

Il a été intéressant lors de ce travail de reconstitution de chercher un compromis entre la grande finesse de l'originale et les repeints plus maladroits, de manière intégrer notre retouche sans dénoter dans la composition générale. C'est en pleine conscience que nous avons pris le risque d'une retouche aussi poussée. Ce choix, potentiellement discutable sur ces œuvres ethniques et sacrées, nous a été dicté par une volonté solide de lui rendre sa majesté. C'est dans cet esprit, il nous semble, que nous nous trouvons au plus proche de la volonté originelle de l'artiste et de l'essence propre de ce tableau.

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Illustration 206: Oeuvre après restauration ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 136


Conclusion générale Restaurer cette œuvre fut un défi permanent.

Au niveau technique, il nous a fallu sans cesse remettre en perspective nos acquis et nos connaissances, cherchant au-delà des sentiers battus. Nous sommes ainsi entrés en contact avec des professionnels aux spécialisations variées desquels nous avons à chaque fois beaucoup appris. Nous avons découvert les grandes ressources de l'adaptabilité du restaurateur, de la souplesse avec laquelle il faut se réajuster à l’œuvre, de ce discours incessant entre la main, l’œil et l'objet qui permet de voir au delà du visible et de faire confiance à ses intuitions.

Au niveau déontologique, nous sommes bien conscients que tous les choix étaient possibles et parfaitement défendables pour ce cas précis. Notre objectif cependant n'a pas varié : redonner sa superbe à une œuvre dont l'essence est d'inspirer un sentiment de dévotion, tout en respectant profondément son vécu et les traces de son passé. Nous souhaitions allier sa matérialité à sa spiritualité, trouver un équilibre sur cette corde raide qui se tend entre Orient et Occident et qui, à chaque fois que quelqu'un s'y intéresse, se renforce et se stabilise peut être un peu plus.

Restaurer cette œuvre fut un défi permanent, certes, mais il n'est pas un matin durant ces deux années, où nous n'avons pas eu envie de nous lever pour aller le relever.

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Annexes

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Glossaire Asanâ : Posture ou attitude mettant certaines qualités du personnage en valeur Asparas : Femmes ailées associées à des anges et dansant dans le ciel Avatars : Réincarnations Brahma : Dieu créateur de l'univers dans l'Hindouisme Chamara : Chasse-mouche. Associé à Visnhu dans l'Hindouisme, il a été repris par le Bouddhisme Chattra : Parasol protecteur, associé au dieu Vishnu Kiritamukuta : La plus haute et glorieuse des couronnes Kîrtimukha : Personnage protecteur représenté sous forme de masque Lakshmi : Compagne du dieu Vishnu, elle représente l'abondance, la créativité et la protection Mahâbhârata : Texte épique Indien relatant les exloits et enseignements du prince Krishna Malâ : Collier sacré Mudrâ : Geste de la main portant une symbolique précise Padma-pûrana : Texte sacré se rapportant à Vishnu Pitâmbara : Voile doré ceignant les hanches de Ramâ Pûrana : Récits centrés autour de Shiva, Vishnu ou Brahma. Ramâ : Héros du Râmayana, il est un avatar de Vishnu Râmayana : Texte épique indien contant l'épopée du prince Ramâ Rigveda : Recueil d'hymnes sacrés indiens écrits entre 1500 et 900 aant J.-C. Saptarshis : Sept sages et ermites de l'époque du Râmayana Shiva : Dieu destructeur et fertile, principe masculin Sri Ramapattabishekam : Couronnement ou Sacre de Ramâ Trimūrti:Trinité hindoue regroupant les trois Dieux principaux : Brahme, Shiva et Vishnu Vîrâsana : Posture du guerrier Vitarka mudra : Geste de la main consistant à joindre les bouts du pouce et de l'index. Signe de sagesse et de pureté Vishnu : Dieu protecteur de la trinité hindoue

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Le Ramayanâ Le récit commence au Nord de l'Inde,96 dans le riche royaume de Kosala, au sein de sa glorieuse capitale : Ayodhyâ. La plénitude règne dans cette ville prospère, vertueuse et protégée par son roi, un homme juste et bon du nom de Dasharatha. Héros de guerre, maître spirituel, généreux et clément, le souverain qui ne trahissait jamais sa parole était profondément aimé de ses sujets et de ses trois femmes : Kausalyâ, Sumitrâ et Kaikeyî. Cependant, à son grand désespoir, aucune n'avait été en mesure de lui donner un descendant pour reprendre le trône à sa suite. Le roi prit donc la décision d'organiser en grande pompe le sacrifice d'un cheval afin de s'attirer les faveurs des Dieux. Au même moment, ceux-ci, réunis dans leur royaume céleste, tenaient conseil auprès du Père de la Création, Brahmâ. Ils étaient en effet les victimes des agissement d'un terrible démon du nom de Râvana. Les armées de l'ogre les pourchassaient et s'en prenaient sans vergogne à leurs dévots humains, massacrant joyeusement et implacablement sur leur passage. Ravanâ, bien des années plus tôt, avait obtenu de Brahmâ un don d'invincibilité. Il était protégé contre toutes les attaques des immortels. Cependant, dans son orgueil, il n'avait pas considéré la race humaine comme une menace, et n'avait point pensé à s'en méfier. Les dieux se tournèrent alors vers Vishnu, protecteur suprême de l'univers. Pris de compassion face à leur souffrance, celui-ci accepta de descendre sur Terre et de s'incarner dans les quatre fils qui naîtraient à Dasharatha. Les dieux offrirent donc aux femmes du roi un breuvage divin tiré du corps de Vishnu. La première des épouses, Kausalyâ, en but la moitié. Sumitrâ, la seconde eut droit au trois-quarts de la deuxième moitié, et Kaikeyî, la plus jeune, au huitième restant. Peu après naquirent les quatre fils promis. Kausalyâ enfanta la première de Ramâ, inondant le monde de soleil. Kaikeyî mit ensuite au Illustration 207: Sri Ramâ

96 Ce récit, bien que certainement influencé par mes lectures sur le sujet, a été entièrement synthétisé et rédigé par mes soins.

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monde son fils Bharata, suivi le même jour de Lakshmana et Shatrughna, les jumeaux de Sumitrâ. Tous possédaient en abondance les plus hautes qualités, la beauté et droiture du cœur et de l'âme, la puissance et l'agilité physique, la noblesse, la bonté et la vertu. Mais de tous, c'est Ramâ qui conquérait les cœurs. Son jeune frère Lakshmana se lia bientôt à lui, se mit à l'accompagner dans chaque voyage, chaque leçon. De la même manière Bharata et Shatrughna devinrent inséparables. Ainsi grandirent les fils du roi Dasharatha, au service de leur père et de leur peuple. Durant leur jeunesse, Ramâ et Lakshmana confrontèrent et vainquirent de nombreux démons, voyageant jusqu'à la lointaine cité de Mithilâ. Son roi, Janaka, en préparant un sacrifice bien des années plus tôt, avait trouvé un nourrisson dans les labours des champs. Une enfant, charmante comme le jour, qu'il avait recueillie comme sa fille et nommée Sitâ, la fille de la Terre. Sa beauté avait la lumière de l'automne, la majesté de l'hiver, l'éclat du printemps et la douce chaleur de l'été. Elle était à la fois la terre fertile, l'océan infini et la montagne caressant le ciel. La belle étant aujourd'hui en âge de se marier, le roi, le cœur gros, avait promis de donner sa main au prince qui se révélerait capable de bander et tendre l'arc de Rudra, un arc céleste qu'aucun humain n'avait pour l'instant réussi ne serait-ce qu'à soulever. Cinq mille soldats portèrent avec peine l'arc aux pieds de Ramâ. Celui-ci le saisit d'une seule main, encocha une flèche... et rompit l'arme. Le bois craqua sous la trop grande force du prince. Ainsi furent unis Ramâ, seigneur solaire et Sitâ, fille de la Terre. De nombreuses années tous vécurent heureux à la cour du roi Dasharatha. Jusqu'au jour où celui-ci prit la décision de nommer Ramâ prince régent, dans le but de se retirer peu à peu des affaires du royaume. Cependant, corrompue par les paroles perfides d'une de ses servantes, Kaikeyî, la troisième et favorite épouse du roi, se révolta à cette annonce. Elle usa d'une parole que le roi lui avait donnée bien des années auparavant, lui accordant deux souhaits de son choix. Elle demanda donc au roi d'exiler Ramâ durant douze années, et de nommer son propre fils Bharata à la régence du royaume. Lié par sa promesse, et malgré le désespoir qui le rongeait, Dasharatha fit convoquer Ramâ, et la perfide Illustration 208: Ramâ et Sitâ enlacés Kaikeyî lui exposa la situation. ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 142


Loin de se rebeller, le prince accepta sereinement son destin et troqua ses royaux atours contre une simple tunique d'écorce d'arbre. Bien qu'outré et prêt à prendre les armes, son frère Lakshmana le suivit dans la forêt, adoptant également la sobre tenue des ermites. Sitâ, en femme vertueuse et dévouée à son époux, refusa de rester au palais à attendre son mari, et se joignit à eux. Les cris et lamentations du roi, des habitants du royaume ou même de ses deux autres frères, qui ne souhaitaient nullement son exil, ne réussirent pas à faire flancher la décision de Ramâ et c'est ainsi qu'il partit, vêtu d'écorce et de noblesse, accompagné de son frère et de la fille de la Terre. Durant onze années ils vécurent modestement et paisiblement dans la forêt, protégeant quand nécessaire les autres ermites des méfaits des démons, toujours prompts à semer le trouble et la désolation. Ramâ extermina même à lui seul une armée de quatorze mille monstres envoyés par Khara, le frère de Ravanâ, roi des ogres et des démons. A cette nouvelle, le souverain maléfique tourna son regard concupiscent vers le petit ermitage du prince et entendit alors parler de la beauté sans pareil de Sitâ. Empli de vengeance et de désir, il mit au point un stratagème : il envoya un de ses démons sous la forme d'un daim doré pour éloigner Ramâ et Lakshmana de la princesse. Une fois celle-ci seule, il se présenta Illustration 209: Le à elle et tenta de la séduire et de l'attirer par ses nombreuses richesses. daim d'or utilisé pour tromper Ramâ et La frêle et incorruptible Sitâ ne renonça à aucun moment à sa vertu et à Lakshmana l'amour de son époux. Elle résista à Ravanâ tant et si bien que celui-ci, furieux, l'enleva de force, la fit monter dans son char ailé et l’emmena à travers les cieux tout au Sud de la péninsule indienne, dans sa terrible capitale de Lankâ. En revenant à l'ermitage et en découvrant la disparition de sa bien-aimée, Ramâ se répandit en lamentations et sombra dans un désespoir sans fin. Il retourna ciel et terre, cherchant le moindre signe de son épouse auprès des fleurs et animaux de la forêt. Finalement un aigle vénérable lui apprit le terrible enlèvement de la fille de la Terre par le roi des démons. Rassemblant ses forces dévastées, Ramâ se redressa et, en compagnie de son fidèle frère, entama sa quête vers Sitâ. Sur son chemin il rencontra Sugriva, le roi des singes, qu'il aida à reconquérir son trône. ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 143


Celui-ci en retour envoya des émissaires aux quatre coins du royaume afin de localiser le vil Ravanâ et sa captive. L'un d'eux revint finalement de l'extrême Sud avec la nouvelle tant espérée : Sitâ était détenue sur l'île de Lanka, capitale des démons, où Ravanâ essayait par tous les moyens de la séduire. Mais ni les menaces ni les charmes employés ne firent jamais céder la fille de la Terre, éternellement fidèle à son époux. Ramâ et Lakshmana se mirent aussitôt en route, accompagnés d'une armée de singes et d'ours. Le plus vertueux d'entre tous, Hanuman, intendant du roi des singes, fut envoyé par-delà l'océan pour délivrer un message de paix à Ravanâ, et un message d'espoir à Sitâ. Si cette dernière le reçut avec une infinie gratitude, le roi des démons, lui, tourna le dos au courageux émissaire et, malgré les conseils avisés de son propre frère, maintint son désir de guerre. Hanuman retourna donc auprès de son seigneur Ramâ, porteur de la décision de Ravanâ et d'un bijoux de la princesse pour son époux. Le propre frère du roi des démons, Vibhishana, déçu par l'aveuglement de son aîné, se présenta aux pieds de Ramâ et lui offrit son épée. Un pont fut construit entre le continent et l'île. La bataille était imminente. Ramâ souhaita cependant adresser une prière au Dieu Shiva avant d'attaquer la ville. La tradition lui interdisait de la faire sans son épouse. Ravanâ, magnanime, accepta donc d'envoyer Sitâ à terre et Ramâ, une fois l'oraison terminée, la renvoya dans sa prison... avant de prendre les armes pour aller l'en délivrer. La bataille fut terrible. De nombreux alliés et démons périrent sous les lances. L'océan se teinta de rouge, et les cris d'agonie furent entendus jusqu'aux tréfonds du vieux monde. Parmi la race des singes, aucun ne combattit aussi bravement qu'Hanuman, le plus puissant de son espèce. Lakshmana se retrouva grièvement blessé, incapable de porter secours à son frère qui combattait inlassablement Ravanâ, sans pour autant réussir à le mettre à mort. C'est le démon Vibhishana qui vint à son aide en lui révélant le point faible de Ravanâ. Ramâ frappa donc de toute sa force le nombril du roi démoniaque, où celui-ci rassemblait toute son énergie. Ainsi fut anéanti le souverain, perdu par sa vanité et ses Illustration 210: Hanuman désirs aveugles. Ramâ, Lakshmana, Sitâ, Hanuman et les armées retournèrent alors à Ayodhyâ où ils furent accueillis dans la plus grande liesse par les frères et les mères de Ramâ. Une grande cérémonie fut ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 144


organisée pour couronner le roi légitime et victorieux. Celui-ci n'oublia pas ses alliés, qu'il récompensa largement, honorant son fidèle Hanuman par-dessus tout. La célébration fut grandiose, et bientôt tous s'installèrent au palais pour y vivre heureux. Ce bonheur cependant ne dura qu'un temps. Bien vite, les plus viles rumeurs se mirent à courir sur Sitâ, mettant en doute sa fidélité envers son époux lors de sa détention. La châtiment pour une femme adultère était le bûcher. La fille de la Terre, certaine de sa vertu et de sa dévotion, se jeta donc volontiers dans les flammes, prenant les Dieux à témoin. Lorsqu'elle émergea du brasier indemne, éclatante de pureté, les langues médisantes ne purent que se taire et la reine put être finalement réunie avec son bien-aimé.97

97 Il existe des centaines de versions du Râmayana dont de nombreuses ont des fins différentes. Notamment une où Sitâ s'exile dans la forêt et est accueillie dans l'hermitage du sage Valmîkî... qui n'est autre que l'auteur du Râmayana...

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Nature des éléments – Tests Test n°1 : Nature des toiles Il est essentiel avant toute opération de restauration de connaître la nature des fibres des toiles avec lesquelles nous devrons travailler. En effet, qu'il soit naturel ou synthétique, un textile ne réagira pas de la même manière, à l'humidité notamment, et demandera une approche différente de sa conservation. Ce test est très simple, il suffit de poser une goutte d'eau sur le textile et d'observer la réaction de celui-ci. Si la goutte d'eau est absorbée immédiatement et qu'un léger gonflement des fils est observable, ceux-ci contiennent très certainement de la cellulose, et sont donc d'origine naturelle. La difficulté est ici le nombre de toiles (quatre au moins). Cependant, l'état de l’œuvre étant très hétérogène, nous avons pu accéder, en divers endroits, à chaque strate de toile. Les gouttes d'eau ont été posées dans des zones où les toiles étaient libres, sans enduits par dessus qui pourrait fausser les résultats. De plus, dans le cas où elle est dépourvue d'enduits la toile n'adhère plus au bois, une feuille de mélinex a été glissée entre la toile et le bois pour que l'eau ne pénètre pas dans celui-ci et n'entre en interaction qu'avec la toile. Les résultats ont été à chaque fois identiques. Les gouttes d'eau ont toutes été immédiatement absorbées par les fils des différentes toiles qui ont présenté une certaine réactivité à l'humidité, en gonflant légèrement. Nous avons ainsi pu déterminer que les toiles étaient d'origine naturelle. Une fois avancée l'hypothèse que les toiles étaient d'origine naturelle, restait à savoir si on pouvait en préciser la nature. Les plus couramment employées sont les toiles de lin et celles de coton qui, lorsqu'on les brûle, ont des caractéristiques très différentes. Un fil de chaque toile accessible a donc été prélevé et brûlé. A chaque fois, il s'est consumé extrêmement rapidement, en produisant une très faible quantité de cendres. Cette réaction est typique des fils de coton, à l'inverse des fils de lin par exemple, qui brûlent ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 146


plus lentement en laissant plus de résidus. Il semble donc que nous soyons en présence de toiles de coton. Ces résultats sont parfaitement cohérents avec les informations que nous avions trouvées quant aux méthodes de fabrication des peintures de Tanjore. Test n°2 : Nature de l'enduit préparatoire Nous tenterons de déterminer sa nature (grasse ou maigre) et de confirmer (ou non) la présence de carbonate dans sa composition. Une méthode offrant de bonnes indications consiste à chauffer à blanc l'extrémité d'une aiguille et à la plonger dans l'enduit ou la préparation à tester. Si celui-ci est de nature grasse, il va se ramollir au passage du métal brûlant. Si au contraire il s'agit d'un enduit maigre il deviendra cassant sous l'effet de la chaleur. Les résultats de ce test semblent indiquer que l'enduit n°1 soit un enduit maigre. Le test suivant consiste à faire un micro-prélèvement de l'enduit et à le mettre en contact avec de l'acide chlorhydrique (HCl). Si l'échantillon contient du carbonate, la solution deviendra effervescente. Cette réaction est observée pour l'enduit n°1. Les mêmes tests seront réalisés sur chaque enduit. Test n°3 : Nature de l'assiette rouge Le test à l'aiguille chauffée nous confirme la nature maigre de l'assiette rouge. Celui-ci est en revanche légèrement sensible au passage d'un coton humidifié. Au vu de sa couleur rouge et de sa consistance granuleuse, ainsi que grâce aux informations recueillies lors de nos recherches, nous pouvons avancer l'hypothèse qu'il soit fabriqué à base d'argile. On ne détecte pas de trace de carbonate dans sa composition. Test n°4 : Nature de l'enduit d'incrustation L'enduit d'incrustation est également de nature maigre. De couleur blanche, il sert de base à l'incrustation des perles de verre. La solution d'acide chlorhydrique devenant effervescente lorsqu'un échantillon est plongé dedans, nous pouvons conclure que du carbonate entre dans sa composition. Test n°5 : Nature de l'assiette jaune Le test à l'aiguille chauffée nous indique qu''il est de nature maigre. Sensible à l'eau, il présente également des traces de carbonate. ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 147


Relevé des lacunes Le relevé des lacunes lors de la réception de l'oeuvre sera effectué de haut en bas et la profondeur de chaque lacune sera indiquée. → Lacunes

du ciel

Illustration 211: Lacune du ciel, coin supérieur dextre La lacune n°1 mesure 0,4x0,5cm (la hauteur sera toujours donnée avant la largeur). Elle laisse apercevoir l'enduit n°1. La lacune n°2 mesure 1,15x1,4cm. Sont visibles un morceau de toile et l'enduit n°1.

→ Lacunes dans l'architecture

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5

3 4

6 7

8

9

14 15

11 10

16

23 21

17

20 18

12 13

22

19

24

Illustration 212: Lacunes dans l'architecture

Les lacunes n° 3 à n°10 sont du même type et seront donc traitées ensemble. Il s'agit de lacunes dans l'enduit n°4, servant au sertissage des incrustations. Elles présentent toutes la même caractéristique : manque ponctuel de la structure et aspect très noir, ne permettant pas d'identifier la couche visible en-dessous. Lacunes

Dimensions en cm

3

0,8x0,5

4

0,45x0,7

5

0,45x0,25

6

0,6x0,2

7

1,2x0,85

8

0,6x0,2

9

1,3x0,65

10

0,25x0,5

Illustration 213: Lacune n°9

La lacune n°11 mesure 0,9x3cm. Il s'agit d'un ancien emplacement d'incrustations, probablement des miroirs. De la stratigraphie initiale ne reste que le bois. ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 149


La lacune n°12 mesure 0,6x1,4cm. Elle est à cheval entre l'arcade dorée et le sur-peint noir. Elle met à jour l'enduit rouge de structuration n°2. La lacune n°13 mesure 1,6x1,7cm. Elle prend la forme de griffures sur la peinture noire recouvrant l’œuvre dans ce coin précis. Peu profonde, elle laisse apparaître une sous-couche ocre non-identifiée. La lacune n°14 mesure 1x0,5cm. Elle correspond au manque d'une incrustation dans l'arcade principale.La couche noire en-dessous n'est pas identifiable.

Lacune n°11 Lacune n°12 Lacune n°13

Illustration 214: Lacunes, bord supérieur senestre Les lacunes 15 à 22 sont similaires, il s'agit en effet de lacunes superficielles, n'affectant qu'une seule couche de peinture et révélant celle sous-jacente. Les quatre premières se situent dans l'arcade dextre et les quatre suivantes dans le fond rouge de l'arcade centrale.

Lacunes

Dimensions en cm

15

1,1x1,4

16

3,4x1,9

17

0,2x0,3

18

0,4x0,3

19

1,6x0,9

20

8,6x6,5

21

6,5x6,2

22

1,8x1,9

Illustration 215: Lacunes, arcade dextre

Les lacunes n°23 et 24 se situent dans l'arcade senestre. Elles concernent la peinture mais ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 150


également les strates inférieures puisqu'elles dévoilent la toile et le bois par endroits. Elles mesurent respectivement 2,5x0,6cm et 1,6x1cm.

→ Lacunes au niveau des personnages centraux

Illustration 216: Personnages centraux Les lacunes 33, 34, 36, 40 et 41 sont les plus superficielles puisqu'il s'agit simplement d'un manque des couches supérieures de peinture jusqu'à l'enduit jaune-or n°4. Elles se situent principalement au niveau du drapé du dieu principal. Ensuite, les lacunes 27, 35 et 37 atteignent en profondeur l'enduit de structuration n°2. 27

0,6x0,5

33

1,2x0,9

34

1,1x1

35

1,8x2,1

36

1x3,5

37

2,1x4,5

40

1,x0,7

41

1,6x2

Illustration 217: Lacunes 35 et 36, drappé de Ramâ

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Les lacunes les plus nombreuses traversent toutes ces couches jusqu'à l'enduit de dessin n°1. Elles se répartissent sur l'ensemble de l’œuvre. 26

0,7x2,2

28

2,2x2,2

29

0,3x0,3

30

1,2x2,6

32

0,6x0,9

38

2,3x0,7

39

0,5x0,5

Quelques lacunes sont cependant plus profondes encore. Ainsi les lacunes 25 et 31 dévoilent la toile tandis que les 42 et 43 atteignent même le bois. 25

2x0,3

31

1x2,5

42

0,6x4,1

43

0,6x1,6

Illustration 218: Lacune n°32

→ Lacunes

Illustration 219: Lacune n°25

du registre inférieur et du bord dextre

Les lacunes 44, 46, 48, 50 et 51, de tailles modestes, affectent uniquement la strate de peinture supérieure et découvrent l'enduit blanc de dessin n°1. Dans les lacunes 45 et 47 en revanche l'enduit n°1 est également lacunaire et la toile apparaît, directement en-dessous. Ces zones, planes et non repeintes, sont les plus fines de l’œuvre.

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44

0,7x0,3

45

1x0,4

46

1x1,2

47

1,5x1,7

48

2,2x2,4

50

0,3x0,6

51

0,6x0,6

Illustration 220: Lacune n°54

La lacune n°49 est particulièrement importante, elle mesure 6x5,5cm et atteint toutes les strates de l’œuvre jusqu'au bois.Enfin les dernières lacunes à étudier sont situées tout le long de la bordure dextre de l’œuvre. Elles mettent à jour les toiles ainsi que le bois teinté de rouge. 52

3x1,7

53

11x0,7

54

12x3,1

55

2x2

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Illustration 221: Relevé des altérations par niveau de profondeur visible, face Craquelure

Enduit n°1 blanc

Peinture

Toile

Enduit n°4 jaune

Bois

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Observation aux Ultraviolets – Interprétation

Illustration 222: Oeuvre observée sous Ultraviolets ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 155


L'étude sous lumière UV nous permet de récolter quelques nouvelles informations précieuses. Tout d'abord, une légère fluorescence verdâtre permet de confirmer la présence d'un vernis d'origine naturelle. De plus, une différence de fluorescence entre les incrustations est observée. La fluorescence orangée des perles situées dans les arcades et les bijoux des personnages est typique des verreries, tandis que l'absence de brillance des incrustations du pourtour nous confirme leur nature de pierres semi-précieuses. Sous ultraviolets, nous pouvons également apercevoir par endroits la fluorescence de perles de verre recouvertes de repeints postérieurs.

Illustration 223: Coin inférieur senestre, lumière naturelle

Illustration 224: Coin inférieur senestre, UV

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Radiographie et interprétation

Illustration 225: Radiographie de l'oeuvre, avant intervention

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Bien que complexe à la lecture, cette radiographie nous apporte des renseignements importants. Rappelons tout d'abord le principe des rayons X qui traversent toutes les strates et seront réfléchis par les matériaux les plus lourds. Nous apercevons par exemple très clairement les clous en fer fixant les traverses. De même, les trois traits horizontaux très blancs situés dans la partie senestre de la radiographie pourraient être des agrafes consolidant le support de ce côté là. Une ou plusieurs fentes sont ainsi bien visibles dans cette zone, par la présence de nombreux traits verticaux noirs, signes de l'absence de bois. La feuille d'or réfléchit également les rayons X, bien que, étant usée, elle n'offre pas une réflexion optimale. Sa présence est surtout marquée dans les visages des personnages centraux, leurs couronnes, l'architecture et le vêtement de Ramâ. Le blanc utilisé pour l'éléphant du coin inférieur dextre apparaissant très clair à la radio, l'hypothèse peut être avancée qu'il s'agisse de blanc de plomb. Il en est de même pour les petits points de décoration courant le long du cadre. La luminescence au niveau des pierres de pourtour est aussi intéressante, il est possible que celles-ci aient été posées sur des supports métalliques. Comme l'exemple précis donné dans le chapitre sur l'enlèvement des repeints l'illustre, la radiographie, en révélant les couches sous-jacentes, nous aura aussi permis de faire nos choix avec une meilleure compréhension de leur portée et de leurs conséquences.

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Fiches techniques

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Index des illustrations Illustration 1: Revers de l'oeuvre, avant restauration...........................................................................6 Illustration 2: Oeuvre vue de face, avant restauration..........................................................................6 Illustration 3: Sitâ dans les bois, Garhwal, vers 1800, Collection C. L. Bharani...............................11 Illustration 4: Oeuvre de mémoire......................................................................................................13 Illustration 5: Personnage central, détail............................................................................................14 Illustration 6: Personnages, bord senestre..........................................................................................14 Illustration 7: Personnages, bord dextre.............................................................................................14 Illustration 8: Vêtement de Ramâ, mis en volume.............................................................................15 Illustration 9: Brihadeeshvara.............................................................................................................17 Illustration 10: Ecole de Tanjore, Nataraja, fin XVIIIè-début XIXè, British Museum, Londres.......18 Illustration 11: Déesse Lakshmi, Ecole de Tanjore, XXe siècle, Collectionneur privé, spécialiste de l'art oriental.........................................................................................................................................18 Illustration 12: Journal collé au revers de l'oeuvre.............................................................................19 Illustration 13: Visnhu........................................................................................................................21 Illustration 14: Brahma.......................................................................................................................21 Illustration 15: Shiva..........................................................................................................................21 Illustration 16: Personnages centraux de l'oeuvre..............................................................................21 Illustration 17: Vishnu........................................................................................................................21 Illustration 18: Signes des sectes........................................................................................................22 Illustration 19: Artiste inconnu, Sri Ramapattabhishekam, XXe siècle, British Museum, Londres. .24 Illustration 20: Oeuvre de mémoire....................................................................................................24 Illustration 21: Rama Navami, Ecole de Tanjore, Sri Ramapattabhishekam, XXe siècle, Tanjore Royal Museum....................................................................................................................................24 Illustration 22: Ramâ..........................................................................................................................25 Illustration 23: Virâsana......................................................................................................................26 Illustration 24: Vîtarka Mudra............................................................................................................26 Illustration 25: Oeuvre, détail.............................................................................................................26 Illustration 26: Arc de Ramâ...............................................................................................................26 Illustration 27: Kiritamukuta..............................................................................................................27 Illustration 28: Coiffe de Ramâ..........................................................................................................27 Illustration 29: Pitambarâ de Ramâ, recouvert de noir.......................................................................27 Illustration 30: Malâ de Ramâ............................................................................................................28 Illustration 31: Collier de fleurs, attribut de Ramâ.............................................................................28 Illustration 32: Malâ...........................................................................................................................28 Illustration 33: Kîrthimukha...............................................................................................................28 Illustration 34: Sitâ.............................................................................................................................29 Illustration 35: Visage de Sitâ.............................................................................................................29 Illustration 36: Lakshmana, Bharata, Satrhugna (de dextre à senestre).............................................30 Illustration 37: Lakshmana.................................................................................................................30 Illustration 38: Chamara.....................................................................................................................31 Illustration 39: Chattra........................................................................................................................31 Illustration 40: Chattra oeuvre............................................................................................................31 ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. 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Illustration 41: Les animaux alliés.....................................................................................................31 Illustration 42: Registre inférieur.......................................................................................................32 Illustration 43: Hanuman....................................................................................................................32 Illustration 44: Les sept saptarshis.....................................................................................................33 Illustration 45: Vashisatha..................................................................................................................33 Illustration 46: Vibhishana..................................................................................................................34 Illustration 47: Vibhishana..................................................................................................................34 Illustration 48: Rama Navami, Ecole de Tanjore, Sri Rama Pattabhishekam, XXè siècle, Tanjore Royal Museum....................................................................................................................................35 Illustration 49: Oeuvre de mémoire, Sri Rama Pattabhishekam........................................................35 Illustration 50: Les différents registres...............................................................................................36 Illustration 51: Paraloïd B72 ramolli à la chaleur..............................................................................41 Illustration 52: Paraloïd B72 en solution (Acétone 20%, Ethanol 30%, résine 50%)........................41 Illustration 53: Réflexion sur une surface lisse..................................................................................42 Illustration 54: Réflexion sur une surface rugueuse...........................................................................42 Illustration 55: Mesure de la réflexion dirigée...................................................................................43 Illustration 56: Angles de mesure.......................................................................................................43 Illustration 57: Plâtre moulé...............................................................................................................44 Illustration 58: P7 filmé, face vers le haut..........................................................................................45 Illustration 59: P7, face vers le bas.....................................................................................................45 Illustration 60: P7, face vers le bas.....................................................................................................45 Illustration 61: De gauche à droite : moule M8 "filmé" et moule M6 "vernis"..................................46 Illustration 62: De gauche à droite : échantillon "filmé", échantillon "vernis", échantillon "neutre". Epoxy WWA HT.................................................................................................................................46 Illustration 63: Schéma stratigraphique de l'oeuvre...........................................................................62 Illustration 64: Support bois, revers...................................................................................................63 Illustration 65: Traverse clouée par la face.........................................................................................63 Illustration 66: Identification des toiles présentes au revers. Bord inférieur dextre...........................64 Illustration 67: Observation des toiles dans une lacune de la face.....................................................65 Illustration 68: Etude de l'épaisseur des toiles. Bord dextre...............................................................65 Illustration 69: Mise en évidence du dessin sous-jacent, bord dextre................................................66 Illustration 70: Mise en évidence du dessin sous-jacent, coin inférieur dextre..................................66 Illustration 71: Mise en évidence en lumière rasante des différences d'épaisseur de matière au niveau du drapé...................................................................................................................................67 Illustration 72: Observation de l''assiette rouge en épaisseur.............................................................67 Illustration 73: Observation à la loupe de l'enduit n°2, Grossissement x4.........................................67 Illustration 74: Observation de l'enduit n°3 au microscope. Grossissement x50...............................68 Illustration 75: Observation en coupe d'une lacune. Étude du montage des incrustations.................69 Illustration 76: Incrustations en bordure.............................................................................................70 Illustration 77: Pyramide tronquée.....................................................................................................70 Illustration 78: Relevé des incrustations 1..........................................................................................71 Illustration 79: Coin dextre, UV.........................................................................................................71 Illustration 80: Observation des incrustations de type 2....................................................................71 Illustration 81: Relevé des incrustations n°2......................................................................................72 Illustration 82: Coin dextre, UV.........................................................................................................72 Illustration 83: Incrustations de type 3 et 4........................................................................................72 ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. 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Illustration 84: Relevé des incrustations 3..........................................................................................73 Illustration 85: Observation des incrustations de miroir....................................................................74 Illustration 86: Relevé des incrustations 4..........................................................................................75 Illustration 87: Enduit n°4, bord supérieur.........................................................................................76 Illustration 88: Observation des différentes strates dans une lacune, bord inférieur..........................76 Illustration 89: Couleurs employées pour les carnations, bord dextre...............................................77 Illustration 90: Relevé des zones originales visibles avant restauration............................................78 Illustration 91: Bronzine sur les dorures. Arcade dextre Grossissement x50.....................................79 Illustration 92: Bronzine sur les incrustations, arcade centrale. Grossissement x50..........................79 Illustration 93: Miroirs repeints. Arcade dextre.................................................................................79 Illustration 94: Relevé de la première campagne de repeints.............................................................80 Illustration 95: Observation de la strate fibreuse. Grossissement x50...............................................81 Illustration 96: Observation de la strate grise fibreuse à l'oeil nu......................................................81 Illustration 97: Délimitation des zones en sur-épaisseur....................................................................81 Illustration 98: Lacune du ciel............................................................................................................82 Illustration 99: Scène du registre inférieur.........................................................................................82 Illustration 100: Peinture en sur-épaisseur. Architecture, coin supérieur senestre.............................82 Illustration 101: Relevé des repeints.................................................................................................83 Illustration 102: Identification des matériaux présents au revers.......................................................84 Illustration 103: Fente verticale visible sous la traverse inférieure, bord senestre.............................86 Illustration 104: Radiographie............................................................................................................86 Illustration 105: Fente et entaille, bord inférieur................................................................................87 Illustration 106: Traces de brûlures au revers, coin supérieur dextre.................................................87 Illustration 107: Zone de bois attaquée, bord inférieur......................................................................87 Illustration 108: Consolidations, bord senestre..................................................................................88 Illustration 109: Relevé des altérations du support avant intervention..............................................89 Illustration 110: Formation d'une craquelure 1...................................................................................94 Illustration 111: Formation d'une craquelure 3...................................................................................94 Illustration 112: Formation d'une craquelure 2...................................................................................94 Illustration 113: Formation d'une lacune 2.........................................................................................94 Illustration 114: Formation d'une lacune 1.........................................................................................94 Illustration 115: Formation d'une lacune 3.........................................................................................94 Illustration 116: Triangle de solubilité................................................................................................99 Illustration 117: Test de dévernissage avec CE7, bord sénestre.......................................................101 Illustration 118: Test de dévernissage au CA4.................................................................................102 Illustration 119: Or avant nettoyage avec gel de MEK. Grossissement x8......................................104 Illustration 120: Or après nettoyage avec gel de MEK. Grossissement x8......................................104 Illustration 121 : dévernissage sous binoculaire...............................................................................105 Illustration 122 : avant intervention.................................................................................................105 Illustration 123 : après retrait de la bronzine....................................................................................105 Illustration 124 : avant inervention...................................................................................................106 Illustration 125 : après intervention..................................................................................................106 Illustration 126 : observation des pierres de pourtour à la loupe binoculaire x8..............................106 Illustration 127 : en cours de nettoyage............................................................................................106 Illustration 128 : zones repeintes en sur-épaisseur...........................................................................109 Illustration 129 : registre inférieur, repeint.......................................................................................110 ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. 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Illustration 130 : radiographie, détail................................................................................................110 Illustration 131 : fenêtre de dégagement..........................................................................................110 Illustration 132 : Ramâ, détail retrouvé............................................................................................110 Illustration 133 : Ramâ après intervention........................................................................................111 Illustration 134 : Ramâ avant intervention.......................................................................................111 Illustration 135 : ciel dextre, après intervention...............................................................................111 Illustration 136 : ciel dextre, avant intervention...............................................................................111 Illustration 137 : coin supérieur senestre avant intervention............................................................112 Illustration 138 : après intervention..................................................................................................112 Illustration 139 : en cours de dégagement........................................................................................112 Illustration 140: arcade centrale, avant intervention.........................................................................113 Illustration 141 : arcade centrale, après intervention........................................................................113 Illustration 142 : fleurs après dégagement........................................................................................113 Illustration 143 : en cours d'intervention..........................................................................................113 Illustration 144 : avant intervention..................................................................................................113 Illustration 145 : registre inférieur en cours de dégagement............................................................114 Illustration 146 : après dégagement, détail......................................................................................114 Illustration 147 : scène centrale du registre inférieur après dégagement..........................................114 Illustration 148 : partie senestre après dégagement..........................................................................114 Illustration 149 : avant intervention..................................................................................................115 Illustration 150 : après intervention..................................................................................................115 Illustration 151 : détail......................................................................................................................115 Illustration 152: relevé des repeints restants.....................................................................................116 Illustration 153: Travail sous binoculaire.........................................................................................117 Illustration 154: Après dévernissage et allègement des repeints......................................................118 Illustration 155: Avant intervention..................................................................................................118 Illustration 156: Injection de l'adhésif..............................................................................................119 Illustration 157: Mise sous presse.....................................................................................................119 Illustration 158: Œuvre sur son fond................................................................................................119 Illustration 159: Nettoyage du revers...............................................................................................120 Illustration 160: Bord senestre après dégagement............................................................................120 Illustration 161: Ponts de maintien...................................................................................................121 Illustration 162: Flipots, coin inférieur senestre...............................................................................121 Illustration 163: Comblement, coin inférieur senestre.....................................................................121 Illustration 164: Flipots en cours de pose.........................................................................................122 Illustration 165: Flipots ragréés avant ponçage................................................................................122 Illustration 166: Collage...................................................................................................................122 Illustration 167: Fente centrale. Incision en "V" et flipots (teintés).................................................123 Illustration 168: Bord senestre de l’œuvre.......................................................................................123 Illustration 169: Revers après restauration.......................................................................................124 Illustration 170: Revers avant restauration.......................................................................................124 Illustration 171: Zones lacunaires ré-incrustées...............................................................................125 Illustration 172: Ramâ, lacunaire, oeuvre de mémoire.....................................................................126 Illustration 173: Ramâ reconstitué....................................................................................................126 Illustration 174: Rama Navami, Ecole de Tanjore, Sri Rama Pattabhishekam, XXè siècle, Tanjore Royal Museum, détail.......................................................................................................................126 ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. 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Illustration 175: Lacune bord senestre.............................................................................................126 Illustration 176: Architecture dextre.................................................................................................126 Illustration 177: Reconstitution bord senestre..................................................................................126 Illustration 178: Masticage, détails...................................................................................................126 Illustration 179: Registre inférieur lacunaire....................................................................................127 Illustration 180: Rama Navami, Ecole de Tanjore, Sri Rama Pattabhishekam, XXè siècle, Tanjore Royal Museum, détail.......................................................................................................................127 Illustration 181: Reconstitution........................................................................................................127 Illustration 182: Incrustations...........................................................................................................128 Illustration 183: Incrustations coin supérieur senestre.....................................................................129 Illustration 184: Incrustations registre inférieur...............................................................................129 Illustration 185: Relevé des incrustations rajoutées.........................................................................129 Illustration 186: Découpe de miroir.................................................................................................130 Illustration 187: Miroirs ajoutés avant patine artificielle.................................................................130 Illustration 188: Tons de fond, Pitambarâ.......................................................................................131 Illustration 189: Chasse-mouche dextre...........................................................................................132 Illustration 190: Chasse-mouche senestre........................................................................................132 Illustration 191: Chasse-mouche dextre...........................................................................................132 Illustration 192: Chasse-mouche senestre........................................................................................132 Illustration 193: Collier de fleurs avant retouche.............................................................................133 Illustration 194: Collier de fleurs après retouche.............................................................................133 Illustration 195: Coin dextre.............................................................................................................133 Illustration 196: Coin dextre.............................................................................................................133 Illustration 197: Après retouche...................................................................................................134 Illustration 198: Avant retouche.......................................................................................................134 Illustration 199: Pendant retouche....................................................................................................134 Illustration 200: Hannuman, Détail..................................................................................................135 Illustration 201: Ecole de Tanjore, Sri Rama Pattabhishekam, XXè siècle, détail...........................135 Illustration 202: Hannuman après retouche......................................................................................135 Illustration 203: Registre inférieur...................................................................................................135 Illustration 204: Rama Navami, Ecole de Tanjore, Sri Rama Pattabhishekam, XXè siècle, Tanjore Royal Museum, détail.......................................................................................................................135 Illustration 205: Registre inférieur après retouche...........................................................................135 Illustration 206: Oeuvre après restauration......................................................................................136 Illustration 207: Sri Ramâ................................................................................................................141 Illustration 208: Ramâ et Sitâ enlacés..............................................................................................142 Illustration 209: Le daim d'or utilisé pour tromper Ramâ et Lakshmana.........................................143 Illustration 210: Hanuman................................................................................................................144 Illustration 211: Lacune du ciel, coin supérieur dextre....................................................................148 Illustration 212: Lacunes dans l'architecture....................................................................................149 Illustration 213: Lacune n°9.............................................................................................................149 Illustration 214: Lacunes, bord supérieur senestre...........................................................................150 Illustration 215: Lacunes, arcade dextre...........................................................................................150 Illustration 216: Personnages centraux.............................................................................................151 Illustration 217: Lacunes 35 et 36, drappé de Ramâ........................................................................151 Illustration 218: Lacune n°32...........................................................................................................152 ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 179


Illustration 219: Lacune n°25...........................................................................................................152 Illustration 220: Lacune n°54...........................................................................................................153 Illustration 221: Relevé des altérations par niveau de profondeur visible, face...............................154 Illustration 222: Oeuvre observée sous Ultraviolets.............................................................155 Illustration 223: Coin inférieur senestre, lumière naturelle..............................................................156 Illustration 224: Coin inférieur senestre, UV...................................................................................156 Illustration 225: Radiographie de l'oeuvre, avant intervention........................................................157

Sources des illustrations : Photos personnelles : 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 12, 16, 20, 22, 25, 26, 28, 29, 30, 31, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 49, 50, 51, 52, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 170, 171, 172, 173, 175, 176, 177, 178, 179, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 195, 196, 197, 198, 199, 200, 202, 203, 205, 206, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 225 Schémas personnels : 63, 110, 111, 112, 113, 114, 115 COURTILLIER G., La légende de Ramâ et Sitâ : 207, 208, 209, 210 DALLAPICCOLA A. L., South Indian paintings, A catalogue of the British Museun collection : 10, 11, 19, 21, 48, 174, 180, 201, 204 ECK D. L., India, a sacred geography : 3 FENSTERSEIFER F., Measurement of gloss and reflection : 53, 54, 55, 56 RUDY JANSEN E., Iconographie de l'Hindouisme, Les Dieux, leurs manifestations, leur signification : 18, 23, 24, 27, 32, 39 Wikipédia : 9, 13, 14, 15, 17, 77 www.bieniculturali.it : 116

ALBRAND Sarah, Écoles de Condé, Diplôme de Conservateur-Restaurateur du patrimoine niveau II Spécialité Peinture. Mémoire de fin d'études, promotion 2016 180


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