Lydia SOULASTIOUK-Anonyme,Scène d'extérieur, première moitié du XVIII ème siècle

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Mémoire présenté en vue de l’obtention du titre de Restaurateur Conservateur de biens culturels des Ecoles de Condé

Objet de l’étude : Anonyme, Scène d’extérieur, première moitié du XVIIIème siècle, 74 x 93 cm, musée barrois de Bar-le-Duc

Etude comportementale d’une préparation grasse rouge imperméable et questionnements sur l’influence d’un apport de chaleur sur l’efficacité de sa consolidation par un adhésif naturel

Mots clefs : écaillage, déformations, déchirures, refixage, rentoilage traditionnel, préparation rouge, perméabilité, consolidation, adhésifs naturels, chaleur, XVIIIème siècle, scène, théâtre, illustration, école française.

Lydia SOLASTIOUK Spécialité peinture de chevalet – Promotion 2014


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REMERCIEMENTS Il me paraît opportun de débuter ce mémoire en remerciant les différentes personnes m’ayant aidée dans sa réalisation. En premier lieu, je voudrais témoigner toute ma reconnaissance à M. Nouaille, professeur de support et à Mme Szyc, professeur de couche picturale à l’école de Condé. En tant que tuteurs de la partie restauration du tableau pris en charge, ils m’ont guidée et conseillée dans mon travail, ce qui m’a permis d’apprendre énormément et de toujours progresser. De même, je remercie M. Ollier, professeur d’histoire de l’art à l’école de Condé, pour son aide précieuse à la réflexion et à la rédaction de la partie historique. Je remercie aussi M. Pepe, pour sa collaboration et son soutien à l’établissement du protocole scientifique. En ce sens j’accorde ma reconnaissance à Mme Wolff-Bacha, professeur de sciences à l’école de Condé, pour ses conseils et ses commentaires précieux. Dans un second temps, je voudrais exprimer ma gratitude à toutes les personnes ayant répondu à mes demandes et questionnements autour des différentes parties du mémoire et qui ont contribué à l’étayer. Je pense surtout à M. Matisse, architecte et designer d’espace ; à M. Franz, assistant de conservation au musée du château de Lunéville ; à M. Voreaux, docteur en art et archéologie, historien de l’art et professeur ; à Mme Carreau, attachée de conservation des musées de Chaumont ; à Mme Rizzoni, chercheuse au centre d’étude de la langue et de la littérature française au CNRS et à la Sorbonne ; à M. Pasquier, spécialiste de la littérature et du théâtre, professeur à l’université de Tours. Je tiens à remercier tout particulièrement le musée barrois et la commune de Bar-le-Duc pour le prêt de l’œuvre, sans lesquels ce mémoire n’aurait pu exister. Je remercie donc M. Guibert, responsable et attaché de conservation du musée barrois, pour sa confiance et son intérêt pour mon travail, mais aussi Mme Préau, responsable des collections du musée barrois, pour son efficacité et sa disponibilité. Ils m’ont permis de prendre les décisions nécessaires en temps voulu en instaurant un dialogue permanent et déterminant au bon déroulement du travail de conservation-restauration de l’œuvre. Enfin, je réserve une attention particulière à mes camarades de promotion pour leur soutien tout au long des deux années consacrées au mémoire. Bien évidemment je tiens à remercier mon compagnon et ma famille pour leur appui moral, qui s’est avéré primordial, et pour leur attention durant ces cinq années durant lesquelles ils ont pu toutefois être initiés à la théorie du métier de conservateur-restaurateur.

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RESUME INTRODUCTIF GENERAL

Ce mémoire a pour but de proposer une étude historique, de retracer les opérations de conservation et de restauration de l’œuvre prise en charge, et enfin de mettre en place un sujet technico-scientifique en rapport avec l’œuvre. Il s’agit là d’une étude approfondie et précise menée sur deux années entrecoupées de stages. L’œuvre en question est une huile sur toile, mesurant 74 x 93 cm et provenant du musée barrois de Bar-le-Duc. L’étude historique de ce tableau porte sur son parcours à travers le temps, sur son iconographie et sur la technique du peintre. Elle a pour objectif de comprendre d’où cette œuvre est issue, mais aussi et surtout de déceler le sujet de la représentation, véritable clé à sa compréhension. Enfin, il est tenté de resserrer la période de création. Les prospections dans les archives du musée barrois n’ont malheureusement pas apporté d’informations déterminantes sur le parcours historique du tableau, mais ont tout de même renseigné sur son ancien lieu de conservation. Les différentes recherches entreprises pour identifier l’iconographie ont permis de la rapprocher du monde du théâtre de par les attitudes des nombreux personnages, les costumes, les nombreux détails et le caractère léger et enjoué de la représentation. L’analyse des matériaux de la peinture, comme la préparation rouge, le traitement plastique de la couche colorée, comme la composition spatiale et certains éléments iconographiques tels que les costumes et le décor, resserrent la période de création à la première moitié du XVIIIème siècle et alimentent les hypothèses quant au fait que l’artiste ait suivi une formation artistique et qu’il vienne d’une école du nord de la France. L’histoire de l’œuvre est importante pour aborder le protocole de restauration dans le respect de son parcours et de sa valeur patrimoniale. Le rapport de restauration comporte un constat d’état, un diagnostic des altérations et un protocole de traitements. La restauration menée est totale, de sa prise en charge jusqu’à sa restitution. Chaque étape est scrupuleusement décrite. D’une manière générale, les traitements de restauration ont été effectués avec des techniques et des matériaux traditionnels naturels. Les premières opérations ont constitué des mesures urgentes de conservation afin de protéger et de conserver au maximum la couche picturale subissant un phénomène d’écaillage dû essentiellement à la conservation du tableau sous forme de rouleau. C’est pourquoi un premier refixage a été effectué. Puis, les étapes de la restauration ont suivi un schéma plus classique en poursuivant par un décrassage et un nettoyage de la face, essentiellement dominé par la suppression de nombreux repeints et d’anciens mastics de restauration disgracieux, débordants et non adaptés pour continuer les opérations dans

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de bonnes conditions. Par la suite, il a été proposé une reprise des déchirures et des comblements de lacunes. La présence d’une grande déchirure multidirectionnelle sur le côté dextre du tableau a justifié un traitement de consolidation du support toile par un rentoilage traditionnel. Le tableau ainsi nettoyé, refixé et consolidé a été remonté sur un nouveau châssis à clés. Enfin, le travail de réintégration picturale a commencé par un masticage des lacunes, puis s’est poursuivi par une retouche de type illusionniste, avant que la surface ne soit finalement vernie. Tous ces traitements de conservation-restauration se sont déroulés dans de bonnes conditions et sans problèmes. Ils ont par ailleurs pu inspirer le sujet d’une étude scientifique. L’étude technico-scientifique vise à mettre en évidence un problème soulevé par l’œuvre et à y répondre en proposant un protocole expérimental. Ainsi, la nature de la préparation du tableau a été sujette à questionnements. En effet, la préparation est rouge, grasse, imperméable et très cassante. Cet aspect fragile constitue une altération de cohésion de cette strate. Dès lors, la question a été de déterminer si un consolidant pouvait pénétrer dans une strate imperméable de nature grasse, c’est-à-dire composée d’un liant huileux. Il a alors été décidé de se pencher sur les préparations rouges et grasses, et d’analyser leur comportement à la chaleur. Les différents constats réalisés ont par la suite permis d’envisager différents modes opératoires pour mener et adapter le traitement de consolidation de la préparation d’une peinture. Le protocole et le montage expérimental mis en place se sont basés sur le test de résilience de Charpy, qui vise à mesurer l’énergie nécessaire pour briser une éprouvette. Cet essai permet de déterminer lequel des modes opératoires réalisés dans l’étude consolide de la façon la plus efficace la préparation et par conséquent la rend la plus résistante. Le travail de mémoire a donc permis de proposer des hypothèses quant à la période de création de l’œuvre, à son iconographie et à l’école de son créateur. Il a aussi été possible de développer une démarche scientifique au sujet d’une strate clé constituant une peinture et d’étudier le comportement du matériau huileux au sens large. Enfin et surtout, l’aspect technique a consisté en une restauration complète du tableau de la Scène d’extérieur.

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INTRODUCTIVE SUMMARY

This thesis aims to develop an historical study, to trace the painting conservation and restoration handlings and to build a scientific project which deals with the piece of art materials. All this deep and precise study was carried out over a two years period of time, with some breaks due to internships. The present piece of art is a 29 by 37 inches oil on canvas coming from the barrois museum of Bar-le-Duc. The painting historical study refers to its chronological lifetime, its iconography and to the artist’s technique. It aims at understanding where the piece of art comes from and what is being represented. Finally, the identification of the period it was created has been assessed. Prospections inside the museum archives didn’t brought any information on the painting chronological history but still, the former conservation place of the piece has been discovered. Several researches to identify the representation have allowed to suggest it was close to the theatre world because of the character’s attitude, the costumes, the numerous details, and the fairy atmosphere. The painting materials analysis such as the red ground layer, the plastic work of the paint layer, the spatial composition and several iconographic elements as the costumes and the background, confirm the creation period around the first half of the eighteenth century. It also confirms the origin of the artist: north of France. The piece of art history is highly critical to initiate the restoration protocol with respect to its patrimonial value. The restoration report consists of a condition report, an alterations diagnosis and a restoration protocol. The restoration has been globally managed from the receiving of the painting inside the studio to its delivery. Each step is described faithfully. Restoration treatments have been made with traditional technics and materials. First handlings are urgent preservation measures to protect and preserve the whole paint layer, as much as possible. Actually, the canvas was rolled in its conservation place, which caused a general flaking, due to a lack of adherence between the support and the pictorial layer. Therefore a first fixing was carried out. Then, the different restoration steps followed a classic scheme proceeding with a surface cleaning: dust, overpaintings, and former restoration mastics. Afterwards, tear mending and fill-in losses were put forward. The multidirectional tear from the left side of the canvas needed a consolidation treatment of the support with a traditional lining. The cleaned, fixed and consolidated painting were remounted on a new stretcher. Finally, the reintegration work began by paint losses puttying, pursued by an illusionistic retouching and the surface varnishing completed the work. The whole preservation

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restoration treatment has been carried out smoothly and without any problem. These handlings have the scientific project. The scientific study aims to highlight a problem brought by the painting itself and to find some solution by suggesting a protocol. The painting ground layer is red, oily, not porous, and really fragile. This weak aspect is a cohesion alteration. Is an adhesive able to penetrate this kind of layer? It has been decided to focus on the red oily ground layers and to analyse their behaviour in hot conditions. Different operatory modes have been defined, thanks to the researches, to implement and adapt the ground layer consolidation treatment. The experimental protocol and piece of equipment are based on Charpy’s resilience test. It aims at measuring the energy required to break a sample. That test allows to determine which is the best operatory mode to consolidate the ground layer sample. The thesis work introduced some hypothetical solutions to identify the painting creation period, the representation subject, and the artist’s origins. It permitted to study a key layer of a painting and its behaviour. Finally, the technical work achieved a complete restoration of the Scène d’extérieur.

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FICHE D’IDENTIFICATION

T ITRE : Scène d’extérieur (titre d’inventaire). N OM DE L ' ARTISTE : Anonyme, pas de signature visible. N ATURE DE LA COUCHE PICTURALE : Peinture à l’huile. N ATURE DU SUPPORT : Toile de lin. I NSCRIPTIONS , ETIQUETTES : 979.7.79 sur la toile de rentoilage au verso (n° inventaire) et sur le châssis au feutre rouge et GB100 sur la traverse verticale du châssis, à la mine de plomb. D ATATION : XVIIIème siècle. D IMENSIONS EN CENTIMETRES : 74 x 93 cm avec un encombrement de 2,5 cm. Il n’y a pas de cadre. P ROPRIETAIRE DU TABLEAU : Commune de Bar-le-Duc. L IEU DE CONSERVATION ANTERIEUR : Réserves extérieures du musée barrois de Bar-leDuc, au centre technique municipal (14, avenue Gambetta 55000 Bar-le-Duc). L IEU DE CONSERVATION FUTUR : Salle d’exposition permanente du musée barrois de Bar-leDuc (Esplanade du Château 55000 Bar-le-Duc). D ATE D ' ENTREE DANS L ' ATELIER : 25/09/12

Figure 1. Scène d'extérieur avant restauration Figure 2. Scène d'extérieur, après restauration

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SOMMAIRE Remerciements ..................................................................................................................... 3 Résumé introductif général .................................................................................................... 4 Introductive summary ............................................................................................................ 6 Fiche d’identification .............................................................................................................. 8 Sommaire .............................................................................................................................. 9 Avant-propos ........................................................................................................................12 Introduction générale ............................................................................................................13 Etude d’Histoire de l’Art ........................................................................................................14 Introduction .......................................................................................................................14 1. Le parcours du tableau à travers le temps ....................................................................15 I. Le musée barrois........................................................................................................16 II. Les enseignements des archives sur le parcours contemporain du tableau ..............17 III. Conclusion ...............................................................................................................18 2. Etude de la représentation ............................................................................................19 I. Identification des personnages ...................................................................................20 II. Description de l’environnement .................................................................................32 III. Rattachement à un genre .........................................................................................36 IV. Conclusion et premières hypothèses concernant la représentation ..........................42 3. Technique du peintre et derniers éléments de datation .................................................43 I. Apports historiques des matériaux constitutifs de l’œuvre ..........................................43 II. Description de la technique picturale du peintre ........................................................44 Conclusion de la partie historique .....................................................................................48 Rapport de Restauration ......................................................................................................49 Introduction .......................................................................................................................49 1. Examen de l’œuvre .......................................................................................................50 I. Identification des matériaux constitutifs d’origine ........................................................50

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II. Les altérations des matériaux ....................................................................................63 III. L’histoire matérielle de l’œuvre .................................................................................75 IV. Diagnostic des altérations ........................................................................................76 V. Les tests et observations servant l’identification des matériaux .................................79 2. Nécessité d’intervention ................................................................................................91 3. Cahier des charges .......................................................................................................92 4. Caractéristiques de l’intervention idéale ........................................................................93 5. Proposition de traitement et choix des matériaux ..........................................................94 6. Protocole de traitement ................................................................................................95 7. Déroulement de l’Intervention .....................................................................................100 I. Interventions prioritaires ...........................................................................................100 II. Soin du revers .........................................................................................................102 III. Opérations provisoires nécessaires au traitement de la face ..................................104 IV. Traitement de la couche picturale ..........................................................................105 V. Traitement du support .............................................................................................114 VI. Protocole de réintégration picturale ........................................................................118 VII. La réintégration picturale .......................................................................................122 Conclusion du rapport de restauration ................................................................................128 Etude Technico-Scientifique ...............................................................................................129 Introduction .....................................................................................................................129 1. Rappels du constat d’état et causes du caractère cassant ..........................................129 I. Les données du constat d’état ..................................................................................129 II. Les causes du caractère cassant de la préparation .................................................130 2. Contextualisation et problématiques ...........................................................................131 I. Les recherches bibliographiques ..............................................................................132 II. Le rôle de la consolidation et des adhésifs ..............................................................136 3. Le sujet technico-scientifique ......................................................................................137 I. Présentation .............................................................................................................137 II. Répétabilité des mesures ........................................................................................145 10


III. Première partie .......................................................................................................147 IV. Deuxième partie .....................................................................................................153 V. Résistance des échantillons ....................................................................................164 Conclusion de la partie technico-scientifique ..................................................................169 Conclusion générale ...........................................................................................................171 Bibliographie ......................................................................................................................173 Annexes .............................................................................................................................181 1.

Glossaire .................................................................................................................181

2.

Fiches de produits ...................................................................................................182 I.

Les colles .............................................................................................................182

II.

Les résines ...........................................................................................................190

III. Les solvants .........................................................................................................199 IV. Autres ..................................................................................................................209 3. Fiche des matériaux utilisés ........................................................................................213 4. Documents complémentaires ......................................................................................217 I.

Fiche d’œuvre du musée barrois ..........................................................................217

II.

Type d’élévation ...................................................................................................219

III.

Observation sous infrarouges et radiographies....................................................220

IV. Calcul de la viscosité du mélange huile-pigment effectué pour réaliser les échantillons .................................................................................................................223 V.

Mesure des masses des échantillons avant imprégnation ....................................224

5. Table des illustrations .................................................................................................225

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AVANT-PROPOS

Au terme de trois années au sein de l’école, mes exigences en ce qui concernait la future œuvre de mémoire étaient évidentes. En effet, il me paraissait tout à fait opportun de choisir une œuvre dont les altérations seraient majeures et qui présenterait pour moi un challenge à relever pour les deux années à venir. Généralement, un défi technique se relève en apprenant et en progressant. N’est-ce pas là tout l’intérêt des études ? Dès lors, je contactais les musées, petits et grands, de ma région natale ; la Lorraine. Effectivement, je souhaitais être attachée à l’œuvre de mémoire, comme je me sens attachée au patrimoine de ma région. Cela me permettait aussi de démarcher des personnes que je suis susceptible de rencontrer dans ma vie professionnelle future. Par chance, le musée barrois de Bar-le-Duc (Meuse) a répondu favorablement à ma demande très rapidement. Au cours d’un premier rendez-vous, deux œuvres m’ont été présentées ; la Scène d’extérieur, et un portrait d’une femme, en forme ovale. Les deux tableaux présentaient toutes les exigences du cahier des charges imposé par l’école, mais aussi un intérêt certain pour la rédaction d’un mémoire à leur sujet. Mon choix a donc été celui de l’affectif. Cette peinture, qui a été déroulée sous mes yeux, demandait à être observée avec curiosité et attention pour en déceler les détails et les personnages. Le mystère autour du sujet présageait une étude historique révélatrice. Quant à l’état de conservation du tableau, ma conscience m’appelait déjà à mener les premières opérations d’urgence pour sauvegarder la couche picturale. C’est d’ailleurs à partir de là que s’est profilé le protocole de conservation-restauration. Le tableau avait déjà été restauré traditionnellement, de nombreuses années auparavant. Les données amenant à l’échec de cette restauration ont été analysées. Cependant, il a été choisi de mener à nouveau cette restauration de manière traditionnelle, avec des matériaux naturels, d’autant plus que le musée souhaite par la suite réintégrer ce tableau à sa collection permanente.

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INTRODUCTION GENERALE

Ce mémoire s’articule en trois grandes parties qui seront développées les unes indépendamment des autres. L’objectif d’un tel texte est de constituer un rapport des traitements effectués lors de la restauration du tableau support de ce mémoire, et de documenter l’œuvre au maximum pour la connaître, la comprendre et l’appréhender le mieux possible. Dans un premier temps, l’étude historique tentera de cerner le sujet représenté dans la Scène d’extérieur, mais aussi de décrire la technique du peintre et de resserrer la période de création. Dans un second temps, le rapport de restauration apportera la description de l’état de l’œuvre avant son traitement, mais aussi le déroulement des opérations de restauration jusqu’à sa restitution. Il donnera aussi le contenu des réflexions effectuées en amont des actes techniques. Enfin, l’étude technico-scientifique essaiera de répondre à une question soulevée par l’état cassant et fragile de la préparation de l’œuvre : quelle est l’influence d’un apport de chaleur sur l’efficacité de sa consolidation par un adhésif naturel ? Ce projet proposera une étude de comportement du matériau et établira un protocole scientifique afin de répondre à cette interrogation majeure.

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ETUDE D’HISTOIRE DE L’ART

INTRODUCTION Nous ne savons que peu de choses concernant ce tableau confié par le musée barrois de Bar-le-Duc. Il constitue à lui seul un mystère. Son entrée dans les collections du musée relève de l’inconnu. La peinture ne porte pas de signature, le titre de l’inventaire reste tellement général qu’il ne saurait nous informer sur ce qui est vraiment représenté. La datation du XVIIIème siècle est bien trop large pour cette période si riche où les genres, les styles et les modes se multiplient. Autant de questionnements auxquels il serait intéressant de répondre. Que représente cette scène se déroulant en extérieur ? Où se passe-t-elle ? Par quel artiste ou quelle école a-t-elle été peinte ? A quelle époque ? Pourquoi ? Le projet est ambitieux, mais cette œuvre oubliée, roulée dans des réserves depuis plus de trente ans, ne mérite-elle pas d’être étudiée afin de lui rendre son statut ou du moins la replacer dans son contexte historique ? J’ai choisi cette œuvre pour les enjeux techniques qu’elle représentait au point de vue de sa restauration future, mais il faut avouer que cette peinture très graphique m’a intriguée tant elle semble fournie en détails renfermant des clés à l’interprétation. Toutes les interrogations à son sujet constituent une énigme passionnante à tenter de résoudre. L’étude historique de ce tableau me promettait donc d’être intéressante. Dans un premier temps, il sera question dans un premier temps de préciser le contexte historique du tableau, notamment en abordant son parcours. Dans une seconde étape, il sera tenté de déterminer le sujet de cette scène et ce qui s’y joue réellement. Enfin, il sera question d’analyser les techniques utilisées par le peintre afin d’en apprendre un peu plus à son sujet ou de le rapprocher d’une école de peinture en particulier.

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Figure 3. Scène d'extérieur, après restauration

1. LE PARCOURS DU TABLEAU A TRAVERS LE TEMPS

Une œuvre d’art est un système complexe qui possède sa propre histoire. Le contexte de création est tout aussi important que l’auteur. Il permet de prendre en compte les différentes circonstances conduisant à

la création. Cela amène alors à comprendre pourquoi une

œuvre a été créée. En dehors de ces considérations, une œuvre d’art est un objet qui traverse le temps et les siècles. Son parcours devient alors un point clé à la découverte de son histoire. Seul le contexte contemporain du tableau est connu. Il constitue la fin de parcours de cette œuvre. Peut-être permettra-t-il de retracer son histoire, et de déterminer les circonstances de sa création. Vient alors la question fondamentale à laquelle cette partie va tenter de répondre, à savoir pourquoi un tel tableau s’est-il un jour retrouvé dans les collections du musée ?

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I. LE MUSEE BARROIS

Le musée barrois de Bar-le-Duc (Meuse) est un musée national. Il est installé dans le château des ducs de Bar, qui a été construit à partir du Xème siècle et achevé au XVIème siècle. Il n’en reste que la Cour des comptes bâtie en 1523 et la salle du Trésor des Charles élevée à la fin du XVème siècle sous René II de Lorraine1. Le style est donc typique de la Renaissance, tout comme le quartier qui l’entoure. Le site est construit sur les hauteurs, il surplombe toute la ville. Le bâtiment est classé monument historique depuis 1981. Il a été la résidence officielle des ducs de Bar puis des ducs de Lorraine. Il est aujourd’hui la propriété de la ville de Bar-le-Duc.2

Figure 4. Vue aérienne du musée barrois, 2013 / ®musée barrois

Le premier musée de la municipalité a été ouvert en 1841 dans l’hôtel de Florainville. En 1883, la ville décide d’ouvrir un musée de géographie et d’ethnographie dans les bâtiments du collège Gilles de Trèves. En 1913, les collections sont transférées dans l’hôtel de ville, puis dans l’actuel tribunal de grande instance avant d’être installées en 1976, et ce jusqu’à aujourd’hui, dans le château des ducs de Bar.3 Le musée barrois abrite des collections archéologiques provenant du site antique de Nasium (Meuse), de la région du Barrois, mais aussi des stèles et bas-reliefs gallo-romains, et des parures mérovingiennes de Gondrecourt (Meuse). L’institution a gardé une section d’ethnologie dont la collection provient d’Asie, d’Afrique, d’Océanie et d’Amazonie. Enfin, elle

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Histoire du château des ducs de Bar disponible sur le site internet de la mairie de Bar-le-Duc, http://www.barleduc.fr/rubrique.aspx?CategoryID=46&Niveau=2, consulté le 22/12/12. 2 Idem. 3 Informations retirées d’un entretien oral avec Mme Préau, chargée de la gestion des collections du musée barrois en septembre 2012.

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possède aussi une collection de sculptures lorraines de la fin du XIIIème au XVIIème siècle, et de peintures flamandes, italiennes et françaises.4

II. LES ENSEIGNEMENTS DES ARCHIVES SUR LE PARCOURS CONTEMPORAIN DU TABLEAU

A) R ENSEIGNEMENTS INITIAUX Au départ, le tableau a été présenté comme une « Scène d’extérieur », répertorié dans les archives par un inventaire rétrospectif en 1979. Dans les fiches d’inventaire, l’œuvre est décrite succinctement. Il est simplement renseigné qu’elle a été peinte par un anonyme au XVIIIème siècle. Devant si peu d’informations concernant directement le tableau, il a été entrepris un travail aux archives du musée. L’accès au dossier de l’œuvre a permis de récolter plusieurs informations sur l’histoire de celle-ci. B) L’ ANCIEN LIEU DE CONSERVATION Premièrement, il existe bel et bien une trace du tableau avant son inventaire rétrospectif de 1979. Il était conservé au collège Gilles de Trèves à Bar-le-Duc (Meuse), ancien lieu de conservation des collections du musée barrois. Avant l’inventaire rétrospectif, le tableau portait un numéro provisoire (GB-100). Il existe alors deux hypothèses : soit le tableau faisait déjà partie de la collection avant son installation au collège Gilles de Trèves en 1883, soit il est entré dans les collections entre 1883 et 1913, date à laquelle elles ont été déménagées dans l’hôtel de ville. Aussi était-il fait mention dans les archives du musée barrois, que ce tableau provient de fonds anciens et d’une école française.5 C) L’ ANCIENNE RESTAURATION L’autre information révélée concerne l’état de conservation du tableau. Au moment de l’inventaire rétrospectif en 1979, le tableau était désentoilé6. Cela signifie que la restauration aboutissant à son rentoilage, et les altérations de désolidarisation de la toile de rentoilage, sont bien antérieures à cette date. L’ancienne restauration pourrait donc se situer au XIX ème siècle ou encore dans la première moitié du XXème siècle.

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Site de la ville de Bar-le-Duc, présentant une rubrique dédiée au musée http://www.barleduc.fr/rubrique.aspx?CategoryID=46&Niveau=2, consulté le 22/12/12. 5 Voir la photocopie des documents en question en annexes, pages 217 et 218. 6 Idem.

barrois

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D) L’ INVENTAIRE DES FONDS XVIII EME SIECLE DU MUSEE Dans un autre temps, l’inventaire des quelques deux cents œuvres du musée datées du XVIIème au XIXème siècle a permis de constater que les sujets représentés étaient essentiellement des portraits ou des paysages. Les scènes proprement dites sont, soit mythologiques soit religieuses. Elles sont aussi beaucoup plus rares. La majorité des portraits présentent des personnages historiques de Lorraine. Le musée barrois, est par ailleurs, connu pour ses fonds culturels régionaux. Il est donc possible que l’œuvre de mémoire soit elle aussi un tableau régional. E) L A LISTE DES TABLEAUX MANQUANTS Enfin, il a été possible de consulter la liste des tableaux manquants qui auraient pu disparaître au cours de nombreux déménagements des collections d’un site à un autre, être détruits, être tellement dégradés que mis de côté sans mention dans un quelconque inventaire, ou encore volés. Les références de chaque tableau ont déjà été comparées avec le catalogue des peintures du musée de 1979, le récolement de 1990, le catalogue des peintures du musée de 1997 et les dossiers d’œuvres existantes. Il est donc peu probable qu’un des tableaux manquants dont les mentions sont précises puisse être un tableau des collections du musée pour lequel le rapprochement n’aurait pas été fait. La Scène d’extérieur ne correspond exactement à aucun des signalements. Pourtant, deux tableaux de peintures d’histoire de formats semblables et déclarés comme manquants retiennent l’attention : La copie d’un tableau de l’histoire de Lorraine et Un tableau d’histoire original, sujet lorrain. Il s’agit de deux tableaux de peinture d’histoire.

III. CONCLUSION

L’œuvre appartient donc à un musée historique dont la majeure partie des collections est régionale et constituée depuis 1841. Le tableau appartient vraisemblablement aux collections du musée barrois au moins depuis la première moitié du XXème siècle, puisqu’il était présent au collège Gilles de Trèves de Bar-le-Duc.

Soit à cette époque, soit

auparavant, aurait pu être entamée une première restauration aboutissant à un rentoilage qui depuis 1979 ne remplit plus sa fonction. La peinture n’appartient pas de manière évidente à une série conservée au musée barrois, puisqu’aucune autre œuvre semblable dans le format, le thème ou le style ne s’y trouve.

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Néanmoins, plusieurs éléments confirment déjà la création de l’œuvre au XVIIIème siècle. Par ailleurs, le dossier de l’œuvre conservé par le musée barrois mentionne qu’il s’agit d’une œuvre de l’école française. L’étude de la représentation permettra de s’en assurer.

2. ETUDE DE LA REPRESENTATION

La première interrogation concernant cette œuvre reste bien évidemment la représentation. Le titre de l’inventaire du musée étant bien trop général, il est difficile pour le spectateur de déterminer ce qu’il a sous les yeux. Il lui est donc d’autant plus compliqué d’apprécier l’œuvre à sa juste valeur. La profusion de personnages offre un spectacle complexe où les détails semblent être primordiaux. Cette étude historique doit donc se poursuivre, en premier lieu, par une recherche iconographique, qui pourra proposer certaines des clés relatives à l’histoire du tableau. Puis, un second point visera à rattacher le tableau du musée barrois à un genre pictural. Ce tableau représente de manière générale un groupe de personnages évoluant dans une rue. La scène se déroule bien en extérieur. L’analyse est d’autant plus difficile que l’état de la couche picturale du tableau est très lacunaire. Avant restauration, une observation poussée au fort grossissement (x8) a parfois permis d’identifier des détails précieux à l’interprétation de cette peinture.

Figure 5. Scène d'extérieur, après restauration

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I. IDENTIFICATION DES PERSONNAGES

Les personnages constituent l’élément iconographique majeur de cette peinture. Le groupe est composé de vingt-trois individus. Il peut être distingué très facilement une hiérarchie en son sein. Cette dernière est servie par les éléments iconographiques qui accompagnent chacun des personnages, mais aussi par la composition plastique du tableau. En effet, leurs positions respectives au sein du tableau, leurs costumes et leurs postures permettent de les différencier. L’étude débutera naturellement par la description des personnages centraux. A) L ES DEUX PERSONNAGES CENTRAUX Deux personnages sont placés clairement en avant par rapport aux autres. Ce sont eux qui concentrent l’action de la scène. Ils sont représentés en pied et positionnés sur le même plan. - A DEXTRE Le personnage du côté dextre semble d’un rang social plus élevé. Sa taille supérieure pourrait soutenir sa supériorité. Il est coiffé d’un chapeau, apparemment un tricorne, et a le visage tourné vers son voisin. Il est en position de marche, le pied Figure 6. Les deux personnages centraux, détail après restauration

gauche devant. Il porte un manteau gris sur des habits blancs dont

les manches en dentelles

dépassent amplement. Le col de cet habit blanc n’est pas fermé ce qui pourrait constituer un détail notable, délibéré de l’artiste. Il porte une culotte bleu-vert et des chaussures plates. Sa posture est maniérée. Son visage est enjoué, ses pommettes sont roses et son regard est porté vers le spectateur. Ses lèvres sont légèrement desserrées, ce qui pourrait suggérer qu’il est en train de s’adresser au personnage à sa gauche. Il est difficile de dire s’il porte des cheveux longs ou simplement une longue perruque typique de la première partie du XVIIIème siècle. Malheureusement, il n’est pas possible de voir ses mains à cause des lacunes. Elles semblent malgré tout être jointes, parti choisi lors de la réintégration picturale.

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Figure 7. Visage du personnage principal, détail après restauration

- A SENESTRE Le second personnage semble être à l’écoute du premier. Il est possible qu’il soit sous ses ordres. Il est placé de profil, courbé et, lui aussi, en position de marche. Ses jambes sont fléchies et écartées, la jambe droite devant. Il est habillé d’un manteau sophistiqué dont les bordures et les boutons semblent être dorés, notamment au niveau de la poche gauche. Il porte aussi une chemise dont les manches larges et en dentelles dépassent. Par contre, contrairement à son voisin, son col est parfaitement bien fermé. Il porte également une culotte et des chaussures plates. Sa tête est nue, il a les cheveux longs regroupés et tirés en arrière, peut-être en

Figure 8. Le second personnage, détail après restauration

une queue de cheval. Son visage a une expression interrogatrice, concentrée. Ses pommettes sont roses et son regard est porté vers le personnage principal qui le surplombe. Sa bouche est entrouverte et il y porte sa main droite. La position de cette main est telle que le pouce est invisible. La paume est placée vers le spectateur et les quatre doigts sont repliés sur eux-mêmes la laissant apparente. Il se pourrait qu’il tienne un objet mais les usures de la couche colorée sont nombreuses et peuvent induire en erreur. Par contre, dans sa main gauche qui est levée au niveau de son épaule, il tient une sorte de chiffon. Il est intéressant de noter la présence d’un chien, représenté en raccourci, aux pieds du personnage principal, à sa droite. Peut-être faut-il y voir un symbole de fidélité entre ces deux hommes, témoin d’un lien de maître à serviteur.

21


B) L ES PERSONNAGES DU COTE SENESTRE Trois femmes et deux hommes peuvent être décrits dans cette partie. Ils sont un peu en retrait et paraissent d’un rang social élevé compte tenu de leurs costumes. En effet, les femmes portent de longues robes volantes, caractéristiques des années 1720-1730, et des chapeaux sophistiqués. Ce type de robe est très utilisé par Watteau dans ses peintures de fêtes galantes. Les cheveux de ces femmes sont relevés et celles-ci semblent discuter entre elles. La femme la plus en avant, au premier plan, est face au spectateur et tient un éventail dans sa main droite. Les deux autres sont derrière et l’une est représentée de dos, le cou et le haut des épaules dévoilés.7 Deux hommes sont aussi représentés. L’un est au premier plan, de dos, portant un large manteau rouge et un chapeau tricorne caractéristique du XVIIIème siècle8. Il a le regard tourné vers les deux personnages centraux. Au niveau de l’extrême côté senestre, est peint un second homme qui regarde par-dessus l’épaule de la femme au premier-plan. Il porte, lui aussi, un chapeau tricorne.

Figure

9.

Le

groupe

côté

senestre, détail en cours de restauration

7 8

Voir la partie sur les habitudes vestimentaires des femmes au XVIII Idem.

ème

siècle, page 27.

22


C) L ES PERSONNAGES SE TROUVANT DERRIERE LES DEUX PRINCIPAUX

Le groupe se trouvant derrière les deux personnages principaux, est scindé en deux : ils sont quatre du côté senestre, et six du côté dextre.

Figure 10. Les six personnages du côté dextre, et les quatre du côté senestre, détails après restauration

- A SENESTRE Tout d’abord, il est intéressant de se pencher sur les quatre personnages se trouvant du côté senestre du couple principal. L’un d’entre eux, le plus éloigné, est en pleine action. Il se pourrait qu’il soit un homme, qui se meut vers les deux personnages centraux, avec un objet dans les bras. Il semble d’ailleurs assez lourd comme peuvent en témoigner son attitude générale courbée et ses jambes fléchies. Il n’est cependant pas évident d’identifier cette masse tant la couche colorée est usée. Néanmoins, elle est longue et semble s’étendre jusqu’au niveau des femmes en arrière-plan. Peut-être s’agit-il de la robe d’une de ces femmes ou d’une traîne ? L’homme est habillé d’une soutane bleue qui descend jusqu’à ses genoux et il porte un chapeau plat de la même couleur, sur ses cheveux gris. Ce vêtement est typique des hommes d’Eglise au XVIIIème siècle9. Il pourrait aussi s’agir d’une robe doctorale portée par un médecin. A ses côtés se trouve une femme se tenant debout, les mains rassemblées au niveau de sa poitrine. Elle semble serrer un chapeau, ou encore s’appuyer sur quelque chose, une sorte de dossier. Elle porte un voile gris foncé et son regard est tourné vers l’homme central au rang le plus élevé. Derrière elle se trouvent deux hommes aux apparences semblables qui 9

Voir la partie sur les habitudes vestimentaires au XVIII

ème

siècle, page 26.

23


tentent d’observer le duo central par-dessus ses épaules. Leurs visages sont expressifs, pleins de curiosité transmise par leurs attitudes respectives. Ils portent tous deux des chapeaux tricornes noirs. - A DEXTRE Il est aussi nécessaire de s’attarder sur les personnages se tenant du côté dextre des deux personnages principaux. A l’arrière-plan peuvent se distinguer deux nouveaux curieux semblables aux deux premiers et portant un chapeau tricorne. Parmi eux se dresse une femme portant un voile noir. Puis, plus en avant, se tient une femme portant une robe rose orangée qui tombe à ses pieds et un bonnet blanc très en vogue au XVIIIème siècle. Elle semble faire partie de l’action se déroulant puisque son bras droit et sa main associée marquent un mouvement vers le personnage central. Dans sa main gauche, elle tient un drapé de couleur ocre qui peut être un tissu indépendant ou alors sa robe qu’elle relève par devant pour ne pas la laisser traîner. Son corps est penché en arrière et son regard fixé sur cet homme au centre, comme pour l’observer avec un peu plus de recul. Au premier plan se trouve un personnage féminin de petite taille. Elle est deux fois moins grande que le reste des personnages ce qui suggère qu’elle soit une enfant. Elle est représentée de profil. Elle porte une robe et fixe la scène qui se déroule au centre. Du côté extrême dextre de ce groupe se trouve un dernier homme, vêtu modestement d’une veste et d’un chapeau tricorne, regardant en direction du duo central. Le détail important se situe en sa main droite ouverte et tendue vers le coin inférieur dextre du tableau. Ce geste semble inviter le personnage central à se diriger dans cette direction. Mais cette zone de l’œuvre est très altérée, et l’iconographie n’est pas visible directement. C’est pourquoi des observations poussées et minutieuses sont effectuées avant la restauration à l’aide d’outils de fort grossissement10. D) L ES ELEMENTS DU COIN INFERIEUR DEXTRE DU TABLEAU Les premiers paragraphes décrivent ce qui est nettement visible sur cette œuvre. Par contre, l’extrême côté dextre du tableau pose problème puisqu’il présente un fort écaillage et de grandes parties lacunaires ou repeintes. Une observation minutieuse avant la restauration a néanmoins permis d’identifier de nouveaux personnages et des détails importants.

10

Une loupe binoculaire (x8).

24


Figure 11. Le coin inférieur dextre du tableau, avant restauration Figure 12. Le coin inférieur dextre du tableau, après restauration, proposition faite de l'interprétation de l'iconographie après la retouche

Dans le coin inférieur dextre est représenté un nouveau groupe de personnages. Il se situe au premier plan de la scène. Quatre personnages sont dénombrés. Ils se tiennent tous autour d’une table sur laquelle sont placées une assiette creuse et un gobelet. Du côté senestre de la table, une jeune fille est représentée de dos, la tête tournée vers la scène centrale. Ses cheveux sont relevés en chignon et sa main gauche est levée. Devant la table peuvent être distingués deux personnages. L’un d’eux est une femme, attablée dos à la scène centrale. Elle porte une longue robe rouge et tourne la tête vers le haut pour regarder l’homme se tenant debout derrière elle. Elle semble porter un enfant sur ses genoux, représenté de profil puisqu’il est possible de distinguer un front, un menton et le début d’une chevelure. L’homme debout derrière elle est aussi dos à la scène principale. Ses mains rejoignent son buste : est-ce une position pour charmer la femme assise devant lui ? Tient-il un chapeau tricorne dans sa main gauche ? Toujours est-il que c’est vers cette table que le personnage central semble être invité à s’approcher.

25


Figure 13. Les deux derniers personnages en arrière-plan, détail après restauration

Enfin, en arrière-plan, du côté dextre du tableau, deux personnages sont assis et observent de loin la scène. Il s’agit d’un homme et d’une femme. L’homme ne porte pas de chapeau. Il a les cheveux regroupés en une queue de cheval à l’arrière de sa tête, au niveau du cou. Il pourrait d’ailleurs s’agir d’une perruque raccourcie. La femme porte une robe rose en camaïeu et un voile noir comme deux autres femmes présentes dans l’iconographie. Sa main gauche est posée sur son foulard tombant sur son buste. Leurs positions respectives sont surprenantes : ils semblent face à face et très proches l’un de l’autre. Sont-il eux aussi attablés ? Sont-ils assis dans une sorte de calèche ? En effet, deux portants au dessus de leurs têtes sont vraisemblablement représentés. E) P REMIERE CONCLUSION SUR LES PERSONNAGES Il existe effectivement une hiérarchie au sein des personnages qui semblent représenter la diversité de la société du XVIIIème siècle ; des hommes, des femmes, des enfants, un homme d’Eglise ou un médecin, issus du peuple ou de la noblesse. Leurs vêtements respectifs permettent de différencier leurs divers rangs sociaux. Il semble donc intéressant de réaliser un parallèle entre la représentation de l’habillement des personnages du tableau et la réalité historique.

26


F) L ES HABITUDES VESTIMENTAIRES AU FIL DU XVIII EME SIECLE L’art du vêtement à travers les temps est caractérisé par ses formes et ses couleurs.11 Ici, il permet de comparer l’habillement des personnages de la Scène d’extérieur avec la mode du XVIIIème siècle. - POUR LES HOMMES L’habillement permet de différencier les gens de la cour et du peuple, repère important pour l’époque. Les maîtres et gens du Roi portent du satin12. Dans les grandes familles de la noblesse de robe, les aînés doivent s’habiller en noir ou en gris13. La prestance est d’autant plus importante que les boutons ou autres liserés sont en or, notamment concernant les poches des manteaux taillés dans de riches soies.14 Ces détails se retrouvent dans l’habillement du couple central de la composition du tableau, en ce qui concerne les manteaux. Les liserés et boutons dorés sont bien visibles sur la poche gauche du personnage central situé à senestre. Les valets sont vêtus de manière luxueuse à l’image de leurs maîtres avec des étoffes, des galons, des rubans et des boutons. Ils récupèrent des chemises brodées, des culottes, des cols, et du linge à barbe légués par leurs maîtres.15 Il serait donc parfaitement possible que dans le duo principal, l’homme placé du côté senestre soit le valet du personnage central, comme le suggéreraient les positions et la présence du chien inspirant un lien de fidélité entre les deux hommes. Les médecins portent des robes doctorales, longues robes recouvrant le corps et s’arrêtant à mi mollets, ce qui pourrait nourrir l’hypothèse émise quant au personnage en robe bleue placé du côté senestre et portant un objet dans ses bras. Les hommes d’Eglise eux, portent des soutanes, longues robes boutonnées sur le devant, d’autant plus convaincantes en ce qui concerne ledit personnage.

11

ROCHE, Daniel. La culture des apparences, une histoire du vêtement XVII Fayard, 1989, page 17. 12 Idem, page 45. 13 Ibid, page 52. 14 Ibid, page 130. 15 Ibid, page 102 et 103.

ème

XVIII

ème

siècle. Paris :

27


Figure 14. BONNART, Nicolas. Gravure de mode : homme de qualité, XVIIème siècle, musée des Beaux-Arts de Rennes – Illustration de l’habit nobiliaire masculin : culotte, justaucorps, grand manteau, chemise avec manchettes et cravate en dentelles, bas et jarretières, bottes en revers, chapeau.16 / ©BNF

Au XVIIIème siècle, le vêtement reflète la condition sociale. Or, l’habillement ne permet pas d’installer une hiérarchie qui semble pourtant exister au sein du couple central du tableau. Il est donc probable que le valet soit simplement vêtu à l’image de son maître. Les autres personnages placés directement autour, habillés très modestement, appartiendraient donc au peuple. A senestre, les personnages semblent plutôt issus de la bourgeoisie. - POUR LES FEMMES Le vêtement des femmes repose sur cinq pièces principales : la jupe ou le jupon, le tablier et le corps de robe, ou corset, et enfin le manteau. La mode de la robe volante, que portent les femmes regroupées côté senestre du tableau, perdure tout le XVIIIème siècle.17 Elle est composée d’un corsage et d’une jupe qui ne révèle pas le jupon mais qui n’est pas fermée.18

Figure 15. GARSAULT. L'art du tailleur - La robe volante / ©BNF

16

ROCHE, Daniel. Op. cit., page 11 des planches intermédiaires. Idem, page 14 des planches intermédiaires. 18 Ibid, page 121 à 124. 17

28


A la Révolution, la mode revient au panier sous les jupes et jupons qui existaient depuis le XVIIème siècle. Le mantelet, petit manteau qui se porte sur les épaules, s’ajoute alors aux garde-robes19. Les femmes représentées au sein du tableau et plus particulièrement sur la partie senestre sont donc vraisemblablement vêtues à la mode de la première moitié du XVIIIème siècle. - CONCLUSION Par conséquent, il peut être affirmé après cette étude, que la majorité des vêtements représentés dans la Scène d’extérieur, se rapportent bien à la tradition vestimentaire française du XVIIIème siècle. Pour la majeure partie, ces vêtements sont typiques de la première moitié du siècle. L’iconographie, en ce qui concerne l’habillement des personnages, est donc bien ancrée dans cette période et correspond à une réalité historique. Cependant, le rôle de chacun des personnages reste encore à définir. En effet, tous semblent s’affairer autour d’un personnage central et principal, accompagné d’un second. L’action qui se déroule n’est toujours pas précisément identifiée. Pourtant, elle semble plutôt avoir un caractère comique. Chaque personnage semble jouer un rôle dans la scène qui se joue devant nos yeux. Peut-être s’agit-il d’une pièce de théâtre ? Si tel était le cas, les deux personnages centraux y tiendraient deux rôles clés.

19

ROCHE, Daniel. Op. cit.,page 141.

29


G) L A RELATION MAITRE / VALET DANS LE THEATRE DU XVIII EME SIECLE Il est évident que le tableau représente une scène complexe où de nombreux personnages ont des gestes porteurs de sens et des horizons sociaux différents. De surcroît, cette scène porte plusieurs caractères comiques dans certaines attitudes et certains détails. Le duo de personnages centraux en concentre plusieurs et inspire une relation de maître à valet qui justifierait la présence d’un chien, symbole de fidélité, à leurs pieds. De plus, leurs positions respectives et le rapport hiérarchique qu’elles inspirent portent à le croire. Dans ce contexte, quoi de mieux que le théâtre pour mettre en scène ces deux personnages ? Dans l’histoire, cet art est celui qui s’est le plus penché sur la question de la relation de maître à valet et ce, surtout au XVIIIème siècle. Or, il s’agit d’un thème largement exploré par les dramaturges dans leurs comédies. En effet, ces deux personnages, maître et valet, permettent un comique de Figure

16.

Les

deux

personnages

centraux de la composition, détail après restauration

situation et de langage moteur pour la comédie classique à partir du XVIIème siècle. Parmi ces dramaturges, des auteurs français, Molière (1622 – 1673), Marivaux (1688

– 1763), qui inspira par ailleurs le peintre Watteau (1684 – 1721), ou encore Beaumarchais (1732 – 1799). Il semble que le valet soit indispensable à la comédie pour instaurer une inégalité sociale, tandis que dans la tragédie il endosse le rôle de confident. Ici, l’inégalité ne transparaît pas dans l’habillement, mais plutôt dans la position du personnage par rapport à l’autre. De plus, les valets sont généralement habillés à la mode, souvent grâce aux dons de leurs maîtres qui voient en eux une valeur symbolique à exposer au plus grand nombre pour justifier de leur statut. Quoiqu’il en soit, ces deux personnages sont inséparables et complémentaires. Ils entretiennent des liens affectifs dus à leur proximité continue20, situation qui semble être le cas dans la représentation de l’œuvre, où les deux personnages apparaissent complices. Dans les pièces du XVIIIème siècle, les couples les plus emblématiques de cette relation de maître à valet sont les suivants : -

Scapin et Octave, personnages de Molière dans les Fourberies de Scapin.

20

BLANC, André. FREUNDLICH, Francis. PERCHELLET, Jean-Pierre. PETIET, Philippe. Etude sur maîtres et valets dans la comédie française du XVIIIe s. Paris : Ellipses, 1999, page 9.

30


-

Dorine et sa maîtresse, personnages de Molière dans Tartuffe.

-

Sganarelle et Dom Juan, personnages de Molière dans Dom Juan.

-

Arlequin et Dorante, personnages de Marivaux dans Le jeu de l’amour et du hasard et Les fausses confidences.

-

Figaro et le Comte Almaviva, personnages de Beaumarchais dans le Barbier de Séville et le Mariage de Figaro.

Figure 17. Ermand de la Comédie Française en Sganarelle pour "le Médecin malgré lui", XVIII ème siècle, gravure à l'eauforte d'après l'œuvre de Claude Gillot, 22,3x14 cm, musée d’art et d’histoire de Langres / ©BNF Figure 18. CALLOT, Jacques. Le Zani ou Scapin, vers 1618, eau-forte rehaussée de burin. Cabinet des Estampes et des Dessins, Strasbourg / © M. Bertola Figure 19. Personnage de la Commedia dell'arte : Arlequin, gravure, XVIIème siècle, coll. BNF-Paris / ©BNF Figure 20. MALEUVRE, Gravure en couleur illustrant l'acte V du Mariage de Figaro de Beaumarchais. Bibliothèque nationale de France, Paris. Ph. Coll. Archives Larbor / ©BNF

Or, ces derniers sont pour la plupart issus de la commedia dell’arte où les personnages portent des costumes typiques qui ne correspondent pas à la mode historique d’une époque. Par exemple, les personnages portent souvent des masques et des vêtements colorés répondant à un type d’iconographie bien précis.

31


Il serait alors intéressant, concernant le XVIIème siècle, de se rapprocher des personnages des comédies de Dancourt (1661 – 1725), suiveur de Molière et dont se sont inspirés de nombreux dramaturges au XVIIIème siècle. Cet auteur a exploré et mis en scène des personnages issus de toutes les classes sociales ; parmi eux des bourgeois et des domestiques21.

Les

quelques

gravures

qui

en

font

références présentent des personnages à la mode française,

qui

pourraient

correspondre

au

type

de

représentation du tableau. Figure 21. Personnage des "Trois cousines", comédie de Dancourt, musique de Gillier (1700) / Deplace, d'après Antoine Watteau. Paris : Hecquet, 1710 / ©BNF

S’il ne s’agit pas d’un couple maître / valet connu de la littérature française du XVIIIème siècle, ces deux personnages en regroupent néanmoins toutes les caractéristiques. Il pourrait alors bien s’agir d’un couple issu du monde du théâtre et de la comédie. L’analyse de l’arrière-plan de la scène tentera de déterminer si la représentation se veut ancrée dans une réalité historique ou non.

II. DESCRIPTION DE L ’ENVIRONNEMENT

La scène se déroule vraisemblablement dans une rue. Le groupe de personnages évolue sur un sol pavé, très régulier et très propre. Des constructions urbaines se situent de part et d’autre du chemin. Il y a plusieurs types d’élévations : habitations, église ou chapelle, château. Les vides causés par la composition sont remplis par des arbres : un du côté dextre, un second du côté senestre et un dernier au centre en arrière-plan. L’étude de l’architecture des bâtiments pourrait ici apporter des informations cruciales sur le lieu de l’action décrite dans cette peinture. Elle permettra peut-être de déceler les formes et les systèmes de constructions caractéristiques d’une époque ou d’un pays22.

21

BARTHELEMY, C. La Comédie de Dancourt 1685-1714, étude historique et anecdotique. Paris : Charpentier, 1882. 22 MAGNE, Lucien. Cours d’histoire générale de l’architecture. Paris : Didot et Co, 1802, page 3.

32


Figure 22. Détail après restauration de l'arrière-plan de la Scène d’extérieur, vue d'une rue

A) L’ EDIFICE RELIGIEUX Sur le côté dextre du tableau pourrait être représentée une église ou une chapelle. Le bâtiment présente une coupole, un portique et une façade composée de deux registres, et habillée de pilastres.23 Ce sont des éléments qui constituent le vocabulaire de l’architecture baroque24. Or, il s’agit un style qui se développe surtout entre 1620 et 1750 en Europe25. Le peintre a donc pu s’inspirer d’un édifice en particulier ou de plusieurs pour représenter celui de ce tableau. La simplicité du traitement stylistique de cette élévation ne semble finalement que suggérer cette inspiration baroque. Par ailleurs, les recherches de rapprochements avec

l’existant

se

sont

révélées

infructueuses26.

Néanmoins, ce fronton n’est pas sans rappeler celles des édifices du Nord de la France.

Figure 23. Détail de la façade et de la coupole baroques

23

ème

Voir la gravure d’une façade d’église ou de chapelle du XVIII siècle en annexes, page 219. LOILIER, Hervé. Histoire des arts. Paris : Ellipses, 1996, page 81. 25 Idem, page 78. 26 Notamment, une comparaison avec les photographies des clochers de France, référencés par département sur le site internet http://clochers.org/carte_accueil_active.htm, consulté en janvier 2013. 24

33


Figure 24. Eglise Saint-Jacques de Douai, 2004 / ©JM. Lavieville Figure 25. Cathédrale Notre-Dame de Cambrai, 1999 / © Y. Tierny Figure 26. Eglise Sainte-Marie Madeleine, Lille 2006 / © D. Robbe

B) L ES TOITS Au centre, en arrière-plan, sont visibles deux tours en flèches symétriques. Peut-être marquent-elles les extrémités d’un château, ou les tours d’enceinte d’une ville. D’une manière générale, la représentation des toits attire l’attention. Contrairement à ceux des maisons d’habitation, les toits de la chapelle et des tours sont peints en bleu-vert. Cela ne peut être un hasard. Cela confirme ainsi l’importance donnée par le peintre aux matériaux représentés. « La couleur des toits bleu-vert fait penser à une toiture en cuivre. Ces sortes de couvertures sont typiques des pays du Nord et de l’est comme la Belgique, l’Autriche ou encore la République-Tchèque et la Hongrie. » 27 Effectivement, de nombreux édifices du Nord de la France et de l’Est, même les plus modestes possèdent des toits recouverts de cuivre.

27

Citation de M. Matisse, architecte et professeur d’architecture, lors d’un entretien téléphonique le 07/11/12.

34


Figure 27. Eglise Saint-Urbain de Valleroy (Meurthe-et-Moselle), 2011 / © JP. Leclerc

C) L ES AUTRES CONSTRUCTIONS Les édifices notables décrits auparavant sont accolés à ce qui semble être de simples maisons. Malgré tout, les maisons d’habitations possèdent de nombreuses fenêtres, certaines sont bâties à partir de structures en bois, et les toits sont couverts de tuiles, matériau peu onéreux. Ces types de constructions se retrouvent en France. Enfin, sur le côté senestre du tableau, une porte retient l’attention. Effectivement, elle est matérialisée par une Figure 28. Détail de la porte du côté

ouverture sombre. L’épaisseur des murs est suggérée. Le

senestre, après restauration

haut de la porte est surmonté d’un relief sculpté. Il a la forme d’un blason encadré de palmettes et portant une couronne.

Rien n’est visible sur le corps du blason. Il est difficile de dire s’il appartient à une personnalité, une institution, une ville, une région ou un pays en particulier.

Figure

29.

structure

en

Détail bois

de

la

d'une

maison, après restauration

35


D) C ONCLUSION La scène est susceptible de se dérouler dans une ville du nord ou de l’est, en France ou dans les pays qui la bornent, comme la Belgique. Cependant, il est difficile de déterminer si ce décor existe bel et bien dans la réalité et serait donc peint d’après le motif, ou s’il s’agit simplement d’une composition imaginée à partir d’éléments existants, ou potentiellement existants. Le fronton et la coupole baroques sont des constructions typiques du XVII ème et de la première moitié du XVIIIème siècle. Il peut de surcroît être noté que cet arrière-plan est saturé d’éléments. Il est entièrement rempli par des bâtiments qui ne sont pas aussi détaillés que les personnages intervenants dans la scène. Cet arrière-plan propose simplement un décor urbain à l’action qui se déroule. Cela appuierait donc l’hypothèse qu’il s’agisse d’une scène de théâtre où le noyau de l’intrigue est apporté par les personnages, notamment les deux personnages centraux, et où l’arrière-plan ne constitue qu’un décor.

III. RATTACHEMENT A UN GENRE

Le titre de l’œuvre, Scène d’extérieur, suggère plusieurs genres dans l’histoire de l’art, d’autant plus que la représentation semble réellement centrée autour d’une action ou d’un évènement. Par scène, il pourrait être entendu « scène de genre », « peinture d’histoire », ou encore « scène de théâtre ». Or, au XVIIIème siècle, ces trois genres narratifs cohabitent en France. A) L A SCENE DE GENRE La scène de genre représente des personnages dans leurs occupations quotidiennes. Elle se déroule souvent dans un intérieur, lieu de travail ou de réunion. Ce genre à part entière triomphe en France au XVIIIème siècle. Dans la première moitié du siècle, les sujets sont légers et ont souvent un but décoratif. Dans la seconde, certains artistes sont influencés par les peintres originaires du nord qui insufflent une morale dans leurs représentations tout comme ils le faisaient au XVIIème siècle. Mais de manière générale, les sujets restent toujours légers. Dans les scènes de genre, le spectateur est un observateur d’une activité appartenant au cercle privé. Il pénètre dans l’intimité de la scène. Dans la Scène d’extérieur, le spectateur est témoin d’un évènement public auquel participent de nombreuses personnes, c’est peutêtre ce qui semble la détacher de ce genre. Cependant, les bambochades peuvent se rapprocher légèrement du tableau. En effet, ce sont des représentations caricaturales de

36


personnages dans leurs activités quotidiennes populaires. Elles étaient très en vogue à Rome à partir du XVIIème siècle.28 Mais ces peintures étaient surtout de petits tableaux, ce qui n’est pas le cas de la Scène d’extérieur.

Figure 30. Exemple d’une bambochade. BOTH,

Figure 31. Exemple d’une scène de genre. CHARDIN,

Andries (1613 – 1642). La Chasse aux poux à la

Jean-Baptiste Siméon (1699 - 1779), La

lumière d’une chandelle, huile sur toile, 34,5x

Blanchisseuse, huile sur toile, 37x42,5 cm, 1737,

27 cm, vers 1630, ®Magyar Szépmüvészeti

Nationalmuseum Stockholm / ©Nationalmuseum

Múzeum, Budapest.

Stockholm

B) L A PEINTURE D ’ HISTOIRE La peinture d’histoire relate des évènements marquants de l’Histoire antique, religieuse, ou contemporaine mais aussi des épisodes de la mythologie, ou représente des allégories. Non seulement cette peinture raconte mais permet d’exalter les vertus et la foi au travers d’une mise en scène bien réfléchie. Une morale ressort souvent du récit. La peinture d’histoire est considérée comme le plus important dans la hiérarchie des genres. Au XVIIIème siècle, la peinture d’histoire a des difficultés à se renouveler. Elle devient légère et sans profondeur spirituelle. C’est dans ce contexte que va naître dans la deuxième partie du siècle, le courant néoclassique, proche de la philosophie de ce siècle des Lumières. Elle remédie au problème de légèreté et réinsuffle des notions de vertus et de morale en allant notamment puiser les sujets dans l’histoire antique.

28

PHILIPPON, C. L'influence de la peinture hollandaise et des bambochades sur le vedutisme italien. Dossier de l'art n° 179, novembre 2010, pages 30 et 31.

37


Figure 32. DAVID, Jacques-Louis (1748 - 1825), Le Serment des Horaces, huile sur toile, 330x420 cm, 1784, Musée du Louvre, Paris / © Musée du Louvre

Or, la Scène d’extérieur semble raconter une histoire mais n’appartient ni au langage néoclassique, ni au langage religieux. L’attitude détachée des personnages et les détails incongrus ne servent vraisemblablement pas un évènement historique particulier, mais plutôt une narration et une mise en scène singulière. C’est pourquoi il paraît intéressant dès lors de se plonger dans le monde du théâtre dans la peinture. C) L A SCENE DE THEATRE Dans l’histoire de l’art, le théâtre et la peinture se sont souvent alliés. En effet, la scène est omniprésente dans la peinture et c’est pourquoi la théâtralité y a toujours été utilisée.29 La Scène d’extérieur pourrait faire partie de ces mises en scène picturales, ici aux accents comiques compte tenu de l’atmosphère enjouée qui s’en dégage. - LE THEATRE AU XVIIIEME SIECLE Le théâtre prend une dimension importante au XVIIIème siècle, suivant l’élan donné par Molière (1622 – 1673) au XVIIème siècle grâce à ses comédies30. Au XVIIIème siècle, le théâtre devient l’art premier car il est total. En effet, il réunit la poésie, la musique, la danse, le chant, la déclamation, la peinture, l’architecture et la perspective. C’est pourquoi énormément d’œuvres sont publiées.31 Des bâtiments dédiés au théâtre sont construits dans toute l’Europe, notamment les salles de la Comédie-Française dès 1688 et 178232. Mais déjà à cette époque, le théâtre se joue partout et des spectacles sont montés en extérieur, dans les rues.33 De surcroît, le roi possède une troupe de comédiens qui est itinérante et se déplace

29

Musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Les Arts du Théâtre de Watteau à Fragonard. Bordeaux : Galerie des Beaux-Arts, 1980, page 30. 30 Il y a à l’époque deux genres au théâtre, la comédie et la tragédie. 31 Musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Op. cit., page 29. 32 Idem, page 32. 33 Ibid., page 31.

38


en fonction des mouvements de la cour.34 Le théâtre est donc partout, c’est pourquoi il se retrouve naturellement dans la peinture. - LE THEATRE DANS LA PEINTURE Dans la première moitié du siècle, les références picturales françaises de ce genre sont basées sur les personnages satiriques de la commedia dell’arte italienne : Arlequin, Pantalon, Scaramouche, Zanni35, qui sont parfois francisés pour l’occasion36. C’est dans ce contexte que s’illustrent des peintres français comme Claude Gillot (1673 – 1722). Il compose ce que l’on appelle aujourd’hui des farces ou scènes burlesques37 qui peuvent s’apparenter à la représentation de la Scène d’extérieur mais qui mettent en scène beaucoup moins de personnages et qui eux conservent les costumes traditionnels de la commedia dell’arte.

Figure 33. GILLOT, Claude (1673 – 1722), Les deux carrosses, huile sur toile, premier quart du XVIIIème siècle, Musée du Louvre, Paris / ©Musée du Louvre

La représentation picturale d’une scène particulière issue d’une pièce de théâtre ou d’un opéra naît au travers des fêtes galantes38. C’est le cas des travaux de Nicolas Lancret (1690 – 1743), peintre français. Watteau (1660 – 1720), grand peintre de fêtes galantes, a aussi réalisé des œuvres en hommage au théâtre français et italien (L’Amour au théâtre français, 1718, et L’Amour au théâtre italien, 1717, tous deux conservés au Staatliche Museen de Berlin) dont le premier est inspiré de la pièce L’Impromptu de Suresnes, de Jean-Claude Gillier (1667 – 1737) joué en 1713.39 En France, il y a deux traditions qui se mettent en place. La première est adaptée des mises en scènes italiennes de la commedia dell’arte avec une profusion décorative et des 34

Musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Op. cit., page 32. MOUREAU, François. Le goût italien dans la France Rocaille, Théâtre, musique, peinture (v.16801750). Paris : Presse Universitaire Paris-Sorbonne, 2011, pages 62 et 77. 36 Zani ou Zanni, les deux orthographes sont acceptées. 37 Musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Op. cit., page 12. 38 Idem, page 30. 39 MOUREAU, François. Op. cit., page 98. 35

39


compositions à partir d’une perspective oblique. La deuxième est française et propose des compositions en vues frontales40. La Scène d’extérieur se rapprocherait alors plus de cette dernière tradition de la première moitié du siècle, une scène burlesque représentée frontalement et sans foisonnement décoratif.

Figure 34. COYPEL, Charles-Antoine (1694 - 1762), Roland et le mariage d'Angélique, 1737, huile sur toile, 305x600cm, musée des Beaux-Arts de Nantes / ©musée des Beaux-Arts de Nantes

D) E KPHRASIS OU ILLUSTRATION ? Au XVIII

ème

siècle en France, le lien entre la littérature et la peinture est indéniable, l’une et

l’autre se servent mutuellement. Il provient très certainement de la tradition de rhétorique classique dans les arts. A cette époque, il existe non seulement les Beaux-Arts mais aussi les belles-lettres.41 Ces dernières sont composées de l’épopée, de l’opéra, de la tragédie, ou encore de la comédie populaire.42 Or, de manière générale, les peintres n’inventent pas les sujets de leurs peintures mais vont plutôt les puiser dans les textes écrits par les poètes, les romanciers ou les historiens, pour illustrer des séquences narratives.43 Félibien écrit que les peintres doivent « représenter [leurs sujets] comme un historien et comme un poète en y insérant les vertus des grands hommes ».44 Cela explique pourquoi, en France au XVIIIème siècle, de nombreux artistes tels que Watteau, Boucher ou encore Fragonard étaient aussi considérés comme des hommes de lettres.45 Les passages du texte à l’image et, au contraire, de l’image au texte nourrissent la relation entre les arts. Le premier est le processus d’illustration qui peut servir simplement d’ornementation au texte, ou de manière plus importante, constituer un emblème lorsque 40

Musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Op. cit., page 39. MOREIRA DE MELLO, Célina Maria. A literatura francesa e a pintura : ensaios criticas. Rio de Janeiro : UFRJ, 2004, pages 9 à 30. 42 Idem, page 89. 43 GORDON, Catherine. British paintings for subjetcs from the English novel 1740-1870. New York, London : Garlanks, 1988, page 21. 44 MOREIRA DE MELLO, Célina Maria. Op. cit., page 36. 45 Idem, page 13. 41

40


l’image et le texte se complètent pour guider le lecteur46, et ce principalement dans la première moitié du XVIIIème siècle47. A l’inverse, le second passage est une traduction de l’image sous forme d’une écriture descriptive. Elle est appelée ekphrasis48.

Figure 35. Exemple d’une emblème. STEPHENS, F.G., GEORGE, M.D.. Catalogue of Prints and Drawings in the British Museum, 11 volumes, London, Printed for the Trustees, 1870-1954.49 / ©BNF

Il est donc possible que l’œuvre soit inspirée d’un texte et qu’elle en constitue une illustration. Le passage inverse semble moins probable. Effectivement, cette peinture est très détaillée, les expressions sont soulignées et les attitudes maîtrisées. L’artiste s’est donc vraisemblablement appuyé sur un texte pour composer son dessin. E) C ONCLUSION L’iconographie de la peinture pourrait avoir été inspirée de la littérature française du XVIII ème siècle et notamment d’une pièce de théâtre. En effet, dans ce tableau, se retrouvent la composition frontale à la française, une atmosphère sensiblement comique et des costumes divers. Si tel était le cas, la peinture serait donc plutôt de la première moitié du XVIIIème siècle puisqu’elle ne possède pas le langage néoclassique caractéristique de la seconde moitié du siècle et ferait partie des nombreuses illustrations effectuées dans cette période.

46

DUBOIS, Claude-Gilbert. « Interférences du visuel et du textuel » dans Le dialogue des arts, Tome 1 : Littérature et peinture (du Moyen-Age au XVIIIe s.). Lyon : CEDIC, 2001, page 107. 47 MARTINEZ, Marc. « L’Arlequinade anglaise et la gravure satirique au XVIIIe siècle : élaboration esthétique et détournement politique », dans Revue LISA/LISA e-journal [Online], Vol. I - n°1 | 2003, disponible en ligne depuis le 19 novembre 2009. URL : http://lisa.revues.org/3125 ; DOI : 10.4000/lisa.3125, consulté en juin 2013. 48 DUBOIS, Claude-Gilbert. Op. cit., page 108. 49 Emblème. Ici, la gravure est accompagnée d’un poème.

41


IV. CONCLUSION ET PREMIERES HYPOTHESES CONCERNANT LA REPRESENTATION

L’iconographie de l’œuvre semble être ancrée dans la première moitié du XVIIIème siècle et stylistiquement issue de la tradition française. De plus, il se joue réellement une scène au sein de cette peinture, mais laquelle ? Le nombre de personnages, les détails surprenants et pouvant apparaître comiques, et ce qui porte à croire qu’un couple maître et valet occupe le centre de la composition, peuvent appuyer l’hypothèse que cette scène en extérieur soit effectivement une scène de théâtre. Le personnage central, d’un rang social sensiblement plus élevé, semble guidé par les autres s’affairant autour de lui. Pourrait-il s’agir d’une scène de toilette publique ? D’où le col défait du maître, le chiffon du valet près de son visage, le drapé dans la main de la femme se reculant pour voir de plus loin le rasage de l’homme principal se laissant alors guidé vers un récipient d’eau pour se rincer. Est-ce un mariage, la mariée se faisant porter sa traîne par un des personnages ? Où est-ce tout simplement une scène d’arrivée à une taverne ? Il s’agit en tout cas d’une scène digne d’être représentée.

42


3. TECHNIQUE DU PEINTRE ET DERNIERS ELEMENTS DE DATATION

Les moyens entrepris pour concevoir une œuvre sont caractéristiques de l’artiste, de son école, de ses influences, et de son époque. C’est pourquoi la liste des matériaux constitutifs de l’œuvre sera tout d’abord établie. Elle sera suivie de la description des caractéristiques plastiques du tableau. L’objectif de cette partie est d’apporter des éléments pour resserrer la datation mais aussi pour renseigner la technique de mise en œuvre utilisée par l’artiste.

I. APPORTS HISTORIQUES DES MATERIAUX CONSTITUTIFS DE L ’ŒUVRE

Les matériaux constitutifs de la stratigraphie de la peinture confirment sa création au XVIII ème siècle. En effet, la préparation servant de base à la pose de la peinture est grasse et rouge. Elle est également surmontée d’une couche d’impression grise. C’est un procédé typique de ce siècle.50 Ceci étant recoupé avec l’étude iconographique, notamment en ce qui concerne la représentation d’éléments caractéristiques de cette période51, il est donc possible de situer la création de l’œuvre dans ce large intervalle temporel. Il faut néanmoins formuler quelques doutes. En effet, l’étude poussée de l’œuvre à l’aide d’un fort grossissement à la loupe binoculaire (x8), a mis en évidence des couches colorées sous-jacentes. Beaucoup d’artistes s’aident de couches de fond colorés pour monter successivement leurs couleurs finales. Or ici, les couleurs de fond ne correspondent pas vraiment aux couleurs montées par-dessus, et de surcroît ne présentent aucune cohérence par rapport au dessin visible en surface. Il a alors été décidé d’entreprendre une observation du tableau sous rayonnement infrarouge.52 Celle-ci révèle l’existence d’une véritable peinture sous-jacente qui aurait été recouverte. Deux portraits distincts sont identifiables.53 Ils se posent alors plusieurs problèmes. Effectivement, une première peinture avait été commencée. Les matériaux constitutifs, tels que la préparation et la couche d’impression, ont été pensés et appliqués pour cette première œuvre sous-jacente. Il est alors possible de dire que la peinture en surface, qui est visible aujourd’hui, a été peinte au plus tôt courant XVIIIème siècle. Mais elle aurait très bien pu être réalisée beaucoup plus tard. Le second 50

BERGEON, Ségolène. Peinture & dessin; vocabulaire typologique et technique (2volumes). Paris : éditions du patrimoine, Centre des monuments nationaux, 2009, pages 518 et 519. 51 Voir l’étude de la représentation, page 19. 52 Voir l’explication de l’observation, des outils et des rayonnements, page 58. 53 Voir les captures d’écran de la caméra à infrarouges en annexes, page 220.

43


problème est plus attaché aux raisons de la création ; est-ce l’œuvre du même artiste ? A-t-il délibérément souhaité recouvrir sa première réalisation ? Ou alors, est-ce l’ouvrage d’un autre artiste ? Voulait-il cacher la peinture ? N’avait-il plus de matériel à peindre et s’agit-il d’une sorte de « recyclage » ? Là, il est bien difficile d’apporter une réponse. Tous les scénarios sont possibles. Néanmoins, ces questionnements permettent d’orienter les conclusions quant au traitement plastique de l’œuvre.

II. DESCRIPTION DE LA TECHNIQUE PICTURALE DU PEINTRE

Figure 36. La Scène d'extérieur, après restauration

A) C OMPOSITION ET ESPACE La composition de cette œuvre est simple. Le groupe de personnages central est placé dans un « triangle » correspondant plus ou moins aux lignes de fuite. L’ensemble des personnages est condensé en une frise. Une ouverture spatiale est concédée dans la partie supérieure, au centre du tableau. La composition est étagée en plans successifs en fonction d’une perspective centrale à un point de fuite. Elle est symétrique, ce qui rappelle celles utilisées dans les décors de scène de théâtre. La perspective centrale suit une rue dont les constructions se situent de chaque côté, mais aussi par le biais du dessin des pavés. Plus les plans de la composition sont lointains, plus les personnages s’y situant sont de petite taille. Ce type de composition symétrique avec une perspective à un point de fuite se retrouve dans les décors et mises en 44


scène du théâtre du XVIIIème siècle et dans des représentations de scènes de foule en extérieur de la même époque.

Figure 37. Décoration de théâtre en vue d'optique, Paris : Basset, 1766 / ©BNF

Figure 38. Départ des comédiens italiens, gravé par Jacob d'après Watteau, XVIIIème siècle / ©BNF

45


Figure 39. Le carnaval des rues de paris, gravé par Levasseur d’après Jeaurat, XVIIIème siècle / ©BNF

L’œil est focalisé au centre de la peinture. Le ciel n’occupe que le tiers supérieur du tableau. L’œil se pose donc d’abord sur le groupe de personnage central et suit son mouvement vers le coin inférieur dextre. Le tableau a été composé de manière réfléchie et classique, ce qui témoigne des connaissances de l’artiste en matière de peinture54. Le peintre a certainement voulu concentrer le regard du spectateur sur les personnages, véritables clés de la représentation. B) MODELES , VOLUMES ET LUMIERE Les modelés et les volumes sont soulignés grâce à un système de valeurs, passage doux d’une plage claire à une plage plus foncée. Dans cette composition, cette technique met très bien en exergue les nombreux drapés. La lumière vient d’un point haut extérieur au tableau, situé sur le côté dextre, face aux personnages. La source n’est pas visible sur la peinture mais elle est suggérée par les ombres nettement Figure 40. Détail des drapés du manteau représenté

rouge de

de dos

l'homme du

côté

senestre, après restauration 54

Ou bien du graveur s’il s’agit d’une peinture d’après une gravure.

46


visibles au sol. La présence d’ombres apporte un léger clair-obscur dans le tableau. La lumière permet d’unifier la composition en apportant une cohérence générale. L’artiste n’a pas composé sa peinture au hasard et s’est basé sur des techniques précises. 55 Ces dernières permettent aussi de mettre en valeur les personnages les plus importants de la narration, de les hiérarchiser et de les pousser en avant par rapport au décor de la rue. C) C OULEUR ET FACTURE La palette de l’artiste est variée mais reste cantonnée à des couleurs classiques : terres, rouge vif, bleu profond, bleu clair, gris, blancs. Néanmoins, un rose orangé en camaïeu utilisé pour certaines robes l’étoffe d’avantage. D’une manière générale, les tons sont équilibrés entre couleurs froides et couleurs chaudes grâce à de larges plages de rouge vif qui contrebalancent une atmosphère générale froide apportée par les bleus et les gris. La facture est très lisse, la couche colorée est très fine. L’artiste a vraisemblablement voulu éviter les empâtements, qui se cantonnent seulement aux blancs des dentelles. Cela en fait une œuvre assez graphique, essentiellement portée sur le dessin.

Figure 41. Détail après restauration du traitement du dessin et de la facture lisse

D) C ONCLUSION La composition du tableau est classique et est accompagnée d’une perspective centrale à un point de fuite de façon cohérente, tout comme le système de mise en valeur des volumes et des modelés, ainsi que la mise en place de la lumière. La facture est lisse et la couleur semble secondaire. Cette œuvre est assez graphique et a certainement été réalisée par un artiste ayant reçu une formation artistique classique. Il est aussi possible que l’artiste ait peint d’après une gravure56, elle-même très bien exécutée par un artiste formé. Malgré tout, l’artiste a été parfaitement capable de réaliser de petits détails précis qui apportent une 55 56

Ou bien le graveur, s’il s’agit d’une peinture d’après une gravure. La gravure en question, si elle existe, n’a pas été trouvée pour l’heure.

47


dimension technique et un charme certain à cette œuvre, ce qui pourrait laisser entendre qu’il a effectivement suivi une formation artistique. Malgré les usures de surface de la peinture, il semble évident que l’artiste ait délibérément choisi de tout mettre en œuvre pour focaliser l’attention du spectateur sur les personnages et sur l’action qui se joue. Cette particularité appuie l’hypothèse d’un arrière-plan ayant un rôle de décor. Ajoutée à la composition frontale et symétrique du tableau, elle permet de soutenir qu’il puisse s’agir d’une pièce de théâtre.

CONCLUSION DE LA PARTIE HISTORIQUE

L’œuvre a été réalisée grâce à des techniques de mise en œuvre académiques. De surcroît, elle a peut-être été peinte d’après une gravure. Les études iconographiques et plastiques ont permis de mettre en évidence des éléments qui appuient l’hypothèse que cette représentation soit une mise en scène à caractère comique ou satirique au sein de laquelle les personnages détiennent un rôle clé. S’il est maintenant plus facile de placer le contexte de création de cette peinture dans la première moitié du XVIIIème siècle, cette étude historique aura aussi permis de réorganiser les quelques informations dispersées concernant ce tableau. Avant tout, elle a proposé quelques pistes de lecture qui se doivent d’être complétées avec le temps. Il faudrait par ailleurs poursuivre la prospection afin de trouver une gravure qui, si elle existe, serait la référence iconographique de ce tableau.

48


RAPPORT DE RESTAURATION

INTRODUCTION Le tableau dont il est question a été prêté pour être restauré dans son ensemble. Le temps imparti pour ce faire a permis de comprendre l’œuvre de la manière la plus complète et son histoire matérielle. C’est pourquoi, le rapport de restauration débute tout d’abord par un examen complet de l’œuvre afin d’en recenser les matériaux constitutifs et d’en décrire les altérations. Puis, un diagnostic de celles-ci permet d’établir un cahier des charges et un protocole de traitement. Cette première partie est donc purement théorique et se base sur l’observation et la réflexion, réels fondements d’un travail de conservation-restauration cohérent. Par ailleurs, les propositions de traitements ont été discutées et validées par les prêteurs de l’œuvre, à savoir le musée barrois de Bar-le-Duc, et le corps professoral de l’école. Le rapport de restauration se poursuit dans un deuxième temps par la description détaillée de chaque intervention réalisée sur l’œuvre, de sa prise en charge jusqu’à sa restitution.

Figure 42. Le tableau, avant restauration

49


1. EXAMEN DE L’ŒUVRE

L’examen de l’œuvre a été réalisé avant tout acte de restauration, au moment de son entrée dans l’atelier le 25/09/12. Cependant, une première intervention de conservation a été effectuée, à savoir une mise à plat de la toile dans une caisse destinée au convoyage du musée jusqu’aux ateliers de l’école.

I. IDENTIFICATION DES MATERIAUX CONSTITUTIFS D’ORIGINE

Cette analyse est suivie méthodiquement dans l’ordre de la stratigraphie du tableau.

Figure 43. Schéma du montage de l'ensemble du système

Figure 44. Schéma de la stratigraphie de la peinture sur la toile originale, vue en coupe

50


A) L E SUPPORT ORIGINAL Pour des raisons de sécurité, l’analyse du support a été réalisée par le recto du tableau. En effet, la toile a été prise en charge sous forme de rouleau, couche picturale à l’intérieur. Le fort écaillage n’autorise pas le retournement de l’œuvre. Les observations ont donc été faites dans les lacunes de couche picturale. - NATURE DU SUPPORT Le support est un textile. Après une observation à l’œil nu et la réalisation de tests, cette toile est probablement de lin.57 - ARMURE L’armure est toile et le tissage est très régulier, c’est pourquoi il semble mécanique. Ce type d’armure correspond au croisement d’un fil de chaîne et d’un fil de trame58.

Figure 45. Vue de la toile au compte-fil (x4) par la face au niveau d'une lacune de couche picturale Figure 46. Schéma d’une armure toile

- T YPE DE TISSAGE Le tissage est serré mais n’est pas fermé. Les fils sont assez fins : pas plus de 0,5 mm en moyenne. Les fils sont tordus en Z. L’angle de torsion est de 70°, il est donc faible. C’est pourquoi le fil s’épaissira mais ne s’allongera quasiment pas en présence d’humidité. - CONTEXTURE Le nombre de fils par centimètre dans le sens horizontal est de 8. Dans le sens vertical, il est de 13. La différenciation des fils de trame et de chaîne

Figure 47. Schéma de

est problématique. L’embuvage est similaire pour les deux fils, qui sont

la

par ailleurs tellement tendus qu’il serait difficile de le calculer très

torsion

et

de

l'angle de torsion du fil

précisément sans instruments de pointe. Le comportement du tissage a donc tendance à être plutôt homogène. 57

Voir les protocoles de tests, pages 81 à 85. BERGEAUD, Claire. HULOT, Jean-François. ROCHE, Alain. La dégradation de peinture sur toile. École Nationale du Patrimoine, 1997, page 17. 58

51


- DIMENSIONS Ni les bords de tensions, ni les trous de semences de la toile originale, ne sont visibles sur les bords supérieurs et senestres. Ces derniers sont nets et réguliers, comme si la toile avait été découpée précisément. Il se pourrait donc que les dimensions de la toile originale aient été réduites.

Figure 48. Vue du bord senestre du tableau, sans trou de semences, très régulier

Le format standard ancien le plus proche était plus petit, il mesurait 92,08 X 73,03 cm et correspondait à un format de type figure. Le format standard ancien supérieur est de 101,50 x 81,20 cm toujours de type figure. Au XVIIIème siècle, la standardisation des formats est avérée. Elle concerne les toiles, les châssis et les cadres. Par ailleurs, chaque artisan s’est réglé sur ces standards pour faciliter la compatibilité entre ces trois matériaux auxquels est respectivement rattachée une discipline.59 Il est donc probable que le format ait été réduit, mais le format pourrait aussi tout simplement ne pas être standard. - LES BORDS DE TENSION La toile originale n’est pas fixée sur le châssis. Les côtés dextres et inférieurs présentent toujours leurs bords de tensions. De plus, ils ne sont pas préparés. La toile originale a certainement été tendue sur châssis avant d’être préparée par l’artiste lui-même. - LE REVERS

Figure 49. Bords de tension inférieurs de

L’accès au revers du tableau n’est pas possible à cause

la toile originale

du fort écaillage au recto. Lors de la mise à plat du tableau, et donc du déroulement délicat de la toile, il n’est pas apparu de coutures, d’inscriptions hautement visibles ou de nœuds de toiles gênants. Il peut simplement être noté un encrassement généralisé et, au niveau de deux déchirures, des traces de colle utilisée pour la mise en place de pièces de renforts.

59

LABREUCHE Pascal. Paris, capitale de la toile à peindre XVIIIème XIXème siècle. Paris : L’art et l’essai, INHA, 2011, pages 34 à 38.

52


Figure 50. Vue du rouleau en cours de mise à plat et vue du revers au niveau des déchirures

- L’ANCIENNE INTERVENTION DE RENTOILAGE La toile d’origine a été rentoilée, très certainement à la colle de rentoilage, qui est un mélange de colle animale et de farine60, avec une toile plus épaisse. Il a été tenté d’identifier la nature de cette dernière grâce à une suite de tests61. En définitive, il pourrait s’agir d’une toile de chanvre ou de jute. L’armure est toile car le tissage alterne un fil de trame et un fil de chaîne. La conception semble mécanique, cependant elle est très irrégulière, les fils étant grossiers et présentant beaucoup de nœuds et de surépaisseurs. Le tissage est lâche et les fils sont de tailles variées de : 0,5 mm à 1 mm environ. Les fils sont tordus en Z. Il y a 9 fils par centimètre dans le sens horizontal, chaîne, et 10 dans le sens vertical, trame.

Figure 51. Détail de la toile de rentoilage tendue sur le châssis Figure 52. Vue de la toile de rentoilage tendue sur le châssis par lumière transmise

Deux inscriptions sont à relever au revers de la toile. L’une est écrite à la main à l’aide d’un feutre rouge à côté du montant senestre du châssis, dans sa longueur. Elle reprend le 60 61

Voir les protocoles de tests, page 87. Idem.

53


numéro d’inventaire du tableau : « 979.7.79 ». La seconde semble être un tracé volontaire blanc mais il est bon de garder une certaine réserve à son sujet. Elle est située au revers de la toile, en haut du côté senestre. Ce tracé peut être observé sur la photographie ci-dessous. De plus, une punaise est fixée sur le recto de la toile de rentoilage dans le coin supérieur dextre, près du bord supérieur. Elle est oxydée. Aucune explication n’a été trouvée pour justifier sa présence.

Figure 53. Tracé blanc au revers de la toile de rentoilage

B) L E CHASSIS Le châssis ne maintient plus que la toile de rentoilage. Il n’est vraisemblablement pas d’origine. Il aurait pu être changé à l’occasion de l’opération de rentoilage. Il est fixe et non chanfreiné62 car sur chaque tranche d’un même montant, la largeur est de 2 cm. Il possède une traverse horizontale et une verticale, formant une croix.

Figure 54. Vue du châssis maintenant seulement la toile de rentoilage

62

ème

Le chanfrein n’apparaît pas avant la toute fin du XVIII siècle. Il pourrait donc être envisagé que l’opération de rentoilage et donc la tension de la toile de rentoilage sur ce châssis ait été effectuée au ème début du XIX siècle, époque où la pratique n’était pas généralisée. Pour la définition, voir le glossaire en annexes, page 176. LABREUCHE, Pascal. Op. cit., page 44.

54


- ASSEMBLAGE Tout l’assemblage des montants et des traverses est réalisé à mi-bois. C’est un assemblage ordinaire63. Les quatre montants périphériques sont maintenus à l’aide de trois pointes à chacun des coins, de manière très régulière. Les traverses sont fixées entre elles et aux montants grâce à 2 pointes, tout aussi régulièrement. Les parties visibles des pointes ont un diamètre d’environ 3 à 4 mm. Le châssis paraît donc très soigné, il a très sûrement été réalisé par un spécialiste de la fabrication des châssis.

Figure 55. Schéma du châssis vu de face

Figure 56. Schéma du châssis en vue éclatée

63

LABREUCHE, Pascal. Op. cit., page 43.

55


- DIMENSIONS Les montants supérieurs et inférieurs mesurent 95,1 cm de long. Les parties visibles des montants latéraux mesurent 62,3 cm de long. Les parties visibles des traverses mesurent respectivement 62,3 cm et 82 cm de long. La largeur des montants et des traverses est de 6 cm environ (+/- 1mm). Cette mesure varie de plus ou moins 1 mm selon les points d’un même montant ou d’une même traverse. Les montants ont une épaisseur de 2 cm alors que les traverses ne font que 1,8 cm. Ce retrait peut s’observer au revers.

Figure 57. Schéma de la jointure montant/traverse, vue en coupe

- INSCRIPTIONS Le

châssis

comporte

de

nombreuses

inscriptions qui sont énumérées et décrites cidessous :

-

« 259-b » manuscrit au crayon à papier

dans le coin haut senestre du châssis. - « GB100 » manuscrit au crayon à papier sur la traverse horizontale, du côté senestre du châssis. Il s’agit du numéro d’inventaire provisoire du tableau. - « 979.9.79 » manuscrit au feutre rouge en bas du montant

senestre

dans

sa

longueur.

Cette

inscription correspond au numéro d’inventaire

Figure 58. Vues des inscriptions manuscrites sur les montants et la traverse du côté senestre du châssis

rétrospectif de l’œuvre.

56


- ETIQUETTE Une étiquette est identifiable en bas du montant senestre. Il s’agit certainement d’un papier adhésif d’après une observation au compte-fil (x4), qui a été collé sur l’arrête du châssis, à moitié sur la tranche, à moitié sur la face du montant. Bien qu’elle soit arrachée, les observations de l’étiquette portent à croire qu’elle est certainement issue d’une fabrication en série en imprimerie. Les bordures sont bleues claires et ornementées. « N° » peut être lu et des départs de lignes horizontales, destinées à guider une écriture manuscrite afin qu’elle soit linéaire, sont visibles. Cependant, aucune écriture de ce type n’est décelable. Cette étiquette Figure 59. Vue de l'étiquette

comportait vraisemblablement le numéro originel de l’inventaire de l’œuvre avant qu’elle soit ré-inventoriée rétrospectivement en 1979.

- NATURE DE BOIS DU CHASSIS Il s’agit d’un bois clair qui a vraisemblablement été teinté. L’usage veut que le bois d’un châssis soit suffisamment tendre pour faciliter le clouage de la toile, c’est pourquoi les bois de résineux sont le plus souvent utilisés. Ce sont des bois légers et bon marché.64 Ici, les montants présentent des rides parallèles ce qui pourrait témoigner d’un débitage sur quartier. C) L ES TRANCHES DU CHASSIS Elles sont visibles car il n’y a pas de cadre. Il y a présence d’une seule toile, celle de rentoilage fixée par des semences, certainement ajoutées au moment de l’opération de restauration antérieure de rentoilage. Il est remarqué que des morceaux de la toile originale sont toujours coincés par le clouage. Lors de la désolidarisation de la toile originale et de la toile de rentoilage, certains bords de tension de la toile originale ont certainement été arrachés.

Figure 60. Tranche dextre du châssis et de la toile de rentoilage, vue de l’irrégularité du clouage

Le clouage est très irrégulier car l’espacement entre les semences est totalement aléatoire et sans aucune cohérence, allant de 0,5 cm à 10 cm. Peuvent être comptées, 23 semences sur la tranche supérieure, 27 sur la tranche inférieure, 20 sur la tranche dextre et 18 sur la tranche senestre. La toile a probablement été tendue par le rentoileur. Les semences ont divers aspects. Certaines ont des têtes moins épaisses que d’autres, bombées ou plates. 64

LABREUCHE, Pascal. Op. cit., pages 42 et 43.

57


D) L A COUCHE PICTURALE L’observation de la couche picturale a aussi été organisée en fonction de la stratigraphie du tableau, en partant de la couche la plus proche du support vers la couche colorée. - L’ENCOLLAGE L’accès au revers de la toile étant impossible, les observations ont été effectuées par le recto. A l’œil nu et à l’aide d’un compte fil (x4), il n’est pas observé de différence de brillance au niveau des fils qui pourrait témoigner d’un encollage persistant. Par contre, à l’aide d’un fort grossissement, un microscope optique (x60), les fils semblent briller par endroit ce qui pourrait attester de la présence d’un adhésif. Un test a permis de contenter cette idée : un encollage collagénique a certainement été appliqué sur la toile.65 Cependant, il faudrait nuancer ce propos car il pourrait aussi s’agir de résidus d’adhésif de refixage. - LA PREPARATION La préparation semble rouge, appliquée en couche assez fine de manière artisanale. Elle est observable sur la toile et derrière certaines écailles. Or, à partir de la fin du XVIème siècle une longue évolution suit les débuts des préparations colorées sur les supports textiles. Au XVIIème siècle, les préparations en France sont plutôt simples et colorées. Au XVIIIème siècle, elles sont souvent doubles ; rouges pour la couche inférieure et grises en surface66. Ces préparations sont souvent grasses, d’origine huileuse par apport d’huile de lin ou de noix permettant le broyage des pigments rouges. Elles sont appliquées en une couche au couteau et peuvent être surmontées ensuite d’une couche grise dont le liant peut varier67. Leur comportement mécanique en découle. En effet, au XVIIIème siècle, si deux couches de préparations sont utilisées, la nature de leurs liants et leurs charges sont souvent différentes. Communément, l’une à partir d’oxydes de fer, donc des pigments brun-rouge ou rouge de Prusse, est plus élastique alors que l’autre, à base de blanc de plomb et de noir de charbon, est plus rigide68. Cette différence peut conduire à la formation de contraintes de cisaillements et à des pertes d’élasticité.69 Les observations faites ensuite au microscope optique au grossissement x60 et x110 confirment ces dernières informations. Une couche de préparation rouge surmontée d’une couche plus fine et grisâtre est clairement identifiable. Cependant, la deuxième couche est 65

Voir les protocoles de tests, page 89. BERGEON, Ségolène. Peinture & dessin; vocabulaire typologique et technique (2volumes). Paris : Éditions du patrimoine, Centre des monuments nationaux, 2009, pages 518 et 519. 67 LABREUCHE Pascal. Op.cit., page 47. 68 Idem, page 50. 69 DUPREZ, Elena. Etude historique et technique des préparations rouges à travers la restauration d'un tableau du XVIIe siècle peint d'après « Vénus et Vulcain » de l'Albane. Mémoire de fin d'études, INP, 1987. 66

58


parfois absente. La couche de préparation rouge seule semble plus granuleuse que celle surmontée d’une couche d’impression. L’application de cette couche d’impression grise a certainement été réalisée en fonction du dessin. Mais pour le savoir, il faudrait pouvoir établir une cartographie de la préparation, ce qui ne semble pas possible ici.

Figure 61. Vue d'une écaille de couche picturale, en coupe, au microscope optique au grossissement x60 Figure 62. Coupe d’une écaille vue sous microscope x60 avec la toile, la préparation rouge et la couche colorée, sans couche d’impression grise, prise dans la partie dextre du tableau

Figure 63. Schéma de la stratigraphie de la préparation, vue en coupe

Suite à plusieurs tests70, il est possible d’affirmer que la préparation est lipidique. Elle n’est pas poreuse. Elle contient aussi des carbonates mais il est difficile de dire si les deux couches sont concernées ou bien seulement l’une ou l’autre. Enfin, l’ensemble de la préparation est assez cassante. - OBSERVATIONS SUPPLEMENTAIRES Lors de l’observation de la préparation à l’aide d’une loupe binoculaire au grossissement x8, une couche intermédiaire est remarquable entre la préparation et la couche colorée.

70

Voir les protocoles de tests, page 79.

59


Figure 64. Vue des couches bleues et rouges, sous-jacentes à la couche colorée, observées sous loupe binoculaire x8

Cette couche intermédiaire est visible au niveau des usures de couche colorée. Trois types de couches intermédiaires sont clairement notables : une bleue sur la partie supérieure et dextre du tableau, une beige type carnation sur la partie centrale inférieure, et enfin une rouge sur la partie centrale senestre. Il pourrait s’agir de sous-couches préparatoires. Cependant, ces couches ne correspondent pas au dessin de notre peinture, chose intrigante. C’est pourquoi l’observation du tableau est poursuivie à l’aide d’une caméra infrarouge. Cette technique est non-invasive pour l’œuvre si elle n’est pas prolongée dans le temps, car les IR réchauffent les surfaces71. Des lampes émettant des rayons infrarouges sont installées et dirigées vers le tableau. Puis, une caméra captant ce type de rayons est placée devant le système. Les rayons infrarouges sont absorbés par la couche picturale qui renvoie un certain rayonnement qui est capté par la caméra. Les rayons infrarouges sont absorbés par des matériaux différents de ceux qui absorbent la lumière visible. L’image résultante est en noir et blanc et peut donc montrer des éléments non observables à l’œil nu72, comme des dessins ou des peintures sous-jacents.73 Grâce à cette technique, deux visages sont découverts. Ils se font face et se regardent. L’un semble porter un voile ou un manteau. L’échelle est beaucoup plus grande que notre peinture. Ces observations permettent de confirmer la présence de « sous-couches » colorées qui correspondent parfaitement au dessin de ces visages.74 Cette découverte pourrait aussi expliquer une probable modification du format original.75

71

MOUTSATSOU, Anna. SKAPOULA, Dimitra. DOULGERIDIS, Michael. “The Contribution of Transmitted Infrared Imaging to Non-Invasive Study of Canvas Paintings at the National Gallery – Alexandros Soutzos Museum, Greece”. E-conservation Magazine, Novembre 2011, n°22, page 54. 72 FLOTTARD, Emmanuel. MAHJOUB, Mehdi. MARTINEAU, Aurélie, et al. Dossier Technique et axe procédés, Analyse et art. Saint-Etienne: Ecole des Mines, pages 76 à 78. 73 MOUTSATSOU, Anna. SKAPOULA, Dimitra. DOULGERIDIS, Michael. Op. Cit., page 59. 74 Voir les captures d’écran de la caméra infrarouge en annexes, page 220. 75 Voir l’analyse des matériaux du support, page 50.

60


Il faudrait essayer d’aller plus loin, en réalisant un nouvel examen sous infra-rouges mais cette fois-ci par transmission. Les lampes à infrarouges sont placées derrière la toile et une prise de vue directe à l’aide d’un appareil photo et d’un filtre est réalisée face au tableau. De nouvelles informations sur les couches pourraient alors être glanées.76 En ce sens, une radiographie du tableau a été effectuée. Il est possible de voir sur les clichés que le dessin est assez étendu et qu’il présente quelques détails. La peinture sousjacente est donc probablement à un niveau assez avancé. Les personnages semblent représentés en buste, ce qui pourrait correspondre au format. Il n’est pas vraiment possible que le format ait été modifié de manière significative sur la partie supérieure77. Ces deux examens complémentaires ont permis de regrouper une documentation complète ayant un intérêt historique. Cependant, il faut bien garder en tête que cette peinture « sousjacente » n’a peut-être pas été achevée, a pu être peinte par le même peintre ou un différent, et si le peintre est le même, sa volonté aurait pu être de dissimuler cette peinture et de la recouvrir. - LA COUCHE COLOREE La couche est vraisemblablement d’origine huileuse et elle est fine78. Elle n’est pas sensible à l’éthanol.79 Les tons sont équilibrés entre chauds et froids : il y a un jeu de complémentaires entre les tons bleutés, les terres et les ocres. Les pigments qui auraient pu être utilisés : Jusqu’au XIXème siècle, les artistes utilisent des pigments issus de produits naturels et organiques qui proviennent d’animaux ou de plantes.80 La gamme possible de pigments susceptibles d’avoir été employés lors de la conception du tableau est donc très étendue. Les rouges

Il existe des rouges de cochenille, écarlates et cramoisis ou encore rouge vermillon.81 Depuis le XVIIème siècle, le rouge vermillon et les ocres rouges font parties des pigments jugés les plus stables, donc les plus utilisés.82 Par ailleurs, les ocres rouges sont utilisées dans les

76

MOUTSATSOU, Anna. SKAPOULA, Dimitra. DOULGERIDIS, Michael. Op. Cit., pages 53 à 59. Voir les clichés radiographiques en annexes, pages 221 à 222. 78 Voir les protocoles de tests, page 88. 79 Idem, page 88. 80 BALL, Philip. Histoire vivante des couleurs, 5000 ans de peinture racontée par les pigments. Paris : Editions Hazan, 2005, page 54. 81 DELAMARE, François. GUINEAU, Bernard. Les matériaux de la couleur. Paris : Découvertes Gallimard, 1999, page 74. 82 Idem, page 76. 77

61


peintures depuis la Préhistoire83 et le rouge de minium depuis l’Antiquité84. Toujours au XVIIème siècle, le pourpre et le rouge de garance sont présents.85 Les bleus

Le Lapis-lazuli est aussi jugé très stable. Le bleu de Prusse est fabriqué depuis 1710 et utilisé jusqu’en 182486. La découverte du cobalt en 1742 amène la création du bleu du même nom. Il sera ensuite très utilisé.87 La couleur était d’abord employée dans les pastels mais le bleu Indigo fait aussi son apparition au XVIIIème siècle.88 Les bleus de Smalt et verditer sont aussi utilisés à cette époque mais abandonnés au XIXème siècle.89 Le blanc

Le blanc de plomb est très utilisé à l’époque.90 Ce pigment a toujours été utilisé de l’Antiquité jusqu’au XXème siècle.91 Les jaunes

Le jaune de Naples est découvert en Italie au XVIIème siècle mais arrive en France au XVIIIème tout comme le jaune de chrome et le jaune d’étain qui permettent une grande intensité.92 Les jaunes Indien et Safran sont des pigments utilisés depuis des siècles, tout comme les laques jaunes.93 En ce qui concerne les ocres jaunes, elles ont toujours été utilisées dans la peinture, depuis la préhistoire jusqu’à nos jours.94 Les verts

Le vert de cuivre est très courant à partir du XVIIème siècle car il est vu comme un pigment stable par les artistes.95 Les terres vertes, la malachite et le vert de cuivre sont trois pigments employés depuis l’Antiquité jusqu’au XIXème siècle.96

83

BALL, Philip. Op. Cit., page 51. PETIT, Jean. ROIRE, Jacques. VALOT, Henri. Op. Cit., page 373. 85 BALL, Philip. Op. Cit., pages 54 et 55. 86 DELCROIX, Gilbert. HAVEL, Marc. Phénomène physique et peinture artistique. Paris : EREC, 1988, page 129. 87 DELAMARE, François. GUINEAU, Bernard. Op. Cit, pages 76 et 77. 88 Idem, page 92. 89 PETIT, Jean. ROIRE, Jacques. VALOT, Henri. Op. Cit., page 372. 90 DELAMARE, François. GUINEAU, Bernard. Op. Cit., page 76. 91 PETIT, Jean. ROIRE, Jacques. VALOT, Henri. Des liants et des couleurs, pour servir aux artistes peintres et aux restaurateurs. Paris : Erec, 2006, page 372. 92 Ibid., pages 76, 80 et 82. 93 DELCROIX, Gilbert. HAVEL, Marc. Op. Cit., pages 129 à 137. 94 PETIT, Jean. ROIRE, Jacques. VALOT, Henri. Op. Cit., page 372. 95 DELAMARE, François. GUINEAU, Bernard. Op. Cit., page 76. 96 PETIT, Jean. ROIRE, Jacques. VALOT, Henri. Op. Cit., page 373. 84

62


Les terres

Jusqu’au XIXème siècle, les pigments étaient issus de minéraux broyés très finement. Ils étaient extraits des terres contenant des atomes métalliques qui selon leur nature déterminaient la couleur du pigment.97 Les terres peuvent être de Sienne, d’ombre, vertes, et des ocres rouges ou jaunes.98 Le noir

Le noir de charbon, d’ivoire et de fumée sont trois pigments noirs fréquemment utilisés dans la peinture et décrits par les historiens et les peintres99, de la préhistoire à nos jours.100 - LE VERNIS A l’œil nu, il est difficile de dire si un vernis est présent pour

protéger

la

surface

du tableau.

Un

léger

jaunissement est notable dans la partie supérieure du tableau, qui correspond au ciel, ce qui permet d’envisager son existence101. D’ailleurs, au microscope x60, une couche superficielle est différenciable, surtout dans les blancs légèrement empâtés où des amas sont

Figure 65. Amas de vernis oxydés dans

visibles. Sous un rayonnement UV, aucune fluorescence

les blancs, vus à la loupe binoculaire x8

particulière n’est observée. Peut-être y a-t-il trop d’encrassement en surface, mais aussi est-il possible que ce vernis ait été allégé durant la dernière campagne de restauration. C’est pourquoi la nature de ce vernis est difficilement identifiable, tout comme son caractère original.

II. LES ALTERATIONS DES MATERIAUX

A) L E SUPPORT Le support est très encrassé. Des projections diverses sont observables au revers : enduit, taches noires. Des scrupules sont amassés sur la partie inférieure au niveau des plis des bords de tension au revers.

97

BALL, Philip. Op. Cit., page 50. DELCROIX, Gilbert. HAVEL, Marc. Op. Cit., pages 129 à 137. 99 Idem, page 137. 100 PETIT, Jean. ROIRE, Jacques. VALOT, Henri. Op. Cit., page 372. 101 Lors de la restauration et du nettoyage, il sera finalement constaté que ce jaunissement est un repeint huileux qui n’était pas visible lors de l’observation sous UV. 98

63


- AFFAIBLISSEMENTS : ALTERATIONS NATURELLES D’ORIGINE ENVIRONNEMENTALE Une auréole est légèrement visible dans le coin inférieur dextre du tableau, preuve que le tableau rentoilé a été exposé à l’humidité. - RUPTURES : ALTERATIONS ACCIDENTELLES D ’ORIGINE MECANIQUE Il y a deux déchirures simples sur le côté senestre du tableau. Elles mesurent 4,5 cm pour celle placée le plus haut et 4 cm pour l’autre. Elles sont orientées dans le sens horizontal et suivent le sens des fils. Une troisième déchirure linéaire est visible au revers de la toile. Elle est verticale et mesure 3 cm. Il y a aussi une déchirure complexe sur le côté dextre du tableau. Elle mesure environ 43 cm au total, si chacun des segments est pris en compte. Elle est oblique à travers les fils et multidirectionnelle par endroits. Des petites déchirures de support sont notables sur le haut du tableau au niveau des trous de semences. Elles ne mesurent pas plus d’un centimètre. Deux petites perforations de toile sont aussi remarquables, l’une du côté senestre de la toile au niveau de l’arbre représenté, l’autre dans l’angle bas senestre.

Figure 66. Déchirure complexe située sur le côté dextre de la toile et déchirure simple du côté senestre

- DEFORMATIONS : ALTERATIONS NATURELLES D’ORIGINE MECANIQUE La toile était roulée sur elle-même, couche picturale à l’intérieur. De ce fait, de nombreuses déformations sont à relever. De manière générale, elles forment des reliefs vers l’observateur, ce qui pourrait impliquer des contraintes appliquées plutôt sur le revers.

64


De grands plis obliques sont marqués sur les parties latérales du tableau. Après observation du revers après les premières interventions de restauration102, il s’est avéré que certaines de ces marques de plis pouvaient correspondre à des anciennes traces d’écharpes d’un précédent châssis légèrement plus grand que celui qui maintient la toile de rentoilage. Une multitude de déformations plus mineures au niveau des manques de couche picturale est identifiable. De petites déformations sont à noter au niveau des bords de la déchirure complexe qui ont tendance à être pliés ou bombés. Des déformations en vagues sont généralisées sur l’ensemble du tableau. Des marques très nettes des traverses du châssis sont observables. Elles forment une croix.

Figure 67. Vue des déformations du support sous lumière du jour tangentielle

B) L E SUPPORT DE RENTOILAGE La toile de rentoilage présente des guirlandes de tension qui sont très visibles. De plus, la toile n’est absolument pas fixée selon le droit fil. Beaucoup de nœuds de toile peuvent être reportés. L’ensemble de la toile comporte des résidus de la colle de rentoilage, qui forment des amas.

Figure 68. Vue d'ensemble de la toile de rentoilage tendue sur le châssis 102

Voir le détail de l’intervention, page 99.

65


Elle présente des altérations naturelles d’origines biologiques. Elle est très empoussiérée et des scrupules sont amassés en bas sur la face. Elle est aussi très encrassée sur le recto comme au verso, puisque divers « déchets » sont notables comme des échardes de bois, des déjections d’oiseaux surtout au revers sur le côté senestre, des toiles d’araignées et des moucherons morts. Des altérations naturelles d’origines chimiques et environnementales sont notables sur les tranches. La toile présente des traces de rouille provenant des semences qui sont aussi oxydées. Enfin, une grosse auréole d’humidité sur toute la partie inférieure de la toile est visible. Elle correspond exactement au tracé des résidus de mastic et des lacunes de couche picturale sur la partie inférieure du tableau. Des petites lacunes d’origines accidentelles sont présentes sur le haut de la toile du côté senestre et en bas sur toute la longueur. Certains de leurs emplacements correspondent exactement à ceux des petites lacunes et déchirures de la toile originale. Enfin, une déchirure verticale linéaire est observable en bas de la toile du côté dextre. C) L E CHASSIS ET LES SEMENCES Le châssis est dans un bon état général. Cependant, il a subi de nombreuses altérations naturelles d’origines biologiques et chimiques qui sont aujourd’hui très visibles. Tout d’abord, de nombreuses déjections d’oiseaux sont présentes dans de multiples zones du châssis. Celui-ci est très poussiéreux. Des toiles d’araignées et quelques accrocs du bois sont remarquables.

Figure 69. Vue des déjections d'oiseaux et des accrocs dans le bois

Des auréoles d’humidité sont concentrées sur le bas de la toile. Il est visible que l’eau est remontée par capillarité dans les montants et la traverse verticaux. Des trous d’insectes xylophages parsèment le bois du châssis. Il peut donc être supposé que des galeries ont été creusées à l’intérieur de la structure. Néanmoins, cette infestation ne semble plus active aujourd’hui.

66


Les pointes fixant les montants et les traverses sont oxydées, rouillées mais le maintien de l’ensemble du châssis est toujours très bien assuré. Les semences utilisées pour tendre la toile de rentoilage sont oxydées et rouillées.

Figure 70. Vue des auréoles d'humidité et des pointes de fixation Figure 71. Vue des tranches, des semences et de la toile de rentoilage

D) L A COUCHE PICTURALE - ALTERATIONS DE LA COHESION : NATURELLES D’ORIGINE PHYSICO-CHIMIQUE Des craquelures d’âge forment un réseau sur l’ensemble du tableau. Elles sont le résultat d’une rupture de la couche picturale103 et sont multidirectionnelles. Dans la partie supérieure du tableau, une série de petites craquelures en escargots est visible.

Figure 72. Réseau de craquelures d'âge multidirectionnelles

Un réseau de craquelures prématurées multidirectionnelles peut aussi être observé. Cellesci pourraient résulter de la nature des pigments utilisés dans ces zones. En effet, les pigments possèdent des pouvoirs siccatifs plus ou moins importants. C’est notamment le cas des terres qui sont fortement siccatives. La couche correspondante sèche alors plus rapidement et se rétractent. Aussi ces types de craquelures pourraient s’expliquer par une

103

BERGEAUD, Claire. HULOT, Jean-François. ROCHE, Alain. Op. Cit., page 44.

67


différence de liants des couches de peintures, et leur ordre de séchage.104 Plusieurs petites zones sont concernées par ce type de craquelures : dans les angles supérieur et inférieur dextres et dans l’angle supérieur senestre.

Figure 73. Réseau de craquelures prématurées multidirectionnelles

- ALTERATIONS DE L ’ADHESION : NATURELLES D’ORIGINE PHYSICO -CHIMIQUE Un écaillage généralisé forme des lacunes diverses de couche picturale et de couche colorée. Des écailles sont entassées au milieu du rouleau, elles se sont donc déplacées et/ou retournées. Ce type d’altération est témoin de contraintes s’exerçant essentiellement à la limite toile/(encollage)/préparation.

Figure 74. Ecaillage formant des lacunes de couche picturale

De plus, au niveau du réseau de craquelures, des soulèvements des bords en toits sont identifiables. Ils sont plus importants aux abords des zones subissant un fort écaillage, c’està-dire sur la partie inférieure du tableau. Des usures de couche colorée sont aussi visibles, laissant paraître des sous-couches colorées.

104

ROCHE, Alain. Comportement mécanique des peintures sur toile : dégradation et prévention. Paris: CNRS éditions, 2003, pages 166 et 146 à 147.

68


Figure 75. Vue sous lumière tangentielle des soulèvements de couche picturale en toits

De manière générale, le tableau est très lacunaire. Les lacunes sont majoritaires du côté dextre. Elles sont très petites et parsemées du côté senestre. Enfin, les lacunes les plus étendues sont situées au centre de l’œuvre et sur le bord inférieur. - ALTERATIONS OPTIQUES : NATURELLES D’ORIGINE BIOLOGIQUE ET CHIMIQUE Un empoussièrement général est notable, ce qui a pour conséquence de former un voile grisâtre limitant la lecture de la couche colorée.

Figure 76. Photographie en lumière tangentielle exposant des différences de brillance et de matité Figure 77. Vue du voile grisâtre en surface formé par la poussière

A la lumière rasante, des différences de brillance et de matité sont visibles sur certaines zones. Au grossissement x8, le vernis apparaît oxydé dans les zones correspondant au ciel et dans les blancs. Il peut aussi être noté qu’au centre du tableau, des petits points brillants, transparents et tridimensionnels sont troublants. Cela ressemble fortement à des projections de vernis. Ces dernières semblent de nature hétérogène au vernis oxydé car la matière est translucide et non jaunie. Il pourrait s’agir d’une pulvérisation accidentelle postérieure à la création de l’œuvre et à la pose du vernis original.

69


Figure 78. Repeints rouges Figure 79. Projections de vernis observées sous loupe binoculaire x8

Certaines zones semblent correspondre à des repeints, nombreux, identifiables facilement à l’œil nu. Ce sont des apports extérieurs certainement appliqués lors d’une précédente intervention de restauration. Aussi, grâce à un examen sous rayonnement ultraviolet, cette affirmation est-elle confirmée. Ils sont rouges-orangés ou rouges foncés, assez fins et transparents, brillants, et recouvrent certaines zones de manières incohérentes. Ils sont posés, soit directement sur la toile dans les lacunes, soit sur un mastic blanc posé au préalable, soit directement sur la couche colorée, qui se perçoit alors par transparence. Leur nature doit être confirmée mais il se pourrait qu’ils soient huileux ou résineux.105

Figure 80. Tableau photographié lors de l'exposition aux rayons ultraviolets, les repeints sont visibles en noir

105

Voir les protocoles de tests, page 88.

70


Enfin, des traces blanches sont visibles sur toute la partie inférieure de la toile, elles correspondent à l’emplacement des auréoles d’humidité sur la toile de rentoilage. Vraisemblablement, il s’agit des résidus de mastics posés et repeints lors d’une précédente campagne de restauration. Ils pourraient avoir subi un apport d’humidité et se seraient solubilisés. De plus, aux abords de ces zones, la toile nue est recouverte de petits filaments grisâtres semblables à de la poussière. Il est alors décidé d’en prélever pour les mettre en culture dans une boîte de pétri pour savoir s’il s’agit de moisissures. Après quelques jours, des moisissures se sont développées dans la boîte de pétri. Il ne serait donc pas étonnant que les mastics de restaurations, l’encollage ou les résidus d’adhésif de refixage soient à base de colle de peau, sujette au développement des moisissures.106

Figure 81. Vue du bas du tableau, traces blanches probablement des résidus d’anciens mastics

Il peut être ajouté qu’un test de nettoyage a été effectué sur 2 x 2 cm dans la partie supérieure dextre du tableau. Il a certainement été effectué avec des solvants et un bâtonnet puisque des traces de passage mécanique sont visibles. Il est difficile de savoir quand cet essai a été effectué. Cependant, la zone est très claire, et les blancs de la couche colorée semblent être remontés en surface.

106

Voir les tests, le protocole de mise en culture et les résultats, page 89.

71


E) L ES RELEVES DES ALTERATIONS

Figure 82. Relevé des altérations du support

72


Figure 83. RelevĂŠ des altĂŠrations de la couche picturale

73


Figure 84. RelevĂŠ des zones lacunaires sans retrait des repeints et des mastics blancs anciens de restauration

74


III. L’HISTOIRE MATERIELLE DE L’ŒUVRE

L’étude de chacun des éléments du tableau met finalement en évidence une chronologie concernant sa conception. Au XVIIIème siècle, une toile d’un format probablement plus grand que 75,1 x 95,1 cm, car deux des bords de tension auraient pu être coupés, a été tendue. Puis, il est possible qu’elle ait été encollée. Elle a ensuite été préparée à l’aide d’une couche de pigments rouges broyés avec un liant lipidique, surmontée d’une couche d’impression grise certainement appliquée dans des zones particulières selon le dessin. Un premier projet a alors été initié. A-t-il été achevé ? Etait-ce le même artiste que celui qui entreprit de le repeindre ? Etait-ce la volonté de l’artiste ? Il est peu probable de le savoir un jour, surtout à partir des moyens disponibles. Toujours est-il qu’au cours du siècle, un artiste a conçu l’huile sur toile que nous voyons aujourd’hui. Avant 1979, date de l’inventaire rétrospectif de l’œuvre, le tableau était conservé au collège Gilles de Trèves de Bar-le-Duc. Ce lieu est en fait l’ancienne situation d’une majeure partie de la collection du musée barrois, installée dans le château depuis seulement 1976. La collection a été plusieurs fois déplacée depuis la seconde guerre mondiale où toutes les œuvres ont été conservées en caisses pendant des années puis dans l’actuel tribunal de grande instance de Bar-le-Duc. Peut-être que le tableau de mémoire a toujours fait partie de cette collection, beaucoup déplacée. Dans le dossier de l’œuvre du musée barrois, une note mentionne que le tableau, lors de l’inventaire de 1979, été déjà désentoilé, ce qui situe la restauration bien avant cette date. La toile a donc précédemment été rentoilée, de manière traditionnelle à la colle animale. Lors de cette campagne ou une autre, l’œuvre a été mastiquée puis repeinte. La surface a été vernie mais il est difficile de placer cette opération dans la chronologie. Toujours est-il qu’un vernis, original ou non, semble avoir été allégé.107 Après la campagne de restauration qui s’est terminée par une consolidation du support, le rentoilage s’est désolidarisé. Depuis les dernières opérations de récolement effectuées en août 2010, il est sûr que le tableau a été conservé dans les réserves du musée barrois, dans le centre technique municipal. Il a été conservé en forme de rouleau, désolidarisé de sa toile de rentoilage et de son châssis. Ces réserves, d’après la description qui en a été faite par la gestionnaire des collections, ne présentent pas des conditions idéales de conservation car la température n’y pas contrôlée. De plus, la réserve contient des fragments de moulages en plâtre procurant de la poussière. 107

Voir l’identification des matériaux, le vernis, page 62.

75


IV. DIAGNOSTIC DES ALTERATIONS

Il est important de connaître les origines des altérations afin de mieux les appréhender mais surtout afin de proposer un traitement en adéquation avec l’état de conservation de l’œuvre. En ce qui concerne le tableau de mémoire, il est évident que les altérations majeures sont structurelles et ont un impact non négligeable dans le développement d’altérations esthétiques. A) A LTERATIONS STRUCTURELLES Le premier problème qui s’est posé à l’œuvre, est la désolidarisation des deux toiles, originale et de rentoilage. Ces matériaux sont connus pour leur hygroscopicité. Une forte humidité relative, ou encore un contact direct avec l’eau, aurait pu les faire gonfler et provoquer des mouvements latéraux impliquant des forces de frottements entre eux. Ces contraintes pourraient être à l’origine de la perte d’adhérence entre ces deux toiles. Chronologiquement, la toile originale a dû se décoller progressivement du support de rentoilage, chose facilitée par l’absence de fixation de celle-ci sur le châssis des bords supérieur et senestre. Ce décollement progressif des bords puis du centre, a en quelque sorte provoqué une mise en rouleau « spontanée » et des déformations. Une exposition à l’humidité, qu’elle soit progressive, ponctuelle ou continue, est de toute évidence survenue avant 2010, date du récolement des collections du musée barrois. Le tableau était alors conditionné dans les réserves. Là, existent deux solutions ; le tableau était conservé dans ces réserves et un accident est survenu, comme une inondation par exemple, ou bien il était conservé dans un autre lieu non adapté ou dont les conditions n’étaient pas surveillées. Cette présence d’eau pourrait aussi être responsable de la formation d’auréoles d’humidité. Elles se forment notamment par déplacement d’agents oxydants comme la poussière, véhiculée par l’eau. C’est dans ce même contexte que le possible encollage aurait pu être solubilisé lui aussi. Cela aurait alors remis en cause son rôle d’intermédiaire permettant l’adhérence de la préparation au support. L’écaillage de la couche picturale est sans doute en partie dû à ce phénomène et la formation de lacunes s’en suit. Il a certainement aussi été aggravé par l’enroulement spontané du support, couche picturale à l’intérieur, provoquant des contraintes mécaniques très importantes. Elles sont à l’origine d’une perte de continuité. C’est surement le même processus en ce qui concerne les mastics blancs de restauration. L’apport d’eau a certainement aussi directement solubilisé ces mastics, ce qui expliquerait la présence de résidus blancs et le développement de moisissures sur le recto de la toile dans les lacunes de couche picturale.

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La préparation est cassante. Elle a donc perdu son élasticité et cela est tout d’abord dû au vieillissement naturel des matériaux, qui a conduit à une perte de plastifiants. Cette perte peut s’effectuer de nombreuses manières, comme par hydrolyse du film d’huile, notamment à cause d’une forte humidité108. La lixiviation peut aussi expliquer ce phénomène car correspond à l’extraction d’acides gras sous l’action d’un solvant provoquant un appauvrissement en liant et une perte de souplesse, responsables de cassures.109 De plus, certains pigments sont très siccatifs et influent sur le temps de séchage des films concernés. En effet, les couches composées à partir de ces pigments subissent une oxydation qui est plus rapide. Cela réduit leur souplesse et leur élasticité110. C’est le cas des pigments terre de Sienne, terre d’ombre, ocre rouge111, qui forment des films élastiques, ainsi que des pigments bleu de Prusse, jaune de cobalt et terre d’ombre brûlées qui forment des films durs et plus ou moins cassants112. Ces pigments sont susceptibles d’avoir été utilisés dans la couche colorée, ce qui pourrait expliquer la formation de craquelures prématurées par différence de temps de séchage entre les couches. Ces craquelures pourraient aussi s’expliquer par une différence de liant. L’ocre rouge quant à elle aurait pu être utilisée dans la composition de la préparation ce qui permettrait de comprendre sa perte d’élasticité. En outre, les couches mates et opaques contiennent plus de pigments que les autres113. La couche de préparation semblant avoir ces caractéristiques, il pourrait être envisagé une insuffisance en liant expliquant aussi cet aspect cassant. Enfin, il est bon d’ajouter que les propriétés mécaniques d’un film huileux dépendent toujours des compatibilités entre les pigments et les liants utilisés114. B) A LTERATIONS ESTHETIQUES De nombreuses manipulations et divers accidents peuvent être à l’origine des déchirures de la toile. La déchirure complexe sur le côté dextre a certainement été provoquée par un accident majeur comme une chute. Les plus petites déchirures sur le côté senestre sont beaucoup plus nettes, peut-être s’agit-il là de lacérations volontaires. De plus, celles observables au niveau des bords de tension semblent dues au décollement progressif sur support de rentoilage. Les semences maintenant les bords de tension, ceux-ci auraient cédé par endroits.

108

FELLER, Robert. On picture varnishes and their solvents. Londres : National Gallery of Art, 1985. Idem. 110 ROCHE, Alain. Op. Cit., page 83. 111 Idem, page 79. 112 DELCROIX, Gilbert. HAVEL, Marc. Op. Cit., page 126. 113 Idem, page 83. 114 Ibid., page 85. 109

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A la lumière tangentielle, il est visible de nombreuses petites déformations en relief qui laissent penser qu’il s’agit de divers enfoncements survenus au revers de la toile. Leurs origines peuvent être multiples ; objets posés, appuyés, ou coups. Les plis observés sous la même lumière ne correspondent pas au sens de la mise en rouleau, couche picturale à l’intérieur. Tout comme les marques de châssis, puisque la toile de rentoilage n’en présente pas, ils sont certainement antérieurs au rentoilage et dus à un mauvais conditionnement, des manipulations non adaptées, ou encore des accidents. De plus, une forte humidité relative peut favoriser la formation de déformations115. Le vernis est observable dans une zone du ciel, il a jauni. Il s’est donc oxydé naturellement.116 Les amas formés dans les reliefs de la pâte sont dus à la mise en œuvre. L’encrassement et l’empoussièrement de toute la surface du tableau proviennent de manière générale d’un lieu de conservation antérieur à celui du musée, donc avant 1979. En effet, dans l’ancien lieu de conservation, au collège Gilles de Trèves de Bar-Le-Duc, les œuvres étaient entreposées dans un lieu non climatisé, non entretenu et non isolé des courants d’air. De plus, une collection de plâtres était présente. Les flux d’air auraient pu soulever les poussières de plâtre et les déplacer. Des polluants liés à la circulation automobile de l’agglomération et des nuisibles divers pourraient être responsables de certaines altérations esthétiques en surface. C) C ONCLUSION DU DIAGNOSTIC Les conditions environnementales, essentiellement l’humidité, ont causé des altérations physico-chimiques. Elles ont entraîné des réactions mécaniques qui, associées à des accidents de manipulation et de conditionnement, ont alors provoqué les altérations structurelles et esthétiques majeures.

115 116

BERGEON, Ségolène. Op. Cit., page 608. Lors du nettoyage, il sera constaté que cette zone était en fait un repeint jaune.

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V. LES TESTS ET OBSERVATIONS SERVANT L ’IDENTIFICATION DES MATERIAUX A) T ESTS DE LA PREPARATION Durant ces tests, il est recherché la nature du liant et celle de la charge de la préparation. Puis, ces expérimentations permettront de déterminer l’état de cohésion et d’adhérence de cette couche clé de la stratigraphie de la peinture. Elles sont effectuées sur certaines des nombreuses écailles retournées, déplacées, prélevées sur les bords du tableau. Il est important de rappeler que cette préparation est double, rouge avec une couche d’impression grise. Il faut donc prendre du recul par rapport aux tests qui donnent des indices sur l’ensemble de cette préparation et non sur l’une ou l’autre des couches. Il faut donc rester prudent. - T EST 1 : LA GOUTTE D’EAU L’eau peut dissoudre ou faire gonfler considérablement une préparation maigre, contenant un liant aqueux. Alors, une goutte d’eau déminéralisée à température ambiante est déposée sur le dos d’une écaille sur lequel il n’est pas observé de résidus d’encollage au compte-fil. L’eau ne pénètre pas du tout dans la couche de préparation et elle ne se teinte pas de rouge même en grattant la surface à l’aide d’une aiguille. Il peut donc être affirmé que cette couche de préparation n’est ni poreuse, ni ne contient de liant aqueux. Elle ne semble pas non plus contenir des argiles, solubles dans l’eau. - T EST 2 : LA CHALEUR La chaleur peut faire fondre une préparation grasse non réticulée. Une aiguille chauffée est mise en contact avec la préparation. Celle-ci fond instantanément en se rétractant sur ellemême. La préparation contient vraisemblablement des composants lipidiques.

Figure 85. Observation de la préparation après contact d'une aiguille chauffée, au compte-fil (x4)

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- T EST 3 : T EST DES CARBONATES L’acide chlorhydrique provoque une forte effervescence lorsqu’il est en contact avec des carbonates, qui peuvent composer les charges de certaines préparations. C’est pourquoi, une goutte d’acide chlorhydrique est déposée au dos d’une écaille. L’effervescence est immédiate et longue, jusqu’à décomposer complètement l’écaille. Celle-ci contenait donc des carbonates, mais il n’est pas possible d’affirmer si les deux couches de la préparation étaient concernées, ou bien seulement l’une ou l’autre. La préparation pourrait donc avoir été préparée à base de carbonate de calcium, une sorte de craie.

Figure 86. Effervescence et décomposition de l'écaille sous l'effet d'une goutte d'acide chlorhydrique, vues au comptefil(x4)

- T EST 4 : LA COHESION Une aiguille est utilisée pour tester les résistances mécaniques d’une écaille, en grande partie composée de préparation. En la grattant, rien ne se passe, la préparation ne s’effrite pas. Par contre, une simple pression la casse en plusieurs morceaux. Le manque d’élasticité de cette couche est donc notable. - T EST 5 : SENSIBILITE A CERTAINS SOLVANTS TRES UTILISES En déposant une goutte de solvant spécifique, les réactions de la couche de préparation au dos d’une écaille sont observées au compte-fil. L’eau chaude, l’éthanol, l’acétone et le white spirit sont testés l’un après l’autre et aucune réaction particulière n’est notée. L’écaille ne se dissout pas, ne fond pas et il n’y a pas d’effervescence. - CONCLUSION La préparation semble donc être lipidique et non poreuse. Elle contient des carbonates et est cassante. B) T ESTS DES MASTICS Les mêmes tests qui ont permis de se renseigner sur la nature de la préparation, sont effectués sur des écailles de mastics anciens de restauration. En vue de leur retrait, mais surtout pour comprendre certaines altérations, il est important d’en connaître leur nature.

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- T EST 1 : LA GOUTTE D’EAU Une goutte d’eau déminéralisée à température ambiante est déposée au dos d’une écaille de mastic. L’eau est absorbée immédiatement et des bulles d’air remontent en surface, témoignant de la porosité de cette couche. De plus, l’écaille se ramollit puis se désolidarise lorsqu’une aiguille vient gratter la surface. Le mastic semble donc être composé d’un liant aqueux, et sa couche est poreuse. - T EST 2 : LA CHALEUR Lorsqu’une aiguille chauffée est placée en contact avec le mastic, l’écaille reste intacte et ne fond pas. Elle ne contient donc pas de liant gras. - T EST 3 : T EST DES CARBONATES Le dépôt d’une goutte d’acide chlorhydrique sur le mastic provoque une forte effervescence témoignant de la présence de carbonates dans sa composition.

Figure 87. Observation au compte-fil (x4) de l'effervescence sur une écaille de mastic, provoquée par l'acide chlorhydrique

Les anciens mastics semblent être composés d’une charge comprenant du carbonate et d’un liant aqueux. Ils sont poreux et peu cohésifs. - T ESTS 4 : SOLVANTS USUELS L’eau chaude accélère le ramollissement de l’écaille de mastic ancien. L’éthanol et l’acétone n’ont aucun effet sur cette couche. Enfin, le white-spirit ne semble pas solubiliser le mastic mais celui-ci devient très cassant à son contact. C) T ESTS DE NATURE DE TOILE ORIGINALE 117 Ces tests ont pour objectif de déterminer la nature de la toile, c’est-à-dire naturelle, le plus souvent végétale ou animale ; ou synthétique118. Un seul et même fil est utilisé lors de tous les tests exposés. Il s’agit d’un fragment de fil issu de la toile originale du tableau de

117 118

BROSSARD, Jean. Technologie des textiles. Paris : Dunod, 1988, pages 19, 20 et 25. Idem, page 3.

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mémoire, retrouvé et prélevé à côté du tableau, parmi les écailles. Il peut être ajouté que le textile semble a priori être du lin.

Figure 88. Fil avant tout test Figure 89. Fil avant tout test, vue au microscope optique x60

- T EST 1 : COMBUSTION Le coton est conducteur de chaleur et brûle rapidement avec une flamme visible en laissant des cendres grises. Le lin brûle rapidement avec une flamme vive en dégageant des vapeurs acides et en laissant des cendres grises. Ce test de combustion peut donc mettre en évidence des fibres végétales. Le fil est brûlé. La combustion est très rapide, la flamme est bien visible et les cendres sont grises. Il peut donc être affirmé que les fibres composant le fil du tissage de la toile originale du tableau sont végétales.

Figure 90. Vue du fil après combustion avec les cendres grises

- T EST 2 : LA GOUTTE D’EAU Pour différencier les fibres végétales, le test de la goutte peut aider. Sur une surface de coton, la goutte reste en surface, puis finit par pénétrer. Sur une surface de lin, elle est absorbée directement. Une goutte d’eau déminéralisée est déposée sur le fil. L’eau pénètre et progresse par capillarité pour mouiller toute la longueur. Ce test avance aussi l’affirmation d’une toile de lin.

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Figure 91.Goutte d'eau venant d'être déposée sur le fil Figure 92. Vue du fil sous microscope optique x60, l'eau a progressé par capillarité jusqu'à son extrémité

- T EST 3 : LE SECHAGE Un fil de lin a tendance à sécher plus vite qu’une fibre de coton car celui-ci peut retenir une grande quantité d’eau. Les deux types sont alors comparés, celui de lin est toujours le fil du tableau. Le fil de coton est un fil témoin, issu d’une toile neuve industrielle non préparée. Les fils sont alors trempés dans de l’eau bouillante puis mis à sécher. Leur temps de séchage est ensuite noté.

Figure 93. Fil du tableau venant d'être extrait de l'eau bouillante, vu au microscope optique x120 Figure 94. Fil du tableau après séchage, vu au microscope optique x120

Au bout de quatre minutes, le fil issu de la toile de l’œuvre commence déjà à sécher. Au bout de sept minutes, il est totalement sec. Par contre, ce temps-là ne permet pas à l’eau de s’évaporer du fil de coton. La fibre du fil du tableau est donc vraisemblablement du lin. - T EST 4 : T EST DES SOLVANTS Pour déterminer si un fil est de lin, de chanvre, ou de jute, un test chimique peut être effectué. Il consiste en une succession de bains d’éthanol pur, de permanganate de potassium à 1% dans de l’eau déminéralisée, d’acide chlorhydrique à 3% dans l’eau déminéralisée, et dans l’ammoniac pur. Le fil est rincé entre chaque bain. Si le fil devient

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rose, c’est du chanvre, s’il devient rouge, c’est du jute. Si le fil retrouve une couleur blanche, c’est du lin. Suite à ce test, et après séchage du fil, celui-ci est blanc. Il s’agit donc là de lin.

Figure 95. Fil du tableau après le test des solvants, vu au microscope optique x120

- T EST 5 : OBSERVATION AU TRES FORT GROSSISSEMENT Une préparation microscopique est ensuite effectuée. Des fibres du fil sont prélevées et déposées sur une lame de verre. Une goutte d’eau déminéralisée est posée puis recouverte par une dernière lame de verre, très fine. Cette dernière se plaque. Les bulles d’air sont chassées et l’observation peut commencer.

Figure 96. Observation du fil sous microscope optique au grossissement x100 Figure 97. Observation du fil sous microscope optique au grossissement x400

Les fibres sont longues et régulières. Des jointures sont visibles, elles forment des lignes sombres perpendiculaires à la fibre, observable ci-dessus au grossissement x100. Jean Brossard dans son ouvrage dit des fibres de lin qu’elles sont « assez régulière[s], mais présente[nt] quelques plis de flexion »119, alors que « la fibre de coton a la forme d’un ruban replié sur lui-même. »120 Cela se vérifie lors d’une comparaison effectuée avec du coton non tissé acheté dans le commerce. En effet, la fibre a bien la forme d’un ruban qui se courbe et se plie dans plusieurs sens.

119 120

BROSSARD, Jean. Op. cit., page 35. Idem, page 19.

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Figure 98. Observation d'une fibre de coton non tissé commercial au microscope optique x400 Figure 99. Fibres de lin antique grec au microscope électronique à balayage au grossissement x1000, musée des Manufactures de dentelle, Retournac / ©musée des Manufactures de dentelle

De plus, les vues au microscope sont recoupées avec des ressources visuelles de fibres avérées de lin. Sur le cliché ci-dessus, elles sont observées à un très fort grossissement et les plis de flexion sont bien visibles. Toutes ces observations et tests permettent d’affirmer que la toile du tableau de mémoire est tout d’abord d’origine végétale mais plus précisément est vraisemblablement de lin. D) T ESTS DE NATURE DE LA TOILE DE RENTOILAGE 121 Une observation à l’œil nu est suffisante pour affirmer que la toile de rentoilage ne présente pas les mêmes caractéristiques que la toile originale. Il semble évident que la toile n’est pas du lin mais bien d’une nature différente. C’est pourquoi les tests effectués précédemment pour identifier les fibres de la toile originale sont reconduits pour identifier celles de la toile de rentoilage. - T EST 1 : COMBUSTION La combustion est lente et la flamme peine à être visible. Elle dégage une fumée grisâtre tout comme les cendres qui en résultent. - T EST 2 : LA GOUTTE D’EAU DEMINERALISEE Au compte-fil (x4), le fil apparaît très compact, très serré et il est facile d’imaginer que l’adhésif de rentoilage est toujours présent car les fibres ont vraiment un aspect « collé ». Une fois la goutte déposée au milieu du fil, l’eau pénètre et parcourt lentement sa longueur jusqu’aux extrémités par capillarité. Il est même observé que le fil tourne sur lui-même au fur et à mesure que l’eau progresse. Le fil n’a pas réagi comme le fil de lin.

121

BROSSARD, Jean. Op. Cit., pages 42 et 48.

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- T EST 3 : LE SECHAGE Le fil est ensuite plongé dans l’eau bouillante puis mis à sécher à l’air libre. Il est remarqué que le fil a absorbé beaucoup d’eau car une fois déposé sur une surface, l’eau s’étend. Malgré les tentatives pour éloigner le fil pour diminuer la quantité d’eau absorbée, l’eau est toujours attirée par le fil. Celui-ci a donc une grande capacité d’absorption d’eau. Or, le chanvre a un type de fibres qui se gonfle fortement à l’eau.122 Trente-cinq minutes sont nécessaires pour que le séchage soit complet. Le fil ne se comporte donc pas comme le lin, ni à l’eau, ni au séchage. - T EST 4 : LE TEST DES SOLVANTS 123 Ce test est adéquat pour différencier des fibres de lin, de jute ou de chanvre. Après avoir suivi le protocole, le fil est ressorti. Il a une couleur rose/rougeâtre. Il pourrait donc s’agir de jute ou de chanvre. - T EST 5 : OBSERVATION AU MICROSCOPE OPTIQUE Les fibres sont longues et bien alignées. Aucune jointure n’est observée. Elles semblent aussi plus épaisses que les fibres de la toile originale de lin. Or, les fibres de lin ont la caractéristique d’être bien organisées en faisceaux124. De plus, les fils de chanvre sont plus grossiers que ceux de lin.125 La comparaison avec des visuels de fibres avérées de chanvre et de jute permet d’ajouter une remarque importante. La fibre de jute présente des cassures visibles qui forment une sorte de mosaïque en surface (voir les photos de la page suivante).

Figure 100. Observation des fibres de la toile de rentoilage au microscope optique au grossissement x100

122

GUTKNECHT, J. Le coton, matière première de France. Bagneux : Institut textile de France, 1976, page 16. 123 Voir le protocole du test des solvants pour l’identification de la toile originale, pages 81 à 85. 124 GUTKNECHT, J Op. cit., page 16. 125 Idem, page 15.

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Figure 101. Fibres de jute au microscope électronique à balayage au grossissement x100 / ©sciencedirect Figure 102. Fibres de chanvre au microscope électronique à balayage / ©sciencedirect

- CONCLUSION SUR LA NATURE DE LA TOILE DE RENTOILAGE Il est donc difficile de déterminer la nature de cette toile ; à savoir jute ou chanvre. Par ailleurs, le nom dérivé du jute est « le chanvre de Bengale », cela explique pourquoi il est dur de les différencier126. Cependant, il semble qu’elle soit de chanvre selon les tests et observation effectués. Dans tous les cas, la toile de rentoilage n’est ni de même aspect, ni de même nature que la toile originale. Il peut être ajouté que le chanvre était au jusqu’au XVIIIème siècle la fibre la plus prisée en France alors que les tissages de lin apparaissent progressivement pour le remplacer.127 Cependant, la production traditionnelle de la fibre de chanvre est toujours performante dans les régions françaises de Basse Normandie et ce jusqu’au XIX ème siècle. Elle était aussi importée des pays du nord comme l’Allemagne, la Prusse, la Hollande et les Flandres128. En ce qui concerne la toile de jute, elle est introduite en France à la fin du XVIIIème siècle et se développe beaucoup au XIXème siècle.129 L’intervention de rentoilage a probablement pu se dérouler au XIXème siècle, là où jute, chanvre et lin coexistent. E) D ETERMINATION DE LA NATURE DE L ’ ADHESIF DE RENTOILAGE Après l’observation à l’œil nu d’un fil de la toile de rentoilage, il a été remarqué un aspect particulier qui pouvait faire penser à la présence d’un adhésif qui correspondrait à celui utilisé pour le rentoilage de la toile originale. Il est donc entrepris un test simple pour essayer de déterminer sa nature. L’eau froide fait gonfler le collagène d’un adhésif protéinique. Une goutte d’eau froide est simplement déposée dans un coin sur la toile de rentoilage préalablement dépoussiérée à l’aide d’une brosse à dents. 126

GUTKNECHT, J. Op. Cit., page 16. LABREUCHE Pascal. Op. Cit., pages 27 et 28. 128 Idem, page 31. 129 BERGEON, Ségolène. Op. Cit., page 498. 127

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Tout d’abord, la goutte reste en surface, bien ronde. La toile n’est pas perméable. Puis, au bout de trois minutes, l’eau pénètre dans les fibres. Au toucher, la zone devient poisseuse et légèrement collante. Il y a donc bien un adhésif présent qui gonfle à l’eau froide. Il se pourrait donc que sa nature soit en partie collagénique. Le rentoilage avait donc certainement été traditionnel, réalisé à la colle de pâte. F) T ESTS DE NATURE DE COUCHE COLOREE ET TESTS DE SENSIBILITE

L’accès à la couche colorée est limité à la surface d’une écaille ramassée parmi les centaines présentes déplacées sur le tableau. A l’aide d’un petit coton tige imbibé d’eau déminéralisée à température ambiante et d’une légère action mécanique, très limitée de par la taille de l’écaille, il n’est pas remarqué une sensibilité particulière de la couche colorée à l’eau. Cependant, il ne faut pas l’affirmer car le jugement pourrait être altéré par la présence d’une fine couche de vernis non visible. Tout de même, la couche colorée semble être une peinture à l’huile. Le même test est réalisé sur une écaille provenant d’anciens mastics repeints. L’eau et l’action mécanique n’ont aucun effet sur le soulèvement de couleur.

Figure 103. Vue sous microscope optique au grossissement x225 de la couche de repeint fondue après la pose d'une aiguille chauffée

Une aiguille chauffée fortement est posée sur une écaille où un repeint orange est présent. La couche fond instantanément. Elle peut donc aussi bien être huileuse que résineuse. Il est ensuite cherché à savoir si cette couche colorée est sensible à certains solvants susceptibles d’être utilisés dans des futurs traitements. Un coton tige est donc trempé dans l’éthanol puis appliqué délicatement dans la partie supérieure du tableau, beaucoup plus cohésive et moins sujette à l’écaillage. La couche picturale ne se décolore pas, ne se décolle pas, donc l’éthanol ne semble pas avoir d’effets notoires sur la couche picturale de ce tableau. Il en va de même pour le white-spirit.

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G) T ESTS DE PRESENCE D ’ ENCOLLAGE Un encollage est difficile à observer et d’autant plus lorsque la toile originale a été rentoilée. Peut-être que le tableau a été préalablement refixé par le revers et dans ce cas ce qui est alors observé est l’adhésif de refixage. Il est tout de même important de noter ces observations puisque cet adhésif a pénétré dans la stratigraphie du tableau. L’accès du revers étant compromis à cause du fort écaillage de la couche picturale, ce test a été effectué par la face du tableau, dans une lacune dans le coin supérieur dextre du tableau, sur environ 1 cm². La zone a tout d’abord été dépoussiérée puis une goutte d’eau froide a été déposée en surface. L’eau ne pénètre pas tout de suite dans le tissage, ce qui signifie que la surface n’est pas Figure 104. Localisation du test

perméable. Il y a donc probablement la présence d’une substance isolante sur le tissage. Il faut attendre trois minutes

pour que l’eau s’infiltre à travers les fils. Au bout de quatre minutes, les fils brillent et sont collants au toucher. Il pourrait donc s’agir d’un adhésif à base de collagène ou encore à base d’amidon puisqu’ils sont tous deux transparents. H) MISE EN CULTURE Les filaments apparaissant comme de la poussière aux abords des résidus des anciens mastics de restaurations sont suspects. Il est décidé de les prélever sur la toile nue à l’aide d’un coton tige sec. Celui-ci est ensuite frotté sur la surface gélifiée de la boîte de pétri préparée par un laboratoire. Le contenant est ensuite refermé avec le couvercle qui est alors fixé avec du ruban adhésif. La fermeture ne doit pas être hermétique pour laisser passer de l’air. La boîte est ensuite placée dans une pièce chauffée, au-dessus d’une source de chaleur pour que la température soit supérieure à 25°C, température à laquelle les moisissures se développent plus facilement. Au bout de trois jours, des moisissures se sont développées dans la boîte de pétri. Elles forment de petits amas dispersés dans l’enveloppe. Ces amas mesurent plus ou moins 7 mm de diamètre. Ils sont blancs, et parfois surmontés de petites taches jaunâtres. Au bout de deux semaines, les amas se sont rejoints et sont devenus noirâtres.

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I) O BSERVATION DU BOIS DU CHASSIS ET DETERMINATION DE SA NATURE

Une écharde du châssis a été récupérée afin d’être observée au microscope.

Figure 105. Observation du bois du châssis sous microscope optique au grossissement x100 Figure 106. Observation du bois du châssis sous microscope optique au grossissement x400

Les fibres de bois observées sont longues, très proches les unes des autres et placées les unes à côté des autres dans la longueur. De petits segments perpendiculaires à ces fibres sont observés. Les fibres esseulées sont transparentes et d’une couleur jaunâtre qui donne à l’ensemble une couleur orangée. Les segments perpendiculaires correspondent certainement aux rayons ligneux, témoins d’un système de parenchyme130 dans la structure du bois. Celui-ci est présent dans des bois résineux, de la famille des Pinaceae.131

Figure 107. Vue de face du bois d'un montant de châssis et des cernes annuels Figure 108. Sapin Baumier, en vue transversale avec les cernes annuels132

La comparaison de la coupe transversale correspondant au montant du châssis est effectuée avec celles d’un sapin, d’un pin et d’un épicéa. Il est alors remarqué que la distance des cernes d’âge et leur apparence en ce qui concerne le bois du châssis sont semblables à celles du bois d’un sapin. 130

Committee on Nomenclature International Association of Wood Anatomists. Multilingual glossary of terms used in wood anatomy. Version française traduite par D. Normand. Nogent-sur-Marne : Centre technique forestier Tropical,1964, page 61. 131 CARRERAS RIVERY, Raquel. Identificacion microscopica de las 25 maderas europeas mas frecuentes en bienes culturales. Copie de l’ouvrage offerte par l’auteur en pdf, 2013, 134 pages. 132 BECK HOUGH, Romeyn. The Woodbook, The Complete Plates. Taschen, 2007, page 470.

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2. NECESSITE D’INTERVENTION

Les interventions de conservation-restauration sont souvent nécessaires pour rétablir l’intégrité physique et esthétique d’une œuvre afin de lui restituer sa dimension historique mais surtout pour lui permettre de toujours témoigner de celle-ci dans le futur. Dans le cas de ce tableau, il semble alors nécessaire d’intervenir. Sans stabilisation de la stratigraphie de l’œuvre, celle-ci subira encore des contraintes mécaniques beaucoup trop importantes, perpétuant ainsi les phénomènes d’altérations. S’ils progressent, la lecture de l’image sera de moins en moins possible. Enfin, des considérations au point de vue de la conservation permettront de ralentir les phénomènes naturels d’altérations. Il s’agira d’une intervention structurelle fondamentale, sans quoi le tableau est voué à la disparition. Par ailleurs, ce tableau a une valeur historique et patrimoniale qui mérite d’être préservée.

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3. CAHIER DES CHARGES

Il l’a été démontré, le tableau ne doit plus être exposé à l’humidité comme il l’a été pour éviter tout phénomène d’hydrolyse, de déformations ou de développement de moisissures. Il n’est pas envisageable de conserver un châssis fixe et non chanfreiné, il faut prévoir son remplacement, de même que le support de consolidation peu semblable, usé, oxydé et présentant nombre d’altérations biologiques. S’il s’avère nécessaire de proposer une consolidation du support, celui-ci devra s’apparenter le plus possible à la toile originale, tant dans ses caractéristiques physico-chimiques que mécaniques. Le support doit retrouver sa planéité initiale afin d’éviter les contraintes mécaniques, de remédier aux altérations optiques et de rééquilibrer les forces au sein de la stratigraphie. Les écailles en soulèvement doivent être maintenues et remises dans le plan sans mettre à mal leur intégrité physique. L’encrassage et les repeints, qui sont tous incohérents, ainsi que les anciens mastics doivent être supprimés afin de retrouver une continuité optique de l’œuvre. Ce sont des éléments externes et étrangers à l’œuvre qui peuvent entraver sa bonne conservation. Enfin, les conditions de conservation, notamment environnementales et climatiques doivent être considérées pour réduire les risques de formation d’altérations physico-chimiques. Le lieu de conservation futur de l’œuvre facilite cette approche puisque le tableau devrait selon Mme Marguerite Préau, chargée de la gestion des collections, retrouver les salles d’expositions permanentes du musée barrois de Bar-le-Duc, bâtiment contrôlé et traité. Les produits utilisés doivent permettre une gestion de la viscosité, et donc de la pénétration capillaire à travers la stratigraphie, mais aussi un travail à chaud pour faciliter leur progression dans les matériaux peu poreux. C’est en partie pourquoi les adhésifs naturels sont privilégiés.

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4. CARACTERISTIQUES DE L ’INTERVENTION IDEALE

Le métier de conservation-restauration d’œuvre d’art est soumis à un certain nombre de règles déontologiques, véritable fil directeur des réflexions entreprises pour établir un protocole de traitement et sauvegarder une œuvre dans les meilleures conditions. Il est nécessaire d’envisager la réversibilité de chaque opération en cas de besoin de dérestauration, la compatibilité des matériaux utilisés entre eux et avec ceux qui composent l’œuvre, et enfin la stabilité dans le temps des traitements et des matériaux appliqués. Un restaurateur se doit aussi d’être transparent et de documenter au maximum son travail non seulement pour garder une trace historique de celui-ci, mais aussi pour faciliter les restaurations futures. Cependant, les protocoles de traitements idéaux n’existent pas tant les matériaux, les phénomènes d’altérations et les dégradations elles-mêmes sont variées. Il faut donc établir le meilleur compromis afin d’atteindre les objectifs de la restauration tout en gardant en tête ces règles cruciales de déontologie. Dans le cas de ce tableau, il faudrait parvenir à refixer l’ensemble de la couche picturale en écaillage, rétablir la planéité du support, rétablir la cohésion et l’adhérence de la stratigraphie, consolider le support et rétablir la continuité de l’œuvre, en utilisant des techniques et des matériaux réversibles, compatibles et stables.

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5. PROPOSITION DE TRAITEMENT ET CHOIX DES MATERIAUX

Le support doit retrouver sa planéité, il faudrait donc procéder à un cartonnage. Il doit aussi retrouver sa continuité, c’est pourquoi les déchirures et les lacunes doivent être reprises une à une après une observation précise de la toile. La déchirure complexe semble justifier une consolidation du support, mais une observation de la totalité du revers de la toile est nécessaire avant de déterminer la nature de l’intervention. La couche picturale nécessite en premier lieu d’être refixée car l’écaillage est important. La surface de la peinture doit être dépoussiérée, décrassée, et rendue saine. Puis, les amas de vernis oxydées doivent être allégés de manière approfondie pour retrouver une cohérence de l’ensemble de la surface. Les anciens mastics de restauration et les repeints doivent être supprimés, ce qui implique que les lacunes doivent être mastiquées, puis retouchées. Enfin, un vernis final protecteur doit être appliqué pour protéger la surface. Le tableau doit être retendu sur un châssis neuf, à clé et chanfreiné pour garantir la meilleure tension possible en fonction des conditions environnementales, mais aussi pour éviter les marques sur la couche picturale. Les matériaux utilisés doivent être compatibles entre eux et avec ceux qui sont intrinsèques à l’œuvre. Il semble judicieux de jouer sur leur nature afin d’en tirer les caractéristiques avantageuses : notamment pour la protection de surface au cours de laquelle l’adhésif ne doit pas trop pénétrer pour ne pas fermer la stratigraphie et permettre une opération de refixage à chaud au revers, ce qui peut être permis par les adhésifs naturels. Ces derniers sont privilégiés pour la reprise de déchirures et les poses de comblements de lacunes. De surcroît, si une consolidation de support est entreprise, le choix d’un rentoilage traditionnel à la colle de pâte doit aussi permettre de procéder à un refixage final. En ce qui concerne les liants de retouche et les vernis, ils doivent permettre une certaine matité, ou du moins un aspect satiné, comme la surface du tableau.

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6. PROTOCOLE DE TRAITEMENT133 Le traitement du tableau ne peut pas commencer par un décrassage, ni même un travail sur le vernis car la surface picturale subit un fort écaillage134. La couche picturale doit donc être impérativement refixée par le revers le plus rapidement possible. Pour y parvenir, la surface doit dans un premier temps être protégée pour permettre un travail sur le revers. 1) Le problème majeur pour débuter le traitement est concentré sur la déchirure. Elle est multidirectionnelle et présente des plis. Dans l’objectif de procéder à une protection de surface de l’ensemble du tableau, cette déchirure doit être au minimum remise dans le plan. Pour cela, des morceaux de ruban adhésif Tesa®, d’environ 2 cm x 5 mm, doivent être disposés perpendiculairement au sens local de la déchirure, pour maintenir ses bords. Ces adhésifs devront être posés délicatement, en passant sous la toile ou dans l’ouverture de la déchirure de façon à ne pas faire sauter des écailles. Les parties pliées nettement seront traitées après une protection de surface locale. 2) Avant toute application de matériaux extérieurs au tableau, celui-ci doit être dépoussiéré dans la limite du possible pour éviter que les poussières ne soient fixées et empêchent finalement l’adhérence du papier sur la couche picturale. Un pinceau ou une brosse à poils très doux, de chèvre par exemple, pourra être utilisé. Cette opération devra s’effectuer seulement dans les parties du tableau les plus stables, les moins sujettes à l’écaillage. C’est le cas de la partie supérieure de la couche picturale. 3) Des protections de surface au papier Bolloré®, posées à la colle de pâte diluée et protégée135, doivent être appliquées dans un premier temps au niveau des morceaux de ruban adhésif Tesa®, sur les alentours des plis marqués de la déchirure, ainsi que sur les alentours des bords de la toile repliés sur eux-mêmes. 4) Avant de poser une protection générale, les bords de la toile doivent être aplanis à l’aide d’une spatule chauffante et d’un intermédiaire Mélinex®.

133

La grande déchirure complexe du support, du côté dextre du tableau, semble justifier un rentoilage. Le traitement a donc été réfléchi à partir de cette problématique de consolidation du support. Toutes les opérations ont donc été coordonnées en fonction de cette dernière et adaptées de la procédure préconisée par Emile Rostain. ROSTAIN, Emile. Rentoilage et transposition de tableaux. Puteaux : EREC, 1980, pages 48 à 76. 134 MASSCHELEIN-KLEINER, L. Les Solvants, Cours de Conservation 2. Bruxelles : Institut royal du Patrimoine artistique, 1994, page 9. 135 Par adjonction de fluorure de sodium.

95


5) La protection de surface peut alors s’envisager, avec un papier Bolloré® et de la colle de pâte diluée et protégée. Dans un premier temps, elle doit s’effectuée au niveau de la grande déchirure complexe, en contrôlant l’application sur les bords repliés qui devront alors être remis dans le plan. Puis, la protection doit être réalisée sur le reste de la couche picturale. Une protection sous tirants sera ajoutée ensuite avec le même papier et le même adhésif. 6) La toile peut ensuite être retournée et fixée sur le fond afin de travailler sur le revers. Un traitement fongique doit alors être apporté par le revers sur l’ensemble de la toile. D’après les tests effectués sur la couche picturale, l’éthanol ne la sensibilise pas136. Un traitement au nitrate d’éconazole et éthanol est donc envisageable.

7) Avant un quelconque apport d’adhésif, le revers de la toile doit être décrassé. Tout d’abord, une brosse et un aspirateur à aspiration variable peuvent être utilisés pour soulever et aspirer les poussières et la crasse superficielle. Une spatule peut préciser le travail, si elle n’impose pas trop de contraintes à la toile. 8) Les déchirures doivent ensuite être observées afin de déterminer si les bords rapprochés correspondent bien ou si des fils manquent. Si les bords de la déchirure sont décalés, il faut alors envisager une opération pour rétablir la continuité des fils, en découpant la protection de surface dans la déchirure, puis en posant des fils provisoires perpendiculaires à la déchirure, pour maintenir les bords dans leur position optimale. 9) Des mastics provisoires blancs doivent ensuite être posés au revers, au niveau des déchirures, trous de semences et des lacunes, en prévision des prochaines opérations visant à rétablir la planéité de la toile. 10) Ensuite, le premier refixage peut être réalisé par le revers. Dans l’idéal, ce refixage doit aussi remplir le rôle d’une consolidation de la préparation. Le refixage peut s’effectuer au pinceau avec un adhésif pénétrant au fort pouvoir adhésif, avec aspiration et chaleur pour faciliter sa pénétration. Le retrait de l’adhésif au séchage doit être faible. Le choix de l’adhésif doit se faire entre plusieurs adhésifs naturels. Ils sont en effet privilégiés pour leurs pouvoirs adhésifs connus, leur capacité à se

136

Voir les protocoles de tests, page 88.

96


solubiliser dans l’eau, ce qui est non-toxique, et en adéquation avec les matériaux du tableau, d’origine huileuse. Ils sont aussi applicables à chaud pour contrôler leur viscosité. Ce sont des adhésifs aux paramètres multiples et variables, un avantage considérable en restauration. Bien que sujets aux agents biologiques, ces adhésifs ne devraient pas constituer un problème majeur quant à cette caractéristique, puisque le tableau doit regagner les collections et les salles du musée, dont les conditions environnementales sont surveillées. Il a été retenu trois types d’adhésifs potentiellement utilisables pour cette opération de refixage. Ils sont aussi utilisés pour la consolidation de couche picturale ; la colle de peau, la colle d’esturgeon et le JunFunori®. Durant des recherches visant à déterminer l’adhésif qui pourrait être employé, a été écarté l’agar-agar, jugé non adéquat en tant que consolidant.137 Le JunFunori® est un adhésif d’algue rouge du Japon, le Funori, mais purifié.138 Il présente beaucoup de caractéristiques intéressantes, notamment optiques, mais n’a malheureusement pas un pouvoir adhésif suffisant pour prétendre assurer un refixage de couche picturale important comme pour celui envisagé pour ce tableau.139 La colle de peau et la colle d’esturgeon ont, à concentration égale, un retrait au séchage similaire. A petites concentrations, 3-4%, leur retrait est faible au séchage. Par contre, le pouvoir adhésif de la colle d’esturgeon est plus fort140. Des refixages à la colle de peau peuvent se faire à 8%141 rendant le retrait au séchage plus fort qu’une colle d’esturgeon. Néanmoins, il ne faut pas négliger l’accessibilité des matériaux, et la colle de peau est beaucoup moins onéreuse. 11) Une gaze provisoire à la colle de pâte diluée et protégée doit ensuite être posée. Elle permet le maintien provisoire du support durant le travail sur la surface de l’œuvre, notamment pour le nettoyage.142

137

SWIDER, Joseph. SMITH, Martha. Funori : overview of 300-year-old consolidant. JAIC, 2005, Volume 44, n°2, Article 5, pages 117 à 126. 138 MICHEL, Françoise. Funori and JunFunori: Two Related Consolidants With Surprising Properties. CCI Symposium, 2011, page 5. 139 ELIAS, Mody. SINDACO, Claudia. Le refixage et la consolidation des peintures non-vernies : une collaboration entre restaurateurs et scientifiques. In « Support Tracé », 2006, n°6, page 90. 140 JUSTE-GROENE, Marie-Agnès. Portrait d’un couple flamand : étude comparative des caractéristiques physiques des colles d’esturgeon. Paris : IFROA, 1993, pages 89 et 107. 141 GOUIN, Gabrielle. Rapport de restauration : Sainte-Famille avec saint Jean-Baptiste. Paris : Ecole de Condé, 2012, page 77. 142 JOUANNETEAU, Lucie. Rapport de restauration : Portrait d’un Homme de lettres. Paris : Ecole de Condé, 2012, page 102.

97


12) Puis, la protection de surface doit être retirée pour procéder au décrassage et au nettoyage de la couche picturale. 13) Le décrassage, le nettoyage de la surface peuvent ensuite être entrepris. Des tests seront effectués avant tout pour déterminer la procédure à suivre. Une fois la surface décrassée, le tableau doit de nouveau être observé sous UV afin de voir si une fluorescence du vernis ressort. En fonction de ces dernières observations, un protocole d’allègement de vernis approfondi sera proposé. Il en va de même pour les différents repeints et surpeints déjà identifiables, des tests seront effectués pour mettre en place une procédure adéquate. Des premiers mastics provisoires doivent alors être posés, toujours en anticipation des traitements de planéité du support. 14) Une protection de surface sous tirants avec un papier Bolloré® et de la colle de pâte diluée143 peut alors être posée. 15) Un cartonnage doit ensuite être entrepris pour rétablir la planéité de la toile, support du tableau. Un papier de fort grammage (environ 160 g.m-²), de type Canson®, doit être appliqué à la colle de pâte. Le cartonnage se fait sur un fond, avec un intermédiaire Mélinex®. 16) L’état de conservation du tableau influe sur le choix des traitements qui doivent lui être assujettis. La grande déchirure complexe sur le côté dextre du tableau, justifie un rentoilage traditionnel à la colle de rentoilage.144 Procédure de rentoilage :145 -

Retrait de la gaze provisoire par apport d’humidité et d’une éponge.

-

Retrait des mastics provisoires.

-

Incrustations de toile et reprises de déchirures fil à fil pour rétablir la continuité du support (et pontage pour éviter que les bords des déchirures ne remontent dans le futur). Les matériaux naturels comme le lin, la colle de pâte diluée seront privilégiés.

-

Refixage final au spalter puis repassage au fer.

-

Préparation de la toile de rentoilage, lin, qui doit être tendue droit fil sur un bâti de travail à tension réglable, puis décatie deux fois.

-

Pose des couches d’intervention à la colle de pâte.

143

JOUANNETEAU, Lucie. Op. cit., page 99. ROSTAIN, E. Op. Cit. page 50. 145 JOUANNETEAU, Lucie. Op. Cit. pages 107 à 110. 144

98


-

Encollage du revers de l’œuvre.

-

Encollage de la toile de rentoilage.

-

Positionnement de l’œuvre dans les marques de la toile de rentoilage.

-

Pose de bandes de kraft pour parfaire le scellage du rentoilage.

-

Repassage.

-

Décartonnage.

-

Nettoyage des résidus de colle sur la couche picturale.

17) Les lacunes doivent ensuite être mastiquées après la pose d’un vernis intermédiaire ayant pour rôle d’isoler les couches d’intervention dans le cadre de la restauration. Il semble judicieux de travailler sur un mastic blanc et des couches de fond correspondant aux couleurs sous-jacentes des zones concernées. 18) Puis, après un second vernis intermédiaire, et la tension de la toile sur un nouveau châssis sur mesure, chanfreiné et à clés146, la réintégration picturale peut commencer. Le liant de retouche ne doit pas être soluble dans les mêmes solvants que les vernis intermédiaires. Ce liant sera choisi suivant l’aspect de surface de la couche colorée avant l’intervention. 19) Enfin, un vernis final doit être appliqué sur la surface peinte, toujours en fonction de l’aspect de surface de la couche colorée décrassée. Le solvant de la résine ne doit pas pouvoir solubiliser la retouche. 20) Pour terminer, un bordage doit être réalisé afin de parfaire la tension de la toile sur son châssis, d’autant plus que la toile originale ne présente plus ses bords de tension. Il propose aussi une finition plus esthétique des bords du tableau.

146

ROSTAIN, E. Op. Cit. page 57.

99


7. DEROULEMENT DE L’INTERVENTION

Le protocole de traitement détaillé plus tôt a été suivi scrupuleusement lors des diverses interventions. Ces dernières ont débuté par des mesures urgentes visant à stabiliser la couche picturale avant toute opération de reprise de planéité, de cohésion et de consolidation de l’œuvre. En effet, la peinture est conservée à plat, face vers le haut et sans aucune possibilité de la retourner, puisqu’elle subit un phénomène d’écaillage important. Notez que les protocoles de décrassage, de nettoyage et de réintégration sont insérés dans le déroulement des interventions.

I. INTERVENTIONS PRIORITAIRES

A) A LIGNEMENT DES DECHIRURES Avant toute pose de papier de protection sur la face, il est d’abord primordial de s’assurer que les bords des différentes déchirures ne se chevauchent pas. Les bords de la grande déchirure multidirectionnelle correspondent parfaitement par la face. Ils sont maintenus dans cette position à l’aide de morceaux de ruban adhésif Tesa®147 au revers. Ces derniers sont placés de manière précautionneuse par la face à travers les espaces de la déchirure. B) P ROTECTION DE SURFACE Le tableau est ensuite protégé. Il est déposé sur un fond avec un intermédiaire Mélinex®148 aux mêmes dimensions. Puis, un papier Bolloré®149 est déposé puis collé sur la surface à la colle de pâte diluée150. Au niveau de la déchirure, la protection est faite en plusieurs parties afin que le papier ne tire pas sur les bords et ni ne les fasse chevaucher. En effet, le papier Bolloré® est composé de fibres alignées parallèlement. Ces fibres ont un comportement hygroscopique en présence d’humidité. Au séchage, le papier aura donc tendance à tirer dans le sens perpendiculaire aux fibres. Enfin, le système doit sécher complètement à l’air ambiant.

147

Voir la fiche du matériau en annexes, page 214. Idem, page 213. 149 Idem, page 213. 150 Voir la fiche de produit en annexes, page 182. 148

100


Fibres orientées verticalement

Fibres orientées horizontalement

Figure 109. Schéma de la disposition des papiers de protection de surface sur le tableau en fonction du sens de rétraction des fibres au séchage

Figure 110. Vue du séchage de la protection de surface du tableau placé sur un fond

C) T RAITEMENT FONGIQUE La protection de surface a permis de retourner l’œuvre et de la caler avec des cartons agrafés sur son fond. Le revers peut alors enfin être observé. Il est très encrassé. Des marques d’écharpes au niveau des quatre angles témoignent de la structure d’un châssis antérieur à celui qui accompagne l’œuvre dans les ateliers. Ces informations sont alors rapportées dans le constat d’état. De surcroît, il présente des moisissures. En effet, des filaments blancs sont visibles. Un traitement fongique est alors directement appliqué sur le 101


revers avec un pinceau. Trois applications à 24 heures d’intervalles sont réalisées avec du nitrate d’econazole en solution à 0,2%151.

Figure 111. Vue du revers du tableau, avant toute intervention

II. SOIN DU REVERS

A) P ROTECTION SOUS TIRANTS En vue d’un travail sur le revers de la toile, une protection sous tirants à l’aide d’un papier Bolloré®152 est effectuée. De la colle de pâte diluée153 est utilisée pour le collage du papier sur la surface du tableau. En effet, il est préférable d’appliquer une colle qui se gélifie vite en refroidissant pour limiter au maximum la pénétration d’eau à l’intérieur de la structure de la peinture pour ne pas risquer de nouveaux soulèvements.

Figure 112. Mise sous tirants du tableau

151

Voir la fiche de produit en annexes, page 199. Voir la fiche du matériau en annexes, page 213. 153 Voir la fiche de produit en annexes, page 182. 152

102


Le tableau est ensuite retourné afin de pouvoir travailler sur le revers. Il est tendu sur le fond à l’aide de bandes de papier kraft154 collées sur la périphérie, à l’eau. B) N ETTOYAGE DU REVERS Le nettoyage du revers est une étape indispensable pour permettre aux futures interventions de refixage et de rentoilage d’être un succès. La poussière, la crasse, les divers dépôts et résidus d’oxydation de la toile empêcherait la pénétration optimale des adhésifs dans la structure. Le revers est donc décrassé à l’aide d’un gel de méthylcellulose155 et d’une action mécanique au scalpel. En effet, des tests ont démontré qu’un nettoyage à sec avec une spatule rigide ne suffisait pas à ôter la majeure partie de la crasse mais surtout les amas divers accumulés en surface et qui s’avèrent très durs. Ils sont par ailleurs difficilement ramollis par l’apport du gel. Ces divers amas répartis sur la surface de la toile semblent être des perles de préparation rouge qui sont passées au travers de la trame lors de la mise en œuvre, mais aussi, de la même manière, des mastics dont le liant ne serait pas aqueux.

Figure 113. Vue du revers avant nettoyage Figure 114. Vue du revers après nettoyage

C) P OINT SUR LES DECHIRURES A ce stade des interventions, il est important d’observer les déchirures pour savoir si un réalignement des fils est nécessaire avant de poursuivre le protocole. Premièrement, les petites déchirures linéaires sont bien positionnées, aucun fil ne manque et aucun n’est en décalage. Deuxièmement, en ce qui concerne la déchirure complexe, des observations poussées sont nécessaires. Des lacunes sont visibles à certains endroits. Les fils ont alors été comptés afin de déterminer si certains manquent ou si l’écartement entre les bords de la déchirure est

154 155

Voir la fiche du matériau en annexes, page 214. Voir la fiche de produit en annexes, page 185.

103


anormal. Dans un premier temps, il peut être noté que les fils sont bien alignés. Ensuite, il ne manque que quelques fils, de 2 à 8, qui seront donc posés ultérieurement. Peut-être sera-t-il donc envisagé l’incrustation d’un petit comblement de lacune dans les zones trop ouvertes.

III. OPERATIONS PROVISOIRES NECESSAIRES AU TRAITEMENT DE LA FACE

A) C ARTONNAGE En vue du refixage de l’œuvre par le revers avec une colle collagénique, et pour plus de sécurité, il est décidé de procéder à un nouveau cartonnage de la face au papier Canson®156 et à la colle de pâte157. Le papier est d’abord humidifié, puis la colle y est posée à chaud. La feuille de papier est ensuite déposée sur la surface protégée de la peinture puis est appliquée avec les mains. Une spatule synthétique permet ensuite d’enlever les bulles d’air et l’excès de colle. Enfin, le papier doit sécher.

Figure 115. Cartonnage Canson® en cours de séchage

B) R EFIXAGE PROVISOIRE Après avoir retourné le cartonnage sur le fond, un refixage à la colle de peau de lapin à 7%158 dans de l’eau déminéralisée159 et protégée est ensuite effectué au revers de l’œuvre. La colle est appliquée chaude au pinceau, puis un fer à repasser chaud est glissé sur la surface avec un intermédiaire Mélinex®160 pour faciliter la pénétration du fluide dans la structure de la peinture. Cette opération est rapide, le fer ne passe qu’une fois à un endroit et ne stationne jamais.

156

Voir la fiche du matériau en annexes, page 214. Voir la fiche de produit en annexes, page 182. 158 Idem, page 183 159 Idem, page 201. 160 Voir la fiche du matériau en annexes, page 213. 157

104


L’objectif de ce refixage est de retrouver une adhérence convenable entre la préparation et la toile originale et donc de stopper l’écaillage dont le tableau fait l’objet. En outre, l’apport de chaleur et la concentration peu élevée ont peut-être permis de faire légèrement pénétrer la colle dans la préparation rouge pour ainsi la consolider. Toutefois, il est impossible de l’affirmer. C) P OSE D ’ UNE GAZE PROVISOIRE Avant de procéder au nettoyage de la surface de l’œuvre, il est important de s’assurer que le support ne bougera pas durant ce traitement, notamment au niveau des déchirures. Pour cela, une gaze161 provisoire épaisse est posée au revers de la toile, à l’aide de colle de pâte162. La colle est tout d’abord posée à la brosse, puis la gaze est déposée sur la surface. L’intermédiaire est ensuite appliquée avec les mains pour faire pénétrer la colle dans les fibres. Une deuxième couche de colle est ensuite passée, après un premier séchage.

Figure 116. Gaze provisoire après séchage

IV. TRAITEMENT DE LA COUCHE PICTURALE

A) D ECARTONNAGE Le tableau est alors retourné puis agrafé sur le fond de façon à en avoir la face visible. Il est ensuite décartonné en humidifiant puis en pelant successivement les trois papiers posés depuis le début des traitements.

161 162

Voir la fiche du matériau en annexes, page 215. Voir la fiche de produit en annexes, page 182.

105


Cette opération se déroule très bien, les écailles sont bien refixées et ne bougent pas, la couche colorée ne s’est pas transférée sur le papier, et il n’y a pas d’apparition de chancis. Le décrassage et le nettoyage de la surface peuvent donc être abordés sereinement.

Figure 117. Dernier papier de protection en cours de retrait Figure 118. Tableau entièrement découvert

B) P ROTOCOLE DE NETTOYAGE La surface est difficilement compréhensible. Le constat d’état a permis d’identifier de nombreuses strates que voici : -

Support (5)

-

Préparation rouge simple / Double rouge et grise / Mastics anciens blancs (3) et (4)

-

Première couche colorée163 (2)

-

Deuxième couche colorée, celle de la Scène d’extérieur. (1)

Or la surface de cette dernière est très usée, comme si elle avait été abrasée. Certaines zones correspondent alors à la première couche colorée (2). D’une manière générale, celleci transparait fortement sous la deuxième couche colorée (1). Durant le nettoyage, il ne faut donc pas oublier ces différentes strates et ne pas trop insister pour ne pas user encore plus la surface.  Couche colorée en surface, usée (1)  Première couche colorée (2) nd

(2 iconographie recouverte)

 Couche de préparation grise (3)  Couche de préparation rouge (4)  Support toile (5) Figure 119. Schéma de la coupe stratigraphique du tableau 163

Voir les clichés de la radiographie du tableau en annexes page 221, et l’étude des fonds colorés non cohérents, page 59.

106


Il ne semble pas qu’un vernis soit posé. Il a certainement été retiré lors de nettoyages successifs et/ou trop poussés, ce qui pourrait expliquer l’état d’usure avancé de la couche colorée. Le nettoyage se limitera donc au retrait des amas d’ancien vernis dans les petits empattements, et celui des repeints disgracieux orange et rouge, ainsi que ceux du ciel.

Figure 120. La Scène d’extérieur, avant décrassage et nettoyage

- LE DECRASSAGE Un voile grisâtre semble être déposé sur l’ensemble de la surface. Il est donc décidé de voir si, au niveau des nuages du ciel, une couche de crasse est présente. Les parties claires, contenant notamment du blanc, sont généralement moins sensibles. C’est pourquoi, les premiers tests y sont situés. Les premiers tests visant à mettre en évidence les différents matériaux de la peinture n’ont pas révélé de sensibilité particulière à l’eau164. C’est pourquoi dans la mesure du possible les produits aqueux seront privilégiés pour le décrassage. L’état d’usure avancé de la couche colorée impose aussi de limiter les actions mécaniques. Les tests commenceront donc par l’utilisation de produits aqueux, liquides ou en gels, sans, puis avec contrôle du pH. La démarche se poursuivra par des mélanges de solvants si cela s’avère nécessaire. N°

164

Solvants

Proportions

Observations

Eau déminéralisée

Pure

Le temps de captage de la crasse est très

Voir les tests dans le constat d’état de l’œuvre, page 88.

107


long. Il faut revenir plusieurs fois avant d’obtenir

un

niveau

de

décrassage

satisfaisant. Eau déminéralisée tiède

Le temps de captage de la crasse est plus Pure

resserré mais il faut encore revenir plusieurs fois pour obtenir un résultat satisfaisant. Les observations sont semblables à celles

Triton X100

1,5%

effectuées pour l’eau du robinet ou l’eau déminéralisée.

TAC (citrate Agent chélatant

d’ammonium

1%

tribasique)

Agent chélatant

TAC

L’action mécanique est raccourcie le captage est rapide et en une seule fois.

Le mélange est trop fort et sensibilise 2%

certaines couleurs comme le bleu ou le rouge.

Agent chélatant

Gel Carbopol TAC

en gel

(pH 7)

Agent chélatant

EDTA disodique

Salive synthétique (pH 8,2)

Solution tamponnée

pH 7 165

Solution tamponnée Solution tamponnée

1%

L’action est trop concentrée même si la pose du gel est très rapide.

Aucun résultat

Les observations s’apparentent à celles réalisées pour l’eau déminéralisée.

Ici, les observations s’apparentent à celles réalisées pour l’eau déminéralisée.

pH 7,5

Les observations s’apparentent à celles réalisées pour l’eau déminéralisée. Le résultat est rapide mais il faut quand

pH 8

même revenir légèrement. Ce mélange permet de contrôler sans prendre de

165

Le pH de la surface du tableau est mesuré à l’aide d’un pH-mètre. Il est de 6,7. La surface est donc légèrement acide. La solution de décrassage préparée est basique, comprenant une base faible (TEA) et un acide chlorhydrique ajouté goutte à goutte pour ajuster le pH.

108


risques.

Solution

pH 8,5

tamponnée

Idem On obtient un bon résultat mais il faut

Pemulen + TEA Gel

revenir plusieurs fois et rincer plusieurs fois

(triéthanolamine) à

avec un tensio-actif ce qui a tendance à

pH 8 1

166

Isooctane

sensibiliser les couleurs Pur

Aucun résultat

Les deux mélanges les plus convaincants, le TAC 1%167, citrate d’ammonium tribasique, et la solution tamponnée au pH 8168 sont donc testés sur les autres couleurs présentes sur le tableau. Aucun problème de sensibilité des couleurs n’est relevé. Dans tous les cas et sur toutes les zones, un voile grisâtre de crasse est supprimé. Cela est très visible dans les parties claires.

Figure 121. Les essais de décrassage dans le ciel Figure 122. Décrassage en cours dans le ciel

Il est donc décidé d’utiliser un TAC 1% suivi d’un rinçage à l’eau pour les zones peu sensibles comme le ciel et l’architecture, et simplement une solution tamponnée au pH 8 pour la partie inférieure du tableau, aux couleurs très vives pour lesquelles un contrôle du retrait est souhaité.

166

Les mélanges notés de 1 à 5 sont ceux proposés par Masschelein-Kleiner pour les décrassages superficiels. Ici, il a été décidé de ne pas aller au-delà du premier, qui ne donnait aucun résultat, étant donné les bons résultats obtenus avec des produits aqueux. MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Solvants. Institut royal du patrimoine artistique, 1978, page 112. 167 Voir la fiche de produit en annexes, page 209. 168 Voir le mode de préparation d’une solution tamponnée en annexes, page 206.

109


- SUPPRESSION DES REPEINTS De manière générale, les repeints en présence sont assez épais, leur matière est bien visible et est sensible à la chaleur169. Ils pourraient donc être de composition huileuse. La surface présente trois types de repeints qui s’avèrent gênants esthétiquement : -

Les repeints débordants dans le ciel comprenant une plage jaunâtre et épaisse et des ajouts ponctuels bleutés mais trop foncés dans le ciel.

-

Les repeints débordants orange sur des zones mastiquées préalablement ou sur d’autres repeints posés eux-aussi sur des mastics blancs de restauration.

-

Les repeints rouges sur des zones usées notamment sur la partie dextre du tableau et sur des mastics de restauration sur la partie basse. Repeints orange Repeints rouges Repeints jaunâtres

Figure 123. Schéma de la répartition des repeints

Il est envisagé de supprimer ces repeints disgracieux et incohérents. Ils sont insolubles, c’est pourquoi il faut les faire gonfler pour permettre ensuite leur retrait mécanique. Pour cela, des tests sont menés sur ces différents repeints, en commençant par le jaunâtre dans la partie supérieure du tableau. Ils sont réalisés à partir de mélanges issus des listes proposées par Masschelein-Kleiner pour retirer les surpeints huileux170.

169 170

Voir les tests réalisés dans le constat d’état de la peinture, page 88. MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Op.cit., page 112.

110


Solvants

Proportions

Observations Très lent, le repeint ne gonfle qu’après de longues minutes et le

12

Dichloroéthane + Méthanol

50 :50

retrait n’est pas du tout efficace. L’action mécanique est alors très prolongée. Le gonflement est toujours très

13

Toluène + DMF

75 :25

lent mais le retrait est un peu plus facile. Malgré tout, l’action mécanique reste trop longue.

14

Trichloroéthane + Diacétone alcool

75 : 25

15

Trichloroéthane + DMF

50 :50

16

Acétate d’éthyle + DMF

50 :50

(diméthylformamide)

Aucun résultat, le repeint ne gonfle pas.

Idem

Le gonflement est rapide et le retrait est efficace

Il est inutile d’aller au-delà de cette liste de mélanges pour le retrait de ces repeints, car elle emploie encore des agents décapants susceptibles de sensibiliser la couche colorée alentour,

comme

l’ammoniaque.

Ce

mélange

acétate

d’éthyle171

+

DMF172,

diméthylformamide, à 50 : 50 est déjà lourd, il est pénétrant. Cependant, il est le seul qui les fasse tous gonfler suffisamment pour leur retrait rapide et efficace sans prolongement de l’action mécanique. Il est donc décidé d’employer ce mélange de manière très prudente sur la partie haute du tableau. Sur la partie centrale et inférieure, le retrait est plus sécurisé dans le sens où ils sont posés sur d’anciens mastics blancs de restauration et pas directement sur la couche colorée originale. Le nettoyage des repeints a permis de révéler des parties de couches colorées originales qui étaient recouvertes. Des détails sont notamment mis au jour au niveau de certains visages ou certaines mains. Dans le ciel, les nuages et la lumière sont révélés. Beaucoup de repeints recouvraient des zones fortement usées.

171 172

Voir la fiche de produit en annexes, page 202. Idem, page 202.

111


Figure 124. La Scène d'extérieur, après le décrassage et le nettoyage

Figure 125. Avant retrait des repeints sur le

Figure 126. Après retrait des

Figure 127. Avant retrait des

Figure 128. Après retrait

repeints sur le costume

repeints sur la main

des repeints sur la main

costume

112


Figure 129. Avant le retrait

Figure 130. Après le retrait

des repeints sur un

des repeints sur un

personnage

personnage

- RETRAIT DES ANCIENS MASTICS DE RESTAURATION Les mastics blancs posés sur les zones lacunaires du tableau puis repeints, ne présentent pas un aspect de surface satisfaisant pour envisager une réintégration picturale homogène et acceptable. Ils sont très fins, leur matière est très dense, peu poreuse, ils sont lisses et brillants. Il semble donc plus raisonnable de les retirer pour proposer ensuite un protocole de réintégration pictural complet et homogène. Leur matière étant très dure, un gel de méthylcellulose173 à 5% dans de l’eau déminéralisée est utilisé pour la ramollir. Les mastics sont ensuite retirés mécaniquement à l’aide d’un scalpel. Certains de ces mastics recouvraient la couche picturale originale, révélant ainsi de nouvelles petites zones de couche colorée originale.

Figure 131. La Scène d'extérieur après le retrait des anciens mastics

173

Voir la fiche de produit en annexes, page 185.

113


Après ce nettoyage, la surface du tableau est saine et les traitements du support peuvent commencer.

V. TRAITEMENT DU SUPPORT

Le support toile de l’œuvre est très altéré et nécessite une reprise de déchirures, des comblements de lacunes et une consolidation. A) R EPRISE DES DECHIRURES ET COMBLEMENTS DE LACUNES Dans l’objectif de reprendre les déchirures au revers de la toile, la face du tableau est de nouveau protégée à l’aide d’un papier Bolloré®174 et de colle de pâte diluée175. Un cartonnage est ensuite réalisé avec un papier Canson®176 et de la colle de pâte. Le tableau a pu ensuite être retourné et fixé sur un fond afin de sécuriser le travail au revers. La gaze177 provisoire collée au revers est retirée en l’humidifiant, puis les résidus de colle sont nettoyés.

Figure 132. Retrait de la gaze provisoire au revers

Des fils de lin fins et une toile de lin très fine178, encollée puis préparée à l’aide d’un mélange de colle de peau179 et de blanc de Meudon180, ont permis la reprise des déchirures fil à fil et la pose de comblements de lacunes à la colle de pâte diluée. Pour ce faire, de petits outils tels qu’une pince à épiler et qu’un crocher de dentiste sont utilisés. Perpendiculairement aux

174

Voir la fiche du matériau en annexes, page 213. Voir la fiche de produit en en annexes, page 182. 176 Voir la fiche du matériau en annexes, page 214. 177 Idem, page 215. 178 Il s’agit d’une chute de toile dont les caractéristiques n’ont pas pu être récoltées. 179 Voir la fiche de produit en annexes, page 183. 180 Voir la fiche du matériau en annexes, page 216. 175

114


déchirures, des pontages avec des fils d’origam181 sont collés à la colle de pâte diluée182. Ils permettent de prévenir la remontée des bords des déchirures par la face.

Figure 133. Comblement de lacune réalisé au niveau de la grande déchirure complexe Figure 134. Détail des pontages en origam, ils sont presque invisibles

B) R EFIXAGE Le refixage final est ensuite réalisé. En effet, il est nécessaire de le reprendre après le second nettoyage du revers. Il est entrepris avec le même adhésif, de la colle de peau à 7% dans de l’eau déminéralisée. La colle est appliquée au pinceau sur l’ensemble du revers, puis la surface est chauffée à l’aide d’un fer à repasser183 avec un intermédiaire Mélinex®184. Puis la toile est laissée pour son séchage complet. C) P OSE D ’ UNE GAZE Puis, une gaze est posée au revers de la toile à la colle de pâte diluée. Il s’agit d’une des couches d’intervention du rentoilage qui sera mené par la suite. D) L E R ENTOILAGE Une toile de lin est préparée185. Elle est montée droit fil sur un bâti Rigamenti186, puis décatie187 et retendue deux fois. Le revers de la toile originale est ensuite encollé avec une brosse et de la colle de pâte diluée chaude. Le geste s’effectue en « 8 » pour bien remplir tous les interstices de la toile. La même chose est réalisée sur la toile de rentoilage. Puis, la toile originale est déposée sur la toile de rentoilage. Le rentoilage est ensuite scellé avec des bandes de kraft188 encollées à

181

Voir la fiche du matériau en annexes, page 215. Voir la fiche de produit en annexes, page 182. 183 3kg de chez CTS France. 184 Voir la fiche du matériau en annexes, page 213. 185 Idem, page 215. 186 Il s’agit d’un bâti à tension réglable en aluminium. 187 Voir décatir dans le glossaire en annexes, page 181. 188 Voir la fiche du matériau en annexes, page 214. 182

115


la colle de pâte diluée189. L’excès de colle est alors chassé avec une spatule puis rincé avec une éponge et de l’eau froide. L’ensemble est ensuite monté sur calles pour séchage.

Figure 135. Pose de la colle sur la toile de rentoilage

Figure 136. Pose de la toile originale sur la toile de rentoilage

Figure 138. Après séchage Figure 137. Colle chassée du dessous des bandes de kraft avec une spatule en caoutchouc

E) L E REPASSAGE La surface du tableau est ensuite repassée à deux reprises, douze heures après le scellage des deux toiles. Pour cela, un fer à repasser est utilisé jusqu’à ce que la surface soit chauffée de manière homogène et que l’humidité s’évacue du rentoilage par le revers. F) L E DECARTONNAGE Le cartonnage est ensuite retiré à l’aide d’une éponge et d’eau froide pour découvrir la surface. Le papier est pelé, couche après couche jusqu’à mettre au jour la couche picturale. De nouveau, cette étape se déroule bien, la couche picturale est bien refixée et aucune écaille ne pose problème.

189

Voir la fiche de produit en annexes, page 182.

116


G) MONTAGE SUR LE CHASSIS Un nouveau châssis à clé, chanfreiné, est commandé sur mesures190. Celles-ci correspondent aux cotes relevées après l’opération de rentoilage, lorsque la toile n’est plus susceptible de varier de dimensions. Ce châssis est malgré tout soigné lors de son arrivée dans les ateliers. Les arêtes et les montants sont poncés puis essuyés. Le bois, qui n’est pas en contact avec la toile par la suite, est teint au brou de noix191 pour lui donner un semblant de patine s’apparentant à celle qui se trouvait sur l’ancien châssis de rentoilage. Le même travail est effectué sur les clés. Puis, les parties teintées sont cirées avec de la cire liquide prête à l’emploi192. La toile de rentoilage est alors découpée tout autour du tableau en gardant une marge conséquente. Puis, elle est fixée sur le nouveau châssis préparé à l’aide de semences193 et d’une pince à tendre. Les bords de tension composés de la toile de rentoilage sont ajustés et découpé à un centimètre du bord des montants du châssis. Ils sont frottés avec un peu de cire d’abeille pour être appliqué ensuite au doigt à l’arrière, contre les montants.

Figure 139. Vue du revers du tableau, du nouveau châssis, de la toile de rentoilage, des clés sécurisées et du bordage

190

Châssis à clés de qualité musée, 74 x 93 cm, commandé et réalisé chez Marin Beaux-Arts (70, Avenue Gabriel Péri - BP 30051 94111 ARCUEIL CEDEX) 191 Voir la fiche de produit en annexes, page 212. 192 Idem, page 211. 193 N°11.

117


Les clés du châssis sont sécurisées. Elles sont tout d’abord percées à l’aide d’une perceuse et d’un petit foret afin de laisser passer un fil de lin194. Dans un angle, le fil passe dans deux clés et est noué. Au niveau des traverses, le fil passe dans une clé, puis autour de la traverse et est noué. Enfin, le tableau est bordé avec un papier kraft195 et de la colle de pâte196 pour parfaire la tension de la toile. Dans ce cas, le bordage a également une finalité esthétique, puisque le tableau ne possède pas tous ses bords de tension originaux. Il propose donc une continuité esthétique sur tout le pourtour.

VI. PROTOCOLE DE REINTEGRATION PICTURALE

A) E TAT DE SURFACE La surface du tableau est très usée et a une tendance mate. Même si la présence de résidus de vernis dans certains empattements avant le nettoyage témoignait d’un vernissage, rien n’indique si le tableau était brillant ou non. La couche picturale semble très poreuse, toutes les substances liquides pénètrent très rapidement dans la stratigraphie. Avant tout travail de réintégration picturale, la surface du tableau se doit d’être vernie une première fois avec un vernis intermédiaire. B) L E VERNIS INTERMEDIAIRE Le vernis intermédiaire vise non seulement à isoler la surface des matériaux qui seront posés ensuite lors du masticage et de la retouche, mais aussi à la saturer pour faciliter ces opérations. Le vernis intermédiaire doit ici remplir deux critères principaux : être capable de pénétrer la stratigraphie de la couche picturale et saturer les couleurs. Il assure aussi la réversibilité de la retouche à venir.197 Dans un souci du respect de la démarche employée jusqu’ici, il semble important de proposer un matériau naturel. La résine dammar198 remplit toutes ces différentes exigences. En effet, son petit poids moléculaire lui permet d’avoir une bonne pénétration capillaire, et elle a pour qualité de saturer de manière optimale les couleurs. Son inconvénient est d’être sensible aux ultraviolets et donc de jaunir. Si la surface du tableau est vernie ensuite à l’aide d’un vernis final stable à l’issue de la restauration, cela 194

Voir la fiche de matériau en annexes, page 215. Idem, page 214. 196 Voir la fiche de produit en annexes, page 182. 197 BUCKLOW, Spike. The State of research into retouching resins, in « Mixing and Matching, approaches to Retouching Paintings ». ICON and BAPCR. London : Archetype Publication, 2010, page 63. 198 Voir la fiche produit en annexes, page 190. 195

118


ne devrait pas poser de problème. La résine dammar199 se solubilise dans le white-spirit200 et s’emploie à 15% en tant que vernis intermédiaire. C) MASTICAGE Les lacunes de couche picturale doivent être mastiquées afin de rétablir la continuité de la surface. Les mastics doivent correspondre à l’état de surface du tableau du point de vue de l’épaisseur, de la granulométrie et des effets de relief. Ici, la couche picturale est très fine, avec quelques mouvements très légers au niveau du relief, elle n’est pas totalement lisse. Toujours dans un souci de cohérence de la démarche, il est choisi d’utiliser des matériaux naturels pour composer le mastic. En effet, du blanc de Meudon201 et de la colle de peau202 de lapin à 10% permettent d’obtenir un mastic très malléable et facilement façonnable. Il est choisi d’isoler les mastics en utilisant une nouvelle fois le même vernis intermédiaire, avant de passer à la retouche. D) N ATURE DE LA RETOUCHE ENVISAGEE Il est donc envisagé une retouche peu brillante pour garder la capacité de contrôler la brillance et la matité par la suite. Le liant doit être aussi être facilement maniable, permettre non seulement la pose de couches de fond opaques mais aussi la pose de glacis. Il doit donc être polyvalent. Le liant Berger®, un polyacétate de vinyle en solution ou PVAc203, semble être une bonne alternative. C’est un matériau stable dans le temps, qui ne change pas les couleurs après le vernissage, qui peut par ailleurs s’effectuer au spalter ou au vaporisateur204. De surcroît, il est soluble dans les alcools et les cétones, ce qui ne risque pas de solubiliser la couche de vernis intermédiaire sous-jacent choisie205. E) L A TECHNIQUE DE RETOUCHE La technique de retouche est difficile à déterminer. En effet, les zones lacunaires sont très nombreuses et certaines sont aussi très étendues. Aussi certaines d’entre elles devaient comporter des détails significatifs de la représentation. C’est le cas au niveau des mains du personnage central et sur toute la partie inférieure dextre. Ces parties demandent une interprétation de l’iconographie. C’est pourquoi, dans un premier temps, une retouche de type pointilliste est fortement envisagée. Elle consiste en la juxtaposition de trois couleurs pures et primaires ; le jaune, le 199

Voir la fiche de produit en annexes, page 190. Idem, page 205. 201 Voir la fiche du matériau en annexes, page 216. 202 Voir la fiche produit en annexes, page 183. 203 Voir la fiche de produit en annexes, page 193. 204 COVE, Sarah. Retouching with a PVA resin medium, in « Mixing and Matching, approaches to Retouching Paintings ». ICON and BAPCR. London : Archetype Publication, 2010, pages 76 et 78. 205 Vernis dammar à 15% dans du white-spirit. 200

119


rouge et le bleu. C’est une retouche qui est visible de près mais qui n’oblige pas à une réinterprétation des éléments iconographiques. Elle devient non visible à quelques mètres et permet de fondre les lacunes au second plan. Ce type de retouche semble idéal pour le tableau, malgré son temps d’exécution très long. Cette technique est alors naturellement testée sur des lacunes de tailles moyennes, puis plus grandes. Le travail est satisfaisant pour les lacunes de taille modeste, mais l’est beaucoup moins pour les plus étendues. Cette technique demande des compétences et une expérience avancées dont je ne dispose malheureusement pas encore. C’est pourquoi, avant de proposer quoique ce soit aux responsables de l’œuvre, des tests ont aussi été réalisés avec une technique illusionniste.

Figure 140. Technique pointilliste employée dans une lacune du côté dextre du tableau

La technique de retouche a été longuement abordée et débattue avec les conservateurs du musée barrois et les professeurs référents, afin d’identifier laquelle serait la plus souhaitable et adéquate pour l’œuvre. Les conservateurs ont finalement préféré s’orienter vers une retouche illusionniste, pesant bien les avantages et les inconvénients de chaque technique quant au résultat final, certains que les risques de surinterprétation de l’iconographie n’étaient que minimes et nullement insurmontables. F) L E VERNIS FINAL Enfin, la surface du tableau doit être protégée de manière optimale contre les ultraviolets et les agents polluants afin de préserver le travail de retouche. C’est pourquoi, il est préférable d’écarter les résines naturelles, qui sont moins stables à la lumière. Les résines Laropal® A81206 et Regalrez® 1094207 présentent toutes les deux des qualités recherchées pour le 206 207

Voir la fiche de produit en annexes, page 194. Idem, page 196.

120


vernissage final de la peinture. La première est une résine cétonique urée aldéhyde de faible poids moléculaire qui sature le mieux les couleurs mais qui a tendance à être brillante. La seconde est une résine à base d’hydrocarbure hydrogéné qui a un rendu mat, plus satiné, mais qui sature moins bien les couleurs. Le bon pouvoir nivelant du Laropal® A81208, sa haute température de transition vitreuse, sa solubilité dans les hydrocarbures aromatiques et les alcools, et sa très bonne stabilité photochimique sont d’autant plus de qualités recherchées pour le vernissage de la surface du tableau en question. De surcroît, cette résine peut être appliquée sans adjonction de Tinuvin® 292209, car elle est suffisamment stable. Néanmoins, la salle du musée barrois qui accueillera le tableau possède plusieurs grandes fenêtres non équipées en filtres antiultraviolets. C’est pourquoi, il est préférable d’ajouter ce stabilisateur dans la composition du vernis final. Ce dernier doit être appliqué par vaporisation. Il peut être envisagé une à deux couches pour obtenir une surface uniforme. Vernis final Laropal® A81 Retouche avec liant PVAc Vernis intermédiaire dammar Mastic blanc de Meudon® et Figure 141. Schéma de la superposition des couches d’intervention appliquées sur la couche picturale

208 209

colle de peau Vernis intermédiaire dammar

Voir la fiche de produits en annexes, page 194. Idem, page 211.

121


VII. LA REINTEGRATION PICTURALE

Après avoir décartonné la surface du tableau, un premier vernis intermédiaire est posé au spalter, un dammar210 à 15% dans du white-spirit.211 Il est alors possible de procéder au masticage des zones lacunaires. Ces mastics seront isolés avec le même vernis intermédiaire. Puis la retouche est menée au liant PVAc212 et aux pigments secs. Enfin, il est envisagé de protéger la surface du tableau avec un vernis Laropal® A81213. A) L E MASTICAGE Un mastic blanc est préparé à l’aide de blanc de Meudon®214 et de colle de peau215 à 10% afin d’obtenir une pâte très malléable, peu visqueuse qui permette de combler les lacunes de couches picturales très fines. Une spatule est utilisée pour l’appliquer. Puis, les bords des lacunes sont nettoyés avec un coton tige et de l’eau déminéralisée216. La surface des mastics doit correspondre à la surface de la couche picturale originale environnante du point de vue de l’épaisseur et du relief. Dans ce cas précis, la couche picturale est très fine, sans reliefs ni réseaux de craquelures particuliers depuis la remise dans le plan. Simplement, la surface accroche la lumière, car elle n’est pas parfaitement lisse. Même s’il est envisagé une retouche non illusionniste, la surface des mastics doit être légèrement structurée pour amoindrir leur aspect lisse. Pour cela, de petits apports de mastics liquides sont appliqués au pinceau ou par empreintes. L’ensemble de la surface est alors de nouveau isolée avec un vernis dammar à 15% dans du white-spirit avant de procéder à la retouche.

210

Voir la fiche de produit en annexes, page 190. Idem, page 205. 212 Idem, page 193. 213 Idem, page 194. 214 Voir la fiche du matériau en annexes, page 216. 215 Voir la fiche de produit en annexes, page 183. 216 Idem page 201. 211

122


Figure 142. Vue de la couche picturale avant masticage

Figure 143. Vue de la couche picturale après masticage

123


B) L A RETOUCHE L’étape de la retouche s’annonce particulièrement longue et délicate. En effet, le nombre de lacunes est impressionnant et la surface lacunaire est très grande. De concert avec le musée, propriétaire de l’œuvre, le corps professoral et moi-même, il est décidé de procéder à une retouche de type illusionniste. Le liant Berger® PVAc217 et des pigments secs sont utilisés pour y procéder. La résine est préparée à 25% dans du diluant composé lui d’un mélange de diacétone alcool218 et d’éthanol219 à 1 : 3. L’ajout de 5% d’eau dans le mélange de résine permet de diminuer nettement sa viscosité et de le rendre encore plus clair et transparent.220 Pour commencer, les micro-lacunes et petites lacunes sont comblées, là où n’avait pas lieu une interprétation. Cela permet dans un premier temps de fermer certaines zones pour aborder avec plus de clairvoyance et de recul les lacunes plus importantes221. Enfin, les usures trop importantes de la couche colorée au niveau de certains visages, personnages, et dans plusieurs zones de l’arrière-plan, ont été repiquées afin de mettre en valeur la composition. Néanmoins, les usures révélant le bas du visage du personnage placé de profil dans la composition sous-jacente n’ont pas été repiquées222. Ce choix a été délibéré. En effet, à la demande du musée barrois, cette zone peu gênante a été laissée en l’état pour fournir de support à l’explication au public de la superposition des strates lors de futures visites guidées du musée, puisque l’œuvre y intégrera la salle XVIIIème.

Figure 144. Détail de la zone non repiquée

217

Voir la fiche de produit en annexe, page 193. Idem, page 204. 219 Idem, page 203. 220 COVE, Sarah. Op.cit., page 75. 221 BUCKLOW, Spike. Op. cit., page 61. 222 Voir les clichés de la radiographie et des captures d’écran sous lumière infrarouge en annexes, pages 220 à 222. 218

124


C) L ES DIFFERENTS APPUIS AYANT SERVIS A LA RETOUCHE Certains éléments ont requis des modèles de référence, choisis parmi diverses sources. Par exemple, les mains du personnage principal au centre ont dû être entièrement reconstituées. Des études de mains ont été recherchées, puis finalement, c’est une photographie des mains d’une camarade de promotion qui a permis de constituer un modèle cohérent, en proposant une position probable.

Figure 145. Photographie d’une position de mains utilisé pour reconstituer celles du personnage central

Les études et dessins de l’artiste Watteau ont beaucoup servis pour reprendre les détails des visages et leurs positions, des chevelures, des couvre-chefs et des robes volantes. En effet, le style de dessin est très proche de ce celui du tableau. Les peintures de Lancret ont aussi contribués à étayer et faciliter la réintégration.

Figure 147. WATTEAU, Antoine. Trois études d’une jeune Figure 146. WATTEAU, Antoine. Etudes de sept têtes, vers 1717-1718, trois crayons et crayon de graphite, 223 × 280 mm / © Fondation Custodia, Collection Frits Lugt

fille portant un chapeau, 1716, sanguine, fusain et crayon sur papier. / ©Collection de Ann et Gordon Getty, San Francisco

125


Figure 148. LANCRET, Nicolas (1690 – 1743). Le Moulinet, première moitié du XVIIIème siècle, huile sur toile, 129 x 95 cm, Potsdam, ©Palacio de Sanssouci.

D) L E VERNISSAGE FINAL Enfin, le tableau a été verni à l’aide d’une résine synthétique Laropal®A81223 à 20% dans une part de xylène224 pour trois parts de white-spirit225, afin de saturer les couleurs de manière optimale et de protéger la surface de la peinture. Dans de bonnes conditions de conservation, c’est-à-dire sans exposition aux ultraviolets, ce vernis est suffisamment stable pour être appliqué sans stabilisant. Or, le tableau sera accroché dans une salle du musée barrois qui possède des grandes fenêtres qui ne sont pas équipées de filtres anti-ultraviolets, de rideaux ou de volets. Il est donc préférable que ce vernis soit stabilisé avec du Tinuvin® 292226 pour limiter la sensibilité du matériau protecteur aux ultraviolets et éviter ainsi un jaunissement de la surface. La résine est appliquée sur toute la surface à l’aide d’un Ecospray®227 en deux couches.

223

Voir la fiche de produit en annexes, page 194. Idem, page 208. 225 Idem, page 205. 226 Idem, page 211. 227 L’Ecospray® permet de vaporiser le vernis. Cet outil comprend une buse, d’un réservoir de gaz et d’un récipient accueillant le vernis, permettant ainsi la projection de fines particules de résine. 224

126


Figure 149. Scène d'extérieur, après retouche

Figure 150. Détail avant la retouche Figure 151. Détail après la retouche

127


CONCLUSION DU RAPPORT DE RESTAURATION

Ainsi, la restauration de l’œuvre s’achève. Elle a consisté en un refixage de la couche picturale, un nettoyage de la surface, une reprise de déchirures et une pose de comblements de lacunes, un rentoilage traditionnel et une réintégration picturale. Les matériaux naturels ont été employés. Aucune difficulté majeure n’a été rencontrée au cours de ce travail. L’étude préalable aux actes pratiques a permis de connaître et de comprendre le comportement des matériaux en présence, ce qui a rendu possible l’établissement d’un protocole, quoique suivant un schéma classique, adapté au seul cas de ce tableau.

Figure 152. Œuvre avant restauration

Figure 153. Œuvre après restauration

128


ETUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE

ETUDE COMPORTEMENTALE D’UNE PREPARATION GRASSE ROUGE IMPERMEABLE ET QUESTIONNEMENTS SUR L’INFLUENCE D’UN APPORT DE CHALEUR SUR L’EFFICACITE DE SA CONSOLIDATION PAR UN ADHESIF NATUREL.

INTRODUCTION L’étude technico-scientifique permet de répondre à un problème soulevé par l’œuvre de mémoire. Elle peut porter sur toute étude de phénomène particulier, traitement, matériau, en rapport avec le cadre de la restauration-conservation de peinture. Par ailleurs, elle a aussi pour but de faire avancer les techniques et les recherches en restauration, et de les adapter en fonction de cas bien précis, en considérant des paramètres singuliers. Elle constitue l’opportunité d’approcher scientifiquement le comportement des matériaux de la peinture en général, et de la restauration en particulier. Dans le cas de la Scène d’extérieur, il a été mis en évidence une altération particulière de la préparation lors de l’établissement du constat d’état : une écaille de couche picturale se brise en plusieurs morceaux avec le simple contact d’une aiguille. Ce caractère cassant de la préparation est étonnant et suscite un vif questionnement quant aux causes et aux solutions à apporter pour le traiter.

1. RAPPELS DU CONSTAT D ’ETAT ET CAUSES DU CARACTERE CASSANT

I. LES DONNEES DU CONSTAT D ’ETAT 228

Le tableau pris en charge possède une préparation double : une couche rouge, surmontée d’une fine couche grise. Les tests effectués dans le cadre du constat d’état ont permis de déterminer sa nature, notamment en y appliquant une aiguille chauffée à une température élevée229. Il est alors observé que l’écaille fond. Cela pourrait indiquer qu’elle contient un liant huileux. La préparation de la peinture serait donc composée d’un pigment et d’une huile.

228

Voir le constat d’état de l’œuvre, dans le rapport de restauration, page 50. L’aiguille a en effet été chauffée à l’aide d’un briquet. Au bout de la flamme, la température peut attendre plusieurs centaines de degrés. 229

129


Elle est par ailleurs imperméable à l’eau230. Elle est très cassante, c’est-à-dire qu’elle se brise au moindre contact. Sa cohésion est donc remise en question. Dès lors, il semblait primordial de s’attarder sur cette altération afin de proposer, dans le protocole de traitement, une consolidation de cette strate. Des recherches ont alors été entreprises pour expliquer les causes d’un tel caractère cassant pour ce type de matériau, afin de proposer ensuite des solutions, si toutefois elles existent, pour le consolider.

II. LES CAUSES DU CARACTERE CASSANT DE LA PREPARATION

Lors des recherches effectuées pour diagnostiquer les altérations relatives à cette préparation, il a été mis en évidence un manque de cohésion. Celui-ci semble lié à un manque d’élasticité, et cette carence peut être due à plusieurs phénomènes différents ou concomitants. En effet, la perte d’élasticité d’une telle strate peut être provoquée par une hydrolyse des composants, par une lixiviation ou encore par la présence de pigments aux forts besoins en liants non assouvis. -

L’hydrolyse correspond à une décomposition des molécules d’un matériau par dissociation de la molécule d’eau qui crée des nouvelles liaisons. Elle est donc favorisée en présence d’eau.231

-

La lixiviation correspond à l’extraction d’acides gras présents dans une couche stratigraphique sous l’action d’un solvant, provoquant un appauvrissement en plastifiant responsable de cassures.232

-

Les préparations rouges sont composées d’un liant et d’une charge, ici pigmentaire. Or, tout pigment possède un besoin en liant différent, définit par sa prise d’huile. L’apport en liant peut parfois ne pas être suffisant.

Concrètement, il n’est pas possible de déterminer exactement lequel de ces trois phénomènes est responsable de l’altération de cohésion de la couche stratigraphique. Ils pourraient par ailleurs avoir été simultanés. Effectivement, le tableau a été exposé à l’humidité, ce qui aurait pu favoriser une hydrolyse de la préparation. Des solvants ont certainement été apportés lors de nettoyages anciens et répétitifs, ce qui aurait pu causer

230

Une goutte d’eau a été déposée sur la surface d’une écaille, côté préparation. Elle y reste et ne pénètre pas dans la couche. 231 FELLER, Robert. On picture varnishes and their solvents. Londres: National Gallery of Art, 1985. 232 Idem.

130


une lixiviation. Enfin, l’apport en liant huileux n’était peut-être pas suffisant pour le pigment sélectionné par l’artiste pour composer sa préparation. Si les causes peuvent être multiples, existe-t-il une possibilité de pallier au manque d’élasticité de ce type de strate afin de remédier à la perte de cohésion de celle-ci ?

2. CONTEXTUALISATION ET PROBLEMATIQUES

En restauration, les traitements de refixage et de consolidation se confondent souvent. En effet, le refixage vise à insérer un adhésif entre la strate de la toile et celle de la préparation. Il permet l’adhérence de deux strates l’une sur l’autre (1). Le traitement de consolidation a pour objectif de faire pénétrer un adhésif à l’intérieur de la strate pour la rendre plus cohésive (2). A gauche, l’adhésif pénètre dans la toile et dans la

(2)

(1)

strate, il consolide (2). A droite,

l’adhésif

pénètre

dans la toile et permet l’adhérence entre la toile et la préparation, il refixe (1).

Figure 154. Schéma d'une stratigraphie toile, préparation, couche colorée et de la progression des adhésifs en fonction de l'objectif recherché

Puisqu’une préparation est une couche intermédiaire, toute altération la concernant engendre automatiquement des répercussions mécaniques sur la couche colorée, ce qui peut provoquer des phénomènes d’écaillage, qui nécessitent alors un refixage.233 Enfin, ces deux traitements peuvent présenter des difficultés dans la mise en œuvre suivant la composition de ces différentes couches stratigraphiques.

233

DUPREZ, Elena. Etude historique et technique des préparations rouges à travers la restauration d'un tableau du XVIIe siècle peint d'après « Vénus et Vulcain » de l'Albane. Mémoire de fin d'études, INP, 1987.

131


Or, la Scène d’extérieur présente un très fort écaillage résultant de contraintes de cisaillements au niveau toile/(encollage)/préparation. Elle nécessite donc un refixage qui devrait, dans un même temps, consolider la préparation, qui elle présente une altération de sa cohésion234. Dans le cas précis du tableau de mémoire, les traitements sont entrepris avec des matériaux naturels235. Mais est-ce qu’un adhésif naturel de refixage peut pénétrer dans une préparation grasse imperméable afin de la consolider ? Le traitement combiné de refixage et de consolidation d’une préparation rouge huileuse pose problème dès lors que sa perméabilité est prise en compte. Une couche grasse polymérisée a tendance à être moins poreuse qu’une couche maigre telle qu’une préparation argileuse par exemple. Le tableau traité possédant une préparation non perméable, est-il possible de faire pénétrer un consolidant dans cette strate ?

I. LES RECHERCHES BIBLIOGRAPHIQUES

La préparation d’une peinture est une strate singulière composée de plusieurs matériaux. Les caractéristiques des huiles et des pigments ont donc été étudiées. Elles apportent des premiers éléments de réponses aux différentes problématiques. A) P IGMENTS De manière générale, les pigments utilisés par les artistes pour confectionner des préparations rouges sont soit des pigments ferrugineux236, soit des oxydes de fer. Certains sont siccatifs237 et agissent comme des catalyseurs238 dans la dessiccation de l’huile239. Par ailleurs, il a été prouvé qu’un film d’huile accompagné d’oxyde de fer est élastique mais se dégrade plus vite qu’une huile seule, car il durcit plus vite.240 Les ocres rouges ont toujours été utilisées par les peintres depuis le Moyen Age 241. Il est donc probable qu’il s’agisse du pigment utilisé dans la composition de la préparation de la Scène d’extérieur. Depuis le XVIIème siècle, ces pigments font partie de ceux jugés les plus

234

MORA, Paolo. La conservation des peintures murales. Compositori, 1977, page 242. Voir les propositions de traitements, dans le rapport de restauration, page 94. 236 DUPREZ, Elena. Op. cit., page 9. 237 Voir siccativité dans le glossaire en annexes, page 181. 238 Voir catalyse dans le glossaire en annexes, page 181. 239 Ils influent finalement sur le « séchage » de l’huile, sur la vitesse de polymérisation du film. 240 ROCHE, Alain. Comportement mécanique des peintures sur toile : Dégradation et prévention. Paris: CNRS éditions, 2003, page 79. 241 BALL, Philip. Histoire vivante des couleurs, 5000 ans de peinture racontée par les pigments. Paris : Editions Hazan, 2005, page 51. 235

132


stables242. Ils ont une prise d’huile très élevée, de 25 à 65%243, ils ont donc un grand besoin en liant. Un pigment est aussi défini par sa concentration pigmentaire volumique, CPV, exprimée en %. Cette dernière correspond à la saturation en pigment dans un liant. Elle dépend de la taille des particules pigmentaires, de leurs capacités d’absorption du liant, mais surtout de leur nature. Cette concentration peut être diminuée par apport d’adhésif ou de consolidant.244 B) H UILE Les huiles sont des corps gras qui sont insolubles dans l’eau mais plutôt dans les aromatiques, les composés chlorés, l’éther et le sulfure de carbone. Elles sont composées d’acides gras généralement de trois types ; les acides saturés à chaînes normales, les acides gras non saturés et les hydroxyacides.245 Une préparation grasse est conçue à base d’une charge et d’un liant huileux à base d’huile siccative ou semi-siccative. Généralement, ces huiles sont d’origine végétale, de lin ou de noix246. La siccativité247 dépend de la quantité d’acides gras polyinsaturés (>65%) dans les chaînes macromoléculaires qui permettent les réactions d’oxydation et de polymérisation. Ces huiles peuvent être cuites pour être plus siccatives, c’est ce qui est appelé la litharge248. L’huile de lin est extraite des graines de Linum usitatissinum. Sa polymérisation est plus rapide que pour les autres huiles végétales puisqu’elle possède la plus grande teneur en acides linoléniques, sous catégories des acides gras polyinsaturés. Néanmoins, il est difficile de connaître la composition exacte d’une huile, puisque celle-ci dépend de la nature de la graine, du climat où a poussé la plante, et du mode d’extraction et de raffinage.249 C) L E FILM HUILE - PIGMENTS Cette association d’huile et de pigments permet de préparer une pâte qui est appliquée sur le support toile. Elle accueille ensuite la peinture, après avoir formé une strate à part entière.

242

DELAMARE, François. GUINEAU, Bernard. Les matériaux de la couleur. Paris : Découvertes Gallimard, 1999, page 76. 243 MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Liants, vernis et adhésifs anciens. Bruxelles : Institut Royal du Patrimoine artistique, 1992, page 17. 244 ELIAS, Mody. SINDACO, Claudia. Le refixage et la consolidation des peintures non-vernies : une collaboration entre restaurateurs et scientifiques. In « Support Tracé », 2006, n°6, page 88. 245 MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Op. cit., pages 43 et 44. 246 DUPREZ, Elena. Op. cit., page 8. 247 Voir siccativité dans le glossaire en annexes, page 181. 248 DUPREZ, Elena, Op. Cit., page 19. 249 MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Op. cit., page 49.

133


- FORMATION DU FEUIL La formation du film d’huile se fait en plusieurs étapes qui permettent un passage d’une phase liquide vers un système solide.250 Cette transformation est chimique. Après évaporation du solvant de l’huile siccative, des réactions d’oxydation et de polymérisation aboutissent à la formation d’un réseau tridimensionnel. Ce type de réactions peut être catalysé251 par des siccatifs métalliques comme les sels de plombs, les sels de manganèse et de cobalt, qui apportent de l’oxygène nécessaire aux réactions d’oxydation.252 Avant vieillissement, le film est mou, peu résistant et sa structure est poreuse. Puis, il devient de plus en plus dur et son indice de réfraction augmente, c’est-à-dire qu’il a tendance à devenir de plus en plus transparent. - NOTIONS DE PERMEABILITE ET DE POROSITE La quantité de pigments par rapport au liant caractérise le comportement d’un film. En effet, celui-ci sera d’autant plus perméable, donc poreux, opaque et mate que la quantité de pigments est élevée par rapport à celle en liant.253 La porosité d’un corps dépend des pores existants dans le feuil. La capacité d’un corps à se laisser traverser par un fluide constitue sa perméabilité.254 Dans le cas de la préparation de la Scène d’extérieur, il peut être supposé que la quantité de pigments est faible par rapport à la quantité d’huile, d’où son caractère imperméable, donc non poreux. - NOTIONS DE DURETE Plus le degré de polymérisation, nombre total de monomères dans une macromolécule, du film d’huile est important, plus le film est dur.255 La dureté fait entrer en jeu les notions d’interactions inter et intramoléculaires entre les molécules du liant. Aussi dépend-elle des types de pigments et des interactions entre pigments et liants.256 - NOTIONS DE SOUPLESSE La souplesse est la capacité maximum d’un film, à s’allonger par traction sans se rompre. C’est un terme qui englobe les idées d’élasticité et de plasticité. Elle est donc liée au comportement mécanique d’un corps. Tout corps possède un seuil de déformation élastique, c’est-à-dire une contrainte d’étirement maximum où les déformations ne sont plus ni réversibles, ni instantanées, ni proportionnelles, mais deviennent plastiques. Les déformations sont proportionnelles au temps d’application de la contrainte jusqu’à la rupture. 250

MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Op. cit., page 18. Voir catalyse dans le glossaire en annexes, page 181. 252 MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Op. cit., pages 23 et 24. 253 Idem, page 17. 254 Ibid., page 36. 255 Ibid., page 24. 256 Ibid., page 38. 251

134


Le vieillissement d’un feuil le rend moins souple puisque sa structure tridimensionnelle empêche les mouvements entre les macromolécules. La présence de plastifiant dans le feuil permet d’augmenter la souplesse du matériau par écartement des chaînes de polymère constituant le film. 257 D) L ES MOYENS DE MODIFIER LE COMPORTEMENT D ’ UN FILM HUILEUX D’après le point précédent, il est possible de rendre sa souplesse à un film d’huile polymérisé par adjonction d’un plastifiant qui écarte les chaînes du polymère. De plus, une préparation huileuse polymérisée peut fondre sous l’action d’une aiguille vive 258, cela l’a été démontré lors des tests effectués pendant le constat d’état de la Scène d’extérieur. Ce ne pourrait pas être le cas d’un film d’huile réticulé, puisque la réticulation d’un matériau est irréversible259. Dans certaines limites, il peut donc être envisagé qu’une préparation grasse soit ramollie à la chaleur. - CHALEUR Un apport de chaleur, comportant un transfert d’énergie thermique par agitation moléculaire, permet d’élever la température d’un corps. Chaque matériau possède une capacité calorifique, c’est-à-dire une quantité de chaleur à fournir pour élever sa température. Cette chaleur peut être transférée par conduction, rayonnement ou convection. Ce dernier est le plus courant lors des opérations de restauration. Il correspond à un transfert de chaleur entre deux corps d’une paroi à une autre, de la plus chaude vers la plus froide260. C’est ce qui est appelé le flux calorifique. - LE COMPORTEMENT D ’UN FILM D’HUILE A LA CHALEUR La chaleur provoque des changements de comportement rhéologique d’un film d’huile. Des transitions entre les états de la matière peuvent alors avoir lieu. Un film d’huile polymérisé, tel que celui présent dans une préparation grasse, est dans un état vitreux, solide, dur et cassant261. Lorsque la température augmente et atteint sa température de transition vitreuse (Tg), le polymère quitte son état vitreux et devient moins rigide. Si la température de fusion du matériau est atteinte, celui-ci devient liquide et est détruit.262 La Tg d’un polymère est d’autant plus élevée que le degré de polymérisation, ou de réticulation, et les interactions 257

MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Op. cit., page 39. Voir les protocoles de tests du constat d’état, dans le rapport de restauration, page 80. 259 Voir réticulation dans le glossaire en annexes, page 181. 260 KHALFA, Virginie. Portrait d’un homme de robe : étude permettant de comprendre si une peinture doit être vernie avant un rentoilage traditionnel. Paris : Ecole de Condé, 2009, page 43. 261 Idem, page 44. 262 TIERS, Serge. Les effets de la chaleur sur la peinture lors du rentoilage : effets combinés à l’humidité. Paris: IFROA, 1984, page 60. 258

135


moléculaires sont importants. Ces dernières sont affaiblies lorsque des plastifiants sont introduits dans le film.263 Les plastifiants s’insèrent alors dans le matériau et dissolvent des groupements moléculaires garantissant les interactions permettant la cohésion mécanique de l’ensemble. Le matériau devient alors moins rigide et sa Tg diminue.264 Les films devenus trop rigides, qui n’ont plus de caractéristique thermoplastique, peuvent donc être traités par apport de solvant et de chaleur265. Ce sont des facteurs à considérer pour envisager un traitement de consolidation d’une préparation huileuse cassante, non poreuse, polymérisée mais non réticulée.

II. LE ROLE DE LA CONSOLIDATION ET DES ADHESIFS

La consolidation de la préparation est une opération qui consiste à renforcer la fragilité interne de cette strate. Elle est permise par des adhésifs qui remplissent certains critères. Notamment, ces derniers doivent avoir de bonnes propriétés d’adhérence et de pénétration.266 La pénétration dépend du milieu dans lequel l’adhésif est inséré. En effet, elle sera différente selon la porosité du milieu, sa composition ou encore sa surface. L’adhésif n’aura pas non plus la même pénétration selon sa nature, son poids moléculaire, sa taille et sa concentration, sa température de transition vitreuse et son mode d’application.267 En effet, si un adhésif est appliqué en solution, le temps de séchage va dépendre du solvant dans lequel il est placé. Selon la concentration, le séchage du film induira une perte de volume. 268 Les adhésifs doivent donc remplir plusieurs critères. En restauration, ces interventions de refixage et de consolidation s’accompagnent d’un apport de chaleur. La température associée diffère selon les restaurateurs et les techniques mais de manière générale, la plage

263

TIERS, Serge. Op.cit., page 62. Idem, page 66. 265 Ibid., page 68. 266 F. MECKLENBURG, Marion. FUSTER-LOPEZ, Laura. OTTOLINI, Silvia. « A look at the structural requirements of consolidation adhesives for easel paintings », dans Adhesives and Consolidants in Paintings Conservation, London, Archetype Publications, 2012, pages 7et 8. 267 Idem, page 9. 268 HORIE, Velson. Setting the scene: considerations and decision making for planning and undertaking treatments, pages 1 et 4. 264

136


de température est très ouverte puisque le choix se fait au toucher269. Ceci est très empirique, alors est-il possible d’apporter une précision plus scientifique ?

3. LE SUJET TECHNICO -SCIENTIFIQUE

ETUDE COMPORTEMENTALE D’UNE PREPARATION GRASSE ROUGE IMPERMEABLE ET QUESTIONNEMENTS SUR L’INFLUENCE D’UN APPORT DE CHALEUR SUR L’EFFICACITE DE SA CONSOLIDATION PAR UN ADHESIF NATUREL.

I. PRESENTATION

A) O BJECTIFS DE L ’ ETUDE La recherche a pour but d’évaluer la possibilité qu’un adhésif puisse pénétrer dans une préparation grasse, huileuse, dans laquelle le liant et/ou le plastifiant a été progressivement extrait par un ou plusieurs phénomènes naturels ou mécaniques et chimiques. La fonction qui était remplie par ces éléments n’est donc plus assurée et rend le matériau cassant. Ces derniers doivent donc être remplacés. L’adhésif recherché doit donc remplir deux rôles : celui qui le définit, c’est-à-dire rétablir l’adhérence entre deux couches stratigraphiques, à savoir la préparation et le support ; et celui de consolidant à l’intérieur de la préparation pour palier à la tendance cassante. L’objectif est de savoir quel adhésif permet la consolidation la plus efficace et à quelle température l’adhésif pénètre le mieux dans la couche pour assurer son rôle de consolidant. B) L E P ROTOCOLE EXPERIMENTAL Il est donc envisagé de fabriquer des éprouvettes de préparation rouge ; pigments et huile. Elles sont ensuite imprégnées avec un adhésif, puis soumises à une réactivation à différentes températures. Enfin, elles sont sujettes à un choc qui vise à mesurer l’énergie nécessaire pour les briser. Cela devrait permettre, de manière détournée, d’évaluer l’efficacité de la consolidation de l’éprouvette en fonction de l’adhésif utilisé et de la

269

Dans le cadre d’un refixage réalisé avec un fer à repasser, la température de celui-ci est vérifiée au toucher. La main est posée sur le fer. Elle peut supporter d’y être posée mais pas d’y rester. Selon la sensibilité de chacun, la température peut donc varier.

137


température d’application. Il faut noter que l’ensemble du protocole expérimental a été effectué à une température ambiante de 19°C. - LA FABRICATION DES ECHANTILLONS Des échantillons de préparation rouge sont préparés. Des pigments ocre rouge270 sont broyés dans de l’huile de lin siccativée.271 Une pâte épaisse, légèrement coulante est obtenue272. Puis, celle-ci est déposée par écoulement depuis une spatule dans une matrice. Celle-ci est composée d’un fond, protégé d’un papier Mélinex®273, qui empêche le collage de plusieurs surfaces entre elles, d’un papier Bolloré®274 et d’un carton de 2 mm d’épaisseur où sont découpées des ouvertures de 3 x 5 cm au cutter. Le tout est fixé au fond par agrafes. La préparation est écoulée jusqu’à ce que la surface corresponde à la surface du carton. L’ensemble du système est laissé à l’air libre pour que des films de préparation secs se forment.

Figure 155. Fabrication des échantillons : vue de la matrice, broyage des pigments dans l’huile et application du mélange dans la matrice

Au bout de quelques jours, le carton de la matrice est enlevé, puis le papier Bolloré® est découpé pour isoler les éprouvettes. Quelques jours sont encore nécessaires pour procéder au séchage complet des films et au retrait du papier. A la fin, les films obtenus sont de section égale à 2 mm, maniables avec les doigts, sont durs et non perméables. De plus, leur

270

Pigments ocre rouge Gerstaecker®. Voir la fiche produit en annexes, page 210. 272 Voir le calcul de la viscosité du mélange en annexes, page 223. 273 Voir la fiche du matériau en annexes, page 213. 274 Idem, page 213. 271

138


masse est de 10,3 +/- 0,90 g275. Ces films sont secs et solides, cependant le degré de polymérisation du matériau n’est pas évaluable.

Figure 156. Vue d'un échantillon sec d'un mélange huile et pigment

- L’IMPREGNATION DES ECHANTILLONS Les échantillons sont ensuite sujets à une imprégnation d’adhésif ayant pour objectif de pénétrer dans le matériau. Il est intéressant de tester trois adhésifs naturels différents : la colle de peau276, le Funori277 et la colle d’esturgeon278. Ces adhésifs naturels sont ceux les plus utilisés pour des refixages et des consolidations de couches picturales279. Ils ont des pouvoirs adhésifs différents, ne sont pas utilisés aux mêmes concentrations pour les mêmes opérations, n’ont pas le même retrait au séchage, et ont une viscosité différente. Cependant, ils peuvent tous trois être appliqués à chaud. La colle de peau est une colle protéinique au bon pouvoir collant. Les opérations de consolidation et de refixage de la couche picturale peuvent se faire de 4 jusqu’à 8%280. La colle d’esturgeon est aussi une colle protéinique. Elle a un grand pouvoir collant et elle est stable dans le temps. Apparemment, elle ne devrait pas être utilisée au-dessus de 55°C.281 Elle est utilisée à 3% pour les refixages et présente un faible retrait au séchage.282 Le Funori est un polysacharride. Il est stable, transparent, au pH stable, sans sels solubles, sans odeur. Il est utilisé entre 0,5 et 1%. Son application se fait généralement à température ambiante, mais elle peut aussi être faite chaude.283 Pour un adhésif donné, des séries d’imprégnations au pinceau sont effectuées à la même température, à environ 30°C. A cette température, l’adhésif est sous forme liquide. Puis 275

Masse mesurée sur une balance à 1g près sur une série de 10 échantillons. Voir le tableau détaillé des valeurs en annexes, page 224. 276 Voir la fiche de produit en annexes, page 183. 277 Idem, page 189. 278 Idem, page 187. 279 Voir la proposition de traitement dans le rapport de restauration, page 94. 280 GOUIN, Gabrielle. Rapport de restauration : Sainte-Famille avec saint Jean-Baptiste. Paris : école de Condé, 2012, page 77. 281 ELIAS, Mody. SINDACO, Claudia. Op. cit., page 90. 282 JUSTE-GROENE, Marie-Agnès. Portrait d’un couple flamand : étude comparative des caractéristiques physiques des colles d’esturgeon. Paris : IFROA, 1993, page 107. 283 MICHEL, Françoise. Funori and JunFunori: Two Related Consolidants With Surprising Properties. CCI Symposium, 2011.

139


chaque série d’éprouvettes est réactivée à des températures différentes à l’aide d’une spatule chauffante et d’un intermédiaire Mélinex®284. C) L E MONTAGE EXPERIMENTAL - LE MOUTON DE CHARPY L’expérimentation se base sur le modèle de l’essai de résilience de Charpy285. Georges Charpy (1865 – 1945) était un ingénieur français qui a mis au point en 1901 la machine permettant de réaliser cet essai. Celle-ci est appelée Mouton Charpy. Son objectif était de permettre un classement des matériaux en fonction de leur résilience, en particulier les métaux. L’essai vise à mesurer l’énergie nécessaire pour rompre en une seule fois une éprouvette entaillée. Un mouton-pendule est utilisé pour développer une énergie au moment de l’impact. L’énergie absorbée par l’éprouvette est obtenue en faisant la différence d’énergie potentielle entre le départ du pendule et la fin de l’essai. L’énergie en négligeant les frottements se calcule grâce à la relation suivante 286:

m = masse du mouton-pendule [kg] g = Accélération terrestre [m s-2] h = hauteur du mouton-pendule à sa position de départ [m] h' = hauteur du mouton-pendule à sa position d'arrivée [m]

Figure 157. Photographie d'un Mouton de Charpy utilisé dans l’industrie muni de parebrises / ©Proeti

284

Voir la fiche du matériau en annexes, page 213. Une vidéo réalisée par le professeur et docteur Rainer Schwab, Hochschule Karlsruhe (Karlsruhe University of Applied Sciences), Germany, est disponible sur internet (YouTube). Elle explique le principe de l’essai de Charpy, avec des images, des schémas et des commentaires. 286 Essai de flexion par choc sur éprouvette entaillée Charpy, article disponible sur le site internet Wikipédia, consulté le 01/05/13. 285

140


Figure 158. Schéma du Mouton Charpy / © Karlsruhe University of Applied Sciences

- LA FABRICATION DU MONTAGE EXPERIMENTAL Le montage expérimental s’inspire donc du Mouton Charpy. Une potence graduée en centimètres et un bras articulé muni d’une masse et d’une pointe ont été fabriqués. Pour cela, un mat en aggloméré de bois est fixé sur un socle de même matériau avec des équerres et des vis. Le mat est percé et est traversé par une vis sans fin qui sert de pivot au bras articulé, lui-même en aggloméré de bois. Le bras est calé à l’aide de deux écrous-freins287 de chaque côté, sans le serrer, afin qu’il ait un mouvement libre. Une goutte d’huile est ajoutée pour limiter les frottements majeurs288. Ainsi, le bras est guidé et son mouvement est bien axial. Au bout du bras articulé est placée une masse, ici quatre grosses rondelles en fer, et une pointe, formée dans ce cas d’une pince à épiler et d’un scalpel. Sur le socle, deux cales en aggloméré de bois sont collées ; c’est là que seront mises en place les éprouvettes. Le socle est maintenu à la table de travail à l’aide de deux serre-joints.

287

Ecrous munis d’une rondelle en une sorte de caoutchouc qui une fois l’écrou en place, l’empêche de tourner sur lui-même. 288 Pour limiter au maximum les frottements, il aurait fallu utiliser un roulement à bille. Ce type de matériel a été récupéré sur un vélo, mais il n’a pu être intégré au montage, le problème étant d’y intégrer un bras.

141


Figure 159. Le montage expérimental Figure 160. Eléments composant la masse au bout du bras articulé : ficelle, scalpel, pince à épiler, rondelles et ruban adhésif de peintre

Figure 161. Vue de la vis sans fin et des écrous freins dirigeant le bras articulé lors de son action

Une éprouvette de préparation rouge (huile siccativée + pigments ocre rouge) mesurant 3 x 5 x 0,2 cm est placée verticalement sur le support de la potence et est maintenue à l’aide de petits morceaux de ruban adhésif289. Elle a été préalablement imprégnée d’un adhésif naturel à une concentration et à une température de réactivation donnée. Un système de cordelette fixée au bras est pincée par une pince à dessin fixée au plafond de la pièce. Cela permet de maintenir la position de départ du bras à 90°290 et à une hauteur h fixe, mais surtout de ne pas donner une vitesse initiale avec la main. Un point rouge marqué au feutre sur la cordelette permet de retrouver la même position de départ du bras à chaque essai. Un point 289

Dans l’essai de Charpy, les éprouvettes sont essentiellement des métaux qui emmagasinent suffisamment d’énergie pendant le choc pour donner un résultat significatif sans qu’ils ne soient maintenus au montage. Ici, les éprouvettes sont très fines et difficilement stables sur la section pour qu’elles ne bougent pas avant l’impact. C’est pourquoi elles sont maintenues avec du ruban adhésif de peintre, peu résistant qui permet l’éviction des éprouvettes à l’impact. 290

Il a été choisi de le placer à cet angle et pas plus, pour des raisons pratiques. Plus l’angle est grand, plus la caméra doit être éloignée et plus sa définition doit être importante pour lire les résultats précisément. Ne disposant pas d’un matériel d’enregistrement vidéo très perfectionné, l’angle de prise de vue choisi est donc plus petit pour plus de précision dans la lecture des résultats.

142


rouge est aussi matérialisé sur le bras pour marquer le point de départ de celui-ci. Il sera utilisé lors de l’exploitation des données enregistrées.

Figure 162. L'éprouvette est posée verticalement contre les deux cales du montage, puis est maintenue avec deux morceaux de ruban adhésif de peintre

Au final, ce système va permettre de mesurer l’énergie nécessaire au bras pour briser l’échantillon mis en place. En effet, plus la hauteur h’ atteinte par le bras après avoir brisé l’échantillon sera basse, plus il lui aura été demandé d’énergie pour briser ce dernier. Les variations entre les séries d’échantillons sont observées. D) L E MODE D ’ EXPLOITATION DES DONNEES RECOLTEES Le système en marche est filmé à l’aide d’une caméra en point fixe. La vidéo est ensuite analysée informatiquement à l’aide d’un logiciel : AviStep©.291 Ce logiciel permet de déterminer de manière précise des points sur la vidéo à différents intervalles de temps, de définir des échelles et des axes. En somme, il possède tous les outils nécessaires pour mesurer la différence Δh entre la hauteur de départ h du bras et sa hauteur h’ à la fin de l’essai. Les différentes manipulations nécessaires à l’obtention des résultats dans le logiciel sont décrites ci-dessous dans le tableau 1.292

291

®AviStep - Version 2.1.1 - 23/11/2002 Ces différentes manipulations sont aussi décrites dans une vidéo explicative réalisée lors de l’expérimentation et disponible en ligne sur internet en suivant le lien : https://www.youtube.com/watch?v=wquUXK48f88&feature=youtu.be ou en tapant les mots clés « RP5 sujet technico-scientifique » dans le moteur de recherche du site internet https://www.youtube.com/. 292

143


Tableau 1. Les différentes manipulations requises par le logiciel pour obtenir le résultat des mesures

Figure 163. Instantané avant analyse

Figure 164. Définition du point de départ à la hauteur h du bras (il est le même sur toutes les prises car il est matérialisé directement sur le bras au feutre rouge)

Figure 165. Définition de l'échelle, ici le mât mesure 37,2

Figure 166. Définition d'un axe, ici le point 0 sur l'axe des

cm

ordonnées est important puisque la hauteur du point est mesurée

Figure 167. Définition du point d'arrivée du bras à une

Figure 168. Vers le tableau des valeurs

hauteur h’ en reprenant comme repère le point rouge marqué au feutre sur le bras.

144


Ensuite, le Δh = h – h’ est calculé et référencé dans un tableau et ce, pour chaque échantillon de chaque série.

Figure 169. Relevé des mesures de hauteur des points de départ et d'arrivée du bras, ici h = 40,7 cm au départ et h’ = 7,2 cm à l'arrivée

II. REPETABILITE DES MESURES

La répétabilité de l’expérience est effectuée en réalisant le même test sur dix échantillons identiques afin de valider le protocole expérimental. Les premiers pré-tests ont été réalisés en lâchant le bras à vide, sans placer d’échantillons dans le montage. Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau 2. Tableau 2. Mesures du Δh du bras articulé lancé à vide

Essai n°

Δh = h – h’ (en cm)

1

4,2

2

4,2

3

3,9

4

4,0

5

3,4

6

3,6

7

3,9

8

3,6

9

4,2

10

3,9

Moyenne (en cm) Xm = x +x1 +xn / n Variance σ² (m²) (x – xm)² + (xn – xm)² / n-1 Ecart-type à la moyenne à 95% 2σ/√n (cm) Incertitude relative (Ecart-type/moyenne)

3,94

Figure 170. Schéma du montage et du Δh lors des essais à vide

5,53.10-² 0,16 4%

145


La valeur n°4 s’écarte de la moyenne et est éliminée pour le calcul de la moyenne et de l’écart-type. L’erreur relative obtenue est d’environ 4% ce qui permet de valider le protocole expérimental à vide 293. De nouveaux pré-tests sont engagés en plaçant cette fois-ci dans le montage des échantillons non-imprégnés d’un adhésif. Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau 3. Tableau 3. Mesures du Δh à partir d'éprouvettes non imprégnées

Essai n°

Δh = h – h’ (en cm)

1

11,8

2

13,5

3

11,5

4

13,8

5

12,0

6

14,1

7

13,1

8

13,2

9

15,6

10

12,9

Moyenne (en cm) Xm = x +x1 +xn / n Variance σ² (m²) (x – xm)² + (xn – xm)² / n-1 Ecart-type à la moyenne à 95% 2σ/√n (cm) Incertitude relative (Ecart-type/moyenne)

Figure 171. Schéma du montage et du Δh lors des essais à partir d’échantillons non imprégnés

13,05 0,65 0,57 4,4%

Les valeurs n°3 et 9 s’écartent de la moyenne et sont éliminés pour le calcul de la moyenne et de l’écart-type. L’erreur relative obtenue est d’environ 3,5% ce qui permet de valider le protocole expérimental294.

293

Les calculs sont effectués à partir de formules algébriques pour une population finie faible en nombre. 294 Idem.

146


III. PREMIERE PARTIE

Le protocole expérimental est alors mis en place pour des échantillons imprégnés avec un adhésif naturel sous forme liquide, chaud à environ 30°C. Puis, les éprouvettes sont passées à la spatule chauffante pour réactiver l’adhésif à une température donnée ; 40, 50, 60, 70, 80 et 90°C. L’adhésif étant appliqué chaud, le réactiver à une température inférieure est inutile. Une protéine commence à se dégrader très vite dès qu’elle atteint des températures autour de 50-60°C. Les propriétés adhésives d’une colle protéinique trop chauffée sont altérées, c’est pourquoi il est décidé de ne pas aller au-delà de 90°C. A) C ONSOLIDATION A LA COLLE DE PEAU Le premier volet de l’expérimentation concerne la consolidation des éprouvettes de préparation grasse rouge à la colle de peau295 préparée à 8% dans de l’eau déminéralisée296. Il est rappelé qu’il s’agit d’un adhésif protéinique. La concentration correspond à celle qui peut être utilisée lors des opérations de refixage et de consolidation en restauration. La partie se compose de six séries de dix échantillons chacune. Chaque échantillon est soumis au test de résistance. Les résultats sont regroupés dans le tableau 4. - MESURES DU ΔH Tableau 4. Mesures de Δh en fonction des températures de réactivation de la colle de peau qui imprègne les échantillons

Température en °C

40

50

60

70

80

90

13,5

25,7

29,9

32,6

31,2

27,7

12,7

22,9

27,4

30,5

25,7

25,5

12,6

24,7

34,1

34,1

32,5

32,6

16,2

31,6

27,2

32,9

35,4

26,5

14,4

31,6

31,2

36,1

22,1

24,6

Eprouvette n° 1 Δh = h – h’ (en cm)

2 3 4 5

295 296

Voir la fiche de produit en annexes, page 183. Idem, page 201.

147


6

12,9

26,9

26,9

33,3

31,2

28,0

7

13,6

30,1

29,5

38,1

32,5

32,8

8

16,1

27,8

34,5

29,0

29,2

31,5

9

16,4

27,6

28,8

29,0

22,3

28,6

10

18,8

29,8

26,8

28,3

28,8

26,6

14,27

28,42

29,09

32,39

30,81

27,38

2,83

17,52

5,87

10,41

22,61

4,51

1,12

2,79

1,62

2,04

3,36

1,50

7,9%

9,8%

5,6%

6,3%

10,9%

5,5%

Moyenne de Δh (en cm) Xm = x +x1 +xn / n Variance σ² (m²) (x – xm)² + (xn – xm)² / n-1 Ecart-type à la moyenne à 95% 2σ/√n (cm) Incertitude relative (Ecarttype/moyenne)

Δh (cm) en fonction de la température (°C) de réactivation 40 Δh (cm)

30 20 10 0 0

40

50

60

70

80

90

Température de réactivation des échantillons (°C)

Graphique 1. Mesures du Δh en fonction de la température de réactivation de la colle de peau imprégnant les échantillons

148


Les valeurs barrées et surlignées s’écartent très nettement de la moyenne c’est pourquoi elles ne sont pas prises en compte dans les différents calculs de moyennes et d’écarttypes297. Le pas de 10°C choisi pour chauffer à la spatule les échantillons a permis de mettre en évidence un passage de palier nettement visible entre 40 et 50°C. Dès lors, il semble intéressant de créer une série d’éprouvettes imprégnées en réactivant l’adhésif à 45°C, dont les résultats sont condensés dans le tableau 5. - REALISATION D’UNE SERIE A 45°C Tableau 5. Mesures du Δh après réactivation de la colle de peau imprégnant dix échantillons à 45°C

Essai n°

Δh = h – h’ (en cm)

1

24,2

2

19,7

3

26,0

4

29,5

5

30,5

6

24,5

7

25,6

8

27,7

9

20,2

10

24,8

Moyenne (en cm) Xm = x +x1 +xn / n Variance σ² (m²) (x – xm)² + (xn – xm)² / n-1 Ecart-type à la moyenne à 95% 2σ/√n (cm) Incertitude relative (Ecart-type/moyenne)

25,31 7,44 1,93 7,6%

Les valeurs 2 et 5 s’écartent significativement de la moyenne et ne sont pas incluses dans le calcul de cette moyenne ni dans celui de l’écart-type298.

297

Les calculs sont effectués à partir de formules algébriques pour une population finie faible en nombre. 298 Idem.

149


Δh (cm) en fonction de la température (°C) de réactivation 40 35

Δh (cm)

30 25 20 15 10 5 0 0

40

45

50

55

60

65

70

75

80

85

90

Température de réactivation des échantillons (°C)

Graphique 2. Mesures du Δh en fonction de la température de réactivation de la colle de peau imprégnant les échantillons

- INTERPRETATION DES RESULTATS L’observation des points du graphique représentant Δh en fonction de la température de réactivation de la colle de peau299 imprégnant les échantillons permet de dire que la résistance du matériau augmente sensiblement à partir de 40°C et qu’elle devient maximum à partir de 50°C, puis est relativement constante jusqu’à 90°C. La consolidation du matériau serait donc plus efficace après une réactivation commençant à 50°C de la colle de peau. - LES INTERROGATIONS SOULEVEES A partir de cette observation peuvent être tirées deux différentes conclusions. La première est que la réactivation à 50°C permet à l’adhésif de progresser dans les 2 mm de la stratigraphie et de l’imprégner dans son ensemble, d’où une résistance au choc maximum pour le protocole proposé. La seconde possibilité peut concerner la nature du matériau. Et si l’apport d’adhésif ne changeait rien à la consolidation du matériau ? Dans le cadre de cette modélisation, les échantillons sont secs mais le temps de polymérisation du matériau avant son imprégnation est petit par rapport à un matériau tel qu’il peut être rencontré sur un tableau. Le degré de polymérisation d’une éprouvette donnée est relativement faible et celle-ci est donc encore susceptible de posséder une Tg assez basse et de changer alors d’état. Une déformation à 299

Voir la fiche produit en annexes, page 183.

150


la contrainte lui étant appliquée peut lui être attribuée et donc son module d’élasticité peut changer, faussant ainsi tous les résultats. Est-il alors possible de rendre compte du degré de polymérisation des éprouvettes, et donc de renforcer la crédibilité des résultats obtenus dans cette partie ? B) R ECHERCHE SUR L ’ ETAT DE POLYMERISATION DES EPROUVETTES Un film d’huile n’est polymérisé que lorsqu’il est composé d’un réseau moléculaire tridimensionnel. Celui-ci se forme par polymérisation. Le déclenchement de la polymérisation des huiles siccatives, telles que l’huile de lin, n’a lieu qu’après une phase d’absorption (2) d’oxygène O2, appelée oxydation. Cette dernière amène à la création d’hydroperoxydes instables qui se décomposent ensuite en laissant des radicaux libres (3). Ces radicaux forment alors des liaisons avec d’autres molécules ce qui déclenche la polymérisation300. Cette phase d’absorption d’oxygène modifie la masse moléculaire du matériau : elle augmente.

Figure 172. Réaction d'oxydation de l'huile

Il a été remarqué lors de la confection des échantillons, que leur masse était de 10,3 +/- 0,90 g301. Or, l’huile contenue dans les éprouvettes subit elle aussi des réactions d’oxydation. Donc, la masse moléculaire du matériau augmente. La masse des éprouvettes augmente alors plus le degré de polymérisation s’accroît, jusqu’à se stabiliser, signe que le matériau est polymérisé. Un panel de dix échantillons est pesé sur une période de quatre mois consécutifs à l’aide de la même balance302. La première mesure a lieu juste après le premier séchage303, la

300

ZOVI, Ornella. Fonctionnalisation et photopolymérisation de l’huile de lin en vue de l’élaboration de nouveaux matériaux sans émission de composés organiques volatiles (COV). Chimie macromoléculaire. Rouen : Ecole doctorale normande de chimie, 2009, pages 9 et 10. 301 Voir le paragraphe sur la confection des éprouvettes, page 138. 302 N’ayant remarqué l’intérêt de la pesée qu’un mois après la première, il était déjà trop tard pour changer d’appareil et pour utiliser une balance plus précise, dans un souci de continuité. Les mesures sont donc entreprises avec une balance à 1g près. 303 Le matériau est donc sec au toucher, manipulable avec les mains.

151


seconde après un mois, et ce jusqu’à quatre mois. Les résultats sont regroupés dans le tableau 6. - LES MESURES DE MASSES Tableau 6. Masses d'une population de dix éprouvettes en fonction du temps écoulé depuis leur création

Echantillon

Masse (g) au départ

Masse (g)

Masse (g)

Masse (g)

Masse (g)

après 1

après 2

après 3

après 4

mois

mois

mois

mois

1

11

11

13

12

16

2

9

11

13

14

12

3

11

11

12

13

13

4

10

13

13

12

15

5

10

10

12

14

13

6

9

13

13

13

12

7

11

11

12

15

14

8

11

13

13

15

13

9

10

12

13

12

14

10

11

11

12

13

13

10,3

11,6

12,6

13,3

13,5

2,03

1,16

0,8

1,34

1,61

0,90

0,68

0,51

0,73

0,80

8,7%

5,9%

4,0%

5,5%

6%

Moyenne

(en

cm) Xm = x +x1 +xn / n Variance σ² (m²) (x – xm)² + (xn – xm)² / n-1 Ecart-type à la moyenne à 95% 2σ/√n (cm) Incertitude relative (Ecarttype/moyenne)

152


Moyenne des masses des échantillons en fonction du temps 15

+ 0,2

14 Masse (g)

+ 0,7 13

+ 1,0

12

+ 1,3 11

10 9 0

1

2

3

4

Temps en mois

Graphique 3. Graphique montrant l’évolution de la moyenne des masses des échantillons (g) en fonction du temps écoulé depuis leur fabrication (en mois)

- CONCLUSION En moyenne, les éprouvettes ont pris 3,2 g dans les quatre mois qui ont suivi leur création. La polymérisation du matériau par oxydation a été très active dans les premiers mois et tend à diminuer avec le temps.

IV. DEUXIEME PARTIE

Il a été vu que le phénomène d’oxydation permettait la polymérisation d’une huile. Dans le cas de l’étude, la mesure des masses a permis d’identifier ce phénomène en cours de réaction. Après quelques mois, les échantillons ont donc subit une polymérisation avancée. Cependant, elle n’est pas terminée pour autant. L’étude se retrouve donc au point où elle aurait dû se situer au départ. C’est pourquoi, l’expérience de consolidation à la colle de peau304 réactivée à différentes températures, est de nouveau menée pour mettre en évidence les nouvelles propriétés du matériau polymérisé cette fois-ci. A) R EPETABILITE DES MESURES Le protocole reste toujours le même. De nouveaux tests sont engagés pour savoir si celui-ci est toujours valide. Ils sont menés sur une série de dix échantillons non imprégnés mais dont 304

Voir la fiche produit en annexes, page 183.

153


la polymérisation est plus avancée que lors de la première partie. Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau 7. Tableau 7. Moyenne des Δh d'une série de dix échantillons non imprégnés

Essai n°

Δh = h – h’ (en cm)

1

21,8

2

20,0

3

19,6

4

22,8

5

21,5

6

22,7

7

16,7

8

21,5

9

29,3

10

21,3

Moyenne (en cm) Xm = x +x1 +xn / n Variance σ² (m²) (x – xm)² + (xn – xm)² / n-1 Ecart-type à la moyenne à 95% 2σ/√n (cm) Incertitude relative (Ecart-type/moyenne)

21,40 1,29 0,80 4%

Les valeurs n°7 et 9 s’écartent de la moyenne et sont éliminées pour le calcul de la moyenne et de l’écart-type. L’erreur relative obtenue est d’environ 4% ce qui permet de valider le protocole expérimental.305 B) N OUVELLE CONSOLIDATION A LA COLLE DE PEAU L’étude est donc de nouveau menée sur six séries de dix échantillons chacune, en reprenant exactement les mêmes paramètres. Une série à 65°C réalisée postérieurement est directement intégrée aux résultats visibles dans le tableau 8.

305

Les calculs sont effectués à partir de formules algébriques pour une population finie faible en nombre.

154


- MESURES DU ΔH Tableau 8. Mesures du Δh de chaque série en fonction de la température de réactivation de la colle de peau

Températ

40

50

60

65

70

80

90

22,8

21,4

14,1

19,1

19,2

31,6

24,4

19,0

29,8

21,2

24,0

27,5

22,4

25,2

26,0

18,9

31,3

25,6

26,2

20,8

26,8

23,5

26,5

26,1

24,1

17,6

25,6

24,7

25,6

20,5

18,7

23,2

28,5

26,9

17,6

6

17,8

23,2

20,9

19,8

25,9

25,2

23,7

7

18,2

22,4

21,3

26,0

31,3

22,6

18,8

8

15,0

24,3

19,1

18,0

32,2

25,6

29,5

9

23,5

29,7

17,8

24,2

32,2

25,6

22,8

10

24,4

19,3

17,8

23,7

21,0

30,1

24,3

21,85

22,07

20,36

22,96

28,10

25,50

23,83

9,25

6,66

7,47

5,20

14,75

5,89

5,48

ure en °C Eprouvette n° 1 Δh = h – h’ (en cm)

2 3 4 5

Moyenne de Δh (en cm) Xm = x +x1 +xn / n Variance σ² (m²) (x – xm)² + (xn – xm)² / n-1

155


Ecart-type à la moyenne

2,15

1,82

1,93

1,61

2,72

1,71

1,66

10%

8%

9,5%

7%

10%

7%

7%

à 95% 2σ/√n (cm) Incertitud e relative (Ecarttype/moye nne)

Les valeurs barrées et surlignées s’écartent de la moyenne. Elles ne sont pas prises en compte pour le calcul des moyennes et des écart-types306.

Δh en fonction de la température de réactivation des échantillons 35 30

Δh (cm)

25 20 15 10 5 0 0

35

40

45

50

55

60

65

70

75

80

85

90

Température de réactivation des échantillons (°C)

Graphique 4. Représentation des variations du Δh (cm) en fonction de la température de réactivation des échantillons (°C) à la colle de peau

- INTERPRETATION DES RESULTATS Le Δh reste constant, que l’échantillon ne soit pas imprégné ou qu’il le soit à 40, 50 et 60°C. Par contre, une rupture est nettement remarquable à partir de 70°C. Le palier qui existait lors de la première expérience existe donc toujours, à une vingtaine de degré de plus. 306

Les calculs sont effectués à partir de formules algébriques pour une population finie faible en nombre.

156


Cependant il n’est plus d’environ 100%307 mais il est beaucoup plus faible, environ 25%. Néanmoins, d’après ces observations, il est possible d’affirmer que la consolidation d’une éprouvette est plus efficace lorsque l’imprégnation à la colle de peau308 est réactivée à partir de 70°C et non plus à 50°C. Là, l’adhésif ne pénètre vraisemblablement pas assez pour améliorer la cohésion de la strate comme c’était le cas dans la première partie. Le matériau ne possède donc plus les mêmes propriétés. Sa Tg a vraisemblablement augmenté, tout comme son degré de polymérisation. C) C ONSOLIDATION A LA COLLE D ’ ESTURGEON Le second volet de l’expérimentation concerne la consolidation des éprouvettes de préparation grasse rouge à la colle d’esturgeon309 à 3% dans de l’eau déminéralisée310. Il est rappelé qu’il s’agit d’un adhésif protéinique. La concentration correspond à celle employée en restauration pour mener des opérations de refixage et de consolidation. Six séries de dix échantillons chacune sont imprégnées de colle d’esturgeon réactivée ensuite à différentes températures. Chaque échantillon de la série est soumis au test de résistance. Les résultats des mesures du Δh obtenues sont regroupés dans le tableau 9. Tableau 9. Mesures du Δh de chaque série en fonction de la température de réactivation de la colle d’esturgeon

Température

40

50

60

70

80

90

18,9

21,3

23,6

28,2

31,7

32,1

2

29,4

21,5

26,6

21,8

32,4

34,4

3

23,8

22,4

30,1

28,8

32,8

29,5

4

22,8

24,0

31,4

34,8

34,5

29,0

5

24,2

22,5

29,6

18,1

22,3

36,6

6

23,6

24,6

25,1

33,0

29,6

30,5

en °C Eprouvette n° 1 Δh = h – h’ (en cm)

307

Voir les résultats de la première expérience, page 153. Voir la fiche de produit en annexes, page 183. 309 Idem, page 187. 310 Idem, page 201. 308

157


7

22,4

24,2

30,3

35,5

20,8

28,3

8

19,9

20,8

29,9

35,7

26,4

18,0

9

30,6

24,5

25,3

28,5

27,3

25,8

10

22,8

24,5

26,2

34,6

29,9

27,1

21,05

23,03

27,89

32,39

30,58

29,59

5,41

6,44

5,23

11,04

7,79

7,55

1,64

1,60

1,62

2,35

1,97

1,94

8%

7,0%

6%

7%

7%

7%

Moyenne de Δh (en cm) Xm = x +x1 +xn / n Variance σ² (m²) (x – xm)² + (xn – xm)² / n-1 Ecart-type à la moyenne à 95% 2σ/√n (cm)

Incertitude relative (Ecarttype/moyenne)

158


Les valeurs barrées et surlignées s’écartent de la moyenne, c’est pourquoi elles ne sont pas utilisées pour les calculs de moyennes et d’écart-types311.

Δh (cm) en fonction de la température (°C) de réactivation 40 35

Δh (cm)

30 25 20 15 10 5 0 0

40

50

60

70

80

90

Température de réactivation des échantillons (°C)

Graphique 5. Représentation des variations du Δh (cm) en fonction de la température de réactivation des échantillons à la colle d’esturgeon (°C)

- INTERPRETATION DES RESULTATS L’observation des points disposés sur le graphique représentant Δh en fonction de la température de réactivation de la colle permet de voir cette fois-ci deux paliers distincts. La résistance augmente sensiblement après une imprégnation et une réactivation à partir de 60°C. Elle atteint son maximum à 70°C et a tendance à diminuer jusqu’à 90°C. A priori, la consolidation du matériau est plus efficace s’il est imprégné à la colle d’esturgeon312 qui est ensuite réactivée à 70°C. A cette température, il est probable que l’adhésif pénètre complètement la stratigraphie. La tendance à 80 et 90°C témoigne peutêtre d’une dénaturation de la protéine à une forte température, qui altère son pouvoir collant. D) C ONSOLIDATION AU F UNORI Cette expérimentation poursuit ensuite par la consolidation des éprouvettes de préparation grasse rouge au Funori313 à 1% dans de l’eau déminéralisée314. Contrairement aux deux 311

Les calculs sont effectués à partir de formules algébriques pour une population finie faible en nombre. 312 Voir la fiche de produit en annexes, page 187. 313 Idem, page 189. 314 Idem, page 201.

159


premiers adhésifs, celui-ci est un polysaccharide. La concentration correspond à celle employée lors d’opérations de refixage et de consolidation en restauration. L’adhésif imprégnant les échantillons est réactivé à 40, 50, 60, 70, 80 et 90°C. Ces différentes températures correspondent aux six séries de dix échantillons soumises au test de résistance. Les mesures du Δh sont référencées dans le tableau 10. Tableau 10. Mesures du Δh de chaque série en fonction de la température de réactivation de la colle de Funori

Température

40

50

60

70

80

90

24,5

28,3

24,6

27,2

25,9

21,4

14,3

23,5

18,1

20,6

19,6

23,4

3

15,8

20,5

20,4

24,6

24,9

27,7

4

20,1

21,6

23,2

23,8

20,9

26,2

5

23,7

21,5

26,8

19,0

27,6

20,9

6

21,4

25,2

22,1

13,7

18,2

21,9

7

22,0

26,1

18,5

26,3

23,9

21,6

8

21,3

19,4

21,4

25,3

23,2

18,9

9

23,4

16,6

17,6

16,8

21,6

19,3

10

14,2

13,1

24,7

23,7

26,1

26,8

21,53

21,80

21,18

23,81

23,26

22,27

7,46

9,65

7,39

7,71

5,69

7,58

en °C Eprouvette n° 1 Δh = h – h’ (en cm)

2

Moyenne de Δh (en cm) Xm = x +x1 +xn / n Variance σ² (m²) (x – xm)² + (xn – xm)² / n-1

160


Ecart-type à la moyenne à

1,93

2,19

1,81

1,96

1,69

0,92

9%

10%

9%

8%

7%

4%

95% 2σ/√n (cm)

Incertitude relative (Ecarttype/moyenne)

Les valeurs barrées et surlignées s’éloignent de la moyenne. Elles ne sont pas incluses dans le calcul de la moyenne et de l’écart-type de chaque série.315

Mesures du Δh en fonction de la température de réactivation de l'adhésif 30

25

Δh (cm)

20 15 10 5 0 0

40

50

60

70

80

90

Température de réactivation de l'adhésif imprégnant les échantillons (°C)

Graphique 6. Représentation des variations du Δh (cm) en fonction de la température de réactivation des échantillons (°C) imprégnés à la colle de Funori

- INTERPRETATION DES RESULTATS Les éprouvettes ne voient pas leur résistance s’accroître significativement après leur imprégnation à la colle de Funori316. En effet, les valeurs de Δh restent plus ou moins constantes tout au long de l’expérience. Cet adhésif ne s’utilise qu’à de petites concentrations, qui ici peuvent donc s’avérer insuffisantes pour permettre de consolider le matériau. Les écrits qui développent à son sujet conseillent de multiplier les opérations de 315

Les calculs sont effectués à partir de formules algébriques pour une population finie faible en nombre. 316 Voir la fiche de produit en annexes, page 189.

161


consolidation à une petite concentration plutôt qu’une seule à une grande concentration. L’étude ne vise pas à le déterminer, c’est pour cette raison que l’expérience ne sera pas renouvelée. E) C ONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE - INFLUENCE DE L ’ELEVATION DE TEMPERATURE Les colles de peau317 et d’esturgeon318 sont deux colles protéiniques. Le protocole expérimental a révélé leur profil très similaire. En effet, il semble qu’elles réagissent vraisemblablement de la même manière aux variations de température. Le Δh mesuré est relativement constant, puis augmente de manière significative entre 60 et 70°C. Puis, il diminue légèrement à 80 et 90°C. La résistance du matériau semble dans les deux cas être à son maximum après une imprégnation et une réactivation de l’un ou l’autre des adhésifs à 70°C. A cette température, il semble que la colle pénètre toute la stratigraphie de l’éprouvette et lui confère la meilleure consolidation. Les valeurs du Δh mesurés et correspondant à cette température sont regroupées dans le graphique 7. La colle de Funori319 est un polysaccharide. Elle ne semble pas réagir aux variations de température. Le Δh reste relativement constant tout au long du protocole. A la question posée lors de l’établissement du sujet, à savoir si l’apport de chaleur sur une préparation rouge non poreuse imprégnée d’un adhésif naturel influait sur l’efficacité d’une opération de consolidation, la réponse a été clairement démontrée. En effet, l’apport de chaleur permet au matériau et à l’adhésif d’élever leurs températures respectives. La colle devient moins visqueuse et pénètre plus facilement le matériau. Ce dernier s’approche de sa Tg et permet à l’adhésif de s’intégrer dans sa structure. De plus, c’est bien à 70°C que les colles de peau et d’esturgeon assurent le mieux leur rôle de consolidants.

317

Voir la fiche de produit en annexes, page 183. Idem, page 187. 319 Idem, page 189. 318

162


Moyennes du Δh mesurés en fonction des adhésifs 35

Δh mesuré (en cm)

30 25

20

Colle de peau Colle d'esturgeon

15

Funori 10 5 0 Moyennes du Δh à 70°C

Graphique 7. Histogramme regroupant les moyennes du Δh mesuré en fonction des adhésifs imprégnant les échantillons. 70°C est la température à laquelle le Δh est le plus élevé pour les trois colles.

- L’EFFICACITE DE LA CONSOLIDATION L’une des questions posées lors de l’établissement du sujet était de déterminer lequel des trois adhésifs permettait la consolidation la plus efficace. Le graphique 7 et les encadrements des moyennes de Δh à 70°C grâce aux écart-types l’illustrent clairement. -

Colle de peau (cm) : 25,38 < 28,10 +/- 2,72 < 30,82

-

Colle d’esturgeon (cm) : 30,04 < 32,39 +/- 2,35 < 34,74

-

Funori (cm) : 21,85 < 23,81 +/- 1,96 < 25,77

La colle d’esturgeon320 apparaît consolider plus efficacement les échantillons, juste devant la colle de peau321. Par rapport à ces résultats, le Funori322 n’est pas satisfaisant. Il faudrait certainement multiplier les opérations de consolidation à 1% pour obtenir un résultat similaire à ceux des deux autres adhésifs. Il semble par ailleurs intéressant de donner une valeur à l’efficacité de la consolidation. Le dernier volet de cette étude se penche sur la question.

320

Voir la fiche de produit en annexes, page 187. Idem, page 183. 322 Idem, page 189. 321

163


V. RESISTANCE DES ECHANTILLONS

A) I NTRODUCTION Le protocole mis en place est un test de résilience. Il s’agit en effet de mesurer la résistance d’un matériau. Plus le matériau est résistant, plus l’énergie nécessaire pour le briser est importante. D’une manière générale, l’énergie nécessaire, en Joules, pour rompre l’éprouvette est calculée en réalisant ce calcul, où m est la masse du bras rigide (g), g la constante de gravité (m.s-²), et Δh (cm) est la différence entre la hauteur de départ h du bras et la hauteur du bras à la fin h’ : K = m.g.Δh Plus cette valeur d’énergie est importante, plus le matériau est résistant. De manière détournée, il peut être pensé que plus une éprouvette est résistante, plus la consolidation est efficace. B) L ES DONNEES Les

différentes

données

regroupées

ci-dessous,

sont

celles

au

départ,

avant

l’expérimentation. Elles sont stables pendant toute la durée de celle-ci. Elles vont permettre de faire des calculs à partir des mesures récoltées et de proposer un résultat correspondant aux grandeurs recherchées, ici une énergie. Les mesures de masses ont été réalisées sur une balance de précision à 1.10-4 g près, soit 1.10-7 kg près. Il s’agit d’une balance de laboratoire équipée d’un pare-brise de protection contre les turbulences d’air. mbras = 123,6073. 10-3 kg mpince + mscotch + mscalpel = 8,7415. 10-3 kg mcordelette = 1,1338.10-3 kg mrondelles = 141,1684.10-3 kg D’où mtotale = 274,6510.10-3 kg soit 274,6510 g.

164


C) L ES CALCULS Les énergies nécessaires pour briser les échantillons imprégnés à la colle de peau323, à la colle d’esturgeon324 et à la colle de Funori325 sont calculées à partir des moyennes de Δh obtenues à 70°C, là où la consolidation paraît optimale, et à partir des différentes données apportées. Les valeurs sont regroupées dans le tableau 11. -

Incertitude absolue sur h : Elle correspond à une graduation de règle soit δh = 1 mm = 1.10-3 m.

-

Incertitude absolue sur la masse m : Δm = 1.10-7 kg donnée par la précision de la balance.

-

Incertitude absolue sur la constante de gravité terrestre326 : Δg = 1.10-3 m.s-2

-

Calcul de l’incertitude relative sur K : δK/K = √(( Δm/m)² + (Δg/g)² + (δh/Δh)²)

-

Calcul de l’incertitude absolue sur K : δK = K x δK/K

Tableau 11. Calculs de l’énergie nécessaire pour briser des échantillons imprégnés avec trois adhésifs différents mais à une température donnée de 70°C

Sans

Colle de peau

Colle d’esturgeon

Funori

21,40

28,10

32,39

23,81

K (J)

0,58

0,76

0,87

0,64

δK/K

0,5%

0,4%

0,3%

0,4%

δK

0,003

0,003

0,003

0,003

imprégnation Moyennes des Δh (cm) à 70°C

En moyenne, il faut 0,66J pour briser une éprouvette non consolidée. Il faut l’équivalent d’un joule pour briser un échantillon consolidé à la colle d’esturgeon, 0,87J pour un échantillon consolidé à la colle de peau et 0,74J au Funori, et ce après réactivation à 70°C.

323

Voir la fiche produit en annexes, page 183. Idem, page 187. 325 Idem, page 189. 326 Valeur choisie lors des travaux pratiques de sciences réalisés lors du cursus. 324

165


- QUESTIONNEMENTS SUR LES CALCULS Pour plus d’exactitude il faudrait calculer la masse apparente du bras lors de son mouvement de quart de cercle autour de l’axe de la potence. En effet, le poids d’un objet en mouvement sur Terre tient compte de la constance de gravitation et de l’accélération.327 Le diamètre du cercle hypothétique réalisé par le bras est D = 74,4.10-² m, soit deux fois la dimension du bras. La période t correspond au temps mis par le bras pour passer de h1 à h = 0 cm donc pour faire un mouvement d’un quart de cercle. Cette période est mesurée grâce à l’application d’analyse vidéo Avistep© qui la calcule automatiquement. D’où t = 0,042 s et Δt = 0,001 s. mapp bras = Fn/g = m (a + g) / g = m [(Δv/Δt) + g] / g = m [(((D.π/4)/t)/Δt) + g] /g

= 123,6073.10-3 [(((74,4.10-² . π/4)/ 0,042) / 0,001) + 9,81] / 9,81 = 176,4 kg mpince + mscotch + mscalpel = 8,7415. 10-3 kg mcordelette = 1,1338.10-3 kg mrondelles = 141,1684.10-3 kg D’où mtotale = 176,6 kg. Si les calculs sont justes, il se peut qu’ils ne le soient pas, la masse du bras articulé en mouvement est largement plus importante que s’il est considérée à l’arrêt. L’énergie mise en jeu dans la rupture des éprouvettes ne doit donc pas être du même ordre de grandeur dans ces conditions.

327

http://www.cegep-ste-foy.qc.ca/freesite/fileadmin/users/79/pppnya07/chap5/pppch5.6a12.pdf, cours en ligne consultés le 06/03/14. Il s’agit du Cégep de Saint-Foy au Canada, une académie d’enseignement supérieur québécoise.

166


Tableau 12. Calculs de l’énergie nécessaire pour briser des échantillons imprégnés avec trois adhésifs différents mais à une température donnée de 70°C, en prenant compte la masse apparente du bras articulé

Sans

Colle de peau

Colle d’esturgeon

Funori

21,40

28,10

32,39

23,81

K (J)

370,7

486,8

561,1

412,5

δK/K

0,5%

0,4%

0,3%

0,4%

δK

1,854

1,947

1,683

1,031

imprégnation Moyennes des Δh (cm) à 70°C

En moyenne, il faut 370,7 J pour briser une éprouvette non consolidée. Il faut l’équivalent de 561,1 J pour briser un échantillon consolidé à la colle d’esturgeon328, 486,8 J pour un échantillon consolidé à la colle de peau329 et 412,5 J au Funori330, et ce après réactivation à 70°C. Il y a donc une différence d’une centaine de joules entre l’énergie nécessaire pour biser une éprouvette non consolidé et celle d’un échantillon consolidé. - REMARQUE SUR LES ORDRES DE GRANDEUR Soit un pinceau de masse 100g élevé sur Terre sur une distance de 1m. La force appliquée à cette masse en fonction de la constante gravitationnelle terrestre est un poids. P = m x g = 0,1 x 9,81 = 0,981 kg.m.s-² = 0,981 N. Sachant que 1 Joule est égal à 1 N.m

331

, alors l’énergie nécessaire à élever sur Terre un

pinceau de masse 100g sur une distance de 1 m est : K = P x d = 0,981 x 1 = 0,981 J, soit environ 1J.  L’énergie nécessaire pour briser une éprouvette issue du protocole, c’est-à-dire imprégnée puis réactivée à une température donnée, est inférieure ou égale à celle nécessaire pour déplacer un pinceau de masse 100g sur une distance de 1m. Cette valeur semble faible et n’est valable que si la masse apparente n’est pas prise en compte lors des calculs.

328

Voir la fiche produit en annexes, page 187. Idem, page 183. 330 Idem, page 189. 331 « Le joule se définit en référence à d’autres unités du Système international de masse, de longueur 2 -2 et de temps, il est une unité dite dérivée (kg.m .s ) ». http://www.connaissancedesenergies.org/fichepedagogique/unites-de-l-energie, consulté le 16/05/13. 329

167


 En revanche, lorsque la masse apparente du bras est intégrée aux calculs, l’ordre de grandeur est bien différent. En effet, l’énergie cinétique d’une balle de plomb de 2,6 g propulsée à 330 m.s-² est de 142 J environ. L’énergie nécessaire pour briser les éprouvettes du protocole est donc bien supérieure au moment de l’impact, ce qui paraît plus probable. Il peut aussi être rappelé que 1000 J correspondent à l’énergie nécessaire à une personne de 30 kg pour faire une ascension de 3,40 m, ou encore à la quantité de chaleur dégagée en 10 s par une personne au repos.

D) C ONCLUSION Selon le mode de calcul utilisé, l’énergie nécessaire pour briser une éprouvette est soit très petite, soit beaucoup plus importante. La seconde solution semble être la plus probable au moment de l’impact entre le bras articulé et l’éprouvette, qui est relativement violent. En ce sens, l’étude des ordres de grandeurs permet de se rendre compte de l’énergie dégagée. Il apparaît dès lors très utile et significatif de consolider une préparation. Cependant, ce type de strate est d’autant plus fragile dans le contexte réel, sur un tableau. Une préparation rouge, typique de celles observées sur les œuvres du XVIIIème siècle, est plus fine que la modélisation qui en a été proposée lors de cette étude.332 Il semble alors normal de s’interroger sur la portée d’une telle opération : est-ce vraiment nécessaire et/ou significatif? Pour le mesurer, il faudrait étudier les énergies mises en jeu sur un tableau dues aux tensions ou aux vibrations. Cependant, si et seulement si les résultats sont pris en compte, il apparaît utile de consolider cette strate.

332

Chaque échantillon présente une section de 2 mm.

168


CONCLUSION DE LA PARTIE TECHNICO-SCIENTIFIQUE

L’étude menée a permis de déterminer qu’un échantillon de préparation rouge est d’autant plus résistant lorsqu’il a été consolidé à l’aide d’une substance naturelle. Il est aussi montré qu’il est consolidé de manière optimale avec un adhésif protéinique type colle d’esturgeon333 ou colle de peau334 réactivé à 70°C, puisque l’énergie nécessaire au bras articulé du montage expérimental pour le briser est la plus élevée dans ces conditions. L’apport de chaleur lors de l’opération de consolidation apparaît donc important et nécessaire. Ces conclusions ne sont valables bien entendu que dans les conditions de l’expérimentation, c’est-à-dire à 19°C, avec des éprouvettes de section 2 mm et de masse de 13,5 +/- 0,8 g, composées d’huile de lin et de pigments ocre rouge. Cette expérimentation comporte des limites qui doivent apporter des erreurs qui malgré tout n’ont pas été prises en compte dans les mesures. Tout d’abord, la température de réactivation des échantillons dépend de la spatule chauffante utilisée, de l’intermédiaire Mélinex®335 utilisé et du temps de réactivation. Il faudrait en effet tenir compte du nombre de degrés absorbés par cet intermédiaire, et par une toile, et l’erreur concédée par la panne de la spatule. Une étude entière devrait s’y consacrer pour plus d’exactitude. Car en effet, une réactivation à 70°C affichée par la spatule est donc forcément plus faible de manière effective. Cela a pour vertu de démontrer qu’il n’est pas forcément nécessaire d’élever la température outre-mesure lors de ce type de traitements, d’autant plus que les adhésifs composés de protéines, qui se dénaturent très vite à des températures environnant les 60°C, voient leurs propriétés adhésives modifiées. Dans l’absolu, pour ce type de traitement qu’est le refixage/consolidation, il faudrait prendre en compte le nombre de degrés absorbés par le Mélinex®, celui absorbé par la toile, l’erreur concédée par le fer à repasser et tout cela pour arriver à la température optimale mis en évidence par cette étude. De plus, le montage comporte lui aussi des erreurs possibles, comme les frottements du bras sur son axe de rotation et la fatigue du matériel grandissante au fur et à mesure de l’étude. Effectivement, plus de trois cents échantillons ont été brisés par le montage, sans compter ceux qui ont servis au réglage de ce dernier avant l’étude. N’étant pas du matériel

333

Voir la fiche produit en annexes, page 187. Idem, page 183. 335 Voir la fiche du matériau en annexes, page 213. 334

169


industriel, il va sans dire que la multiplication des séries n’est pas sans conséquences sur le montage. Enfin, le degré de polymérisation des éprouvettes n’est pas connu de manière exacte. Le temps imparti pour mener cette étude n’a pas permis de s’en assurer même en poursuivant l’analyse des masses des échantillons au fil des mois. Après quatre mois, la polymérisation est avancée mais n’est certainement pas terminée. Il faudrait donc dans l’absolu reprendre cette étude à partir de ce constat. Il aurait peut-être fallu choisir une huile polymérisée, cuite, pour diminuer le temps de réaction de polymérisation. Malgré toutes les limites attachées à l’expérimentation, cette étude reste un succès dans le sens où il m’a été permis de réfléchir et de comprendre le comportement d’un matériau assez complexe. Elle me semble aussi intéressante puisqu’elle provoque beaucoup de nouveaux problèmes qui pourraient être résolus lors d’études futures qui apporteraient alors des précisions précieuses aux conclusions formulées. Aussi, ce type de protocole expérimental peut être réutilisé pour étudier le comportement d’autres matériaux de la peinture.

170


CONCLUSION GENERALE

L’œuvre a intégré les ateliers de l’école le 25/09/12 et sera restituée dans quelques mois. Ce mémoire a traité de l’étude et de la restauration complète de l’huile sur toile intitulée Scène d’extérieur, prêtée par le musée barrois de Bar-le-Duc. Dans un premier temps, l’étude historique a replacé l’œuvre dans son contexte et proposé des hypothèses quant à la période de création, l’iconographie et les origines de l’artiste. Le tableau a dû être transféré plusieurs fois avant de se retrouver dans les réserves du musée barrois, mais seul l’ancien lieu de conservation a pu être trouvé : le collège Gilles de Trèves de Bar-le-Duc. La peinture aurait donc été effectuée dans la première moitié du XVIII ème siècle par un peintre ayant vraisemblablement reçu une formation artistique. L’iconographie se rapproche des scènes de théâtre et semble appartenir à un style français. Certains éléments portent à croire que la scène, ou l’école dont est issu l’artiste, se situe au nord de la France. Dans un second temps, le rapport de restauration a retracé tout le cheminement des réflexions au sujet du tableau et des traitements à effectuer, qui ont abouti à sa restauration. Ce rapport a commencé par un constat d’état retraçant l’état de conservation de la peinture avant toute opération de conservation. Celui-ci a permis d’établir un diagnostic de ses altérations puis un protocole de traitement. Ce dernier a été suivi scrupuleusement pour réaliser la restauration du tableau. Les matériaux naturels ont été privilégiés pour chaque intervention dans un souci de cohérence des traitements. Les actes techniques ont débuté par une protection de la surface et un refixage par le revers pour stabiliser la couche picturale en écaillage. Puis, la surface de la peinture a été décrassée et nettoyée des nombreux repeints et mastics anciens non adaptés. Les déchirures ont été reprises après un cartonnage de la surface visant à rétablir sa planéité. Ensuite, un rentoilage traditionnel a été pratiqué. Enfin, la réintégration picturale a été réalisée avant un vernissage final. Dans une troisième partie, une étude technico-scientifique a été proposée. Grâce au principe de l’essai de Charpy, elle a mis en évidence les vertus d’un apport de chaleur contrôlé dans l’efficacité d’un traitement de consolidation d’une préparation rouge huileuse et non perméable. Au cours de celle-ci trois adhésifs ont été employés : la colle de peau, la colle d’esturgeon et le Funori. Parmi ces trois colles, celle d’esturgeon affiche le meilleur résultat et permet de rendre le matériau plus résistant.

171


Ce mémoire m’a donc apporté l’opportunité d’étudier l’œuvre de manière approfondie et de me questionner sans cesse à son sujet. Même si parfois les réponses étaient incomplètes et/ou insatisfaisantes, il y a toujours eu matière à apprendre. Ce travail m’a permis d’explorer les techniques de restauration et de les mettre en pratique. Il m’a fait progresser, dans la prise de position mais aussi techniquement. Au-delà de la restauration, j’ai pu conduire des recherches bibliographiques dans différents domaines, qui ont pu s’éloigner du domaine de l’art, et qui ont par conséquent élargi mes connaissances. Etablir une démarche scientifique en fait par ailleurs partie. Absolument tout dans ce travail de mémoire m’a enthousiasmée, ce qui m’a souvent aidée à surmonter les difficultés, en particulier en cours de la quatrième année, lorsqu’il m’a fallu mener des démarches administratives afin de convaincre à nouveau mon prêteur d’œuvre de me confier la restauration du tableau. Cela a retardé mon travail de cinq mois. Je n’en retire à présent que du positif. Ce mémoire met un point final à cinq années d’études passionnantes à l’école de Condé. Cependant mon apprentissage du métier, j’en suis sûre, ne s’arrêtera pas là.

172


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(J ANVIER 2013) M. G ERARD V OREAUX , docteur en art et archéologie, historien de l’art et professeur, auteur de Les peintres lorrains du dix-huitième siècle : échanges autour du style de la représentation, rapprochements hypothétiques de Claude Jacquart et de Charles Louis Cheron.

(D ECEMBRE 2013) M ME R APHAËLE C ARREAU , attachée de conservation des musées de Chaumont : échanges concernant la source de la représentation, s’il existe une gravure originelle, il faudrait la chercher à partir du XVIIème jusqu’au XVIIIème siècle. (J ANVIER 2014) M ME N ATHALIE R IZZONI , chercheuse au Centre d'Etude de la Langue et de la Littérature Françaises des XVIIème et XVIIIème siècles, du CNRS et de l'Université ParisSorbonne : Elle étudie en ce moment des « écrans », sortes d’éventails ornés de peintures tirées de pièces de théâtre. Elle confirme que la représentation est vraisemblablement une illustration d’une pièce de théâtre ou de roman, mais aucun sujet précis ne s’évoque. (F EVRIER 2014) M. P IERRE P ASQUIER , spécialiste de la littérature française du XVIIème siècle et du théâtre de l’âge baroque et de l’époque classique, professeur à l’université de Tour : la représentation lui évoque la littérature du XVIIème, et plus particulièrement celle de Dancourt pour son intérêt pour les comédies et les personnages divers.

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Mémoires DE FLEURIAN, Agathe. Rapport de restauration : La guérison de la fille de la cananéenne, Etude des adhésifs de reprise de déchirures fil à fil. Paris : Ecole de Condé, 2012.

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DUPREZ, Elena. Etude historique et technique des préparations rouges à travers la restauration d'un tableau du XVIIe siècle peint d'après « Vénus et Vulcain » de l'Albane. Mémoire de fin d'études, INP, 1987. GOUIN, Gabrielle. Rapport de restauration : Sainte-Famille avec saint Jean-Baptiste. Paris : Ecole de Condé, 2012. JOUANNETEAU, Lucie. Rapport de restauration : Portrait d’un Homme de lettres. Paris : Ecole de Condé, 2012. JUSTE-GROENE, Marie-Agnès. Portrait d’un couple flamand : étude comparative des caractéristiques physiques des colles d’esturgeon. Paris : IFROA, 1993.

Articles tirés d’ouvrages BUCKLOW, Spike. The State of research into retouching resins, in « Mixing and Matching, approaches to Retouching Paintings ». ICON and BAPCR. London : Archetype Publication, 2010, pages 61 à 65. COVE, Sarah. Retouching with a PVA resin medium, in « Mixing and Matching, approaches to Retouching Paintings ». ICON and BAPCR. London : Archetype Publication, 2010, pages 75 à 86.

Articles tirés de revues spécialisées ELIAS, Mody. SINDACO, Claudia. Le refixage et la consolidation des peintures non-vernies : une collaboration entre restaurateurs et scientifiques. In « Support Tracé », 2006, n°6. KRARUP ANDERSEN, Cecil. “Lining, relining and the concept of univocity”. E-Conservation Magazine, 2011, n°23, pages 47 à 56. MICHEL, Françoise. Funori and JunFunori: Two Related Consolidants With Surprising Properties. CCI Symposium, 2011, disponible en version pdf sur le site internet de l’Institut Canadien de Conservation. MOUTSATSOU, Anna. SKAPOULA, Dimitra. DOULGERIDIS, Michael. “The Contribution of Transmitted Infrared Imaging to Non-Invasive Study of Canvas Paintings at the National Gallery – Alexandros Soutzos Museum, Greece”. E-conservation Magazine, Novembre 2011, n°22, pages 53 à 59.

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SWIDER, Joseph. SMITH, Martha. Funori : overview of 300-year-old consolidant. JAIC, 2005, Volume 44, n°2, Article 5, pages 117 à 126.

Glossaire Committee on Nomenclature International Association of Wood Anatomists. Multilingual glossary of terms used in wood anatomy. Version française traduite par D. Normand. Nogent-sur-Marne : Centre technique forestier Tropical, 1964.

Ressources internet The J. Paul Getty Museum Summary of restoration treatment, Jean-Baptiste Oudry: Exotic Animals in Eighteenthcentury Europe, The J. Paul Getty Museum, 2003. http://www.getty.edu/museum/conservation/partnerships/oudry/, consulté le 01/09/12. Musée des Manufactures de dentelle de Retournac http://www.ville-retournac.fr/musee/francais/musee.html, consulté le 13/12/12, pour les photographies de fibres textiles. Science direct www.sciencedirect.com, consulté le 13/12/12, pour les photographies de fibres textiles.

III. P ARTIE TECHNICO - SCIENTIFIQUE

Ouvrages BALL, Philip. Histoire vivante des couleurs, 5000 ans de peinture racontée par les pigments. Paris : Editions Hazan, 2005. DELAMARE, François. GUINEAU, Bernard. Les matériaux de la couleur. Paris : Découvertes Gallimard, 1999. FELLER, Robert. On picture varnishes and their solvents. Londres : National Gallery of Art, 1985.

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LABREUCHE Pascal. Paris, capitale de la toile à peindre XVIIIème XIXème siècle. Paris : L’art et l’essai, INHA, 2011. MORA, Paolo. La Conservation des peintures murales. Bologne : Compositori, 1977. ROCHE, Alain. Comportement mécanique des peintures sur toile : Dégradation et prévention. Paris: CNRS éditions, 2003.

Mémoires DUPREZ, Elena. Etude historique et technique des préparations rouges à travers la restauration d'un tableau du XVIIe siècle peint d'après « Vénus et Vulcain » de l'Albane. Mémoire de fin d'études, INP, 1987. JUSTE-GROENE, Marie-Agnès. Portrait d’un couple flamand : étude comparative des caractéristiques physiques des colles d’esturgeon. Paris : IFROA, 1993. KHALFA, Virginie. Portrait d’un homme de robe : étude permettant de comprendre si une peinture doit être vernie avant un rentoilage traditionnel. Paris : Ecole de Condé, 2009. 224 pages. TIERS, Serge. Les effets de la chaleur sur la peinture lors du rentoilage : effets combinés à l’humidité. Paris : IFROA, 1984.

Articles tirés de revues spécialisées ELIAS, Mody. SINDACO, Claudia. « Le refixage et la consolidation des peintures nonvernies : une collaboration entre restaurateurs et scientifiques » dans Support Tracé, 2006, n°6. MICHEL, Françoise. Funori and JunFunori: Two Related Consolidants With Surprising Properties. CCI Symposium, 2011, disponible en version pdf sur le site internet de l’Institut Canadien de Conservation. F. MECKLENBURG, Marion. FUSTER-LOPEZ, Laura. OTTOLINI, Silvia. « A look at the structural requirements of consolidation adhesives for easel paintings », dans Adhesives and Consolidants in Paintings Conservation, London, Archetype Publications, 2012.

Thèse ZOVI, Ornella. Fonctionnalisation et photopolymérisation de l’huile de lin en vue de l’élaboration de nouveaux matériaux sans émission de composés organiques volatiles (COV). Chimie macromoléculaire. Rouen : Ecole doctorale normande de chimie, 2009.

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Ressources internet Académie Nancy-Metz http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/physique/tp-phys/term/TP-fluid/visco-eau.htm, consulté le 30/03/14 pour les notions de viscosité dynamique. Connaissance des énergies http://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/unites-de-l-energie, consulté le 16/05/13, pour la définition de l’unité du Joule. Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Essai_de_flexion_par_choc_sur_%C3%A9prouvette_entaill%C3% A9e_Charpy, consulté le 01/05/13 pour les notions de résilience démontrées par l’essai de Charpy.

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ANNEXES

1. GLOSSAIRE

Ce glossaire est établi grâce à la base de données du centre national des ressources textuelles et lexicales disponibles gratuitement sur internet à l’adresse http://cnrtl.fr/. Ce dispositif a été créé en 2005 par le CNRS. Le portail regroupe un ensemble de ressources linguistiques informatisées et des outils de traitement de la langue.

Catalyse nom féminin Modification de la vitesse d'une réaction chimique sous l'influence d'une substance capable, par sa seule présence, de déclencher cette réaction sans subir elle-même d'altération finale. Chanfrein nom masculin Petite surface oblique, obtenue en abattant l'arête vive d'une pierre, d'une pièce de bois ou de métal. En restauration, les montants du châssis du côté de la toile sont chanfreinés pour éviter son contact et donc les marques sur la face d’une peinture. Décatir verbe transitif Décatir une étoffe revient à lui enlever le cati. En restauration, décatir une toile tendue consiste en son ébouillantage et à son brossage à plusieurs répétitions. Cette action ôte les impuretés et permet, à force de détentions et de nouvelles tensions sur un bâti tenseur, de la rendre moins réactive à l’humidité et donc de limiter ses mouvements. Dextre adjectif féminin Côté se trouvant à droite d’un objet. Lorsque la face d’un tableau est observée, son côté dextre est à gauche pour l’observateur. Senestre adjectif féminin Côté se trouvant à gauche d’un objet. Lorsque la face d’un tableau est observée, son côté senestre est à droite pour l’observateur. Siccativité substantif féminin Propriété de certaines substances de se solidifier par polymérisation. Réticulation nom féminin Transformation partielle ou totale d'un réseau chimique linéaire en un réseau tridimensionnel plus rigide, au cours d'une réaction de polymérisation.

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2. FICHES DE PRODUITS

I.

LES COLLES

A) C OLLE DE PATE

DOMAINES D'UTILISATION Restauration-conservation pour les protections de surface, les bordages, et le rentoilage par exemple. APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : Colle de pâte Famille chimique : Colle protéinique animale PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES La viscosité dépend de la concentration du mélange préparé. Elle peut être diluée à l'eau tiède. CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation : Préparation nécessaire : oui, en mélange. Descriptif de la préparation : La colle de pâte est une colle de farines à laquelle est ajoutée de la colle protéinique d'os, de nerf ou de peau. La colle de farine est obtenue en traitant, à chaud, des farines végétales (blé et seigle). Cette colle contient une grande quantité d'amidon et un peu de gluten. De l’eau bouillante est versée sur le mélange de farines. Le tout est mélangé et cuit pendant 5h en brassant régulièrement. La colle de peau est mise à gonfler dans de l’eau pendant 12h, puis réchauffée au bain-marie. Elle est ensuite ajoutée au mélange de farines et d’eau en remuant toujours. De la mélasse peut être ajoutée pour apporter de la souplesse au matériau. Du fluorure de sodium assure un rôle de conservateur. Pour être réutilisée, la colle de pâte doit être réchauffée au bain-marie.

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Conservation : La colle est conservée au frigo dans un contenant bien fermé. Un morceau de tissu peut être placé sous le couvercle pour absorber l’eau qui se condenserait à l’intérieur du récipient. Ce dispositif prévient la formation de moisissures qui est favorisé là où des gouttes d’eau condensées tombent. PROPRIÉTÉS APRÈS APPLICATION Réversibilité : à l'eau tiède. Évolution/vieillissement du matériau : Elle est sujette à la détérioration bactériologique et peut donc développer des moisissures. ANNEXES N.B : Les modes de préparation, les quantités de matériaux et les durées de cuisson diffèrent selon les traditions et les modes de transmission de celles-ci. Cette fiche a été composée en fonction des expériences acquises lors de stages.

B) C OLLE DE PEAU DE LAPIN

DOMAINES D'UTILISATION Conservation-restauration en tant qu’adhésif pour des traitements de refixage, de protections de surface, en agent de préparation de la colle de pâte. Elle est aussi utilisée en dorure. APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : colle de peau Famille chimique : colle collagénique, protéique.

Distribution Kremer CTS

COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : en forme de granules, en plaques ou déjà préparée en solution. Aspect : Grains ou plaques de couleur ambrée avec une odeur caractéristique. Teneur en extrait sec : 100%

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Conservation : dans des sacs ou des boîtes, fermés hermétiquement selon le fournisseur, dans un endroit sec à l’abri de la lumière. Sécurité et environnement : rien de précisé par les fournisseurs, le matériau est biodégradable. PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES Viscosité : dépend de la concentration de la colle préparée en solution Densité à 20°C : de 0,5 à 0.8 g.m-3 Tg : environ 35°C Température de fusion : 200°C pH : entre 5,5 et 7,5 Taille des particules : macromolécules Solubilité du matériau sec : insoluble dans les solvants organiques mais dans l’eau chaude Remarques : La molécule de collagène commence à se détériorer à une température supérieure à 65°C si l’exposition à la chaleur est prolongée. Si elle est chauffée à 200 – 300°C, elle produit du carbone.

CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation : Préparation nécessaire en solution. Descriptif de la préparation : Les plaques ou les grains secs de colle de peau doivent être mis à gonfler dans l’eau froide pendant au moins 12h. Les quantités d’eau et de grains ajoutées doivent être calculées selon la concentration de la colle qui doit être obtenue. Puis, elle doit être réchauffée au bain-marie pour être utilisable. En effet, la colle devient soluble dans l’eau à partir de 35°C. Conservation : Composé organique qui craint l’attaque des moisissures. Il doit se conserver au frais. Il ne peut pas se conserver très longtemps. Du fluorure de sodium ajouté à 2% de masse sèche de colle de peau garantit une plus longue conservation.

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PROPRIÉTÉS APRÈS APPLICATION Réversibilité : La colle sèche gonfle à l’eau froide et est soluble à l’eau chaude supérieure à 35°C. ANNEXES Références bibliographiques : Fournisseur Kremer Pigmente : fiche de données sécurité disponible sur le site internet de l’entreprise à www.kremer-pigmente.com. Fournisseur CTS : fiche du produit disponible sur le site internet de l’entreprise à www.ctseurope.com

C) M ETHYLCELLULOSE

DOMAINES D'UTILISATION Conservation-restauration comme adhésif léger et comme agent de décrassage en gel. APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : méthylcellulose

CAS N°

Autres appellations : Méthylan®

Distribution

Famille chimique : éthers de cellulose

9004-67-5 Henkel France

COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : poudre à base d’amidon hydrosoluble Aspect : blanc, pulvérulent Teneur en extrait sec : 100% Conservation : dans des sacs ou boîtes fermés hermétiquement PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES Viscosité selon le pourcentage de la solution, donc elle est contrôlable

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Volatilité en fonction du solvant Grosses particules Soluble dans l’eau froide une fois le film sec Remarques : peut être ajoutée à des solvants ou autres substances pour les mettre en gel CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation : Préparation nécessaire : oui en solution dans l’eau froide. Descriptif de la préparation : Placer la méthylcellulose en poudre, puis la couvrir d’eau selon le pourcentage que l’on souhaite préparer. Mélanger et laisser gonfler. La colle prête a un aspect blanchâtre translucide. Délai avant effet : Plusieurs heures, mais rapidement prête à l’emploi. Conservation : Composé organique qui craint l’attaque des moisissures. Il doit se conserver au frais. Il ne peut pas se conserver très longtemps. PROPRIÉTÉS APRÈS APPLICATION Propriétés du film : transparent, incolore Réversibilité : réversible à l’eau froide Évolution/vieillissement du matériau : Il vieillit bien mais peut être sujet aux attaques microorganiques. Il peut être conservé sous forme de poudre pendant 18 mois, dans un endroit sec. Une fois préparé, le délai d’utilisation est de 7 jours dans un récipient propre, bien fermé et conservé hors gel. ANNEXES Alternatives : Tylose® équivalente de la méthylcellulose mais synthétique. Elle n’a donc pas l’inconvénient d’être sensible aux agents biologiques. Autres domaines d'utilisation : industrie alimentaire comme complément, colle de papier peint.

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Références bibliographiques : La fiche technique du matériau Méthylan® est disponible sur le site internet ; http://cappeinture.fr/

D) C OLLE D ’ ESTURGEON

DOMAINES D'UTILISATION en restauration pour les collages, refixages APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : Colle d'esturgeon

Distribution Kremer

Famille chimique : Colle protéinique COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : En feuillets Aspect : Morceaux translucides jaunâtres Teneur en extrait sec : 100% Conservation : petits sacs fermés Sécurité et environnement : Ne pas manger, et utiliser dans une zone aérée. PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES Viscosité en fonction de la concentration de la solution préparée pH acide Taille des particules : feuillets qui tiennent dans une main Solubilité du film sec : gonfle dans l'eau froide et se solubilise dans l'eau chaude à plus de 35°C CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation Préparation nécessaire : Oui, en solution Descriptif de la préparation : Recette pour une colle à 4% = Pour 100ml de colle, 4g de peau amincie* sont préparés dans 96 ml d'eau déminéralisé. Le tout est laissé de côté pour que la colle gonfle. Un apport léger de chaleur, indirecte, peut accélérer le processus. Lorsque la solution est prête, 2% de la masse de colle ajoutée en fluorure de sodium sont placés dans 187


l'ensemble. Celui-ci agit comme un antiseptique et permet une meilleure conservation. Enfin, deux gouttes de fiel de bœuf sont ajoutées ce qui donne une meilleure pénétration mais diminue néanmoins le pouvoir collant de la substance. *Peau d'esturgeon amincie : préparée à base de peau d'esturgeon trempée dans de l'eau. Celle-ci gonfle. Puis, les peaux sont mises à sécher. La peau d'esturgeon amincie est plus fine, et plus transparente. Il est très facile de la briser en morceau pour facilement préparer la colle d'esturgeon par la suite. Délai avant effet : 4h Conservation : Ne pas conserver au-delà de 30°C et dans un endroit sec à l'abri de la lumière du jour. PROPRIÉTÉS APRÈS APPLICATION Propriétés du film : Fort pouvoir adhésif Réversibilité : dans l'eau Évolution/vieillissement du matériau : Biodégradable. ALTERNATIVES La colle de poisson Similitudes : même préparation Différences : pouvoir collant moindre ANNEXES Historique : Colle protéinique dont le collagène est extrait, en milieu légèrement acide, des œufs de l'esturgeon. Références bibliographiques : www.kremer-pigmente.de

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E) F UNORI

DOMAINES D'UTILISATION Refixage et consolidation des peintures mates APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : Funori Autres appellations : funoran, algue rouge Gloiopeltis

Distribution Kremer

Famille chimique : polysaccharide COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : filament séchés Aspect : jaunâtre brun, filaments solides. Teneur en extrait sec : 100% Conservation : dans des sacs, boîtes, fermés hermétiquement. PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES pH 6,6 à 7,5 Taille des particules : petites CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation : Préparation nécessaire : oui solution dans l’eau Descriptif de la préparation : Placer la colle dans l’eau pendant 5 heures pour la faire gonfler, pour chauffer la colle pendant 1h à environ 40°C. Délai avant effet : Plusieurs heures Conservation : Composé organique qui craint l’attaque des moisissures. Il doit se conserver au frais. Il ne peut pas se conserver très longtemps. PROPRIÉTÉS APRÈS APPLICATION Propriétés du film : transparent Réversibilité : à l’eau

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ALTERNATIVES Le JunFunori Similitudes : même composé Différences : purifié, il est blanc et sans sels solubles ANNEXES Références bibliographiques : Proceedings of Symposium 2011 – Adhesives and Consolidants for Conservation - ICC

II.

LES RESINES

A) V ERNIS D AMMAR

DOMAINES D'UTILISATION Peinture et restauration- conservation comme couche protectrice et liant de retouche APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : Résine dammar Autres appellations : Gomme dammar Formule chimique : Du type C30H48 Famille chimique : Mélange de terpènes COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : En grains ou en bidons Aspect : Grains blancs ou noirs, ou liquide incolore Teneur en extrait sec : 100°% Conservation : Dans des sachets ou boîtes plastiques Sécurité et environnement : Nocif pour l'homme et pour l'environnement, inflammable, irritant PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES Densité : 0,86 – 0,87 g.cm-3 à 20°C

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Température de fusion : 160°C à 180°C Taille des particules : petits grains (5mm) Solubilité du film sec : dans des solvants polaires. CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation : Préparation nécessaire : oui, en solution Descriptif de la préparation : Les grains sont solubles dans le white-spirit ou l'essence de térébenthine. Première solution : 20g de résine dans 100ml white spirit + 0,6g de Tinuvin® 292 (3% du poids de la résine). Deuxième solution: 20g de résine dans 30 ml solvant ShellsolA + 70 ml solvant Shellsol D40 + 0,6g de Tinuvin® 292 (3% du poids de la résine). Conservation : A conserver à l'abri de l'air et de la lumière pour ne pas modifier les propriétés. Ne pas surchauffer. PROPRIÉTÉS APRÈS APPLICATION Propriétés du film : Bonne saturation des couleurs, bonnes propriétés optiques, couche fine et uniforme, couleur pâle, acidité faible, bonne adhésivité et souplesse. Réversibilité : Soluble dans des solvants polaires. Évolution/vieillissement du matériau : Floculation lors du stockage, acidification, la résine devient peu soluble, oxydation et dégradation. ALTERNATIVES Les polymères synthétiques Similitudes : sujets au vieillissement. Différences : moins couteux, plus stables, sèchent plus vite, permettent de faire des surépaisseurs.

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ANNEXES Historique : Provient de l’incision des troncs de divers diptérocarpées, arbres d’Indonésie. Ce vernis fait son apparition en Europe en 1827. Le dammar était utilisé aux Etats-Unis dès les années 1850 pour les vernis. En restauration, le dammar est attesté en 1850 dans le rentoilage à la cire-résine de la Ronde de nuit de Rembrandt au Rijksmuseum d’Amsterdam. Références bibliographiques : BALCAR, Nathalie. Présentation et rédaction du Séminaire « les vernis », usage et propositions issues de recherches récentes, CR2MF, Paris, 28 juin 2005, pages 4 à 12. BERGEON, Ségolène, CURIE, Pierre. « Peinture et dessin », vocabulaire typologique et technique, Éditions du Patrimoine, Centre des Monuments Nationaux, Paris, 2009, pages 1016 à 1037. CARLYLE, Leslie, BOURDEAU, James. « Les vernis Authenticité et Stabilité », Institut Canadien de conservation, Ottawa, Canada, 1994. DELCROIX, Gilbert, HAVEL, Marc. « Phénomènes physiques et peinture artistique », Erec, Paris, 1988, pages 56 à 61. DE LA RIE, René. « La science de la conservation, sans vernis », Conférence à l’Université d’Amsterdam, 30 octobre 1997. IIC. « Studies in Conservation », Volume 47, n°1, JAIIC, 2002, pages 134 à 138. GARCIA, Pierre. Vernis à base de résine Mastic et Dammar, Partie II, INP, Paris, 1985, page 120. MERIMEE, J-F L. « De la peinture à l’huile », Erec, Paris, 1981, page 53.

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B) L IANT G USTAV B ERGER ®

DOMAINES D'UTILISATION Restauration-conservation, retouche de couche colorée APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : liant Berger® Autres appellations : liant de retouche PVAc

Distribution CTS

Famille chimique : acétate de polyvinyle COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : liquide Aspect : liquide incolore Teneur en extrait sec : 35% Conservation : dans petites bouteilles de 200mL Sécurité et environnement : A conserver dans un endroit sec, à l’abri de la lumière et des points chauds. PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES Densité : 0,72 kg/L à 20°C Point d’inflammabilité : <21°C Solubilité du film sec : dans les alcools

CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation : Préparation nécessaire : Il doit être dilué dans l’alcool éthylique (1:4), avec lequel il est aussi réversible. Il a un fort pouvoir mouillant sur les pigments en poudre auxquels il est ajouté pour réaliser des glacis très transparents et saturés. Il est recommandé pour la restauration des peintures à l’huile et à la gouache, mais n’est pas indiqué sur les couleurs qui se dissolvent facilement avec l’alcool éthylique et le toluène, par exemple les peintures modernes acryliques.

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PROPRIÉTÉS APRÈS APPLICATION Réversibilité : réversible dans les alcools Évolution/vieillissement du matériau : Bon vieillissement ANNEXES Références bibliographiques : Catalogue des produits commercialisés par CTS et les fiches de produits

C) L AROPAL ® A81

DOMAINES D'UTILISATION Liant de retouche, vernis de peinture, consolidant dans le mélange de cire résine APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : Laropal® A81 Autres appellations : Résine LMH, résine urée aldéhyde Formule chimique : C2H4 O

H3C-CH=O

Famille chimique : Résine cétonique urée aldéhyde de faible poids moléculaire COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : Pastilles jaune clair, ou granulés translucides, conservées dans un récipient fermé au sec. Aspect : solide Teneur en extrait sec : 100 % en grains Conservation : 2 ans à une température inférieure à 40 °C en pastilles sèches. Sécurité et environnement : Non toxique, aucun danger connu, non nocif pour l'environnement, mais ne pas jeter dans les voies d'eau. Ne pas avaler, ni mettre en contact avec les yeux, manipuler dans un endroit aéré. PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES Stable photochimiquement Grand pouvoir mouillant

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Soluble dans des solvants peu polaires Résistant au jaunissement Indice de réfraction grand Viscosité basse ce qui lui confère un excellent pouvoir nivelant, donc une grande brillance Densité: à 20°C: 1,11 g.cm-3 Tg: 49°C ou 57°C Température de fusion : 80 - 95% Le pH dépend du solvant utilisé pour solubiliser les grains Taille des particules: faible poids moléculaire Solubilité du film sec : basse polarité après vieillissement qui permet de le solubiliser à l'aide d'hydrocarbures aliphatiques. Soluble dans les alcools, les esters, les cétones, et les hydrocarbures aromatiques Remarques : Suffisamment stable pour être utilisé sans l'ajout de Tinuvin® 292, mais recommandé pour la stabilité de certaines couleurs. CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation : Préparation nécessaire : oui en solution ou en mélange La solubilité avec des solvants aliphatiques peut-être limitée en dessous de 15°C. Si on prévoit de l’utiliser en milieu froid, il est conseillé de le mettre au bain-marie ou d'ajouter 2 à 5 % d'aromatiques. Descriptif de la préparation : La résine et le solvant doivent être pesés entre 10 et 20%. La résine est placée dans une gaze que l'on suspend dans un flacon où est placé le solvant. Un stabilisant comme le Tinuvin® 292 qui est un antioxydant est ajouté à 0,5%, par rapport au poids de la résine. Délai avant effet : 24 heures pour que le solvant solubilise totalement la résine. Conservation : 3 mois en solution car le vernis s'oxyde plus facilement (2 ans en granulés à une température inférieure à 40°C) et seulement 1 mois quand du Tinuvin® 292 a été ajouté. PROPRIÉTÉS APRÈS APPLICATION

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Propriétés du film : Film mince, fin Réversibilité : Avec un mélange de solvants Évolution/vieillissement du matériau : Haute résistance au jaunissement ALTERNATIVES Les résines naturelles Similitudes : Propriétés optiques comparables aux résines naturelles (mastic, dammar) ANNEXES Références bibliographiques : C2RMF, Les vernis: usages et propositions issus de recherches récentes. Paris : 28 juin 2005, pages 15, 19 et 23. LEONARD, M. WHITTEN, J. GAMBLIN. RENÉ de la RIE, R. Development of a new material for retouching, dans « Les Vernis: usages et propositions issus de recherches récentes », Paris : C2RMF, 28 juin 2005, pages 42 à 44. Références internet: BASF: www.basf.com/resins (consulté le 06 avril 2011) INRS: www.1.inrs.fr (consulté le 06 avril 2011) AATA online THE GETTY CONSERVATION INSTITUTE: http://aata.getty.edu/nps/ (consulté le 20/04/11)

D) R EGALREZ ® 1094

DOMAINES D'UTILISATION Restauration : couche de protection et d’isolation APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : Regalrez® 1094 Autres appellations : Hydrocarboné-hydrogéné Famille chimique : Résine hydrocarbure COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : Solide, poudre blanche ou flocons translucides (1kg)

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Aspect : Incolore, peu odorant, brillant, collant au toucher Teneur en extrait sec : 100% Conservation : 2ans (dans un endroit ventilé, ne pas fumer) Sécurité et environnement : Mauvais pour l’environnement, explosion à long terme. Biodégradabilité lente. PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES Propriétés : solide, vaporisation possible Indice de réfraction : 1,52 (grand) Viscosité : faible Densité : 0,99 à 21°C Volatilité : peu volatile (dépend du solvant) Tg (transition vitreuse) : 33°C Température de fusion : 94°C pH < 1 Taille des particules : petit poids moléculaire qui permet un nivelage optimal des irrégularités de la couche picturale. Les propriétés optiques avoisinent, ultérieurement, celles des résines traditionnelles, car l'indice de réfraction est élevé (1.519). Sa température de transition vitreuse (Tg) est de 33 °C et son point de ramollissement de 94 °C. C’est pourquoi à température ambiante, la résine reste dure. Solubilité du film sec : Soluble dans la ligroïne, les aromatiques, les cétones, les esters et les hydrocarbures chlorés, aliphatiques ou aromatisés (White Spirit D40). Insoluble dans les solvants polaires comme les alcools (acétone, isopropanol, éthanol) et l’eau. Remarques : Permet de saturer les couleurs de la peinture. Non nocif. (Remplacement de la résine naturelle Dammar et Mastic) Inconvénient : Résine friable et tendre (raison pour laquelle on propose de rajouter du Kraton®, polymère de synthèse plastifiant (2-3%) avec du Tinuvin® 292, qui est un stabilisant (2% de masse sèche).

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CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation : Préparation nécessaire : Oui, en solution Descriptif de la préparation : La résine et le solvant doivent être pesés. La résine est placée dans une gaze que l'on suspend dans un flacon où est placé le solvant. 10 à 40g de résine pour 100mL de solvant, tel que le white spirit. La quantité de résine doit être réduite si on l'applique en pulvérisation. Ajouter 2% de Kraton® G 1650 et 2% de Tinuvin® 292. Délai avant effet : Possibilité de le reprendre par la suite avec une brosse s’il a été mal appliqué. Conservation : Stable (sauf à haute température), plusieurs mois en solution, 3 mois si on ajoute 2% de la masse sèche de Tinuvin® 292, 6 semaines seul. PROPRIÉTÉS APRÈS APPLICATION Propriétés du film : Solide, stable (aussi aux ultra-violets). Réversibilité : Difficilement soluble une fois en film. Évolution/vieillissement du matériau : Jaunissement très faible. Polymérisation lente. ALTERNATIVES Similitudes : Avec les cétones ou les résines naturelles (Dammar) pour l’aspect, polyvinyle acétate (AYAA) Différences : Plus résistant que le mastic, les résines cétoniques et Arkon R P-90 ANNEXES Historique : Dans une étude menée par René de la Rie, chef du Laboratoire scientifique de la National Gallery of Art de Washington, les remplaçants possibles des résines naturelles ont été comparés, dont des polymères à faible poids moléculaire, en pratique des oligomères (polymères constitués de peu d'unités monomères). Les meilleurs résultats ont été obtenus avec la résine Regalrez® 1094, une résine aliphatique résultant de l'hydrogénation des oligomères obtenus par le vinyle-toluène et l’alfa-méthyle-styrène. Autres domaines d'utilisation : Automobile, construction (bâtiments), peinture moderne, comme enduit (étanche), pour fondre les colles, modification de la cire, du caoutchouc et du plastique. Références bibliographiques DE LA RIE, ER. The Influence of Varnishes on the appearance of paintings. Studies in 198


conservation n°32, volume 1, 1987, pages 1 à 13. JAIC online : volume 40, numéro 1, article 5. Références Internet: Wikipedia http://www.3atp.org/pagefiche/fiche6.php : fiche technique : nouveaux vernis synthétiques (consulté le 05/05/11). Fiche technique du Regalrez® 1094 : http://conservateursrestau.meilleurforum.com/t191fiche-technique-vernis-regalrez-1094-hydrocarbon-resin : (consulté le 05/05/11). AAATP : http://www.3atp.org/pagefiche/fiche6.php(consulté le 05/05/11).

III. LES SOLVANTS A) N ITRATE D ’ ECONAZOLE

DOMAINES D'UTILISATION Solution fongicide utilisée pour traiter les attaques biologiques de moisissures sur les œuvres d’art. APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : Nitrate d’éconazole

Distribution CTS

Formule chimique : NO3- + C18H15Cl3N2O

France Organo Chimique Serlabo

COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : liquide Aspect : transparent Conservation : dans des bouteilles en plastique opaque CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation : Préparation nécessaire : non, la solution est commercialisée prête à l’emploi. Descriptif de la préparation : Si toutefois, la solution doit être préparée, il faut d’abord préparer 2g de nitrate d’éconazole. Puis, il faut ajouter 50 mL d’alcool benzylique et

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seulement ensuite 50 mL d’alcool éthylique. Il faut ensuite obtenir un litre de solution. Pour compléter le volume, il suffit d’ajouter de l’eau, de l’alcool éthylique ou un mélange des deux solvants. Conservation : Au sec et à l’abri de la lumière, dans un contenant bien fermé. MODE D’APPLICATION Avant toute application de la solution, des tests doivent être effectués sur l’œuvre. La solution peut être appliquée sur l’œuvre contaminée par pulvérisation, au pinceau ou au tampon. Pour un traitement optimal, elle doit être appliquée une fois par jour pendant trois jours consécutifs. Ce traitement est simplement curatif, il n’est en aucun cas préventif. Réversibilité : non réversible ALTERNATIVES Biotine : Ce produit a des vertus curative mais aussi préventive. ANNEXES Historique : Cette méthode a été mise au point par la section « microbiologie » du Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques en 2002. Références bibliographiques : Notes du Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques sur la préparation et l’utilisation de la solution tirées d’un communiqué du ministère de la Culture et de la Direction du Patrimoine.

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B) E AU DEMINERALISEE

DEFINITION Eau qui ne contient en principe aucuns ions mais qui peut contenir des matières non chargées comme les bactéries. Elle est aussi appelée eau déionisée ou purifiée. Son pH est de 7 à température ambiante. FOURNISSEUR CTS France – Paris CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Formule: H2O Aspect: liquide incolore Densité: 1 kg.L-1 à 20°C Point d’ébullition: 100°C Conditionnement : Bidon de 5 ou 10L ANNEXES Références bibliographiques : fiches de données sécurité www.inrs.fr

201


C) DMF ( DIMETHYLFORMAMIDE )

DEFINITION CAS N° Amide carboxylique pénétrant et peu volatil, considéré comme un décapant à éviter sur des couches picturales datant au moins du XIX ème 68-12-2 siècle. Nom chimique/synonyme: N-N-Dimethylformammide Formule: (CH3)2NOCH FOURNISSEUR CTS France – Paris CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Aspect: liquide incolore Titre: ≥ 99% Densité: 0,95 kg.L-1 à 20°C Point d’ébullition: 153°C Point d’éclair: 58°C Conditionnements: bidons de 5L et 25L ANNEXES Références bibliographiques : fiches de données sécurité www.inrs.fr

D) A CETATE D ’ ETHYLE

DEFINITION CAS N° Ester assez inerte à faible viscosité, tension superficielle moyenne et 141-78-6 rétention faible. Nom : Éthanoate d'éthyle Formule brute : C4H8O2 Famille chimique : Esters FOURNISSEUR CTS France – Paris CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Aspect: liquide incolore Titre: ≥ 99% Densité : 0,9 kg/L à 20°C Point d’ébullition: 77°C Point d’éclair: -4°C Conditionnements : bidons de 1L, 5L et 25 L

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ANNEXES Références bibliographiques : fiches de données sécurité www.inrs.fr

E) A CETONE

DEFINITION Nom chimique/synonyme: 2-Propanone/Dimethylchetone Formule: CH3COCH3

CAS N° 67-64-1

FOURNISSEUR CTS France – Paris CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Aspect: liquide incolore Titre: ≥ 99,5% Densité: 0,79 kg/L à 20°C Point d’ébullition: 56°C Point d’éclair: -20°C Conditionnements: bidons de 5L et 25L ANNEXES Références bibliographiques : fiches données sécurité www.inrs.fr

F) A LCOOL ETHYLIQUE DENATURE 99,9°

DOMAINES D'UTILISATION Industrie des peintures, vernis, encres, matières plastiques, adhésifs, explosifs, parfum, cosmétique, pharmaceutique. APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : Éthanol

CAS N° 64-17-5

Autres appellations : Alcool éthylique Formule chimique : C2H5OH Famille chimique : Alcool COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : En bidon de toute contenance, 1L, 2L, 2,5L, 5L, 25L Aspect : Liquide incolore, mobile, volatile, odeur agréable.

203


Conservation : dans un endroit sec et frais. Sécurité et environnement : Liquide et vapeur très inflammable, conserver le récipient bien fermé, ne pas fumer et éloigner de toute source de chaleur ou d'étincelles. PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES Densité : 0,79 kg/L à 20°C Température de fusion : -114°C Titres: 94% et 99,9% Point d’ébullition: 78,5°C Point d’éclair: 12°C CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation : Préparation nécessaire : Non Conservation : Containers en acier ou métalliques recouverts de résines phénoliques. L'aluminium est à éviter. A l'air libre ou dans des locaux frais. PROPRIÉTÉS L'éthanol est miscible à l'eau mais dégage de la chaleur. Il est miscible avec la plupart des solvants. Il dissout les graisses et les plastiques. Il est légèrement toxique car aspiré par les voix orales, cutanées et respiratoires mais véhiculé rapidement car très soluble dans l'eau. A haute dose, il est très toxique notamment pour le cerveau et peut provoquer des cancers. Évolution/vieillissement du matériau : Stable. C'est un alcool primaire, qui s'oxyde, se déshydrogène, se déshydrate et s'estérifie. ANNEXES Références bibliographiques : Fiches données sécurité www.inrs.fr

G) D IACETONE ALCOOL

DEFINITION Formule : C6H12O2 Nom : 4-Hydroxy-4-méthyl-2-pentanone FOURNISSEUR CTS France – Paris

CAS N° 123-42-2

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CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Titre : ≥ 98 % Densité à 20°C : 0,93 kg/L Point d’ébullition : 150-172°C Point éclair : 58°C Conditionnement : bidon de 1L ANNEXES Références bibliographiques : Fiches de données sécurité www.inrs.fr

H) W HITE - SPIRIT

DOMAINES D'UTILISATION Diluant pour les peintures, les vernis et les encres d'impression, agent de nettoyage à sec, dégraissant, solvant, synthèse organique. APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : White-spirit

CAS N°

Autres appellations : Solvant Stoddard, Naphta hydrotraité à point d'ébullition bas, succédané d'essence de térébenthine.

8052-41-3

Famille chimique : Hydrocarbures aliphatique COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : Dans bidons Aspect : Liquide incolore, odeur d'essence Conservation : Bidons en acier inoxydable ou plastique. Sécurité et environnement : Inflammable, nocif PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES Viscosité faible Densité : 0,76 à 0,79 g.cm-3 à 20°C Volatilité 0,15 sur une échelle de 1 (= n-butyl acétate) Température d’ébullition : de 130°C à 230°C

205


CONDITIONS D'UTILISATION Conservation : A conserver dans un local sec, sans changements de température, éloigné des sources d'étincelles, dans un endroit aéré ou ventilé. PROPRIÉTÉS APRÈS APPLICATION Évolution/vieillissement du matériau : Stable dans un environnement de température stable, peut réagir avec des agents oxydants forts. ANNEXES Références bibliographiques : Fiches de données sécurité www.inrs.fr

-

PROCEDE DE PREPARATION D’UNE SOLUTION TAMPONNEE A P H 8

Les solutions tampons peuvent être utilisées pour stabiliser le pH d’une solution de nettoyage. Pour une œuvre peintre, le pH des solutions doit être compris entre 5,5 et 8,5. Leur préparation est simple. Dans de l’eau déminéralisée, mettre une base faible plus un acide fort. Les bases faibles sont le TEA, triéthanolamine, le Bis-Tris, le Tris et le DEA. L’acide chlorhydrique, HCl est un acide fort. La proportion est calculée en fonction du pH recherché. Pour obtenir un pH 8, du TEA est introduit dans une eau déminéralisée puis du HCl est ajouté pour arriver jusqu’à un pH 8. Toute la manipulation est réalisée avec un pH-mètre.

I) A CIDE CHLORHYDRIQUE

DEFINITION L’acide chlorhydrique résulte de la dissolution d’hydrogène dans l’eau. C’est un acide fort.

du chlorure

CAS N° 7647-01-0

FOURNISSEUR CTS France – Paris CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Densité à 20°C : 1,27 kg/L Température de fusion : -114°C Point d’ébullition : 85°C Conditionnement : bidons

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ANNEXES Références bibliographiques : Fiches de données sécurité www.inrs.fr

J) TEA

DEFINITION Formule : C6H15NO3 Nom : Triéthanolamine Famille chimique : Amine tertiaire

CAS N° 102-71-6

FOURNISSEUR CTS France – Paris CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Masse moléculaire : 149,19 g.mol-1 Densité : 1,1242 g.mL-1 à 20 °C Solubilité dans l'eau : Miscible Densité de vapeur (air=1) : 5,14 Point de fusion : 20,00 °C Point d'ébullition : 335,4 °C pH : 10,5 en solution aqueuse 0,1M. (1,5%) . ANNEXES Références bibliographiques : CSST – répertoire toxicologique http://www.csst.qc.ca/prevention/reptox/pages/fiche-complete.aspx?no_produit=10090

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K) X YLENE

DOMAINES D'UTILISATION Restauration, peinture, vernis, colles, insecticides, caoutchouc, pharmacie, industrie pétrolière. APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : xylène Autres appellations : dyméthylbenzène, xylol

CAS N° 95-47-6 108-38-3

Formule chimique : Trois isomères : ortho, méta ou para C6H4(CH3)2

106-42-3

Famille chimique : hydrocarbures aromatiques, dérivés méthylés du benzène.

(selon isomère) 1330-20-7 pour leur mélange Distribution CTS

COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : liquide Aspect : incolore Conservation : dans des bidons fermés hermétiquement. Sécurité et environnement : inflammable, toxique par ingestion et inhalation jusqu’à la mort, réagit avec les acides et oxydants forts. PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES Viscosité faible (liquide) Densité : 0,87 Peu volatile, grande rétention Température de fusion : de -13 à -48 °C Taille des particules : 106 g.mol-1 Solubilité : Insoluble dans l’eau, solubles dans les solvants non polaires, type hydrocarbures aromatiques.

CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation : Préparation nécessaire : Non 208


Conservation : dans un endroit sec et ventilé à température ambiante, type armoire de solvants, dans des bidons de conditionnement bien fermés. ALTERNATIVES Les autres dérivés hydrocarbures aromatiques : Toluène, mésitylène, benzène, éthylbenzène. Un dérivé du phénol : xylénol. ANNEXES Références bibliographiques : Fiches de l’INRS Base de données Redtox de la CSST (organisme québécois sur la santé et sécurité du travail)

IV. AUTRES A) TAC

DOMAINES D'UTILISATION Restauration-conservation, nettoyages APPELLATIONS Nom du produit en conservation-restauration : citrate de triammonium Nom chimique : Triammonium 2-hydroxy-1,2,3-propanetricarboxylate

CAS N° 3458-72-8 Distribution

Autres appellations : triammonium citrate, TAC

CTS

Formule chimique : C6H17N3O7

Kremer Pigmente

COMMERCIALISATION Forme de commercialisation : cristaux Aspect : blanc, sans odeur Teneur en extrait sec : 100% Conservation : dans des boîtes, fermées hermétiquement Sécurité et environnement : conserver dans un lieu sec et à l’abri de la lumière

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PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES Densité : 1 g.cm-3 (à 25°C) Tg : 185°C Température de fusion : 100°C Taille des particules : 243,22 g.mol-1 CONDITIONS D'UTILISATION Forme d'utilisation : Préparation nécessaire : oui, en solution dans l’eau froide Descriptif de la préparation : Placer les cristaux dans l’eau. Ils se solubilisent facilement. Délai avant effet : Rapidement prêt à l’emploi. Conservation : Il doit se conserver au frais. ANNEXES Références bibliographiques : Site Kremer Pigmente http://kremer-pigmente.de/fr

B) H UILE DE LIN SICCATIVEE

DEFINITION Nom : Huile de lin Kreidezeit, siccativée sans plomb. Elle sèche en 24 heures à 20°C et à 65% d’humidité relative. FOURNISSEUR Cette huile est distribuée par www.greenweez.com. CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Liquide fluide Non soluble dans l’eau Densité à 20°C : <1 kg/L Masse volumique (20°C) : 920-940 g/l Point éclair : >61°C Température d'auto-inflammation : >300°C Conditionnement : bidon de 1L

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ANNEXES Références bibliographiques : Fiches de données sécurité http://www.infodyne.fr

C) T INUVIN ® 292

DEFINITION Le Tinuvin® 292 est un stabilisant liquide qui réduit, dans les vernis à base de résines synthétiques et naturelles, les effets néfastes des rayons UV. La quantité de Tinuvin® 292 à ajouter aux vernis est de 2% pour les résines synthétiques, de 3 % pour les naturelles. Le Tinuvin® 292 est soluble dans les solvants organiques et peu soluble dans l’eau. FOURNISSEUR CTS - France CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Aspect: liquide jaune clair Densité à 21°C: 0,99 kg.L-1 Viscosité dynamique à 20°C: 400 mPa.s pH d’une suspension aqueuse à 1%: 8,4 Elle sèche en 24 heures à 20°C et à 65% d’humidité relative. ANNEXES Références bibliographiques : Fiches de données sécurité http://www.ctseurope.com/

D) C IRE LIQUIDE

DEFINITION Cire employée pour entretenir les parquets. En restauration, elle est utilisée pour préparer les châssis et les protéger. Cire hydrocarbonée contenant un savon métallique. FOURNISSEUR Marque Blanchon®, distribuée par les magasins de bricolage. CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Aspect: liquide visqueux blanchâtre Contient des hydrocarbures, des alcanes et moins de 2% d’aromatiques. Point d'ébullition : 200 °C. Intervalle de point d'éclair : 23°C <= PE <= 55°C Pression de vapeur (50°C) : Inférieure à 110 kPa (1 .10 bar).

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Densité : < 1 Hydrosolubilité : Insoluble. Viscosité : v < 7 mm2/s (40°C) Point/intervalle de fusion : -20 °C. Point/intervalle d'auto-inflammation : 300 °C. ANNEXES Références bibliographiques : Fiche technique http://www.blanchon.com/

E) B ROU DE N OIX

DEFINITION Concentré d’extrait de Cassel. Le brou de noix est une teinture pour les bois bruts. Il permet d'obtenir une teinte plus foncée du bois. FOURNISSEUR Marque Onyx®, distribuée par les magasins de bricolage. CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Aspect: liquide brun Couleur : Brun foncé Point d'ébullition (intervalle) : 100°C à la pression de 760 mmHg Densité à 20°C : 1,06 ANNEXES Références bibliographiques : Fiche technique http://www.trenois.com/images_produits/PDF/ard008%20fiche%20technique.pdf

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3. FICHE DES MATERIAUX UTILISES

I. P APIER MELINEX ®

DEFINITION Film polyester monosiliconé, d’un seul côté. Il allie une excellente transparence, une stabilité chimique très élevée, et une très bonne protection contre les polluants atmosphériques, la poussière et la manipulation. FOURNISSEUR CTS France – Paris CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Grammage : 80 g.m-² Haute transparence Vieillissement : Non sujet au jaunissement Résistance à l’abrasion, aux plis Résistance aux acides, à l’eau, à la chaleur et aux moisissures Epaisseur : 75μm

II. P APIER B OLLORE ®

DEFINITION Mélange de chanvre de Manille, pulpe de papier décolorée et de polyamminoepichlorydrine qui le rend résistant à l’eau. FOURNISSEUR CTS France – Paris CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Grammage : 12,3 ou 22 g.m-²

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III. R UBAN ADHESIF T ESA ®

DEFINITION Papier de masquage finement crêpé recommandé pour la peinture automobile, le bâtiment, le raccord ou le maintien en imprimerie. Application possible sur métal peint, verre, caoutchouc. FOURNISSEUR Raja (sources issues du site internet), magasins de bricolage, grande distribution CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Adhésion instantanée et bon pouvoir de maintien. Bonne résistance à l'eau grâce à son haut pouvoir adhésif. Sans résidus après retrait. Se coupe à la main. Supporte des températures jusqu'à 80°C en courte durée. Se retire sans délaminage et sans laisser de traces. Épaisseur totale : 0,14 mm. Adhésion : 3,3 N/cm. Allongement : 10%.

IV. P APIER KRAFT

DEFINITION Papier brun très résistant, souvent apprêté d'un côté, fabriqué à partir d'une pâte de bois chimique au sulfate de sodium ou de calcium, jamais chargée. Il est employé en restauration sous forme de bande adhésive gommée. FOURNISSEUR CTS France – Paris, Raja.

V. P APIER C ANSON ®

DEFINITION Papier à grain destiné au dessin. En restauration, il est utilisé pour les opérations de cartonnage.

214


FOURNISSEUR CTS France – Paris CARACTERISTIQUES TECHNIQUES En rouleau, 180 g.m-².

VI. G AZE

DEFINITION Fibres de coton apprêtées. FOURNISSEUR CTS France – Paris CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Différentes épaisseurs. Pour cette restauration, la gaze utilisée avait un tissage serré et épais. VII. O RIGAM

DEFINITION Origam 254, voile beige, FOURNISSEUR CTS France – Paris CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Grammage : 18 g.m-² Densité (fils au cm) : 40 x 40

VIII. T OILE DE LIN

DEFINITION Toile 100% lin. Utilisée pour le rentoilage

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FOURNISSEUR CTS France – Paris CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Grammage : 340 g.m-² Densité : (fils au cm) 15x15

IX. B LANC DE MEUDON

DEFINITION Craie pure broyée en poudre. Charge utilisée dans les préparations d’enduits, d’apprêt, ou les mastics en restauration. FOURNISSEUR Les frères Nordin

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4. DOCUMENTS COMPLEMENTAIRES

I.

FICHE D’ŒUVRE DU MUSEE BARROIS

Figure 173. Fiche de l'œuvre conservée dans les archives du musée barrois (recto) / ©musée barrois

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Figure 174. Fiche de l'œuvre conservée dans les archives du musée barrois (verso) / ©musée barrois

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II.

TYPE D’ELEVATION

Figure 175. Anonyme, Façade d'église ou de chapelle; Elévation, coupe et plan. XVIIIème siècle. Plume et encre brune, lavis gris. 72 x 51 cm. Paris: INHA, numérisé en 2006. / ©BNF – source : http://gallica.bnf.fr/

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III.

OBSERVATION SOUS INFRAROUGES ET RADIOGRAPHIES

Figure 176. Visage révélé aux infrarouges sur le côté senestre du tableau

Figure 177. Dessin correspondant à une sorte de manteau porté par le personnage du côté senestre du tableau

Figure 178. Visage révélé aux infrarouges sur la partie dextre du tableau

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Figure 179. Superposition des tracés observés sous rayonnement infrarouge, en rouge, sur le tableau vu à l'œil nu

Figure 180. Radiographie du personnage de la peinture sous-jacente du côté dextre

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Figure 181. Assemblage des radiographies pour les situer sur le tableau dont le contour est matérialisé en pointillés orange

Du côté dextre, une femme est identifiable. Elle est représentée de face, le visage légèrement tourné vers le côté senestre. Elle a des cheveux longs qui tombent sur ses épaules, un vêtement qui laisse entrevoir le haut de son buste. Elle semble avoir les mains rassemblées sur ses jambes. Elle serait en position assise. Du côté senestre, il est difficile d’affirmer le sexe du personnage. Celui-ci est porte un voile et regarde dans la directement de la femme à ses côtés. Il est pratiquement représenté de profil.

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IV.

CALCUL

DE LA VISCOSITE DU MELANGE HUILE -PIGMENT EFFECTUE

POUR REALISER LES ECHANTILLONS

336

La viscosité d’une substance se note η. Sur un plan fixe, on a

où F est en N ; η en Pa.s ; S en m² ; dv en m.s-1 et dz en m. Dans le cas de l’étude, F = 9,81 N, soit la pression atmosphérique. Soit t le temps mis par le mélange pour passer d’un état initial (pose du mélange dans la matrice) à un état final (écoulement et mise dans le plan). t = 2 heures = 2 x 60 minutes = 120 minutes = 7200 secondes. Soit d la distance parcouru par le fluide entre l’état initial et l’état final. Cette valeur est très petite et n’est pas réellement mesurable dans cette expérimentation de manière précise. Il est donc donné une valeur symbolique de 0,5 mm. -

Calcul de dv :

v = d/t = 0,5.10-3 / 7,2.103 = 6,94.10-8 m.s-1 -

Calcul de la surface de l’échantillon :

S = 3.10-² x 5.10-² = 1,5.10-3 m² -

Calcul de la viscosité :

η = F / S (dv/dz) = 9,81 / 1,5.10-3 (6,94.10-8 / 0,5.10-3) = 9,81 / 2,08.10-7 = 4,72.107 Pa.s Pour indication, η eau = 10-5 Pa.s, η mélasse = 10² Pa.s et η bitume = 108 Pa.s.337 Donc, η mélasse < ηmélange < η bitume.

336

http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/physique/tp-phys/term/TP-fluid/visco-eau.htm, consulté le 30/03/14. 337 http://fr.wikipedia.org/wiki/Viscosit%C3%A9, consulté le 04/04/14.

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V.

MESURE DES MASSES DES ECHANTILLONS AVANT IMPREGNATION

Tableau 13. Tableau regroupant les valeurs de masses des échantillons avant imprégnation

N° 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Moyenne Variance Ecart-type 95% Incertitude relative

Masse (g) 11 9 11 10 10 9 11 11 10 11 10,3 2,03 0,90 8,7%

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5. TABLE DES ILLUSTRATIONS Les figures, les tableaux et les graphiques qui ne sont pas accompagnés d’une source sont des photographies personnelles réalisées par l’auteur du présent mémoire. Figure 1. Scène d'extérieur avant restauration ....................................................................................................... 8 Figure 2. Scène d'extérieur, après restauration ...................................................................................................... 8 Figure 3. Scène d'extérieur, après restauration .................................................................................................... 15 Figure 4. Vue aérienne du musée barrois, 2013 / ©musée barrois – source : www.barleduc.fr .......................... 16 Figure 5. Scène d'extérieur, après restauration .................................................................................................... 19 Figure 6. Les deux personnages centraux, détail après restauration .................................................................... 20 Figure 7. Visage du personnage principal, détail après restauration .................................................................... 21 Figure 8. Le second personnage, détail après restauration .................................................................................. 21 Figure 9. Le groupe côté senestre, détail en cours de restauration ...................................................................... 22 Figure 10. Les six personnages du côté dextre, et les quatre du côté senestre, détails après restauration .......... 23 Figure 11. Le coin inférieur dextre du tableau, avant restauration ....................................................................... 25 Figure 12. Le coin inférieur dextre du tableau, après restauration, proposition faite de l'interprétation de l'iconographie après la retouche ........................................................................................................................... 25 Figure 13. Les deux derniers personnages en arrière-plan, détail après restauration .......................................... 26 Figure 14. BONNART, Nicolas. Gravure de mode : homme de qualité, XVII

ème

siècle, musée des Beaux-Arts de

Rennes – Illustration de l’habit nobiliaire masculin : culotte, justaucorps, grand manteau, chemise avec manchettes et cravate en dentelles, bas et jarretières, bottes en revers, chapeau. / ©BNF – source : http://gallica.bnf.fr ............................................................................................................................................... 28 Figure 15. GARSAULT. L'art du tailleur - La robe volante / ©BNF – source : http://gallica.bnf.fr ........................ 28 Figure 16. Les deux personnages centraux de la composition, détail après restauration ..................................... 30 Figure 17. Ermand de la Comédie Française en Sganarelle pour "le Médecin malgré lui", XVIII

ème

siècle, gravure à

l'eau-forte d'après l'œuvre de Claude Gillot, 22,3x14 cm, musée d’art et d’histoire de Langres / ©BNF – source : http://gallica.bnf.fr ............................................................................................................................................... 31 Figure 18. CALLOT, Jacques. Le Zani ou Scapin, vers 1618, eau-forte rehaussée de burin. Cabinet des Estampes et des Dessins, Strasbourg / © M. Bertola source : musées de la Ville de Strasbourg. ............................................. 31 Figure 19. Personnage de la Commedia dell'arte : Arlequin, gravure, XVII

ème

siècle, coll. BNF-Paris / ©BNF –

source : http://gallica.bnf.fr .................................................................................................................................. 31 Figure 20. MALEUVRE, Gravure en couleur illustrant l'acte V du Mariage de Figaro de Beaumarchais. Bibliothèque nationale de France, Paris. Ph. Coll. Archives Larbor / ©BNF – source : http://gallica.bnf.fr.......... 31 Figure 21. Personnage des "Trois cousines", comédie de Dancourt, musique de Gillier (1700) / Deplace, d'après Antoine Watteau. Paris : Hecquet, 1710 / ©BNF – source : http://gallica.bnf.fr ................................................. 32 Figure 22. Détail après restauration de l'arrière-plan de la Scène d’extérieur, vue d'une rue ............................. 33 Figure 23. Détail de la façade et de la coupole baroques ..................................................................................... 33 Figure 24. Eglise Saint-Jacques de Douai, 2004 / ©JM. Lavieville – source : http://clochers.org/........................ 34

225


Figure 25. Cathédrale Notre-Dame de Cambrai, 1999 / © Y. Tierny – source : http://clochers.org/ ................... 34 Figure 26. Eglise Sainte-Marie Madeleine, Lille 2006 / © D. Robbe - – source : http://clochers.org/ ................ 34 Figure 27. Eglise Saint-Urbain de Valleroy (Meurthe-et-Moselle), 2011 / © JP. Leclerc – source : http://clochers.org/ .............................................................................................................................................. 35 Figure 28. Détail de la porte du côté senestre, après restauration ....................................................................... 35 Figure 29. Détail de la structure en bois d'une maison, après restauration .......................................................... 35 Figure 30. Exemple d’une bambochade. BOTH, Andries (1613 – 1642). La Chasse aux poux à la lumière d’une chandelle, huile sur toile, 34,5x 27 cm, vers 1630, Magyar Szépmüvészeti Múzeum, Budapest / © Magyar Szépmüvészeti Múzeum – source : http://utpictura18.univ-montp3.fr/GenerateurNotice.php?numnotice=A0484. .............................................................................................................................................................................. 37 Figure 31. Exemple d’une scène de genre. CHARDIN, Jean-Baptiste Siméon (1699 - 1779), La Blanchisseuse, huile sur toile, 37x42,5 cm, 1737, Nationalmuseum Stockholm / ©Nationalmuseum Stockholm – source : http://utpictura18.univ-montp3.fr/GenerateurNotice.php?numnotice=A0484 ................................................... 37 Figure 32. DAVID, Jacques-Louis (1748 - 1825), Le Serment des Horaces, huile sur toile, 330x420 cm, 1784, Musée du Louvre, Paris / © Musée du Louvre – source : http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-serment-deshoraces .................................................................................................................................................................. 38 Figure 33. GILLOT, Claude (1673 – 1722), Les deux carrosses, huile sur toile, premier quart du XVIII

ème

siècle,

Musée du Louvre, Paris / ©Musée du Louvre – source : http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=10168&langue=fr ................................... 39 Figure 34. COYPEL, Charles-Antoine (1694 - 1762), Roland et le mariage d'Angélique, 1737, huile sur toile, 305x600cm, musée des Beaux-Arts de Nantes / ©musée des Beaux-Arts de Nantes – source : http://utpictura18.univ-montp3.fr/GenerateurNotice.php?numnotice=A0458 ................................................... 40 Figure 35. Exemple d’une emblème. STEPHENS, F.G., GEORGE, M.D.. Catalogue of Prints and Drawings in the British Museum, 11 volumes, London, Printed for the Trustees, 1870-1954. / ©BNF – source : http://gallica.bnf.fr/ .............................................................................................................................................. 41 Figure 36. La Scène d'extérieur, après restauration .............................................................................................. 44 Figure 37. Décoration de théâtre en vue d'optique, Paris : Basset, 1766 / ©BNF – source : http://gallica.bnf.fr/ .............................................................................................................................................................................. 45 Figure 38. Départ des comédiens italiens, gravé par Jacob d'après Watteau, XVIII

ème

siècle / ©BNF – source :

http://gallica.bnf.fr/ .............................................................................................................................................. 45 Figure 39. Le carnaval des rues de paris, gravé par Levasseur d’après Jeaurat, XVIII

ème

siècle / ©BNF – source :

http://gallica.bnf.fr/ .............................................................................................................................................. 46 Figure 40. Détail des drapés du manteau rouge de l'homme représenté de dos du côté senestre, après restauration........................................................................................................................................................... 46 Figure 41. Détail après restauration du traitement du dessin et de la facture lisse ............................................. 47 Figure 42. Le tableau, avant restauration ............................................................................................................. 49 Figure 43. Schéma du montage de l'ensemble du système ................................................................................... 50 Figure 44. Schéma de la stratigraphie de la peinture sur la toile originale, vue en coupe .................................... 50

226


Figure 45. Vue de la toile au compte-fil (x4) par la face au niveau d'une lacune de couche picturale .................. 51 Figure 46. Schéma d’une armure toile .................................................................................................................. 51 Figure 47. Schéma de la torsion et de l'angle de torsion du fil .............................................................................. 51 Figure 48. Vue du bord senestre du tableau, sans trou de semences, très régulier .............................................. 52 Figure 49. Bords de tension inférieurs de la toile originale ................................................................................... 52 Figure 50. Vue du rouleau en cours de mise à plat, et vue du revers au niveau des déchirures ........................... 53 Figure 51. Détail de la toile de rentoilage tendue sur le châssis ........................................................................... 53 Figure 52. Vue de la toile de rentoilage tendue sur le châssis par lumière transmise ........................................... 53 Figure 53. Tracé blanc au revers de la toile de rentoilage..................................................................................... 54 Figure 54. Vue du châssis maintenant seulement la toile de rentoilage ............................................................... 54 Figure 55. Schéma du châssis vu de face............................................................................................................... 55 Figure 56. Schéma du châssis en vue éclatée ........................................................................................................ 55 Figure 57. Schéma de la jointure montant/traverse, vue en coupe ...................................................................... 56 Figure 58. Vues des inscriptions manuscrites sur les montants et la traverse du côté senestre du châssis .......... 56 Figure 59. Vue de l'étiquette ................................................................................................................................. 57 Figure 60. Tranche dextre du châssis et de la toile de rentoilage, vue de l’irrégularité du clouage ...................... 57 Figure 61. Vue d'une écaille de couche picturale, en coupe, au microscope optique au grossissement x60 ........ 59 Figure 62. Coupe d’une écaille vue sous microscope x60 avec la toile, la préparation rouge et la couche colorée, sans couche d’impression grise, prise dans la partie dextre du tableau ............................................................... 59 Figure 63. Schéma de la stratigraphie de la préparation, vue en coupe ............................................................... 59 Figure 64. Vue des couches bleues et rouges, sous-jacentes à la couche colorée, observées sous loupe binoculaire x8 ........................................................................................................................................................ 60 Figure 65. Amas de vernis oxydés dans les blancs, vus à la loupe binoculaire x8 ................................................ 63 Figure 66. Déchirure complexe située sur le côté dextre de la toile et déchirure simple du côté senestre ........... 64 Figure 67. Vue des déformations du support sous lumière du jour tangentielle ................................................... 65 Figure 68. Vue d'ensemble de la toile de rentoilage tendue sur le châssis ........................................................... 65 Figure 69. Vue des déjections d'oiseaux et des accrocs dans le bois ..................................................................... 66 Figure 70. Vue des auréoles d'humidité et des pointes de fixation ....................................................................... 67 Figure 71. Vue des tranches, des semences et de la toile de rentoilage ............................................................... 67 Figure 72. Réseau de craquelures d'âge multidirectionnelles ............................................................................... 67 Figure 73. Réseau de craquelures prématurées multidirectionnelles ................................................................... 68 Figure 74. Ecaillage formant des lacunes de couche picturale .............................................................................. 68 Figure 75. Vue sous lumière tangentielle des soulèvements de couche picturale en toits .................................... 69 Figure 76. Photographie en lumière tangentielle exposant des différences de brillance et de matité ................. 69 Figure 77. Vue du voile grisâtre en surface formé par la poussière ...................................................................... 69 Figure 78. Repeints rouges .................................................................................................................................... 70 Figure 79. Projections de vernis observées sous loupe binoculaire x8 .................................................................. 70 Figure 80. Tableau photographié lors de l'exposition aux rayons ultraviolets, les repeints sont visibles en noir . 70

227


Figure 81. Vue du bas du tableau, traces blanches probablement des résidus d’anciens mastics ........................ 71 Figure 82. Relevé des altérations du support ........................................................................................................ 72 Figure 83. Relevé des altérations de la couche picturale ...................................................................................... 73 Figure 84. Relevé des zones lacunaires sans retrait des repeints et des mastics blancs anciens de restauration 74 Figure 85. Observation de la préparation après contact d'une aiguille chauffée, au compte-fil (x4) ................... 79 Figure 86. Effervescence et décomposition de l'écaille sous l'effet d'une goutte d'acide chlorhydrique, vues au compte-fil(x4) ........................................................................................................................................................ 80 Figure 87. Observation au compte-fil (x4) de l'effervescence sur une écaille de mastic, provoquée par l'acide chlorhydrique ........................................................................................................................................................ 81 Figure 88. Fil avant tout test ................................................................................................................................. 82 Figure 89. Fil avant tout test, vue au microscope optique x60 ............................................................................. 82 Figure 90. Vue du fil après combustion avec les cendres grises ............................................................................ 82 Figure 91.Goutte d'eau venant d'être déposée sur le fil ....................................................................................... 83 Figure 92. Vue du fil sous microscope optique x60, l'eau a progressé par capillarité jusqu'à son extrémité ........ 83 Figure 93. Fil du tableau venant d'être extrait de l'eau bouillante, vu au microscope optique x120 .................... 83 Figure 94. Fil du tableau après séchage, vu au microscope optique x120 ............................................................ 83 Figure 95. Fil du tableau après le test des solvants, vu au microscope optique x120 ........................................... 84 Figure 96. Observation du fil sous microscope optique au grossissement x100 ................................................... 84 Figure 97. Observation du fil sous microscope optique au grossissement x400 ................................................... 84 Figure 98. Observation d'une fibre de coton non tissé commercial au microscope optique x400 ........................ 85 Figure 99. Fibres de lin antique grec au microscope électronique à balayage au grossissement x1000, musée des Manufactures de dentelle, Retournac / ©musée des Manufactures de dentelle – source : http://www.villeretournac.fr/musee/francais/musee.html ............................................................................................................ 85 Figure 100. Observation des fibres de la toile de rentoilage au microscope optique au grossissement x100 ...... 86 Figure 101. Fibres de jute au microscope électronique à balayage au grossissement x100 / ©sciencedirect – source : www.sciencedirect.com ........................................................................................................................... 87 Figure 102. Fibres de chanvre au microscope électronique à balayage / ©sciencedirect – source : www.sciencedirect.com ........................................................................................................................................ 87 Figure 103. Vue sous microscope optique au grossissement x225 de la couche de repeint fondue après la pose d'une aiguille chauffée .......................................................................................................................................... 88 Figure 104. Localisation du test ............................................................................................................................ 89 Figure 105. Observation du bois du châssis sous microscope optique au grossissement x100 ............................. 90 Figure 106. Observation du bois du châssis sous microscope optique au grossissement x400 ............................. 90 Figure 107. Vue de face du bois d'un montant de châssis et des cernes annuels ................................................. 90 Figure 108. Sapin Baumier, en vue transversale avec les cernes annuels / ®The Woodboock .............................. 90 Figure 109. Schéma de la disposition des papiers de protection de surface sur le tableau en fonction du sens de rétraction des fibres au séchage ......................................................................................................................... 101 Figure 110. Vue du séchage de la protection de surface du tableau placé sur un fond ...................................... 101

228


Figure 111. Vue du revers du tableau, avant toute intervention ........................................................................ 102 Figure 112. Mise sous tirants du tableau ............................................................................................................ 102 Figure 113. Vue du revers avant nettoyage ........................................................................................................ 103 Figure 114. Vue du revers après nettoyage......................................................................................................... 103 Figure 115. Cartonnage Canson® en cours de séchage ....................................................................................... 104 Figure 116. Gaze provisoire après séchage ......................................................................................................... 105 Figure 117. Dernier papier de protection en cours de retrait .............................................................................. 106 Figure 118. Tableau entièrement découvert ....................................................................................................... 106 Figure 119. Schéma de la coupe stratigraphique du tableau .............................................................................. 106 Figure 120. La Scène d’extérieur, avant décrassage et nettoyage ...................................................................... 107 Figure 121. Les essais de décrassage dans le ciel ................................................................................................ 109 Figure 122. Décrassage en cours dans le ciel ...................................................................................................... 109 Figure 123. Schéma de la répartition des repeints .............................................................................................. 110 Figure 124. La Scène d'extérieur, après le décrassage et le nettoyage ............................................................... 112 Figure 125. Avant retrait des repeints sur le costume ......................................................................................... 112 Figure 126. Après retrait des repeints sur le costume ......................................................................................... 112 Figure 127. Avant retrait des repeints sur la main .............................................................................................. 112 Figure 128. Après retrait des repeints sur la main .............................................................................................. 112 Figure 129. Avant le retrait des repeints sur un personnage .............................................................................. 113 Figure 130. Après le retrait des repeints sur un personnage ............................................................................... 113 Figure 131. La Scène d'extérieur après le retrait des anciens mastics ................................................................ 113 Figure 132. Retrait de la gaze provisoire au revers ............................................................................................. 114 Figure 133. Comblement de lacune réalisé au niveau de la grande déchirure complexe ................................... 115 Figure 134. Détail des pontages en origam, ils sont presque invisibles .............................................................. 115 Figure 135. Pose de la colle sur la toile de rentoilage ......................................................................................... 116 Figure 136. Pose de la toile originale sur la toile de rentoilage .......................................................................... 116 Figure 137. Colle chassée du dessous des bandes de kraft avec une spatule en caoutchouc ............................. 116 Figure 138. Après séchage .................................................................................................................................. 116 Figure 139. Vue du revers du tableau, du nouveau châssis, de la toile de rentoilage, des clés sécurisées et du bordage ............................................................................................................................................................... 117 Figure 140. Technique pointilliste employée dans une lacune du côté dextre du tableau .................................. 120 Figure 141. Schéma de la superposition des couches d’intervention appliquées sur la couche picturale ........... 121 Figure 142. Vue de la couche picturale avant masticage .................................................................................... 123 Figure 143. Vue de la couche picturale après masticage .................................................................................... 123 Figure 144. Détail de la zone non repiquée ......................................................................................................... 124 Figure 145. Photographie d’une position de mains utilisé pour reconstituer celles du personnage central ....... 125 Figure 146. WATTEAU, Antoine. Etudes de sept têtes, vers 1717-1718, trois crayons et crayon de graphite, 223 × 280 mm / © Fondation Custodia, Collection Frits Lugt – source : http://www.moreeuw.com ......................... 125

229


Figure 147. WATTEAU, Antoine. Trois études d’une jeune fille portant un chapeau, 1716, sanguine, fusain et crayon sur papier. / ©Collection de Ann et Gordon Getty, San Francisco – source : http://www.artabsolument.com/ ....................................................................................................................... 125 Figure 148. LANCRET, Nicolas (1690 – 1743). Le Moulinet, première moitié du XVIII

ème

siècle, huile sur toile, 129

x 95 cm, Potsdam, Palacio de Sanssouci./ ®Palacio de Sanssouci - source : http://fr.academic.ru/dic.nsf/frwiki/1940510 .................................................................................................... 126 Figure 149. Scène d'extérieur, après retouche .................................................................................................... 127 Figure 150. Détail avant la retouche ................................................................................................................... 127 Figure 151. Détail après la retouche ................................................................................................................... 127 Figure 152. Œuvre avant restauration ............................................................................................................... 128 Figure 153. Œuvre après restauration................................................................................................................ 128 Figure 154. Schéma d'une stratigraphie toile, préparation, couche colorée et de la progression des adhésifs en fonction de l'objectif recherché ........................................................................................................................... 131 Figure 155. Fabrication des échantillons : vue de la matrice, broyage des pigments dans l’huile et application du mélange dans la matrice ..................................................................................................................................... 138 Figure 156. Vue d'un échantillon sec d'un mélange huile et pigment ................................................................. 139 Figure 157. Photographie d'un Mouton de Charpy utilisé dans l’industrie muni de parebrises / ©Proeti – source : http://www.proetisafr.com/ ............................................................................................................................... 140 Figure 158. Schéma du Mouton Charpy / © Karlsruhe University of Applied Sciences – source : www.youtube.com .............................................................................................................................................. 141 Figure 159. Le montage expérimental ................................................................................................................ 142 Figure 160. Eléments composant la masse au bout du bras articulé : ficelle, scalpel, pince à épiler, rondelles et ruban adhésif de peintre ..................................................................................................................................... 142 Figure 161. Vue de la vis sans fin et des écrous freins dirigeant le bras articulé lors de son action.................... 142 Figure 162. L'éprouvette est posée verticalement contre les deux cales du montage, puis est maintenue avec deux morceaux de ruban adhésif de peintre ....................................................................................................... 143 Figure 163. Instantané avant analyse ................................................................................................................. 144 Figure 164. Définition du point de départ à la hauteur h du bras (il est le même sur toutes les prises car il est matérialisé directement sur le bras au feutre rouge) .......................................................................................... 144 Figure 165. Définition de l'échelle, ici le mât mesure 37,2 cm ............................................................................ 144 Figure 186. Définition d'un axe, ici le point 0 sur l'axe des ordonnées est important puisque la hauteur du point est mesurée ......................................................................................................................................................... 144 Figure 167. Définition du point d'arrivée du bras à une hauteur h’ en reprenant comme repère le point rouge marqué au feutre sur le bras. .............................................................................................................................. 144 Figure 168. Vers le tableau des valeurs ............................................................................................................... 144 Figure 169. Relevé des mesures de hauteur des points de départ et d'arrivée du bras, ici h = 40,7 cm au départ et h’ = 7,2 cm à l'arrivée .......................................................................................................................................... 145 Figure 170. Schéma du montage et du Δh lors des essais à vide ........................................................................ 145

230


Figure 171. Schéma du montage et du Δh lors des essais à partir d’échantillons non imprégnés ..................... 146 Figure 172. Réaction d'oxydation de l'huile ........................................................................................................ 151 Figure 173. Fiche de l'œuvre conservée dans les archives du musée barrois (recto) / ©musée barrois ............. 217 Figure 174. Fiche de l'œuvre conservée dans les archives du musée barrois (verso) / ©musée barrois ............. 218 Figure 175. Anonyme, Façade d'église ou de chapelle; Elévation, coupe et plan. XVIII

ème

siècle. Plume et encre

brune, lavis gris. 72 x 51 cm. Paris: INHA, numérisé en 2006. / ©BNF – source : http://gallica.bnf.fr/ ............. 219 Figure 176. Visage révélé aux infrarouges sur le côté senestre du tableau ........................................................ 220 Figure 177. Dessin correspondant à une sorte de manteau porté par le personnage du côté senestre du tableau ............................................................................................................................................................................ 220 Figure 178. Visage révélé aux infrarouges sur la partie dextre du tableau ......................................................... 220 Figure 179. Superposition des tracés observés sous rayonnement infrarouge, en rouge, sur le tableau vu à l'œil nu ........................................................................................................................................................................ 221 Figure 180. Radiographie du personnage de la peinture sous-jacente du côté dextre ....................................... 221 Figure 181. Assemblage des radiographies pour les situer sur le tableau dont le contour est matérialisé en pointillés orange.................................................................................................................................................. 222

Tableau 1. Les différentes manipulations requises par le logiciel pour obtenir le résultat des mesures ............ 144 Tableau 2. Mesures du Δh du bras articulé lancé à vide ..................................................................................... 145 Tableau 3. Mesures du Δh à partir d'éprouvettes non imprégnées .................................................................... 146 Tableau 4. Mesures de Δh en fonction des températures de réactivation de la colle de peau qui imprègne les échantillons ......................................................................................................................................................... 147 Tableau 5. Mesures du Δh après réactivation de la colle de peau imprégnant dix échantillons à 45°C ............. 149 Tableau 6. Masses d'une population de dix éprouvettes en fonction du temps écoulé depuis leur création ..... 152 Tableau 7. Moyenne des Δh d'une série de dix échantillons non imprégnés ...................................................... 154 Tableau 8. Mesures du Δh de chaque série en fonction de la température de réactivation de la colle de peau 155 Tableau 9. Mesures du Δh de chaque série en fonction de la température de réactivation de la colle d’esturgeon ............................................................................................................................................................................ 157 Tableau 10. Mesures du Δh de chaque série en fonction de la température de réactivation de la colle de Funori ............................................................................................................................................................................ 160 Tableau 11. Calculs de l’énergie nécessaire pour briser des échantillons imprégnés avec trois adhésifs différents mais à une température donnée de 70°C ............................................................................................................ 165 Tableau 12. Calculs de l’énergie nécessaire pour briser des échantillons imprégnés avec trois adhésifs différents mais à une température donnée de 70°C, en prenant compte la masse apparente du bras articulé ................. 167 Tableau 13. Tableau regroupant les valeurs de masses des échantillons avant imprégnation .......................... 224

Graphique 1. Mesures du Δh en fonction de la température de réactivation de la colle de peau imprégnant les échantillons ......................................................................................................................................................... 148

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Graphique 2. Mesures du Δh en fonction de la température de réactivation de la colle de peau imprégnant les échantillons ......................................................................................................................................................... 150 Graphique 3. Graphique montrant l’évolution de la moyenne des masses des échantillons (g) en fonction du temps écoulé depuis leur fabrication (en mois) .................................................................................................. 153 Graphique 4. Représentation des variations du Δh (cm) en fonction de la température de réactivation des échantillons (°C) à la colle de peau...................................................................................................................... 156 Graphique 5. Représentation des variations du Δh (cm) en fonction de la température de réactivation des échantillons à la colle d’esturgeon (°C) ............................................................................................................... 159 Graphique 6. Représentation des variations du Δh (cm) en fonction de la température de réactivation des échantillons (°C) imprégnés à la colle de Funori .................................................................................................. 161 Graphique 7. Histogramme regroupant les moyennes du Δh mesuré en fonction des adhésifs imprégnant les échantillons. 70°C est la température à laquelle le Δh est le plus élevé pour les trois colles. ............................. 163

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