ECOLES DE CONDE Formation Restaurateur du Patrimoine - Niveau II
MEMOIRE DE FIN D’ETUDES Conservation Restauration de peintures de chevalet
Objet de l'étude : Copie d’une Vierge à l’Enfant d’après Antoine van Dyck – Anonyme – Début XVIIIe siècle Sujet technico-scientifique : Comparaison du Plexisol® P550 et du Medium de Consolidation® 4176 – Mise en œuvre dans l’imprégnation des supports peints
Guillemette LARDET Spécialité peintures de chevalet Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
Promotion 2013
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Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Remerciements Je tiens à remercier en premier lieu M. Vincent de La Celle, sans qui l’aboutissement de ce mémoire n’aurait pas été possible. Je le remercie tout particulièrement pour avoir suivi et encouragé ce travail. Sa disponibilité, son intérêt et sa « complicité artistique » dans l’élaboration de ce mémoire ont permis de garder ma motivation intacte pour sa réalisation. Je remercie l’ensemble du corps professoral des Ecoles de Condé Paris et Lyon : M. Olivier Nouaille, M. Jay, Mme Gesler, M. Ollier, M. le professeur Pepe, Mme Szyc et Melle Teyssier ainsi que l’équipe administrative de l’établissement, sans qui le bon déroulement de ces années d’études n’aurait pas été possible. Je les remercie tous pour leur soutien et leur exigence ainsi que pour la bienveillance avec laquelle ils nous ont conduit et ont répondu à nos interrogations. J’aimerais exprimer ma gratitude et mon profond respect aux restaurateurs, aux historiens d’art, aux conservateurs et aux autres acteurs du monde artistique contactés et rencontrés, pour leur coopération et leur intérêt pour ce travail. Ils ont su étayer nos recherches et partager leur expérience et leur savoir. Mes remerciements vont aussi à M. Yves Crinel, pour la transmission de sa passion et son aide si précieuse, et aux maîtres de stage qui ont su nous faire confiance et nous encourager dans cette voie. J’adresse mes plus sincères remerciements et dédie l’aboutissement de ce travail à mes parents, Claude et Dominique Lardet, pour leur soutien attentif, leurs encouragements et leur sagesse qui nous ont amené jusqu’ici. A ma famille. Que Martin soit assuré de mon affection et de ma reconnaissance pour m’avoir toujours encouragée durant ces années de recherche. Merci à mes camarades de promotion et aux anciens élèves pour leur soutien : Charlotte, Lisa, Marion, Manon et Sarah, à Aubry pour sa complicité intellectuelle. Je remercie mes amis qui nous ont apporté le courage nécessaire et M. Gérard Janvier qui est à l’origine de mon cheminement artistique et personnel. A la mémoire de mon grand-père Henri Darot qui m’a transmis sa passion du bois, et de Marc Van der Elst, mon parent qui aurait sûrement aimé être à mes côtés.
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Fiche d’identification
Figure 1 Vue générale de l'œuvre (recto et verso) avant restauration.
Titre :
Vierge à l’Enfant d’après Antoine van Dyck
Auteur :
Anonyme, l’œuvre n’est pas signée
Statut :
Collection particulière
Technique :
Peinture à l’huile sur toile, tendue sur châssis fixe non chanfreiné
Cadre :
Sans (présence ancienne supposée)
Dimensions :
106,8 x 88 cm
Epoque de création :
Supposée première moitié du XVIIIe siècle
Lieu de création :
Inconnu, probablement France
Lieu de conservation :
Résidence particulière (Loire – Rhône-Alpes)
Propriétaire :
M. Vincent de La Celle
Interventions antérieures :
Pose de pièces de renfort, mastics, retouches et vernis
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Sommaire Remerciements ......................................................................................................................... 3 Fiche d’identification ............................................................................................................... 4 Avant-propos ............................................................................................................................ 9 Résumé introductif ................................................................................................................. 10 Introduction générale ............................................................................................................. 14 Etude historique .................................................................................................................... 15 Introduction ........................................................................................................................ 16 Iconographie et plastique, à la recherche d’un style ....................................................... 18 1.Iconographie chrétienne, un type de l’art sacré ............................................................. 18 1.1.Reconnaissance d’un thème .................................................................................... 18 1.2.La Madone et l’Enfant............................................................................................. 21 2.Une plasticité au service de l’expressivité ..................................................................... 24 2.1.Construction générale de la composition ................................................................ 24 2.2.Le traitement expressif de la matière picturale ....................................................... 26 3.Un rapprochement certain avec l’Ecole de peinture du Nord ........................................ 27 3.1.Une influence baroque............................................................................................. 27 3.2.Un style flamand ?................................................................................................... 29 3.3.L’atelier de Rubens et son rayonnement aux XVIIe et XVIIIe siècles .................... 30 Une copie d’après Antoine van Dyck, contexte de la Contre-Réforme ......................... 31 1.Les Vierges à l’Enfant du maître flamand ..................................................................... 32 1.1.Antoine van Dyck au Musée Magnin de Dijon ....................................................... 32 1.2.Deux versions originales du maître ......................................................................... 34 2.Un artiste réputé pour son œuvre sacrée ........................................................................ 37 2.1.Une iconographie religieuse récurrente ................................................................... 37 2.2.Une notoriété propice à la diffusion de son œuvre .................................................. 40 3.Pourquoi des copies de dévotion d’après Van Dyck ? ................................................... 42 3.1.Un contexte politique et social favorable ................................................................ 42 3.2.Les Flandres, un dynamisme au service des arts ..................................................... 43 3.3.La peinture religieuse à des fins dévotionnelles ...................................................... 45 Diffusion et redécouverte de l’art flamand à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle ......................................................................................................................................... 47 1.Des gravures au service de la diffusion du style flamand .............................................. 47 1.1.L’école de gravure flamande, un style et une technicité recherchés ....................... 47 1.2.La gravure d’après Antoine van Dyck, répandue à travers les siècles .................... 51 1.3.Grâce à un commerce florissant de gravures de reproduction ................................ 57 2.La peinture flamande sur le marché de l’art et dans les collections à partir du XVIIIe siècle ................................................................................................................................. 59 2.1.Anvers, un commerce d’exportation de l’art dominant ........................................... 59 2.2.Le style flamand sur le territoire français ................................................................ 60 2.3.Le « goût français » pour la peinture nordique à partir du XVIIIe siècle ................ 65 3.Place de l’œuvre dans la tradition de la copie du maître flamand : statut et datation .... 66 Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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3.1.Un statut de copie, variante ou inspiration .............................................................. 66 3.2.Analyse des matériaux constitutifs : des témoins historiques ................................. 67 3.3.Hypothèses conclusives........................................................................................... 69 Conclusion ........................................................................................................................... 71 Partie Restauration ............................................................................................................. 72 Introduction ........................................................................................................................ 73 Matériaux constitutifs et technique de mise en œuvre .................................................... 74 1.Le support ...................................................................................................................... 74 1.1.Le châssis ................................................................................................................ 74 1.2.La toile..................................................................................................................... 75 2.La stratigraphie .............................................................................................................. 79 2.1.L’encollage .............................................................................................................. 79 2.2.La préparation ......................................................................................................... 80 2.3.Ebauche colorée ...................................................................................................... 83 2.4.Couche picturale ...................................................................................................... 83 2.5.Les couches de protection ....................................................................................... 87 Examen détaillé des altérations ......................................................................................... 89 1.Le châssis ....................................................................................................................... 89 2.Le support ...................................................................................................................... 90 3.L’encollage .................................................................................................................... 96 4.La préparation ................................................................................................................ 96 5.La couche picturale ........................................................................................................ 97 6.La couche de protection ............................................................................................... 101 Diagnostic .......................................................................................................................... 102 1.Vieillissement des matériaux ....................................................................................... 102 1.1.Perte d’adhésion généralisée ................................................................................. 102 1.2.Oxydation du vernis .............................................................................................. 103 1.3.Oxydation de la toile ............................................................................................. 103 2.Altérations dues aux conditions de conservation et à la manipulation ........................ 104 2.1.Déformation générale du support .......................................................................... 104 2.2.Présence d’humidité .............................................................................................. 104 2.3.Perte de visibilité sur la face ................................................................................. 105 2.4.Empoussièrement et encrassement ........................................................................ 105 3.Altérations dues aux campagnes de restauration ......................................................... 106 4.Pronostic ...................................................................................................................... 106 4.1.Evolution des altérations liées au vieillissement des matériaux............................ 106 4.2.Evolution des altérations liées aux conditions de conservation ............................ 106 4.3Evolution des altérations liées aux campagnes de restauration .............................. 107 Protocole de restauration................................................................................................. 107 1.Proposition de traitement ............................................................................................. 107 1.1.Objectif et nécessité d’intervention ....................................................................... 107 1.2.Cahier des charges et choix des matériaux ............................................................ 108 2.Récapitulatif chronologique du traitement proposé ..................................................... 115 Rapport de restauration .................................................................................................. 116 Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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1.Décrassage de la couche picturale ............................................................................... 116 2.Pose de papier de protection ........................................................................................ 117 3.Dépose de l’œuvre ....................................................................................................... 118 4.Dépoussiérage superficiel du revers ............................................................................ 119 5.Suppression des pièces de renfort ................................................................................ 119 6.Mise sous cartonnage et retournement ......................................................................... 120 7.Décrassage du revers du support original .................................................................... 120 8.Rétablissement de la continuité du support : incrustations et consolidations provisoires ......................................................................................................................................... 121 9.Imprégnation du support d’origine .............................................................................. 122 10.Mise en extension sur bâti.......................................................................................... 122 11.Consolidation définitive des déchirures ..................................................................... 123 12.Consolidation de la couche picturale : réactivation du Plexisol ................................ 124 13.Traitement de la couche picturale .............................................................................. 124 14.Doublage .................................................................................................................... 134 15.Remontage sur châssis ............................................................................................... 136 16.Pose de mastics .......................................................................................................... 137 17.Réintégration colorée ................................................................................................. 138 18.Vernissage .................................................................................................................. 139 Conclusion ......................................................................................................................... 141 Etude technico-scientifique ................................................................................................ 142 Introduction ...................................................................................................................... 143 Problématique et contexte de la recherche .................................................................... 144 1.Etat des recherches ....................................................................................................... 144 2.Bibliographie : le Medium de Consolidation® 4176 ................................................... 145 3.Justification et objectif de l’étude ................................................................................ 146 Notions théoriques ............................................................................................................ 148 1.Théorie de l’adhésion au sein d’une stratigraphie peinture ......................................... 148 1.1.Principe de l’adhésion ........................................................................................... 148 1.2.Les adhésifs ........................................................................................................... 149 2.L’imprégnation : stabilisation du support et consolidation de la couche picturale ...... 151 2.1.L’imprégnation ...................................................................................................... 151 2.2.Les adhésifs synthétiques ...................................................................................... 153 Mise en place du protocole .............................................................................................. 154 1.Cahier des charges adhésif/solvant .............................................................................. 154 2.Les adhésifs d’imprégnation testés .............................................................................. 155 2.1.Le Medium de Consolidation® 4176 .................................................................... 155 2.2.Le Plexisol® P550............................................................................................... 156 3.Paramètres à tester ....................................................................................................... 157 3.1.Protocole de détermination des concentrations ..................................................... 158 3.1.1.Objectif de l’expérimentation ......................................................................... 158 3.1.2.Protocole expérimental ................................................................................... 159 3.1.3.Résultats et interprétations.............................................................................. 161 Protocoles d’expérimentation .......................................................................................... 163 Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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1.Protocole d’expérimentation du pouvoir adhésif ......................................................... 163 1.1.Objectif .................................................................................................................. 163 1.2.Protocole expérimental .......................................................................................... 163 1.3.Déroulement de l’expérience et fiabilité des résultats .......................................... 165 1.4.Résultats et interprétations .................................................................................... 167 2.Protocole d’expérimentation de la pénétration des adhésifs ........................................ 169 2.1.Objectif de l’expérience ........................................................................................ 169 2.2.Protocole expérimental .......................................................................................... 169 2.3.Résultats et interprétations .................................................................................... 171 3.Protocole d’expérimentation de la résistance des films d’adhésifs.............................. 173 3.1.Objectif .................................................................................................................. 173 3.2.Protocole expérimental .......................................................................................... 174 3.3.Résultats et interprétations .................................................................................... 178 Notions de consolidation des supports : le rentoilage traditionnel et le doublage...... 180 1.Notions théoriques ....................................................................................................... 180 1.1.Le rentoilage traditionnel à la colle de pâte .......................................................... 180 1.2.Le doublage ........................................................................................................... 183 2.Protocole d’expérimentation de l’adhésivité des consolidations ................................. 185 2.1.Objectif .................................................................................................................. 185 2.2.Protocole expérimental .......................................................................................... 186 2.3.Résultats et interprétations .................................................................................... 191 Conclusion ......................................................................................................................... 194
Conclusion générale............................................................................................................ 195 Bibliographie générale ......................................................................................................... 196 Table des illustrations .......................................................................................................... 202 Sommaire des annexes ......................................................................................................... 203
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Avant-propos Notre intérêt pour l’histoire de l’art et de la peinture a été le prélude de notre passion pour la conservation et la restauration des biens culturels. Cet attrait a été développé par un enseignement technique et intellectuel passionné, pendant plus de cinq années, développant notre sensibilité pour les œuvres peintes. Notre goût pour l’art n’a cessé d’être aiguisé et sensibilisé par la formation reçue au sein des Ecoles de Condé. Notre expérience personnelle et nos stages depuis la première année n’ont fait que nourrir notre intérêt déjà présent pour la peinture septentrionale et plus particulièrement pour le style flamand. L’attrait pour la matière vivante et noble qu’est le bois, n’a fait qu’aiguiser notre sensibilité artistique et picturale pour la peinture flamande et hollandaise. C’est lors de la première année que la Vierge à l’Enfant nous a été présentée par M. Vincent de La Celle, appartenant à sa collection privée. L’influence rubénienne notable nous a conforté dans le choix futur de l’œuvre de mémoire. Elle nous permettait d’allier une période stylistique appréciée à une approche technique et théorique captivante. Ce choix est alors une évidence : la stature et le mysticisme des deux personnages bibliques sont tout aussi impressionnants que la déformation du support et l’état de surface de la couche picturale. Le but de notre intervention est de restituer, à la composition, le lyrisme liturgique original en la libérant d’un vernis oxydé et des nombreuses campagnes de restauration anciennes. La complexité de la stratigraphie semble réserver quelques difficultés dans le traitement de la couche picturale. Les interventions devront être complètes, méticuleuses et réfléchies pour rendre sa beauté à ce thème souvent rencontré, mais unique par sa facture. Le travail entrepris autour de cette Vierge à l’enfant va nous confronter au choix de notre future profession.
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Résumé introductif Ce mémoire est consacré à la restauration et à la conservation d’une copie d’une Vierge à l’Enfant d’Antoine van Dyck. Appartenant à la collection particulière de M. Vincent de La Celle, l’œuvre est peinte à l’huile sur une toile artisanale tendue sur châssis fixe, non chanfreiné. Dans un format typique d’un tableau d’autel (106,8 x 88 cm), elle présentait une surface picturale altérée par un vernis chanci et déplaqué ainsi qu’un support déformé sous l’effet de son poids. Son passé historique et sa conservation ont eu des impacts directs sur son intégrité. Ces impacts générant des problématiques auxquelles nous avons tenté de répondre au mieux au cours de ce travail. La recherche historique a débuté, partant de l’étroite ressemblance de notre tableau avec une copie d’une Vierge à l’Enfant d’après Antoine van Dyck conservée au Musée national Magnin de Dijon. Cette découverte a rendu légitime un rapprochement avec les œuvres originales du maître flamand de la première moitié du XVIIe siècle, respectivement conservées au Fitzwilliam Museum de Cambridge et la Dulwitch Picture Gallery de Londres. Leur comparaison a permis de donner le statut de copie à notre tableau. Le thème dévotionnel de la Madone et son enfant a largement été abordé, au cours des siècles, dans la peinture sacrée. Les exigences de la Contre-Réforme et de l’Eglise catholique ont cependant ajouté une charge émotionnelle à la représentation de ce sujet, s’inscrivant dans la mouvance baroque. Par la suite, l’étude plastique a révélé une facture spontanée et une composition classique et organisée. Elle a également mis en exergue un ensemble de différences (ajout et suppression d’éléments) avec les œuvres originales d’Antoine van Dyck. La présence de l’une d’entre elles (la version conservée à la Dulwitch Picture Gallery) a été identifiée au début du XVIIIe siècle, dans les ventes du marchand d’art Edme-François Gersaint puis dans la prestigieuse collection de Jean de Julienne. Sa présence sur le marché parisien tend à révéler des échanges artistiques dynamiques entre Anvers et la France, notamment grâce à un commerce actif d’objets d’art à partir du XVIIe siècle. La profusion de copies et de gravures existantes d’après les Vierges à l’Enfant d’Antoine van Dyck est révélatrice du goût prononcé pour la peinture du Nord dans les collections françaises au XVIIIe siècle. L’étude des matériaux constitutifs de l’œuvre propose une hypothétique datation de la première moitié du XVIIIe siècle, en rapport avec la redécouverte des maîtres flamands sur le Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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marché de l’art français. Par conséquent la compréhension matérielle et mécanique nécessaire au diagnostic et à la proposition de traitements, a été concomitante de l’étude historique. Le constat d’état de l’œuvre a orienté l’établissement du protocole d’intervention vers quatre notions fondamentales : le rétablissement de la planéité du support et sa stabilisation, la stabilisation de l’adhésion et de la cohésion du feuil, la restitution de la lisibilité de l’œuvre par le traitement de la couche picturale et la conservation future de l’œuvre. Le traitement du support a été orienté vers l’utilisation de matériaux synthétiques stables au vu de son futur conditionnement. Le traitement de la couche picturale a été une opération complexe. L’allègement de la couche de vernis superficielle a mis à jour une stratigraphie sous-jacente compliquée. Une patine colorée, probablement de nature lipidique, était enfermée entre des repeints anciens, intervenant à des strates différentes de l’œuvre. La surface picturale a été saturée à l’aide d’une résine naturelle dammar à 20%. Enfin la réintégration colorée s’est faite sur des mastics de couleur ivoire structurés, redonnant à l’œuvre son unité picturale longtemps occultée. Enfin, la recherche technico-scientifique a été consacrée à l’étude d’un nouvel adhésif de consolidation : le Medium de Consolidation® 4176, commercialisé chez Lascaux, réputé pour son excellent pouvoir pénétrant et sa grande stabilité. L’étude tente de palier au systématisme de l’utilisation du Plexisol® P550 en tant qu’adhésif d’imprégnation, auquel nous avons été confrontée dans la proposition de traitement de notre œuvre. Leur comparaison a montré d’intéressantes propriétés mécaniques et chimiques à travers des tests de pénétration, d’adhésivité et d’élasticité. Le Medium de Consolidation® 4176 montre des propriétés similaires, parfois meilleures, le rendant apte à la consolidation d’une couche picturale. L’étude demande à être poursuivie afin d’exploiter l’ensemble de ses avantages. Pour finir, la question d’une consolidation de support mixte naturel/synthétique a été envisagée à travers des échantillons combinant d’une part un refixage naturel et un doublage au Plextol® B500 et d’autre part une imprégnation (Plexisol® P550 et Medium de Consolidation® 4176) et un rentoilage traditionnel à la colle de pâte. Ces traitements permettraient alors d’intervenir sur des problématiques particulières du support.
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Introductive summary The Thesis hereafter deals with the restoration and conservation of a Mary with a child from Anton Van Dyck copy. The painting was provided from Mr Vincent De La Celle is personal collection, Painted with handmade oil on flax canvas, the work is stretched on fixed bars. In a standard altar format (106.6 x 88 cm), the work had an altered painting surface from a rotten and moving varnish; the support was misshapen due to his weight. Its history and previous conservations had an impact on its actual state; we tried to answer to those issues the best way I could during this work. Historical researches started with a comparision to Mary with a Child from a copy of Anton Van Dyck, kept in the Magnin National Museum of Dijon. This finding helped to link with the originals from the Flemish painter from the first half of the 17th century kept in the Fitzwilliam Museum of Cambridge and the Dulwitch picture gallery in London. The comparison permitted us to state that our artwork is a copy. The devotional theme of the Madone and her child was widely used through centuries in sacred paintings. With baroque, counter-reformation and the Catholic Church added an emotional charge on the subjects. Plastical studies then showed a spontaneous workmanship and a classical arrangement. It also put into perspective various differences with the original works from Van Dyck (elements were added or removed). The original from the Dulwitch Picture gallery went through EdmeFrançois Gersain art market at the beginning of the 18th century and then in the prestigious Jean de Julienne collection. Its presence on the Parisian art market reveals the dynamism of the exchanges between Paris and Anvers, thanks to an active art objects market since the 17th century. The quantity of copies and prints found of the “Mother with a child” from Anton Van Dyck is work is a witness of the renewal of interest for Northern paintings in French collections in the 18th century. The study of the art work components shows a hypothetical dating of the first half of the 18th century, linked with the re discovery of Flemish painters on the French art market. Therefore, material and components comprehension was needed for a treatment proposal in line with the historical study.
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The artwork condition report drove the intervention protocol into four fundamental notions: Re establishment of the canvas planarity and its stabilization, as well as the surface adhesion and cohesion, bringing back the subject legibility by operating a treatment of the layer and its future conditioning. The canvas treatment was focused on the utilization of stable synthetic materials in order to ensure its future conditioning. The treatment of the paint layers was a complex operation. The reduction of the superficial varnish layer showed a complex underlying stratigraphy. A colored patina, probably lipid, was encapsulated into previous repaints, on various layer of the work of art. The painting surface was saturated with a natural resin, the dammar at 20%. Finally the retouching was done on ivory colored mastics, structured, giving the work of art its pictural unity that had been lost for a long time. Finally, the scientific researches drawn my attention to the study of a new adhesive for consolidation: “Medium de Consolidation” 4176, commercialized under Lascaux’s brand, and celebrated for its high penetrating power and stability. This study tries to find an alternative to the systematic use of the Plexisol P550, as adhesive for impregnation, that was used for the treatment proposal on the artwork. Their comparison revealed interesting both mechanical and chemical properties after penetration, traction and elasticity tests. The “Medium de Consolidation” 4176 reveals identical properties, sometimes even better, predisposing it for pictural layer consolidation. The study has to be pushed further, to reveals all its advantages. To conclude, the question of a canvas consolidation mixing synthetic and natural solutions was considered with samples combining a natural canvas consolidation and a Plextol B500 blunder, and on another way an impregnation (Plexisol® P550 and Medium de Consolidation® 4176) and traditional lining with paste adhesive. Those treatments would allow specific interventions on the canvas.
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Introduction générale L’objet de ce mémoire est consacré à la restauration d’une copie d’une Vierge à l’Enfant d’après Antoine van Dyck. Les recherches entreprises durant ces deux années d’étude, sont décrites à la fois dans les travaux de restauration, dans l’étude historique et dans les examens technico-scientifiques. Ces trois notions sont étroitement mêlées dans ce mémoire et constituent les trois grands axes de notre argumentaire. La première partie est dédiée à l’étude historique de l’œuvre afin d’en comprendre son statut ainsi que la raison de son exécution. Une étude iconographique et plastique tentera de corréler des références stylistiques d’une école de peinture flamande adoptant les caractéristiques de l’art baroque. A travers des comparaisons picturales d’œuvres originales d’après Antoine van Dyck, l’étude se concentrera sur les échanges florissants entre la France et les Pays-Bas méridionaux. Le goût dominant de la peinture septentrionale dans les collections françaises du XVIIIe siècle, permettra de déceler un intérêt particulier de la peinture d’Antoine van Dyck, tant au sein de la capitale que dans les provinces. La seconde partie est consacrée à la restauration et à la conservation de notre tableau. Après avoir effectué une étude technologique et un état des altérations des matériaux constitutifs, l’analyse des causes de dégradations nous permet d’établir la nécessité d’interventions ainsi que les différents objectifs des interventions à mener. Le cahier des charges établi permet d’orienter nos choix de traitements, respectant au mieux l’intégrité de l’œuvre. Un protocole d’intervention sera mis en place après avoir compris les risques encourus par certains traitements. La troisième partie est destinée à une étude technico-scientifique dont l’objectif est d’aboutir à des observations comparatives entre les paramètres étudiés. L’étude comparative des différents résultats va permettre d’évaluer le comportement mécanique du Medium de Consolidation® 4176 par rapport au Plexisol® P550. Les propriétés de ce nouveau produit seront démontrées ou infirmées au cours de tests préalablement définis. Certains matériaux sur le marché, à destination des restaurateurs-conservateurs, sont encore mal connus. L’objectif de cette étude tentera d’élargir le panel de consolidants à la disposition de la profession, peut-être en tant qu’adhésif d’imprégnation.
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Etude historique Iconographie et plastique, à la recherche d’un style Une copie d’après Antoine van Dyck, contexte de la Contre-Réforme Diffusion et redécouverte de l’art flamand à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle
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Introduction Pierre Cabanne a dit : « Je pense qu’un tableau meurt au bout de quelques années, comme l’homme qui l’a fait ; ensuite cela s’appelle de l’histoire de l’art1. » Il est alors aisé de comprendre la relation intime entre les disciplines de la restauration et celle de l’histoire de l’art. Il est important de comprendre et d’analyser le passé afin d’éviter que ne disparaissent les œuvres d’art et leurs auteurs. L’iconographie de la Vierge à l’Enfant s’est dévoilée à nous suite aux interventions successives de restauration ; la technique picturale ranimée nous a révélé quelques fragments d’histoire de l’art. Les écrits liturgiques ont sans cesse été une source d’inspiration pour les peintres selon les époques, face aux évènements historiques, politiques et religieux qui ont construit l’Europe occidentale. L’iconographie sacrée accorde une place centrale aux représentations de la Vierge et de l’Enfant dès les premières années du christianisme. La Vierge à l’Enfant d’après Antoine van Dyck s’intègre dans une tradition de copie d’œuvres de dévotion, prépondérante au sein du patrimoine artistique. Elle a stylistiquement les caractéristiques baroques du Nord qui a guidé ce travail de recherche, avec un grand format de 106,6 x 88 cm typique des tableaux d’autel. Sensible à l’art septentrional, nous n’avons pu qu’être motivée, en découvrant l’œuvre sacrée d’Antoine van Dyck, pour entreprendre la restauration de l’œuvre de mémoire, dont le style n’est pas sans rappeler celui du maître d’Anvers. De l’étroite ressemblance entre l’œuvre de mémoire et la Vierge à l’Enfant d’après Antoine van Dyck conservée au Musée national Magnin de Dijon, les problématiques suivantes se sont imposées : Dans quelles circonstances cette copie a-t-elle été réalisée et à quelle période ? Pourquoi avoir reproduit un artiste comme Antoine van Dyck ? Après l’étude iconographique et plastique de la composition révélant des influences baroques des écoles du Nord, des rapprochements esthétiques et stylistiques significatifs ont pu être envisagés avec les originaux du peintre flamand, respectivement conservés au Fitzwilliam Museum et à la Dulwitch Picture Gallery. Dans une Europe du Nord riche et influente, un commerce de l’estampe florissant a permis la diffusion de la peinture du Siècle d’Or flamand dès la fin du XVIIe siècle, en particulier dans les collections françaises. L’importance de cette diffusion a enrichi le quotidien visuel français reflétant un goût pictural pour les artistes du Nord, dont l’œuvre de mémoire pourrait être un exemple.
1
CABANNE, Pierre. Entretiens avec Marcel Duchamp. Paris : Belfond, 1967, p. 124.
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Figure 2 Vue générale de l'œuvre de mémoire, après traitement de la couche picturale et avant masticage.
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Iconographie et plastique, à la recherche d’un style 1. Iconographie chrétienne, un type de l’art sacré 1.1.Reconnaissance d’un thème 1.1.1. Attributs représentés Au premier regard, une jeune femme, une mère, près de son enfant debout sur une pierre sculptée, apparaît aux yeux de l’observateur. L’Enfant, la poitrine enserrée par les bras de la Vierge, se trouve dans une scène intime ouverte sur une trouée paysagère. Le thème de la Vierge à l’Enfant est reconnaissable par la composition et l’atmosphère symbolique et liturgique qui s’en dégage. La dimension cultuelle provient de la complicité physique de la Vierge et de son fils : l’enfant est debout contre sa mère, agrippant sa robe, leurs deux visages joints au centre de la composition. La relation maternelle, à la fois affective et spirituelle, est mise en avant. L’hypothèse est aussi soutenue par la tête nimbée de l’enfant, signe de sainteté exclusivement réservé à Dieu et aux martyrs, Marie n’en possédant pas encore. La lumière indiscutablement céleste, englobe la scène et confirme la qualification spirituelle et divine du thème. Les « attributs chromatiques » sont également au service de l’iconographie traitée. La Vierge porte habituellement un manteau bleu – couleur des cieux – qui symbolise le « divin », la pureté et la virginité bien avant le blanc2. Sa robe rouge quant à elle, évoque la Passion et l’amour divin préfigurant le sang versé par et pour le Christ. Le voile de Marie, symbole très ancien d’une virginité totale3 – pureté du corps et de l’esprit – et la nudité de l’enfant paré d’un drap blanc sont de précieux témoins symboliques du thème traité. Quant au panier de pommes dans le coin inférieur gauche (celles du paradis de l’Arbre de la Connaissance), il fait référence au péché originel du premier couple de l’humanité4. Autant d’éléments qui sont de réels révélateurs iconographiques.
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PASTROUEAU, Michel. Bleu : histoire d’une couleur. Paris : Seuil, 2000, p. 44-47. Marie n’a pas toujours été vêtue avec la couleur bleue. Il s’agissait souvent d’une couleur sombre tel que le gris, le noir, le brun ou le e violet mais c’est au XII siècle que la couleur bleue est associée aux représentations mariales. 3 Le symbole de l’aliénation, du renoncement au monde extérieur, de la modestie et de la vertu, le voile est récurrent dans l’iconographie chrétienne. La vie cultuelle est tapissée de ce symbole : les religieuses qui se parent d’un voile lors de l’entrée dans la vie monastique ; les femmes et jeunes filles étaient voilées pour assister aux offices ; le voile d’une mariée et celui d’une veuve. Il fait aussi référence au voile de Véronique essuyant le visage du Christ durant la Passion. 4 PERIGAUT, Françoise. Encyclopédie des symboles. Paris : Librairie générale française, 1996, p. 546-548. Son origine latine est entre les mots malus, malum, la pomme et malum, le Mal, le péché, en référence directe au Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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1.1.2. Marie de Nazareth Le culte marial, minimisé dans les premiers temps du christianisme puis presque assimilé à celui du Christ, fera de Marie de Nazareth une icône féminine largement représentée dans le domaine artistique, au même titre qu’Eve5. La lente diffusion occidentale de la représentation mariale6 se déploie au XIIe siècle, la dévotion populaire ne manquant pas de diversifier les types iconographiques de la Vierge (Piéta, Mater Dolorosa, Vierge en Majesté). Parallèlement aux mouvances politiques, liturgiques et artistiques, elle acquiert sa place légitime de Mère de Dieu et des Hommes pour trouver son apogée dans le contexte de la Contre-Réforme. « Le type de Marie, c’est celui de la modestie, de l’innocence et de la pureté ; c’est celui de l’humilité dans toute sa profondeur ; de la charité dans tout son héroïsme ; c’est l’exaltation de l’humanité tout entière, dans la pratique des vertus les plus aimables, les plus hautes, les plus universelles. C’est l’histoire de la civilisation moderne, la clef qui nous ouvre le secret de ses destinées7. » Dans l’œuvre de mémoire, la Vierge Marie est peinte sous les traits d’une jeune femme pure et innocente dans la partie gauche de la composition, à la droite de l’enfant Jésus. Comme inspirée par une lumière divine la reliant au Père céleste, elle fixe – la tête presque tournée de trois quart – le ciel, regardant l’invisible pour l’observateur dans une attitude de soumission et d’abandon (figure 3). Cette caractéristique
Figure 3 Détail du visage de la Vierge Marie.
a rapidement retenu notre attention par sa singularité. Ses yeux trahissent un sentiment tourmenté comme si elle portait en elle la révélation de la Passion du Christ. De plus, elle enlace tendrement son enfant, le soutenant de ses bras et semblant le protéger comme si elle péché originel. La pomme fruit revient alors souvent dans l’iconographie orientale chrétienne : les tableaux représentant la naissance du Christ ou dans des œuvres baroques sous le symbole de la mort. 5 LOTTHE, Ernest. La Pensée chrétienne dans la peinture flamande et hollandaise de Van Eyck à Rembrandt (1432-1669). Lille : S.I.L.I.C., 1947, p. 99. 6 er L’édit de Thessalonique, décrété par l’empereur romain Théodose I en 380, officialise le christianisme comme religion d’Etat de l’empire romain. Quelques années plus tard en 431, il convoque lui-même un concile à Ephèse autorisant le culte de Marie de Nazareth et reconnaissant sa maternité divine que Nestorius contestait. Ce dernier et nombres d’autres, remettaient ainsi en cause l’accouchement virginal de Marie refusant sa qualification de « Mère de Dieu », mère de la personne divine. 7 JOUVE, Esprit-Gustave et al. Dictionnaire d’esthétique chrétienne, ou, Théorie du beau dans l’art chrétien. Paris : J.-P. Migne, 1856, p. 747. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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présageait déjà son avenir. Ses gestes restent ceux d’une mère qui sert l’Enfant pour ne pas qu’il tombe, une main sous son bras gauche, l’autre contre sa poitrine. Loin des représentations moyenâgeuses où elle personnifiait un trône de Majesté, elle est ici sur le même plan que l’Enfant, unie à lui, tête contre tête. Son manteau entoure le Fils et ferme la composition dans le coin inférieur droit. La tonalité vive et contrastée de sa robe devient alors un point central de la composition. Le voile qui couvre sa chevelure blonde se substitue au nimbe et rend la Vierge Marie presque familière. Son humanité renforce l’intensité émotionnelle de l’atmosphère déjà typiquement baroque.
1.1.3. L’Enfant Jésus L’Enfant Saint – nommé Jésus-Christ par les chrétiens après sa Résurrection – occupe une position centrale dans la tradition liturgique et artistique chrétienne. Il l’est également dans la composition de l’œuvre présentée où, dans les bras de sa mère il se tient debout sur son manteau qui recouvre une pierre sculptée. Cette position debout est souvent reprise dans l’iconographie, témoignant de la grandeur et de la puissance de l’Enfant Dieu. Il semble déséquilibré, en appui contre sa mère, se retenant à sa robe de la main droite (figure 6). Il prend appui sur sa jambe gauche, la jambe droite ne reposant que sur l’avant-pied. Faut-il dans ce déséquilibre, trouver un symbole ? Son autre main, devant lui au premier plan, montre les trois premiers doigts écartés en signe de bénédiction et de présence divine, symbolisant le mystère de la Sainte Trinité (figure 6). Le signe de ses doigts qualifie aussi le thème et est perceptible dès le premier regard. Ses doigts font écho aux trois pommes dans le panier d’osier, en bas à gauche de la composition. Son visage est plus celui d’un enfant, loin des représentations de jeune garçon sous des traits d’adulte des premières années du christianisme. Son regard opposé à celui de sa mère, est dirigé vers la gauche, voire à l’extérieur du cadre du tableau (figure 5). Regarde-t-il son Père comme plus tard, au moment de la Passion ? Son visage semble effleurer celui de sa mère, symbole de leur union physique et spirituelle. Sa chevelure aux boucles dorées – qui rappelle les putti de Pierre-Paul Rubens – nimbée d’un halo de lumière divine, accentue sa beauté et son rayonnement divin. Sa double nature, à la fois humaine et divine, s’impose alors avec « réalisme ». Le drap blanc dont le couvre la Vierge Marie évoque déjà le Saint-Suaire. La nudité de l’enfant – marquée par une certaine force musculaire – évoque son ascendance et à la fois qu’il reste un homme, l’incarnation du fils de Dieu. Le linge s’accorde d’ailleurs avec ses formes « rubéniennes » puissantes et la carnation délicate de l’enfant. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Figure 5 Détail du visage de l'Enfant Jésus.
Figure 4 Pierre-Paul Rubens, Détail de la Sainte Famille avec Sainte Anne.
Les caractéristiques du style de Rubens sont moins perceptibles chez la Vierge Marie que chez l’Enfant. Elle ne paraît également pas avoir les traits des Vierges « vandyckiennes »8. Le peintre de l’œuvre de mémoire semble avoir usé d’ « inventivité » même s’il ne trahit pas une connaissance de la manière et de l’esthétique flamandes.
Figure 6 Détails des mains droite et gauche de l'Enfant Jésus.
1.2.La Madone et l’Enfant 1.2.1. Evolution d’un thème dévotionnel Le thème de la Madone et l’Enfant fut le sujet dévotionnel majeur de la peinture sacrée, glorifiant « la morale catholique (…) et formant le prototype de la cellule familiale chrétienne9. ». Promoteurs de la ferveur catholique et de son enseignement, tant dans le domaine privé que clérical, les artistes surent développer l’iconographie des deux figures 8
Cf. p. 35-37. [Exposition. Valenciennes, Musées des Beaux Arts. 15 septembre-30 novembre 2000] Dans la lumière de Rubens : Peintres baroques des Pays-Bas du Sud, Paris : Somogy, p. 21. 9
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bibliques. Ils ne cessèrent de modifier leur visage, leur costume, le décor et les codes chromatiques selon les écoles, les époques et les goûts. Ce thème aborde l’enfance du Christ et la maternité divine de Marie de Nazareth. Le couple mystique, dès les premiers temps de l’ère chrétienne, y trône dans une symbolique royale. Leur iconographie se déploie sous la tradition renaissante en corrélation avec la démocratisation de la technique à l’huile. Ce nouveau rendu des effets et des couleurs a renouvelé le modèle hiératique par d’autres moins formels. La Contre-Réforme, luttant contre l’hérésie, engendre un art chrétien empreint d’expressivité et de sentimentalisme. Sous le pinceau baroque, le type de la Vierge à l’Enfant est diversifié et offre une relation maternelle, complice et plus naturelle. Au sein d’une Europe religieusement divisée, elle prend des formes expressives et majestueuses servant l’Eglise et les volontés du Concile de Trente 10. Ce n’est que face aux réfutations du protestantisme qu’elle deviendra une icône chrétienne récurrente dans la peinture. Cette « cellule familiale » prend une autre dimension avec le mouvement baroque. La Passion est davantage incarnée que dans la peinture primitive et les sentiments sont mis en exergue. L’œuvre de mémoire est un bon exemple de cette mutation du thème, exprimant l’ambivalence de la joie de la maternité et du présage funeste.
1.2.2. Glorifié sous le pinceau flamand L’évolution du type iconographique est discernable sous le pinceau des maîtres flamands. C’est avec l’œuvre des frères Van Eyck que l’on peut observer des Vierges sous les traits de belles jeunes femmes au teint clair, vêtues de précieux atours11. Roger Van Der Weyden, Hans Memling et bien d’autres magnifièrent les traits fins de la Vierge et de l’Enfant avec un front bombé. Le paysage, où se reflète l’âme humaine, est au service de la représentation tout comme les éléments du réel : fenêtres, faune et flore. Ils concordent avec le style flamand, offrant un exercice technique méticuleux au service de l’Eglise. Passés maîtres dans la peinture de genre et de nature morte, les flamands bénéficieront de l’influence majeure de Pierre-Paul Rubens au XVIIe siècle. Antoine van Dyck, son plus fidèle collaborateur, donna par ailleurs « à la Vierge le visage de la plus aimable des princesses, mais il a également représenté la Mère du Sauveur 10
LIEBAERS, Herman, BAUDOIN, Piet. L’Art flamand des origines à nos jours. Anvers : Fonds Mercator, 1991, p. 402. 11 BELVIANES, Marcel. La Vierge par les peintres. Paris : Editions de Varenne, 1951, p. 11. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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comme une femme au regard courageux, capable de vouloir, d’agir et de souffrir12. ». La Vierge à l’Enfant peuple son œuvre sacrée où il put leur conférer une beauté et une existence lyriques. Il fut sans doute influencé par le tableau de la Madone à l’Enfant dans une couronne de fleurs (figure 8) de Rubens peinte en collaboration avec Jan Brueghel13. Jacob Jordaens sera également marqué par ce motif (figure 7). Mais c’est dans l’œuvre de Titien – dont Antoine van Dyck s’est longtemps inspiré – que l’on retrouve les prémices d’un contact physique maternel avec une plastique et une palette colorée expressives (figure 9 et 10).
Figure 8 Pierre Paul Rubens, Madone à l'Enfant dans une couronne de fleurs, 1620.
Figure 10 Titien, Vierge à l'enfant entre Sainte Catherine, Saint Dominique et le donateur (Sainte Conversation), vers 1513, huile sur toile, Mamiano di Traversetolo (Parme), Fondazione Magnani Rocca.
Figure 7 Jacob Jordaens, La sainte Famille avec Jean Baptiste, huile sur panneau, 123 x 93,9 cm, Londres, National Gallery.
Figure 9 Antoine van Dyck, La Vierge, l'Enfant Jésus et les trois représentants (David, Madeleine et le fils prodigue). Entre 1627 et 1632. Huile sur toile, 157 x 117 cm. Paris, Musée du Louvre.
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Idem, p. 10. [Exposition. Anvers. Musée Plantin-Moretus. 15 mais-22 août 1999] Antoine van Dyck et l’estampe, Réd. DEPAUW, Carl, LUIJTEN, Ger. Anvers : Antwerpen Open, 1999, p. 277. 13
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2. Une plasticité au service de l’expressivité 2.1.Construction générale de la composition 2.1.1. Format et dimensions : un tableau d’autel ? Les dimensions de la Vierge à l’Enfant permettent aux deux figures de s’épanouir dans l’espace imparti et d’adopter toute l’ampleur nécessaire à leur condition. Le grand format (106,6 x 88 cm) est habituel pour les tableaux d’autel – en particulier après les recommandations du Concile de Trente – mettant en scène des sujets de dévotion dans le but de favoriser la ferveur religieuse. Les dimensions de l’œuvre de mémoire, proches de celles des originaux d’Antoine van Dyck, confirmeraient que le peintre connaissait les compositions du maître. Le format adopté offre un volume capital à l’arrière-plan qui participe au réalisme de la scène. Une dynamique s’installe au sein de la composition classique, centrant l’attention sur le sujet principal de l’œuvre.
2.1.2. L’espace, une aisance donnée au thème dévotionnel L’espace est rendu par le sol dans le coin inférieur gauche et la trouée paysagère donnant une profondeur à la scène. Le premier plan est occupé par les deux figures bibliques, au centre d’un cadrage large et ouvert resserré sur les côtés. L’œil est directement attiré au centre de la composition dans un premier plan lumineux marqué par des tonalités vives et contrastées. Il permet alors de mettre en évidence les éléments iconographiques du thème. La Vierge et l’Enfant créent un rythme plastique par les directions opposées de leur regard et de l’inclinaison de leur tête faisant écho aux diagonales des bras et à l’orientation du rideau. La verticalité des corps répond à celle de la colonne antique au second plan, stabilisant l’ensemble de la composition. Les lignes de force créent alors un mouvement et une dynamique plastiques. La pierre sculptée dans le coin inférieur droit ramène le groupe au sein de la scène. Les drapés se déploient avec aisance sur toute la partie inférieure à la manière d’Antoine van Dyck. Dans une composition de courbes et de contre-courbes typiques du style baroque, nous verrons ultérieurement qu’il subsiste des divergences entre les originaux et les copies recensées d’après le maître flamand comme l’arrière-plan14 : l’ouverture paysagère, le rideau et le panier de pommes.
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Cf. p. 32-35. Voir Annexe 4 : Copies et répliques d’atelier des originaux d’Antoine van Dyck.
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L’espace se compose de plusieurs parties distinctes. Le sol avec le panier rempli de pommes, ferme la composition en bas. Le paysage au loin, est composé d’un massif d’arbres surplombé d’un ciel bleu calme et apaisant. L’horizontalité de la verdure rompt avec la verticalité dominante de la composition et rythme le second plan ouvert sur l’extérieur. Ce procédé pictural est un enseignement tiré de la peinture primitive. L’ouverture apporte une luminosité supplémentaire venant de la gauche, contrastant avec le ciel obscur et tourmenté retrouvé chez Antoine van Dyck. Dans cet environnement réaliste, la colonne antique – procédé artistique souvent repris dans les portraits du maître flamand – amène un équilibre structural répondant à la dynamique des corps. Elle ferme la scène dans la partie supérieure droite et interrompt le prolongement du cadre, pour attirer l’observateur sur l’objet scruté par l’enfant. Le rideau est un procédé également employé par Antoine van Dyck15. L’arrière-plan typiquement flamand met en valeur les figures. Sans s’imposer à la composition, les différents plans se mêlent intimement de manière harmonieuse, permettant une cohésion plastique. La profondeur de champs et la présence de la nature – fidèle interprète de l’âme humaine – aèrent la scène et participent au décor réaliste, replaçant le couple biblique dans un paysage animé qui leur convient.
2.1.3. La lumière, représentative de l’esprit divin La chair des deux personnages attire la lumière venant des cieux, formant une luminosité centrale. La multiplicité des sources lumineuses est perçue, apportant des contrastes intenses et expressifs. Les passages entre ombre et lumière sont vaporeux et fondus. Les drapés matérialisent des ruptures franches et contrastées d’ombre et de lumière comme le manteau rouge de la Vierge. La lumière se mêle naturellement à la palette colorée à l’endroit où les zones ombrées viennent se dissimuler dans le creux d’un drapé ou dans les volumes des chairs, offrant un rendu subtil des matières. Elle met en valeur la robe de Marie, soyeuse dans un tissu léger où la lumière est directe et franche, et son manteau dans un tissu plus lourd et plus épais où la lumière est discrètement suggérée. La lumière est plus intense dans la partie gauche alors que l’ombre domine dans la partie droite. La clarté est à la droite de l’Enfant Saint tandis que son regard est dirigé vers l’ombre, préfiguration de la Passion. Le rideau module la lumière au second plan et apporte 15
VLIEGHE, Hans. Van Dyck, 1599-1999: conjectures and refutations. Turnhout : Brepols, 2001, p. 94. Les colonnes et les pilastres sont courants dans les représentations de la Madone et de l’Enfant ou de la Sainte Famille. Ils font allusion au statut noble des deux figures et exprime le contraste entre l’ancien et le nouveau. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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contraste et rupture. Le peintre a su rendre toute la beauté de la lumière des Pays-Bas du Nord que Rubens, « peintre de la lumière des Flandres16 », exalta dans son œuvre.
2.2.Le traitement expressif de la matière picturale 2.2.1. La palette de l’artiste Le dessin est exécuté sur une double préparation lipidique brune et grise. La première couche est probablement à base d’ocre jaune et de terre d’ombre brûlée alors que la deuxième couche est à base de blanc de plomb et de noir de fumée – de la laque de garance est parfois retrouvée pour refroidir – souvent observées dans les compositions d’Antoine van Dyck et citées dans les traités de peinture17. La palette, conforme aux codes chromatiques établis, opte pour une tonalité générale chaude pour adoucir ou marquer certains détails. Les tonalités vives sont au service de l’exaltation des formes baroques. Les teintes froides quant à elles, équilibrent la composition et sont étendues sur de larges aplats comme le rideau ou le manteau de la Vierge. L’artiste choisit une gamme colorée nuancée mais classique18 dont les rehauts de lumière, méticuleusement apposés, modulent le dessin et permettent d’en comprendre l’atmosphère. Les fortes valeurs sont contrecarrées par le gris coloré du ciel qui adoucit le contraste des complémentaires. Une subtile dégradation des tons s’opère entre les deux plans alors que les chairs « porcelainées » illuminent la composition de leur blancheur. Les visages sont rosés par les pommettes saillantes et les lèvres. Mais le passage du temps et le passé de l’œuvre ont endommagé une partie de la palette colorée.
2.2.2. Facture : la spontanéité et la technique La pâte est présente dans l’ensemble de la composition, aucun élément n’étant réellement traité en réserve. Les coups de pinceau sont perceptibles grâce à la matière riche et ductile de technique à l’huile, avec l’adjonction de térébenthine. Technique favorisant l’exécution rapide du processus créatif, l’huile de lin et les pigments permettent d’obtenir tous les fondus et mélanges de matière désirés. L’observation des coups de pinceau nets et incisifs atteste un apprentissage rigoureux et une exigence qualitative du travail : la touche est fine et onctueuse dans les visages et dans certaines lumières, où elle rehausse les détails. Les bouches 16
e
THIERY, Yvonne. Le paysage flamand au XVII siècle. Paris : Elsevier, 1953, p. 109. WHEELOCK, Arthur, BARNES, Susan J., HELD, Julius S., et al. Van Dyck paintings. London: National Gallery of Art, 1991, p. 45. 18 Cf. p. 82-84 Pigments utilisés par l’artiste 17
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restent de rapides esquisses colorées et frottées. Les interventions successives de traitement de la couche picturale, ont permis de dévoiler la manière du peintre notamment dans la montée en pâte et la pose finale des lumières. Les ombres ne sont pas toutes réalisées par l’ajout de noir et apparaissent souvent colorées. Le peintre a certainement reçu un enseignement pratique associant dessin et technique picturale. La composition, à l’exception des chairs, est exécutée sur une sous-couche rouge visible dans certaines parties du ciel. Ces zones sont localisées et probablement dues à une usure de la couche picturale originale. Le travail de la matière est au service du thème représenté avec un geste pictural expressif et une matière en demi-pâte.
2.2.3. Le dessin L’impression d’ensemble fait référence aux Vierge à l’Enfant d’Antoine van Dyck, sans pour autant trahir son statut de copie où la personnalité du peintre est évidente. Sans simplification de forme, le dessin atteste des bases graphiques sérieuses même si des
Figure 11 Détail d'un trait de construction dans la partie droite du visage de la Vierge, visible sur la préparation.
différences subsistent par rapport aux originaux du maître. La technique du dessin est fidèle à une esthétique baroque tant dans les rondeurs des corps que dans le rythme des courbes et contre-courbes. Le peintre couche le dessin sur la toile avec de bonnes connaissances anatomiques et graphiques. Des traits de construction bruns (figure 11) sur la préparation sont perceptibles, prouvant l’élaboration des modelés au préalable de la montée en pâte. Ils paraissent être posés au pinceau comme l’affectionnait Antoine van Dyck19.
3. Un rapprochement certain avec l’Ecole de peinture du Nord 3.1.Une influence baroque Esthétisme émergeant au XVIIe siècle, le style baroque se répand rapidement au-delà des Alpes et dans la majeure partie de l’Europe sous la forme d’un langage pictural propre, essentiellement religieux. Une nouvelle génération d’artistes – d’Espagne, d’Europe centrale et des Pays-Bas – se familiarise avec cet « art de la Contre-Réforme » en rupture avec
19
WHEELOCK, Arthur, BARNES, Susan J., HELD, Julius S., et al. Op. cit., p. 47.
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l’esthétique renaissante20. Apparu en période de troubles, le baroque ranime l’esthétique de la peinture religieuse dans une identité artistique qui réussit à s’adapter à l’iconoclasme protestant et à l’esprit de la Contre-Réforme, sous l’impulsion de l’Eglise catholique romaine. Karel van Mander21 perçoit alors, dans son Shilder-Boeck, les prémices de cette nouvelle esthétique dont l’expression, le mouvement et les contrastes d’ombre et de lumière sont caractéristiques22. Une nouvelle plastique flamande est érigée sur d’importantes bases caravagesques. L’artiste baroque rompt avec la tradition primitive et renaissante et renonce à la stabilité de la composition du tableau23. Le sujet n’est plus central et la diagonale domine, suggérant un mouvement permanent. Les plans se mêlent – les contours des formes n’étant plus aussi nettement délimités – et les figures glissent les unes derrière les autres dans une harmonie picturale dynamique. Dans un mouvement général, les tonalités chaudes et vives sont au service d’une rapidité d’exécution que la souplesse des mélanges à la térébenthine favorise24. L’idéal baroque du XVIIe siècle est décor, couleur, redondances, sinuosités, agitations et attitudes théâtrales dans un mouvement permanent à la recherche du majestueux. « Il aime à recourir aux procédés du contraste : vides et pleins, courbes et contre-courbes, ombre et lumière25 » dans une harmonie des contraires. Les personnages – la Vierge et l’Enfant Saint – sont la manifestation même de l’expressivité picturale, par leurs regards et leurs auras, et les précieux acteurs des volontés de la Contre-Réforme. « Le baroque étiquette un de ces grands moments où le christianisme s’est redressé, renouvelé, épanoui ; où il a renouvelé sa théologie, sa pensée, sa morale et sa mystique, son inspiration artistique et littéraire, où il a renouvelé le chrétien, l’état chrétien26. »
20
e
ROBERTS-JONES, Philippe. Histoire de la peinture en Belgique du XIV siècle à nos jours : depuis les premiers maîtres des anciens Pays-Bas méridionaux et de la Principauté de Liège jusqu’aux artistes contemporains. Bruxelles : La Renaissance du livre, 1995, p. 168. 21 (1548-1606) Peintre et écrivain flamand, il rédigea un ouvrage précieux recensant les biographies des plus e e éminents peintres néerlandais et allemands des XV et XVI siècles : Vie des plus illustres peintres des Pays-Bas et de l’Allemagne. Au même titre que les Vite de Vasari qu’il connut à son arrivée en Italie, il voulut démontrer l’apport technique et artistique des peintres de sa patrie, des primitifs à son époque. 22 ROBERT-JONES, Philippe. Op. cit., p. 167. 23 e GREINDL, Edith. La Peinture flamande au XVII siècle. Paris : Elsevier, 1961, p. 5. 24 VAN PUYVELDE, Léo. La peinture flamande au siècle de Rubens. Bruxelles : Meddens, 1970, p. 16. 25 LAVALLEYE, Jacques. Trésor artistique de Belgique : roman, gothique, Renaissance, baroque : les quatre époques de l’art flamand. Anvers : NederlandscheBoekhandel, 1947, p. 13. 26 D’après Gonzague de Reynold. STUBBE, Achilles. La Madone dans l’art. Bruxelles : Elsevier, 1958, p. 126. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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L’ampleur des deux figures bibliques ainsi que le traitement du sujet sont issus d’une orchestration typiquement baroque. L’expressivité des personnages fait écho, non seulement au grand format mais à la palette chromatique contrastée. Ce réalisme vital est nuancé par la lumière dans toutes ses manifestations. L’attitude des corps trahit des jeux de courbes, de diagonales dont les lignes de force dynamisent la composition. L’œuvre ne manque pas d’attiser la ferveur religieuse d’un observateur averti ; l’épanouissement liturgique fait corps avec la spontanéité picturale, dans la liberté de touche du peintre.
3.2.Un style flamand ? L’art des anciens Pays-Bas laisse déjà présager un « Siècle d’Or » en matière de peinture. Le milieu artistique d’Anvers s’en trouve durablement modifié et les artistes se tournent vers cet art fougueux initié par Pierre-Paul Rubens. Il déclencha un véritable renouvellement du style flamand dès la création de ses premières grandes œuvres (16091614)27, réduisant la primauté de l’art italien. Le style28 septentrional voit ses formes renouvelées sous l’appellation d’un baroque flamand caractéristique. En héritant des bases solides de Hans Memling ou Dürer, la nouvelle génération d’artistes exploitera les techniques picturales qui ont fait la renommée de l’école. Le baroque flamand se distingue du baroque romain et du classicisme français par sa palette nuancée, ses contrastes marqués, l’expressivité de ses corps et ses lignes de force alors que le travail de la lumière demeure un héritage national29. La lumière n’est plus neutre mais est exaltée dans des compositions monumentales. La diversité des coloris est une caractéristique typique de l’école flamande, exprimée par des vibrations optiques30. La couleur n’est plus aplat, elle est en mouvement, permettant de traduire la pensée de l’artiste en formes et en tonalités31 grâce à des nuances subtiles et contrastées. La spontanéité de l’acte de création entraîne l’intime mélange entre réalisme et subjectivité constant dans les compositions flamandes. Ces méthodes ont contribué au rayonnement de l’art des pays du Nord dans des compositions sacrées mêlant aussi bien paysages que natures mortes.
27
GREINDL, Edith. Op. cit., p. 5. « Chaque style est un développement, un ensemble cohérent de formes unies par convenance réciproque, mais dont l’harmonie se cherche, se fait et se défait avec diversité. (…) Un style est la logique interne qui organise les formes. » PIRET, Pierre. L’art et le christianisme. Bruxelles : Lessius, 2007, p. 74-75. 29 LAVALLEYE, Jacques. Op. cit., p. 6. 30 VAN PUYVELDE, Léo. Op. cit., p. 18. 31 GREINDL, Edith. Op. cit., p. 5. 28
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« La Vierge dans un tableau de l’école flamande porte les traits d’une jeune fille ou d’une jeune femme flamande et les tours et clochers qui se dressent à l’horizon de l’œuvre sont incontestablement les tours et clochers d’une cité flamande32. »
3.3.L’atelier de Rubens et son rayonnement aux XVIIe et XVIIIe siècles Allant à l’encontre de l’art classique et de tout ce qu’il avait de raisonné33, Pierre-Paul Rubens exalta les exigences du style baroque en Flandres en tant que figure de proue de cette nouvelle tradition picturale. Son génie va magnifier l’école nationale qui deviendra « une véritable pépinière de maîtres dont les œuvres seront appréciées et considérées comme des modèles dont il convient de s’inspirer34. » Léo Van Puyvelde parle d’ « usine de Rubens35 » d’où sortaient les « grandes machines de maître36 », assisté de nombreux artistes, formés par ses soins, qui exécutaient d’après esquisses. Son atelier fait alors office d’exemplarité et de technicité au début du XVIIe siècle37. Il incarne une compréhension parfaite de la composition, de l’espace et de l’anatomie dans l’accentuation de la morphologie et de la psychologie, alliant ampleur, générosité dans ses chairs et connaissance du monde extérieur38. La diversité de sa palette, vibrante, lumineuse et nuancée, traduit sa virtuosité et sa générosité technique, renouvelant la palette primitive. Il renonce alors à la géométrisation des compositions et opte pour des lignes de forces, notamment la diagonale, autour desquelles s’articulent les différents éléments du dessin (figure 12). De nombreux écrivains saluèrent son génie et exprimèrent leur admiration ; Cornelis de 39
Bie a dit « (…) Rubens a vécu et travaillé dans l’art, je trouve que c’est à juste titre, qu’il a dépassé, les vieux maîtres, dont la renommée nous a tant ravi, qui par son noble pinceau met le monde en admiration, et bouleverse les Pays Bas par ses arts, (…) ». Au-delà des frontières, son influence fut considérable et son succès ne manqua pas de toucher la France où 32
VAN DER ELST, Joseph Julien Marie Ignace. L’âge d’or flamand. Paris : La palme, 1951, p. 227. VAN PUYVELDE, Léo. Op. cit., p. 15. 34 LAVALLEYE, Jacques. Op. cit., p. 15. 35 VAN PUYVELDE, Léo. Op. cit., p. 60. 36 Idem, p. 60. 37 e BARRES, Frankline. Cours théoriques – La technique du XVII siècle, cours 2012. 38 LAVALLEYE, Jacques. Op. cit., p. 15. 39 (1627-1711) poète et dramaturge des Pays-Bas méridionaux. Son ouvrage est une compilation de nombreuses biographies d’artistes se rapprochant de l’ouvrage de Carel van Mander. BIE, Cornelis de. Le Cabinet d’or de l’art libéral de la peinture. Anvers : Juliaen van Montfort, 1662. 33
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il produisit des œuvres parmi les plus réputées de sa carrière40. Il fut également la source auprès de laquelle se formèrent les meilleurs peintres français et anglais des XVIIIe et XIXe siècles. Mais sa disparition (1640) eut pour conséquence de régionaliser l’art flamand qui perdit peu à peu son ardeur et son individualité dans les dernières années du XVIIe siècle41. Il est certain que l’œuvre présentée a subi les influences de Rubens et la composition semble être intimement liée à l’école nationale. Le maître exerça une telle fascination que nombreux furent les peintres, après lui, qui imitèrent ses créations, son style, et usèrent de nouvelles techniques picturales qu’il avait inventées. La Vierge à l’Enfant d’après Van Dyck est une illustration explicite de l’admiration des peintres et copistes pour Rubens et l’ensemble de l’école flamande. Les caractéristiques iconographiques et plastiques confirment cette observation.
Figure 12 Pierre-Paul Rubens, La Vierge et l’Enfant avec sainte Elisabeth et saint Jean Baptiste, huile sur toile, 1617, 152 x 115 cm, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid.
40
HYMANS, Henri. L’art dans les Pays-Bas : son évolution, son influence. Bruxelles : Société anonyme M. Weissenbruch, 1926, p. 236. 41 LIEBAERS, Herman, BAUDOIN, Piet. Op. cit., p. 358. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Une copie d’après Antoine van Dyck42, contexte de la Contre-Réforme Après la disparition de Rubens, Antoine van Dyck devient à son tour une source d’inspiration et un modèle43. Son art par son charme poétique, est jugé plus accessible, lui qui a su être réceptif au processus créatif de son maître44. Toute la complexité de leurs rapports explique la richesse de leur iconographie, s’empruntant sans cesse. Et c’est bien dans l’art d’Antoine van Dyck qu’a été trouvée l’origine de l’œuvre de mémoire. La ressemblance avec deux de ses œuvres est explicite. C’est par l’intermédiaire de la collection du Musée Magnin de Dijon que ces rapprochements stylistiques ont été rendus possibles. Leur copie d’après Antoine van Dyck, dont la fiche d’inventaire nous a été fournie45, a montré une filiation avec l’œuvre de mémoire. Cette source iconographique est ainsi à l’origine de toutes nos recherches.
1. Les Vierges à l’Enfant du maître flamand 1.1.Antoine van Dyck au Musée Magnin de Dijon46 Cette copie montre de nombreuses ressemblances avec l’œuvre de mémoire (figure 14). Dans un plan centré et resserré, la position des deux figures bibliques est similaire dans les deux versions. Dans un format plus petit, la composition est tronquée sur chacun des côtés créant un plan rapproché plus intimiste. La version du Musée Magnin fait apparaître un fond neutre n’offrant pas de perspective sur un second plan. L’enfant paraît directement inspiré d’une iconographie flamande – typiquement « rubénienne » - tandis que la Vierge Marie semble un peu plus âgée – elle est déjà mère – et plus italianisante que dans l’œuvre de mémoire. Jeanne Magnin précise dans son ouvrage : « L’Enfant-Dieu rayonne d’une grâce puisée dans la nature, grâce surnaturelle pourtant et divine. En contraste avec ce rayonnement de Jésus, la pâmoison douloureuse du tendre visage de la Vierge, ses yeux
42
Voir Annexe 1 : Biographie de l’artiste. GREINDL, Edith. Op. cit., p. 13. 44 Idem, p. 13. 45 Voir Annexe 2 : Contact avec le Musée Magnin de Dijon. Mme Hélène ISNARD, contactée en octobre 2011, a pu nous transmettre la fiche d’inventaire et une reproduction en couleur de bonne qualité de la Vierge à l’Enfant d’après Antoine van Dyck. 46 Cette œuvre ne nous était déjà pas inconnue dans la collection du Musée Magnin de Dijon. La recherche de l’œuvre s’est faite sur la base Joconde du Ministère de la Culture. 43
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chavirés d’angoisse atteignent à l’extrême pathétisme dans l’idéale pureté d’une beauté charnelle47. ». D’autres différences stylistiques et plastiques sont visibles : l’axe et la courbure des corps et des visages, la direction des regards, l’arrangement des drapés et des plis, l’absence du manteau bleu de la Vierge et la position de leurs mains ainsi que de leurs doigts, l’enfant n’ayant que deux doigts tendus à sa main droite. La facture apparaît plus vaporeuse dans la version du musée Magnin, avec une palette plus froide et restreinte. L’ambiance générale apparaît plus austère. Probablement une copie d’après estampe selon G. Luijten48, elle semble être stylistiquement plus proche de la version originale d’Antoine Van Dyck, conservée à la Dulwitch Picture Gallery, à Londres selon B. Watteeuw49. De son ancien titre : La Vierge, les yeux levés au ciel, et l’Enfant50, elle provient initialement de la collection privée de Maurice Magnin et sa sœur Jeanne, léguée à l’Etat en 1938. Aucune information n’est retenue par le musée concernant son origine, à l’exception d’une probable acquisition antérieure à 1922, lors de ventes aux enchères parisiennes51. Cette version, dans les collections d’un musée provincial, est au même titre que l’œuvre de mémoire, un témoin de la diffusion de la peinture nordique en France. La peinture d’Antoine van Dyck a aussi motivé un collectionnisme provincial, dont notre tableau est un bon exemple. La fiche d’inventaire spécifie son statut de copie ; nous nous sommes donc intéressée à la recherche des originaux du maître flamand.
47
MAGNIN, Jeanne. Un Cabinet d’amateur parisien en 1922. Paris : Collection Maurice Magnin, 1923, p. 283. Œuvre citée et commentée par Jeanne Magnin (reproduction n°173) dans l’ouvrage cité ci-avant. A l’époque, elle compare cette œuvre à deux versions existantes respectivement au Musée des Beaux Arts de Nancy et à la galerie Lichtenstein à Vienne (Voir Annexe 4, figure 144 et 146) 48 Voir Annexe 2 : Contact avec le musée Magnin. Ger LUIJTEN est le directeur de la Fondation Custodia – Collection Frits Lugt à Paris et éditeur du New Hollstein, l’ouvrage de référence sur la gravure allemande et néerlandaise. 49 Voir Annexe 2 : Contact avec le musée Magnin. M. Bert Watteuw est chercheur au Rubenianum à Anvers. Il réalise également son doctorat à l’université catholique de Leuven (Belgique) pour la fondation de recherches en Flandres. 50 Voir Annexe 2 : Contact avec le musée Magnin (fiche d’inventaire). 51 Correspondance avec Mme Hélène ISNARD (21/09/2012) du service de documentation du musée. Maurice (1861-1939) et Jeanne (1855-1937) Magnin vécurent à Paris où ils constituèrent la majeure partie de leur collection à partir de 1881. Sans fortune excessive, le montant alloué à leurs achats en salle des ventes n’était que peu élevé, enorgueillissant leur collection d’œuvres de provenance moins connue, aujourd’hui prisées. Après le décès de sa sœur, Maurice Magnin lègue sa collection qu’il avait lui-même installé dans le musée qu’était leur maison familiale, l’hôtel Lantin, à la Réunion des musées nationaux. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Figure 14 Vierge à l'Enfant d'après Van Dyck ou La Vierge, les yeux levés au ciel, et l'Enfant, huile sur toile, 66,5 x 56,5 cm, musée Magnin, Dijon.
Figure 13 Œuvre de mémoire, vue recadrée à l’échelle de la version du msuée Magnin de Dijon.
1.2.Deux versions originales du maître Les deux versions – respectivement celle du Fitzwilliam Museum de Cambridge et celle de la Dulwitch Picture Gallery de Londres (figure 15 et 17) – citées par la fiche d’inventaire du Musée Magnin52, ont retenu notre attention par leurs similitudes picturales et stylistiques.
1.2.1. Le Fitzwilliam Museum de Cambridge
Figure 15 Antoine van Dyck, Vierge à l’Enfant, huile sur bois, vers 1630-1632, 146,7 x 109,2 cm, Fitzwilliam Museum, Cambridge. 52
Figure 16 Vue générale de l'œuvre de mémoire après dévernissage.
Voir Annexe 2 : Contact avec le musée national Magnin.
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Principalement connu pour ses qualités de portraitiste, Antoine van Dyck a produit la majorité de ses peintures sacrées durant ses deux périodes anversoises53. Son retour d’Italie (1627) correspond à une production importante d’œuvres sacrées, avant d’être appelé en Angleterre – de 1627 jusqu’en 1632 – et de se consacrer pleinement aux portraits de l’aristocratie britannique. Cet original (figure 15) conservé à Cambridge54, peint peu de temps après son retour d’Italie, constitue une œuvre majeure imprégnée de la technicité classique des peintres italiens dans des motifs caractéristiques tel que la palette vive et contrastée.55 Van Dyck traduit une élégance et une esthétique sculpturales dont le groupe central est le reflet d’une opulence baroque flamande. La composition de Van Dyck confirme un motif flamand sous-jacent qu’il est aisé de rapprocher de l’ampleur et de la vigueur des corps de Rubens. Le regard de la Vierge, orienté vers le ciel, fait le lien entre le Père céleste et le Fils. La sensibilité de la scène et la palette colorée font penser, sans équivoque, aux tableaux de Titien et de Guido Reni dont il s’est souvent inspiré. La Vierge et l’Enfant semblent s’élever de manière extatique et solennelle dans un second plan tourmenté. La colonne antique, procédé très employé par le maître dans ses portraits, cadre la composition sur la droite et se superpose à un fond sombre et nuageux, peut être prémonitoire de la Passion du Christ. Certains dessins ont été retrouvés ; dessins qui jouaient un rôle fondamental dans les ateliers flamands du Siècle d’Or. Instruments graphiques d’une grande richesse technique, les dessins offrent des effets picturaux colorés par l’utilisation fréquente de lavis, d’aquarelle et de gouache 56. Il est alors compréhensible d’observer une iconographie récurrente dans l’œuvre d’Antoine van Dyck, réutilisant les mêmes modèles et les mêmes motifs57. D’importantes différences s’imposent entre les deux versions (figure 15 et 16) : une ouverture paysagère, la présence d’un rideau encadrant la composition, le panier de pommes 53
MARTIN, John Rupert, FEIGENBAUM, Gail. Van Dyck as a religious artist. Princeton: Art Museum, 1979, p. 53. Elle fut importée en Angleterre en 1790 par Pearson Bradshaw. Elle appartiendra successivement au Marquis de Stafford (1721-1803, politicien britannique connu sous le nom de Granville Leveson-Gower) puis au duc de Sutherland (issu de la même famille, ce titre était donné en Ecosse). Elle fut vendue à Christie’s à Londres le 2 e juillet 1976 et achetée par le musée. A partir de la fin du XVIII siècle, cette œuvre originale de Van Dyck a demeuré sur le territoire britannique. 55 LARSEN, Erik. The paintings of Anthony van Dyck. Freren: Luca, 1988, v.2, p. 263-264. 56 Van Dyck adopte des « traits de plumes larges et énergiques, complétés de touches denses de lavis brun ou d’aquarelle ponctuées de zones de papier blanc réservées à la lumière céleste » et affirme dans sa production anglaise, « son goût pour les papiers teintés, de préférence la carta azzurra chère aux Vénitiens ». [Exposition. Paris. Ecole nationale des Beaux-Arts. 16 février-7 mai 2010] Le Baroque en Flandres, Rubens, Van Dyck, Jordaens, Réd. BRUGEROLLES, Emmanuelle. Paris : Beaux-Arts de Paris, 2010, p. 9. 57 Cf. p. 35-37: Une iconographie religieuse récurrente. 54
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posé au sol, la direction des visages et des regards, la nudité et la courbure du corps de l’Enfant, et la composition des drapés ainsi que leur couleur. Sur des supports différents et dans des dimensions modifiées, les étoffes sont moins riches et amples sur notre copie, que sur l’original. La Vierge du Fitzwilliam Museum est réellement plus distante au sein du cadrage et plus mystique (présence d’un nimbe, paraissant détachée de son enfant) dans une atmosphère générale plus sévère et plus italianisante. Malgré un second plan plus animé, l’œuvre de mémoire est issue de la tradition de copie de cet original, plutôt que de celui présenté ci-après (figure 17) avec qui il présente davantage de différences. Dans ce même sens, une ancienne copie de qualité ou version d’atelier existe au Musée des Beaux-Arts de Nancy58 datant du XVIIe siècle (figure 144).
1.2.2. La Dulwitch Picture Gallery de Londres
Figure 17 Antoine van Dyck, Vierge à l’Enfant, huile sur toile, vers 1630-1632, 153,7 x 116,5 cm, Dulwich Picture Gallery, Londres.
Figure 18 Vue générale de l'œuvre de mémoire après dévernissage.
Dans cette autre version (figure 17), très proche de celle du Fitzwilliam Museum, on remarque deux changements majeurs : la direction de la tête et du regard de la Vierge Marie, le bras droit de l’Enfant Jésus qui ici, saisit la robe de sa mère et l’absence de nimbe. Le traitement de l’arrière-plan est également différent et ne fait apparaître aucun paysage ni nuance. Une influence italienne est également perceptible alors que la position de l’enfant est
58
Voir Annexe 4 : Copies et répliques d’atelier des originaux d’Antoine van Dyck. Le musée des Beaux Arts de Nancy a pu être contacté afin de nous fournir une reproduction en couleur de très bonne qualité ainsi que la fiche d’inventaire. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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typiquement flamande59. La grâce et la douceur contrastent avec l’attitude de Marie qu’il est possible de rapprocher des représentations de Mater Dolorosa. En effet, son regard est l’une des caractéristiques majeures de cette iconographie. L’attribution de cette version a souvent été remise en question alors qu’elle a de nombreuses fois été copiée, traduisant peut-être l’existence d’un dessin ou d’un carton préparatoire60, non retrouvés à ce jour. La ressemblance avec l’œuvre de mémoire est davantage perceptible par la direction de la tête de la Vierge mais aussi par la main droite de l’Enfant qui saisit la robe rouge de sa mère, les attributs masculins de l’Enfant cachés par un drap blanc et le respect des codes chromatiques malgré quelques nuances notables. Cependant l’ouverture paysagère, le panier de pommes et le rideau demeurent toujours des éléments propres à notre peintre. L’angelot d’or ciselé, en broche, sur le corsage, n’apparaît pas dans l’œuvre présentée. La palette colorée semble plus vive dans notre version et le cadrage plus serré. Les drapés prennent beaucoup moins d’ampleur et la courbure des corps est directement inspirée de Rubens. De manière générale la posture des deux figures de notre œuvre est conforme à la version du Fitzwilliam Museum61. Il est à noter que la Vierge de l’œuvre de mémoire apparaît dans l’ensemble plus jeune et plus proche de son enfant (l’inclinaison de sa tête est plus prononcée) que dans les deux originaux d’Antoine van Dyck. Elle ne semble pas être une copie littérale mais issue de l’inspiration des originaux d’Antoine van Dyck, dans une attitude plus rubénienne. Ces originaux ont été largement copiés aux XVIIIe et XIXe siècles et cette popularité confirme l’importance de l’activité de leurs ateliers. Ils ont produit un nombre important de tableaux religieux pour les besoins des églises, abbayes, cloîtres et oratoires privés62, dans lesquels ils semblent utiliser des modèles similaires, s’empruntant sans cesse. L’œuvre de mémoire semble être issue du mélange artistique de ces deux grands maîtres.
2. Un artiste réputé pour son œuvre sacrée 2.1.Une iconographie religieuse récurrente Ses nombreuses qualités techniques et picturales ont fait de lui un peintre religieux d’une incontestable valeur : des coloris sobres, discrets et chauds, plus éteints que chez
59
LARSEN, Erik. Op. cit., p. 264. Idem, p. 264. 61 Voir Annexe 3 : Comparaisons des deux originaux d’Antoine Van Dyck et de notre œuvre de mémoire. 62 LARSEN, Erik. Op. cit., p. 264. 60
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Rubens63 dans l’utilisation du pigment brun portant son nom. « Rubens fut le peintre du Sauveur, Van Dyck celui de la Vierge »64 : notre copie en est un bon exemple. Van Dyck utilisa la figure de Marie de manière récurrente dans son œuvre. Le début de sa carrière à Anvers est marqué par de nombreuses commandes des communautés religieuses65. Lors de son voyage en Italie, il fera émerger de nombreux motifs picturaux tels que la Vierge à l’ Enfant « vandyckienne » qui prendra une place importante dans sa production à partir de 1628. Il produira de nombreuses variations de ce thème dont il fit réaliser des reprises par son atelier, reflétant une importante demande de tableaux de dévotion.
66
Sous l’influence de
Guido Reni et d’autres, il confère à ses compositions religieuses une charge extatique, servant l’art de la Contre-Réforme. La Vierge à l’Enfant et Saint Jean Baptiste (figure 20) conservée à la Pinacothèque de Munich, est un des premiers motifs annonçant la série des Vierges à l’Enfant « vandyckienne »67. Cette version est proche de l’œuvre de mémoire, par l’attitude archétypale de l’Enfant, l’ouverture paysagère et le cadrage architectural. Exécutée en Italie, la série des Sainte Rosalie (figure 19) qui marque sa période picturale sicilienne68, annonçait déjà un vocabulaire stylistique spécifique de la Vierge : la tête inclinée de trois quart, les yeux levés au ciel remplis de nostalgie. Les deux figures bibliques sont alors des motifs récurrents dans l’œuvre du peintre flamand et le regard de la Vierge semble être souvent repris : la Vierge à l’Enfant et saint Jean-Baptiste (figure 20), l’Allégorie de la Charité (figure 21) mais aussi dans les compositions comme les Mater Dolorosa, les Descentes de croix, les Déplorations mais aussi dans les sujets mythologiques comme Amaryllis et Myrtile.
63
BASQUIN, dom André. Les peintres de Marie : Essai sur l’art marial. Bruxelles : E. de Leyn, 1912, p. 151. Pernety écrit dans son Dictionnaire décrivant la manière de Van Dyck : « Les graces, l’expression, la finesse, une touche surprenante, un pinceau plus léger & plus coulant que celui de son Maître, des carnations plus frâiches & plus vraies, un dessin plus délicat, une touche plus fine, se font remarquer dans les tableaux (…) Van Dyck entendoit parfaitement l’artifice du clair-obscur ; ses ajustements sont grands, ses plis simples et riches, & on reconnoît enfin dans toutes ses compositions les principes par lesquels Rubens se conduisoit. », p. 234. 64 ROOSES, Max. Op. cit., p. 234. 65 CUST, Lionel. Van Dyck, London : G. Bell, 1908, p. 62-68. 66 [Exposition. Anvers. Musée Plantin-Moretus. 15 mais-22 août 1999] Antoine van Dyck et l’estampe, Réd. DEPAUW, Carl, LUIJTEN, Ger. Anvers : Antwerpen Open, 1999, p. 274-279. 67 COLLECTIF. Van Dyck : a complete catalogue of the painting. New Haven London : Published for the Paul Mellon Centre for Studies in British Art by Yale University Press, 2004, p. 255. 68 En 1624, la peste se déclare à Palerme et sainte Rosalie apparut à la population sicilienne : d’abord à une femme malade puis à un chasseur qui retrouva les reliques de la sainte. Après l’organisation d’une procession, ordonnée par la sainte, la peste se dissipa. Ce miracle prouvait une intervention divine dans le sauvetage du peuple de Palerme. Elle est dès lors la sainte patronne de Palerme et la ville charge alors le peintre de produire une série de toiles lui rendant hommage. Antoine van Dyck touché par cet évènement lorsqu’il fut à Palerme, produisit une série de sainte Rosalie. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Figure 20 Antoine Van Dyck, Vierge à l'enfant et Saint Jean Baptiste, huile sur bois, 151 x 114 cm, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, AtePinakothek, Munich.
Figure 21 Antoine van Dyck, Allégorie de la Charité.
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Figure 19 Antoine van Dyck, Sainte Rosalie en Gloire, 1624, huile sur toile, 165 x 138 cm, The Menil Collection, Houston
Figure 22 Antoine van Dyck, L’Enfant Jésus debout. Pierre noire, rehaussée à la craie blanche. 20,3 x 11,1 cm/ Rotterdam, Musée Boijmans Van Beuningen.
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2.2.Une notoriété propice à la diffusion de son œuvre L’atelier de Van Dyck réunit un nombre d’artistes importants, autant que l’atelier de Rubens69. Plusieurs de ses élèves deviendront d’ailleurs de proches collaborateurs et le suivront en Angleterre, l’aidant à la réalisation des commandes de l’aristocratie. Beaucoup furent considérés comme de brillants élèves et parmi les meilleurs imitateurs de la manière du maître. Citons Jean de Reyn, formé à Anvers puis peintre à Londres où il fut employé pour copier l’œuvre de Van Dyck, William Dobson nommé peintre officiel de la Cour d’Angleterre et considéré comme l’un des meilleurs imitateurs du maître70, Gonzalès Coques (1614-1684) dit le « Petit Van Dyck », s’il ne fut pas son élève, était un fervent admirateur du maître, et bien d’autres. La peinture de Rubens et de Van Dyck connut un regain d’intérêt dès la seconde moitié du XVIIe siècle, révélateur de leur influence sur le monde de l’art71. Leur disparition va même étayer leur notoriété, les faisant considérer comme les plus grands artistes de la peinture anversoise du Siècle d’Or. A.-J. Pernéty écrit déjà dans son ouvrage : «Les tableaux d’histoire que Vandyck a faits, sont aussi très estimés, & répandus dans les divers Etats de l’Europe. Le Roi de France en possède un grand nombre, soit portraits ; on en trouve presque autant dans la collection du Palais Royal72. » De nombreux portraits gravés sont publiés à leur effigie et les éditeurs profitent de la reproduction de leurs œuvres pour assurer leur succès financier73. Une importante production d’estampes d’après leurs œuvres motive alors la diffusion de leur iconographie qui va influencer les artistes d’Europe. Par ailleurs, de nombreuses copies de tableaux de Van Dyck furent réalisées à Gênes74 où une demande grandissante fut à l’origine d’une production quasi industrielle, en particulier dans l’atelier de Domenico Piola.75 Il sut s’adapter à la demande et aux exigences du marché génois de l’époque, copiant les œuvres d’après le maître, représentées de manière importante par les Vierges à l’Enfant (figure 23). 69
MICHIELS, Alfred. Van Dyck et ses élèves. Paris : Renouard, 1884, p. 542. Idem, p. 545. 71 e [Exposition. Anvers. 15 mai-31 octobre 1999] Après et d’après Van Dyck : la récupération romantique au XIX siècle, Réd. CORNET, Pascal. Anvers : Hessenhuis, 1999, p. 15. 72 PERNETY, Antoine Joseph. Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure. Paris : chez Bauche, 1757, p. 234. 73 [Expositions. Bruxelles. 27 novembre 2009-15 février 2012] Sortant de l’ombre de Rubens : estampes d’après des peintres d’histoire anversois.Réd. DIELS, Anne. Bruxelles : Bibliothèque royale de Belgique, 2009, p. 26. 74 e OSTROWSKI, Jan K. Van Dyck et la peinture génoise du XVII siècle : aux sources du Baroque dans un milieu artistique italien, Krakow : Nakladem Uniwersytetu Jagiellonskiego, 1981, p. 57. 75 (1627 Gênes-1703) Peintre de compositions religieuses, mythologiques, fresquiste et graveur, il s’associe à Valerio Castello notamment dans l’exécution d’importantes décorations et travaux d’édifices génois. Il s’entoura de nombreux autres collaborateurs de qualité tels que ses fils Paolo Gerolamo, Antonio Maria et Giovanni Battista puis Gregorio di Ferrari… 70
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La production de l’atelier de Domenico Piola témoigne d’une peinture d’après originaux et non d’après gravures.76 La diffusion de ces originaux fut également possible par le commerce des estampes d’après ces tableaux mais aussi par les propriétaires des cuivres d’origine. Ceux de la Vierge à l’Enfant de Van Dyck, gravés par Paulus Pontius, devinrent la propriété d’Anton Goedkint installé à Paris, plus connu sous son nom d’édition Antoine Bonenfant.77 Il diffusa des estampes de et d’après Van Dyck, en collaboration avec Paulus Pontius, Lucas Vorsterman Figure 23 Pellegro Piola, Madonna col Bambino, copie d'après Antoine van Dyck, huile sur toile, e 114 x 142 cm, XVII siècle.
ou encore Pierre de Jode le Jeune. Cette notoriété est dès lors visible de son vivant par le biais d’un commerce extrêmement lucratif.
Le XIXe siècle est ensuite marqué par le retour du goût pour le Moyen Age et pour les maîtres anciens de l’école de peinture flamande78. Plusieurs facteurs sont à évoquer : la création du Musée royal des Beaux Arts d’Anvers en 1810, le retour de la Crucifixion de Saint Pierre de Rubens à Cologne, son bicentenaire mais aussi la donation de plus de 141 toiles de Jan Van Eyck, Hans Memling, Jean Fouquet… au Musée d’Anvers par l’ancien bourgmestre Florent Joseph Ridder van Ertborn. De nombreux ouvrages sont alors édités sur la beauté et l’esthétisme de cette école ; Friedrich Wibiral79 fit paraître l’une des premières éditions scientifiques concernant Antoine van Dyck à la fin du siècle. Deux grandes expositions furent consacrées à sa peinture, à Anvers en 1899 puis à Londres en 1900 qui donna lieu à une publication d’envergure rédigée par Lionel Cust80. L’Angleterre, deuxième port d’attache de Van Dyck, maintint la reproduction graphique de ses chefs-d’œuvre qui s’y trouvaient en grand nombre. Le monde et le marché de l’art s’imprègnent du style septentrional qui fait la prospérité des maisons de vente récemment ouvertes (en Angleterre Sotheby’s en 1744 et 76
OSTROWSKI, Jan K. Op. cit., p. 59. [Exposition. Anvers. Musée Plantin-Moretus. 15 mais-22 août 1999] Op. cit., p. 279. Antoine Bonenfant, également appelé Antoine Goetkint, s’établit à Paris où il vendit de nombreux tableaux et se confirma comme un éditeur de gravures. Il joua un role crucial dans la diffusion des de gravures de et d’après Van Dyck. 78 e [Exposition. Anvers. 15 mai-31 octobre 1999] Après et d’après Van Dyck : la récupération romantique au XIX siècle, Réd. CORNET, Pascal. Anvers : Hessenhuis, 1999, p. 101. 79 WIBIRAL, Friedrich. L’Iconographie d’Antoine van Dyck d’après les recherches de H. Weber, Leipzig : A. Danz, 1877, 190 p. 80 CUST, Lionel. Op. cit., 152 p. 77
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Christie’s en 1766). La peinture flamande se mêle alors au quotidien artistique et visuel européen. La famille royale belge inaugure la statue de Van Dyck en 1856, imaginée par Léonard De Cuyper, devant l’académie des Beaux Arts d’Anvers ; ce fait illustre la notoriété du peintre et confirme sa légitimité, le plaçant aux côtés de Rubens comme l’un des plus grands peintres de son époque. La jeune patrie belge mène alors une politique artistique active par la commande de peintures monumentales prévues à la décoration des édifices publiques.81 L’ensemble du milieu artistique ainsi que la littérature et la presse européennes vantent les mérites de l’art flamand. Le talent d’Antoine van Dyck ne manqua pas d’être diffusé et apprécié par ses contemporains et les générations suivantes dans un climat religieux propice.
3. Pourquoi des copies de dévotion d’après Van Dyck ? 3.1.Un contexte politique et social favorable Au début du XVIIe siècle apparaît une période de troubles politiques et religieux dans une Europe déjà morcelée, où surgissent de nombreux changements et de nouvelles aspirations82. S’ouvre alors une nouvelle ère dans l’histoire de l’Eglise, en réponse aux résurgences religieuses du siècle précédent. Les 95 thèses de Luther (1517) conduisent le peuple protestant à rejeter le culte et la représentation des saints en particulier celui de la Vierge Marie. « Marie, ayant dû obtenir elle-même la grâce n’est pas en mesure de la donner83. », affirmant la prédestination de l’Homme. Le XVIe siècle s’achève alors dans un climat d’incertitudes et de conflits ouvrant le siècle suivant. La Contre-Réforme s’insurge contre le succès de la Réforme protestante et l’Eglise catholique s’arme alors d’outils spirituels et matériels84. Les dogmes sont revus par le Concile de Trente (1545-1563) durant les différentes sessions, clarifiant certaines positions idéologiques. Lors de la dernière cession du Concile en 1563, les images deviennent de fidèles servantes des idéologies et de la propagation de la foi religieuse. Le domaine des arts subit alors des transformations progressives - les iconographies furent modifiées et renouvelées - réfutant les principes de l’iconoclastie. Le triomphalisme et le dynamisme du baroque sont la traduction artistique des attentes de la Contre-Réforme. 81
[Exposition. Anvers. 15 mai-31 octobre 1999] Op. cit., p. 89. VAN PUYVELDE, Léo. Op. cit., p. 7. 83 STUBBE, Achilles. Op. cit., p. 120. 84 LOTTHE, Ernest. Op. cit., p. 134-141. 82
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Le dogmatisme catholique donne lieu à un renouveau spirituel, à l’exception des régions restées fidèles à la Réforme protestante. Un profond renouveau catholique s’en suit et la reconquête partielle des régions protestantes accentue le clivage entre les deux religions. Le « Grand Siècle » européen voit alors naître un catholicisme militant servant les ambitions politiques des puissants monarques de l’époque. La France monarchique de Louis XIV et les Habsbourg – d’Espagne et d’Autriche – dominent l’Europe. La Contre-Réforme prend des aspects protéiformes dans toute l’Europe et c’est dans ce contexte que l’œuvre religieuse d’Antoine van Dyck va pouvoir être diffusée, trouvant dans cette situation, un véhicule propice à la reproduction de ses œuvres.
3.2.Les Flandres, un dynamisme au service des arts Ces scissions politiques et religieuses eurent des répercussions dans les anciens PaysBas espagnols. L’Espagne conquit Anvers en 1585, marquant la séparation définitive entre les Pays-Bas du Nord (protestants) et du Sud (catholiques). La gouvernance du Sud est accordée en dot à l’archiduc Albert d’Autriche et à son épouse Isabelle d’Espagne (1598-1621). Les deux souverains tentèrent de consolider le pays en pleine guerre civile par la trêve de Douze Ans (1609-1621), entre l’Espagne et les Pays-Bas du Nord. Cette période de paix et de redressement économique pour les Pays-Bas méridionaux, permit aux arts de recouvrer une nouvelle dynamique motivée par la restauration et la décoration des édifices et lieux de culte dévastés par les mouvances iconoclastes85. Les ordres religieux pesèrent sur la demande artistique ; la bourgeoisie émergente – phénomène social majeur – fut encouragée par l’Eglise catholique à commander et à acheter des œuvres d’art. L’impulsion donnée au commerce de l’art met en lumière une nouvelle génération de peintres tels que Pierre-Paul Rubens, Antoine van Dyck ou encore Jacob Jordaens, travaillant pour la Cour des Habsbourg et dont les tableaux et retables magnifièrent la peinture religieuse flamande86. Cette génération de peintres innovateurs influença ce dynamisme artistique en Flandre. Les collectionneurs et amateurs d’art mais aussi les gouverneurs généraux et les cours d’Europe en particulier celle d’Espagne, de France, d’Angleterre et les princes d’Allemagne, encouragèrent la production de scènes de chasse, d’œuvres décoratives, de tapisseries, de peintures d’histoire, de tableaux de cabinet pour l’ornementation de leurs châteaux et de leurs 85
[Exposition. Paris. Musée Marmottan Monet. 20 septembre 2012-3 février 2013] Rubens, Van Dyck, Jordaens et les autres : peintures baroques flamandes aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Réd. VAN SPRANG, Sabine TADDEI, Jacques et al. Paris : Hazan, 2012, p. 14. 86 LIEBAERS, Herman, BAUDOIN, Piet. Op. cit., p. 357. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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palais87. La noblesse et la bourgeoisie, principaux acheteurs de la production des Flandres depuis le XVIe siècle, divulguèrent leurs collections dans des cabinets de curiosités. Ces collections privées se multiplièrent et se spécialisèrent au XVIIe siècle, période où les cabinets d’art – caractéristiques de la ville d’Anvers – virent le jour.88 Les peintures et gravures figurant parmi les marchandises de luxe, étaient exécutées sur commande par de grands ateliers dont celui de Rubens est l’exemple le plus fameux. Face à une demande croissante et à l’abondance de la production en série de tableaux, un public de plus en plus averti voit le jour : « l’amateur devint un fin connaisseur ».89 A la mort de l’archiduc Albert (1621), une nouvelle période d’instabilité apparaît ; ce n’est qu’en 1648 que la Paix de Westphalie marqua la fin de la guerre civile. Ne réglant que le conflit entre la Hollande et l’Espagne, l’état de guerre se poursuivra durant toute la deuxième moitié du XVIIe siècle entre la France et l’Espagne, les provinces de Belgique étant convoitées par les deux puissances. Le monde de l’art est alors touché par les exigences de la Contre-Réforme ; la scission entre le nord et le sud ne fut pas un frein à leur épanouissement artistique, intellectuel et religieux, au contraire. La peinture flamande se développe alors dans un territoire divisé et instable, n’empêchant pas son rayonnement dont Anvers fut un centre dynamique à l’échelle européenne.
3.2.1. « Anvers, nourrice des peintres » Abritant un marché des capitaux grandissant – elle abrita d’ailleurs la première bourse de commerce d’Europe – Anvers sut rester, malgré l’instabilité régnante, un centre commercial actif90. Supplantant Bruges au XVIe siècle du fait de sa position géographique, la ville – par sa place privilégiée avec le commerce portugais – devient l’une des plus grandes villes d’Europe. Dans la deuxième moitié du XVIe siècle, elle fut le théâtre de luttes politicoreligieuses entre le Nord protestant et l’Espagne catholique. Tombée entre les mains de Philippe II d’Espagne en 1585, Anvers qui était sous domination calviniste voit sa population décroître. Les protestants sous le pouvoir espagnol sont dans l’obligation de se soumettre à la
87
[Exposition. Paris. Musée Marmottan Monet. 20 septembre 2012-3 février 2013] Op. cit., p. 14-15. LIEBAERS, Herman, BAUDOIN, Piet. L’art flamand des origines à nos jours. Anvers : Fonds Mercator, 1991, p. 357. 89 KAUFMANN, Thomas DaCosta, EGGER, Anne. L’art flamand et hollandais – Belgique et Pays-Bas, 1520-1914. Principaux sites. Paris : Citadelles & Mazenod, 2002, p. 104. 90 [Exposition. Paris. Ecole nationale supérieure des Beaux-arts. 16 février-7 mai 2010] Le Baroque en Flandres, Rubens, Van Dyck, Jordaens, Réd. BRUGEROLLES, Emmanuelle. Paris : Beaux-Arts de Paris, 2010, p. 7-8. 88
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foi catholique ou de s’exiler ; les artistes eux fuient vers le Nord et l’activité artistique développée s’en ressent. Anvers sut tirer profit de sa situation portuaire, ainsi que de la présence d’artistes influents. Pierre-Paul Rubens, de retour d’Italie en 1608, stimule une importante créativité permettant à la capitale anversoise de recouvrer sa place économique et culturelle au sein de l’Europe. Encouragée par sa bourgeoisie, puissante mécène et promoteur des arts, elle participa à l’établissement d’une réelle école artistique anversoise.
3.3.La peinture religieuse à des fins dévotionnelles La peinture religieuse – dont les préoccupations rejoignent les recommandations de la Contre-Réforme – bénéficiera d’un renouveau artistique régi par les exigences du Concile de Trente. Retables et tableaux de piété trouvent leur place dans les chapelles et monastères érigés par les Jésuites91. Le profane et le sacré ne doivent en aucun cas se mêler. « Le Concile veut que l’artiste évite la moindre impureté et s’abstienne de toute séduction sensuelle 92 », condamnant le nu dans les représentations liturgiques, si apprécié par les artistes de la Renaissance. La théorie artistique du XVIIe siècle impose des recommandations en termes de vraisemblance, de convenance et de fidélité liturgique93. Les peintres se devaient, dans un but d’efficacité dévotionnelle et d’« économie iconographique », de respecter l’exactitude des Ecrits saints, bannissant tous éléments apocryphes des représentations. L’ « Eglise de la Contre-Réforme, ardente et passionnée, qui connut l’angoisse, la lutte et le martyre, cette Eglise des grands saints extatiques, façonna l’art à son image 94» modifiant à jamais l’imagerie chrétienne. Les Pays Bas méridionaux, demeurés catholiques, donnèrent naissance à un art religieux dit « de la Contre-Réforme », contrairement à l’école hollandaise95. Face à des demandes accrues de scènes sacrées, les artistes peignent retables et tableaux accompagnant les épitaphes des églises, « dont l’intérieur se parait de représentations de la Vierge, de saints ou de figures bibliques et du récit de leur vie, de cycles peints 96 », tant sur les murs que sur les
91
Idem, p. 7-8. STUBBE, Achilles. Op. cit.p. 122. 93 e COUSINIE, Frédéric. Le peintre chrétien : théories de l’image religieuse dans la France du XVII siècle. Paris : Harmattan, 2000, p. 101. 94 e MALE, Emile. L’art religieux après le Concile de Trente: étude sur l’iconographie de la fin du XVI siècle, du e e XVII , du XVIII siècles: Italie, France, Espagne, Flandres. Paris : A. Colin, 1932, p. 35. 95 LOTTHE, Ernest. Op. cit., p. 140. 96 KAUFMANN, Thomas DaCosta, EGGER, Anne. Op. cit., p. 103. 92
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colonnes et les plafonds. Les images pieuses étaient destinées à un usage privé, à des fins didactiques ou de propagande. Leur production s’intensifia et l’art religieux s’épanouit en Flandre avec une force et un éclat inhabituels. Il prit une part importante de la production artistique régionale aux côtés du portrait, du paysage et de la scène de genre97. L’exubérance baroque s’épanouit dans ce contexte et toucha toutes les disciplines artistiques, donnant aux Flandres une place considérable dans l’histoire de la peinture du XVIIe siècle98. Nombreux sont les récits et guides de voyages de l’époque et du siècle suivant, vantant l’excellence de la peinture de ses édifices publiques99. La production d’images à des fins dévotionnelles a toujours été dirigée par les corporations de métiers, devenues moins intransigeantes au cours du XVIIe siècle. La tradition de la bonne peinture impose des règles veillant à la qualité du travail ainsi qu’à l’éducation des artistes. Ces derniers se devaient d’entreprendre leur formation pendant quatre ou cinq ans auprès d’un maître. C’est après avoir fait leurs preuves qu’ils obtenaient le droit de s’établir à leur compte.100 Des peintres tels que Van Dyck et Jordaens ont alors pu produire de grands chefs-d’œuvre dès l’âge de dix-sept ans. Ce niveau d’exigence se traduisit dans le processus créatif et participa à la renommée de l’école régionale. Les artistes flamands se consacrent aussi aux théories artistiques des milieux intellectuels et humanistes. Les notions d’esthétisme et de beauté annoncées dès le XVIe siècle, sont à leur paroxysme au cours du XVIIe siècle ou « s’épanouit le concept de l’œuvre d’art, l’inspiration philosophique et la critique des arts visuels ».101 « Le tableau est une tribune d’où l’artiste, devenu pour ainsi dire prédicateur, expose les dogmes des chrétiens et plus spécialement ceux qui sont contestés : l’efficacité des sacrements, le culte de la Vierge Marie et des saints. »102 La peinture sacrée est ainsi magnifiée dans la région flamande, restant tout de même tributaire de la manière et du savoir-faire de Pierre Paul Rubens. Ses qualités ont rapidement été reprises par d’autres artistes dont Antoine van Dyck fut l’un des plus brillants. Il illustre la manière flamande et va inspirer nombre d’artistes européens par l’intermédiaire de la diffusion des estampes d’après son œuvre. La gravure, spécificité reconnue de l’école 97
LIEBAERS, Herman, BAUDOIN, Piet. Op. cit., p. 402. Idem, p. 357. 99 [Exposition. Paris. Ecole nationale supérieure des Beaux-arts. 16 février-7 mai 2010] Op. cit., p. 13. 100 VAN PUYVELDE, Léo. Op. cit., p. 8. 101 KAUFMANN, Thomas DaCosta, EGGER, Anne. Op. cit., p. 108. 102 LOTTHE, Ernest. Op. cit., p. 141. 98
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flamande, favorisera la redécouverte de l’art septentrional en France grâce à un commerce artistique dynamique. La diffusion des Vierges à l’Enfant d’Antoine van Dyck a assurément emprunté ce chemin-ci ; notre œuvre de mémoire paraît en être un des nombreux témoins. Il est alors probable que la copie de la Vierge à l’Enfant d’Antoine van Dyck ait été réalisée dans un but privé, pour le compte d’un commanditaire. Cette pratique n’est pas neuve et reflète un engagement culturel dans l’envie de posséder une représentation d’œuvre originale. Son statut de tableau d’autel, probablement exposé dans une chapelle privée, révèle également une volonté cultuelle de la part du commanditaire. En effet, elle ne semble pas être une copie de formation artistique, ni une copie d’étude.
Diffusion et redécouverte de l’art flamand à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle 1. Des gravures au service de la diffusion du style flamand 1.1.L’école de gravure flamande, un style et une technicité recherchés Une école de gravure flamande n’est pas clairement identifiable avant le milieu du XVIe siècle, où l’art des anciens Pays-Bas atteint une certaine unité artistique103. L’estampe d’interprétation fut rapidement maîtrisée par les graveurs des Pays Bas qui – partis en Italie, berceau de l’image reproduite – ont su emmener cette technique graphique à son apogée. L’art hollandais et l’art flamand possèdent des caractères semblables dans cette discipline où peu de divergences sont perceptibles avant le XVIIe siècle. La gravure n’est pas systématiquement considérée comme un art fondé sur des principes similaires à ceux employés dans la peinture104. C’est au début du XVIIe siècle que de nombreux artisans et artistes vont donner toute sa valeur et sa plénitude à cette forme artistique qu’est la gravure. L’impulsion donnée à la gravure est concomitante au développement de l’imprimerie et de l’artisanat du livre. Malgré les troubles liés à la Réforme, la production d’ouvrages et d’images s’étend dans les Pays-Bas. Anvers devint un important foyer de création, de production et de diffusion, faisant circuler dans le monde entier des eaux-fortes, des estampes 103
DELEN, A. J. J. Histoire de la gravure dans les anciens Pays-Bas et dans les provinces belges : des origines e jusqu’à la fin du XVIII siècle. Paris : G. Van Oest, 1924-1934, p. 1. 104 HYMANS, Henri. Histoire de la gravure dans l’école de Rubens. Bruxelles : F.J. Olivier, 1879, p. 20. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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et des gravures sur bois. La publication flamande de ces supports atteint les 5 à 10 millions d’exemplaires au cours du XVIIe siècle105 alors que les collections d’estampes prennent place chez les amateurs d’art anversois106. Elles demeurent florissantes même après 1650 en dépit du déclin de la peinture dans les Pays-Bas du sud. Le développement de cette technique oblige les presses anversoises d’intensifier leur rendement et de livrer des œuvres d’intérêt et de qualité, pour satisfaire une demande accrue. Des personnalités comme Hendrick Goltzius107 ou Jacques Callot108 ont su élever la gravure à un niveau artistique majeur, lui conférant ses lettres de noblesse. Leur rayonnement conduit probablement au déclin de la gravure sur bois par la précision parfaite de leur burin, apport principal des flamands. Cette minutie reconnue, participa à la diffusion de la technique en Europe. Le rôle de diffusion assigné à cette technique est dès lors assimilé par l’ensemble de la profession. Les graveurs apportèrent un réalisme sans faille, une dextérité impressionnante et un lyrisme typiquement flamand reproduisant des compositions à l’aide des seules valeurs du noir et du blanc. Rubens développa un lien étroit entre la peinture et la gravure de reproduction – que l’on différencie des gravures originales d’Antoine van Dyck – adaptant lui-même ses compositions peintes, à la gravure. Il conçut 448 compositions en vue de leurs publications sous forme d’estampe109. Il dynamisa de manière certaine cet art émergeant ; René Van Bastelaer parle alors de « formule rubénienne110 » qui trouva en France un écho favorable. Face à de nouveaux conflits, l’école nationale s’essouffla au milieu du XVIIe siècle. Le contexte général amena de nombreux graveurs à quitter les Flandres pour des patries voisines telles que la France. Certains entreprirent aussi une carrière à la cour de Louis XIV – qui exigeait une certaine perfection dans la représentation de son effigie – et influencèrent à leur
105
KAUFMANN, Thomas DaCosta, EGGER, Anne. Op. cit., p. 103. L’exemple est donné par la collection de Michel Marolles, connu pour avoir constitué un fond de 123 000 estampes. Ce dernier fut acheté par Colbert pour Louis XIV en 1667, élaborant le premier fond du Cabinet d’estampes de la Bibliothèque Nationale. C’est de cette époque que datent les premiers ouvrages et catalogues sur la gravure. 107 (1558 Muhlbrecht-1616 Haarlem) Il est essentiellement connu comme graveur mais il fut aussi peintre. Il fut l’élève de Dirk Volckertsz, de Coornhert et de Philippe Galle. 108 (1592-1635) Il modifia profondément la technique et l’esthétique de la gravure notamment par l’emploi d’un vernis dur, un vernis de luthier utilisé par les florentins. Composé de larmes de mastic fondu dans de l’huile de lin, il permet une certaine fermeté et une certaine tenue de la pointe du graveur, par conséquent une précision et une netteté indéniable. Le temps de séchage étant largement réduit. 109 [Expositions. Bruxelles. 27 novembre 2009-15 février 2010] Op. cit., p. 15. 110 VAN BASTELAER, René. La gravure et l’école de Rubens. Bruxelles : G. van Oest, 1913, p. 8. 106
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tour les graveurs français111. Nicolas Pitau112, G. Edelinck113, Pierre van Schuppen et d’autres, graveurs anversois venus en France après la mort de Rubens, constituent une nouvelle génération d’artisans et participent à la diffusion de l’imagerie flamande ainsi qu’à la technique. Le dynamisme d’Anvers s’étend jusqu’en France.
1.1.1. Anvers, un centre de production dynamique Anvers fut le théâtre de l’élan donné par Jeronimus Cock et son édition des Quatre Vents114, par l’imprimerie Officina Plantiniana de Christophe Plantin et quelques années plus tard de l’impulsion donnée par Rubens. A son contact, les graveurs flamands développèrent de nouveaux procédés et assirent une technique de plus en plus élaborée115. L’influence de Rubens s’étendit aux deux genres de gravure en taille-douce : le burin et l’eau-forte. Il comprit rapidement l’importance de la gravure, sans être graveur lui-même, quant à la diffusion et à la notoriété de ses productions personnelles. Il initia alors une réelle école nationale de gravure, donnant d’excellents supports aux graveurs anversois qui les multipliaient à l’envie. Rubens s’entoura des meilleurs et n’hésita pas à les diriger, les faire travailler sous ses yeux et retoucher au pinceau les estampes avant leur diffusion116. Cornelis de Galle, Lucas Vorsterman, Paulus Pontius et d’autres traduisirent l’œuvre du maître sous leur burin ; les Bolswert furent sans doute les meilleurs graveurs de ses œuvres117.
111
e
ROUIR, Eugène. La Gravure originale au XVII siècle. Paris : Somogy, 1974, p. 110. (1632 Anvers-1671 Paris) Il est graveur, dessinateur et éditeur. Il travailla avec Cornelis Galle et Philippe de Champagne. Installé à Paris, Nicolas Pitau I est connu pour nombre de portraits et de gravures d’après Raphaël, Guerchin ou encore Mignard. Il fut le maître de Gérard Edelinck. 113 Gérard Edelinck (1649 Anvers – 1707 Paris) est connu comme étant un graveur français d’origine flamande, sorti de l’atelier de Cornélius Galle le Jeune. Il représente parfaitement les échanges entre la France et les Flandres, appelé par Colbert, ministre de Louis XIV, lui donnant les titres de chevalier de l’ordre de saint Michel, de graveur du cabinet avec une pension. Nommé professeur aux Gobelins et admis à l’Académie dès 1677, il perfectionna la gravure en France grâce à l’invention des tailles en losange. Son fils Nicolas-Etienne Edelinck exerça aussi le métier de graveur avec un savoir-faire flamand inculqué à l’école française. 114 (1507-1570 Anvers) ou Hieronymus Koch. Peintre, graveur et dessinateur, il fut un célèbre et prolifique ème éditeur anversois. Initiateur de l’école anversoise de buriniste, féconde jusqu’à la fin du XVII siècle, sa boutique fut un haut lieu de l’humanisme et des débuts du maniérisme en peinture, ramenant de son voyage à Rome, le goût pour l’Antiquité. Propageant ce goût nouveau, il prôna un éclectisme dans son commerce. Il fut l’employeur de Pieter Brueghel l’Ancien, de Cornélis Cort et de Giorgio Ghisi. 115 ROUIR, Eugène. Op. cit., p. 71-72. 116 DUPLESSIS, Georges. Histoire de la gravure en Italie, en Espagne, en Allemagne, dans les Pays-Bas, en Angleterre et en France : suivie d’indications pour former une collection d’estampes. Paris : Hachette et cie, 1880, p. 202. 117 DELEN, A. J. J. Histoire de la gravure dans les anciens Pays-Bas et dans les provinces belges : des origines e jusqu’à la fin du XVIII siècle. Paris : G. Van Oest, 1924-1934, p. 6. L’exemple fructueux de la collaboration entre Rubens et Lucas Vorsterman, est rare dans l’histoire de la peinture. Vorsterman est d’ailleurs appelé « le peintre au burin », montrant l’exigence voulue par le maître qui n’acceptait pas la circulation pirate de ses reproductions. 112
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Anvers, centre d’édition d’estampes, accueillit alors de nombreux graveurs qui devinrent un exemple pour le reste de l’Europe118. D’abord spécialisés dans la gravure sur cuivre au XVIe siècle, les graveurs anversois ont su tirer profit des premières avancées d’Albrecht Dürer mais aussi des italiens tels que Jacopo de Barbari et d’autres. L’exigence élevée des peintres quant à la transposition graphique de leurs œuvres les obligeait à employer les meilleurs artisans. C’est la fabrication des images de piété qui fut à l’origine de nombreuses éditions. Les missions d’évangélisation et les besoin des Jésuites se servant des images de dévotion comme matériel didactique, favorisèrent la production de ces images. Le marché d’estampes à Anvers s’en trouve stimulé, enlevant à Haarlem sa primauté industrielle et éditoriale. La dynastie Galle, graveurs, éditeurs et négociants, domina ce marché jusqu’en 1675119. Antoine van Dyck reçut très tôt un apprentissage en gravure et transposa aussi sur cuivre les chefs-d’œuvres de Rubens120. Conscient du rôle d’un tel outil, il élabore son Iconographie, célèbre série de portraits des hommes les plus illustres de son temps, très prisée par les collectionneurs. Exécutant ses dessins, Van Dyck confiait leur transposition sur cuivre aux meilleurs graveurs anversois. Graveur lui-même, ses qualités furent appréciées même encore aujourd’hui où sa créativité et sa modernité étonnent121. La production de leurs œuvres et leurs reproductions furent protégées par ce que l’on appelle aujourd’hui les droits d’auteur ou le « copyright ». Les images gravées ne pouvaient être ni reproduites ni être l’objet d’un commerce en raison de « privilèges » accordés à qui de droit. D’ailleurs Rubens, d’une vigilance extrême quant à la diffusion de son œuvre et aux contrefaçons, se vit octroyé son premier privilège par la France le 3 juillet 1619 pour dix ans. Ces codifications témoignent de la valorisation de la gravure ainsi que de son importance artistique et artisanale. C’est ainsi que l’école de gravure anversoise, tributaire de la manière des deux maîtres, perdit de son éclat et de sa créativité après leur disparition. D’autres villes telles que Paris et Amsterdam devinrent des centres de production d’estampes et de livres illustrés, rivalisant avec Anvers. Cependant elle resta le centre majeur de reproduction des chefs-d’œuvre d’Antoine van Dyck, en atteste les nombreuses estampes éditées à travers les siècles.
118
HYMANS, Henri. Op. cit., p. 12. [Exposition. Anvers. Koninklijkmuseum d’Anvers. 12 juin-12 sept. 2004] Rubens et l’art de la gravure, Réd. VAN HOUT, Nico.Gand Amsterdam : Ludion, 2004, p. 152. 120 [Exposition. Anvers. Musée Plantin-Moretus. 15 mais-22 août 1999] Op. cit., p. 42-54.. 121 Idem, p. 15. 119
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1.2.La gravure d’après Antoine van Dyck, répandue à travers les siècles Les expositions récentes montrent l’intérêt grandissant pour les œuvres graphiques de et d’après Rubens et Van Dyck. L’œuvre de mémoire paraît être issue d’un processus de copie ou d’inspiration d’après un de ces supports graphiques. A en juger par la multiplicité et la diversité des copies existantes à partir d’originaux122, il est probable que les gravures d’après ces œuvres, aient connu une popularité similaire. Aucune autre composition religieuse que la Vierge à l’Enfant de Van Dyck ne semble avoir bénéficié d’une telle ferveur123. Erik Larsen révèle dans son ouvrage124, le nom de trois graveurs : Paul Ponce, Pierre Clouwet, graveurs de l’époque du maître et E.S Carmona, susceptibles d’être à l’origine du support ayant servi au peintre de l’œuvre présentée. Paul Ponce125 Paul Ponce, l’un des représentants les plus distingués de l’école de gravure flamande, est considéré comme le successeur direct de Lucas Vorsterman126. Dès le début de sa carrière il travaille aux côtés de Rubens, laissant dans l’œuvre du peintre les spécimens les plus remarquables de son talent. Il devint ensuite un des collaborateurs les plus assidus d’Antoine van Dyck et sera considéré comme le graveur par excellence du maître, de la même manière que Marin Robin fut le traducteur le plus fameux de Jordaens. Paul Ponce adoptera magistralement le style et la manière de Van Dyck, avec des traits de burin d’une douceur et d’une légèreté extrêmes. 127 Il exprime par son burin souple et précis, la fermeté des chairs, l’ampleur des drapés variant ainsi ses travaux à l’infini 128. Dès 1630, il est en pleine possession de son talent, « pour ainsi dire sans rival. Pontius a poussé la science du clairobscur plus loin qu’aucun autre graveur de l’école de Rubens129 ». Sa réputation est telle 122
Voir Annexe 4 : Copies et répliques d’atelier des originaux d’Antoine van Dyck. MAGNIN, Jeanne. Op. cit., p. 284. 124 LARSEN, Erik. The paintings of Anthony Van Dyck. Freren : Luca, 1988, 2 vol, (497 – 503 p) 125 (27 mai 1603 Anvers-16 janvier 1658 Anvers) Dit aussi Paul du Pont, Paul Dupont ou de son nom latinisé Paulus Pontius, il débuta sa formation chez le peintre de natures mortes Osias Beet en 1616, où il ne reçut qu’une très superficielle initiation avant de devenir un fidèle interprète de Rubens – il travailla pour lui de 1624 à 1631 - puis d’Antoine van Dyck. Dès l’âge de 18 ans il produit ses premières planches d’après Rubens Il était également portraitiste et fut le maître de Fr. Van Wyngaerde et Adr. Brouwer. En 1631, son succès décline laissant place à une nouvelle génération de graveurs. 126 (1595 Bommel- 1675 Anvers) Il est connu pour être peintre, dessinateur et graveur au burin. Il étudia la peinture auprès de Rubens et acquit un grand talent dans la reproduction. En 1624 il est en Angleterre et est er très employé par Charles 1 et sa cour. Il se lia ensuite à Antoine van Dyck et transcrivit au mieux son œuvre. 127 HYMANS, Henri. Op. cit., p. 252. 128 DUPLESSIS, Georges. Op. cit., p. 204. 129 HYMANS, Henri. Op. cit., p. 251. 123
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qu’il enrichira l’œuvre des deux peintres de planches exceptionnelles, à tel point qu’il fut copié par d’autres comme Antoine Masson130. Il est cohérent de penser que Paul Ponce ait gravé d’après les originaux de Van Dyck. Charles Le Blanc mentionne dans son ouvrage, Le Manuel de l’amateur d’estampes : « La S. Vierge avec l’Enfant Jésus, les yeux levés vers le ciel : A. van Dyck – 1er état : avant la dédicace. – 2ème : avec la dédicace. – 3ème : avec l’adr. De Bonenfant.131 ». Ces trois épreuves retrouvées (figure 24-25-26), reflètent la diversité de production des gravures sur cuivre certainement très prisées, d’autant que certaines plaques ont été vendues ou ont pu disparaître.
Figure 24 Paulus Pontius, gravure sur papier d'après Antoine van Dyck, Vierge à l’Enfant, pointe sèche, eauforte et gravure, 1620-1630, 28,5 x 22,2 cm, Amsterdam, Rijksmuseum. Cette épreuve (deuxième état) ne présente pas les organes génitaux de l’Enfant. Dans la marge en bas à gauche est inscrit à la plume et à l’encre brune, gravée dans le troisième état de la plaque : « Vierge, pourquoi levez-vous les yeux au ciel, pendant que vous caressez votre fils ? Les étoiles offrirent-elles plus beau spectacle que lui ? Mais je sais qu’en détournant son regard de son corps elle contemple de plus près son fils en Dieu. » PROVENANCE : acquis par Pieter Cornelis baron de Leyde ; acquis avec sa collection par l’Etat hollandais en 1807 ; Riksmuseum depuis 1816.
130
(1636-1700) Antoine Massin était peintre et graveur. Il devint un des plus grands graveurs français et fut reçu académicien en 1679. L’œuvre de Pierre et de Nicolas Mignard ont principalement inspiré ses productions. 131 LE BLANC, Charles. Manuel de l’amateur d’estampes. Paris : F. Vieweg, [n.d.], p. 119. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Figure 25 Paulus Pontius, gravure sur papier d'après Antoine van Dyck, Vierge à l'Enfant, pointe sèche, eau-forte et gravure, 1620-1630, 27,7 x 22,3 cm, Amsterdam, Rijksmuseum. Epreuve inachevée (premier état), celle-ci met à nu les organes génitaux de l’Enfant. PROVENANCE : Jan Luca van der Dussen ; vente publique Amsterdam, 31 octobre 1774 ; acquis par Pieter Cornelis baron de Leyde ; acquis avec sa collection par l’Etat Hollandais en 1807 ; Rijksmuseum depuis 1816.
Figure 26 Paulus Pontius, gravure sur papier d'après Antoine van Dyck, Vierge à l'enfant, 28,8 x 22 cm. Cette troisième épreuve, dans le même sens que l’original, cache les organes génitaux de l’Enfant.
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Ces trois épreuves (figure 24, 25 et 26) se rapprochent étroitement de la composition de l’œuvre de mémoire, excepté le rideau, le panier de pommes qui demeurent probablement des éléments d’invention et de variation de la part du peintre. D’autres divergences sont notables entre les trois états, comme par exemple la visibilité du sexe de l’enfant, la broche retenant le voile de Marie et la méduse sous la pierre sculptée (figure 27). La colonne, a contrario, est l’élément commun dans chacune des épreuves. Il est également intéressant de remarquer que Paulus Pontius a placé un paysage à l’arrière-plan, inexistant dans les originaux d’Antoine van Dyck. L’examen de ces trois gravures a permis une meilleure compréhension et visibilité de certaines caractéristiques de l’œuvre de mémoire.
Figure 27 Détail de la méduse du premier état de la gravure de Paulus Pontius.
Pierre Clowet132 Graveur talentueux, il semble s’être inspiré de Paulus Pontius133. Il sera, à son tour, le maître de graveurs célèbres : Peter Verplanken en 1652, Jan Francisco de Ruelles en 1666 mais aussi Martinus Vermuelen et Peter de Weert en 1668. Il était très influent. La gravure citée par Erik Larsen n’a pas pu être localisée en l’état actuel de nos recherches. Manuel Salvador Carmona134 Buriniste hispanique mais également dessinateur, il fut nommé graveur de la chambre du Roi. Cette épreuve (figure 28) paraît être imprimée et publiée à Paris par Félix
Figure 28 Manuel Salvador Carmona, gravure d'après Antoine van Dyck, Sainte Vierge, 1757.
Hermet dans la collection intitulée « Le Musée du Louvre – Collection de 500 gravures au burin représentant les principaux chefs-d’œuvre de la peinture et de la sculpture » éditée
132
(1629-1670 Anvers) Pierre Clouet, Clowet ou Clouwet. Il reçut une formation anversoise auprès de Théodore Van Merle dès 1643 qui fut complétée par un séjour en Italie. Il s’y perfectionna en travaillant aux côtés de Spierre et Bloemaert. De passage en France lors de son retour à Anvers, il y trouva une gravure encore faible et timide. Travaillant également sous le joug de Rubens, son chef-d’œuvre principale est La Mort de Saint Antoine. 133 MICHAUD, Louis Gabriel. Biographie universelle, ancienne et moderne. Paris : Michaud Frères, 1811-1862, p. 143. 134 (20 mai 1734 Nava del Rey – 15 octobre 1820 Madrid) D’autres sources indiquent les dates suivantes : 17071774. Il épousa la fille d’A. Raphaël Mengs, Anna Maria. Il fut l’élève de son oncle Luis. S. puis de N. G. Dupuis à Paris où il perfectionna sa technique. Il travailla effectivement à Paris où il put diffuser l’œuvre gravée d’Antoine van Dyck. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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entre 1877 et 1879. Le XIXe siècle a alors vu circuler cette épreuve sur le territoire français, et si l’on en croit ces informations, dans les collections du Louvre. Cette gravure se rapproche étroitement de l’œuvre originale de Van Dyck conservée au Fitzwilliam Museum alors que plusieurs différences subsistent avec l’œuvre de mémoire : le nimbe de la Vierge, un second plan animé, l’absence du rideau et du panier de pommes et le cadrage lointain. Dans le sens de l’original, et non en contrepartie, elle aurait pu être le support graphique ayant servi à notre peintre. D’autres gravures trouvées La gravure d’après Antoine van Dyck – plus particulièrement celles d’après les Vierges à l’Enfant – fut en somme très répandue en Europe. Non seulement ces gravures ont pu être copiées par d’autres artistes mais il est possible aussi de rencontrer des épreuves tirées d’après de vieux cuivres qui auraient été retouchés par la suite, éliminant ainsi la facture et la signature originale135. Les autres gravures retrouvées ci-après sont de la main de Bernard Lens II136, de William Finden137 et d’autres anonymes (figure 29-30-31).
Figure 29 A gauche : Inconnu d’après Antoine van Dyck, La Vierge à l’Enfant. Gravure, 17,8 x 14,6 cm. Vienne, Graphische Sammlung Albertina. A droite : Inconnu d’après Antoine van Dyck, publié par François Poilly, La Vierge à l’Enfant. Gravure, 36,9 x 33,5 cm. Vienne, Graphische Sammlung Albertina. 135
DELEN, A. J. J. Op. cit., p. 6. (1682 Londres-1740 Knightsbridge) Dit Bernard Lens le Jeune ou de son pseudonyme GoupyI, il est signalé comme étant un dessinateur, aquarelliste, peintre de compositions religieuses, portraits et graveur à l’eau forte. Il fut aussi un miniaturiste renommé ; le roi Georges II le nomma d’ailleurs peintre en miniature et émailleur de la cour. Fils et élève de Bernard Lens l’Ancien (1659-1725), il fut au service du Duc de Cumberland – qu’il eut en élève - et des princesses Marie et Louise. Il fut notamment spécialisé à reproduire les peintures de Rubens et Van Dyck dont il produisit de magnifiques copies à l’aquarelle. Il s’exerça également au paysage comme le fit son père, dessinateur et graveur en manière noire. 137 (1787-1852) Graveur au burin anglais, il a travaillé à Londres aux côtés de son frère aîné Edouard, également e graveur et éditeur. On rencontre une réelle école de gravure britannique à partir du XVIII siècle rivalisant avec les autres centres de production européens. Elle se caractérise par l’originalité de l’emploi de la manière noire. Van Dyck ayant travaillé à la cour d’Angleterre à la fin de sa carrière, il est aisé de retrouver une production d’après ses œuvres. La dimension commerciale et le dynamisme éditorial illustrent l’affirmation de l’école nationale. 136
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Figure 30 Bernard Lens II, gravure sur papier d'après Antoine van Dyck, mezzotinto, 16821725, 15,6 x 12,5 cm,
Figure 31 William Finden, The Madonna ans Infant Christ, gravure sur papier d'après Antoine van Dyck, 1815, 41,6 x 32,2 cm
Les graveurs se basaient le plus souvent sur les originaux, sur les nombreuses copies ou répliques qui circulaient à l’époque ou sur les gravures réalisées de leur vivant, garantissant une estampe de bonne qualité138. Le passage de main en main engendra l’ajout d’éléments et la disparition d’autres. D’après ces gravures – du vivant de l’artiste et des siècles suivants – il est probable que le peintre de l’œuvre de mémoire se soit servi de l’une d’entre elles. Cependant le rideau et le panier de pommes conservent encore un statut d’éléments empruntés ou inspirés d’une autre composition. Ces éléments peuvent plausiblement exister mais ils restent néanmoins non trouvés à ce jour dans les compositions. Sont-ils des éléments d’une copie ou issus de l’inspiration du peintre ? L’œuvre originale d’Antoine van Dyck fut, au même titre que l’œuvre de Rubens, énormément gravée. Ses œuvres ont ainsi sillonné l’Europe par un commerce dynamique, lui assurant succès et renommée. Il en découle un nombre très important de copies de gravure dont beaucoup trahissent le modèle d’origine et explique en partie la qualité moyenne de certaines images de dévotion139. Les gravures retrouvées peuvent traduire ce fait évident, l’influence rubénienne étant présente.
138
[Exposition. Anvers, Rockoxhuis. 12 juin-12 septembre 2004] Rubens en noir et blanc : les gravures de reproduction, 1650-1800. Schoten : BAI, 2004, p. 7. 139 [Exposition. Anvers. Musée Plantin-Moretus. 15 mais-22 août 1999] Op. cit., p. 279. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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1.3.Grâce à un commerce florissant de gravures de reproduction L’engouement pour l’image imprimée sur papier à Anvers et dans l’ensemble de l’Europe, anime les XVIe et XVIIe siècles. Dans un contexte favorable au monde de l’édition, les marchands d’art se plaisaient à posséder des gravures de reproduction, d’une part pour affiner leur sens artistique et d’autre part pour stimuler la vente de leurs marchandises 140. Le commerce de l’estampe est intimement lié à l’industrie du livre, beaucoup plus qu’à l’activité créatrice des artistes peintres141. « Elles étaient donc, en quelque sorte, des produits d’appel pour les versions peintes, et donc plus chères, de certaines compositions »142. Disponibles dans les magasins de gravures, les étalages de bouquinistes, les foires et les ventes aux enchères et chez les éditeurs, les estampes valorisaient la production artistique importée. Par la stratégie habile des négociants et marchands d’art, la gravure de reproduction « indépendante » s’affirme au XVIIIe siècle « comme un instrument essentiel de la formation du regard et donc de la « contamination nordique », rendant accessible au plus grand nombre les chefs-d’œuvre des écoles du Nord143. ». Le succès de la gravure de reproduction au XVIIIe siècle est étroitement lié aux envies des marchands et acheteurs d’art mais aussi à l’intérêt d’une clientèle d’amateurs éclairés. La gravure « sert de répertoire iconographique et stylistique. (…) C’est le véhicule d’idées par excellence144. » Le monde marchand s’improvise connaisseur et spécialiste, capable d’orienter sa clientèle. C’est dans ce contexte que sont publiés les dictionnaires de graveurs anciens et les manuels d’amateurs. La collection d’estampes n’est pas chose courante au XVIIe siècle mais le deviendra au cours du siècle suivant. Le nombre d’amateurs collectionneurs croît, témoignant de la qualité et de l’importance de l’art graphique. L’estampe
Figure 32 John Young, gravure d'après Antoine van Dyck, La Sainte Vierge et l'Enfant Jésus.
140
[Expositions. Bruxelles. 27 novembre 2009-15 février 2012] Op. cit., p.16. [Exposition. Anvers. Koninklijkmuseum d’Anvers. 12 juin-12 sept. 2004] Op. cit., p.150. 142 [Expositions. Bruxelles. 27 novembre 2009-15 février 2012] Op. cit., p. 16. 143 e RAUX, Sophie. Collectionner dans les Flandres et la France du Nord au XVIII siècle : acte du colloque international organisé les 13 et 14 mars 2003 à l’Université Charles-de-Gaulle Lille 3. Lille : Université Charlesde-Gaulle, 2005, p. 295. 144 e GRIVEL, Marianne. Le Commerce de l’estampe à Paris au XVII siècle. Genève : Droz, 1986, p. 1. 141
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devient l’élément central des cabinets européens : le recueil d’estampes est un fait avéré chez l’amateur d’art au XVIIIe siècle. Publications coûteuses et luxueuses, les recueils illustraient dans un premier temps les collections françaises les plus prestigieuses comme celle du Duc d’Orléans. C’est ainsi qu’une gravure de John Young145 d’après la Vierge à l’Enfant d’Antoine van Dyck (figure 32) a été trouvée dans la collection du Marquis de Stafford à Londres. Les collections de Laurent Del-Marmol et de Pieter Cornelis, baron de Leyde sont exemplaires à ce titre. Les amateurs des portraits de Van Dyck étaient nombreux au XVIIe siècle ; des albums de gravures d’après le maître étaient courants dans les collections et les ventes aux enchères. Ainsi même les artistes, surtout les portraitistes, collectionnaient les estampes de Van Dyck.146 L’œuvre de mémoire peut supposément provenir du désir d’un collectionneur privé, d’avoir une reproduction sur toile d’après estampe de la Vierge à l’Enfant de Van Dyck.
La gravure dévotionnelle Une importance considérable fut donnée à la gravure de compositions sacrées notamment sous l’impulsion des institutions religieuses et de l’Eglise sous la ContreRéforme147. Sous forme d’images pieuses ou de fanions pour pèlerins, elles représentent 29,73% des gravures au XVIIe siècle dans l’élan du renouveau de la spiritualité liturgique et de la reconquête catholique148. Le marché de l’image sacrée a subi une lente évolution depuis la seconde moitié du XVe siècle. Sans but décoratif comme ce fut le cas à Amsterdam, Haarlem ou Utrecht, la gravure dévotionnelle produite à Anvers, l’était à des fins privées et pour les congrégations religieuses. Utilisées essentiellement lors des prières, elles étaient souvent de petite taille et privilégiaient les thèmes de la Passion du Christ, de l’Enfant Jésus, celui des évangélistes et des apôtres ou des vierges et des martyrs.149 Les Vierges à l’Enfant faisaient également partie des sujets de prédilection, en atteste la diffusion des gravures d’après les originaux d’Antoine van Dyck. « Pendant deux périodes – entre 1746 et 1751 et entre 1758 et 1771 -, les gravures exécutées d’après des œuvres de peintres flamands et hollandais du XVIIe siècle, notamment Teniers, Wouwermans, Dou,
145
(1755-1825 Londres) John Young est peintre de sujets de genre, de portraits mais aussi graveur britannique. Il fut conservateur des collections de la British Insitution. Il gravait à la manière noire et au burin. 146 [Exposition. Anvers. Musée Plantin-Moretus. 15 mais-22 août 1999] Op. cit., p. 10-13. 147 [Expositions. Bruxelles. 27 novembre 2009-15 février 2012] Op. cit., p. 21. 148 GRIVEL, Marianne. Op. cit., p. 138. 149 [Expositions. Bruxelles. 27 novembre 2009-15 février 2012] Op. cit., p. 101. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Rubens, Berchem et Van Dyck, ont été particulièrement nombreuses150.». Il est alors possible qu’il existe des gravures semblables à l’œuvre de mémoire présentée, avec ces caractéristiques : le rideau, le panier de pommes, la trouée paysagère et la jeunesse marquée de la Vierge. Au vu de la diversité de supports graphiques et picturaux retrouvés, il est probable que ces motifs soient issus d’une iconographie déjà existante.
2. La peinture flamande sur le marché de l’art et dans les collections à partir du XVIIIe siècle 2.1.Anvers, un commerce d’exportation de l’art dominant De nombreuses générations d’artistes ont vécu à Anvers, grand port des Flandres. Octave Mirbeau rappelle dans son journal de voyage La 628-E8 : « Je suis convaincu, qu’un grand port, quel qu’il soit, est, par excellence, un lieu d’élection pour la naissance, la formation, l’éducation d’une âme d’artiste. Un artiste qui est né dans un port, qui y a vécu son enfance et sa première jeunesse, parmi la variété, l’imprévu, l’enseignement sans cesse renouvelé de ses spectacles, est, forcément, en avance, sur celui qui naquit, au fond des terres, dans un village de silence et de sommeil, ou dans l’étouffante obscurité d’un faubourg de la ville. […] A son insu, et comme mécaniquement, le mouvement des barques sur la mer, de la mer contre les jetées, le rythme de la houle, l’entrée des navires dans les bassons, l’oscillation des mâts pressés qui relie la courbe molle des cordages, les voiles qui fuient, qui dansent, qui volent, les volutes des fumées, toutes les silhouettes des quais grouillants, lui enseignent, mieux qu’un professeur, l’élégance, la souplesse, la diversité infinie de la forme… 151». Anvers, nourrice des peintres - tel est le titre de l’œuvre de Theodoor Boeyermans peinte en 1665 - les artistes y avaient leurs mécènes et leurs commanditaires. L’archiduc Albert d’Autriche et son épouse Isabelle d’Espagne, son frère l’archiduc Ernest, l’archiduc Léopold Guillaume de Habsbourg et après eux Don Juan de Zúniga, furent de grands collectionneurs d’art et de grands mécènes 152. Un marché de l’art est alors ouvert dès le XVIIe siècle avec les pays voisins. Un certain collectionnisme vit déjà le jour dès le début du XVIe siècle à Anvers, en attestent l’épanouissement de cabinets de curiosités et la présence de nombreux commerçants et amateurs d’art.
150
[Exposition. Paris. Musée Marmottan Monet. 20 septembre 2012-3 février 2013] Op. cit., p. 45-46. MIRBEAU, Octave. La 628-E8. Paris : Les Editions Nationales, 1936, p. 10. 152 GENAILLE, Robert. L’art flamand. Paris : PUF, 1965, p. 100. 151
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Le climat économique et social favorable développa une clientèle anversoise définie : la bourgeoisie, qui prit commande auprès des artistes ou par l’intermédiaire des commerçants d’objets d’art. Leur intérêt pour le monde artistique alimenta un marché déjà florissant mais néanmoins en pleine expansion. La demande et la production artistique anversoise furent alors des moteurs à la diffusion de l’école nationale vers l’Europe. De nouveaux liens se constituèrent entre les acteurs du monde de l’art et c’est ainsi que les personnalités du monde politique purent fonder d’importantes collections en s’associant à des négociants d’art. Ainsi l’archiduc Léopold Guillaume153 constitua sa collection d’art régional grâce à des peintres de cour tels que David Teniers le Jeune qui commerça avec l’un des principaux négociants d’art de l’époque Matthijs Musson154. La collection et la connaissance furent au centre des préoccupations, stimulant l’expansion des grands noms de la peinture flamande. Ce commerce intense encouragea la multiplication des reproductions et copies d’œuvres originales, celles d’Antoine van Dyck en faisant partie. Anvers était alors une ville commerciale essentiellement tournée vers l’exportation d’objets d’art ; si le XVIIe est le siècle du commerce de tableaux, le XVIIIe est celui des ventes aux enchères155. Les marchands pratiquèrent une politique d’exportation active dès la fin du XVIe siècle. Willem Forchondt, à la tête d’une importante entreprise – employant plus de soixante peintres, fait partie des nouvelles sociétés spécialisées du XVIIe siècle - fut un marchand actif exportant à son compte plus de 410 tableaux et dessins par an durant sa carrière156. D’autres marchands célèbres peuvent être cités : Snellinck, Wildens, Wolfoet… Sur un terrain anversois favorable, l’exportation d’œuvres d’art allait bon train et permit de véhiculer les modèles et motifs flamands hors du territoire. La France, par sa proximité géographique, en fut l’un des acteurs principaux.
2.2.Le style flamand sur le territoire français Les relations entre Anvers et la France étaient tributaires de la gravure sur bois pratiquée à Paris – où les flamands viennent se perfectionner – et de la gravure sur cuivre – extrêmement appréciée par la clientèle parisienne notamment pour les portraits – spécialité de 153
Envoyé par le roi Philippe IV d’Espagne avec le cardinal infant Ferdinand d’Autriche, pour gouverner le pays en son nom (1647-1656). Il constitua une collection de près de 880 peintures de l’école de Nord dont un tiers étaient des sujets religieux. 154 (1598-1678) associé avec sa seconde épouse, Maria Fourmenois, il pratiqua l’exportation d’œuvres d’art à partir des années 1650 à Paris, par l’intermédiaire d’un marchand d’art parisien réputé, Jean-Michel Picart pour la royauté, le haut clergé et l’aristocratie. 155 [Exposition. Paris. Musée Marmottan Monet. 20 septembre 2012-3 février 2013] Op. cit., p. 36. 156 Idem, p. 29-30. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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l’école flamande157. Dans ce contexte privilégié, un grand nombre de graveurs flamands partent pour la France dès la fin du XVIe siècle. Cette émigration se poursuit au XVIIe siècle, stimulant la constitution progressive d’une véritable communauté flamande au sein de la capitale française. Un réel professionnalisme se développa chez les artistes, certains produisant pour les cours étrangères tels que Rubens et Van Dyck. Les maisons de vente et les catalogues ont efficacement participé à l’épanouissement de l’art flamand, très au goût du jour, qui se répandra grâce à un marché de l’art particulièrement florissant entre le XVIIe et le XVIIIe siècle158.
2.2.1. De forts liens avec la France
e
Figure 33 La Foire Saint Germain au XVII siècle.
Les relations artistiques entre la France et la Flandre sont des plus dynamiques grâce en particulier à Pierre Paul Rubens159. Ce dernier exerça un puissant attrait sur les collectionneurs français, notamment grâce à l’importante commande passée par Marie de Médicis. L’entrée des troupes napoléoniennes dans les Pays-Bas méridionaux en 1795, a participé à la soustraction d’œuvres vers la France. Grande puissance capable de rivaliser avec les Pays-Bas espagnols et les Provinces-Unies au XVIIe siècle, la France compte une importante communauté d’éditeurs, de graveurs et de marchands d’estampes dédiés à l’œuvre de Rubens.
157
e
MICHEL, Patrick. Peinture et plaisir : les goûts picturaux des collectionneurs parisiens au XVIII siècle. Rennes : PUR, 2010, p. 178-180. 158 [Exposition. Paris. Musée Marmottan Monet. 20 septembre 2012-3 février 2013] Op. cit., p. 44-47. 159 MICHEL, Patrick. Op. cit., p. 186-191. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Un cas intéressant est celui du français François Ragot160 qui obtint des privilèges pour la réalisation de copies de gravures d’après le maître après sa mort161. Les échanges artistiques et commerciaux étaient également motivés par la présence de nombreux négociants flamands aux foires annuelles de Saint-Germain-des-Prés, lieu d’échanges privilégiés pour la vente de tableaux flamands dans la capitale, depuis le Moyen Age (figure 33). Les acteurs du monde de l’art, à l’époque, sont attirés par ce quartier privilégié de Saint-Germain-des-Prés mais également par les provinces dans des villes comme Rouen. Dans son projet de réaménagement de Fontainebleau en 1526, François 1er attira déjà des artistes flamands pour que leurs œuvres soient accessibles au marché local, participant ainsi à une intrusion artistique progressive. D’autres rois de France ont fréquemment fait appel à des maîtres flamands et, à partir de 1570, l’exportation de leurs œuvres augmente. D’importants lots de peintures arrivaient même par « charriots », en provenance d’Anvers162. L’étude de marché des commerçants d’art a également su stimuler l’intérêt des collectionneurs français pour l’art septentrional : une réelle stratégie commerciale a été entreprise. Les peintres nordiques sont présents dans de nombreuses collections célèbres ; la comtesse de Verrue apparaît comme une pionnière en la matière. L’activité qu’avait le couple Musson-Fourmenois avec Jean-Michel Picart est également un autre révélateur des pratiques de l’époque. Respectivement fournisseur et marchand, ils ont su s’adapter au goût parisien mettant au travail un cercle d’artistes anversois, dûment sélectionnés pour la production de tableaux163. De nombreux motifs et types flamands se retrouvent alors sur le marché de l’art parisien, enrichissant les collections et les ventes aux enchères au XVIIIème, «le siècle des curieux164 ».
160
(163-1670 Paris) Il est graveur et marchand d’estampes. Ayant produit beaucoup reproduit les sujets religieux d’après Simon Vouet et Lebrun, il est essentiellement connu pour les copies qu’il faisait des planches de Bolswert ou de Vostermans, d’après les œuvres de Rubens et de Van Dyck. La ressemblance est très souvent frappante. 161 MERLE DU BOURG, Alexis. Rubens au Grand Siècle : sa réception en France, 1640-1715. Rennes : PUR, 2004, p. 34. 162 RAUX, Sophie. Op. cit., p. 128-129. 163 Dans les années les plus intensives, Mathijs Musson expédiait jusqu’à une cargaison d’œuvres d’art tous les quinze jours à Paris. Un rythme devait alors être soutenu pour les peintres employés afin de satisfaire une demande grandissante, notamment à l’approche de la foire de Saint-Germain-des-Prés, rendez vous incontournable et commercial pour les marchands. D’ailleurs Jean-Michel Picart acheta la « loge » (ou emplacement) d’Antoine Goedkint en 1655, lui assurant un succès immédiat sur la foire. [Exposition. Paris. Musée Marmottan Monet. 20 septembre 2012-3 février 2013] Op. cit., p. 32-33. 164 e MICHEL, Patrick. Collections et marché de l’art en France au XVIII siècle : actes de la 3e Journée d’études d’histoire de l’art moderne et contemporain. Bordeaux : Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3, 2002, p. 153. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Les collections privées, en constante augmentation dans la capitale, sont révélatrices du goût français. Les cabinets de collections étaient des lieux très prisés du public à l’occasion de ventes aux enchères. La vente de Jean de Julienne en 1767 est ainsi décrite : « Il n’étoit pas possible de voir ce fameux Cabinet sans être frappé d’admiration, par la beauté des objets qu’il renferme, & d’étonnement, par leur multiplicité. Les français n’ont pas été les seuls à éprouver ces sentiments : les étrangers de toutes les Nations, après être revenus chez eux, les communiquoient à leurs Compatriotes, & par-là leur faisoient naître le désir d’aller voir tant de richesses de l’Art rassemblées.165 ». Les guides de voyages décrivent les merveilles locales et attirent la clientèle étrangère en diffusant le nouveau goût français pour la peinture flamande. La peinture nordique fait alors partie de l’environnement visuel des peintres de l’Académie, renouvelant le cadre vieillissant de la cour de Louis XIV.
2.2.2. D’Amsterdam à Paris Amsterdam fut une ville d’arbitrage (achat à bas prix). On parlait de « chambre de compensation pour les vieux tableaux de maîtres166 » en raison de la crise économique que traversa la ville et qui perdurera jusqu’en 1730. Ces acquisitions à bas prix ont permis à la France, la Hollande et la Flandre d’être des places marchandes conséquentes. Des personnalités telles que Gersaint, Jourdan, Gilles et Savinien de Mortain organisaient d’importantes ventes dès le retour de leur « tournée » dans le Nord. Des marchandsexportateurs français sont ainsi présents aux ventes à Amsterdam, Anvers et Bruxelles. La réciprocité est également vraie ; il n’est pas rare de trouver des marchands étrangers proposant leurs objets sur le marché parisien.167 De nombreux tableaux d’Antoine van Dyck y ont été répertoriés. Edme-François Gersaint168 eut un rôle essentiel dans le développement du marché de l’art à Paris à cette époque169. Avec un discours commercial efficace, il révolutionne le
165
Idem, p. 168-169. Ecrits de P. Rémy « catalogue raisonné des tableaux, dessins et estampes et autres effets curieux, après le décès de M. De Julienne… ». Paris, 1767, pp. XI-XII. 166 [Exposition. Paris. Musée Marmottan Monet. 20 septembre 2012-3 février 2013] Op. cit., p. 41. 167 e MICHEL, Patrick. Le Commerce du tableau à Paris dans la seconde moitié du XVIII siècle : acteurs et pratiques. Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du septentrion, 2007, p. 134. 168 (1694-1750) Parallèlement à cette activité de marchand, il se lance dans l’édition d’estampes à partir de 1725 s’associant avec quelques graveurs de l’époque, notamment Louis Surugue, Gaspard Duchange… Il tirait ainsi profit des tirages et distributions de planches qu’il décidait de faire graver. Il fut le promoteur actif de ventes aux enchères publiques sur le modèle de celles qu’il avait pu observer en Hollande lors de ses voyages ; ventes déjà précédées d’une exposition et accompagnées d’un catalogue. Existant aussi dans les Pays-Bas e depuis le XVII siècle, il organisa sa première vente le 23 novembre 1733 destinée aux dessins et estampes dont beaucoup d’hollandais et de flamands tels Rubens et Van Dyck, et fut suivi par de nombreux autres marchands Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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catalogue de vente incitant sa clientèle à l’achat. Conformément à l’évolution du goût français il s’orienta peu à peu vers la peinture hollandaise et flamande du XVIIe siècle qu’il découvrit lors de ses voyages. Lors de son premier voyage en 1734, il « revint avec quantité de tableaux des meilleurs maîtres170 », attestés de Rubens et Van Dyck, centrant son commerce sur la peinture du Siècle d’Or. « Gersaint vendit ainsi un tableau de Van Dyck, représentant une Vierge à l’enfant aujourd’hui conservé à Londres, Dulwitch Gallery. Il se trouvait dans la boutique du marchand avant 1750, et il apparaît ensuite dans la collection de Jean de Julienne171. » L’original de la Vierge à l’Enfant de Van Dyck a bel et bien circulé sur le territoire français et y est resté au moins jusqu’à la vente de la collection de Jean de Julienne en 1767. Il est probable que le tableau se soit trouvé en France dans la première moitié du XVIIIe siècle (avant 1750). Ce motif s’est donc retrouvé dans le quotidien visuel artistique dès la première moitié du XVIIIe siècle ; la création de notre œuvre peut probablement se rapprocher de cette période là. Sa présence sur le territoire a sans doute permis sa reproduction dans le but de satisfaire l’admiration des collectionneurs. Le peintre de l’œuvre présentée a peut-être été en contact avec l’une de ces reproductions.
Figure 34 Jean Antoine Watteau, L'Enseigne de Gersaint, huile sur toile, 1720, 166 x 306 cm, Château de Charlottenburg, Berlin. Cette œuvre a été conçue pour servir de panneau publicitaire pour la galerie Edme-François Gersaint, située à Paris sur le pont Notre-Dame.
d’art parisiens. Il fut également l’initiateur du mot et de la forme du catalogue raisonné dans le but de décrire les objets, rassembler et organiser le savoir, toucher un large public et susciter des débats. 169 [Exposition. Paris. Musée Marmottan Monet. 20 septembre 2012-3 février 2013] Op. cit., p. 36-40. 170 GLORIEUX, Guillaume. A l’enseigne de Gersaint : Edme-François Gersaint, marchant de l’art sur le pont NotreDame (1694-1750). Seyssel : Champ Vallon, 2002, p. 280-284. 171 Idem, p. 284. Jean de Julienne était manufacturier et amateur d’art, mécène et collectionneur. Ami de Watteau, il rassembla près de 450 dessins de la main de l’artiste et les fit graver par de nombreux artistes. Sa célèbre collection fut dispersée dans le Salon carré du Louvre en 1767, évènement mondain rassemblant des amateurs venus de toute l’Europe. Edme-François Gersaint fut l’inventeur des premiers catalogues de cette vente. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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2.3.Le « goût français » pour la peinture nordique à partir du XVIIIe siècle De nombreuses collections parisiennes mais également provinciales, particulières ou publiques, comportent une part « énorme mais discrète » de tableaux flamands172. La reprise et la réinterprétation du style des anciens maîtres des Pays-Bas par des artistes français, envahissent le marché de l’art à Paris173. Les estampes participent aussi à l’expansion du style flamand, peut-être autant qu’une stratégie commerciale habile : Gersaint vendait des gravures de tableaux rapportées des Pays-Bas pour évaluer le marché a postériori174. A l’époque où Paris s’impose sur la scène artistique, la peinture française adopte une politique de « réappropriations et de transformations des caractéristiques de la production picturale des anciens Pays-Bas, et à une domestication des nombreux tableaux issus de cette production disponible sur le marché parisien de la revente175. ». In fine, cet engouement participe à une hausse notable des prix des tableaux de maîtres des Pays-Bas sur le marché176 : certains tableaux dépassent même celui des œuvres des plus grands peintres italiens ou français, comme le montrent les catalogues de ventes de l’époque. En témoignent encore les inventaires des tableaux achetés par la Direction des Bâtiments du Roi : « sur les 142 tableaux achetés durant cette période (règne de Louis XV et de Louis XVI), 16 seulement sont italiens, 44 sont français, 78 flamands ou hollandais et 4 espagnols. »177. Des sujets biens précis étaient recherchés mais on retiendra une prédilection pour les scènes religieuses, pour les paysages et les scènes de chasse178. Cette mutation du goût est apparue à l’étranger, en particulier à partir du XVIIIe siècle179. Les flamands sont appréciés dans leur imitation de la nature, leur maîtrise des effets d’éclairage, leur rendu des étoffes, leur technique soignée et précise, la beauté de leurs coloris, leurs formats souvent réduits et leurs bas prix180. Les estampes de Van Dyck étaient des objets encore prisés au XIXe siècle par les amateurs d’art et les artistes, séduits par son
172
RAUX, Sophie. Op. cit., p. 127. [Exposition. Paris. Musée Marmottan Monet. 20 septembre 2012-3 février 2013] Op. cit., p. 44-47. On parle même de « recyclage de tableaux hollandais et flamands entrés dans les collections françaises quelques décennies plus tôt. ». 174 Idem, p. 45. 175 Ibid, p. 36. 176 Ibid, p. 45-46. 177 RAUX, Sophie. Op. cit., p. 289-290. 178 Idem, p. 131. 179 MICHEL, Patrick. Op. cit., p. 182-185. 180 Idem, p. 182-185. 173
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originalité. La peinture nordique entre dans les mœurs des collectionneurs notamment grâce à la publication de Jean-Baptiste-Pierre Lebrun181, La Galerie des peintres flamands, hollandais et allemands, éditée en 1792 et diffusée à l’échelle internationale. Son ouvrage est un outil pédagogique dont l’ambition était de faire évoluer les goûts et les mentalités. Lebrun collabora avec une équipe de graveurs européens spécialisés dans la reproduction des peintures du Nord, pendant le dernier tiers du XVIIIe siècle.182 Les provinces françaises du Nord sont liées à la tradition de la peinture nordique par leur position géographique. La riche bourgeoisie du Second Empire attirée par des œuvres d’art rares et de belles factures, ouvre un marché en province. Le musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon est un bon exemple de l’ouverture des provinces, d’autant qu’il possède une copie de la Vierge à l’Enfant d’après Antoine van Dyck183. Le musée eut une politique d’achat dynamique de 1845 à 1872 pour des œuvres flamandes et hollandaises. 184 Les lieux de conservation des copies recensées185 sont d’excellents témoins de la diffusion en province, de la peinture flamande. Rappelons que notre œuvre provient de province et que le Musée Déchelette de Roanne (dans la Loire) possède également une copie de cette œuvre.
3. Place de l’œuvre dans la tradition de la copie du maître flamand : statut et datation 3.1.Un statut de copie, variante ou inspiration L’apprentissage du dessin par la copie a toujours été un exercice dans les ateliers et les académies prônant une fidélité à la réalité, gage de qualité. « Cet exercice a rarement été pris en compte à sa juste mesure 186», bien trop souvent relégué à un genre mineur et peu reconnu. La copie est primordiale à la formation des artistes dans le but de dupliquer ou de composer une nouvelle image187 (notre tableau semble en être un exemple). La reconnaissance de sa valeur et la compréhension de son statut ont évolué au cours des décennies grâce à l’analyse 181
e
(1748-1813) Il fut l’un des marchands de tableaux les plus entreprenants de la fin du XVIII siècle. Il illustre le statut du peintre-marchand en tant que réel entrepreneur. 182 BLANC, Jan. Les échanges artistiques entre les anciens Pays-Bas et la France, 1482-1814 : actes du colloque international les 28-29-30 mai 2008 au Palais des Beaux-Arts de Lille. Turnhout : Brepols, 2010, p. 215-220. 183 Voir Annexe 4 : Copies et répliques d’atelier des originaux d’Antoine van Dyck. 184 e THOMAS-MAURIN, Frédérique. Le goût pour la peinture nordique au XIX siècle. In [Exposition. Besançon. e Musée des Beaux-arts et d’Archéologie. 12 mars-7 juin 1999] Peintures flamandes et hollandaises des XVII et e XVIII siècles – collections publiques de Franche-Comté. Paris : RMN, 1998, p. 19-32. 185 Voir Annexe 4 : Copies et répliques d’atelier des originaux d’Antoine van Dyck. (Figure 163) 186 AUCLAIR, Valérie. Dessiner à la Renaissance : la copie et la perspective comme instruments de l’invention. Rennes : PUR, 2010, p. 26. 187 Idem, p. 36. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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de la situation socio-économique, à l’approche des phénomènes de commandes et à l’analyse scientifique de la matérialité des œuvres et des interventions de restauration.188 L’estampe a été un intermédiaire privilégié pour les élèves en art et pour les maîtres qui pouvaient alors diffuser leurs œuvres, mais aussi pour les simples particuliers afin d’en tirer profit. « Les nouvelles images sont composées à partir d’une tradition iconographique que l’artiste renouvelle189 ». L’œuvre présentée s’apparente alors probablement à une copie d’invention. En ce sens, le terme strict de copie n’est pas applicable au stade actuel de nos recherches. Les différences signalées : le rideau ou le panier de pommes, sont perçues comme des interprétations personnelles, procédant d’un « copiste créatif ». Ce sont des éléments picturaux flamands dans un tableau flamand déjà italianisant.
La copie flamande, une ancienne tradition La tradition de la copie est une pratique ancienne, courante dès le XVe siècle190. Pour des besoins dévotionnels privés, les anciens Pays-Bas voient apparaître un marché florissant de panneaux de dévotion copiés et reproduits en série, exécutés d’après des modèles d’œuvres originales de renom. Une réelle culture de l’imitation se développe à Anvers qui devient le centre de production en série. Rappelons l’importance de l’ « Entreprise Brueghel191 », véritable lieu de production et de copies, Pieter Brueghel le Jeune copiant son père. Le champ est laissé libre à la créativité et à la variation dans la reproduction mécanique d’estampes car les copistes ne disposant pas obligatoirement des originaux.
3.2.Analyse des matériaux constitutifs : des témoins historiques En tant que restaurateur, les matériaux sont indispensables à la compréhension de l’histoire d’une œuvre. Il existe une complémentarité explicite entre ces deux professions. Le premier indicateur de datation est la présence d’une double préparation lipidique brune et grise, sans oublier la présence de sous-couches rouges avant la montée en pâte de la composition. Le fait que la préparation soit colorée et non blanche, est un révélateur parlant d’une tradition du XVIIIe siècle (figure 35). Watin conseillait encore en 1773, dans son 188
VAN DEN BRINK, Peter. L’art de la copie – Le pourquoi et le comment de l’exécution de copies aux Pays-Bas e e aux XVI et XVII siècles. In [Exposition, Masstricht, Bonnefantenmuseum, 2002]. L’entreprise Brueghel. Gand : Ludion, 2001, p. 12. 189 AUCLAIR, Valérie. Op. cit., p. 85. 190 VAN DEN BRINK, Peter. Op. cit., p. 14. 191 Nom du catalogue paru à l’occasion de l’exposition organisée, au Bonnefantenmuseum à Masstricht, 13 octobre 2001-17 février 2002, et aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles, 22 mars-23 juin 2002. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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ouvrage, l’application d’une préparation brun-rouge en couleur unique ou en première couche, recouverte d’un « petit-gris192 » à base de blanc de plomb et de noir de charbon végétal.193 Ce brun-rouge est en usage dans la peinture du Nord, en Espagne, en Italie et en France au XVIIe siècle. Ces habitudes couvrent l’ensemble de la production baroque sans généralisation géographique ni picturale. Utilisant le plus souvent des terres, la France affectionnait les terres jaune, l’ocre jaune, les terres d’ombre… aux XVIIe et XVIIIe siècles, mêlées à du blanc de plomb, du sulfate de baryum, du minium ou du noir de charbon. 194 La généralisation des préparations colorées dans les écoles européennes prend fin avec le retour progressif des fonds clairs et proches du blanc à la fin du XVIIIe siècle. Les doubles préparations demeurent traditionnelles
dans
les
compositions
françaises, italiennes et britanniques du XVIIIe siècle, avec des couches finales passant par le gris neutre ou coloré et les Figure 35 Vue sous microscope d'une écaille de peinture de l'œuvre de mémoire.
bruns, sur des sous-couches brunes, brunrouge, brun-jaune, rougeâtres ou orangées
auxquelles la craie est souvent mêlée. Appréciés des peintres baroques, les fonds sombres permettent l’expression des contrastes et du clair-obscur. Par ailleurs, laissés apparents, ils ne perturbent pas l’esthétisme de la composition et facilitent le fa presto (exécution rapide).195 L’utilisation du bleu de smalt supposée dans le manteau de la Vierge de notre tableau, peut également être considérée comme un indicateur historique. Ce pigment inorganique de synthèse est largement exploité au XVIIIe siècle avant de subir la concurrence du bleu de Prusse et l’avènement du bleu de cobalt et du bleu outremer artificiel au XIXe siècle. Le smalt fut courant dans la peinture du Nord au XVIIe siècle et souvent identifié dans les peintures de Rubens, de Van Dyck, de Rembrandt.196 Le reste de la stratigraphie ne peut que nous donner des indices temporels implicites. Le châssis – probablement de restauration et issu de l’industrialisation des techniques au XIXe siècle – prouve un processus créatif antérieur. Se basant sur l’« axiome qu’un copiste se conforme aux pratiques des peintres de son époque et non à celles de l’auteur de l’original, les contextes techniques de l’auteur et de son 192
Cf. p. 87. PEREGO, François. Dictionnaire des matériaux du peintre. Paris : Belin, 2005, p. 613. 194 e e LABREUCHE, Pascal. Paris, capitale de la toile à peindre : XVIII -XIX siècle. Paris : CTHS, 2011, p. 53. 195 Idem, p. 54. 196 PEREGO, François. Op. cit., p. 675. 193
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copiste devant être différents197 » et sur l’ensemble des observations faites, il est probable que notre œuvre date de la première moitié du XVIIIe siècle. Cependant aucune école n’est reconnaissable à l’analyse des matériaux constitutifs même si la double préparation et le passé conservatoire de l’œuvre de mémoire révèlent une probable provenance française.
3.3.Hypothèses conclusives Outre nos recherches historiques, il nous a paru nécessaire de confronter notre regard à celui de professionnels, experts et historiens d’art. Nous avons pu contacter M. Sainte Fare Garnot198, conservateur du musée Jacquemart André à Paris, et M. Alexis Merle du Bourg, tous deux organisateurs de l’exposition Antoon van Dyck, portraitiste en 2004. Tous deux ont corroboré l’hypothèse d’une copie d’après gravure ainsi que la datation supposée de la première moitié du XVIIIe siècle. Les originaux d’Antoine van Dyck auraient alors servi de « modèle indirect » à notre peintre par le biais de gravures abondamment diffusées en Europe à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle. L’œuvre de mémoire semble issue d’une tradition de commande de copies dont les originaux n’étaient pas disponibles. Cette hypothèse concorde avec le statut supposé et son format typique des tableaux d’autel. Didier Martens, professeur d’histoire de l’art à l’Université Libre de Bruxelles, a également éclairé nos suppositions, étayant nos hypothèses. M. Bert Watteuw, lui, a évoqué la possibilité d’une copie d’après copie ; cette supposition n’est pas à écarter. Cependant la mise en place de l’inventaire des copies d’après la Vierge à l’Enfant d’Antoine van Dyck, ne donne actuellement pas de support visuel analogue à la composition de l’œuvre présentée. Malgré les gravures retrouvées, dans le sens du tableau et en contrepartie, l’œuvre de mémoire ne trouve aucun support graphique intégralement similaire. Le rideau, le panier de pommes ainsi que l’apparence juvénile de la Vierge Marie, n’apparaissent dans aucune copie ni gravure retrouvée. Elle demeure une copie partielle, non produite d’après l’original, malgré la présence de ces éléments. Sans changement iconographique profond par rapport aux originaux, le peintre a pu procéder à une copie, avec quelques variantes dans les détails et les coloris. Le peintre a ainsi assimilé le modèle de Van Dyck sans trahir un apprentissage de la technique flamande.
197
VEROUGSTRAETE, Hélène. La Peinture ancienne et ses procédés : copies, répliques, pastiches : le dessin sousjacent et la technologie dans la peinture, colloque XV, Bruges, 11-13 septembre 2003, Leuven : Peeters, 2006, p. 86. 198 Contact téléphonique en octobre 2012. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Sous l’influence de la diffusion de l’œuvre de Van Dyck, les gravures d’après estampes subissaient des modifications de détails inévitables. Il n’est pas rare que certains éditeurs aient distribué des copies d’estampes en sens inverse et moins minutieuses, issues de la réutilisation de cuivres, ou aient exploité des motifs préexistants donnant naissance à de nouveaux modèles199. Les éditions et les épreuves successives touchaient aux aspects des cuivres originaux, amenant à de profondes modifications au cours du temps. Dans un souci de rentabilité, il est dit qu’une épreuve au burin, certes plus longue à concevoir, garantissait le millier d’exemplaires, contrairement à l’eau-forte ne supportant que quelques centaines d’épreuves. L’usure des plaques allant à l’encontre du profit des éditions et de la diffusion des supports graphiques, les éditeurs ont souvent eu recours aux graveurs de leur atelier pour graver de nouveau les plaques anciennes. Ces reprises allaient ainsi de la modification partielle au changement total de l’original.200 Tous ces facteurs ont participé au remaniement des œuvres originales peintes et à la diffusion de motifs réinterprétés et repris. Les éléments supplémentaires observés sur l’œuvre présentée, pourraient probablement être empruntés de compositions imaginées par la fantaisie de certains graveurs. Le peintre a pu être en contact avec l’une de ces gravures réinterprétées.
199
[Exposition. Douai. Musée de la Chartreuse. 4 novembre 2006-4 février 2007] Invention, interprétation, reproduction : gravures des anciens Pays-Bas (1550-1700). Réd. MAES, Gaëtane, Roubaix : Gourcuff Gradengio, 2006, p. 151. 200 Idem, p. 23. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Conclusion La période s’étendant du XVIe jusqu’au XVIIIe siècle constitue l’âge d’or de la peinture flamande. Elle traduit une diversification et une spécialisation qui fit de cette partie de l’Europe un lieu d’épanouissement artistique. C’est dans ce contexte qu’Antoine van Dyck déploie son art et devient l’un des plus fameux représentants de la peinture flamande aux côtés de Rubens et de Jordaens. La diffusion de ses œuvres est rendue possible, de son vivant et après sa disparition, grâce aux procédés de reproduction graphique et aux multiples facettes du commerce des œuvres d’art en Europe. Le dynamisme flamand, plus particulièrement anversois, en ces termes, fut un moteur considérable à la diffusion du style flamand. Les Vierges à l’Enfant de et d’après Antoine van Dyck se retrouvent alors dans les maisons de vente, dans des collections privées ou d’état et dans les églises sous des formes diverses. L’un de ses originaux s’est même retrouvé dans une collection parisienne très prisée, grâce à un commerce florissant d’Anvers à Paris. L’œuvre présentée s’inscrit dans une tradition de copie du goût et du style flamand en France, dès la fin du XVIIe et ce jusqu’au XIXe siècle. Malgré son qualificatif de copie plus ou moins fidèle, le support ayant servi à sa production n’a pas été retrouvé en l’état actuel de nos recherches. Ou bien n’existe-t-il pas, donnant au peintre un statut de « copiste créatif », imprégné de la technique flamande. La jeunesse de la Vierge, son regard dirigé vers le ciel, la scène en intérieur, caractéristiques qui avaient retenu notre attention au départ, s’avèrent être des éléments uniques. Elle peut alors être qualifiée de variante à ce stade, probablement prévue à des fins dévotionnelles privées. Au cours de notre travail, nombreuses ont été les copies des XVIIe et XVIIIe siècles vendues, encore aujourd’hui, dans des maisons de vente comme Drouot. Notre œuvre de mémoire demeure alors un témoin du regain d’intérêt pour l’art flamand en France, particulièrement en province à partir du XVIIIe siècle. Consciente d’une recherche incomplète et du « chemin » restant à parcourir, nous avons tenté d’inscrire l’œuvre présentée dans la tradition de la copie des Vierges à l’Enfant « vandyckiennes ». Sortant de l’ombre et de l’anonymat au cours de sa restauration, la Vierge à l’Enfant nous est apparue, comme la renaissance émouvante d’une œuvre d’un peintre inconnu. Elle va alors pouvoir retrouver son lieu de conservation en pays ligérien, à quelques pas des chemins de Compostelle.
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Partie Restauration Etude technologique Diagnostic Protocole et rapport de restauration
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Introduction À sa réception en atelier, l’état de conservation de l’œuvre apparaissait critique. La composition de cette Vierge à l’Enfant, peinte d’après Antoine van Dyck, était occultée par des couches de vernis épaisses et oxydées. L’importance de l’empoussièrement altérait également l’ordre esthétique établi par le peintre. Elle présente un grand format (106,6 x 88 cm) avec une toile lourde, dont le bord supérieur n’était plus cloué au châssis fixe. L’absence de semences sur la rive supérieure avait imposé la charge du support d’origine à la couche picturale. La faiblesse des sections du châssis et la présence d’un fort encrassement et d’anciennes campagnes de restauration au revers de la toile oxydée, ont engendré une diminution de la résistance mécanique du support toile. Sa déformation a alors favorisé le mouvement de la couche picturale dont les fluages survenus ont provoqué des pertes de matière. Les conditions de stockage et de conservation qui nous sont inconnues, ont sans doute joué un rôle primordial dans l’évolution de ces altérations. Dans un premier temps, une étude technologique des matériaux constitutifs a tout d’abord été effectuée à l’œil nu puis sous loupe binoculaire. Des photographies ont été réalisées sous lumière directe et rasante puis sous lumière infrarouge et ultraviolette. L’œuvre n’étant ni signée ni datée, son étude et sa compréhension ont été dépendantes des observations et de l’analyse des matériaux constitutifs lors de l’étude technologique. L’étude historique a, quant à elle, permis de situer l’œuvre dans un contexte de création datant probablement de la première moitié du XVIIIe siècle français. Ces rapprochements sont autorisés par la description de la technique des peintres de l’époque relatée dans les traités de peinture tels que ceux de Jean Baptiste Oudry, de Pernéty ou de Watin. La facture du peintre et la mise en œuvre des matériaux ont été découverts au cours des interventions successives. Le protocole établi aura pour but de recouvrer l’intégrité esthétique, visuelle et structurelle de la composition, par le biais de traitements respectant les principes déontologiques du métier de restaurateur-conservateur. Il a été essentiel de retrouver la lisibilité de la composition et d’en améliorer sa compréhension en vue de la réintégrer dans un lieu de conservation approprié.
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Matériaux constitutifs et technique de mise en œuvre 1. Le support 1.1.Le châssis 1.1.1. Fabrication La toile d’origine est tendue sur un châssis, en bois, fixe et droit201, assemblé à mi-bois cloué (ou à coupe droite sur deux parements202, figure 37). II est constitué de quatre montants d’équerre et sans traverse. En leur absence, aucun gauchissement n’est observé. Les montants inférieur et supérieur mesurent 88,5 cm alors que les montants droit et gauche font 107 cm. Ces dimensions ne correspondent pas aux mesures standards de châssis des XVIIIe et XIXe siècles indiquées dans les traités de peinture comme celui de Pernéty. Il peut alors s’agir d’un châssis fabriqué de manière artisanale. La section des montants varie, en largeur, entre 45 et 47 mm et en épaisseur entre 13 et 16 mm, renforçant l’hypothèse d’une production manuelle. Les traces d’outils (rabot ou herminette) (figure 36) sur les montants et les défauts d’assemblage sont également les témoins d’une production artisanale. Les montants sont assemblés à l’aide de quatre clous disposés de manière irrégulière sur les faces internes, permettant un équerrage satisfaisant (figure 44). Un contre-clouage est cependant présent sur chaque angle, probablement pour renforcer leur assemblage (figure 43).
Figure 37 Vue du coin supérieur senestre du châssis: assemblage à mi-bois.
Figure 36 Détails de traces d'outils sur le montant supérieur.
201
Le châssis ne présente ni chanfrein, ni biseau. Le chanfrein (ou profilage en talus) de la face intérieure des côtés du châssis est adopté afin d’éviter le contact du bois et de la toile le long des arêtes internes. Cette e caractéristique technique est une innovation qui remonte au dernier tiers du XVIII siècle en Europe. Des e spécimens datés sont attestés en Angleterre. LABREUCHE, Pascal. Paris, capitale de la toile à peindre – XVIII et e XIX siècle. Paris : CTHS, 2011, p. 43-44. 202 VEROUGSTRAETE-MARCQ, Hélène, VAN SCHOUTE, Roger. Cadres et supports dans la peinture flamande aux e e XV et XVI siècles. Bruxelles : Editions H. Verougstraete-Marcq, 1989, p. 43. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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1.1.2. Nature L’essence du bois du châssis possède les caractéristiques d’un résineux avec une teinte claire et des cernes sombres, rectilignes, réguliers et fins (figure 38). En comparaison avec des échantillons témoins, il est probable qu’il s’agisse d’une essence de sapin203. Souvent utilisé pour la confection des châssis dès la fin du XVIIIe siècle, le sapin est un bois léger, à faible retrait et possède des paramètres optimaux au maintien des supports toile sur châssis204. « Les pièces du châssis devaient être faites en bois tendre, pour que les clous s’y enfoncent facilement lors du clouage de la toile205. ». La standardisation des formats a été élaborée de manière autonome selon les pays et s’est constituée sur la base de mesures locales. Les dimensions du châssis de notre œuvre se rapprochent de certains formats établis par Antoine-Joseph Pernety dans son Dictionnaire portatif de peinture (toile de 40 sols de dimensions 101,5 x 81,20 cm). Le châssis de la Vierge à l’Enfant prend les caractéristiques des châssis du XIXe, siècle d’excellence et d’innovations en terme de support à peindre pour les artistes, en France. La mécanisation des processus de fabrication apparaît dans le dernier tiers du XIXe siècle. Cependant le châssis ne présente aucun indice d’une confection mécanique. Dans l’hypothèse où il n’est pas d’origine, il peut être issu d’une des campagnes de restauration subies par l’œuvre au cours du XIXe siècle.
Figure 38 Détail de l'essence du bois du châssis de l'œuvre présentée (à droite) ; échantillon témoin de l'essence de sapin (à gauche).
1.2.La toile Une seule toile est visible : il s’agit de la toile originale. Elle est constituée d’un seul lé, sans couture ni lisière et ne présente aucune inscription au revers. La toile a probablement été décatie comme le préconisait Jean Baptiste Oudry dès la première moitié du XVIIIe siècle : il 203
BENOIT, Yves. Le Guide des essences de bois – 74 essences, les choisir, les reconnaître, les utiliser. Paris : Editions Eyrolles, 2008, p. 77. 204 e e LABREUCHE, Pascal. Paris, capitale de la toile à peindre – XVIII et XIX siècle. Paris : CTHS, 2011, p. 42-43. 205 Idem, p. 42-43. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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est préférable de peindre sur des supports lavés afin d’en éliminer les apprêts de filature et de tissage206.
1.2.1. Nature Les fibres, de couleur brun-roux, sont des fibres libériennes comme l’a confirmé le « test de Brossard »207 effectué sur deux fils de toile : l’un prélevé dans le sens chaîne et l’autre dans le sens trame. Le test a mis en évidence une fibre de chanvre et non de lin ni de coton208. Cette observation appuie l’hypothèse de datation de l’œuvre : le coton n’est pas mentionné en tant que toile à peindre dans les traités anciens de peinture avant la fin du XIXe siècle. « Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le chanvre fut préféré au lin209 » et conseillé dans les traités jusqu’à la démocratisation de l’emploi du coton au XIXe siècle. Des études menées sur des peintures de l’école française des périodes citées, ont révélé une majorité de supports en toile de chanvre, suivi du lin et enfin des supports mixtes lin-chanvre210. Le lin supplante le chanvre dès lors que sa mécanisation permit de produire des fibres plus résistantes et plus fines. Le chanvre n’a pu être mécanisé en raison de sa rigidité.
Figure 39 Détail de la torsion d'un fil de trame.
Figure 40 Détail des fibres de la toile, vue de face sur la bande de rabat dextre.
La distinction entre le lin et le chanvre est peu aisée en raison de leur couleur et de leur origine végétale proche. Cependant, le chanvre a une fibre plus souple et plus résistante à la traction que le lin. Résistante à la lumière, la fibre de chanvre est moyennement 206 « Le décatissage de la toile, par des lavages successifs et un foulage étirant les fils, est une sorte de vieillissement artificiel de l’étoffe qui réduit sa réactivité aux conditions hygrométriques. » LABREUCHE, Pascal. Op. cit., p. 26. 207 Voir Annexe 6 : Tests effectués sur l’œuvre. 208 Voir Annexe 6 : Tests effectués sur l’œuvre. 209 PEREGO, François. Op. cit., p. 176-177. 210 LABREUCHE, Pascal. Op. cit., p. 26-29. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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hygroscopique mais sensible aux infestations biologiques. Sans examens complémentaires, il est difficile d’affirmer que les fibres de la toile originale soient du lin ou du chanvre. Les fils ont une épaisseur irrégulière. Leur diamètre varie entre 0,2 et 1,5 mm (en moyenne 0,6 mm). Leur torsion211 est faible et en Z (figure 39).
1.2.2. Tissage et contexture Le tissage de la toile est en armure toile simple (un fil par un fil) couramment utilisée en peinture de chevalet (figure 41). L’armure toile est obtenue sur un métier à tisser par le passage d’un fil de trame alternativement au-dessus et au-dessous des fils de chaîne. La toile originale est épaisse ; son tissage est relativement serré et irrégulier confirmant probablement son origine artisanale. Des interstices d’environ 0,45 mm entre l’entrecroisement des fils horizontaux et des fils verticaux sont observés. L’épaisseur des fils212 est plus
Figure 41 Visualisation du sens chaîne et du sens trame.
importante que l’ouverture entre les fils. 9,5 x 0,77 = 7,3 mm (moyenne du nombre de fil x épaisseur moyenne des fils) 10 mm – 7,3 mm = 2,7 mm d’ouverture totale sur 1 cm. 2,7 / 9,5 = 0,28 mm d’ouverture entre chaque fil. Aucune lisière n’est présente ; la détermination du sens chaîne et du sens trame est permise par l’observation de l’embuvage des fils et de leur régularité après prélèvement : les fils verticaux ont un embuvage plus important. L’ondulation est caractéristique des fils de chaîne alors que les fils de trame subissent des tractions plus importantes. Dans le sens de la lecture de l’œuvre, les fils de chaîne sont donc verticaux et les fils de trame, horizontaux. La contexture est de 8 fils de trame pour 11 fils de chaine au cm² (figure 41). Le tissage est irrégulier avec de nombreux nœuds, argument supplémentaire pour sa nature artisanale. Au cours du XVIIIe siècle, le métier à tisser devient plus performant et se
211
La torsion des fils de toile a pour but de limiter l’enchevêtrement des filaments par leur disposition en hélice. Cette torsion influe sur l’aspect de la surface de la toile mais aussi sur sa résistance mécanique : plus le fil est tordu, plus il est résistant. 212 L’épaisseur des fils du support original a été mesurée à l’aide d’un pied à coulisse (avec une incertitude de ± 0,01 mm) sur les bords de tension. Trois prises de mesures ont été effectuées et le calcul suivant a été fait :
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mécanise, autorisant des toiles au tissage fin et serré. « Les toiles du XVIIe siècle sont souvent lourdes, à fil épais, quelquefois irréguliers. Elles sont plus solides que celles du XVIIIe siècle, dont le fil est plus fin et le tissage plus régulier.213 ». Avant 1750, les tissages sont plus lâches, les fils plus épais et offrent des contextures de 10 x 10 fils au cm²214. La toile de la Vierge à l’Enfant est conforme aux caractéristiques des toiles du début du XVIIIe siècle : un tissage irrégulier et lâche aux fils épais, corroborant la datation de l’œuvre préalablement supposée.
1.2.3. Fixation du support sur le châssis La toile est tendue et fixée sur le châssis par des semences réparties de manière irrégulière sur les rives de ce dernier. Avec des têtes rondes, irrégulières (leur diamètre varie entre 0,5 et 0,8 cm) et plates, elles semblent avoir été forgées artisanalement. Elles sont disposées irrégulièrement sur chaque montant :
21 sur le montant senestre 20 sur le montant dextre 14 sur le montant supérieur 17 sur le montant inférieur
Figure 42 Détail d'une semence forgée (montant supérieur).
Certaines ne sont plus présentes. Dans l’hypothèse où le châssis est de restauration et le support retendu, les semences ne sont probablement pas d’origine. Les bords de tension sont à la dimension des rives externes du châssis mais paraissent avoir été coupés de manière franche. Le format n’a cependant pas été réduit. Trois de ces bords de tension sont peints et révèlent la présence de la première couche de préparation ocre brune. Des traces de clouage sont visibles sur la rive supérieure du châssis. Ne retrouvant pas ces empreintes sur les bords de tension du support d’origine, l’hypothèse d’un châssis de restauration peut être soulevée. De plus, un réseau de craquelures suivant les arêtes internes de la rive intérieure du châssis ne correspond pas à la largeur des montants. L’œuvre ayant déjà subi une ou plusieurs campagnes de restauration, le châssis actuel n’est probablement pas d’origine. Ce dernier a probablement servi à la tension d’une autre toile.
213
e
e
BERGEON Ségolène, MARTIN Elisabeth. « La Technique de la peinture française des XVII et XVIII siècles ». Techné, 1994, n°1, p. 67. 214 e e BARRES, Frankline. Histoire des techniques aux XVII et XVIII siècles en France. Cours théoriques, 2011. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Figure 44 Détail du système de clouage interne des montants du châssis (coin supérieur dextre).
Figure 43 Contre clouage au revers de l'angle supérieur dextre.
2. La stratigraphie La stratigraphie de la Vierge à l’Enfant est la superposition de couches de nature différente : un encollage, une double préparation, une couche colorée, plusieurs couches de protection et une patine colorée (figure 45). Des couches supplémentaires sont venues se greffer sur la stratigraphie originale : les repeints, la crasse et d’autres apports plus récents.
Figure 45 Schéma de la stratigraphie de l'œuvre de mémoire.
2.1.L’encollage La présence d’un encollage a été observée sous la loupe binoculaire au revers des écailles de couche picturale et sur le support original, dans les lacunes de couche picturale. Un test avec une goutte d’eau a permis d’observer un gonflement et un ramollissement significatifs de la réhydratation d’une colle protéinique. Sa présence est alors supposée même si la contexture lâche de la toile n’a pas empêché la préparation de passer à travers la trame. Des perles de préparation sont justement observées au revers du support, l’encollage n’ayant pas fait barrière à la traversée du liant et des pigments à cet endroit. L’encollage ne forme probablement pas une couche continue et homogène.
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L’encollage est une pratique courante au XVIIIe siècle ; il est souvent à base de colle de peau « servant tant à économiser l’enduit huileux superposé, en empêchant son passage à travers les mailles de la toile et dans ses fils, qu’à prémunir les fibres textiles de l’action oxydante de l’huile215. ». L’encollage des toiles à peindre ne relève d’aucune tradition stricte au cours de l’histoire de la peinture, des auteurs conseillant même une impression à l’huile sur toile sèche ou humide sans encollage préalable. Il est habituellement appliqué à l’aide d’un couteau à imprimer muni d’une lame rectiligne en métal ou en bois. Les sabres ont également été utilisés pour ce type d’opération et les ouvrages recommandent l’emploi de colles animales (colle de gants, de peaux, de rognures, de parchemin, de retailles de cuir…).216
2.2.La préparation Observation à l’œil nu et sous la loupe binoculaire A l’œil nu, il est impossible d’observer une couche de préparation homogène couvrant la surface de l’œuvre. Seule une préparation ocre brune est visible sur les bandes de rabat et au revers des écailles retournées (figure 47). Au revers de la toile, les perles de préparation révèlent cette couche ocre brune (figure 46). Elles apparaissent épaisses et grasses probablement dans une matière riche en pigments et en huile. « Les toiles lâches, le plus souvent en chanvre, reçoivent une préparation chargée en pigments passée au couteau, tandis que celles de lin tissées plus serrées permettent de poser des couches fluides217. ». La couche brune apparaît effectivement plus épaisse que la couche picturale. De fines impressions colorées sont aussi visibles dans certaines zones d’usure de la couche colorée originale (rouge sur l’ensemble de la composition à l’exception des chairs).
Figure 46 Détail d'une perle de préparation ocre brune recouverte par une crasse invasive. Figure 47 Vue du revers d'une écaille : préparation ocre-brune ou la trame de la toile s'est imprimée (x8).
215
LABREUCHE, Pascal. Op. cit., p. 44. LABREUCHE, Pascal. Op. cit., p. 46-47. 217 BERGEON Ségolène, MARTIN Elisabeth. Art. cit., p. 67. 216
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Observation au microscope L’observation au microscope de quatre écailles prélevées de la couche picturale a permis de confirmer la présence d’une stratigraphie plus épaisse : une double préparation colorée probablement lipidique218 (figure 48). Sous l’influence italienne, en particulier vénitienne, les préparations colorées se sont étendues jusqu’aux Pays-Bas dès le deuxième quart du XVIe siècle aussi bien sur support bois que support toile. Elles feront des apparitions fréquentes jusqu’au XVIIIe siècle allant de l’ocre au rouge en passant par le brun, le bunrouge et le brun-noir. Ces nuances donnent des tonalités chaudes aux tableaux, souvent adoucies par une seconde couche plus claire en particulier au XVIIIe siècle219. Elles ont notamment été décelées dans certaines œuvres de Titien, de Véronèse, de Raphaël et du Corrège220. Comme pour notre stratigraphie, la première couche ocre brune a pour fonction de s’opposer à l’absorbance du support toile, d’en combler les interstices, de fournir une surface plus ou moins lisse et unie, de bloquer le passage de la lumière et d’augmenter la siccativité. Elle est souvent composée de pigments peu onéreux. La couche finale, elle, constitue le fond de la montée en pâte jouant un rôle optique fondamental.221 Antoine-Joseph Pernety en 1757, préconise des préparations colorées brun-rouge ou ocre jaune alors que les préparations blanches reviennent dans les habitudes des peintres à la fin du XVIIIe siècle, limitant l’assombrissement de la couche picturale superficielle.
Figure 48 Vue au microscope de la stratigraphie d'une écaille prélevée dans la structure (x50).
2.2.1. Première couche d’impression La première couche colorée est visible sur les bords de tension et le revers des écailles où l’impression de la trame est parfaitement visible (figure 47). Entre l’ocre et le brun, elle semble couvrante et homogène sur l’ensemble de la surface, appliquée sans doute au sabre ou 218
Voir Annexe 6 : Tests réalisés sur l’œuvre. e e DUVAL, Alain R. « Les préparations colorées des tableaux de l’école française des XVII et XVIII siècles ». Studies in Conservation, n°37, 1992, p. 239. 220 LABREUCHE, Pascal. Op. cit., p. 52. 221 LABREUCHE, Pascal. Op.cit., p. 54. 219
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au couteau à enduire comme il était de rigueur dans les ateliers222. D’après les tests effectués223, la première couche d’impression se révèle être de nature lipidique. Les préparations grasses et brunes sont généralement pigmentées à base de blanc de plomb, de noir de charbon végétal, d’ocre jaune et de terre d’ombre224. Il est probable qu’elle soit composée de carbonate d’après les résultats des tests réalisés. L’ocre jaune est utilisé dans l’impression des toiles à partir de la fin du XVIIIe siècle de manière inconstante pour être remplacé par l’ocre pur, pigment de prédilection des peintres au XVIIIe siècle225.
Figure 49 Présence de préparation brune sur les bandes de rabats dextre et senestre.
2.2.2. Seconde couche d’impression La seconde couche d’impression colorée est visible sous microscope (figure 50). De couleur grise, elle apparaît plus épaisse que la couche brune sousjacente. Elle n’apparaît pas sur les bords de tension et se limite à la surface peinte. Cette deuxième couche de préparation grise fait son apparition au XVIIe siècle et
Figure 50 Vue sous microscope (x50) de la seconde préparation grise.
est utilisée au XVIIIe siècle dans les doubles préparations, supplantant progressivement le brun rouge226. Appelé « petit-gris »227 par Watin et Watelet ou « œil gris » par le Pileur d’Apligny, elle est généralement constituée de blanc de plomb et de noir de charbon végétal donnant un reflet gris-bleuté. Le blanc de plomb est capable de modifier la tonalité de la préparation en l’éclaircissant et apporte le bénéfice de son action siccative comme le recommande Félibien et Turquet de Mayerne dans leurs ouvrages228. Cette couche grise a souvent été foncée chez Poussin ou Claude Vignon, claire chez Simon Vouet, froide chez
222
BERGEON Ségolène, MARTIN Elisabeth. Art. cit., p. 65-83. Voir Annexe 6 : Tests réalisés sur l’œuvre 224 PEREGO, François. Op. cit., p. 613. 225 DUVAL, Alain R. Art. cit., p. 256. 226 LABREUCHE, Pascal. Op. cit., p. 52-56. 227 WATIN, Jean-Félix. L’art De Faire Et D’employer Le Vernis, Ou, L’art Du Vernisseur, Auquel On A Joint Ceux Du Peintre Et Du Doreur…, Paris : Quillau, 1823, 249 p. 228 DUVAL, Alain R. Art. cit., p. 251. 223
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Fragonard et plus rougeâtre chez Chardin229. La reconnaissance de la nature des pigments de la préparation grise aurait nécessité des analyses plus précises. Les doubles préparations, préférées aux préparations simples, interviennent en Europe vers la fin du XVIIe siècle et favorisent le retour des préparations claires. Il n’est pas rare de retrouver une couche finale grise (neutre ou colorée) ou des bruns sur une sous-couche brune, brun rouge, brun jaune, rougeâtre ou orangée230. L’ensemble de ces observations permettent d’inscrire plausiblement l’œuvre de mémoire dans une tradition picturale de la première moitié du XVIIIe siècle. Il est également intéressant de voir que la stratigraphie de la Vierge à l’Enfant peut être comparée à celle d’une œuvre d’Antoine van Dyck231. Cette comparaison laisse à penser que le peintre a également posé sur la préparation une ou plusieurs couches d’ébauche colorée, servant à la mise en place du dessin.
2.3.Ebauche colorée Sur la préparation, il est possible d’observer à l’œil nu des couches colorées différentes selon les zones : rouge sur l’ensemble de la surface à l’exception des chairs. D’épaisseurs différentes, leur rôle est de moduler la montée en pâte de la couche picturale. Cette souscouche a été révélée lors du traitement de la couche picturale (décrassage et dévernissage).
2.3.1. Dessin sous-jacent Avant traitement de la couche picturale, aucun dessin sous-jacent n’a pu être détecté à l’œil nu, sous loupe binoculaire, ni sous lumière infrarouge. Cette absence de renseignements ne signifie pas qu’il n’y ait aucun dessin préparatoire, car seul un dessin au carbone est visible sous infrarouge. Les dessins à la craie et au lavis n’y sont pas détectables. Des traits de dessin ont été détectés à l’œil nu après dévernissage (figure 11). Ces traits de construction de couleur brune ont été appliqués au pinceau232.
2.4.Couche picturale La couche picturale est fine et sa surface épouse la texture et les reliefs du support. La visibilité des coups de pinceau apporte une sensation de mouvement et d’expressivité à la scène. La gamme colorée est restreinte et classique, allant des chairs rosées aux terres sombres et profondes, avec des tonalités plus ou moins chaudes. L’intensité des teintes attire 229
BERGEON Ségolène, MARTIN Elisabeth. Art.cit., p. 69-70. WATIN, Jean-Félix. Op.cit., p. 54. 231 Voir Annexe 7 : Coupe stratigraphique d’une œuvre d’Antoine van Dyck. 232 Cf. p. 25. 230
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le regard par son aspect général lumineux et dynamique typique des compositions baroques. La matité et la mauvaise vision d’ensemble de la surface picturale provient de la présence d’un état d’encrassement important et de couches de vernis épaisses. Le liant Aucune analyse n’ayant été faite, il est cependant probable que le liant soit une huile siccative fréquemment conseillée dans les traités de peinture. Si l’on se réfère à la période de création supposée de la Vierge à l’Enfant, il se peut que la couche picturale soit réalisée à partir d’une huile naturelle d’origine végétale telle que l’huile de lin. La couche picturale est plutôt fine et posée en pleine pâte. Elle présente quelques empâtements secs et fluides233 dans les rehauts234 de lumière (les chevelures et les pupilles des figures. Figure 51) afin de signifier le volume et la matière. La facture ne paraît pas homogène sur l’ensemble de la surface, révélant la présence de repeints dans la robe de la Vierge et dans la partie inférieure. L’artiste a modulé sa touche en fonction des zones et des éléments à
Figure 51 Détail d'un rehaut de lumière blanc dans l'œil gauche de la Vierge Marie.
représenter. Les chairs et les drapés ont probablement été posés avec des brosses souples de taille moyenne alors que des pinceaux plus fins ont été utilisés dans les yeux, les bouches et les chevelures par souci du détail. La matière semble avoir été posée de manière spontanée et maitrisée révélant une certaine maîtrise technique.235 Les pigments La palette de l’artiste respecte les codes chromatiques du sujet traité. Il est d’ailleurs possible de la comparer avec celle des originaux d’Antoine van Dyck 236. L’ensemble est dominé par des tonalités chaudes contrastant avec la couleur des chairs et du fond. Les pigments ont l’air finement broyés, ne présentant pas de porosité. La détermination de leur nature n’est fondée que sur des hypothèses historiques et qualitatives. 233
Empâtement sec : Empâtement obtenu avec une matière riche en pigments (épaisse) et dont le séchage est rapide. Les formes sont aiguës, la pente des reliefs est accentuée. BERGEON-LANGLE, Ségolène, CURIE, Pierre. Peinture & dessin – Vocabulaire typologique et technique. Paris : Editions du Patrimoine, 2009, vol. 2, p. 772. Empâtement fluide : Empâtement obtenu avec une matière riche en liant. Les formes sont molles, le relief est faible. Idem, p. 772. 234 Rehaut : Accent blanc ou de couleur très claire, destiné à suggérer, dans le modelé, la lumière ou un effet lumineux. Ibid, p. 716. 235 Cf. p. 25. 236 Cf. p. 32-35. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Blanc : Couleur importante dans la composition, il est utilisé en mélange dans les carnations, le ciel, les drapés et les rehauts de lumière. Le blanc de plomb237 est l’un des pigments les plus importants dans la peinture à l’huile. Il est, avec la craie, le principal pigment blanc utilisé depuis l’Antiquité. Ces couleurs sont supplantées par le blanc de zinc à partir de 1840 et par le blanc de titane à partir de 1918238. Appelé également céruse, le blanc de plomb est un carbonate basique de plomb : (PbCO3)2·Pb(OH)2. Supposé être du blanc de plomb, il remplace la lumière dans la composition. Brun : Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les bruns constituent les nuances les plus présentes dans les compositions. Dans notre œuvre, ils sont présents dans l’arrière plan notamment dans la colonne et le rideau. Ils servent de base et sont généralement des mélanges de terres couvrantes de type terre d’ombre brûlée, terre d’ombre naturelle, terre de Sienne ou encore de l’ocre239. Ils peuvent aussi être obtenus par mélange avec des pigments noirs, jaunes, bleus et rouges. Noir : Les teintes noires ne sont pas obligatoirement obtenues à l’aide de pigments noirs mais par mélange entre un bleu foncé de type indigo et une laque rouge par exemple. François Goupil cite le noir de pêche240 et le noir d’ivoire ; il précise que les peintres utilisent fréquemment un mélange de noir d’ivoire et de terre de Sienne brûlée pour ébaucher les ombres et les paysages afin d’obtenir des touches et des nuances vigoureuses241. On rencontre également le noir de charbon et le noir d’os. Bleu : La palette du peintre est, de manière générale, constituée de bleu de smalt, d’indigo, d’azurite et d’outremer jusqu’au XVIIIe siècle. On utilisera plus tard le bleu de Prusse242. Le bleu outremer étant un pigment coûteux, il fut certainement le pigment le plus utilisé jusqu’aux années 1970 dans la majorité des liants. L’emploi des autres pigments bleus 237
François Goupil note que c’est une couleur qui « noircit à la longue, mais le vernis le préserve ordinairement de l’action des vapeurs hydrosulfureuses plus ou moins répandues dans l’atmosphère ». Il est à l’origine de ce que l’on appelle le savonnage du plomb : il réagit avec les acides contenus dans l’huile et forme ce qu’on appelle des « savons ». 238 KNUT, Nicolaus. Manuel de Restauration des tableaux. Cologne : Könemann, 1997, p. 266. 239 Idem, p. 270. 240 Provenant de noyaux de pêches brûlés, pilés et broyés, il fait des gris vieux. WATIN, Jean-Félix. L’art de faire et d’employer le vernis, ou, l’art du vernisseur, auquel on a joint ceux du peintre et du doreur. Op. cit, p. 148. 241 GOUPIL, François. Traité méthodique et raisonné de la Peinture à l’huile contenant les principes du coloris ou mélanges des couleurs appliqués à tous les genres : paysages, fleurs, fruits, animaux, figures, etc. d’après les règles des grands maîtres et la connaissance parfaite des effets chimiques sur les matières colorantes suivi de l’art de la restauration et de la conservation des tableaux. Paris : Le Bailly, 63 p. 242 Inventé par Dippel qui était prussien, le bleu de Prusse le plus réputé est fabriqué en Angleterre. Jean-Félix Watin le cite déjà son traité de 1728. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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disparaît à partir du second quart du XVIIIe siècle243. L’azurite quant à elle, est un pigment largement employé entre le XVème et le milieu du XVIIe siècle244. Le bleu est absent dans la liturgie et le culte chrétien dans les premières années du christianisme. Il prendra sa valeur symbolique grâce à la Vierge Marie et deviendra une « couleur liturgique » dès la fin du XVIIe siècle comme le dit Michel Pastoureau245. Le bleu s’imposa dans l’art et les images : le manteau de la Vierge souvent, sa robe parfois et plus rarement sur l’ensemble de ses vêtements246. Le manteau de Marie est souvent fait de bleu outremer, un pigment précieux qui garde indéfiniment son éclat et d’azurite, une autre pierre semi-précieuse qui a tendance à noircir en présence d’huile ou lorsqu’elle subit un nettoyage malavisé avec des produits alcalins. Le traitement de la couche picturale révèlera la présence d’un pigment semblant être du bleu de smalt247. Rouge : Jusqu’au XIXe siècle, les peintres utilisaient le cinabre, les terres rouges et plus rarement le minium et les laques rouges. Pour les chairs, le cinabre en mélange avec du blanc est idéal selon François Goupil. C’est avec lui que l’on peut obtenir des carnations fraîches et pures pour les femmes et les enfants248. Jaune : Les peintres ont souvent utilisé l’ocre jaune, le jaune de plomb et d’étain, le jaune de Naples249 et plus rarement le jaune d’orpiment250. Pigment très couvrant, l’ocre jaune est indispensable dans la montée des carnations donnant une série de nuances que nul autre pigment ne peut égaler. Il est apprécié pour sa compatibilité avec la plupart des pigments et des liants, pour sa stabilité, pour sa permanence et son faible coût. Le massicot est souvent cité dans les traités. Vert : Les pigments verts étaient peu courants en peinture. Les plus répandus étaient les terres vertes et le vert-de-gris. Les verts observés sur certaines œuvres sont issus du mélange de
243
BERGEON Ségolène, MARTIN Elisabeth. Op. cit., p. 72. BERGEON-LANGLE, Ségolène, CURIE, Pierre. Op. cit, p. 899. 245 PASTROUEAU, Michel. Op. cit., p. 34. 246 Idem, p. 44. « En s’habillant de bleu dans les images, la Vierge a donc grandement contribué à la valorisation nouvelle de cette couleur (le bleu marial) dans la société. » p. 46. 247 Cf. p. 129-132. 248 GOUPIL, François. Op. cit., p. 16. 249 Composé de plomb et d’antimoine, il ne doit jamais être mélangé avec d’autres pigments pour peindre des parties lumineuses. Etant chargé d’arsenic, le jaune de Naples décompose les blancs, les cinabres tendant à les faire virer au vert. Il paraît cependant indispensable dans le paysage pour toucher les parties lumineuses des arbres. GOUPIL, François. Op. cit., p. 14. 250 KNUT, Nicolaus. Op. cit., p. 270. 244
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vert-de-gris et de blanc de plomb ou de jaune de plomb et d’étain 251. Jean-Félix Watin cite le vert de vessie dans son traité de 1728.
2.5.Les couches de protection L’œuvre est vernie et les couches successives sont probablement issues des campagnes de restauration. L’aspect général de l’œuvre est mat du fait de la crasse accumulée et de l’oxydation de la couche superficielle. Trois couches de vernis successives sont observées et semblent être de nature et d’origine différentes. Cette superposition est visible à l’œil nu et sous lumière ultraviolette, révélant des fluorescences différentes (figure 53). La première couche superficielle n’est probablement pas d’origine, l’œuvre ayant déjà été restaurée. Sous lumière ultraviolette, sa fluorescence semble correspondre à une résine naturelle tendre appliquée de manière homogène et verticalement à l’aide d’un large spalter, sur l’ensemble de la surface. Malgré son épaisseur, une autre résine sous-jacente est perceptible à l’œil nu grâce à son degré d’altération avancée et à sa brillance prononcée. Elle semble plus épaisse et sombre. Sa coloration, sans doute volontaire, avait pour but d’assombrir l’aspect général de l’œuvre. Historiquement, des patines colorées ont été ajoutées sur les tableaux au XIXe siècle252. Cette « patine » semble être appliquée sur l’ensemble de la composition, à l’exception des chairs. D’autres traces de résines plus anciennes sont visibles dans les parties les plus claires de la composition (drapé blanc. Figure 52). Elles pourraient correspondre à des résidus d’un vernis oxydé et allégé lors d’une ancienne campagne de restauration. Parmi les vernis utilisés au XVIIIe siècle, Jean-Félix Watin cite en 1772 des vernis à base de résine mastic, de térébenthine de Venise et d’essence de térébenthine. La résine dammar remplacera la résine mastic à partir du XIXe siècle. Les résidus retrouvés sur notre tableau, peuvent être ceux d’une résine mastic.
251
KNUT, Nicolaus. Op. cit., p. 269. WALDEN, Sarah. Outrage à la peinture ou Comment peut la restauration, violant l’image, détruire les chefsd’œuvre. Paris : Ivréa, 2003, p. 86. 252
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Figure 52 Détail d'un drapé ou l'on aperçoit les anciens résidus de vernis sous-jacent.
Figure 53 Vue sous lumière ultraviolette du tableau de mémoire : les traces d'application au spalter sont nettement visibles.
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Examen détaillé des altérations 1. Le châssis 1.1.Altérations d’origine mécanique Le châssis est uniformément endommagé par les conditions de conservation et de stockage (poussières, crasse, éraflures…). De la poussière et des agents extérieurs sont venus se loger entre le support et le montant inférieur253, probablement en raison d’un stockage vertical plus ou moins long et d’un lieu de conservation peu stable. Le bois est un matériau anisotrope dont le comportement à l’humidité est connu : le gonflement des fibres se fait de manière plus importante dans le sens radial que dans le sens Figure 54 Détail d'une fente circonscrite au clouage (montant supérieur).
longitudinal. Le bois du châssis va alors se déformer et se rompre dans ce sens. Des fentes et des fissures
sont présentes sur les rives des montants au niveau des zones de clouage : les semences ont provoqué des faiblesses dans le bois qui s’est rompu dans le sens du fil des fibres (figure 54). Les coins sont mécaniquement fragilisés par le système de clouage des montants et l’ancien système d’accrochage. L’intégrité du châssis n’est pas mise à mal cependant sa résistance mécanique n’est pas assurée (sections faibles, distorsion et fatigue mécanique). La fragilité de la structure rend ainsi impossible un nouveau remontage du support. Les faibles sections du châssis ne permettront pas le maintien d’une toile rentoilée ou doublée en raison de son poids.
1.2.Altérations extérieures Le châssis ne présente aucune altération biologique. Des traces de clouage sont présentes sur les quatre montants et proviennent probablement d’anciens systèmes d’accrochage et d’exposition de l’œuvre. Le premier système de clouage est présent aux quatre coins du châssis (figure 56), venant sûrement de la fixation d’un cadre254 absent à réception de l’œuvre, ou d’une fixation de l’œuvre par la face sur une structure fixe. Le 253
La poussière et la crasse sont des facteurs influant les processus de vieillissement et d’oxydation des toiles. Les particules de poussière ont la capacité d’absorber l’humidité ambiante et de la transmettre de ce fait au support. Elles peuvent donc jouer sur l’élasticité et la résistance mécanique d’une toile. Les fibres de la toile deviennent davantage sensibles à l’humidité. 254 Un ancien encadrement a peut-être existé du fait de la différence d’oxydation et de vieillissement de la couche de protection correspondant aux marques d’un cadre. Cette existence est supposée du fait de la nature de l’objet : les tableaux d’autel ont souvent été encadrés ou cloués directement sur une paroi. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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clouage paraît avoir été fait par le recto à l’aide de clous de grosseur moyenne, traversant toute la structure. Son statut de tableau d’autel pourrait justifier ce système d’accroche. Le second système de clouage est visible au dos du châssis sur les montants verticaux (figure 55). Deux trous distants de 6,5cm sont présents au centre de chacun des montants. Ils peuvent mettre en évidence un ancien mode d’accrochage mural à l’aide de clous ou de pitons. Ils n’ont cependant pas traversé l’épaisseur des montants ni atteint la toile. Diverses traces éparses (griffures, traces de suie, enfoncements, projections…) sont visibles sur le châssis et sont probablement liées à la manipulation et au stockage de l’œuvre.
Figure 55 Détail des traces de clouage correspondant à un ancien mode d'accrochage mural (montant senestre).
Figure 56 Marque de clouage fragilisant la structure (coin supérieur senestre).
2. Le support 2.1.L’encrassement L’encrassement du revers de la toile est une des principales altérations visibles du support. La crasse a pénétré dans les interstices de la trame de la toile (figure 57). Elle forme une couche épaisse qui recouvre les perles de préparation et occulte la trame de la toile. Cette crasse grasse semble correspondre à un mélange de suie et de boue. Des amas plus épais et des traces de suie sont présents dans la partie inférieure. Ce témoin visuel nous informe sur les conditions de conservation passées qui pourraient correspondre à un dégât des eaux ou à un incendie. L’état d’encrassement différent des pièces de renfort indique que plusieurs campagnes de restauration ont eu lieu (avant et après le processus d’empoussièrement). Occultant la filature, la crasse est en partie homogène sur la surface en contact avec l’air alors qu’elle ne s’est pas logée sous les montants du châssis. Une différence d’encrassement est visible entre le support original et les zones sous les montants du châssis. Ce processus de dégradation est alors intervenu après la rupture des bords de Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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tension et l’affaissement du support (figure 58). L’encrassement a pu constituer une protection contre les agents extérieurs et les dégradations photochimiques, chimiques et biologiques. L’état d’oxydation et d’usure de la toile sera apprécié après nettoyage du revers du support.
Figure 57 Détail d'encrassement profond et invasif et généralisé du revers du support.
Figure 58 Hétérogénéité de l'encrassement du support : les montants du châssis ont protégé la trame de la poussière et des agents extérieurs (montant supérieur).
2.2.Déformation générale du support Le support toile présente une déformation générale provoquée par la rupture du bord de tension supérieur. Les conditions de stockage de l’œuvre, visiblement à la verticale, ont contribué à l’accentuation de ce phénomène. Des « poches de fluage255 » se sont alors formées sous l’action des fluctuations hygrométriques. Le sens de la déformation est lié à l’entière rupture du bord de tension supérieure et à la déchirure partielle des bords de tension dextre et senestre. Trois punaises étaient présentes sur le montant supérieur à réception de l’œuvre ; elles remplaçaient le clouage d’origine et permettaient de maintenir la toile dans le plan (figure 59 et 63). L’interruption partielle de la tension de la toile a imposé à cette dernière la charge constante du feuil provoquant ainsi des ondulations de déformation (figure 60 et 61). Le support s’est rétracté256 au contact de l’humidité provoquant une augmentation de la contrainte et des zones de rupture. Ce phénomène a aussi pu provoquer un écartement du réseau de craquelures, la couche picturale ayant intimement suivi les mouvements du support.
255
ROCHE, Alain. Comportement mécanique des peintures sur toile – Dégradation et prévention. Paris : CNRS Editions, 2003, p. 184. 256 Face à un fort apport d’humidité, le support toile gonfle dans le sens longitudinal provoquant un allongement des fibres dans un premier temps, puis un deuxième gonflement dans le sens radial responsable de l’augmentation de l’embuvage et du retrait du support. Pour une toile de lin, le gonflement radial est très important et induit le plus souvent une tension supérieure à la tension originale. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Figure 59 Vue du montant supérieur et de l'emplacement des punaises assurant le maintien du support dans le plan.
Figure 61 Vue générale de la face de l'œuvre en lumière tangentielle venant de droite.
Figure 60 Vue générale du revers de l'œuvre en lumière tangentielle venant de gauche.
L’impression des arêtes internes du châssis sur la surface picturale et leur déformation, révèlent un stockage probablement horizontal qui a pu provoquer l’affaissement du support. Ce dernier adopte également une forme en cuvette. Les parties supérieure et inférieure ont acquis de manière prononcée la forme du montant correspondant provoquant des pertes de matière (figure 62). D’autres déformations localisées sont observées dans des zones de rupture déjà fragilisées. Les pièces de renfort ont provoqué des déformations localisées induisant des défauts de planéité localisés du support.
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Figure 62 Vue en lumière rasante de la déformation du bord de clouage supérieur.
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Figure 63 Schéma récapitulatif du rôle des semences utilisées pour le clouage du support.
2.3.L’oxydation La toile s’est oxydée de manière naturelle et hétérogène. L’oxydation d’une toile est la rupture des chaînes macromoléculaires de cellulose, constituant principal des fibres textiles. Au contact de l’oxygène de l’air, les phénomènes d’oxydation provoquent la perte des propriétés élastiques et mécaniques du support. Elle n’est pas l’altération majeure de l’œuvre. Les fils des bords de tension en contact direct avec l’air sont cassants alors que le support paraît avoir conservé une certaine souplesse et une certaine élasticité. La couche de crasse épaisse présente au revers du support a pu jouer un rôle de couche de protection. La crasse a ainsi pu diminuer l’action des agents extérieurs, protégeant la toile de certaines agressions (oxydation, chocs…). Le fer étant un catalyseur d’oxydation des fibres cellulosiques, celui des semences s’est transmise au support sur les bords de clouage en les fragilisant de manière localisée. Cette oxydation a engendré la rupture de la toile en périphérie des semences. Les traces d’oxydation ont permis de cartographier la présence des semences actuelles et passées confirmant que le châssis n’est pas d’origine. L’empreinte d’anciennes semences ne correspond à aucun trou sur les rives du châssis. Le support était probablement tendu sur un autre châssis aux sections à priori plus grandes (figure 64). Son existence est prouvée par un réseau de craquelures de la couche picturale qui suit la rive interne de ce dernier. Leur distance avec le bord de l’œuvre ne correspond pas à la largeur des montants du châssis actuel. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Figure 64 Schéma représentant les différences de sections de châssis en fonction du réseau de craquelures correspondant.
2.4.Déchirures et lacunes La toile compte plusieurs déchirures257 simples et linéaires (figure 65). Certaines sont présentes dans des zones déjà fragilisées : bords internes et externes du châssis, contours des pièces de renfort rigides… alors que d’autres sont issues d’altérations spécifiques localisées. Elles suivent, pour la plupart, la trame de la toile et semblent être survenues après les campagnes de restauration, circonscrites aux pièces de renfort, sinon elles auraient probablement été restaurées. Aucune consolidation de déchirure ancienne n’a été constatée. Quelques-unes sont de biais et proviennent de ruptures simples. Leurs bords ne sont pas francs et les fils de toile présentent des effilochements à leurs extrémités. Les bords ne sont pas jointifs et présentent des déformations, cependant aucune rétraction de toile n’est observée à ces endroits-là. Quelques fils ou centimètres carrés de toile manquent pour certaines déchirures. Des lacunes de toile localisées sont observées le long des déchirures et aux quatre coins de l’œuvre. Ces dernières sont de forme circulaire, caractéristiques d’un ancien système d’encadrement. De diamètre régulier, d’environ 0,8 cm, ces lacunes fragilisent les angles du support. Les bords de tension demeurent les parties les plus lacunaires de l’œuvre (figure 66 et 67). Manquants, déchirés et oxydés, ils sont discontinus et participent à l’évolution du support en tant que toile libre.
257
Voir Annexe 8 : Morphologie des déchirures. Leur présence n’a pas pu être documentée ni expliquée par le propriétaire étant en possession de l’œuvre depuis de nombreuses années. La(les) campagne(s) de restauration est donc antérieure à son acquisition. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Figure 65 Vue en lumière tangentielle de la déformation des lèvres d'une déchirure.
Figure 67 Détail des lacunes de bords de tension dans le coin supérieur droit.
Figure 66 Détail de la rupture (déchirure) du bord de tension droit.
2.5.Pièces de renfort Plusieurs pièces de renfort258 sont présentes au revers du support, issues d’anciennes campagnes de restauration (figure 69). Encrassées et empoussiérées, elles forment une couche intime avec le support et ne correspondent pas obligatoirement à une altération sous-jacente. Probablement posées à l’aide d’un adhésif naturel protéinique, ces pièces ont provoqué des déformations localisées sur la surface de l’œuvre. En fonction des fluctuations environnementales, un réalignement des forces a engendré la remontée des pièces de renfort (figure 68). La plupart sont de contexture différente et de rigidité plus importante que le support original. Deux pièces, parmi les plus grandes, ont marqué de manière importante le support d’origine : celles dans le coin inférieur dextre et senestre (figure 68).
Figure 68 Vue générale en lumière rasante venant de droite : on peut observer les différentes déformations du support et la remontée de deux pièces de renfort.
258
Voir Annexe 9 : Etude des pièces de renfort
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Figure 69 Schéma des localisations des pièces de renfort présentes au revers du support toile.
3. L’encollage Sa présence étant supposée, il est possible que l’encollage ait été dégradé au vu des pertes d’adhésion à l’interface préparation/support encollé. Les perles de préparation au revers de l’œuvre traduisent une faiblesse de l’encollage. Le tissage lâche et peu serré de la toile d’origine a probablement participé à cette faiblesse lors de son application. Avant d’être gélifiée et de passer à l’état solide, la colle a pu pénétrer en profondeur dans les interstices de la toile formant ainsi une couche hétérogène.
4. La préparation La préparation perd son élasticité originale et devient rigide et cassante en vieillissant, induisant une des altérations majeures de l’œuvre.
4.1.Le clivage259 La perte d’adhésion260, à l’interface support encollé et préparation, est évidente sur l’ensemble de la surface et constitue l’une des altérations majeures de l’œuvre. Une action
259
Clivage : perte d’adhérence entre la couche colorée et la préparation ou entre la couche picturale et le support. BERGEON-LANGLE, Ségolène, CURIE, Pierre. Op. cit., p. 810. 260 Cela signifie que les forces de cisaillement et de clivage présentes à l’interface entre le support et la préparation, sont supérieures aux forces d’adhésion de la couche de préparation sur son support. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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mécanique suffit à générer des pertes de matière. L’adhésif ayant servi à la pose des pièces de renfort, a permis l’amoindrissement de ce phénomène à ces endroits-là. Les forces de clivage sont perpendiculaires au plan de l’œuvre et s’exercent à l’interface entre la couche de préparation et le support s’opposant ainsi aux forces d’adhésion. De nombreuses pertes de matière illustrent ce phénomène tout comme la fragilité de la couche picturale. Des forces de clivage ont été entraînées par des ruptures adhésives lors du « réalignement » des forces et les conditions d’équilibre de l’œuvre ont été modifiées. Aucun déplaquage n’est cependant observé.
4.2.Défaut de cohésion Un important réseau de craquelures d’âge est visible sur l’ensemble de la surface, provoqué par l’affaiblissement des forces cohésives au sein de la stratigraphie. Ce réseau est relativement dense et irrégulier selon les zones colorées.
5. La couche picturale 5.1.Les craquelures Un réseau de craquelures d’âge dense est présent sur l’ensemble de la surface. Signe du vieillissement naturel des matériaux constitutifs de la peinture, il est ramifié et irrégulier selon les zones colorées (figure 70 et 71) et l’orientation des craquelures est aléatoire. Visible à l’œil nu, il est relativement profond et partiellement occulté par l’épaisseur de la crasse et la diversité des couches de vernis présentes. La crasse s’est logée dans les interstices des craquelures. Le réseau apparaît cependant moins dense sous les montants du châssis, zone de microclimat261. L’oxydation du film d’huile a rendu la couche colorée rigide et cassante. Le réseau de craquelures, sensible aux sollicitations internes et externes, s’est probablement densifié avec les mouvements du support. Ces derniers ont entraîné la formation d’écailles en tuile (« en cuvette ») principalement dans les zones sombres de la composition. Ces cuvettes ne déforment et ne marquent pas le support. La périphérie des écailles a perdu son adhésivité alors qu’en leur centre, les forces d’adhésion restent faibles. Ces zones en soulèvement sont révélatrices des problèmes d’adhésion entre le support et la préparation. Quelques chevauchements sont présents, probablement liés au retrait du support.
261
ROCHE, Alain. « Influence du type de châssis sur le vieillissement mécanique d’une peinture sur toile ». Studies in Conservation, 1993, vol. 38, p. 17-24. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Figure 70 Détail du réseau de craquelures d'âges sur le visage de l’enfant Jésus : réseau dense et irrégulier.
Figure 71 Détail du réseau de craquelures d'âge sur le visage de l'enfant.
5.2.Les lacunes De nombreuses lacunes de couche picturale sont perceptibles et matérialisent une perte d’adhésion totale sur l’ensemble de l’œuvre. Elles sont principalement localisées dans des zones initialement fragilisées : sur les bords de l’œuvre, autour des déchirures et des griffures et suivant les arêtes internes du châssis. Les pertes de matière n’altèrent cependant pas la lecture de la composition. Certaines zones lacunaires ont été repeintes directement sur le support lors d’une ancienne campagne de restauration, sans intervention de mastic.
5.3.Les repeints Un certain nombre de repeints techniques262 sont visibles à l’œil nu dans les zones correspondant aux pièces de renfort, aux anciennes déchirures, aux bords de l’œuvre et aux lacunes de couche picturale où la trame de la toile est visible. Le châssis a également été « repeint » avec la même matière afin de combler des lacunes de toile. Ces ajouts sont riches en pigments et en liant provoquant un désordre esthétique par leur texture et par leur brillance prononcée (figure 72 et 71). Ils interviennent à différents stades de la stratigraphie. Leur observation sous lumière ultraviolette ne permet pas de les localiser du fait de leur oxydation, de l’épaisseur de la couche de vernis superficielle et du degré d’encrassement. L’importante couche de vernis superficiel occulte à ce stade la visibilité de tous les repeints. Leur distinction est tributaire de la facture du peintre, expressément différente. Le repeint de la partie inférieure droite présente des aspérités de surface (cloques, gonflements locaux, soulèvements…) pouvant peut-être correspondre à un fort apport de chaleur ou à une réaction de l’adhésif de la pièce de renfort sous-jacente. Ce repeint est le plus imposant de la
262
Repeint technique : Repeint couvrant une lacune ou une altération de la couleur de la couche picturale originale. BERGEON-LANGLE, Ségolène, CURIE, Pierre. Op. cit,, p. 832. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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composition et recouvre la totalité du manteau bleu de la Vierge. Il est appliqué à l’aide d’une brosse dure dont les coups de pinceaux sont visibles (figure 72).
Figure 73 Détail de repeint sur le support encollé et le châssis dans la partie Figure 72 Vue microscopique des marques de inférieure. pinceaux des repeints (x50).
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Figure 74 Schéma récapitulatif des altérations visibles de la couche picturale.
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6. La couche de protection 6.1.L’oxydation La résine de la couche de vernis superficielle apparaît oxydée et blanchie de manière généralisée. La couche n’est pas homogène et forme des aspérités dans les interstices des craquelures (figure 75). Epaisse et opaque, elle ne permet pas d’apprécier la couche colorée sous-jacente ni la composition. Son vieillissement physico-chimique a entraîné un degré d’oxydation différent selon les zones notamment en périphérie de l’œuvre, preuve supplémentaire de l’existence d’un
Figure 75 Détail macrophotographique de la microfissuration de la couche de protection.
cadre ancien. Elle est également encrassée et empoussiérée de manière superficielle.
6.2.Le chanci Le chanci est l’altération majeure de l’œuvre : elle est la plus visible. Il est généralisé et peut être qualifié de « chanci superficiel263 ». Cette altération est traduite par une opacification qualifiée de blanchiment. Le phénomène de microfissurations de la résine occulte la majeure partie de la composition et entraîne son déplacage264. La résine est devenue friable et fragile mécaniquement mais n’affecte pas la couche picturale (figure 76 et 77). Un certain nombre de coulures révèle un défaut de mise en œuvre de la couche de vernis et un séchage probablement vertical. Des amas de vernis sont présents dans le réseau de craquelures. Ces phénomènes induisent un désordre esthétique important et une opacité gênante à la lecture de l’œuvre. La couche de protection n’est plus un film homogène et tendu ne permettant plus l’appréciation de la profondeur de la composition. Le vernis est dans un état de dégradation avancée compromettant l’intégrité et la compréhension de l’œuvre. L’état des couches sous-jacentes n’est alors pas appréciable pour le moment, même si une stratigraphie complexe et épaisse est déjà discernable.
263
KNUT, Nicolaus. Op. cit., p. 332. Déplaquage de vernis : Perte partielle ou totale du vernis par suite d’opérations menées sur la surface de la peinture. BERGEON-LANGLE, Ségolène, CURIE, Pierre. Op. cit, p. 1042. 264
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Figure 77 Détail microscopique de la présence de vernis dans les craquelures de couche picturale ainsi que des agglomérats de résine.
Figure 76 Détail d'un test d'élimination mécanique au scalpel de la couche de protection.
Diagnostic 1. Vieillissement des matériaux Certaines altérations actuelles sont liées au vieillissement naturel des matériaux constitutifs ainsi qu’à la technique picturale employée par le peintre. De mauvaises conditions de conservation ou des manipulations défectueuses ont pu être la cause directe de certaines altérations telles que les déchirures ou les pertes de matière. Mais des chocs externes n’ont pu avoir sur l’œuvre un tel impact qu’en raison de la fragilisation des matériaux due à leur vieillissement naturel.
1.1.Perte d’adhésion généralisée Un clivage est présent sur l’ensemble de la surface de l’œuvre à l’interface préparation/support encollé. Ce défaut d’adhésion a abouti à des pertes de matière dans des zones déjà fragiles qui rendent la manipulation de l’œuvre dangereuse. A terme, ce défaut d’adhésion aboutira à des pertes de matière importantes et préjudiciables de la couche picturale. L’altération de la colle naturelle très probablement utilisée pour l’encollage de la toile, est une cause indéniable de la perte d’adhésion. Ces colles sont principalement constituées de collagène hydrolysé, protéine formée de trois chaînes polypeptidiques enroulées les unes sur les autres au sein d’une structure hélicoïdale. Leur cohésion est assurée par des liaisons hydrogène et des liaisons de Van der Walls. En séchant, la structure de la colle se réorganise, augmentant sa rigidité et lui donnant un caractère semi-cristallin. En vieillissant, une partie de ces liaisons cohésives est rompue, la colle devient alors fragile et manque de cohésion.
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La faiblesse de l’encollage a engendré des défauts d’adhésion entre la toile et la préparation. Sa dégradation est probablement liée à une forte exposition à l’humidité. La variation de la contrainte présente au sein de cette couche est conforme avec celle de son module d’élasticité265. Il va diminuer face à l’augmentation de l’humidité, réduisant ainsi la résistance à la rupture du matériau. D’autant que l’encollage n’a pas entièrement joué son rôle à l’origine, la préparation ayant migré entre les interstices de la trame sous le poids de la matière. La perte d’adhésion a provoqué des pertes de matière. Le réseau de craquelures d’âge s’est transformé en réseau d’écailles aboutissant à la perte de matière picturale. La couche picturale s’est rompue perpendiculairement au plan du support, à cause de ses mouvements successifs de retrait et de dilatation. En milieu trop sec ou trop humide, le support, qu’il soit de bois ou de toile, se dilate et se resserre avec des coefficients différents de ceux qui caractérisent la couche picturale266.
1.2.Oxydation du vernis Les résines naturelles utilisées comme vernis sont principalement constituées de molécules organiques terpéniques qui s’altèrent en vieillissant. Lors du processus d’oxydation, les chaînes moléculaires sont rompues et il se forme des radicaux libres entraînant la détérioration chimique du vernis. Cette altération se traduit principalement par un jaunissement et un amoindrissement de la résistance de la résine lors de sollicitations externes, ce qui peut conduire à la formation de craquelures. Ces réseaux peuvent être denses et altérer la lisibilité de l’œuvre.
1.3.Oxydation de la toile La toile d’origine est devenue fragile mais demeure réactive et souple. Cette fragilisation du support est intervenue à la suite de son oxydation au contact de l’air. Les fibres textiles sont composées à 70% de cellulose, polymère naturel dont les motifs de base sont associés entre eux par des liaisons β. L’oxygène de l’air attaque la cellulose en rompant les longues chaînes polymérisées au niveau de ces liaisons. La cohésion des fibres est affaiblie, la toile devient plus cassante et se déchire plus facilement lors de sollicitations extérieures. L’altération des fibres est favorisée aussi au contact de l’huile utilisée comme 265
Module d’élasticité (module E, module de Young) : Constante matérielle ; grandeur mécanique qui caractérise l’élasticité des matériaux. C’est la constante qui relie la contrainte de traction et la déformation élastique d’un matériau isotrope. 266 HOURS, Madeleine. Les Secrets des chefs-d’œuvre. Paris : Robert Laffont, 1964, p. 124. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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liant dans la couche picturale qui a tendance à acidifier la toile et à lui faire perdre une partie de sa résistance. L’oxydation de la toile a été un facteur de rupture de la toile originale au niveau des bandes de rabat par exemple.
2. Altérations dues aux conditions de conservation et à la manipulation Malgré le vieillissement naturel des matériaux constitutifs, une partie des altérations présentes sont majoritairement dues à l’impact de causes extérieures environnementales ou humaines. L’environnement du lieu de conservation passé de l’œuvre a influé sur l’évolution de ses altérations. L’air, la lumière, l’humidité relative, la température et leurs variations sont des facteurs influençant le vieillissement de ces matériaux. Des conditions non contrôlées voire extrêmes, ont pu causer de nouvelles altérations réversibles ou non.
2.1.Déformation générale du support La déformation du support a été induite par la rupture du bord de tension supérieur, dextre et senestre ainsi que par un hypothétique stockage à la verticale du tableau pendant un certain temps. Le support s’est affaissé et a subi la charge constante du feuil. Il s’est formé une « poche », assimilée à un fluage267. Cette déformation a vraisemblablement favorisé le clivage observé entre le support encollé et la préparation. La couche picturale a suivi les mouvements du support et s’est déformée en provoquant des ruptures adhésives et des pertes de matière.
2.2.Présence d’humidité Plusieurs altérations caractéristiques d’une forte présence d’humidité et d’un séjour prolongé dans un endroit humide ou directement en contact avec de l’eau, sont visibles. Le revers de la toile montre plusieurs auréoles d’humidité dans la partie inférieure tandis que le chanci de vernis généralisé est visible sur la face. Les fibres du support ont gonflé dans le sens longitudinal provoquant leur allongement puis se sont déformées dans le sens radial engendrant le retrait du support. Les toiles ayant un tissage plus lâche subissent cependant un retrait moins important que les toiles ayant un tissage serré268 du fait de leur embuvage. Ces mouvements ont provoqué une augmentation de la tension initiale qui n’a pas pu être retrouvée après séchage. L’excès de tension a probablement induit les ruptures au niveau
267 268
Fluage : déformation lente d’un solide sous une contrainte prolongée. ROCHE, Alain. Op. cit., p. 20. Idem, p. 29.
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des bords de clouage, zones déjà fragilisées par une forte contrainte et une oxydation naturelle. Leur rupture peut également être expliquée par la dilatation du bois des montants du châssis269 dans le sens radial sous l’effet d’un important taux d’humidité. La tension étant plus forte dans le sens trame (horizontal) lors du retrait, les bords de tension sur les montants verticaux ont cédé et la déformation du support s’est faite en ce sens.
2.3.Perte de visibilité sur la face Le chanci de vernis est présent sur l’ensemble de la surface ; cet aspect voilé et laiteux est dû à la microfissuration de cette couche superficielle. La lumière émise percute une surface poreuse et irrégulière provoquant une réflexion diffuse : une opacification de la zone éclairée est alors observée. Cette altération intervient en surface et parfois au sein du feuil, influencée par le vieillissement naturel de la résine270. Ce phénomène trouve plusieurs causes271 : une humidité relative élevée et persistante, la présence d’eau de condensation sur la surface du tableau272, la composition intrinsèque du vernis… La vapeur d’eau qui s’infiltre par capillarité et par migration, s’évapore et peut rester piégée dans la structure et dissoudre certains constituants. L’humidité agit en détériorant la matière par microfissurations. Ce fractionnement entraîne une perte de transparence de la résine jusqu’à aboutir à un aspect laiteux et blanchi.273 Le déplacage de la couche de protection est induit par un défaut du mode d’application ou de séchage de la résine. Un vernis appliqué en couche épaisse aura tendance à se fissurer et à perdre son adhésivité. De même qu’un vernis séchant trop rapidement, n’aura pas le temps de former un film homogène et tendu et engendrera une surface poreuse. Elle sera alors opaque.
2.4.Empoussièrement et encrassement L’empoussièrement et l’encrassement de l’œuvre, aussi bien au recto qu’au verso, sont dûs aux conditions de stockage. Les poussières et les particules véhiculées dans l’air se 269
Les fibres du bois du châssis gonflent dans le sens radial suite à un fort apport d’humidité, de manière à ce que le support, initialement contraint, se rompe au niveau des arêtes des rives du châssis. Notons que ce sont déjà des zones particulièrement fragilisées par le frottement et la pression de la toile. 270 Les résines dammar et mastic ont davantage tendance à blanchir que les résines synthétiques du fait d’une moins bonne cohésion interne. 271 Notons qu’auparavant le phénomène de chanci était associé à un processus d’infestation biologique. Cette hypothèse présente dans l’ouvrage de F. X. De Burtin en tant que moisissures, a fait l’objet d’une enquête à la Pinacothèque de Munich en 1863. 272 Voir Annexe 10 : Schéma récapitulatif des facteurs d’apparition des chancis. 273 PFISTER, Paul. « Allègement : méthodes pour préserver et pour amincir les vernis anciens ». Nuances, 2007, n°38-39, p. 32-35. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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déposent à la surface d’une peinture. La crasse a été une barrière aux agents extérieurs, à l’oxydation et à l’effet de la lumière au revers du support. Elle a probablement permis la conservation de sa souplesse et de sa résistance. Cependant la crasse est un cataplasme qui capte l’humidité et dérègle l’équilibre climatique de l’œuvre. Ce déséquilibre a été un facteur supplémentaire de mouvements du support et des phénomènes de dilatation et de retrait de l’ensemble de la stratigraphie.
3. Altérations dues aux campagnes de restauration A sa réception, l’œuvre présentait déjà des témoins d’une ou plusieurs anciennes campagnes de restauration : pièces de renfort, vernis de restauration, retouches et repeints. Les pièces de renfort ont provoqué des déformations localisées engendrées par un réalignement des forces. Leur comportement s’est imposé au support original et a altéré la couche picturale. Les colles utilisées pour leur pose ont réagi face à un taux important d’humidité et ont contraint le support d’origine. Ces déformations ont altéré la couche picturale. Les repeints épais et riches en pigments ont aussi contraints le support original et débordent sur la couche picturale originale. Leurs surépaisseurs ont remis en question la planéité du support dans ces zones.
4. Pronostic Le constat d’état a rendu compte des altérations actuelles pouvant évoluer et dégrader l’œuvre de manière irréversible. Leur évolution doit être comprise et envisagée si le tableau ne reçoit aucune mesure de conservation-restauration et si les conditions de stockage et d’exposition ne sont pas contrôlées.
4.1.Evolution des altérations liées au vieillissement des matériaux Les matériaux constitutifs de l’œuvre (toile, colle, liant, couche picturale ou vernis) vont continuer à vieillir naturellement, à s’oxyder et à se dénaturer. Cependant un contrôle des paramètres environnementaux peuvent permettre d’éviter l’accélération de ces processus. Le contrôle de l’humidité relative est un paramètre important à considérer face à l’hygroscopicité du support, à la fragilité du vernis et à une éventuelle infestation biologique.
4.2.Evolution des altérations liées aux conditions de conservation Les déchirures, les lacunes de toile et la déformation générale du support ne semblent pas être stabilisées : la toile originale demeure réactive et hygroscopique alors que les bords des lèvres de déchirures se sont déformés. Ces altérations n’empêchent pas la manipulation de Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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l’œuvre même si la rupture des bords de tension la rend délicate. Quant aux défauts d’adhésion de la couche picturale à l’interface support/préparation, ils sont susceptibles d’évoluer de façon importante s’ils ne sont pas stabilisés.
4.3.Evolution des altérations liées aux campagnes de restauration Outre la gêne esthétique qu’elles provoquent sur la face, les pièces de renfort risquent de déformer de manière irréversible le support et la couche picturale. De plus, les repeints et les retouches sont perturbants visuellement du fait de l’application de grands aplats et de matière riche en pigments. Différents de la couche picturale en périphérie, ils ne correspondent pas à la facture de l’artiste et ont tendance à se dégrader de manière différente. À terme, ils risquent de contraindre la stratigraphie originale.
Protocole de restauration 1. Proposition de traitement 1.1.Objectif et nécessité d’intervention Le constat d’état des altérations nous a orientée vers une intervention de restauration nécessaire au maintien de l’intégrité de la Vierge à l’Enfant. Les défauts de tension et de planéité du support sont à l’origine d’importantes contraintes au sein des matériaux, perturbant l’équilibre originel du tableau. Les forces d’adhésion et de cohésion ne sont plus équilibrées et entraînent un état plus ou moins précaire. Si aucune intervention n’est pratiquée, la matière picturale restera fragile et les pertes de matière continueront à être effectives. Une simple procédure de conservation préventive ne contribuerait cependant pas à une sauvegarde optimale de l’œuvre dans le temps, c’est pourquoi il est indispensable de mettre en place un protocole d’intervention visant à stopper ou à minimiser les facteurs de dégradation évolutifs. Le traitement du support est une nécessité quant au maintien et à la conservation du feuil. Dans un second temps, d’autres interventions (décrassage, réintégration…) seront indispensables au rétablissement de l’unité esthétique de l’œuvre. Le traitement de la couche sera une des étapes majeures pour recouvrer la lisibilité de la composition. Le déplaquage de la couche de protection et son opacification ne remettent cependant pas en cause l’intégrité physique et mécanique de l’œuvre. Les interventions envisagées viseront à redonner à l’œuvre
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une « unité potentielle274 » et une stabilité vis-à-vis des différents facteurs de dégradation. Le protocole sera établi en corrélation avec les futures conditions de conservation : château familial rural, épisodiquement habité et subissant des variations thermo-hygrométriques importantes durant l’année. La restauration devra suivre cinq objectifs principaux : - Rétablissement de la planéité du support et sa stabilisation ; - Rétablissement de l’adhésion et de la cohésion du feuil ; - Rétablissement de la lisibilité de l’image peinte ; - Protéger au mieux la couche picturale en vue de sa conservation ; - Veiller à une conservation future optimale.
1.2.Cahier des charges et choix des matériaux L’objectif de l’intervention de restauration sera de recouvrer une unité structurelle et esthétique en passant par le retour de la planéité du support. C’est donc autour de ce traitement que va s’articuler toute la restauration de l’œuvre compte tenu des exigences du cahier des charges.
1.2.1. Mesures de protection L’œuvre est actuellement difficile à transporter et à manipuler à cause de l’existence d’écailles libres : une simple action mécanique suffit à provoquer des pertes de matière. La restauration doit donc débuter par la pose d’une protection de surface à l’aide d’un papier léger mais résistant. Il permettra le maintien dans le plan du feuil en vue des différentes étapes d’interventions avant le refixage de la couche picturale et le retour satisfaisant de son adhésion sur le support. Le couple adhésif/papier choisi devra être réversible après séchage et le moins contraignant possible afin de ne pas aplatir les écailles de couche picturale en retrait. Le papier Bolloré®, apportant des qualités de souplesse et de finesse, paraît être adapté au format de l’œuvre et à sa capacité de retrait ; son application sera faite à la colle de pâte diluée, appréciée pour ses qualités de pénétration, d’adhésion et de réversibilité. Avant de procéder à son application, il sera nécessaire d’améliorer la planéité du support afin que le papier épouse au mieux les déformations du support d’origine. La pression 274
BRANDI, Cesare. Théorie de la restauration. Paris : Editions du Patrimoine, 2001, p. 37-44.
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appliquée par le pinceau lors de la pose du papier pourrait provoquer des ruptures supplémentaires. Un soutien sous-jacent rigide devra être inséré entre le support et le châssis afin de maintenir la toile dans le plan de manière provisoire. L’œuvre pourra ensuite être déposée : le déclouage devra être précis pour ne pas risquer la fragilisation des bords de tension déjà altérées.
1.2.2. Décrassage du revers et dérestauration275 Les pièces de renfort, trop contraignantes pour une remise dans le plan satisfaisante, devront être éliminées avant de procéder au cartonnage de l’œuvre. Elles ne pourront cependant pas être supprimées avant la dépose de l’œuvre, certaines étant logées sous les montants du châssis. Leur élimination avant cartonnage permettra une meilleure efficacité de celui-ci pour le rétablissement de la planéité et de la continuité du revers de l’œuvre. Le retrait des pièces de renfort pourra être fait mécaniquement ou à l’aide d’un gel visant à ramollir l’adhésif utilisé pour leur pose. Un apport minimum d’humidité devra être envisagé, le support étant libre et risquant de réagir. Après avoir effectué un cartonnage léger et procédé à son retournement donnant accès au revers, il sera nécessaire de purifier ce dernier des poussières et des crasses restantes. Cette étape sera effectuée par aspiration puis à l’aide de gels ou d’une gomme avant la consolidation de la couche picturale. La couche de crasse épaisse, occultant la trame de la toile d’origine, pourrait être une barrière au passage de l’adhésif d’imprégnation choisi. Le décrassage évitera que des particules de crasse soient fixées au moment de l’apport de l’adhésif véhiculé à l’interface support encollé/préparation.
1.2.3. Consolidation des déchirures et incrustations Le rétablissement de la continuité du support d’origine pourra alors être envisagé. La consolidation des déchirures sera permise par un traitement local par fil-à-fil qui permet de redonner une unité au tissage de la toile en remettant les fils à leur place d’origine et en collant leurs extrémités respectives entre elles. La continuité du support est alors rétablie. La consolidation de l’extrémité des fils déchirés est souvent nécessaire avant leur collage car ces fils sont oxydés, effilochés et tordus. Le couple adhésif/textile devra être compatible avec les matériaux constitutifs, être réversible et stable dans le temps. L’adhésif devra être souple, transparent au séchage, non toxique et avoir un pouvoir collant satisfaisant pour maintenir les 275
Dérestauration : « c’est l’élimination ou la dépose des matériaux qu’une précédente intervention de restauration a laissé sur un bien culturel. ». BERDUCOU, Marie. « La restauration : quels choix ? Dérestauration, restauration-restitution », Techné, 2001, n°13-14, p. 214. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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bords des lèvres des déchirures dans le plan. Dans le même temps, les incrustations de toile pourront être réalisées. Le choix du textile d’incrustation et de consolidation est déterminé de manière expérimentale276.
1.2.4. Rétablissement de l’adhésion de la couche picturale Les conditions passées et futures de conservation guident le protocole d’intervention vers un traitement synthétique stable aux variations hygrométriques. La consolidation de la couche picturale sera effectuée à l’aide d’un adhésif synthétique afin de stabiliser la toile sensible à l’humidité. Cette intervention permettra de redonner à la couche picturale un équilibre entre les forces de cohésion et les forces d’adhésion, nécessaire au rétablissement de l’adhésion support encollé/préparation. Une imprégnation générale au Plexisol® P550 par le revers permettra la circulation de l’adhésif jusqu’à l’interface considérée. Le choix de l’adhésif277 est primordial et détermine en grande partie la qualité de l’opération. Le Plexisol® P550 possède une capacité de pénétration par capillarité satisfaisante et une viscosité optimale. Il provoque peu de modifications optiques et dimensionnelles, est réversible et susceptible de supporter les contraintes de cisaillement présentes à l’interface support encollé/préparation par sa souplesse. La pression appliquée par la table basse pression lors de la réactivation du Plexisol® P550, devra être modérée afin de ne pas écraser les empâtements localisés. L’efficacité de la consolidation sera contrôlée au cours du délitage. Si la consolidation n’est pas optimale, un adhésif adapté à l’interface à consolider pourra être posé localement. Il est également possible qu’une nouvelle imprégnation soit faite après traitement de la couche picturale du fait des mélanges de solvants utilisés et de l’action mécanique apportée par le traitement de la couche picturale.
1.2.5. Traitement de la couche picturale Cette étape permettra de rendre à l’œuvre une meilleure lecture. Le vernis non original, hétérogène, oxydé et chanci perturbe l’appréciation de la composition. Son retrait a donc été décidé en accord avec le propriétaire. Cette opération sera effectuée après délitage du papier de protection sans risquer des pertes de matière et à la verticale pour favoriser l’évaporation des solvants. La stratigraphie étant difficilement discernable et compréhensible, l’ampleur de cette intervention n’est pas appréciable à ce stade. 276
Voir Annexe 14 : Expérimentations pour les incrustations de toile et les consolidations de déchirures. Les adhésifs d’imprégnation sont l’objet de l’étude technico-scientifique entreprise dans ce mémoire. La comparaison est faite entre le Plexisol® P550 couramment utilisé pour cette opération, et le Medium de Consolidation (MFK) 4176 de chez Lascaux. 277
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Le nettoyage permettra d’éliminer les poussières superficielles (pollens, suies, fibres, polluants atmosphériques, particules minérales…) qui ont tendance à occulter les couches de vernis sous-jacentes. Il devra être effectué à l’aide d’un solvant de faible rétention avec un pH le plus neutre possible. Il devra respecter l’intégrité des couches sous-jacentes et faire l’objet d’une série de tests. Le vernis superficiel chanci ne pourra pas être régénéré, au vu de son important déplaquage, mais supprimé chimiquement à l’aide d’un mélange de solvants préalablement choisi. Une série de tests sera faite sur chacune des tonalités de la composition afin de déterminer le mélange le plus adapté. Les solvants utilisés ne devront pas atteindre les couches sous-jacentes au risque d’altérer les glacis et les couleurs ou d’affaiblir le liant de la couche picturale selon le phénomène de lixiviation278. Le reste de la stratigraphie (repeints, patine colorée…) dénature la palette originale. La purification des repeints et le retrait de la patine colorée seront des choix déontologiques au vu des altérations visuelles et mécaniques qu’ils provoquent. Les raisons de la dérestauration résident dans la nocivité des matériaux, dans la perte d’efficacité des matériaux vieillissants et dans la transformation optique provoquée279. Ces paramètres seront pris en compte dans le choix du traitement des couches du feuil.
1.2.6. Consolidation du support280 Le traitement local fil-à-fil ne sera pas suffisant pour empêcher les lèvres des déchirures de remonter et de marquer la couche picturale ; de même qu’il ne permettra pas un remontage optimal de l’œuvre sur son châssis. Les bords de tension, lacunaires voire inexistants, ne le permettraient pas. Un renfort de la toile d’origine sera envisagé à l’aide d’un matériau rigide qui puisse maintenir en place les déchirures mais fin pour ne pas marquer la couche picturale tel que les polyesters de type origam®. Au vu des altérations provoquées par les pièces de renfort de contexture similaire ou plus épaisse que la toile d’origine, il est judicieux de ne pas imposer de nouveau une armure toile de contexture importante, en guise de consolidation. Le choix du doublage est principalement dicté par les conditions futures de conservation de l’œuvre mais aussi par la volonté de ne pas rigidifier ni de contraindre son support. Ce dernier étant épais, l’apport d’une toile de contexture proche ne semble pas nécessaire au maintien des déchirures et au remontage. Le matériau de consolidation choisi devra être un
278
BERGEON LANGLE, Ségolène. Op. cit., p. 16. BERDUCOU, Marie. Art. cit., p. 214. 280 Voir Annexe 17 : Choix et tests relatifs au doublage transparent. 279
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soutien léger, peu rigide et peu contraignant en raison de l’importance de son format lors du remontage sur châssis. Il pourra donc être de contexture moindre, laissant au feuil une certaine souplesse et une bonne élasticité, et être suffisamment rigide, tout comme l’adhésif employé, pour éviter la remontée des déchirures. Envisager une consolidation du support implique l’abrasion des perles de préparation et des irrégularités des fils afin d’éviter la déformation de la matière picturale (côté face) lors des opérations suivantes. En effet, elles mettraient à mal l’adhésion homogène et générale du support de consolidation avec le support d’origine.
Rentoilage traditionnel
Avantages
Utilisation de produits non toxiques ; Bonne réversibilité ; Respect des matériaux constitutifs de l’œuvre ; Consolidation du support : réduction des risques de déchirures.
Doublage synthétique
Pas d’apport d’humidité ; Pas de sensibilité aux micro-organismes ; Elasticité des matériaux employés ; Pas de pénétration de l’adhésif de doublage dans la stratigraphie ; Stabilisation du feuil.
Doublage transparent
Inconvénients
Apport d’humidité combiné à la chaleur ; Sensibilité aux microorganismes ; Consolidation plus lourde et plus rigide que le doublage ; Risque de « weave interference ».
Utilisation de solvants toxiques ; Réversibilité controversée ; Nouveaux matériaux introduits dans la stratigraphie ; Risque de « weave interference » ; Consolidation plus lourde que le doublage transparent.
Pas d’apport d’humidité ; Pas de sensibilité aux microorganismes ; Elasticité des matériaux employés ; Pas de pénétration de l’adhésif de doublage dans les strates ; Stabilisation du feuil ; Faible contexture de l’origam® ; Transparence des matériaux utilisés ; Consolidation légère, moins contraignante et moins rigide. Utilisation de solvants toxiques ; Réversibilité controversée du fait de l’absence de couche d’intervention ; Nouveaux matériaux introduits dans la stratigraphie.
1.2.7. Remontage sur châssis L’œuvre pourra dès lors être remontée sur un châssis neuf, en accord avec le propriétaire. L’ancien châssis, probablement de restauration ayant joué un rôle dans le vieillissement mécanique de l’œuvre, devra être changé malgré son intérêt historique. Avec des sections et une résistance mécanique faibles, il ne supportera pas une nouvelle tension Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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d’une toile consolidée. Il sera changé pour un châssis de rentoilage chanfreiné, à clés et avec une croix de Lorraine.
1.2.8. Pose des mastics et réintégration colorée Après remontage, les lacunes seront comblées à l’aide d’un mastic de type Modostuc® recréant la continuité de la couche picturale alors que certains mastics anciens pourront être conservés. Au vu de la localisation et de la taille des lacunes, aucune reconstruction ne semble à envisager. Le Modostuc® est réversible, facile à structurer et n’absorbe pas le liant de la retouche préalablement choisi. Les mastics devront être isolés après séchage à l’aide de la résine du vernis préalablement choisi. De sa qualité va dépendre celle de la retouche. La réintégration colorée sera effectuée à l’aide d’une retouche illusionniste adaptée aux caractéristiques de l’œuvre. Le liant de retouche devra également présenter des critères de réversibilité et de stabilité dans le temps mais aussi être compatible avec les vernis sélectionnés. Le but sera d’être dans des aires de solubilité différentes de celle de la couche de vernis finale afin de ne pas risquer d’éliminer la retouche effectuée. Le liant de retouche Berger (Gustav Berger’s Original Formula® PVA inpainting medium) a été choisi afin de rétablir l’intégration esthétique de la lacune. Il présente de nombreux avantages dont une bonne réversibilité dans les alcools, un indice de réfraction proche de celui des huiles âgées et un séchage rapide281. « Nous devons nous limiter à favoriser la jouissance de ce qui reste de l’œuvre d’art, de ce qui se présente à nous, sans faire de réintégration analogique de façon qu’il ne puisse y avoir de doute sur l’authenticité d’une quelconque partie de l’œuvre elle-même282. »
1.2.9. Vernissage Le vernissage final devra permettre de saturer les couleurs et de protéger la couche picturale tout en lui redonnant une certaine profondeur. La Vierge à l’Enfant a probablement toujours été vernie, il semble donc cohérent d’appliquer un vernis qui lui redonnera une force et une cohérence aujourd’hui invisibles. Le vernis idéal devra être transparent et incolore, réversible, conserver une élasticité optimale et protéger la couche picturale contre les agents
281 282
BERGER, Gustave, A. Inpainting using PVA medium. IIC Brussels congress, 1990, p. 150-155. BRANDI, Cesare. Théorie de la restauration. Paris : Editions du Patrimoine, 2001, p. 99.
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extérieurs. Il ne devra pas être trop brillant ni trop mat afin de respecter l’état de surface initial et d’être en accord avec le sujet représenté. Un double vernissage Dammar/Laropal® A81 est envisagé et permettra de saturer les couleurs « fatiguées » après un long et lourd traitement de la couche picturale. La saturation des couleurs ne sera pas homogène dès les premières applications et le vernis final au Laropal® A81 permettra d’homogénéiser les zones de matité et de brillance par pulvérisation. La résine Dammar assure une bonne saturation et une isolation des mastics en une couche fine et uniforme. Cependant ses tendances au jaunissement, au vieillissement, aux fissurations et à l’opalescence seront évitées par l’ajout de Tinuvin® 292 (anti-oxydants redox qui neutralise les radicaux initiateurs des réactions oxydantes) à 3% (au-delà il n’y a plus de miscibilité) qui remplit aussi le rôle de plastifiant283. Le Laropal® A81, résine urée-aldéhyde, permettra d’obtenir une brillance agréable et un bon pouvoir mouillant en couche de vernis final. Cette résine synthétique s’approche au mieux des caractéristiques du Dammar par un bas poids moléculaire et un indice de réfraction voisin de celui d’une couche picturale à l’huile (1,494). Il pourra être appliqué par pulvérisation limitant alors la pénétration du vernis à travers le support. L’application d’un vernis synthétique en superposition, pourvu d’adjuvants et susceptible de filtrer les rayonnements UV, rempli le rôle de couche protectrice alors que la résine Dammar aura une fonction d’autant plus esthétique. En jouant sur la différence de polarité et de solubilité de ces deux couches, il est possible de prévoir le retrait de la dernière strate dans le cas d’une future intervention de restauration, sans altérer les retouches et vernis sous-jacents.
283
BALCAR, Nathalie. Les vernis – usage et propositions issues de recherches récentes. Paris : ARAAFU, 2005, p.
4. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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2. Récapitulatif chronologique du traitement proposé
Dépoussiérage et décrassage de la surface picturale
Protection sélective de la couche picturale (Bolloré® et colle de pâte diluée) grâce à un carton intermédiaire
Dépose de l’œuvre
Dépoussiérage du revers (pinceaux souples, aspiration)
Dérestauration : retrait des pièces de renfort (scalpel et gels)
Aplanissement des bandes de rabat (humidité/chaleur/pression)
Mise sous cartonnage et retournement (non-tissé et colle de pâte diluée)
Décrassage du revers (gommage et gel)
Consolidation des déchirures et incrustations
Consolidation de la couche picturale : imprégnation
Pose de bandes de tension (non-tissé et Plextol® B500 épaissi au xylène)
Mise en extension sur bâti tenseur
Réactivation du Plexisol® P550 sur table aspirante
Délitage de la protection de surface
Traitement de la couche picturale - Décrassage - Dévernissage - Purification des repeints
Mastics provisoires
Nouvelle imprégnation et réactivation (Plexisol® P550)
Consolidation du support : doublage (Origam et Plextol® B500)
Remontage sur châssis
Mastics et structuration
Vernis intermédiaire
Retouches
Vernis final
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Rapport de restauration 1. Décrassage de la couche picturale Après une phase de tests284, le décrassage superficiel s’est effectué avec du triammonium citrate®285 à 1% ensuite nettoyé à l’aide d’une éponge naturelle humide à l’horizontal. Le décrassage a été modulé selon les zones colorées et l’état de surface de la couche picturale, à l’aide de bâtonnets de coton et d’une action mécanique en déroulé (figure 78). Les zones en soulèvement (déchirures, lacunes…) n’ont pas été décrassées avant la pose du papier de protection ; l’adhésion entre la toile et la préparation devra être optimale avant de pouvoir obtenir un décrassage satisfaisant dans ces zones. Cette opération a permis de déceler des détails de la composition jusqu’alors invisibles tels que le voile de la Vierge Marie, la colonne antique dans la partie supérieure droite ou encore un panier de fruits dans la partie inférieure gauche. Décrassé, l’état de surface paraît plus brillant, révélant ainsi une couche de protection sous-jacente (figure 79).
Figure 78 Action en déroulée lors du décrassage de la surface picturale à l’aide d’un bâtonnet de coton.
Figure 79 Vue générale de l'œuvre après décrassage superficiel.
284
Voir Annexe 15 : Tests relatifs au traitement de la couche picturale. Le triammonium citrate C6H504(NH4)3 ou TAC est une solution combinant l’association de l’acide citrique 4+ C6H807 et de 3 ions ammonium NH . La molécule de citrate est une chaîne carbonée contenant trois groupes carboxyles COOH et un groupe hydroxyle OH. Les groupes carboxyles peuvent se combiner à trois ions ammonium NH4+ et former le sel triammonium citrate. La réaction de complexation entre l’agent chélatant et l’ion métallique est faite par l’intermédiaire de ces groupements. 285
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2. Pose de papier de protection Le carton de maintien provisoire a ensuite été inséré entre la toile originale et les montants du châssis286 (figure 81) avant de procéder à la pose du papier de protection. Le carton est isolé par une feuille de Mélinex®, la face siliconée étant en contact avec la toile pour limiter les risques de collage. Ce soutien permet d’obtenir temporairement un support plan et apte à recevoir la charge du pinceau lors de l’application du papier Bolloré® avec de la colle de pâte diluée. Ce dernier a été appliqué en trois temps sur la surface picturale à l’aide d’un large spalter souple et la colle de pâte diluée a ensuite été étendue au travers du papier. Leur jointure n’est pas faite sur les personnages évitant toute impression éventuelle sur la surface. Le carton a été ôté en cours de séchage pour que ce dernier soit optimal et plus rapide. Dans les zones en soulèvement, les papiers ont été appliqués minutieusement afin d’éviter les déplacements et les chevauchements d’écailles. Le papier de protection a été posé de façon débordante sur les faces externes du châssis, d’une part pour préserver les bords de tension préparés devant être refixés et d’autre part pour créer une première remise dans le plan lors du séchage. Les bords de tension ont été maintenus et rapprochés au préalable à l’aide de ruban micropore afin de limiter leur mouvement lors de l’application du papier. Une première planéité a ainsi pu être retrouvée après séchage (figure 82 et 83).
Figure 81 Appréciation de l'état de surface après insertion du carton de soutien. Figure 80 Application en cours du papier de protection à l'aide d'un large spalter et de colle de pâte diluée.
286
Voir Annexe 11 : Construction du carton de soutien.
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Figure 83 Vue générale de l'œuvre après séchage du papier de facing.
Figure 82 Vue générale de l'œuvre verticale sous lumière rasante après séchage de la protection : appréciation de l'état de surface, une certaine planéité a pu être retrouvée.
3. Dépose de l’œuvre La toile, placée à l’horizontal, a été déposée de son châssis à l’aide d’un davier en retirant les semences à travers le papier de protection. Difficiles à ôter du fait de leur longueur – entre 1,5 et 3 cm – et de leur oxydation, les semences s’enfonçaient à plus de la moitié de la largueur des montants, les fragilisant (figure 84). Le châssis est alors retiré du support, le revers et les pièces de renfort étant accessibles. La toile est dès lors libre et des amas de poussière et des corps étrangers sont retrouvés entre le montant inférieur et le support original (figure 85). Cette observation confirme l’hypothèse d’un stockage ou accrochage vertical dans le sens de déformation du support. La taille des pièces de renfort est alors appréciable.
Figure 84 Détail d'une semence fixant le support original sur le châssis.
Figure 85 Détail des scrupules et corps étrangers dans la partie inférieure après retrait du châssis.
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4. Dépoussiérage superficiel du revers L’œuvre est placée horizontalement sur une feuille de Mélinex® et le dépoussiérage superficiel du revers est effectué à l’aide d’un spalter souple et/ou de petites brosses dures selon les zones traitées. L’opération s’est déroulée sous aspiration afin d’éviter le transport de particules (corps étrangers et fine pellicule de poussière) sur les zones déjà dépoussiérées. Les bords de tension ont ensuite été aplanis à l’aide d’une humidité contrôlée, de chaleur et de pression.
Figure 86 Vue générale de l'œuvre en cours de dépoussiérage.
5. Suppression des pièces de renfort Les pièces de renfort ont été éliminées sur le support libre avant de procéder au cartonnage léger (figure 87). Ces dernières, trop contraignantes, n’auraient pas permis une mise sous contrainte satisfaisante et auraient bloqué le mouvement du support original et sa remise dans le plan. Elles ont pu être supprimées mécaniquement ou à l’aide d’un gel de méthylcellulose pour la plus grande des pièces (en bas à gauche), limitant au maximum l’apport d’humidité. Elles ont été numérotées et étudiées afin de tenter d’établir une chronologie des interventions de restauration287. Les mastics et les altérations sous-jacentes ont alors pu être appréciés et quantifiés.
Figure 87 Vue générale du revers du support après élimination des pièces de renfort.
287
Voir Annexe 9 : Etude des pièces de renfort.
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6. Mise sous cartonnage et retournement Après avoir rétabli la continuité du revers du support, la mise sous cartonnage s’est faite à l’aide d’un non-tissé épais et de colle de pâte diluée (figure 88 et 89). Le but était de procéder à un cartonnage léger, peu contraignant et de compter sur l’humidité du cartonnage pour la remise dans le plan du support. Le cartonnage avait uniquement l’intention de maintenir le support pour des conditions de décrassage optimales. Le revers devait être maintenu plan afin de pouvoir le décrasser de manière optimale.
Figure 88 Vue générale de l'œuvre de mémoire après séchage du cartonnage.
Figure 89 En cours de cartonnage.
7. Décrassage du revers du support original 7.1.Gommage Le cartonnage léger a suffi à résorber les déformations initiales de l’œuvre et le décrassage a pu débuter. Après une série de tests288, un protocole de décrassage a été établi et la première phase a été effectuée avec une gomme Wishab® aidant à la suppression de la couche de poussière superficielle. Les résidus du gommage ont été aspirés. Cette opération permet au gel de méthylcellulose d’avoir une action efficace sur la crasse en pénétrant plus facilement dans la trame de la toile.
7.2.Gel de méthylcellulose Afin d’éliminer au mieux la crasse ayant pénétré au sein de la trame du support, la faculté de gonflement du gel de méthylcellulose a été utilisée. Les adhésifs de type protéinique employés pour la pose des pièces de renfort ont également pu être retirés. Ce décrassage a permis de préparer l’œuvre à la consolidation du support même si la crasse n’a pas pu être entièrement éliminée au risque d’abraser les fibres de toile. La crasse et la poussière ont été délogées des interstices de la trame de la toile (figure 90). Le processus veut que la crasse hydrophile soit véhiculée par l’eau à l’intérieur du système gélifiée et emportée
288
Voir Annexe 13 : Tests de décrassage du revers du support.
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durant le rinçage289, minimisant les risques liés à l’utilisation de l’eau. Posé au pinceau, le gel a été retiré au bout d’une minute avec une spatule. Le dégagement de la crasse a permis l’appréciation de l’état d’oxydation de la toile, de sa couleur, de son vieillissement et de son tissage. Irréversible, le traitement du revers est une première étape vers le retour à l’unité esthétique de l’œuvre.
Figure 90 Vue générale du revers de l'œuvre en cours de décrassage.
8. Rétablissement de la continuité du support : incrustations et consolidations provisoires La toile comportait quelques lacunes de petite taille. Des incrustations ont alors été faites avec une toile de chanvre épaisse et ancienne, enduite de Modostuc® de couleur ivoire. Seule la toile de chanvre apportait les mêmes qualités d’épaisseur, de couleur et de contexture que la toile d’origine (figure 92). Sa résistance mécanique290 apparaît satisfaisante sans pour autant imposer son comportement au support original. Le tissage a eu un rôle esthétique dans le choix du matériau puisque la trame est apparente sous la couche picturale originale. Le collage des incrustations s’est fait de la même manière et conjointement aux reprises des déchirures (figure 91). Ces dernières ont été consolidées provisoirement, le cartonnage
289
BONNAT, Mélodie. Etude et Restauration d’une esquisse peinte à l’huile sur plâtre : Histoire de l’art français, Maurice Denis, 1921. Comparaison de gels de nettoyage dans le cas d’une peinture non vernie appliquée sur une ébauche et un support hydrophiles. Mémoire ou thèse, INP, 2010, p. 71. 290 Voir Annexe 14 : Expérimentations au vu des incrustations de toile de chanvre. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[121]
n’ayant pas résorbé l’ensemble des déformations en périphérie des déchirures. La consolidation définitive de ces ruptures pourra être faite une fois l’œuvre sur bâti tenseur.
Figure 91 Détail d'une incrustation dans le coin inférieur dextre. Figure 92 Détail de la contexture de la toile de chanvre d'incrustation.
9. Imprégnation du support d’origine Les imprégnations successives de Plexisol® P550 ont été entreprises sur un support plan et continu. Les deux premières imprégnations sont réalisées à 5% dans du White Spirit à l’aide d’un large spalter, puis les deux dernières à 10% dans du White Spirit (figure 93). Les incrustations ont également pu être imprégnées. Arrivé à saturation, le support imprégné est supposé être insensible aux fluctuations environnementales. Les perles de préparation et les nœuds de fils ont été préalablement arasés pour favoriser la meilleure pénétration de l’adhésif mais également pour un bon scellage de la toile de doublage.
Figure 93 Imprégnation en cours du support d'origine.
10. Mise en extension sur bâti La mise en extension sur bâti s’est faite après l’application de bandes de tension en nontissé avec du Plextol® B500 épaissi au xylène. Un papier Bolloré® intermédiaire a été posé entre la toile et le non-tissé avec le même adhésif, permettant de répartir les tensions. Les bandes ont été posées en retrait (environ 1cm) des bords de tension originaux, presque inexistantes, permettant de maintenir les parties fragiles de la toile originale. Ces mêmes Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[122]
bandes serviront de bandes de tension définitives lors du doublage et du remontage sur châssis.
11. Consolidation définitive des déchirures Les caractéristiques de la toile d’origine et des déchirures ont orienté le choix de la technique de mise en œuvre. La toile est oxydée et réactive avec un tissage irrégulier et épais. La couche picturale est fine et les déchirures, peu nombreuses, sont de taille moyenne. La reprise de ces ruptures uniquement par fil-à-fil semble satisfaisante mais un maintien supplémentaire est nécessaire à la fois pour renforcer le collage des déchirures avant le remontage sur châssis mais aussi pour éviter leur déformation après la redistribution des contraintes. La couche picturale et le support encollé ont tendance à imposer leurs comportements et à se déformer en surface. Cette reprise par fil-à-fil a permis de recréer le tissage de la trame et de recouvrer une continuité du support en remettant les lèvres des déchirures dans le plan. L’adhésif choisi devait avoir de bonnes propriétés élastiques et un bon pouvoir collant au vu de la rigidité des fils en périphérie des lèvres des déchirures, du format et de la tension appliquée au remontage sur châssis. Le textile choisi devait également être en accord avec le but recherché pour la consolidation du support. Les fils se devaient d’être fins mais résistants291 : des pontages à l’aide de fibres synthétiques de type polyester292 ont alors été posées au Plextol® B500 épaissi au xylène (figure 94). Fibre oléophile et transparente, le polyester prend un aspect esthétique – même si dans notre cas, la transparence n’était pas l’objectif recherché – dans le cas d’un doublage transparent et demeure intéressant en termes de souplesse et d’élasticité. La pose de l’adhésif s’est faite au pinceau avec des lunettes-loupe permettant une mise en place précise. Une fois l’adhésif posé, la déchirure est maintenue en place par des poids.
.
Figure 94 Détail d'une consolidation de déchirures avec des fils de polyester et du Plextol® B500. 291
Voir Annexe 14 : Expérimentations en vue des incrustations de toile de chanvre et des consolidations de déchirures. Effectuer des pontages à l’aide de fils de toile dont la contexture serait proche de celle du support d’origine, ne paraît pas optimal. Cela reviendrait à créer une épaisseur supplémentaire non nécessaire et qui créerait des défauts d’adhésion lors de la mise en place du doublage transparent. 292 Polyéthylène téréphtalate (PET). Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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12. Consolidation de la couche picturale : réactivation du Plexisol Le Plexisol® P550 préalablement appliqué, a été réactivé sur la table basse pression ; la température a été élevée à 75°C pendant quelques minutes (au-deçà de la température de transition vitreuse de la résine). Après suppression de la chaleur, l’œuvre est laissée sous pression pendant plusieurs heures. La pression maintient en contact l’adhésif ramolli et la toile par la montée en chaleur et permet de recouvrer une adhésion satisfaisante à l’interface concernée. Le non-tissé de cartonnage et le papier de protection ont ensuite pu être délités, d’une part pour vérifier l’efficacité de la consolidation et d’autre part pour avoir accès à la couche picturale (figure 95). Le traitement de la couche picturale a été fait avant la consolidation du support afin d’obtenir une continuité de surface et ainsi de redonner une meilleure élasticité au support. Rappelons que certains repeints bloquaient les mouvements de la toile, la déformant et que le cartonnage n’avait pas réussi à résorber ces déformations.
Figure 95 En cours de délitage du non-tissé de cartonnage.
13. Traitement de la couche picturale 13.1.
Elimination du vernis superficiel chanci et déplaqué
Cette couche n’est pas originale, elle est très oxydée, chancie et hétérogène. Appliquée en couche épaisse et irrégulière, le choix a été de la supprimer entièrement. Des tests préliminaires de solvants293 ont été effectués afin de trouver le mélange qui solubiliserait la résine sans entrer en interaction avec la couche picturale sous-jacente. Le mélange MK10 (acétate d’éthyle/méthyléthylcétone 50 : 50) de la liste de Masschelein-Kleiner a permis de recouvrer une visibilité de l’image peinte mais aussi une homogénéité de surface. 293
Voir Annexe 15 : Tests relatifs au traitement de la couche picturale.
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Le dévernissage a débuté dans la partie supérieure en respectant les plages de couleur et de forme afin de contrôler de manière optimale l’action du coton. De nombreux résidus demeurent insolubles alors que la suppression de cette couche a laissé apparaître de nombreux repeints notamment dans la partie inférieure droite ou sur les lèvres des personnages (figure 98). Après intervention, la couche picturale paraît être recouverte d’une matière teintée assombrissant l’ensemble de la composition. Cette couche semble épaisse et grasse, probablement issue d’une des campagnes de restauration subies par l’œuvre. Il était courant d’appliquer des vernis teintés ou des patines colorées sur les surfaces des tableaux au XIXe siècle. Ce siècle appréciait « un « style enfumé », en accord avec le mobilier foncé, les lourdes tentures et les intérieurs sombres, et il arrivait qu’on surpeignît dans des teintes sombres les arrière-plans de tableaux de maîtres anciens, pour les adapter au goût de l’époque294. ». L’application de cette couche est probablement issue de l’histoire du goût.
Figure 97 Détail avant le premier dévernissage.
Figure 96 Détail après le premier dévernissage.
294
WALDEN, Sarah. Outrage à la peinture ou comment peut la restauration, violant l’image, détruire les chefsd’œuvre. Paris : Editions Ivrea, 2003, p. 86. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Figure 98 Vue générale de l'œuvre après le premier dévernissage.
Figure 99 Vue générale de l'œuvre avant le premier dévernissage.
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La patine colorée est visible sur l’ensemble de la surface à l’exception des chairs des deux personnages qui apparaissent sur un arrière-plan sombre. Cette matière épaisse semble être intimement liée avec une couche de repeints sombres recouvrant des plages importantes comme le manteau de la Vierge et le rideau. En effet ces éléments ne paraissent pas cohérents avec la manière du peintre : la matière du rideau et les aplats dans la partie inférieure.
13.2. Dévernissage de la patine colorée et purification des repeints La seconde couche – venant vraisemblablement d’une campagne de restauration295 – assombrit et occulte la profondeur et la perspective de la composition. Elle ne remplit pas son rôle de film homogène, tendu et présentant des propriétés esthétiques et protectrices. Ce film sans doute lipidique, est appliqué en couche épaisse sur l’ensemble de la surface à l’exception des chairs des personnages. En accord avec le propriétaire, sa suppression a été entreprise afin de recouvrer les subtilités de la facture et de la palette du peintre. D’après les tests effectués296, la nature teintée de la seconde couche de vernis a été envisagée. Formant une couche intime avec la couche picturale originale dans certaines zones, il a été important d’avoir une action maîtrisée et peu agressive limitant les risques d’abrasion des glacis et des empâtements localisés. La méthode par « solvent gels » de Richard Wolbers a été retenue pour diverses raisons : sa toxicité réduite, son temps d’application modulable, contrôlable et sa pénétration réduite au sein du substrat297. L’utilisation d’un gel298 paraissait être une solution satisfaisante qui combine le pouvoir des solvants organiques et de l’eau dans un gel visqueux. Un gel de toluène/DMF en proportion (75 : 25) a été appliqué au pinceau, l’œuvre placée à la verticale, puis éliminé à l’aide d’un scalpel après ramollissement de la matière. Une fois le gel éliminé, le nettoyage a été effectué à l’aide d’un coton de whitespirit. Dans certaines zones, l’action de la lame du scalpel a permis de déloger certains résidus
295
Avant d’intervenir sur cette couche, nous avons pris garde que cette « patine colorée » ne soit pas une initiative du peintre. En effet certains peintres s’adonnaient bien évidemment à la pose de glacis mais aussi à celle de « patine générale dans un glacis uniforme et très léger ». Cette appréciation est corrélée à la position des repeints qui se trouvent intimement liés ou sous cette couche épaisse. HUYGHE, René. Le Problème du dévernissage des peintures anciennes et le Musée du Louvre. Dans The Care of Paintings, Paris : UNESCO, 1951, pp. 199-206. 296 Voir Annexe 15 : Tests relatifs au traitement de la couche picturale. 297 STULIK, Dusan, DORGE, Valérie. Solvent gels for the cleaning of works of art: the residue question. Los Angeles: Getty publications, 2003, p. 72. 298 Gel : structure amorphe (répartition désordonnée) ou cristalline (arrangement régulier). Les micelles colloïdales très proches les uns des autres interagissent fortement. Beaucoup de substances filmogènes se figent sous cette forme en séchant. MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Les Solvants. Bruxelles : IRPA, 1994, p. 39. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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de vernis anciens dans les empâtements et les craquelures notamment dans le ciel et la robe de la Vierge. Les repeints non discernables auparavant, formaient une couche intimement liée à la patine colorée. Leur suppression a été faite avec le même mélange de solvants toluène/DMF (en proportion 75 :25) dévoilant une surface homogène et une composition équilibrée. Ils étaient épais et mécaniquement dommageables et se sont révélés nombreux, majoritairement localisés en périphérie de l’œuvre et dans la partie inférieure droite. Une action mécanique a été nécessaire pour leur retrait, limitant un apport supplémentaire de solvants dans la stratigraphie. Cependant ceux appliqués directement sur le support d’origine ont été amincis et seront recouverts ultérieurement d’un mastic en vue de leur réintégration colorée. Recouvrant une grande partie des zones usées, le rôle des repeints était d’occulter ces altérations. Ces zones nombreuses révèlent une couche picturale originale relativement usée par le temps et par d’hypothétiques nettoyages successifs. Cependant leur épaisseur a probablement participé à la conservation des couleurs des couches sous-jacentes. Cette seconde intervention sur la couche picturale a permis l’appréciation et la redécouverte de la technique du peintre (figure 100). La compréhension de cette technique a été un guide dans l’avancement du dévernissage et dans ses limites. Le peintre est venu poser ses lumières en dernier et sa facture est constituée de coups de pinceau vifs et maîtrisés dans une matière fine. De belles subtilités dans la palette et le dessin ont vu le jour et de nombreux détails sont apparus (figure 101).
Figure 100 Détails de la robe de la Vierge avant (gauche) et après (droite) le deuxième dévernissage.
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Figure 101 Vue générale de l'œuvre après le deuxième dévernissage.
13.3.
Deuxième décrassage
Sous la patine colorée, une couche de crasse est apparue sur l’ensemble de la surface picturale. Les tests de décrassage299 entrepris le prouvent. La présence de cette couche indique que la patine colorée a été appliquée sans décrassage préalable. Le décrassage de la surface picturale a donc été effectué au triammonium citrate® à 1% à l’aide de bâtonnets de coton, l’œuvre placée à la verticale. Le tensioactif a permis d’éliminer les résidus du gel de toluène/DMF précédemment utilisé ainsi que l’empreinte en damier laissée par son utilisation.
299
Voir Annexe 15 : Tests relatifs au traitement de la couche picturale.
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Cette opération a montrée des zones d’usure et de manques (dans les zones constituées de terres) probablement dues à un ou plusieurs dévernissages abusifs anciens qui ont fragilisé la couche picturale originale (figure 104). Ces zones d’usures correspondent en général à la crête des fils de chaîne. Ce décrassage a permis de recouvrer une luminosité à la scène ainsi qu’une plus grande clarté des détails (figure 103) : les lumières sont perceptibles, la préparation apparaît en réserve, les coups de pinceau sont dévoilés, la trame est visible dans les zones sombres et le réseau de craquelures, libéré d’une matière invasive, est dorénavant apparent (figure 102 et 105).
Figure 102 Détail en cours de décrassage du ciel en périphérie de l'œuvre, bord gauche.
Figure 103 Détails des passementeries et de la découverte des lumières recouvertes par une matière sombre.
Figure 104 Détail de la main droite de l'Enfant Jésus et des usures de la couche picturale laissant apparaître la trame de la toile.
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[130]
Figure 105 Vue générale de l'œuvre après le deuxième décrassage.
13.4.
Elimination des derniers repeints
Lors de l’élimination des derniers repeints, la facture du drapé bleu de la Vierge est apparue différente de celle du peintre. Le manteau bleu recouvrait manifestement une couche plus claire où il était possible d’observer des lumières sous-jacentes. En surépaisseur, le repeint a été dégagé pour retrouver le drapé original esthétiquement similaire mais d’une couleur plus grisâtre. La nature du pigment bleu est fortement supposée. La décoloration de ce pigment montre les caractéristiques de l’altération d’un bleu de smalt ancien. Le bleu de smalt, cité par Turquet de Mayerne dans son ouvrage, était couramment utilisé par les peintres au XVIIe siècle. Pigment peu coûteux, il fut utilisé dès la fin du XVe siècle comme substitut de l’outremer et de l’azurite, tous les deux très onéreux. Le smalt, pigment inorganique de synthèse, est un verre potassique plus ou moins broyé et contenant de l’oxyde de cobalt : il est composé en majorité de silice, puis d’oxyde de potassium, d’alumine et d’oxyde de cobalt. L’intensité du bleu dépend de la proportion en oxyde de cobalt et du
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broyage du verre. Il est suffisamment soluble dans l’eau pour avoir une réaction alcaline alors que sa tenue aux acides est variable.300 Le bleu de smalt s’altère dans le temps en particulier en mélange avec un liant à base d’huile siccative. Il peut parfois être décoloré et adopter une coloration verdâtre ou brunâtre décrite par Ségolène Bergeon301. En effet, l’aplat initialement bleu prend une tonalité grisâtre alors que le cœur du pigment reste inchangé. Cette altération provient de la dégradation du pigment dans l’huile : le cobalt migre dans le liant environnant provoquant des réactions telles que « l’hyperoxydation avec jaunissement prononcé et acidification du liant302 » formant des produits de saponification avec l’huile. Le jaunissement du liant environnant est accru par la transparence du pigment, d’autant qu’un pigment contenant un excès d’alcali réagit avec l’huile en augmentant son jaunissement. Des changements physico-chimiques au sein du film de peinture s’opèrent303 et sont déjà décrits dans les écrits techniques du XVIIIe siècle. Watin écrit du smalt qu’il noircit. Cette décoloration est observable dans des œuvres de Murillo, du Greco ou de Véronèse304 et la comparaison est probante avec certains de leurs tableaux. Le repeint bleu du manteau de la Vierge a probablement été appliqué sur un bleu de smalt ancien en raison de son altération chromatique. En effet, l’ancien drapé n’apparaît pas autrement altéré ; les lumières et les ombres sont posées exactement aux mêmes endroits. Aucune couche superficielle de lapis-lazuli ne semble avoir été appliquée par-dessus en guise de finition comme c’était souvent le cas. Il était courant d’appliquer un glacis de pigments précieux en finition sur une couche réalisée avec un pigment moins cher.305 Le retrait de ce repeint a adouci la composition en lui redonnant une cohérence esthétique. Le repeint recouvrant le rideau, quant à lui, a pu être purifié dans la mesure du possible. Le choix a été de le supprimer jusqu’à obtenir une surface homogène et esthétique pour retrouver les lumières et le mouvement des drapés voulus par le peintre. La 300
PEREGO, François. Op. cit., p. 675-676. Il consiste, dans sa fabrication moderne, au mélange d’un oxyde de cobalt ou un carbonate de calcium dans un verre potassique en fusion. Pigment bleu-violacé, il est d’autant plus foncé et dense que sa teneur en oxyde de cobalt est élevée. Il est parfaitement transparent dans les liants réfringents tels que l’huile cependant il est difficile à broyer. Il est stable à la lumière et à la chaleur. Sa stabilité décroît cependant avec sa teneur en oxyde de potassium. 301 CURIE, BERGEON LANGLE, 2009, tome II : « Il y a une réaction entre le cobalt et l’huile avec formation d’un composé organométallique (l’ensemble devient jaunâtre) et diffusion de produits brunâtres dans le vernis. » p. 903. 302 PEREGO, François. Op. cit., p. 676. 303 Idem, p. 675-676. 304 EASTAUGH, Nicholas, WALSH, Valentine, CHAPLIN, Tracey, SIDDALL, Ruth. Pigment Compendium : A Dictionary of Historical Pigments. Paris : Elsevier Butterworth-Hernemann, 2005, p. 351. 305 BERGEON Ségolène, MARTIN Elisabeth. Op. cit., p. 69-70. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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compréhension de la technique du peintre a encore une fois été primordiale afin d’évaluer le degré de suppression du repeint. La purification n’a pas été complète au vu de l’agression subie par la couche picturale sous-jacente. La couche picturale originale sous-jacente est apparue très usée, les sous-couches et la trame de la toile étant visibles à certains endroits (figure 107 et 108). Des subtilités sont alors retrouvées dans ces deux parties de la composition, permettant d’en comprendre les éléments et les détails avoisinants. Malgré l’usure des zones contenant des terres, l’équilibre de la composition est retrouvé (figure 106).
Figure 106 Vue générale de l'œuvre après la purification des derniers repeints.
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Figure 107 Zone ou le bleu est en épaisseur et en superposition. Début de son élimination.
Figure 108 Repeint bleu en cours de purification. Dessous est retrouvé l'ancien drapé en accord avec le reste du drapé dans la partie droite. Il est probable que ce soit du bleu de smalt.
Conclusion du traitement de la couche picturale Le traitement de la couche picturale a permis de discerner une stratigraphie complexe et de comprendre la chronologie des campagnes de restauration successives. Les repeints du manteau de la Vierge et du rideau ont probablement été les premières interventions effectuées sur la surface picturale, d’une part pour pallier à la décoloration du pigment bleu de smalt et d’autre part pour pallier à l’usure de la couche picturale originale. Par la suite, une patine colorée a été posée – probablement au XIXe siècle et sûrement concomitant du changement de châssis et de la pose des pièces de renfort – sur l’ensemble de la surface à l’exception des chairs. Enfin un vernis plus récent a été appliqué révélant un défaut de mise en œuvre. Le traitement du support a pu, dès lors, être entrepris sur une couche picturale homogène et plane ne risquant pas de contraindre les mouvements du support. Au vu de la quantité de solvants apportée, une nouvelle imprégnation au Plexisol® P550 a été effectuée.
14. Doublage Selon le cahier des charges établi et l’appréciation de l’état de conservation de l’œuvre, il a été envisagé une consolidation légère, la moins rigide et la moins contraignante possible. La rigidité d’un doublage semble être similaire à celui d’un rentoilage traditionnel mais empêche la propagation des vibrations306. La finesse des fibres du textile de doublage a
306
e
ULLOIS, Tatiana. Le Christ rencontrant la femme de Zébédée et ses deux fils, école napolitaine XVII siècle. Mémoire ou thèse, Ecole de Condé, Paris, 2012, p. 73-93. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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également été un critère de choix, évitant le phénomène de « Weave interference307 ». Les fibres originales épaisses et irrégulières – dont la trame est visible sur l’ensemble de la couche picturale - ne doivent pas remonter et déformer la surface picturale. Ces paramètres ont orienté le choix des matériaux vers des textiles fins et élastiques excluant des toiles de lin. L’origam® a alors été retenu pour sa souplesse et son élasticité. La transparence n’est cependant pas le critère de choix primordial du traitement du support. Le Plextol® B500 utilisé pour le doublage est une dispersion aqueuse d’un copolymère à base d’acrylate d’éthyle et de méthacrylate de méthyle. Ces matériaux souples et insensibles à l’humidité s’adaptent aux futures conditions de conservation et à la recherche de souplesse pour une toile de grand format au tissage épais et irrégulier. La toile de doublage a été tendue sur un bâti tenseur aux dimensions plus grandes que celles de la Vierge à l’Enfant. Après avoir tracé ses dimensions, un lait de Plextol® B500 dilué dans l’eau en proportion (1 : 2) a été appliqué sur l’origam®. Cette première couche forme un film continu et homogène prêt à accueillir celles de Plextol® épaissi. Le nombre et l’épaisseur de ces couches ont été montés après la réalisation de tests308. Une couche de Plextol® pur a été appliquée au pinceau puis six couches de Plextol® B500 épaissi au xylène appliquées au rouleau. En croisant le sens d’application, une surface homogène est obtenue sans imperfections ni surépaisseur. Les couches sont ensuite réactivées au xylène et la toile originale, déjà tendue sur bâti depuis les phases d’imprégnation au Plexisol® P550, a été placée sur la table à basse pression pour obtenir un scellage homogène (figure 109).
Figure 109 Vue générale de la Vierge à l'Enfant en cours de doublage sur la table basse pression.
307 308
Voir Annexe 17 : Choix et tests relatifs au doublage transparent. Voir Annexe 17 : Choix et tests relatifs au doublage transparent.
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Figure 110 Vue générale du revers de l'œuvre après doublage.
Après doublage, des zones sont apparues opaques alors que le scellage des deux toiles est satisfaisant. Nous avons tenté de reprendre ces imperfections 309, sans réel succès (figure 110).
15. Remontage sur châssis Après séchage et retrait de la protection de surface, l’œuvre est remontée sur son nouveau châssis préalablement préparé : un châssis à clefs avec traverses en croix de Lorraine de format 106,6 x 88 cm. Les rives des montants ont été rabotées, au même titre que celles des deux traverses. Les faces visibles du châssis sont teintées au brou de noix jusqu’à obtenir la coloration désirée. Le châssis est ensuite ciré avec une cire incolore afin de protéger le bois des agents extérieurs. La tension de la pince à tendre est appliquée sur des bandes de tension définitives en non-tissé – les mêmes que lors de la mise en extension – afin de ne pas altérer l’origam®. Du fait de la faible largeur des bords de tension originaux, il a été nécessaire de conserver les bandes de tension en non-tissé pour une meilleure tenue et une meilleure rigidité. Les bords ont été cloués à l’aide de semences et l’excédent replié au dos. L’œuvre doublée est tendue sur un nouveau châssis, puis bordée avec du papier kraft encollé à la colle de pâte. Seulement après, les clés ont été chassées.
309
Voir Annexe 18 : Amélioration de la transparence des zones opaques au revers de l’œuvre doublée.
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16. Pose de mastics Le traitement du support terminé, les mastics provisoires ont pu être repris puis structurés. Avant la structuration, une première couche de Dammar dilué à 15% dans du white-spirit a été posé au tampon310 (figure 111). Recréant la continuité de la stratigraphie originale, les mastics serviront de base à la réintégration colorée. Un mastic ivoire de type Modostuc® stable à l’humidité et facilement manipulable a été choisi. Ils ont été posés à la spatule et au pinceau puis ragréés avec un coton humide, un scalpel et une peau de chamois humide. Dans les lacunes de couche picturale mais aussi en recouvrement des repeints sur le support original, les mastics ont été structurés. La localisation des mastics permet d’observer de manière pertinente la concentration des zones accidentées dans les quatre coins de l’œuvre, en périphérie et selon la rive interne du châssis d’origine. Une seconde couche de Dammar à 20% dilué dans du white-spirit a été appliquée au spalter afin d’obtenir une saturation des couleurs suffisante pour la réalisation de la retouche (figure 112). Certaines zones de matité demeurent dans les endroits où la purification de repeints et le dévernissage ont été poussés. Ces zones d’imperfections seront retravaillées localement à l’aide d’un petit pinceau.
Figure 111 Vue de l'œuvre en cours de vernissage au tampon.
Figure 112 Vu générale de l'oeuvre de mémoire après passages des couches de vernis dammar.
310
Voir Annexe 19 : Protocole de vernissage.
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17. Réintégration colorée La réintégration a pour but de redonner une unité chromatique à la couche picturale et de recréer une continuité dans la lisibilité de la composition.
Les
lacunes
ont
été
réintégrées de manière illusionniste. La retouche a été faite selon la méthode des gris colorés. Dans un premier temps l’étape de repiquage des micro-lacunes a été primordiale quant à la compréhension
Figure 113 Détail du ciel en cours de réintégration (coin supérieur gauche). A gauche : après réintégration ; à droite : en cours de réintégration.
des zones colorées traitées (figure 114). Elle a été effectuée au pigment dans le liant Berger dilué dans un mélange d’éthanol et de diacétone alcool. Les fonds ont été montés à l’aide de gris colorés311 (figure 113). Des glacis sont ensuite appliqués dans une tonalité proche de la matière avoisinante.
Figure 114 Détail du visage de l'Enfant Jésus. A gauche: avant repiquage; à droite: en cours de repiquage.
311
Des tons froids plus clairs que l’original sont posés sur des mastics blancs. Les tonalités de gris sont obtenues par le mélange du blanc, du noir et des complémentaires. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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18. Vernissage312 Le vernis final a été appliqué en pulvérisation avec une résine Laropal® A81 diluée à 15% dans de l’isopropanol, avec 2% de Tinuvin® 292 en poids sec de la résine. Ce vernis final permet d’obtenir un effet satiné de la surface picturale et adoucit la brillance de la résine Dammar. Le solvant employé permet de poser de nouveaux feuils de vernis sans risque de diffusion avec la première couche de protection naturelle. Ce mode d’application a permis d’obtenir un aspect satiné adapté à notre œuvre. La pulvérisation s’est faite à l’aide d’un compresseur, à une distance de 1-1,30 m de l’œuvre qui est placée à la verticale sur un chevalet. L’application des feuils s’effectue avec des gestes verticaux et à un rythme précis pour obtenir un voile fin satiné régulier.
Figure 115 Vue générale de l'œuvre avant vernissage final.
312
Voir Annexe 19 : Protocole de vernissage.
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Récapitulatif du traitement effectué
Dépoussiérage superficiel au pinceau Décrassage de la couche picturale (TAC 1%) Carton de soutien Pose de protection de surface Dépose de l’œuvre Dépoussiérage du revers Aspiration du revers Aplanissement des bords de l’œuvre Dérestauration Cartonnage léger et retournement Décrassage du revers Incrustations Consolidations provisoires des déchirures Imprégnations (Plexisol® P550) Mise en extension sur bâti Reprise des déchirures Réactivation du Plexisol® P550 Traitement de la couche picturale - Dévernissage de la résine récente chancie et déplaquée - Suppression de la patine colorée et retrait des repeints - Décrassage - Purification des derniers repeints Mastics provisoires Protection de surface Imprégnation (Plexisol® P550) Réactivation Doublage transparent Délitage de la protection de surface Vernis intermédiaire (Dammar 15% dans du white-spirit au tampon) Structuration des mastics (Modostuc® couleur ivoire) Vernis d’isolation (Dammar 15% dans du white-spirit au spalter) Réintégration colorée (pigments et liant Berger) Vernissage final (Laropal® A81 à 15% dans de l’isopropanol en pulvérisation)
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Conclusion La première altération observée à la réception de l’œuvre, a été l’occultation de l’iconographie par plusieurs strates non originales supérieures épaisses, gênantes et dégradées. Le constat d’état a permis de mettre en valeur cette altération n’autorisant pas à l’œuvre de remplir sa fonction première : la contemplation et l’agrément du spectateur. Dès lors il a paru essentiel de « re-dévoiler » la Vierge à l’Enfant en lui redonnant une place dans l’histoire de la peinture. La lisibilité, une fois retrouvée, a permis une compréhension historique et esthétique du sujet. Les causes de la plupart des altérations présentes sont le vieillissement naturel des matériaux, le mode de stockage et les conditions hygrométriques du lieu de conservation. L’œuvre a également fait l’objet de restaurations antérieures importantes et invasives. Tous ces facteurs ont induit le protocole de restauration vers la stabilisation du support et le rétablissement de l’unité esthétique de l’image peinte. Les futures conditions de conservation devront être contrôlées même si le traitement de l’œuvre vise à anticiper ces phénomènes de dégradation. Une œuvre est le résultat concret d’une démarche intellectuelle, artistique et technique, les matériaux constitutifs en étant les témoins primordiaux. L’une des principales préoccupations de la démarche entreprise a été celle de la multiplication des traitements passés, présents et à venir. Il a fallu trouver un équilibre entre un traitement répondant aux nécessités de l’œuvre et une intervention respectueuse de ses caractéristiques physiques et esthétiques. Ce travail de restauration et conservation a été très formateur tant au niveau de la couche picturale que du support. Il a été parsemé de remises en question, de doutes et d’interrogations.
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Etude technico-scientifique Comparaison du Plexisol® P550 et du Medium de Consolidation® 4176 – Mise en place dans l’imprégnation des supports peints
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Introduction C’est au cours du XXe siècle que des recherches dans l’industrie du textile, du papier et de l’aéronautique, ont donné une impulsion à la fabrication de nouveaux adhésifs synthétiques. Dès lors, artistes et restaurateurs-conservateurs intègrent dans leurs ateliers ces nouveaux produits de synthèse. Dès 1967, les archives du C2RMF attestent l’emploi d’un adhésif synthétique dans l’application d’un rentoilage313. Ces produits sont ainsi rentrés dans les mœurs et dans la pratique des ateliers ; leur emploi est de plus en plus fréquent à la fin du XXe siècle314. Dans le cas de la consolidation d’une couche picturale, les résines synthétiques permettent une imprégnation du support original, avant un doublage. Une imprégnation permet de réduire la sensibilité du support toile aux variations environnementales et ainsi de ralentir les processus mécaniques de dégradation. Les résines synthétiques font l’objet de notre étude technico-scientifique. Comme l’a écrit Alain Roche : « On fait souvent appel à la même émulsion et on essaie de l’adapter en y ajoutant des additifs ou par une mise en œuvre spéciale. Il serait souhaitable que la gamme de ces produits s’élargisse un peu et que l’emploi de ces matériaux soit basé sur une méthode plus rigoureuse315. ». Face à la diversification des produits de restauration, le systématisme des interventions ne doit pas empêcher d’envisager l’ensemble des solutions à notre disposition. Le but de cette étude a été de tenter de pallier à l’emploi systématique du Plexisol®P550 dans l’imprégnation des supports, grâce à une résine récemment commercialisée : le Medium de Consolidation 4176 de chez Lascaux Colours & Restauro. De nombreux paramètres doivent être pris en compte, quantifiés afin de qualifier une résine, d’adhésif idéal. Elle doit remplir de nombreux critères ; une série de tests devra être réalisée afin de comparer ce nouvel adhésif à ceux habituellement employés à travers divers paramètres. La difficulté sera de vérifier sa compatibilité dans une stratigraphie de peinture classique, justifiant ainsi ses qualités physiques, mécaniques et optiques. Enfin, l’approche d’une consolidation mixte naturelle/synthétique sera envisagée, vérifiant la compatibilité physique et mécanique des matériaux. 313
CHEVALIER, Aurélia. « Histoire et évolution récente de l’usage des adhésifs synthétiques en restauration des supports toile ». Revue Coré, Paris : SFIIC, 2007, n°19, p. 53-58. C’est Bruno MOHLETHALER qui, en réponse à un courrier de Magdeleine HOURS le 3 janvier 1967, préconisait l’utilisation de l’Acronal® 300D en pulvérisation sur un support de Térylène. 314 CHEVALIER, Aurélia. Art. cit., p. 58. 315 ROCHE, Alain. Mécanismes de formation d’un film d’émulsion, p. 1. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Problématique et contexte de la recherche 1. Etat des recherches Les adhésifs utilisés en tant que consolidant dans les imprégnations, sont variés d’un pays à l’autre et même d’un atelier à un autre. Le Plexisol® P550 est très présent dans les propositions de traitement. Des études de vieillissement ont été menées sur de nombreux adhésifs dans le cadre de la restauration-conservation des biens culturels. Ces recherches portent sur un adhésif défini ou bien la comparaison entre deux, voire plusieurs. Les études effectuées dans les dossiers de l’Institut National du Patrimoine, ont également concerné bon nombre d’adhésifs de consolidation et leur mise en œuvre. La liste, non exhaustive, établie par Stéphanie Teyssier316 peut être agrémentée de recherches récentes dans les mémoires présentés depuis, à l’Ecole de Condé. Le Plexisol® P550 est sujet à des controverses ces dernières années, concernant son vieillissement et sa stabilité au sein des stratigraphies peinture. Sur la consolidation des supports, les recherches sont d’actualité, notamment sur les matériaux synthétiques et sur la transparence des matériaux de consolidation. La consolidation des supports, quels qu’ils soient, intéresse les restaurateurs et les conservateurs. Face à la diversité des médiums utilisés par les peintres, la profession se voit dans l’obligation de diversifier le panel de matériaux ainsi que leur mise en œuvre. Les consolidations mixtes (naturels et synthétiques) ne font pas partie de la littérature courante dans le domaine de la conservation et de la restauration. Le seul rentoilage mixte mentionné dans la pratique est naturel : refixage à la colle naturelle et rentoilage à la cire. La combinaison des matériaux naturels et synthétiques commence à s’immiscer dans les recherches, la plus récente est celle menée par Marion Guillermin317 sur le rentoilage transparent. La recherche sur les matériaux synthétiques utilisés sur les œuvres peintes est un chemin encore long à parcourir. Leur comportement et leur vieillissement ne sont pas encore entièrement connus.
316
TEYSSIER, Stéphanie. Refixage et consolidation d’une peinture mate de Georges Rouault. Mémoire ou thèse. Paris : Condé, 2009, p. 197-204. 317 GUILLERMIN, Marion. Charles E. Kuwasseg, Le Naufrage, 1866. Mémoire ou thèse. Paris : Condé, 2012, p. 107-155. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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2. Bibliographie318 : le Medium de Consolidation® 4176 Le Medium de Consolidation® 4176 de chez Lascaux, mis sur le marché en 2004, ne possède aujourd’hui que très peu d’articles et de références. C’est pourquoi il nous paraît important dans le cadre de cette étude, d’énoncer cette bibliographie, non exhaustive.
HEDLUNG, Hans Peter, JOHANSSON, Mats. Prototypes of Lascaux’s Medium for consolidation – Development of a new custom-made polymer dispersion for use in conservation, Revue Restauro n°6, vol. 111, 2005, p. 432-439.319
MARRIOTT, Sally. Lascaux 4176 Medium for Consolidation, Revue The Picture Restorer n°37, 2010, p. 34-35.
PARKER, James. Testing adhesive emulsions for use in conservation of ethnographic artefacts, Conservation News, mai 2005, pp. 24-27.
Fiche technique de chez Lascaux.
www.fitzmuseum.cam.ac.uk/dept/.../wrapson.pdf : utilisation de ce médium au Fitzwilliam Museum à Cambridge, pour la restauration d’une momie de Hel Hibeh dans le but de consolider une couche picturale en soulèvement.
http://www.britishmuseum.org/research/search_the_collection_database/CSR_details. aspx?div=ajaxContent&csrtype=treatment&conseventid=99062&treatmentid=1 : proposition de traitement au British Museum en octobre 2009.
http://www.stbotolphs.net/St_Botolph_treatment_report.pdf : utilisation de ce médium pour plusieurs interventions de consolidation de couche picturale en août 2008 sur des objets d’art de St Botolph’s Church de Cambridge. Il est également possible de trouver des rapports d’intervention préconisant l’emploi de
cet
adhésif cependant la littérature scientifique le concernant n’est pas complète et
nécessiterait d’être approfondie. Mais au cours de nos recherches, le Medium de Consolidation® 4176 a été rencontré de nombreuses fois dans le cadre de traitements divers dans notre entourage et dans les ateliers que nous avons fréquentés. L’ensemble de ces informations ont permis de choisir un mode d’application et des conditions d’utilisation. Adhésif essentiellement utilisé en Suisse, il a été primordial de contacter des restaurateurs-conservateurs suisses, afin d’obtenir des informations concernant 318
La bibliographie a été mise à jour régulièrement au cours des deux dernières années, selon les parutions récentes traitant de ce produit. 319 Voir Annexe 20 : Résumé de l’article de Hans Peter Hedlung et de Mats Johansson. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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les concentrations d’utilisation, les solvants de dilution, la réversibilité et les temps de séchage320. Autant de paramètres inexistants ou incomplets dans les fiches techniques et la littérature étudiée. Mais notre recherche
est
également
basée
sur
notre
expérience
personnelle du Medium de Consolidation utilisé lors d’un stage à l’atelier Conservart à Bruxelles (Belgique)321. C’est d’ailleurs cette expérience professionnelle qui a induit notre réflexion.
3. Justification et objectif de l’étude Le but de l’étude menée est d’agrandir le panel des matériaux synthétiques à la disposition des restaurateurs-
Figure 116 Vue des contenants commerciaux du Medium de Consolidation® 4176 chez Kremer Pigments.
conservateurs dans la consolidation de la couche picturale. Dans les ateliers de restauration, le Plexisol® P550 est un matériau qui revient couramment dans les traitements de consolidation car peu d’adhésifs, en définitive, sont à notre disposition. Dans le domaine des peintures murales, d’autres adhésifs, utilisés à plus faibles concentrations, sont aussi employés. Cependant, en pratique, l’utilisation systématique d’un adhésif ne permet pas de faire face à toutes les situations qui se présentent dans les traitements d’œuvres peintes. Afin de pallier à ce systématisme, le Medium de Consolidation® 4176 qui avait déjà retenu notre attention pour ses nombreuses qualités, sera mis en place en tant qu’adhésif d’imprégnation. Notre choix s’est porté sur cet adhésif synthétique pour ses nombreux avantages physiques mais également mécaniques, encore trop peu connus par la profession. Face au peu de publications existantes, il est alors intéressant de pouvoir en faire une étude et d’ouvrir la voie à d’autres études. Outre ses capacités, il s’agit d’une émulsion aqueuse diluée dans l’eau qui peut potentiellement avoir les mêmes intérêts qu’une colle protéinique hydrosoluble, mais stable à l’humidité. Ce paramètre n’est pas testé dans le cadre de cette étude mais il serait important de démontrer cette qualité322.
320
Voir Annexe 21 : Contacts établis avec différents restaurateurs. Voir Annexe 22 : Utilisation du Medium de Consolidation® 4176 sur une peinture à l’huile sur carton. 322 HEDLUNG, Hans Peter, JOHANSSON, Mats. Prototypes of Lascaux’s Medium for consolidation – Development of a new custom-made polymer dispersion for use in conservation, Revue Restauro n°6, vol. 111, 2005, p. 432439. La résistance de cette résine à des conditions environnementales extrêmes, dont l’humidité, a été prouvée expérimentalement. 321
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Déjà utilisé dans le cadre d’un stage, ses propriétés (viscosité, pouvoir collant, vitesse de pénétration…) ont révélé un réel intérêt dans la cadre de la consolidation d’une couche picturale. Il sera donc comparé au Plexisol® P550 couramment utilisé mais présentant des inconvénients notables : la brillance au revers du support après séchage, une certaine rigidité après application mais également un vieillissement controversé. Pour des raisons pratiques, le nombre d’adhésifs testés a été restreint à ces deux principaux. Les deux choisis seront comparés selon plusieurs paramètres prédéfinis. Ils donneront des résultats spécifiques mettant en lumière leurs avantages et leurs inconvénients. L’adhésif le plus apte à consolider une couche picturale doit répondre à un cahier des charges préalablement défini lors du constat d’état d’une œuvre. Seuls quelques paramètres seront testés dans le temps qui nous est imparti. L’introduction d’un matériau de nature différente au sein de la stratigraphie, change la nature chimique de l’œuvre et provoque des changements comportementaux. Une imprégnation hétérogène est source d’une consolidation inégale qui induirait des soulèvements et des pertes de matière de la couche picturale à plus ou moins long terme. Cette étude a également pour but de nous interroger sur les méthodes de consolidation des supports. Les consolidations mixtes (naturelles/synthétiques) ont souvent été une source d’interrogation durant notre cursus. Le Medium de Consolidation® 4176 – émulsion aqueuse non sensible à l’eau – a dirigé notre étude vers l’expérimentation d’une consolidation de support mixte. L’affinité chimique et mécanique entre les matériaux naturels et synthétiques est une réelle question souvent évoquée dans les traitements des œuvres peintes. Les restaurateurs optent pour des traitements naturels tels que le refixage à l’aide d’une colle protéinique et le rentoilage traditionnel à la colle de pâte, ou pour des traitements synthétiques tels que l’imprégnation du support au Plexisol® P550 et le doublage thermoplastique au Plextol® B500. La combinaison de ces deux types de traitement pourrait probablement répondre à certaines problématiques posées pour des tableaux complexes. L’étude du Medium de Consolidation® 4176
peut
révéler des affinités chimiques avec la colle de pâte
traditionnelle.
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Notions théoriques 1. Théorie de l’adhésion au sein d’une stratigraphie peinture 1.1.Principe de l’adhésion Dans son sens étymologique, l’adhésion est l’ensemble des phénomènes physiques et/ou chimiques engendrés lorsque deux surfaces sont mises en contact. Elle résulte de phénomènes complexes agissant à l’interface entre deux corps. Ces interactions provoquent l’adhérence323 à l’interface adhésif et substrat. Aucun mécanisme universel n’explique aujourd’hui le principe de l’adhésion. Combinés, ces mécanismes expliquent l’existence d’un assemblage324. Alain Roche décrit l’adhésion entre deux matériaux comme étant un « accrochage mécanique (qui) apparaît entre un substrat poreux et un adhésif liquide si ce dernier est en mesure de le pénétrer correctement325. ». Dans le cas d’une substance non poreuse, l’adhésion est un lien avec la formation d’interactions moléculaires des matériaux en contact. Elle est l’action de forces qui s’opposent à la séparation des molécules appartenant à plusieurs corps ; forces qui s’établissent entre « l’adhésif » et la surface du solide. Cependant certaines théories permettent de comprendre le principe de l’adhésion :
Théorie mécanique : elle désigne l’interpénétration des matériaux entre eux. L’adhésion entre un substrat et un liquide est permise grâce à la porosité du substrat mais aussi à la viscosité du liquide326. Ce phénomène dépend également de la capillarité, et par définition de l’irrégularité de surface, de la mouillabilité et de la tension superficielle327. Elle est la plus ancienne théorie de l’adhésion énoncée par Mac Bain et Hopkins en 1925 sur des travaux concernant le collage du bois. Ils décrivent l’adhésion comme un ancrage mécanique dépendant de la porosité des substrats à assembler.
323
Rapport force/énergie nécessaire pour séparer deux matériaux réunis par une surface commune. CARSALADE, Elodie. Transitions et relaxations dans les assemblages polymères à base polyester à finalité ballons stratosphériques. Mémoire ou thèse. Toulouse : Université Paul Sabatier, 2009, p. 21. 325 ROCHE, Alain. Op. cit., p. 113. 326 Plus un liquide sera visqueux, plus il aura du mal à pénétrer au sein d’un substrat. La porosité de ce dernier influe sur la pénétration également : si la porosité est ouverte, la pénétration s’opérera plus facilement et inversement. La porosité est donc sans conteste, un des facteurs favorables à l’adhésion, ne serait-ce qu’en raison de l’augmentation de l’aire de contact à l’interface. 327 Plus la tension superficielle d’un liquide est élevée, moins la mouillabilité de ce liquide sur un substrat est évidente. Plus la tension superficielle est élevée, plus l’angle de mouillabilité est élevé et moins le liquide pénétrera au sein du substrat. 324
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Théorie électrique : elle explique la création d’une couche électrique entre deux interfaces grâce à la formation de charges électrostatiques. Elle est permise par une hétérogénéité chimique et une irrégularité de surface. Cette théorie, mise au point par Boris Deryagin en 1948, étudie le pelage d’un film d’adhésif déposé sur une plaque de silicium et mesure une énergie de séparation d’une centaine de joules par mètre carré (le substrat et l’adhésif sont considérés comme deux plaques d’un condensateur). Cette théorie est actuellement controversée.
Théorie de la diffusion : elle fut proposée par Voyuskii en 1971 et résulte de l’interdiffusion entre les chaînes moléculaires des deux surfaces en présence. On parle alors d’interphase qui suppose la miscibilité et la compatibilité des matériaux. Ce processus, régi par les lois de Fick, est activé thermiquement et dépend du temps et de la pression d’assemblage.
Théorie chimique : mise au point par Buchan et Rae, elle est basée sur la formation de liaisons covalentes – qui sont parmi les plus fortes – entre deux corps. Les liaisons présentes sont autant de points d’ancrage qui assurent une importante résistance à la rupture et une durabilité de l’assemblage328.
Théorie physique (également appelée « adhésion spécifique ») : elle représente les forces d’attraction entre un substrat et un adhésif. Les liaisons intermoléculaires (les forces de Van der Waals et les liaisons hydrogènes) et les liaisons interatomiques (les liaisons ioniques, les liaisons covalentes et les liaisons métalliques) interviennent également dans le principe d’adhésivité.
Théorie thermodynamique : autrement appelée « théorie du mouillage », elle a été définie par Scharpe et Schonhorn en 1970. Ce phénomène est issu des interactions intermoléculaires dites forces de Van der Waals. Ces liaisons faibles ont besoin d’un contact optimal entre les deux surfaces pour créer une bonne adhésion. Elle est aussi régie par la notion de mouillabilité et donc de tension superficielle, soit l’énergie libre par unité de surface.
1.2.Les adhésifs Un adhésif est « une substance susceptible d’adhérer à une surface. Une colle est un adhésif, mais tous les adhésifs ne sont pas des colles329 ». Il peut être d’origine naturelle (animale, végétale, fossile) ou synthétique (organique, inorganique). Il a pour fonction 328 329
CARSALADE, Elodie. Op. cit., p. 21. PEREGO, François. Op. cit., p. 211.
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d’assembler deux surfaces, de « jointer » ou de « colmater » comme un mastic d’étanchéité, de relier des particules ou des fibres (liants d’agglomération)330. Les plus performants et les plus fiables mécaniquement sont les adhésifs classiques structuraux331, étudiés dans notre cas. « Une colle » est la réunion d’un polymère de base qui confère une cohésion d’ensemble, mais aussi l’addition d’éléments spécifiques : des éléments tackifiants qui augmentent le pouvoir collant, des agents stabilisants (antioxydant, anti-UV…), des plastifiants qui augmentent la souplesse et des charges. « Une colle est un adhésif mais tous les adhésifs ne sont pas des colles332. ». Une colle est caractérisée par son aspect fluide à l’application qui assemble deux surfaces solides après leur séchage et leur durcissement. Un adhésif n’a pas forcément un aspect liquide mais peut se présenter sous la forme d’un papier, d’un ruban, d’un tissu…333 On peut ainsi parler de liant ou de fixatif. La notion de collage – d’assemblage – remonte à l’origine de l’homme334. L’utilisation des adhésifs (essentiellement d’origine animale, végétale et minérale) est attestée depuis 4 500 avant J.-C.335 On connaît la colle d’os, la caséine, le goudron, la poix ou encore les cires. La notion d’adhésion a été rapidement comprise pour certaines substances naturelles telles que le lait, la caséine ou les gommes. Le collage et l’assemblage des matériaux sont des notions anciennes et de nombreuses substances et recettes seront utilisées au cours des siècles. La bave de limace est souvent citée dans les traités, encore au XIX e siècle. Les colles naturelles étant réputées de faibles performances, ce sont les résines synthétiques qui offriront une grande diversité d’adhésifs. Leur emploi s’est généralisé et leur performance a été la motivation principale de l’apparition de certaines colles de synthèse : les colles phénoliques336 dès la fin du XIXe siècle ou les colles époxydes pendant la Seconde Guerre mondiale337. Une large gamme d’adhésifs est alors disponible dans le domaine des Beaux-Arts et l’ensemble de ces produits a rapidement intéressé le monde de l’industrie. Aujourd’hui les adhésifs synthétiques et naturels sont des produits essentiels dans les ateliers et dans les protocoles de restauration.
330
COUVRAT, Patrice. Le Collage moderne. Paris : Editions Hermès, 1990, p. 18. Un adhésif est dit structural lorsque sa résistance au cisaillement est supérieure à 7 MPa. 332 PEREGO, François. Op. cit. , p. 211. 333 BEGIUN, André. Dictionnaire technique de la peinture. Paris : A Béguin, 1979, v. 1, p. 22. 334 COUVRAT, Patrice. Op.cit., p. 9. 335 PEREGO, François. Op. cit., p. 211. 336 Mises au point par les frères Derepas, ils déposèrent leur premier brevet, destiné au collage des bois. Les colles phénoliques ne se développèrent qu’à partir de 1925. 337 COUVRAT, Patrice. Op. cit., p. 9. 331
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La modernisation des systèmes d’assemblage, la meilleure connaissance des théories de l’adhésion et la large production de produits de plus en plus performants, permettent aujourd’hui d’envisager le collage de matériaux de natures différentes. 338 On constate depuis plusieurs années, qu’en termes de traitement des supports, la profession s’est orientée vers l’emploi d’émulsions, pour leur comportement stable dans le temps et leur facilité d’emploi339.
2. L’imprégnation : stabilisation du support et consolidation de la couche picturale 2.1.L’imprégnation Historiquement, l’imprégnation revêt plusieurs formes selon les époques et les habitudes des restaurateurs. Elle concerne aussi bien les supports textiles que les supports durs. Une des méthodes les plus anciennes de protection des revers, est l’imprégnation d’huile siccative – autrement appelée « nourrissement340 » - visant à minimiser les effets des variations climatiques.341 L’oxydation progressive et la polymérisation de l’huile n’ont pas eu que de bons effets sur l’intégrité des supports concernés : les œuvres devenaient rigides et cassantes, l’huile catalysant les réactions. Les mélanges de cire-résine (à froid ou à chaud) ont également été employés à ce titre, en particulier au XIXe siècle. Parmi ces essais empiriques, les colles synthétiques se sont imposées dans ce type d’opération, créant une couche d’isolation suffisante pour limiter la pénétration de l’adhésif de rentoilage ou de doublage au sein de la stratigraphie et pour protéger le support des variations climatiques. En pratique, l’imprégnation a pour but de modifier volontairement le comportement hygroscopique et stratigraphique d’une toile, afin de la stabiliser par une protection directe. Elle consiste en l’application au revers du support d’un agglutinant synthétique préalablement choisi selon les besoins de la consolidation de l’œuvre peinte (figure 117). Plusieurs couches d’adhésif sont appliquées à l’aide d’un large spalter : le but est de saturer les fibres de la toile. L’adhésif traverse les couches constituantes du support d’origine. La concentration en résine augmente au fur et à mesure des couches successives. Tout en veillant à respecter les temps de
338
Idem, p. 9-10. ROCHE, Alain. Mécanismes de formation d’un film d’émulsion, p. 1. 340 Cette intervention était déjà décrite par Turquet de Mayerne en 1620 dans son ouvrage, où il conseillait l’application d’une huile bouillie. Il n’est d’ailleurs pas rare de retrouver également des pigments mélangés, donnant une coloration au revers des supports. 341 KNUT, Nicolaus. Op. cit., p. 114. 339
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séchage, le support devient de plus en plus imperméable et moins hygroscopique. L’imprégnation réduit alors la perméabilité d’un support, le stabilise et lui redonne une homogénéité. Le solvant dans lequel est dilué l’adhésif tend à s’échapper du substrat : le phénomène d’évaporation du solvant se superpose alors au phénomène de coalescence des molécules de l’adhésif. Le séchage correspond donc à la création de liaisons entre les molécules d’adhésif, qui se rapprochent et s’organisent en réseau : il est dépendant du pouvoir de rétention du solvant. Par la suite, la consolidation (ou refixage) est effectuée sur une table basse pression. La chaleur réactive et resolubilise la résine qui circule au sein de la trame du support et agit en tant que consolidant de la couche picturale grâce à la fonction aspirante de la toile, et à la pression exercée. A l’approche de la température de transition vitreuse (Tg), le film d’adhésif est ramolli. L’imprégnation – à la fois consolidation et isolation – revêt ainsi plusieurs rôles primordiaux.
Figure 117 Imprégnation en cours de l'œuvre de mémoire, à l'aide d'un adhésif synthétique. L’œuvre, sous cartonnage, a reçu quatre couches de Plexisol® P550 à deux concentrations différentes.
L’adhésif pénètre dans le support d’origine de façon irréversible. Au vu de la nature synthétique du matériau ajouté, le comportement hygroscopique de la toile originale est également modifié de manière irréversible. L’adhésif d’imprégnation doit répondre à de nombreux paramètres car il sera sollicité par tous les mouvements de la toile et les différentes manipulations. Il est important qu’il soit thermoplastique pour être réactivé sur table basse pression et qu’il ait une viscosité et une pénétration capillaire satisfaisantes. La viscosité dépend des interactions moléculaires, de la grosseur des particules, du degré de polymérisation du polymère mais également de la concentration de l’adhésif dans son solvant de dilution. En somme la pénétration capillaire est fonction de la viscosité de l’adhésif et de la porosité du matériau à consolider. L’introduction d’un consolidant permet entre autres, de Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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combler les vides créés par les craquelures ou autres anfractuosités de surface, limitant la pénétration de polluants et les échanges atmosphériques.
2.2.Les adhésifs synthétiques Les adhésifs synthétiques sont composés de molécules organiques assemblées par synthèse342. Leur diversité permet de mettre sur pied plusieurs classements : les résines thermoplastiques343 et thermodurcissables ou les résines acryliques et polyvinyliques. Un adhésif synthétique peut être de nature organique ou inorganique : organique dans le cas des acétates de polyvinyle, des résines acryliques, des alcools polyvinyliques, des dérivés cellulosiques, des époxydes, des polyesters… et inorganique dans le cas des silicates alcalins. Ce sont généralement des polymères synthétisés à partir d’un nombre n d’entités d’une espèce chimique, appelés monomère344. Formant une macromolécule après combinaison de ces entités et après réaction de polyaddition ou de polycondensation, les résines vinyliques et acryliques sont obtenues par polyaddition. Afin qu’une réaction de polymérisation ait lieu, il faut qu’elle soit catalysée par une source énergétique (chaleur, rayonnement…). Les monomères possèdent chacun des doubles liaisons carbone/carbone qui se scindent par la présence d’un catalyseur. Les radicaux libres créés par cette scission, réagissent entre eux pour former de longues chaînes de monomères. C’est au début des années 1870 que John Hayatt met au point la première matière plastique « le celluloïd » en mélangeant divers produits chimiques ; les adhésifs de synthèse sont découverts. La seconde Guerre Mondiale donna une impulsion considérable aux matières plastiques et leur diversité aujourd’hui est représentative. Avant leur apparition, les restaurateurs et plus particulièrement les rentoileurs disposaient uniquement d’adhésifs naturels, limitant la progression des techniques de consolidation. Les adhésifs synthétiques ont permis, par leurs propriétés physiques et mécaniques, la mise en place de nouvelles possibilités.
342
PEREGO, François. Op. cit., p. 636. Les thermoplastiques sont les plus utilisés en restauration-conservation du patrimoine. Ils sont constitués d’un assemblage de macromolécules, reliées par des liaisons fortes et faibles de type Van der Waals, leur conférant une tenue limitée à la température mais plusieurs mises en formes. 344 LE POIZAT, Virginie. « Etude de l’influence des couches de non-tissé intermédiaires dans la réversibilité du doublage thermoplastique au Plextol® B500 », Revue Ceroart, Paris, 2011. 343
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Les résines acryliques Les résines acryliques désignent un ensemble de matières thermoplastiques obtenues par polymérisation des dérivés acides acryliques et méthacryliques 345. Les polymères acryliques obtenus à partir d’esters, sont les seuls actuellement utilisés dans le domaine des Beaux-Arts et de la restauration. Réputées performantes et résistantes au vieillissement, les résines acryliques forment des films élastiques et souples après séchage. Les esters ont des caractéristiques données selon leur monomère d’origine. Ces propriétés permettent au textile, dans le cas d’imprégnation, de conserver ses qualités mécaniques. Les résines vinyliques ne font également pas partie de notre étude.
Mise en place du protocole 1. Cahier des charges adhésif/solvant L’adhésif « idéal » doit répondre à plusieurs paramètres essentiels pour une bonne conservation des œuvres peintes. Comme écrit précédemment, il est important que l’adhésif ait une bonne faculté de pénétration – donc une faible viscosité – même dans les plus faibles interstices, sans pour autant traverser la totalité de la stratigraphie. Une faible tension superficielle et un bon mouillage du substrat sont, par définition, requis. De plus, un faible poids moléculaire permet une meilleure pénétration. Les propriétés physiques de l’adhésif doivent également permettre une fabrication et une mise en œuvre simples à l’aide de spalters ou de seringues. Après séchage, un adhésif doit pouvoir former une fine couche conservant une élasticité suffisante pour pallier aux variations dimensionnelles ultérieures du substrat. Cependant il se doit d’être mécaniquement plus fragile que la peinture car son comportement ne doit pas s’imposer au film de peinture. L’adhésif ne doit également pas subir de variation dimensionnelle au séchage lors de l’évaporation du solvant et ne doit pas, non plus, dégager de produits de dégradation. De plus, il ne doit pas modifier l’apparence visuelle de la couche colorée. Ainsi sa transparence et sa non-coloration après séchage sont primordiales. Dans une intervention idéale de consolidation, l’adhésif ne doit pas modifier la saturation, ni l’intensité ni la luminosité de la couche colorée.
345
DELCROIX, Gilbert, HAVEL, Marc. Phénomènes physiques et peinture artistique. Puteaux : EREC, 1988, p. 79.
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L’adhésif doit également conserver une certaine stabilité dans le temps aux agents atmosphériques. Résistante aux agents biologiques, la résine doit rester soluble dans ses solvants de dilution ou dans l’idéal, de manière mécanique. L’adhésif doit bien évidemment être compatible avec les interfaces concernées. Face à tous ces paramètres, il est important de considérer la toxicité – pour le restaurateur, l’environnement et la structure – du produit utilisé. La rétention du solvant de dilution doit être faible ou moyenne, dans un but préventif. Cependant une vitesse d’évaporation faible peut engendrer un ralentissement voire une absence de migration du solvant et de l’adhésif dans chacune des strates. Il est également évident que le solvant doit solubiliser au mieux la résine concernée et apporter toutes les qualités requises à son transport. Rappelons qu’un solvant volatil possède une pression de vapeur saturante élevée, une chaleur latente d’évaporation et une température d’ébullition faibles. La polarité du solvant devra également être surveillée et être en adéquation avec la couche colorée.
2. Les adhésifs d’imprégnation testés346 Devant la diversité des produits à disposition, notre choix s’est restreint à des résines ayant des propriétés susceptibles de se rapprocher au plus près du cahier des charges établi pour ce type d’intervention. L’étude s’est alors orientée autour de deux adhésifs : le Plexisol® P550 et le Medium de Consolidation® 4176. Les colles naturelles de type protéinique n’ont pas été retenues dans l’étude. Les résines thermodurcissables ont également été écartées pour leur irréversibilité et pour leur tendance à réticuler. Les résines vinyliques n’ont également pas été choisies ; elles ont tendance à donner des films durs qui réticulent dans le temps. Enfin, les éthers de cellulose n’ont pas été traités pour leur faible capacité de pénétration due à la longueur de leur chaîne moléculaire.
2.1.Le Medium de Consolidation® 4176347 Le Medium de Consolidation® 4176 est une émulsion aqueuse348 de copolymère acrylique. Il est constitué d’ester acrylate, d’ester méthacrylate et de styrène349. Les caractères
346
Voir Annexe 23 : Fiches techniques des adhésifs sélectionnés. Voir Annexe 24 : Fiche fournisseur du Medium de Consolidation® 4176. 348 Une émulsion aqueuse présente plusieurs avantages par rapport aux solutions de résines synthétiques. Elle est formée d’un liquide de dispersion – l’eau – et de particules d’une substance insoluble. 347
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principaux de la résine – mentionnés dans la littérature – sont un bon pouvoir pénétrant et sa très bonne stabilité, y compris sous contrainte maximale. Son poids moléculaire faible est confirmé par la taille moyenne de ses particules, lui permettant d’être un adhésif de faible viscosité. Le Medium de Consolidation® 4176 est également réputé pour son bon pouvoir adhésif à faible concentration ; une faible quantité d’adhésif est d’ailleurs conseillée dans la littérature. Au séchage, il forme un film souple et transparent. Cette résine acrylique est apparue récemment parmi les adhésifs de restauration. Sa documentation et sa littérature sont cependant peu étendues. Il a donc été important d’en faire une liste précise, cependant non exhaustive350. Remplaçant l’Acronal® 300D351 retiré du commerce, le Medium de Consolidation® 4176 se rapproche au plus près de ses propriétés physiques et mécaniques et les dépasse même. Dans l’article de Hedlung et Johansson352, l’adhésif est soumis à des conditions de conservation extrêmes (chaleur, humidité, lumière, rayons UV et R) donnant d’excellents résultats. Cependant son comportement au sein d’une stratigraphie peinture n’a pas été étudié, même s’il est conseillé pour la restauration de peintures de chevalet dans les fiches techniques. Sa diffusion commerciale n’est pas généralisée (CTS ne le commercialise pas). Il a été possible de le trouver chez Sennelier à Paris, chez Kremer Pigments ou encore sur le site de talasonline.com : la bouteille de 500 mL vaut 54,77 euros. Il est aussi commercialisé dans un contenant d’un litre. Évidemment plus cher que le Plexisol®P550, il est cependant utilisé à de plus faibles concentrations. Il apparaît sous forme liquide et laiteuse, facile à manipuler contrairement au Plexisol. Il demeure soluble dans l’acétone ou le xylol.
2.2.Le Plexisol® P550 Le Plexisol® P550 est une solution organique de la famille des résines acryliques. Son monomère de base est le méthacrylate de butyle (BMA). Le BMA est un polymère thermoplastique obtenu à partir d’esters : il est incolore, transparent et demeure stable à la lumière mais a tendance à s’insolubiliser par réticulation sous certaines lumières 353. Son poids 349
Le styrène est un composé organique de formule C8H8, incolore, huileux, toxique et inflammable. Utilisé pour fabriquer les plastiques, en particulier le polystyrène. 350 Cf. p. 143-145. 351 Ester acrylique utilisé pour le refixage des couches picturales des sculptures polychromes, vendu par BASF dès les années 60 et retiré du marché, faute de demande de la part des professionnels. 352 HEDLUNG, Hans Peter. JOHANSSON, Mats. Op. cit., p. 432-439. Voir Annexe 20 : Résumé de l’article de Hans Peter Hedlung et de Mats Johansson. 353 DELCROIX, Gilbert, HAVEL, Marc. Op. cit., p. 81. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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moléculaire et sa densité sont moyennes par rapport à d’autres adhésifs mais il offre une bonne résistance aux rayons ultraviolets. Son pouvoir adhésif est moyen. Dans son conditionnement commercial, le Plexisol® P550 se présente à l’état liquide et transparent par la présence du BMA. Le film sec de Plexisol® P550 est brillant, relativement souple et flexible. Il demeure soluble dans les solvants non polaires tels que les aliphatiques, les aromatiques et les esters et dans les solvants polaires tels que les cétones. Il est cependant peu soluble dans les autres composés polaires comme l’eau ou les alcools. Dans le cadre d’une imprégnation, il est dissout dans du white-spirit enrichi en hydrocarbures aromatiques. Le Plexisol® P550 a
Figure 118 Vue du contenant commercial.
déjà fait ses preuves en restauration-conservation et il obtient
Inconvénients
Avantages
les meilleurs résultats des tests d’adhésivité. Medium de Consolidation® 4176 Bon pouvoir de pénétration Stable aux variations hygrométriques Peut être dilué dans l’eau Préparation et utilisation faciles Réversible dans des solvants peu toxiques Aucun phénomène de jaunissement
Plexisol® P550 Bonne stabilité Bonne pénétration
Contient du styrène pH relativement élevé
Brillant après application Faible adhésivité Rigidifie le support après imprégnation Préparation moins aisée Utilisation de solvants toxiques Tendance à réticuler
3. Paramètres à tester L’ensemble des paramètres cités dans les critères de qualification du consolidant idéal aurait pu être testé. Beaucoup d’entre eux ont déjà été traités dans la littérature scientifique comme la réversibilité, la viscosité et le vieillissement. Cependant l’étude se limite ici à trois paramètres. Ils devaient être quantifiables et faciles à mettre en œuvre dans une expérimentation. Ils concernent certaines propriétés mécaniques et physiques des adhésifs, les
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plus pertinentes au vu du temps imparti.
L’étude va ainsi se concentrer sur les trois
paramètres suivants :
La pénétration capillaire
L’élasticité
Le pouvoir adhésif
D’autres paramètres tels que les modifications visuelles et dimensionnelles, la compatibilité, l’efficacité ou la viscosité seront appréciés qualitativement durant les différentes manipulations mais ne seront pas soumis à un protocole expérimental. Pour chaque expérience, des matériaux de référence seront les comparateurs du nouveau matériau testé. Ils permettront d’obtenir des études comparatives cohérentes avec une mise en œuvre réelle en restauration-conservation. Rappelons que le but est de rapprocher au mieux les capacités d’un adhésif d’imprégnation déjà connu à celles du Medium de Consolidation® 4176. Pour chacun des protocoles expérimentaux, dix pré-tests sont réalisés sur une famille d’éprouvettes préalablement choisies. En effectuant dix fois une même expérience, la répétabilité354 de cette dernière est évaluée et quantifiée par le calcul de l’erreur relative. La marge d’erreur, inférieure ou égale à 15%, est représentative de la véracité de l’expérience ; elle autorise la poursuite du protocole avec l’ensemble des éprouvettes réalisées.
3.1.Protocole de détermination des concentrations 3.1.1. Objectif de l’expérimentation Il a été important – dans le cadre de l’étude d’un nouveau matériau dont on ne connaît que peu les méthodes de mise en œuvre – de déterminer à quelle concentration le Medium de Consolidation® 4176 devra être utilisé. L’objectif de l’expérience est de comparer qualitativement l’adhésivité et la viscosité du Medium de Consolidation® 4176 à quatre autres adhésifs sélectionnés : le Plexisol® P550, le Régalrez® 1126, le Primal® E330 et l’Aquazol® 500355, par des tests d’arrachage. Le jugement qualitatif est basé sur la matière arrachée et la matière restante sur l’échantillon de peinture. La juxtaposition des résultats
354
La répétabilité consiste à refaire plusieurs fois une même expérience avec le même appareil et le même expérimentateur. En revanche, la reproductibilité consiste à refaire une même expérience mais avec un autre appareillage et un expérimentateur différent. 355 Les adhésifs sélectionnés ont été dictés par l’expérience menée par Stéphanie TEYSSIER dans son mémoire de fin d’études. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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permettra de déterminer les concentrations à étudier du Medium de Consolidation® 4176 dans la suite de l’étude.
3.1.2. Protocole expérimental356 3.1.2.1. Matériels requis Pour l’expérience : Une toile industrielle encollée et préparée déjà montée sur châssis ; Des pigments bleu outremer et de l’essence de térébenthine ; 5 petits spalters pour l’application de chaque adhésif ; Seringues de 5 mL ; Un rouleau de ruban adhésif extra-fort de 2 cm de largeur ; Ruban adhésif double face La préparation des adhésifs357 : Medium de Consolidation® 4176 dilué dans de l’eau déminéralisée ; Plexisol® P550 dissout dans du white spirit acheté dans le commerce, enrichi en aromatiques ; Régalrez® 1126 dissout dans du white-spirit ; Primal® E330 dilué dans de l’éthanol ; Aquazol® 500 dissout dans de l’éthanol. Les concentrations sélectionnées correspondent aux concentrations d’usage en restauration-conservation de peintures de chevalet.
En ce qui concerne le Medium de
Consolidation® 4176, il a semblé judicieux de partir du poids sec de la résine qui est de 25% et de décroître la concentration jusqu’à 5%, avec un pas de 5. Les adhésifs choisis sont tous des résines thermoplastiques acryliques susceptibles de répondre à notre cahier des charges.
Medium de Consolidation® 4176
5% - 10% - 15% - 20% - 25%
Plexisol® P550
5% - 10% - 20%
Régalrez® 1126
20% - 35%
Primal® E330
5% - 10% - 20%
Aquazol® 500
1,5% - 3% - 5%
Figure 119 Tableau récapitulatif des concentrations choisies pour chaque adhésif.
356
Cette expérience est inspirée de celle menée par Céline MAUJARET dans son mémoire de fin d’études à l’Institut National du Patrimoine. 357 Les adhésifs ont été préparés en grande quantité pour être utilisés dans tous les protocoles d’expérimentations. Nous nous sommes basée sur les adhésifs sélectionnés par Stéphanie TEYSSIER dans son mémoire. Voir Annexe 23 : Fiches techniques des adhésifs sélectionnés. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Figure 120 Préparation des concentrations définies du Medium de Consolidation® 4176.
3.1.2.2. Préparation de l’expérience Chaque adhésif est testé aux concentrations prédéfinies avec un échantillon témoin sans adhésif. Chaque concentration est testée trois fois afin d’établir une répétabilité. Ainsi nous avons réalisé : MFK (5 concentrations x 3 + 1) + Plexisol (3 concentrations x 3 + 1) + Régalrez (2 concentrations x 3 + 1) + Primal (3 concentrations x 3 + 1) + Aquazol (3 concentrations x 3 + 1) = 53 échantillons. Sur une toile de coton industrielle préparée, de format 10P, l’emplacement des 53 échantillons est marqué. Ils ont tous les mêmes dimensions : 2 x 5 cm et sont répartis selon sept colonnes distinctes sur la toile : une pour les pré-tests, deux pour le MFK, une pour le Plexisol, une pour le Régalrez, une pour le Primal et une pour l’Aquazol (figure 213). Après avoir préparé une couleur à l’aide de pigments bleus et d’essence de térébenthine, une même quantité a été appliquée à l’aide d’un pinceau langue de chat. L’application s’est faite en trois fois afin d’obtenir un étalement de la matière et des surfaces identiques en vue de la cohérence des résultats. Nous n’avons pas appliqué une matière lipidique – comme cela est le cas sur notre tableau – en raison de son temps de séchage. L’essence de térébenthine a permis d’obtenir une couche picturale fragile et pulvérulente, essentielle à l’efficacité des tests d’arrachage prévus. Après un séchage suffisant et évaporation de la térébenthine, la pulvérulence des échantillons était effective et les adhésifs ont pu être appliqués sur chaque emplacement à l’aide d’une seringue : 2mL de liquide sous forme de gouttes pour chaque éprouvette appliqués à des endroits préalablement marqués (figure 121). La capacité d’écoulement et de pénétration de chaque adhésif ont donc pu être observées au cours de l’application. Après séchage des consolidants (environ une semaine), les rubans ont été déposés sur chaque éprouvette dans une dimension de 2 x 7 cm. Après leur mise en place, une pression
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constante a été appliquée pendant plusieurs jours afin que les rubans adhésifs adhèrent de manière optimale et homogène à chaque échantillon.
Figure 121 Détail de l'application de l'adhésif à l'aide d'une seringue.
3.1.2.3. Déroulement du protocole d’expérimentation Des tests d’arrachage des rubans adhésifs sont effectués après une semaine. Ils ont ensuite été déposés en-dessous de chaque éprouvette correspondante où un scotch double-face a été appliqué préalablement. L’arrachage s’est effectué à la main en essayant de conserver une force et une mise en œuvre égales. Les observations demeurent purement qualitatives.
3.1.3. Résultats et interprétations358 A l’application, un net changement de viscosité a été observé entre les différents adhésifs. L’Aquazol et le Primal se sont révélés être très visqueux et difficiles à appliquer avec une seringue. A l’application, le liquide forme de petites perles en raison d’une forte tension superficielle et donc d’une faible capacité d’écoulement. Les gouttes ont séché sans réellement s’étaler, ne consolidant pas l’ensemble de la surface de l’échantillon. Les rubans après arrachage (figure 122) illustrent d’ailleurs nos remarques.
Figure 122 Détails des échantillons après arrachage du Primal et de l'Aquazol.
L’adhésion s’est cependant révélée satisfaisante aux endroits où les gouttes d’adhésifs ont été appliquées. L’expérience ne remet donc pas en cause le pouvoir adhésif de ces
358
Voir Annexe 25 : Résultats des échantillons après arrachage.
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[161]
consolidants. Mais leur utilisation demeure inadaptée dans le cadre d’une imprégnation de support. Leur haute viscosité rend impossible leur pénétration et leur migration dans les interstices les plus petits d’une œuvre peinte. A l’application, il est évident que le Medium de Consolidation® 4176 est l’adhésif le moins visqueux et le plus pénétrant en solution. Le Plexisol® P550 du commerce est beaucoup plus visqueux que le Medium de Consolidation® 4176. De manière générale, les consolidants provoquent des changements optiques : un léger assombrissement des pigments alors qu’une brillance est observée pour les échantillons imprégnées de Plexisol. Ce phénomène s’explique par le fait que la couche de peinture est sans liant, donc tout apport modifie la saturation et/ou la brillance de la couleur : l’adhésif a remplacé le rôle du liant et enrobe les pigments. La comparaison entre le Plexisol® P550 et le Medium de Consolidation® 4176 est intéressante à l’observation des tests d’arrachage (figure 123). De manière qualitative, à concentration égale, le pouvoir adhésif des deux matériaux synthétiques semble être similaire. Leur action paraît identique. Ils peuvent donc être probablement utilisés aux mêmes concentrations usuelles soient 5%, 10% et 15% dans le cadre d’une imprégnation du support ou dans des opérations ponctuelles de refixage. Cette conclusion est à prendre cependant avec réserve : les conditions de l’expérience ne sont pas celles d’une œuvre peinte. Le Medium de Consolidation® 4176 et le Plexisol® P550 sont alors retenus pour la suite de notre étude.
Figure 123 Détails des tests d'arrachage : Plexisol® P550 (en haut à gauche), Medium de Consolidation® 4176 (en haut à droite) et l'échantillon témoin.
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[162]
Protocoles d’expérimentation 1. Protocole d’expérimentation du pouvoir adhésif 1.1.Objectif Le pouvoir adhésif du Plexisol® P550 est déjà une propriété reconnue du produit. Au vu de son utilisation fréquente dans la consolidation de la couche picturale, il est important de comparer son pouvoir collant avec celui du Medium de Consolidation® 4176. Cette expérience est complémentaire de celle menée précédemment dont les résultats ne sont que des descriptions et observations qualitatives359. L’objectif est de tester une masse à l’arrachage d’échantillons imprégnés et consolidés, afin de quantifier l’efficacité de chaque consolidant. Le but est de soumettre les échantillons à une contrainte identique et d’évaluer leur résistance à la contrainte. Ces valeurs vont permettre de déterminer le meilleur consolidant d’un point de vue mécanique. Un adhésif doit donc avoir une adhésivité satisfaisante pour jouer son rôle et pouvoir résister aux forces de cisaillement subies par l’œuvre peintre.
1.2.Protocole expérimental 1.2.1. Préparation des échantillons Matériel nécessaire :
Une toile de lin industrielle non préparée ; De la colle de peau de lapin ; Des pigments et des pinceaux ; De l’huile de lin ; Une paire de ciseaux.
Dans un premier temps, une toile de lin industrielle a été tendue, décatie et encollée à l’aide d’une colle de peau à 10%. Après séchage, des échantillons de 5,5 cm de côté ont été découpés au cutter et préparés sur une zone de 2 x 2 cm. Une double préparation lipidique (similaire à l’œuvre de
Figure 124 Visualisation de la superposition des deux toiles dans la préparation des éprouvettes.
mémoire) a été posée au pinceau : une première avec des 359
Cf. p. 157-158. Nous avions déjà évalué qualitativement que le Medium de Consolidation ne déméritait pas dans son pouvoir consolidant par rapport au Plexisol® P550. Même à concentration égale, le MFK ne paraît pas en-deçà de l’efficacité du pouvoir collant du Plexisol® P550. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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pigments ocre jaune et terre d’ombre brûlée dans de l’huile de lin et la seconde avec des pigments noir de mars et blanc de titane360, toujours liés avec une huile de lin. Après séchage (quinze jours entre chaque couche de préparation), une seconde toile de lin industrielle non préparée, non encollée et non décatie, a été posée par-dessus dans le but d’adhérer à l’échantillon (figure 124). Pour cela, les deux morceaux de toile ont été agrafés entre eux et les couches d’adhésifs ont été passées au même titre qu’une imprégnation. Le nombre de couches est identique à celles appliquées sur l’œuvre de mémoire :
10 échantillons ayant reçu quatre imprégnations au Plexisol® P550 à 5% ;
10 échantillons ayant reçu quatre imprégnations au Plexisol® P550 à 10% ;
10 échantillons ayant reçu quatre imprégnations au MFK à 5% ;
10 échantillons ayant reçu quatre imprégnations au MFK à 10%.
Figure 125 Visualisation d'une partie des échantillons en cours de réactivation sur la table basse pression.
Après les imprégnations successives, les quarante échantillons ont été réactivés sur la table basse pression afin de créer une adhésion entre les deux toiles (figure 125). Ils ont tous été réactivés en même temps. Les échantillons sont prêts à subir les tests de cisaillement prévus sur le bâti de traction. Les agrafes sont bien évidemment ôtées des échantillons. La préparation des échantillons s’est déroulée sur deux mois, prenant en compte le séchage de l’huile jusqu’à la réactivation des consolidants sur la table basse pression.
1.2.2. Méthode de prise de mesures : le bâti de traction Pour les tests d’élasticité (décrit après), un bâti de traction a été construit et son fonctionnement se rapproche de celui construit par Céline MURY361. Le bâti de traction est
360
Le blanc de plomb, habituellement et historiquement utilisé par les peintres, n’a pas pu être utilisé faute de commercialisation en raison de sa toxicité. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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constitué de deux mâchoires, dont l’une est fixe et l’autre mobile et raccordée à un dynamomètre électronique avec une précision de ± 0,01kg. Ce dernier est fixé à la traverse coulissante et reçoit la pince mobile en Plexiglas. Le système est mobile et permet d’augmenter l’écartement entre les deux mâchoires, entraînant une extension du dynamomètre et permettant de mesurer la force de traction exercée sur un échantillon. La traverse mobile coulisse dans deux inserts métalliques et son mouvement est permis par la rotation manuelle de deux tiges filetées. Un niveau est fixé sur la traverse coulissante afin d’appliquer une force similaire et parallèle sur l’échantillon. La machine permet d’exercer deux forces axiales de direction opposées. Les échantillons sont alors disposés d’une part dans la première pince fixe, fixée sur le montant inférieur et d’autre part dans la seconde pince mobile, accrochée au dynamomètre électronique. L’essai de traction débute lorsque la contrainte est appliquée sur l’échantillon et que le dynamomètre subit une première force (figure 126).
Figure 126 Vue générale du bâti de traction et de son fonctionnement.
1.3.Déroulement de l’expérience et fiabilité des résultats Avant la mise en place de l’expérimentation, des languettes de non-tissé ont été encollées au Plextol® B500 épaissi afin que les échantillons soient recevables dans le bâti de 361
MURY, Céline. Portrait de l’Abbé Henri Chevalier. Mémoire ou thèse. Paris : Condé, 2008, 224 p. Nous remercions particulièrement M. Yves CRINEL pour sa disponibilité et son aide à la fabrication de ce bâti de traction. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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traction et afin de pouvoir exercer des forces opposées (figure 127). Une fois les éprouvettes préparées, elles sont prêtes à subir les tests d’arrachage sur le bâti de traction. Chaque languette de non-tissé est disposée dans chacune des pinces du bâti (figure 128). La Tare est effectuée sur le dynamomètre à chaque début d’essai et l’expérience peut débuter.
Figure 127 Vue d'un des échantillons avec les languettes de nontissé, prêt à subir les tests d'arrachage.
La contrainte est augmentée jusqu’à l’arrachage, ou désassemblage, des deux toiles imprégnées. La procédure est simple mais utile à la reconnaissance du pouvoir collant des adhésifs. La rotation des tiges filetées doit être analogue lors de l’expérience ; c’est à ce moment que le niveau à bulle est nécessaire. La justesse et la véracité de l’expérience sont vérifiées à l’aide de dix pré-tests effectués sur les échantillons imprégnés de Plexisol à 5% soumis à des tests d’arrachage sur le bâti de traction. Si ces tests de répétabilité permettent de calculer une erreur relative inférieure ou égale à 15%, alors les résultats obtenus seront fiables. Ci-après les résultats des dix pré-tests effectués. Ils expriment
Figure 128 Vue d'un échantillon placé sur le bâti de traction avant le début de l'expérience.
la masse maximale nécessaire à l’arrachage des échantillons imprégnés. Deux résultats semblent se démarquer de la totalité des mesures obtenues ; ils sont alors éliminés pour affiner le calcul de la marge d’erreur. Les essais n°1 et n°3 semblent provenir d’erreurs de mise en œuvre et de fabrication des échantillons.
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Essai n°
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Moyenne
Masse à l'arrachage (kg) Plexisol 5% 3,57 2,44 0,92 2,48 2,64 2,55 2,41 2,36 2,54 2,71 2,52
Les calculs de la moyenne, de l’écart-type, de l’incertitude absolue Δx et de l’incertitude relative ont été entrepris. L’incertitude absolue Δx est une limite raisonnable à l’erreur. Elle permet de calculer la marge d’erreur sur les dix pré-tests présentés : Δx = 2,71 – 2,36 = 0,35 Avec x0 la valeur vraie et xvraie = 2,52362 la moyenne M des huit essais restants, nous avons donc : xvraie = 2,52 ± 0,35 tel que xmesurée – Δx < xvraie < xmesurée + Δx
L’incertitude absolue permet aussi de calculer l’incertitude relative afin d’estimer la qualité et la fiabilité du protocole. Elle représente le quotient de l’incertitude absolue Δx par la moyenne M. Une mesure est d’autant plus précise que l’incertitude relative est faible : elle reste en-deçà de 15% mais diffère selon les prises de mesure. Elle s’exprime en pourcentage : tel que Pour conclure, le protocole de mesure des masses à la rupture a une marge d’erreur de 13,9% environ. Inférieure à 15%, l’expérience est qualifiée de fiable et nous pouvons poursuivre l’étude avec les autres échantillons imprégnés.
1.4.Résultats et interprétations La procédure expérimentale s’est déroulée sur une demi-journée. Les résultats suivants sont obtenus sur quatre éprouvettes pour chaque concentration d’adhésif. Chacune d’entre elles a subi des forces de cisaillement appliquées parallèlement aux faces d’un solide. La résistance au cisaillement reste une sollicitation mécanique caractérisée par un effort tranchant traduit par des contraintes parallèles à l’effort. Les deux toiles glissent l’une sur l’autre.
362
Voir Annexe 26 : Tableaux de résultats et calculs développés de l’étude scientifique. (Calcul A)
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Essai n°
Masse à l'arrachage en kg Plexisol
1 2 3 4 Moyenne Ecart-type Erreur absolue Erreur relative
5% 2,47 2,55 2,51 2,47 2,50 0,04 0,08 3,2%
MFK
10% 2,73 2,58 2,59 2,98 2,72 0,19 0,4 14,7%
5% 3,48 3,56 3,63 3,51 3,55 0,07 0,15 4,2%
10% 3,85 3,98 3,98 3,82 3,91 0,08 0,16 4,1%
Figure 129 Tableau récapitulatif des masses à l'arrachage.
Moyennes des masses à l'arrachage 4,50
3,91
4,00
3,55
3,50 3,00
en kg
2,50
2,72
Plexisol 5%
2,50
Plexisol 10%
2,00
MFK 5%
1,50
MFK 10%
1,00 0,50 0,00
D’une manière générale, le Medium de Consolidation® 4176 nécessite une masse plus importante à la rupture. Ainsi le MFK363 est plus résistant aux contraintes de cisaillement que le Plexisol® P550. De plus la résistance est croissante avec la valeur de la concentration. Le pouvoir adhésif du MFK paraît alors meilleur que celui du Plexisol® P550. Il est 1,42 fois plus « collant » que le Plexisol pour les concentrations à 5% et ≈ 1,44 fois plus « collant » pour les concentrations à 10%. Dans le cadre de la consolidation d’une couche picturale, le MFK pourrait théoriquement être utilisé pour des cas particuliers de refixage. En effet, certains peuvent être problématiques au vu d’anciens traitements de restauration et de la nature intrinsèque de certains matériaux constitutifs après vieillissement. Il est cependant intéressant de voir que le MFK peut être utilisé dans des opérations localisées de refixage. Ce paramètre est important car le Plexisol est souvent réputé dans la littérature comme ayant un pouvoir adhésif moyen voire faible. 363
Nous désignerons le Medium de Consolidation® 4176 par MFK dérivé du nom commercial allemand (Medium für consolidation). Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[168]
2. Protocole d’expérimentation de la pénétration des adhésifs 2.1.Objectif de l’expérience L’objectif de cette expérimentation est d’apprécier les capacités de pénétration capillaire des deux adhésifs étudiés, par la mesure de leur vitesse de pénétration. L’ensemble des concentrations préalablement définies est testé. La comparaison des résultats permettra de mettre en évidence un adhésif plus ou moins pénétrant que l’autre selon la concentration et de définir des tendances de migration au sein d’un même substrat. L’expérience doit infirmer ou confirmer le pouvoir de pénétration du Medium de Consolidation® 4176.
2.2.Protocole expérimental 2.2.1. Matériel requis et préparation des échantillons Pour la préparation des échantillons :
Des « carrés » d’éponges de vaisselle, super absorbantes achetées dans le commerce ; Un feutre à encre indélébile et un cutter.
Pour la prise de mesure :
Les adhésifs aux différentes concentrations ; Un chronomètre ; Une balance de précision ; Un contenant et une seringue. Pour effectuer ce protocole, un matériau susceptible d’absorber des liquides de manière
homogène a été choisi : des éponges ont été employées. Elles permettent une visualisation optimale de la pénétration capillaire par une coloration de la matière qui correspond à un état « mouillé ». 80 éponges ont subi la même préparation : après avoir été découpées (2 x 5 cm) dans une seule et même éponge, un trait distant de 4 cm d’une extrémité a été tracé à l’aide d’un stylo à encre indélébile. Cette marque permettra d’apprécier la vitesse de pénétration de chaque liquide sur une distance donnée. Les adhésifs testés sont les suivants ; ils ont été dilués respectivement dans de l’eau déminéralisée et du white-spirit :
Medium de Consolidation® 4176
5%-10%-15%-20%
Plexisol® P550
5%-10%-15%
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[169]
2.2.2. Déroulement de l’expérience et méthode de prise de mesure Une série de dix éprouvettes est testée pour chaque concentration étudiée. Pour toutes les manipulations, l’éponge est posée dans un contenant rempli de 20mL de liquide. Un même volume de liquide est incorporé à chaque prise de mesure afin que toutes les éprouvettes soient en contact avec la même quantité et la même hauteur de liquide. Après chaque mesure, le contenant est rempli de nouveau ; l’expérience est alors menée sur une balance afin d’optimiser le temps de l’expérimentation. La balance utilisée a une précision de ± 0,01 g et peut supporter une charge maximale de 10kg. Le chronomètre – dont la précision est de ± 0,1 s – est enclenché lorsque l’éponge est posée dans le récipient contenant l’adhésif et est arrêté au moment où le liquide pénètre jusqu’à la marque préalablement tracée. Figure 130 Chaque éponge a été plongée dans un récipient contenant un volume défini de liquide.
2.2.3. Fiabilité de l’expérience : les tests de répétabilité Au vu de la contexture des éponges et de leurs différences morphologiques, il est nécessaire de vérifier la répétabilité de l’expérience. Les incertitudes et les fluctuations de la valeur mesurée peuvent être importantes. Dix pré-tests sont donc effectués afin d’en vérifier la justesse et de valider l’expérience. Plus la répétabilité d’une expérience est élevée, plus la qualité de celle-ci est bonne. Pour ces essais, nous avons choisi l’eau déminéralisée qui sera notre matériau de référence. L’eau demeure un matériau avec une faible tension superficielle, sans réelle viscosité par rapport aux adhésifs testés. Ci-après nous observons les résultats des dix pré-tests de pénétration de l’eau au sein des éponges. Il s’agit des temps de pénétration. Deux résultats semblent se démarquer de la totalité des mesures obtenues ; ils sont alors éliminés pour affiner le calcul de la marge d’erreur. Les essais n°2 et n°10 semblent être des erreurs de manipulation ou des erreurs liées à la morphologie (épaisseur, alvéoles) des éponges qui interviennent de manière aléatoire. La marge d’erreur peut aussi provenir du temps de réaction de l’expérimentateur au moment de Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[170]
la mise en marche et de l’arrêt du chronomètre mais aussi de la faible précision de la balance. Ils constituent des erreurs aléatoires (qui surviennent de manière aléatoire à chaque mesure) qui ne sont pas cependant responsables des écarts importants de ces mesures. Echantillon n°
Les calculs suivants ont été entrepris : la moyenne M, Temps de pénétrtaion (s) Eau
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Moyenne
7,8 7,6 8,3 8,7 8,1 8,4 8,2 7,8 7,9 9,1 8,15
l’écart-type, l’incertitude absolue et l’incertitude relative. L’incertitude absolue Δx est une limite raisonnable à l’erreur. Elle permet de calculer la marge d’erreur sur les dix pré-tests présentés : Δx = 7,8 – 8,7 = 0,9 Avec x0 la valeur vraie et xvraie = 8,15364 la moyenne M des huit essais restants, nous avons donc : xvraie = 8,15 ± 0,9 tel que xmesurée – Δx < xvraie < xmesurée + Δx L’incertitude relative s’exprime alors en pourcentage de la manière suivante : tel que
Pour conclure, le protocole de mesure du test de pénétration a une marge d’erreur de 11% environ. Inférieure à 15%, l’expérience est qualifiée de fiable et nous pouvons poursuivre l’étude avec les autres liquides.
2.3.Résultats et interprétations Afin de vérifier si la pénétration est dans la forme et non en surface, les éponges ont été replongées après séchage, dans de l’eau. Une fois mouillées, elles ont été coupées en deux et nous avons pu observer que la pénétration a été en plein et non en surface. Le protocole de mesure de pénétration s’est déroulé sur une demi-journée et les résultats suivants365 reflètent la moyenne des vitesses de pénétration sur une distance fixe pour chaque éprouvette d’adhésif testé. Ils correspondent à une mesure de temps en secondes.
364 365
Voir Annexe 26 : Tableaux de résultats et calculs développés de l’étude scientifique. (Calcul B) Voir Annexe 26 : Tableaux de résultats et calculs développés de l’étude scientifique. (Calcul C)
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[171]
Medium de consolidation 5%
10%
15%
Plexisol 20%
5%
10%
15%
Temps de pénétration (s) Moyenne Ecart Type
25,5 1,21
30,5 1,63
40,9 0,92
51,3 3,07
28,075 0,86
32,7 1,47
42,4 1,43
Erreur absolue
3,40
4,30
2,90
7,50
2,20
4,90
4,40
Erreur relative
13,4%
14,1%
7,1%
14,6%
7,8%
15,0%
10,4%
Figure 131 Tableau récapitulatif des moyennes issues des tests de pénétration.
Moyenne des temps de pénétration 60,0 51,3 Medium de consolidation 5%
Temps de pénétration (s)
50,0 42,4
40,9
Medium de consolidation 10%
40,0 30,5 30,0
25,5
32,7 28,075
Medium de consolidation 15% Medium de consolidation 20% Plexisol 5%
20,0 Plexisol 10% 10,0
Plexisol 15%
0,0 MediumMedium de consolidation Medium de consolidation Medium de 5%consolidation 10% de consolidation 15% Plexisol20% 5% Plexisol 10% Plexisol 15%
A l’observation des résultats ci-dessus, le Medium de Consolidation® 4176 pénètre plus rapidement sur la distance établie que le Plexisol® P550, pour l’ensemble des concentrations testées. Même si cette différence est minime, il est possible de dire que le MFK est un adhésif plus pénétrant – avec une vitesse de pénétration plus grande – que le Plexisol® P550. De plus, les temps de pénétration sont logiquement croissants par rapport à l’augmentation des concentrations : plus la concentration est élevée, plus le temps de pénétration augmente. A concentration égale, le Medium de Consolidation® 4176 pénètre plus rapidement que le Plexisol® P550 : ≈ 1,1fois plus rapide que le Plexisol pour les concentrations à 5%, ≈ 1,1 fois plus rapide que le Plexisol pour une concentration à 10% et ≈ 1 fois plus rapide pour une concentration à 15%. Cette valeur est quasiment constante pour chaque concentration. Nous voyons également que la moyenne des temps de pénétration des échantillons entre 10% et 15%, est multipliée par ≈ 1,3 pour les deux adhésifs. Ce phénomène n’est pas observé entre les éprouvettes de 5% et 10% : les temps de pénétration sont multipliés par ≈
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[172]
1,2 pour chaque consolidant. Ainsi, la vitesse de pénétration croît plus rapidement entre 10 et 15% de solution qu’entre 5 et 10%. Lors de l’expérimentation, une différence de diffusion du liquide a été observée sur les éprouvettes : une pénétration linéaire et rectiligne et une pénétration irrégulière. Ces observations peuvent s’expliquer par une tension superficielle plus faible et une viscosité également plus faible du MFK. Rappelons que plus la tension superficielle est basse, meilleur est le mouillage du substrat et meilleure est la pénétration. Le MFK possède alors des qualités de pénétration capillaire semblables à celles du Plexisol® P550, si ce n’est meilleur. Leur comportement est comparable : le MFK pourra s’introduire facilement dans un réseau de craquelures dense et irrégulier ou au revers d’une toile qui présente un état d’encrassement important. Cette expérimentation confirme les renseignements fournis par les fiches techniques commerciales sur la capacité de pénétration du MFK. L’opération devra être testée sur un support toile et dans une stratigraphie peinture, l’éponge n’ayant pas la même morphologie ni la même porosité qu’une toile à peindre.
3. Protocole d’expérimentation de la résistance des films d’adhésifs 3.1.Objectif Le but de l’expérimentation est d’évaluer la souplesse d’un film d’adhésif qui va subir l’ensemble des mouvements du support toile. Cette souplesse est l’élongation maximale que peut subir un film sans se rompre, par traction, flexion ou torsion, directement liée à l’élasticité et à la plasticité de ce film366. L’élasticité, liée aux facultés d’étirement et d’orientation des chaînes macromoléculaires d’une structure dans le sens de la contrainte, est caractérisée par une limite élastique au-delà de laquelle le matériau adopte un comportement plastique et une déformation irréversible. Le comportement élastique d’un matériau est son aptitude à recouvrer ses dimensions initiales après annulation d’une contrainte. Un adhésif d’imprégnation est sollicité par les mouvements du support variant selon les conditions hygrométriques et les différentes manipulations d’une œuvre. L’adhésif doit donc être suffisamment souple pour absorber ces modifications comportementales et ainsi jouer son rôle de consolidation de manière optimale et durable. 366
MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Liants, vernis et adhésifs anciens. Bruxelles : IRPA, 1992, p. 38.
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[173]
3.2.Protocole expérimental 3.2.1. Les principes : l’élasticité Un solide peut être soumis à des sollicitations de faible ou d’importante ampleur. « L’élasticité correspond à la capacité de déformation réversible du matériau sous l’effet d’une force, d’une charge ou d’une contrainte367. » Tout matériau possède une zone d’élasticité plus ou moins importante, qui dépend de nombreux paramètres physiques, mécaniques et chimiques. La souplesse des films est également liée à l’élasticité et à la plasticité. L’essai de traction est l’application d’une force de traction à un échantillon de forme et de dimensions standardisées. La déformation induite par la contrainte imposée, est fonction de la force appliquée F (en Newton) et de l’allongement de l’échantillon Δl (en mètre). Lorsque le solide n’est plus soumis à cette contrainte, il reprend sa longueur initiale L0 : ce phénomène désigne un comportement élastique et on parle de déformation élastique368. Ce phénomène est appelé « élasticité idéale ». Lorsqu’il ne reprend pas sa taille initiale, on parle de déformation permanente plastique369. L’expérience permet de déterminer la limite d’élasticité : en-deçà de cette limite, la traction ne déforme pas le matériau de manière irréversible. La déformation plastique engendre un glissement des macromolécules les unes sur les autres et entraîne donc une perte de souplesse. On calcule donc une masse à l’allongement, jusqu’à arriver à la rupture des échantillons. La rupture est le moment où la sollicitation dépasse la résistance intrinsèque du matériau. Dans cette situation là, l’élasticité est régie par la loi de Hooke : F = k ΔL Avec :
-²
F : la force appliquée au solide (N ou kg.m.s ) ΔL est l’allongement du solide (m)
367
ROCHE, Alain. Op. cit., p. 12. Lors de la déformation élastique, le matériau se déforme de manière proportionnelle à l’effort appliqué et reprend sa forme initiale lorsque la sollicitation disparaît. 369 Lors de la déformation plastique, le matériau ne reprend pas sa forme initiale lorsque la sollicitation disparaît. Il subsiste une déformation résiduelle qui reste fonction de la ductilité du matériau. 368
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[174]
3.2.2. La préparation des films d’adhésif Matériel requis :
Une plaque de Plexiglas (60 x 40 cm) ; 10 moules à gâteau en aluminium (6 x 6 cm) ; des joints en silicone ; du papier mélinex® ; un niveau à bulle ; une seringue de 20mL ; un scalpel et une éponge.
Chaque film a été préparé dans un moule en aluminium de taille identique, posé sur une plaque de Plexiglas dont la surface régulière et homogène. Une feuille de papier siliconé est appliquée à chaque préparation, en guise de papier intermédiaire, afin de faciliter le retrait des films après séchage. La plaque de Plexiglas est d’abord humidifiée afin que la feuille de mélinex® adhère de manière optimale à la surface. Des joints siliconés sont ensuite appliqués autour de chaque moule pour assurer l’étanchéité du système. Chaque adhésif est déposé dans son moule à l’aide d’une seringue dans des proportions égales : 15mL pour chaque film. Après avoir vérifié l’étanchéité de chaque moule, la plaque de Plexiglas est laissée sur un support plan, à l’écart de tout mouvement, le temps du séchage des films. Il est important d’obtenir des films réguliers ; la planéité de la table de séchage est alors vérifiée avec un niveau à bulle. Une fois secs, les dix films sont démoulés et sont coupés aux dimensions des futures éprouvettes à l’aide d’un scalpel : 6 x 2 cm. Chaque moule nous permet donc de réaliser trois éprouvettes : vingt éprouvettes sont à réaliser pour chaque concentration. Les moules étant tous de la même taille et la quantité d’adhésif versée similaire, les échantillons doivent en somme avoir la même épaisseur. Ils ne seront désolidarisés de la feuille de mélinex® qu’au début de l’expérimentation (figure 132). Les temps de séchage ont été notés : le MFK a un temps de séchage inférieur à une semaine alors que le Plexisol® P550 sèche moins rapidement (plus d’une semaine). La préparation des films d’adhésif s’est alors déroulée sur plusieurs mois et a nécessité de nombreuses manipulations pour obtenir toutes les éprouvettes. La transparence des films de Plexisol est, qualitativement, demeurée identique après séchage. Cependant il est intéressant de remarquer que le MFK, initialement laiteux et opaque à l’état liquide, devient transparent après séchage. Des tests de transparence sont à envisager dans une autre étude concernant ce produit. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[175]
Figure 132 Vue de deux films d'adhésif en cours de séchage.
3.2.3. Déroulement de l’expérience Matériel requis :
Un pied à coulisse numérique ; Une pince à dessin non coupante ; Une pince fixe en Plexiglas370 ; Une bouteille en plastique ; De la ficelle et un feutre à encre indélébile ; Une seringue de 20mL ; Un récipient d’eau.
Dispositif expérimental : Avant le début de chaque expérimentation, les éprouvettes préalablement découpées, sont décollées délicatement de la surface siliconée du mélinex®. Une première extrémité de l’éprouvette (1cm) est prise dans la pince fixe de Plexiglas alors que l’autre extrémité (1cm) est placée entre les mâchoires de la pince à dessin qui sera mobile. Auparavant deux traits distants de 2 ± 0,01 cm ont été marqués à l’aide d’un stylo à encre indélébile. C’est l’allongement entre ces deux traits qui sera mesuré au cours des expériences. C’est à la pince mobile que la bouteille est fixée à l’aide d’une ficelle. La bouteille est remplie progressivement d’eau avec une seringue avec une marge de progression préalablement définie. L’expérience commence avec une charge constante de 20 ± 0,1 g constituée par la bouteille, la pince et la ficelle. Le système bouteille/pince/ficelle exercera une force constante mais croissante. Cette charge n’exerce aucun allongement sur le film éprouvette.
370
Cf. p. 163. La pince utilisée est celle construite avec le bâti de traction, fixée à la traverse coulissante. Il permet d’avoir une pince fixe et un plan de travail vertical optimal au déroulement de l’expérience. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Après avoir observé sur des essais annexes, que la rupture des films intervenait entre 100 et 160 g, nous avons décidé d’ajouter progressivement une masse de 10g, soit ≈ 0,1 newton. Chaque fois qu’une masse supplémentaire est ajoutée, la taille de l’échantillon est mesurée à l’aide d’un pied à coulisse numérique d’une précision de ± 0,01mm. L’allongement de l’échantillon est calculé selon la formule Lfinale – Linitiale. Le montage de notre système permet donc de mesurer une masse (un poids) en g et un allongement en mm.
3.2.4. Les tests de répétabilité Comme pour les protocoles d’expérimentations précédents, il est nécessaire d’établir la fiabilité de l’expérience par la répétabilité des tests d’élasticité. Les résultats suivants ont été obtenus avec dix tests effectués sur les films de MFK à une concentration de 20% selon le dispositif expérimental décrit précédemment. Les moyennes calculées correspondent à la moyenne des ΔL de chaque charge appliquée. Les résultats incluent également le calcul de ε, l’allongement relatif du solide tel que
Essai n° MFK 20%
exprimé en mm.
Prise m (g)
F0 30
F1 40
F2 50
F3 60
F4 70
F5 80
F6 90
F (N)
0,29
0,39
0,49
0,59
0,69
0,78
0,88
1 2 3 4 5 ΔL (mm) 6 7 8 9 10 Moyenne ΔL Ecart-type Erreur absolue Erreur relative
0,24 0,25 0,25 0,25 0,26 0,22 0,26 0,23 0,22 0,22 0,24 0,016 0,04 16,7%
0,86 0,86 0,91 0,87 0,87 0,95 0,85 0,94 0,95 0,88 0,89 0,04 0,10 11,2%
1,8 1,75 1,99 1,85 1,91 1,92 1,87 1,99 1,88 1,78 1,87 0,08 0,24 12,8%
4,61 4,31 4,59 4,34 4,36 4,63 4,67 4,68 4,99 4,64 4,582 0,20 0,68 14,8%
9,98 9,95 10,38 11,02 9,87 9,99 9,84 10,03 9,87 9,88 10,1 0,36 1,18 11,7%
18,53 16,45 18,83 18,92 18,53 18,75 17,64 18,49 18,61 18,54 18,33 0,75 2,47 13,5%
27,07 27,52 31,34 31,01 Rupture Rupture 28,98 29,57 29,86 28,56 29,24 1,52 4,27 14,6%
F7 100 0,98 Rupture Rupture Rupture Rupture
Rupture Rupture Rupture Rupture
Figure 133 Tableau récapitulatif des dix pré-tests effectués sur les échantillons de MFK à 20%.
Nous observons les dix pré-tests des films de MFK à la concentration de 20% (figure 133). Il s’agit du delta de l’allongement de chaque échantillon. Aucun résultat n’a été écarté des calculs de justesse. Les résultats ont été obtenus de la manière suivante, par exemple pour les valeurs des charges F0 de chacun des dix essais : L’erreur absolue des dix pré-tests pour F0 est : ΔL = 0,26 – 0,22 = 0,04 mm
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[177]
Avec x0 la valeur vraie et m la moyenne probable de nos mesures, nous avons : x0 = m ± 0,04 avec m = Ainsi l’incertitude relative est désignée par ΔL = Le protocole de mesures des comportements des films d’adhésif à la contrainte, a une marge d’erreur de ≈ 16,7%. Légèrement supérieure à 15%, la fiabilité de l’expérimentation peut être reconnue. Cette erreur ne concerne que la première mesure F0 des essais ; elle ne remet pas en cause la justesse de l’ensemble des charges et de l’expérience. D’ailleurs, les autres erreurs relatives calculées dans le tableau (figure 133) sont inférieures à 15%. Ce phénomène vient probablement de la « faible » précision du pied à coulisse. Trois chiffres significatifs auraient été nécessaires pour abaisser la marge d’erreur.
3.3.Résultats et interprétations Selon le même dispositif expérimental, les autres films d’adhésifs ont été soumis à la même contrainte. Le protocole de mesure s’est déroulé sur plusieurs jours, chaque essai étant long et exigeant en termes de précision dans le calcul des allongements. La mesure étudiée est donc l’allongement des échantillons L-L0. Nous ne présentons ici que les courbes d’élasticité reflétant les moyennes dans un souci de clarté du texte371. Elle représente la courbe de traction F=f(ε). Courbes d'élasticité d’allongement 3,5
3,0
2,5
MFK 5%
Force (N)
MFK 10%
MFK 15%
2,0
MFK 20% Plexisol 15%
1,5
1,0
0,5
0,0 0
371
5
10
15
20 25 Allongement (mm)
30
35
40
Voir Annexe 26 : Tableaux de résultats et calculs développés de l’étude scientifique. (Calcul D)
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[178]
De l’analyse des courbes d’élasticité, nous voyons que la rupture arrive plus tard pour le Plexisol que pour les différentes concentrations de MFK. Les films de Plexisol à 15% sont capables d’absorber plus de contrainte que ceux de MFK à 15%, environ 4,6 fois plus. L’arrêt de l’expérience s’est fait à partir du moment où l’allongement demeure croissant pour une force constante. Pour chaque matériau, l’allongement est d’autant plus grand que la contrainte appliquée est importante. Le Plexisol apparaît plus résistant à la rupture que le MFK et révèle des propriétés élastiques intéressantes. Son amplitude d’allongement est moins importante que pour le MFK. En effet, pour une même force (autour de 0,5N), l’allongement est plus important chez le MFK. A 90N (zone de rupture du film de MFK à 20%), l’allongement est plus important que pour le Plexisol. En effet, la déformation ne s’établit pas instantanément quand la contrainte est appliquée au début de l’expérience ; on parle alors d’élasticité incomplète s’il existe une déformation résiduelle. Le Plexisol apparaît moins souple dans ce graphique et confirme sa réputation de matériau rigide. Il se déforme plus lentement à la contrainte. Sa rigidité est d’autant plus flagrante que l’épaisseur des films d’adhésifs à 15% est plus importante que celle du MFK à la même concentration. Alors que le volume de liquide était le même lors de leur préparation, ce phénomène s’explique par la proportion en matière sèche plus importante pour le Plexisol (40% contre 25%). Le film sec est déjà plus rigide que celui de MFK à la même concentration. Ainsi les deux adhésifs possèdent des propriétés intéressantes en terme mécanique. Le Plexisol est apte à supporter les contraintes subies par une œuvre peinte au sein de sa stratigraphie. Il rigidifie considérablement le support original et modifie sans aucun doute sa masse. Le Medium de Consolidation® 4176 tend, lui, à supporter une faible
Figure 134 Vue d'un échantillon de MFK en cours d'essai de traction.
contrainte à la rupture. Il adopte un comportement élastique face à la contrainte sans s’imposer à une stratigraphie.
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[179]
D’une manière générale, les résines synthétiques thermoplastiques ont un comportement que l’on rapproche de celui du solide de Burgers. C’est-à-dire qu’à une contrainte donnée, le matériau a une élasticité instantanée, une élasticité différée et un fluage.372
Notions de consolidation des supports : le rentoilage traditionnel et le doublage La toile d’origine, bien que tendue sur un châssis, est dans un état de fragilisation avancée. L’absence de semences sur la rive supérieure du châssis, a induit la déformation générale du support d’origine du fait d’un stockage vertical. Il ne joue ainsi plus son rôle de tension du support. Une consolidation par imprégnation d’adhésif et par ajout d’une toile de renfort a été indispensable pour achever la restauration du support. Le choix de consolidation de la couche picturale et du support est délicat car il doit tenir compte des conditions de conservation passées et à venir, des matériaux constitutifs et d’autres paramètres.
1. Notions théoriques 1.1.Le rentoilage traditionnel à la colle de pâte « Lors d’un rentoilage, une toile neuve est collée au revers de la toile de l’œuvre au moyen d’un adhésif aqueux, désigné aussi par le terme générique de « maroufle », afin de la renforcer. L’adhérence parfaite entre les deux supports se fait en utilisant la chaleur d’un fer à repasser. Cette technique de restauration est connue en France depuis le XVIIe siècle.373 » Aussi appelé rentoilage traditionnel, il demeure encore aujourd’hui une pratique courante dans les ateliers de restauration. Considéré comme l’une des plus anciennes techniques, le rentoilage à la colle de pâte nécessite une connaissance et une maîtrise parfaite des gestes à faire. On le distingue alors des rentoilages autrement pratiqués tel que le rentoilage à la cire. L’objectif du rentoilage est de « rétablir l’adhérence de la couche picturale, de rétablir la cohésion de la préparation et de renforcer mécaniquement la toile originale affaiblie par le
372
DELCROIX, Gilbert, HAVEL, Marc. Op. cit., p. 252. Le fluage représente une déformation lente sous une contrainte prolongée. 373 e DESSERRIERES, Laëtitia. « La restauration des supports de peintures au XIX siècle – Le rentoileur Emile Mortemard (1794-1872) ». Revue du Louvre, Paris, 2009, n°4, p. 64. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[180]
vieillissement des fibres textiles374 ». La description des opérations est faite par Emile Rostain dans son ouvrage375. Parallèlement à d’autres interventions menées sur la toile d’origine (nettoyage de surface, vernis intermédiaire…), une toile neuve, dite de « rentoilage », est préparée sur un bâti annexe. Préalablement, le support d’origine subit les interventions suivantes :
Un nettoyage de surface si nécessaire et si la surface le permet. Le traitement de la couche picturale (suppression de résines anciennes, purification des repeints…) peut être effectué lors de cette première étape.
La pose d’une protection de surface appliquée à l’aide d’un adhésif et d’un papier préalablement choisi selon un cahier des charges définies.
La dépose de l’œuvre : les semences sont retirées et l’œuvre est désormais libre. Les bords de tension, s’ils sont encore existants, seront aplanis en vue de l’opération suivante.
Une mise sous cartonnage afin d’obtenir un support plan, sous contrainte.
Après retournement du cartonnage, l’accès au revers de l’œuvre est possible. Les opérations suivantes peuvent alors avoir lieu si besoin : démontage de rentoilages anciens, dérestauration, consolidation des déchirures, incrustations ou encore nettoyage du revers.
Un refixage à l’aide d’un adhésif aqueux protéinique.
Pose d’une gaze à l’aide d’une colle de pâte diluée. La gaze (ou couche d’intervention376) se retrouve au centre de la stratigraphie d’un rentoilage qui recevra
374
CHEVALIER, Aurélia. « Développement de technologies innovantes pour la restauration des peintures ». Revue de l’Institut national du patrimoine, 2009, n°5, p. 156. 375 ROSTAIN, Emile. Rentoilage et transposition des tableaux. Puteaux : EREC, 1981, p. 58-77. 376 Egalement appelée « couche intermédiaire », elle revêt un rôle important dans les consolidations de support. Les plus couramment utilisés sont le papier, la gaze, le mylar®, le non-tissé, la soie, les fibres de verre ou encore le nylon. Les raisons de leur application sont d’éviter ou de réduire le changement de texture de la couche picturale, d’augmenter la résistance mécanique et de faciliter la réversibilité du montage. La pose de gaze dans le rentoilage traditionnel, empêche les éventuelles remontées de trame de toile de rentoilage sur la couche picturale. Elle forme une « zone tampon » au sein de la stratigraphie, qui absorbe les réactions de la toile de rentoilage lors de variations hygrométriques. Historiquement le rentoilage à la cire – dont l’inconvénient demeure les remontées de cire à la surface picturale – a également été l’objet d’application de couches d’intervention comme en particulier la someline, matériau composé de fibres acryliques et de nylon agglomérés, de différentes épaisseurs, proposé par Henri Linard en 1964. LINARD, Henri. « Amélioration dans certains cas du procédé de rentoilage à la cire-résine par l’emploi de Someline ». Studies in conservation, vol. 10, 1965, n°1, p. 24-25.
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[181]
une seconde couche de colle de pâte avant rentoilage. Après séchage de cette dernière, il est possible d’exécuter le rentoilage. Le support original est alors prêt pour recevoir une toile neuve qui a subi deux décatissages et offre une tension suffisante pour sa consolidation. L’assemblage et la fixation des deux supports textiles s’effectuent de la manière suivante :
Une couche de colle est appliquée au revers du support d’origine, sur la gaze après avoir incisé le papier de cartonnage en périphérie de l’œuvre originale.
On recouvre également de colle la surface de la toile tendue sur bâti avec une brosse à poils durs, en formant des 8. L’homogénéisation se fait cette fois dans le sens de la longueur.
Rapidement, la toile d’origine est posée sur la toile de rentoilage en extension, puis des bandes de kraft sont posées autour de l’œuvre afin de la maintenir dans le plan.
Après 24 heures de séchage, la surface du cartonnage est repassée avec un fer afin d’évacuer l’humidité. Les papiers de cartonnage et de protection de surface sont délités. Un papier calque peut ensuite être posé avec de la colle de pâte, si l’état de surface le nécessite. L’adhésif employé est une colle préparée à base du mélange de farine et de colle de
peau. Cette recette a historiquement évolué et changé selon les ingrédients et les quantités utilisées. Il est difficile de trouver des documentations et des études faites sur ce sujet mais la recette utilisée dans le cadre de nos expérimentations et en atelier est la suivante : -
Farine de froment : 6 parts en poids Colle de peau : 1 part en poids Miel : 0,75 part en poids Fluorure de sodium : 0,15 part en poids 377 Eau : 8 parts environ
La farine et la colle animale sont mélangées dans une bassine dans laquelle est versée progressivement de 378 l’eau chaude . Après obtention d’un mélange homogène, le fluorure de sodium et le miel sont incorporés. Après avoir mélangé les différents constituants, la colle est cuite à feux doux pendant plusieurs heures afin d’obtenir une cuisson parfaite des farines.
377
PINCAS, Abraham. Le Lustre de la main : esprit, matière et technique de la peinture. Paris : EREC, 1991, p. 314. 378 L’eau ne doit pas être trop chaude afin de ne pas dénaturer les protéines et ainsi influer sur les caractéristiques physiques et mécaniques de la colle. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Avantages
Utilisation de produits naturels, non toxiques Bonne réversibilité Respect des matériaux constitutifs de l’œuvre Plus rigide que le doublage Réduction des risques de remontées de déchirures
Inconvénients
Apport d’humidité et de chaleur important Sensibilité aux micro-organismes Non adapté à un lieu de conservation à hygrométrie variable (humidité et température)
1.2.Le doublage Le doublage thermoplastique est également une pratique courante dans la consolidation des supports. Il met en œuvre des matériaux synthétiques : une résine synthétique thermoplastique et un textile de synthèse. Les matériaux de synthèse entrent dans la pratique habituelle des ateliers et ce, dès la fin du XXe siècle379. Ces résines peuvent être ramollies sous l’effet de la chaleur et peuvent se figer en refroidissant. Ces capacités sont recherchées et utilisées dans le cadre de la restauration et de la conservation d’œuvres peintes. Une couche d’adhésif sec redevient visqueuse et collante lorsque sa température de transition vitreuse (Tg) est atteinte. Comme le rentoilage traditionnel décrit plus haut, une toile de doublage est préalablement tendue sur un bâti annexe et préparée. L’œuvre originale subit alors les traitements suivants380 :
Mise sous contrainte (sur bâti tenseur ou sous cartonnage) afin d’obtenir un revers plan.
Imprégnations successives à l’aide d’un adhésif synthétique thermoplastique. Le nombre de couches appliquées dépendra de la saturation des fibres du support original. L’opération a pour but de saturer ces fibres afin qu’elles deviennent « imperméables » aux variations environnementales.
Réactivation de l’adhésif appliqué sur une table basse pression. Les capacités thermoplastiques de l’adhésif sont donc mises en jeu à ce stade. Cette étape est celle de la consolidation de la couche picturale, au même titre que l’étape de refixage dans les opérations d’un rentoilage traditionnel. L’œuvre, qualifiée d’inerte et de stable, peut alors subir les opérations de doublage.
379 380
CHEVALIER, Aurélia. Op. cit., p. 158. Cf. p. 120. Ce traitement a été proposé pour l’œuvre de mémoire présentée.
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Parallèlement, la toile de doublage a été préparée de la manière suivante, toujours tendue sur un bâti annexe : les couches d’adhésifs – du Plextol® B500 dans le cadre de nos expériences – sont montées à l’aide d’un rouleau jusqu’à obtenir une surface homogène, suffisamment épaisse pour que le support d’origine s’imprime et que l’adhésion s’opère de manière optimale. Des couches de non-tissé sont introduites au sein des couches en guise de couche d’intervention. Après séchage, le scellage à chaud peut être effectué entre les deux supports textile. L’adhésif appliqué sur la toile de doublage est alors appelé « adhésif de scellage ». L’adhésif est réactivé – rendu de nouveau collant – à l’aide de son solvant de dilution, ici le xylène. Le solvant est appliqué en quantité généreuse au pinceau et le support original est ensuite déposé sur les couches visqueuses. Un vide est créé grâce à la table basse pression et la chaleur est augmentée. Une fois atteint le point de ramollissement, la chaleur est supprimée et le refroidissement permet à l’adhésif de se figer. Ce dernier rentre ainsi en contact avec la surface de la toile, sans s’infiltrer dans la structure de l’œuvre peinte. Avantages
Pas d’apport d’humidité Pas de sensibilité aux infestations biologiques Elasticité des matériaux utilisés Pas de pénétration de l’adhésif de doublage dans la stratigraphie Stabilisation de l’œuvre peinte
Inconvénients
Utilisation de solvants toxiques Réversibilité discutable Matériaux non conformes à la nature des matériaux constitutifs
Tous les types de consolidations de supports possèdent leurs avantages et leurs inconvénients. Le choix de l’une d’entre elles doit répondre aux attentes du cahier des charges établi pour l’œuvre concernée. Deux écoles s’affrontent alors : la méthode traditionnelle utilisant des matériaux naturels dont le vieillissement est connu et appréhendé, puis la méthode synthétique, plus récente, utilisant des matériaux de synthèse dont le comportement n’est pas entièrement contrôlé ni connu. Quoi qu’il en soit le mélange des deux techniques est quelque chose d’acquis dans les ateliers, notamment dans les rentoilages mixtes. Certains ateliers mélangent même les produits naturels et les produits de synthèse, comme par exemple un refixage avec une colle naturelle suivi d’un doublage thermoplastique. L’inverse est-il possible ? Est-il possible de Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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juxtaposer des traitements synthétiques et naturels dans le cadre d’une consolidation de support ? L’intérêt serait de pouvoir stabiliser un support sensible aux variations hygrométriques à l’aide d’une imprégnation synthétique, puis de consolider ce support très accidenté en effectuant un rentoilage traditionnel. Un doublage ne pouvant pas pallier à certaines remises dans le plan de déchirures, ce genre de traitement pourrait être envisageable pour des cas particuliers. D’autant que le Medium de Consolidation® 4176 est une émulsion aqueuse et s’apparente davantage à une colle protéinique hydrophile.
2. Protocole d’expérimentation de l’adhésivité des consolidations 2.1.Objectif Le but de l’expérimentation est d’évaluer la résistance des consolidations de supports mixtes naturelles/synthétiques avec les consolidations de référence, habituellement employées dans les protocoles de restauration : le rentoilage traditionnel à la colle de pâte et le doublage thermoplastique au Plextol® B500. Les échantillons refixage + rentoilage traditionnel et imprégnation Plexisol® + doublage, sont ceux de référence. Ainsi l’expérience met en jeu les échantillons suivants :
Rentoilage traditionnel
Refixage colle de poisson
10
Doublage
Imprégnation Plexisol®
Imprégnation MFK
Imprégnation Plexisol®
Imprégnation MFK
Refixage colle de poisson
10
10
10
10
10
60 échantillons
L’interface étudiée est celle entre la couche d’intervention (gaze ou non-tissé) et le revers d’un tableau. La granulosité et la porosité de la colle de poisson après séchage permet l’accroche de la gaze de rentoilage ; les adhésifs synthétiques ne possèdent aucune porosité. L’accroche mécanique peut ainsi être réduite. L’intérêt de cette expérimentation est d’élargir Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[185]
le domaine d’action des traitements de supports particuliers mais surtout d’évaluer la compatibilité physique et les propriétés mécaniques de ces interfaces mixtes.
2.2. Protocole expérimental 2.2.1. Matériels et appareillage nécessaires Pour la préparation des échantillons tableaux :
Une toile de lin industrielle (80 x 80cm) ; De la colle de peau de lapin ; De la peinture acrylique ; Des pinceaux ; Une règle et une paire de ciseaux.
Pour les cartonnages :
Un fond (124 x 154 cm minimum) ; Du papier Bolloré® ; Du papier Canson® ; Du papier mélinex et du papier kraft ; De la colle de pâte diluée ; Des pinceaux et une paire de ciseaux.
Pour les rentoilages :
Une toile de lin industrielle et un châssis nu ; Du papier kraft ; De la colle de pâte ; Une brosse à décatir ; Une bassine d’eau ; Un scalpel et une raclette; Une éponge et un chiffon.
Pour les doublages :
Une table basse-pression ; Une toile de lin industrielle synthétique et un châssis nu ; Du non-tissé ; Du Plextol® B500 et du xylène ; Un rouleau à peindre et une raclette ; Des pinceaux.
Enfin, la prise de mesures nécessite le bâti de traction déjà présenté auparavant381.
381
Cf. p. 163.
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[186]
2.2.2. Préparation des échantillons Avant de débuter les opérations de consolidation du support, les soixante échantillons (8 x 8 cm), schématisant de réels tableaux, ont été fabriqués. Une toile de lin industrielle a été encollée à l’aide d’une colle de peau à 10%, comme conseillé dans les traités de peinture. Soixante échantillons ont été découpés dans cette toile puis préparés avec une peinture acrylique dans un souci de séchage382 sur une surface de 4 cm² (2 x 2 cm) placée au centre de l’éprouvette. Une couleur a été choisie pour différencier les traitements à subir :
Echantillon outremer : Refixage colle de poisson + rentoilage traditionnel = Echantillon REFERENCE Echantillon ocre jaune : Imprégnation Plexisol® + rentoilage traditionnel Echantillon blanc de titane: Imprégnation MFK + rentoilage traditionnel Echantillon terre d’ombre : Imprégnation Plexisol® + doublage = Echantillon REFERENCE Echantillon ocre rouge : Imprégnation MFK + doublage Echantillon noir de mars : Refixage colle de poisson + doublage
Une protection de surface a été posée sur chaque échantillon à l’aide d’un papier Bolloré® et d’une colle de pâte diluée. Chaque échantillon est cartonné (figure 136) sur une même planche de contreplaqué, à l’aide d’un papier Canson® et d’une colle de pâte diluée. Après retournement des cartonnages, il a été effectué (figure 135) :
20 refixages à la colle de poisson à 7% : 25 mL d’adhésif ont été posés au pinceau puis chaque échantillon a été repassé comme il est d’usage dans les traitements de support. Parmi ces échantillons : 10 échantillons ont reçu la pose d’une gaze à l’aide de 10 g de colle de pâte appliquée à l’aide d’une brosse, puis seront rentoilés. 10 échantillons seront doublés.
20 imprégnations au Plexisol® P550 : 4 couches d’adhésif (20 mL) ont été appliquées à l’aide d’un pinceau, avec des concentrations croissantes : deux couches à 5% et deux couches à 10%. Parmi eux : 10 échantillons seront doublés. 10 échantillons ont reçu la pose d’une gaze383 à l’aide de 10 g de colle de pâte appliquée à l’aide d’une brosse, puis seront rentoilés.
382
L’acrylique, schématisant la couche picturale d’un tableau, n’a que peu d’importance dans les paramètres de l’expérimentation. L’interface considérée est celle entre la toile de consolidation avec la couche intermédiaire et le revers de l’échantillon, schématisant le revers d’une peinture originale. L’acrylique offrait ainsi un séchage plus rapide que l’huile généralement employée. 383 La gaze employée est composée à 100% de coton. Sur 1 cm², elle comporte 17 fils. Son poids est de 28 g/m². Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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20 imprégnations au Medium de Consolidation® 4176 : 4 couches d’adhésif (20 mL) ont été appliquées à l’aide d’un pinceau, avec des concentrations croissantes : deux couches à 5% et deux couches à 10%. Parmi ces échantillons : 10 échantillons seront doublés. 10 échantillons ont reçu la pose d’une gaze à l’aide de 10 g de colle de pâte appliquée à l’aide d’une brosse, puis seront rentoilés. Parallèlement à ces opérations, les toiles de rentoilage et de doublage ont été préparées
et les consolidations de support ont pu avoir lieu.
Figure 136 Vue générale de face de la planche de cartonnage des échantillons en cours de séchage.
Figure 135 Vue générale, de face, de la planche de cartonnage après retournement, refixage, imprégnation et pose de gaze.
Mise en œuvre des rentoilages à la colle de pâte : Une toile de lin a été tendue, en droit fil, sur bâti de 80 x 80 cm, puis décatie 384 deux fois. Après séchage du second décatissage, la tension est optimale afin de supporter les opérations de rentoilage et de jouer son rôle de consolidation de support. Les échantillons ont tous été rentoilés sur la même toile dans un souci de répétabilité et de standardisation des paramètres de rentoilage. Les mesures de la couche picturale (2 x 2 cm) de chaque éprouvette sont signalées sur la toile de rentoilage. Après avoir coupé les échantillons destinés au rentoilage, les opérations se sont enchaînées. La même quantité de colle est appliquée à chaque fois (25 g) et répartie de manière homogène, dans un souci de standardisation des éprouvettes. Des krafts sont appliqués sur les bords des éprouvettes, à l’aide de colle de pâte (figure 137). Le lendemain matin, le repassage est fait sur l’ensemble de la surface du bâti, comme si cela était un seul et même tableau. Les papiers de cartonnage et de protection de 384
Le décatissage s’effectue avec une eau chaude portée à ébullition, servant à ébouillanter la toile, la libérant de ses apprêts. Après cela, la toile est brossée dans le même but. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[188]
surface sont enlevés, les éprouvettes rentoilées sont retirées du bâti et mises en place pour les tests de traction (figure 138).
Figure 137 Vue du bâti de rentoilage : échantillons de rentoilage en cours de séchage.
Figure 138 Vue générale du bâti après séchage et délitage.
Mise en œuvre des doublages : Trois toiles de lin industrielles ont été tendues sur trois bâtis distincts mesurant tous 50 x 50 cm : 10 échantillons se trouvent sur chaque bâti. Les dimensions de chaque éprouvette ont ensuite été marquées. Au même titre qu’un doublage, les couches de Plextol® B500 ont été montées au rouleau de la manière suivante (figure 139) :
un lait de Plextol® B500 dans 50% d’eau déminéralisée (10mL) appliqué au pinceau 4 couches de Plextol® B500 épaissi au xylène (10 g chacune), appliquées au rouleau dans un souci d’homogénéité et de standardisation des échantillons Application d’une couche intermédiaire en non-tissé à l’aide d’une raclette 4 couches de Plextol® B500 épaissi au xylène (10 g chacune), appliquées au rouleau dans un souci d’homogénéité et de standardisation des échantillons
Après la préparation des trois toiles de doublage, les consolidations du support ont pu être effectuées. Selon la méthode décrite385, les doublages ont tous été faits en même temps pour avoir, au mieux, les mêmes paramètres de mise de place. 20mL de xylène ont été appliqués au pinceau pour chaque réactivation d’adhésif. Après un scellage effectif, les papiers de cartonnage et de protection de surface ont été délités. Après ces opérations, les échantillons sont prêts pour les essais de traction.
385
Cf. p. 185-186.
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[189]
Figure 139 Vue d'une toile de doublage après montée des couches d'adhésif et avant scellage.
2.2.3. Dispositif expérimental Avant le début des essais, les éprouvettes sont prédécoupées afin d’obtenir des échantillons de 2cm de large et de 6cm de long. Similaires à des tests de dérentoilage et de dédoublage, chaque éprouvette est placée entre les pinces fixe et mobile du bâti. L’essai de traction s’effectue jusqu’à obtenir un désassemblage des deux toiles sur une longueur de 2cm386. La procédure protocolaire s’est déroulée sur une journée.
2.2.4. Fiabilité de l’expérience La fiabilité de l’expérience est une nouvelle fois vérifiée à l’aide de dix pré-tests effectués sur les éprouvettes de rentoilage traditionnel et de refixage à la colle de peau de lapin. Les résultats ci-après représentent la masse au décollement d’une surface de 4 cm². Les données barrées n’ont pas été prises en compte dans les calculs d’erreur. Les échantillons n° 1 et 7 ont donc été écartés de la masse des échantillons testés pour une question de justesse. Ils ne sont pas cohérents avec l’ensemble des résultats obtenus. Ces erreurs proviennent probablement de la préparation des éprouvettes : répartition de la colle, repassage… Ces paramètres ont été contrôlés cependant l’expérimentateur n’est pas en cause directe pour les facteurs de séchage. Face aux résultats, nous pouvons calculer l’erreur absolue : Δm = 3,1 – 2,7 = 0,40 ;
386
L’ensemble de l’éprouvette n’est pas soumis à l’essai de traction car nous nous sommes trouvée confrontée à un souci mécanique. Sur toute la longueur de l’échantillon (4 cm), la force exercée par le bâti n’est pas constante car le dynamomètre subit l’élongation et le décollage de l’échantillon. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Echantillon n° 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Tests de traction (kg) Rentoilage traditionnel
Avec x0 la valeur vraie et m la moyenne des mesures obtenues, nous avons donc :
Refixage à la colle de peau 3,58 3,01 2,76 2,8 2,7 2,74 3,45 3,1 2,84 3,05
x0 = m ± 0,40 avec m =
Et l’incertitude relative est calculée à l’aide de la valeur m et de celle de l’erreur absolue : m = 2,88 ± 0,40
d’où
Pour conclure, le protocole de mesures des tests
d’arrachage des toiles a une marge d’erreur de 13,8% environ. Inférieure à 15%, l’expérience est validée et il nous est permis de poursuivre l’étude.
2.3.Résultats et interprétations Dans le but d’avoir une étude complète et plus approfondie, les données quantitatives seront accompagnées d’observations et de descriptions qualitatives. Celles-ci se portent essentiellement sur les interfaces d’arrachage lors de l’expérimentation, et leur comportement. Les tableaux ci-dessous sont les résultats des tests effectués sur les autres éprouvettes. Sont présentées ici les moyennes de ces essais387 (figure 140).
Echantillon n° Moyenne Ecart Type Erreur absolue Erreur relative
Rentoilage traditionnel à la colle de pâte
Doublage au Plextol® B500
Imprégnation Imprégnation Refixage à la Imprégnation Imprégnation Refixage à la au Plexisol® au Plexisol® colle de peau au MFK au MFK colle de peau P550 P550 2,87 0,13
2,88 0,13
1,02 0,06
2,57 0,09
5,08 0,17
5,42 0,25
0,37
0,35
0,15
0,28
0,47
0,66
12,90%
12,10%
14,70%
11,40%
9,30%
12,20%
Figure 140 Tableau récapitulatif des moyennes des essais de traction.
387
Voir Annexe 26 : Tableaux de résultats et calculs développés de l’étude scientifique. (Calcul E)
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[191]
Moyenne des masses d'arrachage 6 5,42 5,08 5 Refixage à la colle de peau
enkg
4
3
2,87
Rentoilage traditionnel
2,88
Imprégnation au MFK
2,57
Imprégnation au Plexisol® P550 Doublage thermoplastique
2
Imprégnation au Plexisol® P550
Imprégnation au MFK Refixage à la colle de peau
1,02
1
0
Les résultats nous montrent que les consolidations les plus résistantes à l’arrachage sont les doublages, notamment dans le cas de l’imprégnation au MFK et du refixage à la colle de peau. Globalement, les rentoilages traditionnels sont moins résistants à l’arrachage que les doublages. Nous remarquons que le rentoilage et l’imprégnation au MFK ont les valeurs les plus faibles. Lors de l’expérimentation, la gaze se désolidarisait de la toile considérée comme la toile originale. Cette faible adhérence peut être expliquée par une faible compatibilité entre le MFK et la colle de pâte. Le MFK après imprégnation, n’a pas créé une surface assez poreuse pour obtenir une accroche mécanique suffisante avec la gaze et la colle de pâte. Cependant nous remarquons que l’imprégnation au Plexisol donne des résultats proches de ceux du refixage à la colle de peau pour les rentoilages traditionnels. Leur accroche mécanique est similaire, voire égale, prouvant un comportement et une action proches. Nous avons observé que pour les rentoilages traditionnels avec un refixage à la colle de peau, la gaze était beaucoup plus adhérente que pour les éprouvettes ayant reçu des imprégnations. Ainsi l’adhésion est moins performante à l’interface gaze/support original mais la réversibilité est meilleure. L’incompatibilité entre le MFK et le rentoilage traditionnel n’est donc ni vérifiée ni prouvée. En ce qui concerne les doublages thermoplastiques, nous remarquons que l’adhésion des éprouvettes de Plexisol était moindre que celle des éprouvettes du MFK et de la colle de peau. La porosité du refixage à la colle de peau a permis une excellente accroche mécanique avec les couches de Plextol. Leur compatibilité est montrée par ces résultats. L’utilisation du MFK dans le cadre d’un doublage thermoplastique est donc concluante ; il apporte une adhésion Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[192]
satisfaisante. Il paraît compatible avec les matériaux courants de consolidation des supports. La réversibilité peut alors être remise en question. Il peut dès lors être utilisé dans les traitements de supports et l’expérimentation doit être poursuivie388. Enfin la mise en place de consolidations mixtes est un sujet encore à approfondir. Cependant elles donnent des résultats concluants entre la compatibilité des matériaux.
388
Cf. p. 165-166. L’adhésivité du MFK a été prouvée et demeure primordiale dans le traitement des supports et de la couche picturale. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[193]
Conclusion L’emploi de ce nouvel adhésif, dans la restauration-conservation des œuvres peintes, n’est pas une étude anodine et demande une véritable réflexion sur les besoins de l’œuvre. Un adhésif est un matériau étranger à la peinture, que l’on apporte de manière réfléchie et qui modifie la structure originale voulue par le peintre. L’irréversibilité de l’opération d’imprégnation est un critère supplémentaire à la réflexion du choix de l’adhésif. L’étude a été menée autour de paramètres idéaux pour un adhésif de consolidation. Aucune étude de vieillissement n’a été entreprise L’utilisation de nouveaux produits dans le domaine de la restauration est contestable ou non par les ateliers dans la pratique. Gustave Berger disait : « Lorsqu’on veut sélectionner un adhésif pour un usage donné, il est tout d’abord nécessaire de déterminer les impératifs exacts de l’opération à laquelle il est destiné389. ». Cette étude a permis de répondre à certaines de nos interrogations concernant ce produit. Il a révélé de bonnes propriétés de pénétration, d’élasticité et d’adhésivité. Certaines se sont d’ailleurs révélées meilleures que celles du Plexisol® P550. A ce stade de l’étude, nous ne pouvons affirmer et garantir son utilisation dans la restauration d’œuvres peintes. Seules d’autres propriétés pourront appuyer ce choix. Par ailleurs, cette étude scientifique demeure incomplète et limitée par les conditions de la démarche. Le manque de temps et la multiplicité des paramètres restant à prendre en compte ne nous ont pas permis d’aller plus loin dans l’expérimentation. Dans un premier temps, il serait nécessaire d’étudier la répercussion du Medium de Consolidation® 4176 dans une stratigraphie peinture réticulée et avec les variations dimensionnelles qu’elle peut engendrer. Il aurait également été intéressant de multiplier la nature des supports et des mediums. Cette étude sur le Medium de Consolidation® 4176 reste donc inachevée. Ce produit récent a le potentiel pour être intégré dans le panel des consolidants déjà à la disposition de la profession.
389
GOETGHEBEUR, Nicole. Conservation et restauration des peintures à l’IRPA : synthétique ou naturel, quel choix pour le restaurateur ? , p. 48. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Conclusion générale A la fin de ces deux années de travaux et de recherches, nous regardons le chemin parcouru et nous pouvons dresser le bilan de cette « aventure ». La Vierge à l’Enfant d’après Antoine van Dyck aura été un long et passionnant parcours. Elle nous aura permis d’avoir une réflexion approfondie sur le domaine de la restauration et de nous conforter dans notre choix professionnel. L’étude historique a permis de répondre en partie aux problématiques de départ. La Vierge à l’Enfant a pu être intégrée dans une tradition de copie d’après l’œuvre d’Antoine van Dyck. Ces recherches nous ont autorisées à découvrir le rôle passionnant et primordial de la gravure dans l’histoire de la peinture, mais aussi son commerce qui n’a pas démérité depuis le XVIIème siècle. Il nous a été offert de découvrir le succès qu’a eu l’œuvre de Van Dyck en France, par les nombreuses copies qui peuplent les collections françaises particulières ou muséales. La conservation et la restauration de cette œuvre auront été un travail laborieux mais tout aussi passionnant que l’a été la recherche historique. A travers les nombreuses problématiques qui se sont imposées à nous, les interventions successives ont permis de parfaire notre technique mais aussi de soulever de nouvelles interrogations. Le traitement de la couche picturale aura été une source d’angoisse, récompensée par le retour de la lisibilité de l’œuvre. C’est à travers la recherche technico-scientifique que nous avons été confrontée à la vacuité et à l’étendue des produits et techniques restant à découvrir dans le domaine de la restauration et de la conservation. Les recherches n’en sont qu’à leur début. La découverte et l’étude du Medium de Consolidation® 4176 ont permis de répondre à une interrogation vieille de nos premières années d’apprentissage. Ce mémoire est le fruit de deux années de travail remplies de joies, de doutes, d’émotions et de remises en question. Elles représentent l’aboutissement de notre réflexion et de notre apprentissage scolaire mais le « chemin » à parcourir restera celui de nombreuses années de pratique. Consciente de certains choix qui restent peut-être contestables, c’est néanmoins avec émotion que nous restituons la Vierge à l’Enfant à son propriétaire.
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390
Voir Annexe 20 : Résumé de l’article de Hans Peter Hedlung et de Mats Johansson.
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Table des illustrations Sources personnelles : Première de couverture, entête historique (p. 11), entête technique (p. 68), entête scientifique (p. 138), Fig. 1, 2, 3, 5, 6, 11, 13, 16, 18, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 143, 165, 166, 167, 168, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 195, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 203, 204, 205, 206, 207, 208, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219.
Ouvrages et revues : Fig. 7, 8, 22, 29 DEPAUW, Carl, LUIJTEN, Ger. Op. cit., p. 274-279 Fig. 144, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 162 LARSEN, Erik. Op. cit., v. 2, p. 456-457 Fig. 32 OTTLEY, William Young. Opt. Cit., p. 109 Fig. 202 MASSCHELEIN, Liliane. Op. cit., p. 89. Fig. 209, 210, 211, 212 HEDLUNG, Hans Peter, JOHANSSON, Mats. Op. cit., p. 334-335.
Sites internet divers : Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig.
9, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 164 http://www.culture.gouv.fr 4, 10, 12, 34 http://fr.wikipedia.org 15 http://www.fitzmuseum.cam.ac.uk/ 17, 19, 20, 21 http://www.insecula.com 23 http://pti.regione.sicilia.it 28 http://www.renzocampanini.it 24, 25, 26, 27, 30, 31 http://www.britishmuseum.org 33 http://www.regietheatrale.com 118 http://kremer-pigmente.de
Sources diverses : Fig. 14, 141, 142 contact avec le Musée Magnin Fig. 145 contact avec le musée des Beaux-Arts de Nancy Fig. 163 contact avec le musée d’art et d’histoire de Genève
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Sommaire des annexes Annexes de l’étude historique : Annexe n°1 : Biographie d’Antoine van Dyck……………………………………………..204 Annexe n°2 : Contact avec le Musée Magnin de Dijon (30/09/11)………………………...209 Annexe n°3 : Comparaison des originaux de Van Dyck avec l’œuvre présentée………….214 Annexe n°4 : Copies et répliques d’atelier des originaux d’Antoine van Dyck…………....216 Annexe n°5 : La gravure et l’école de Rubens……………………………………………..224 Annexes de l’étude technique : Annexe n°6 : Tests effectués sur l’œuvre ………………………………………………….226 Annexe n°7 : Coupe stratigraphique d’une œuvre d’Antoine van Dyck…………………...228 Annexe n°8 : Morphologie des déchirures………………………………………………….229 Annexe n°9 : Etude des pièces de renfort…………………………………………………..230 Annexe n°10 : Schéma récapitulatif des facteurs d’apparition des chancis………………...234 Annexe n°11 : Construction du carton de soutien…………………………………………..235 Annexe n°12 : Elimination des pièces de renfort…………………………………………...237 Annexe n°13 : Tests de décrassage du revers du support…………………………………..241 Annexe n°14 : Expérimentations pour les incrustations de toile de chanvre et les consolidations de déchirures………………………………………………………………...242 Annexe n°15 : Tests relatifs au traitement de la couche picturale………………………….247 Annexe n°16 : Fiches techniques des produits utilisés dans le protocole de restauration….255 Annexe n°17 : Choix et tests relatifs au doublage transparent……………………………...266 Annexe n°18 : Amélioration de la transparence des zones opaques au revers de l’œuvre doublée………………………………………………………………………………………268 Annexe n°19 : Protocole de vernissage…………………………………………………….270 Annexes de l’étude technico-scientifique : Annexe n°20 : Résumé de l’article de Hans Peter Hedlung et de Mats Johansson………..273 Annexe n°21 : Contacts établis avec différents restaurateurs……………………………...275 Annexe n°22 : Utilisation du Medium de Consolidation® 4176 sur une peinture à l’huile sur carton………………………………………………………………………………………...277 Annexe n°23 : Fiches techniques des adhésifs sélectionnés……………………………….278 Annexe n°24 : Fiche fournisseur du Medium de Consolidation® 4176…………………....280 Annexe n°25 : Résultats des échantillons après arrachage………………………………....284 Annexe n°26 : Tableaux de résultats et calculs développés de l’étude scientifique………..288
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Annexe 1 : Biographie d’Antoine van Dyck Autre figure de la « trilogie flamande391» Antoine van Dyck est né à Anvers le 22 mars 1599. Il grandit au sein d’une famille bourgeoise de sept enfants de Frans van Dyck et Marie Cuypers. Première période anversoise : 1599-1621 Octobre 1609 : Très tôt marqué par le décès de sa mère, son père l’envoie dans l’atelier du peintre d’histoire Henrik van Balen. Il est désormais enregistré à la guilde de Saint-Luc en tant qu’apprenti. Son maître lui donne une éducation fructueuse et rigoureuse pour travailler dès lors à son compte à l’âge de 16-17 ans. 11 février 1618 : il est enregistré à la guilde Saint-Luc d’Anvers en qualité de maître. Il peut dès lors travailler à son compte et accepter des commandes en son nom. 1618 : Sans jamais avoir été réellement son apprenti, c’est à cette époque également que Van Dyck entre dans l’atelier de Rubens qui lui confie la tâche habile et précise, de copier en format réduit ses peintures - servant de modèles pour les graveurs – mais aussi de réaliser des cartons de tapisseries de ses croquis392. Cette collaboration enrichit son art et lui permet de travailler aux côtés d’autres de ses contemporains tels que Jordaens. Il peint déjà des portraits. « C’était l’habitude de Rubens, après les travaux du jour, de se promener sur son cheval par la campagne, pendant une ou deux heures. Pendant son absence, ses élèves désireux de voir quel ouvrage il s’était occupé, avaient la coutume d’obséder de leur prière le vieux et fidèle gardien de l’atelier, pour qu’il leur permit l’entrée de l’appartement du maître. Il lui arrivait souvent de céder à leur demande. Un jour, dans leur précipitation, ils poussèrent contre la toile fraîchement peinte l’un d’entre eux, le jeune Diepenbeke, et effacèrent une importante partie du tableau. Ne sachant comment remédier aux dégâts, ils restaient plongés dans la consternation ; mais après quelques moments de délibération, il fut proposé par Jean Van Hoek, que Van Dyck essayât de restaurer la partie endommagée. Après quelques hésitations, le jeune peintre y consentit, et réussit à tel point, que ses compagnons se flattèrent de l’espoir que leur faute resterait cachée. Mais l’œil exercé du maître reconnut bientôt l’œuvre d’une main étrangère, et lorsque un des élèves, eut sur sa demande, avoué ce qui
391 392
Souvent cité aux côtés de Pierre-Paul Rubens et de Jacob Jordaens. LAVALLEYE, Jacques. Op. cit., p. 16. CUST, Lionel. Op. cit., p. 13.
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s’était passé, Rubens oublia la faute commise devant l’ouvrage sublime de Van Dyck393. » 1620 : Sans être un imitateur du style de son maître, leurs mains se mélangent souvent sur certaines productions en tant que collaborateur occasionnel, lorsque Rubens avait à faire face à des commandes de grande envergure. Ce dernier contracte avec les jésuites d’Anvers quant à la réalisation de 39 peintures de plafond pour la nouvelle église de la confrérie, exécutées par Van Dyck et quelques autres assistants. Très tôt encouragé à produire des portraits, une importante clientèle se déplaçait dans l’atelier de Rubens afin de se faire portraiturer394. La réputation rapide et grandissante de l’élève suscita un semblant de rivalité entre les deux hommes. Leur relation vacillait entre un profond respect et une jalousie rivale de leur technicité. Il peut d’ailleurs paraître difficile de dissocier leurs deux styles. Il débute dès lors sa propre carrière de portraitiste parallèlement à ses travaux d’assistant. Son art s’individualise et l’on voit apparaître un idéal de beauté d’un goût nouveau d’apparat qui se retrouve dans ses portraits, le visage humain échappant à toute stylistique traditionnelle. Période où il travailla dans sa « Dom van Keulen », où il engagea Herman Servaes et Justus van Egmont en tant qu’assistants pour produire des copies. Il continuera de travailler pour Rubens, son travail commença à être autant apprécié et demandé. 1621 : il fait un bref passage à la cour d’Angleterre où le comte d’Arundel l’a demandé. Son succès en tant que portraitiste n’est pas encore de mise, Jan Mytens jouissant alors de toutes les faveurs de la Cour. Période italienne : 1621-1627 3 octobre 1621 : il part pour l’Italie et arrive à Gênes le 20 novembre 1621 chez Cornelis de Wael. Il se rend dans tous les foyers artistiques d’Italie : Rome, Florence, Venise, Palerme… Février-août 1622 : il entame une période romaine où il remplit son carnet de croquis de dessins d’après nature et d’après les œuvres qu’il admire dans les églises et les collections. Août-octobre 1622 : il séjourne à Venise où il visite les collections et également celles de Padoue. Il y rencontre la comtesse d’Arundel. Octobre 1622-début 1623 : il passe par Turin, Mantoue, Milan en accompagnant la comtesse lors de voyages. Il s’arrêta probablement à Gênes, Florence et Bologne avant de rentrer à Rome. C’est durant cette période qu’il perdit son père à Anvers. 393
CARPENTER, William Hookham. Mémoires et documents inédits sur Antoine Van Dyck, P.P. Rubens et autres artistes contemporains, Anvers : Buschmann, 1845, p.7-8. 394 CUST, Lionel. Op. cit., p. 17. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Automne 1623-Printemps 1624 : il séjourne probablement à Gênes. Printemps-septembre 1624 : il est à Palerme où il vécut l’invasion de la ville par la peste. C’est l’époque où les présupposés restes de Sainte Rosalie sont retrouvés sur le Monte Pellegrino. Van Dyck reçoit instantanément des commandes pour la représenter en médiatrice contre la peste ainsi que de la Madone du rosaire à l’Oratorio del Rosario. Automne 1624-1627 : il s’installe à Gênes, son port d’attache où il deviendra le portraitiste officiel de l’aristocratie. Il reçoit également de nombreuses commandes de l’Eglise alors que l’Italie profite inlassablement de son goût de l’harmonie linéaire et de ses dons de coloriste. Il renouvelle alors les modèles d’apparat peints quinze ans auparavant par son maître : il donna ainsi au Seicento les plus grands modèles de portraits. Durant son voyage en Italie, il alimenta son carnet de croquis aujourd’hui appelé Chatsworth Sketchbook, témoignage précieux de ses influences et études italiennes. A Milan, il étudie Vinci et Raphaël ; à Rome il étudie Giorgione, del Piombo, Véronèse, Pordenone… Mais il revient à Titien d’avoir inspiré une grande partie de ses compositions dans une maîtrise technique et une reproduction fidèle des palettes. Seconde période anversoise : 1627-1632 1627 : Van Dyck est de retour à Anvers et reçut dès lors de nombreuses commandes tandis qu’il perçoit de nombreux versements de travaux effectués en Italie. Il renoue avec la peinture flamande en actualisant le genre du portrait. Sa facture gagne en légèreté, en finesse et en unité alors qu’il porte toute son attention sur les coloris chauds des visages. Van Dyck réalisa également de nombreux chefs-d’œuvre en gravure. A l’aide de son burin, il forgea sa très fameuse suite de portraits d’artistes et d’amateurs : icones pictorum. Il put ainsi se rendre compte des difficultés que peut rencontrer un graveur. Parue sous la forme d’un livre, cette suite de 100 portraits gravés furent repris par des graveurs professionnels tels que Lucas Vorsterman, les Bolswert, Paulus Pontius, Pierre de Jode, etc., dans le but d’obtenir une finalité homogène et uniforme. Il avait dessiné ses modèles à l’huile en grisaille ou à la plume395. Son iconographie est divisée en trois parties : princes et généraux, hommes d’état et savants puis artistes et amateurs et représente un précieux témoignage sociologique mais aussi physionomique. 1628 : il devient membre de la confrérie jésuite des célibataires à Anvers pour qui il réalise la Vierge à l’Enfant avec sainte Rosalie, saint Pierre et saint Paul en 1629. Dès lors débutent
395
DUPLESSIS, Georges. Op. cit., p. 213.
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ses versions successives de Vierge à l’Enfant pour les congrégations religieuses et usage privé. 1630 : il touche un salaire annuel désormais élevé en sa qualité de peintre à la cour de Bruxelles, bien qu’il continue de vivre à Anvers. Sa renommée s’accroît et son talent ne cesse d’attirer amateurs et dirigeants. Son œuvre religieuse le place au sommet de sa gloire durant sa seconde période anversoise. 1931 : Choisi parrain d’Antonia, fille du graveur Lucas Vorsterman, c’est cette année-là qu’il réalise le portrait de Marie de Médicis et de son fils Gaston alors en visite à la cour anversoise. Le secrétaire de la reine divulgue déjà la richesse et l’admiration de la « collection de Titien » d’Antoine van Dyck révélant une inspiration considérée. Hiver 1631-1632 : Antoine van Dyck quitte la Flandre pour les Pays-Bas où il travaille pour la cour de Frédéric-Henri et Amalia van Solms, prince et princesse d’Orange, à la Haye, et à la cour de Frédéric du Palatinat et de sa femme Elizabeth Stuart. Période anglaise : 1632-1641 1er avril 1632 : Il arrive à Londres où il fut appelé par Sir Kenelm Digby. Il est reçu par Edward Norgate, beau-frère de Nacholas Lanier puis s’installe à Blackfriars en périphérie de Londres, hors de la juridiction de la « Painter-Stainer’s Company ». Il séjourne également dans la résidence d’été royale à Eltham/Kent. 5 juillet 1632 : il est pensionné par le roi au titre de principal peintre ordinaire de Leurs Majestés et est fait chevalier. Il reçoit dès lors de nombreuses commandes du roi Charles 1 er et de sa femme Henriette-Marie, tant pour leurs portraits que ceux de l’aristocratie. 1633 : travaillant pour la cour britannique, la reine Henriette-Marie fait appel à Theodoor van Dyck, frère d’Antoine et norbertin, en tant qu’aumônier de la cour à son service. A la fin de cette année, l’infante Isabelle meurt à Bruxelles accordant son gouvernat provisoire au prince Thomas Savoy-Carignan. Van Dyck partira pour la Flandre au début de l’année 1634. 1634 : il reçoit le plus grand honneur qui puisse être attribué par la guilde de Saint-Luc à Anvers : il est membre de la guilde honoris causa et son nom est inscrit sur la liste des membres. Seul Rubens avait eu jusqu’à présent l’honneur de recevoir ce titre. En cette fin d’année, le cardinal-infant Ferdinand entre à Bruxelles en sa capacité de gouverneur général et Van Dyck peindra son portrait. Il séjournera de nouveau à Bruxelles en décembre 1634 dans la maison dite « In’t Paradijs » derrière l’hôtel de ville.
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1635 : de retour à Londres, une route et un quai sont construits à Blackfriars pour créer un passage entre sa maison et la Tamise, afin que Charles 1er puisse visiter son atelier en juin et en juillet. 1636 : première parution de son iconographie. Une seconde parut en 1645 après la mort du peintre. 1639 : il épouse Mary Ruthven, une noble dame de compagnie de la reine. Une anecdote raconte que la reine Henriette-Marie, demandant au Bernin de la sculpter à la manière de Van Dyck, lui aurait promis de lui envoyer des tableaux en guise de modèles. 30 mai 1640 : Rubens meurt à Anvers. Le comte d’Arundel obtient un passeport pour Van Dyck et sa femme afin de visiter le défunt génie. Décembre 1640 : au retour de Londres, il s’arrête à Paris où il tente d’obtenir la commande pour les peintures d’histoire destinées à décorer la Grande Galerie du Louvre, finalement acquise par Poussin. Octobre 1641 : Van Dyck est signalé à Anvers. Novembre 1641 : il séjourne de nouveau à Paris mais sa maladie progresse et il n’exécutera pas le portrait de « Monseigneur le Cardinal Richelieu ». Il demande un passeport pour l’Angleterre. 1er décembre 1641 : naissance de sa fille Justiniana. 9 décembre 1641 : Van Dyck meurt à Blackfriars et est inhumé dans le chœur de la cathédrale Saint-Paul à Londres le 11 décembre 1641, où le roi fit placer une épitaphe. Durant cette dernière période féconde, il produisit près de 400 tableaux.
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Annexe 2 : Contact avec le Musée Magnin de Dijon (30/09/11)
La fiche d’identification fournie par le Musée national Magnin de Dijon nous offre une précieuse bibliographie, des observations fournies par deux historiens de l’art contactés par le musée mais aussi, une liste d’œuvres associées à celle présentée. Face à ces informations, nous avons pu articuler nos recherches et enrichir nos références historiques.
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Figure 141 Fiche d'identification du MusĂŠe Magnin de Dijon.
Guillemette LARDET â&#x20AC;&#x201C; Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Après un second contact écrit avec le musée Magnin (09/2012), Mme ISNARD a pu nous communiquer les constatations de M. B. Watteuw, consulté par le musée au sujet de cette copie, et cité dans la fiche d’inventaire.
Figure 142 Contact du musée Magnin avec M. Bert Watteuw, au sujet de la copie d'après Antoine van Dyck.
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Il nous a alors paru judicieux de contacter M. Bert Watteuw, afin de lui communiquer nos recherches mais également de lui demander son avis quant à la datation de notre œuvre.
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Contact établi avec M. Alexis Merle du Bourg
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Figure 143Mise en relation des deux originaux d'Antoine Van Dyck et de notre oeuvre de mémoire : (de gauche à droite) la version de la Dulwitch Picture Gallery, notre oeuvre de mémoire, la version du Fitzwilliam Museum.
Annexe 3 : Comparaison des originaux de Van Dyck avec l’œuvre présentée
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Annexe 4 : Copies et répliques d’atelier des originaux d’Antoine van Dyck396 De nombreuses répliques et copies d’après la Vierge à l’Enfant d’Antoine van Dyck ont été répertoriées et reconnues, profusément dupliquées et reprises. Ces reproductions sont de plus ou moins bonnes qualités, ne révélant aucune origine unique.
Les deux versions présentées ci-après sont des copies de la version du Fitwilliam Museum.
Figure 145 Anonyme, Vierge à l'Enfant, huile sur toile, 147 x 105 cm, huile sur e toile, XVII siècle, musée des Beaux Arts, Nancy. Provenance : achat par Commission des Musées en juillet 187,2 provenant de l'Eglise Saint Epvre à Nancy.
Figure 144 Anonyme, Vierge à l'Enfant, huile sur toile, provenant du palais Ferdinando Spinola, Gênes.
La version du musée des Beaux-Arts de Nancy est l’une des plus belles copies anciennes d’atelier aux dimensions presque identiques à l’original. La version du palais Spinola est une copie faite d’après l’original.
Les versions suivantes sont des répliques d’après la version de la Dulwitch Picture Gallery de Londres, plus nombreuses. Ce fait est probablement dû à une accessibilité
396
Les copies et répliques d’atelier citées dans cette partie, sont directement tirées du catalogue raisonné d’Erik Larsen cité en bibliographie. Toutes les remarques les concernant sont directement traduites de l’anglais dans ce même ouvrage. Les autres œuvres présentées proviennent de nos recherchent personnelles principalement entreprises sur la base Joconde du Ministère de la Culture. Les institutions et les lieux de conservation de ces œuvres ont pu être contactés afin d‘obtenir des clichés en couleur et de plus amples informations les concernant. Les clichés en noir et blanc sont des reproductions de l’ouvrage d’Erik Larsen. Le but fut aussi de recouvrer une certaine tendance de copies quant aux éléments rajoutés ou supprimés et peutêtre trouver des supports semblables à l’œuvre présentée. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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aisée par le biais de gravures ou d’autres copies. Il est intéressant de rappeler que l’original de la Dulwitch Gallery est passé sur le territoire français, dans la collection de Jean de Julienne, ainsi potentiellement vu par de nombreux artistes.
Figure 147 Vierge à l'Enfant, huile sur toile, 131 x 117 cm, Lichtenstein Collection, Vaduz. Très bonne réplique d’atelier.
Figure 146 Vierge à l'Enfant, huile sur toile, 126,1 x 114,6 cm, Walters Art Gallery, Baltimore, Maryland. Très bonne réplique d’atelier.
Figure 149 Vierge à l'Enfant, huile sur toile, 122,5 x 100 cm, propriétaire inconnu. Une des versions la plus connue qui a probablement été exécutée avec l’aide du maître. En 1995 il est signalé sur le marché de l’art américain.
Figure 148 Vierge à l'Enfant, huile sur toile, 105 x 115 cm, conservée à Palm Beach, Floride, Helene and Arthur U. Newton. Très belle variante de l’originale, tronquée en haut, en bas et sur les côtés.
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Figure 151 Vierge à l'Enfant, huile sur toile, 90 x 70 cm, National Collection of Art, Washington D.C. Plus petite copie, tronquée sur tous les quatre côtés.
Figure 152 Vierge à l'Enfant, huile sur toile, 128 x 112 cm, Collection Cesare Giovannoni, Milan.
Figure 150 Vierge à l'Enfant, huile sur toile, dimensions inconnues, Collection Frans Dierick, Petegrem/Deinze.
Figure 153 Madone et l'Enfant, huile sur toile, 87,6 x 66,1 cm, vers 1621-1625, Canon Hall, England Barnsley. Provenance : William Harvey Bequest.
De nombreuses autres versions ont pu être répertoriées au cours de ce travail, laissant entrevoir la célébrité de ce motif mais également l’attrait accordé à la peinture de Van Dyck. Elles proviennent des recherches entreprises sur la base Joconde, portail des collections des musées de France. Chaque commune et institution possédant ces copies ont été contactées.
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Cette première copie, conservée dans l’église de Brux (86), a été restaurée par le Pr William Whitney et Lallot avec l’autre tableau ornant les murs du chœur, le Songe de Joseph d’après un original perdu de Simon Vouet. Probablement datée de la seconde moitié du XVIIe siècle, elles décoraient le château d’Epanvilliers, propriété de la famille Montalembert, famille spoliée de ses biens en 1792. Similitudes : couleur manteau de la Vierge, nudité de l’enfant. Différences : broche du voile de la Vierge, nimbe de Figure 154Anonyme, copie d'après Antoine van Dyck.
l’enfant, arrière-plan, direction des regards, base de la colonne.
Cette deuxième copie apparaît comme une copie de la version de la Pinacothèque de Munich. Dotée d’une protection de surface, elle présente de nombreuses pertes de matière. Actuellement conservée dans les réserves, elle n’a pas subi de restauration pour le moment. Similitudes : nudité de l’enfant. Différences : broche du voile de la Vierge, direction des regards, arrière-plan, nimbe de l’enfant. Figure 155 Anonyme, d'après Antoine van Dyck, La Vierge et l'enfant Jésus, 132 x 98 cm, Rennes, Musée des Beaux Arts. Provenance : communauté des filles du Calvaire de Rennes, saisie révolutionnaire en 1794.
Cette troisième version a été retrouvée dans la région de l’Aveyron à Marcillac-Vallon. Très mauvais état de conservation. Similitudes : nimbe de l’enfant, broche du voile de la Vierge. Différences : directions des regards, arrière-plan.
Figure 156 Anonyme, d'après Antoine van Dyck, La Vierge et l'enfant, Marcilhac-surCélé.
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Conservée dans l’Eglise Saint Bruno les Chartreux à Lyon, cette version s’intègre dans une splendeur baroque à l’image de l’édifice. Les moines chartreux de Grenoble venus s’installer dans le diocèse de Lyon à la fin du XVIe siècle, l’Eglise sera complètement construite en 1750. Similitudes : nudité de l’enfant, absence de la broche, arrière-plan, direction des regards. Différences : base de la colonne, absence du rideau et des passementeries, absence du panier de fruits.
Figure 157 Anonyme, d'après Antoine van Dyck, la Vierge à l'Enfant, peinture sur toile, Eglise-Saint-Bruno-lesChartreux, Lyon
Cette
autre
copie
présente,
selon
sa
fiche
d’inventaire, une dédicace peinte dans la partie inférieure droite : « A Jésus, à sa mère Sœur Françoise de Sainte Gertrude, offre ce tableau en mémoire de sa profession faite le 28 octobre 1639. Restauré en avril 1828. ». Présentée comme un exvoto pouvant provenir de l’ancien couvent des Ursulines de l’Ile-Bouchard, elle est proche de la composition originale de la Dulwitch Picture Gallery. L’édifice de conservation est un lieu de pèlerinage de part la présence du sanctuaire de Notre-Dame de la Prière. Non rentoilé, le châssis est noté ancien, e
probablement du XIX siècle. Elle est aujourd’hui exposée en l’Eglise Saint-Gilles au-dessus de la porte
Figure 158 Anonyme, d'après Antoine van Dyck, e la Vierge et l'Enfant, XVII siècle, huile sur toile, 113,7 x 93 cm, Eglise paroissiale Saint Gilles, L'Ile-Bouchard
ouest du transept sud. L’œuvre a été restaurée en décembre 2012. Similitudes : nudité de l’enfant, absence de la broche, arrière-plan, direction des regards. Différences : base de la colonne, absence du rideau et des passementeries, absence du panier de fruits.
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Similitudes : nudité de l’enfant, Différences : broche du voile de la Vierge, direction des regards, présence de Joseph, arrière-plan, nimbe de l’enfant, colonne.
Figure 159 Anonyme, d'après Antoine van e Dyck, la Sainte Famille, 147 x 118 cm, XVI siècle, huile sur toile, Eglise paroissiale SaintGal, Langeac, œuvre restaurée en 1953.
Copie inversée certainement faite d’après une gravure de Paulus Pontius elle-même inversée. Retrouvée en 2003 dans le grenier du presbytère, elle fut volée entre avril 2005 et décembre 2006. Qualifiée de copie ancienne de qualité, elle est montée sur un châssis en bois résineux, une toile de lin assez grossière en deux lés, la couture verticale se remarque dans la partie gauche. Similitudes : arrière-plan, nudité de l’enfant, direction des regards, base de la colonne, nimbe de l’enfant, cadrage. Différences : sens de la composition, broche du voile de la Vierge, absence du rideau et du panier de fruits. Figure 160 Anonyme, d'après Antoine van Dyck, Vierge à l'Enfant, 104,5 x 82,5 cm, huile e sur toile, XVII siècle, Maison de la corporation des bateliers de Condé, Condé-sur-l’Escaut.
Dans un état de conservation remis en question (pertes de matière, chancis, réseau de craquelures prononcées…), elle s’approche de la version du Fitzwilliam Museum de Cambridge malgré la présence d’un repeint de pudeur sur le sexe de l’enfant Jésus. Similitudes : nudité de l’enfant, nimbe de l’enfant, cadrage, absence de la broche du voile, direction des regards Différences : arrière-plan, repeint de pudeur, voile imposant, manche bleue de la robe, trois doigts tendus de la main gauche de l’enfant Figure 161 Anonyme, d'après Antoine van Dyck, Vierge à l’Enfant, peinture à l'huile, e XVIII siècle, Eglise paroissiale Saint Martin, Villenave-d'Ornon
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Une des rares copies signée Edward Fancourt, peintre britannique du XIXe siècle. Devant son succès il expose des œuvres en 1820 et 1825 à la Royal Academy à Londres, essentiellement des portraits de femmes. Son modèle a probablement dû se trouver en Angleterre, terre d’accueil d’Antoine van Dyck. Similitudes : voile de la Vierge, allure des drapés et plis. Différences : cadrage, arrière-plan, broche du voile de la Vierge, nudité de l’enfant, rideau, base de la pierre sculptée, direction des regards.
Figure 162 Edward Fancourt, Vierge à l'Enfant, d'après Antoine van Dyck, 151 x 116 cm, 1825, Durham University collection. Provenance : offert par M. Chaytor of Chipchase Castle vers 1850.
Cette copie a dès lors subie une restauration en 2008 (nettoyage de surface, refixage de la couche picturale) par Agnès Asperti. Elle se rapproche de la version originale de la Dulwitch Picture Gallery. « Attribué à Antoon van Dyck dans les anciens catalogue, il est considéré par Louis Gielly comme « une copie médiocre » et inventorié aujourd’hui sous « école française ». D’après son support et l’aspect de la matière picturale, il nous paraît cependant d’une qualité suffisante pour être attribué à un peintre anversois du milieu du XVIIe siècle397. » Similitudes : allure des drapés et plis, directions des regards Différences : cadrage, arrière-plan, broche du voile de la Vierge, nudité de l’enfant, rideau, base de la pierre sculptée.
397
Figure 163 Anonyme, Vierge à l'Enfant, d'après Antoine van Dyck, vers 1650, huile sur toile, 112,5 x 93,5 cm, Musée d'art et d'histoire, Genève. Provenance : collection Gustave Revilliod jusqu’en 1890 puis legs.
e
e
ELSIG, Frédéric. L’art et ses marchés – La peinture flamande et hollandaise (XVII et XVIII siècles) au Musée d’art et d’histoire de Genève. Paris : Somogy, 2009, p. 111. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Acquise en 1894, elle appartenait à l’ancienne collection de Jean Gigoux. Similitudes : allure des drapés et plis, direction des regards, colonne, voile de la Vierge, nudité de l’enfant. Différences : cadrage, arrière-plan, auréole, base de la pierre sculptée.
Figure 164 Anonyme, La Vierge et l'Enfant, e huile sur toile, XVII siècle, 87,1 x 120 cm, Musée des Beaux-arts et d'archéologie de Besançon. Provenance: indéterminée.
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Palazzo Bianco Gênes Durham University Collection Musée des Beaux Arts de Besançon Musée Déchelette Roanne
Paroisse Saint Martin Villenave-d'Ornon
Paroisse Saint-Gal Langeac Commune de Condésur-l'Escaut
Eglise Saint Bruno les Chartreux - Lyon
Commune de Châteaula-Vallière Commune de Marcilhac-sur-Célé
Paroisse Notre Dame de la Prière - L'IleBouchard mcdubus@cg37.fr
Mme Marie-Claude DUBUS (Direction de la culture, Service des expositions temporaires et de la volarisation du patrimoine culturel)
Richard Brickstock (Conservateur du Durham Castle Museum)
M. François Magnant (Président Association de Recherches Historiques de l'Ornon)
r.j.brickstock@durham.a c.uk
arho@free.fr
Marie-Claude Dumont (Présidente philippe.dumont@wanad Association Eglise saint-Bruno, oo.fr Splendeur du Baroque)
gduchazaud@cg37.fr
M. Guy du Chazaud (conservateur des Antiquités et Objets d'Art du département d'Indre et Loire)
fcoulon@ville-rennes.fr
phototheque.mah@villege.ch
xavier.malle@gmail.com
M. François Coulon
Musée des Beaux Arts de Rennes
+ 32 3 201 15 88
Téléphone
04.78.28.82.61
+33 (0)2 .4 7. 31 .49.68
02 47 31 49 68
02.47.58.51.86
02.23.62.17.40
+41 22 418 26 48
rbowler@thewalters.org 410.547.9000 x254
e-mail helene.isnard@culture.g ouv.fr bert.watteeuw@stad.ant werpen.be michele.leinen@mairienancy.fr
Père Xavier Malle
M. Angelo Lui (Service photographique)
Musée d'art et d'histoire de Genève
Commune de Marcillac-Vallon
M. Ruth Bowler (Photo and Digital imaging Coordinator)
Mme Michèle Leinen (Documentaliste)
M. Bert Watteuw
Contact Mme Hélène Isnard (Service Documentation)
The Walters Museum
Musée des Beaux Arts de Nancy Palais Ferdinando Spinola - Gênes The Princely Lichtenstein Collection
Musée national Magnin - Dijon
Institution
Demande de communiquer le mémoire.
Remarques Demande d'envoi du mémoire finalisé
OK : photo + article
OK
OK
OK : photo couleur + fiche d'inventaire
OK
OK
Proposition de visite avec le Curé de la paroisse
Organisation d'une exposition en 2014 sur le patrimoine des communautés religieuses en région Centre
S'adresser à M. Guy du Chazaud (conservateur des Antiquités et Objets d'Art du département d'Indre et Loire)
Œuvre en réserve emplacement "épi OK : photo noir et blanc 34" (n°inventaire 1794.4.1)
OK : Photo couleur + informations déjà présentes sur le site internet du musée OK : fiche d'inventaire + photo couleur
Réponse OK : fiche d'inventaire + photo couleur OK : bibliographie et reproduction OK : photo couleur + fiche d'inventaire
Aucune mention faite de ce tableau dans la commune
Œuvre non restaurée
Œuvre non restaurée
Il existe uen copie de La Vierg eaux donateurs de van Dyck sur la commune de Château-la-Villière.
02 47 31 49 68
Toujours avec son papier de protection, provenant de la communauté des filles du Calvaire à Rennes (saisie révolutionnaire n°1794.4.1)
Notice de deux catalogues d'expositions : Jacques Foucard et Clara Gelly
Avis : copie d'après copie du 18ème siècle
Informations récoltées Bibliographie, observations, avis des historiens d'art : G. Luijten et B. Watteuw
Figure 165 Tableau récapitulatif des institutions contactées et leur réponse.
[223]
Annexe 5 : La gravure et l’école de Rubens (Extrait de l’ouvrage de René Van Bastelaer, La gravure et l’école de Rubens, Bruxelles : Van Oest, 1913, p. 4-7) « L’art de subordonner l’ordonnance de la composition à un clair-obscur unique et à une unité de valeurs pittoresques, en ménageant la gradation expressive de la couleur, de produire des vibrations lumineuses analogues à celles des couleurs locales par le travail contrasté des hachures, leur était inconnu. Cette gloire de faire de la gravure au burin la rivale puissante de la peinture était réservée à Rubens. Le premier contact que Rubens eut avec les graveurs date des illustrations exécutées avant son retour aux Pays-Bas pour les « Electorum libri III », de son frère Philippe, édités en 1608 par Moretus-Plantin. Mais le point de départ de l’influence du maître se trouve dans la Sainte Famille que lui grave Barbé, rencontré naguère en Italie ; le modelé est habile, l’ensemble tient par l’effet, mais manque de la force efficace du clairobscur et de la couleur. Et c’est aussitôt contre cette absence de l’effet pittoresque que Rubens réagit en donnant à graver à Corn. Galle sa grande Judith coupant la tête d’Holopherne. Dès ce moment, l’estampe a appris à imiter la profondeur du tableau ; le parti pris du coloriste, comme la répartition de la lumière, y est suspendu avec art jusqu’à la partie principale. Malheureusement les tailles croisées à angle droit dans l’ombre, le cerné des contours, le métier trop mince et figé dans les chairs rendent l’ensemble sec : Corn. Galle reste le graveur-marchand incapable de la souplesse et de la vie qu’il faut pour traduire Rubens. […] Pour atteindre son but il restait à Rubens de trouver un jeune buriniste de Haerlem, docile encore à une formation nouvelle et capable d’un métier naturel dénué de virtuosité ; de lui traduire en noir et blanc les effets de coloris et de clair-obscur des tableaux, et d’en surveiller quotidiennement la reproduction. Cette solution logique se trouva dans la personne de Lucas Vorsterman […] Certes, cette perfection avait pour cause les longs tâtonnements de Rubens, son expérience et son souci d’en modifier le parti-pris de couleur et de clair-obscur de ses peintures : il restituait ainsi à la gravure de traduction une partie des privilèges de l’inspiration originale dont il l’avait dépouillée. Elle était due aussi à la surveillance jalouse du maître sur les travaux de son jeune graveur. Rubens pouvait donc s’en attribuer l’honneur sans forfanterie.
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[…] De son côté Rubens, privé des services de Vorsterman, mais fort de la formule nouvelle, en avait transmis la succession à son élève Paul Dupont, dit Pontius, un Anversois de vingt-deux ans. Pontius, dont les progrès furent extraordinairement rapides, avait une manière à la fois légère et puissante, aux tailles plus variées, plus longues et plus élégantes que celles de Vorsterman. […] Cette transformation de l’estampe rubénienne, entreprise sous les auspices du maître à la fin de sa carrière, a quelque chose d’émouvant. Sentant combien la puissance même de son génie a préparé le vide que sa mort doit laisser dans la gravure flamande, Rubens cherche à en renouveler la source avant de mourir. Il sait que Bolswert, Pontius, Vorsterman, Pierre de Jode junior, etc., continueront, après sa mort, à graver ses œuvres dans la tradition qu’il leur a inculqué. Mais il sait aussi que l’art ne peut rester stationnaire et que sa formule décorative nouvelle pourrait être féconde pour une seconde génération de graveurs. »
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Annexe 6 : Tests effectués sur l’œuvre. Tests réalisés sur la toile d’origine398 Test de nature des fibres Objectif : Tenter d’évaluer la nature des fibres de la toile d’origine (lin et chanvre). Mise en œuvre : Après avoir prélevé des fils de chaîne et des fils de trame, ils sont brûlés afin d’observer le comportement de la flamme et d’évaluer les temps de combustion. Si la combustion est rapide, la toile est probablement constituée de fibres de chanvre399. A l’inverse, si elle est lente, les fibres sont probablement de lin. Résultats : Sur les échantillons prélevés les combustions observées ont été relativement rapides. En comparant avec des échantillons avérés de toile de lin, la combustion apparaît plus lente. Ainsi il est probable qu’il s’agisse d’une toile de chanvre. Objectif : Tenter de différencier des fibres de lin, de chanvre et de jute400. Mise en œuvre : Dans un premier temps les échantillons de fils sont mouillés à l’alcool puis immerger dans une solution de permanganate de potassium à 1% pendant une minute, puis rincés. Les fils sont ensuite décolorés à l’acide chlorhydrique puis rincés. Enfin ils sont immergés dans de l’ammoniaque pur. Les colorations obtenues sont les suivantes : blanc pour le lin, rose pour le chanvre et rouge pour le jute. Résultats : Après avoir effectué chaque opération, les fils obtenus sont roses. Le test met donc en évidence une fibre de chanvre. Test de réactivité à l’eau Objectif : Evaluer la réactivité à l’humidité du support d’origine et en tirer une tendance. Mise en œuvre : Des fils de chaîne et de trame ont été prélevés et disposés dans un bain d’eau. Ils ont ensuite été mesurés avant et après séchage afin d’évaluer la rétraction des fils. Résultats : Les deux fils révèlent une infime sensibilité à l’eau directement liée au désembuvage des fils de trame et de chaîne. Chaque fil étant passé de 4 cm avant séchage à 4,1 cm après séchage ; les fils se sont linéarisés. Une sensibilité normale à l’humidité est notée. Mise en œuvre : Des gouttes d’eau ont été posées sur plusieurs zones (à l’intérieur de lacunes et sur les bandes de rabat) après un dépoussiérage superficiel localisé. Résultats : Les fibres de cellulose gonflent systématiquement cependant la vitesse de pénétration est différente selon les zones. Le support révèle une absorption plus importante de l’eau dans la partie inférieure que dans la partie supérieure (plus d’une minute dans la partie inférieure et moins de 20 secondes dans la partie supérieure). La perméabilité du support est donc plus importante dans la partie inférieure de l’œuvre.
398
Ils ont été réalisés sur le support original, soit sur des prélèvements de fils, soit sur des chutes provenant des bords de tension originaux. 399 BROSSARD, Isabelle. Technologie des textiles. Paris : Dunod, 1997, p. 42. « Le chanvre brûle rapidement sans laisser de déchets. ». 400 Idem, p. 54. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Tests de détermination de la nature de la première couche de préparation Test de réactivité à l’eau Objectif : Déterminer la solubilité à l’eau de la préparation. Mise en œuvre : Une écaille est disposée dans de l’eau déminéralisée (froide et chaude) à l’aide d’un verre de montre, pendant 20 minutes. Résultats : Après 20 minutes, aucune solubilisation et réactivité dans l’eau n’est observée. La préparation est probablement de nature grasse et hydrophobe. Test de réactivité aux solvants chlorés Objectif : Déterminer si la préparation est maigre ou grasse. S’il y a une solubilisation, le liant étudié est oléagineux ; les huiles étant sensibles aux solvants chlorés. Mise en œuvre : Une écaille est placée dans un solvant chloré (de type trichloréthylène) à l’aide d’un verre de montre. Résultats : Aucune solubilisation ni décoloration n’est observée. Ne réagissant pas à l’eau dans le précédent test, il est fort probable que la préparation soit de nature grasse. Il est également probable qu’elle soit pauvre en liant. Test à l’acide chlorhydrique Objectif : Déterminer la présence de carbonate de calcium et de carbonate de plomb Mise en œuvre : Un prélèvement de préparation (présente sur les bandes de rabat) est placé dans de l’acide chlorhydrique à l’aide d’un verre de montre rempli. Résultats : Aucune solubilisation ni réaction n’est observée. La préparation ne contient probablement pas de carbonate de calcium ni de carbonate de plomb ou alors en très faible quantité. Tests réalisés sur la couche picturale originale Test de réactivité à l’eau Objectif : Evaluer la réactivité à l’eau de la couche picturale au vu de traitement proposé dans le protocole d’intervention. Mise en œuvre : Chaque couleur a été testée en humidifiant de manière légère les zones concernées, à l’aide d’un bâtonnet de coton légèrement humecté. Résultats : Aucun coton ne présente de coloration particulière et donc de remontée de couleur. Ceci ne nous permet pas d’identifier la nature de la couche picturale401.
401
Une peinture comprenant un liant insensible à l’eau (lipidique par exemple) peut réagir au contact de l’eau dans un état de dégradation avancée. De plus, une couche picturale à l’huile dont la concentration volumique pigmentaire (CVP) est critique, peut présenter une sensibilité à l’eau. Ce phénomène n’étant pas dû à la sensibilité du liant à l’eau mais à la fragilisation et à la porosité de la couche colorée pauvre en liant. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Annexe 7: Coupe stratigraphique d’une œuvre d’Anton van Dyck402
Cette coupe stratigraphique provient d’une œuvre d’Antoine van Dyck : Portrait d’Elena Grimaldi. La stratigraphie est composée :
Couche de préparation brune.
Deuxième couche couleur crème faite de blanc de plomb, de craie avec une petite quantité de charbon de bois et d’oxyde de fer rouge.
Couche supérieure de craie, de smalt et de blanc de plomb.
Lignes noires de charbon de bois correspondant probablement au dessin préparatoire.
Une couche de bleu lumineuse à base de blanc de plomb, de craie et de smalt.
Un brillant mélange bleu à base de blanc de plomb, de smalt et d’outremer.
Les deux premières couches posées par Antoine van Dyck semblent s’approcher de la double préparation observée de l’œuvre de mémoire. Sans analyse précise, il est difficile d’affirmer que de l’oxyde de fer rouge se trouve dans la préparation grise. 402
BARNES, Susan J., POORTER de, Nora, MILLAR, Olivier, VEY, Horst. Van Dyck: a complete catalogue of the paintings. New Haven, CT: Yale University Press, 2004, p. 49. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Annexe 8 : Morphologie des dĂŠchirures
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Annexe 9 : Etude des pièces de renfort Ci-dessous est proposée une étude générale des pièces de renfort présentes au revers du support original de la Vierge à l’Enfant. Provenant d’une ou plusieurs anciennes campagnes de restauration, chaque pièce a été comparée avec la zone correspondante sur la face afin d’en comprendre sa présence. Pièce n°1 : Avec un tissage fin et serré, elle mesure 7,9 x 16,6 cm mais n’est pas la plus grande des pièces. D’armure toile, elle est préparée avec un enduit blanc lui conférant sa rigidité et probablement sa stabilité par rapport aux autres pièces. Provenant d’une toile déjà préparée, elle a probablement été posée à l’aide d’une colle protéinique ayant induit sa remontée. Elle est en perte d’adhésion en périphérie, poussiéreuse et parsemée de projections diverses. L’altération sous-jacente correspond à une déchirure simple en diagonale, prolongée par une lacune de toile circulaire. La trame de la pièce de renfort est alors visible en surface. Les bords de la lacune ont tendance à se déformer et à s’enrouler. La pièce n’a pas déformé la surface picturale, jouant sont rôle de consolidation. Malgré la présence du repeint épais sur la face recouvrant l’altération, les bords des lèvres des déchirures sont restés dans le plan.
Figure 166 Vue au revers de la pièce de renfort et sur la face.
Pièce n°2 : Elle est la plus grande des pièces présentes au revers de l’œuvre et est partiellement occultée par le montant gauche du châssis. Ses dimensions ne seront alors pas connues avant la dépose de la toile. D’armure toile, elle compte 13 fils au cm² dans le sens vertical et 9 fils au cm² dans le sens horizontal. Sa coupe n’est pas régulière et le tissage apparaît artisanal et épais. Sa rigidité et son caractère cassant sont sans doute dus à la Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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dégradation de l’adhésif utilisé pour son application. De nature protéinique, il a probablement gonflé à la suite d’un fort apport de chaleur provoquant la déformation de la matière picturale sur la face. Son comportement s’est répercuté sur le support original provoquant une rupture sur le bord gauche sous la forme d’une déchirure. Elle est la pièce ayant induit la plus importante altération en surface : on observe un état de surface irrégulier et très altéré. Elle a subi le même le processus d’encrassement que le support original comme la plupart des pièces présentes au revers. La pose de cette pièce – et probablement celle de certaines autres – est intervenue avant le phénomène d’empoussièrement. Il est possible que plusieurs campagnes de pose de pièces de renfort aient été entreprises au vu de leur état d’encrassement différent. La pièce n°2 présente également une importante tâche d’humidité. La raison de son application n’est pas discernable sinon du fait de la présence de nombreuses lacunes de couche picturale sur la face. Elle a sûrement joué un rôle de renfort localisé du support original en raison d’une faiblesse mécanique. La raison de son application pourra être repensée lors de la dérestauration.
Figure 167 Vue de la pièce de renfort au revers de l'œuvre et de la face vue en lumière rasante. On observe un état de surface déformée et nivelé par les lacunes de couche picturale repeint et les écailles restantes.
Pièce n°3 : Elle est la seule à être présente dans la partie supérieure mais n’a pas le même état d’empoussièrement que le support original. Elle pourrait provenir d’une campagne de restauration plus récente. Cette observation prouve une altération postérieure au processus d’encrassement. Elle compte environ 22 fils au cm² dans le sens vertical et 24 fils au cm² dans le sens horizontal. La toile paraît fine, probablement de lin, avec un tissage serré. Sa coupe est Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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irrégulière et marquée par des déchirures en périphérie. Elle se trouve à la limite du montant gauche et sert de consolidation à une perte de fils du support original. Sa taille semble importante au vu de celle de l’altération sous-jacente. Probablement encollée à l’aide d’un adhésif protéinique, elle n’a cependant pas déformé le support original grâce à sa contexture plus faible. Elle est parsemée de tâches et de projections diverses.
Pièce n°4 : Difficile à distinguer sous une importante couche de crasse, ses mesures sont approximatives : environ 12 x 21,5 cm. Probablement de lin, son tissage est fin et serré présentant 21 fils au cm² dans le sens vertical et 19 fils au cm² dans le sens horizontal. Sa coupe est irrégulière et ses bords sont effilochés. Son comportement ne s’est pas imposé au support orignal probablement grâce à sa faible contexture. L’altération sous-jacente correspond à une déchirure mesurant environ 14 cm. La taille de la pièce est importante par rapport à celle de la déchirure. Cette dernière ayant provoqué des pertes de matière en périphérie, a été mastiquée et retouchée. Les bords des lèvres de la déchirure ont eu tendance à remonter et à se déformer.
Figure 168 Vue de la pièce au revers du support original et de l'altération correspondante sur la face. Cette dernière apparaît avec des différences de matité et de brillance ainsi que d’anciens mastics de couleur ivoire.
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Pièce n°5 : Située à la limite du montant inférieur, elle mesure environ 14,7 x 9 cm. Plus large que haute, elle compte 24 fils au cm² dans le sens vertical et 26 fils au cm² dans le sens horizontal. La toile probablement de lin, est fine et déchirée à plusieurs reprises en périphérie. En regard de la zone de couche picturale correspondante, aucune altération ne paraît être présente. Elle n’a pas subi le même processus d’encrassement que le reste du support et paraît avoir été posée plus récemment.
Figure 169 Vue de la pièce au revers du support original.
Pièce n°6 : Partiellement occultée par le montant inférieur du châssis, la pièce n°6 présente des mesures approximatives : environ 10,4 cm de largeur. Ses bords sont effilochés tandis que la pièce est recouverte d’une épaisse couche de crasse comme le support original. Sa nature et sa contexture seront appréciées après la dérestauration. Elle ne semble pas consolider une quelconque altération du support ou de la couche picturale. Son comportement ne s’est pas imposé au support original.
Figure 170 Vue de la pièce de renfort au revers de la toile originale et sur la face.
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Pièce manquante : La marque d’une ancienne pièce de renfort se remarque sur la partie gauche, paraissant chevaucher les pièces 1 et 2. Présentant encore des résidus blancs, probablement de la préparation, le textile utilisé pour la pose de la pièce devait être préparé. Otée après le processus d’encrassement général du support, la pièce ne consolidait pas d’altération actuellement visible. A sa place, de la crasse grasse et foncée est visible.
Annexe 10 : Schéma récapitulatif des facteurs d’apparition des chancis403
403
STEDMAN, Véronique. Les Chancis de vernis. Paris : mémoire INP, 1985-1986, p. 23.
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Annexe 11 : Construction du carton de soutien
Figure 171 Schéma de construction et de mise en place du carton de soutien.
Annexe 12 : Elimination des pièces de renfort Après avoir déposé l’œuvre de son châssis, les pièces de renfort ont pu être enlevées une par une, mécaniquement ou à l’aide d’un gel. Lors de leur élimination, il a été possible d’apprécier leur mode d’application ainsi que les altérations sous-jacentes. Pièce n° 1 : Auparavant occultée par le châssis, sa longueur réelle est de 13,5 cm. Elle ne respecte par le droit fil et a fait partie des pièces les plus délicates à éliminer. L’adhésif utilisé pour son application n’est aujourd’hui plus soluble à l’eau mais à la chaleur. C’est donc à l’aide d’une spatule chauffante que nous avons pu supprimer de manière optimale cette pièce contraignante. Les résidus de colle et de couche picturale ont été grattés au scalpel. Une couche picturale a été mise à jour entre le support original et la pièce de renfort. Il se peut qu’une toile à peindre ait été réutilisée en guise de pièce de renfort. Elle constitue la pièce la plus dégradante pour le support original. Une lacune est découverte lors du retrait de la pièce.
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Figure 172 Vue avant et après élimination de la première pièce de renfort.
Figure 173 Vue au microscope de la trame de la pièce de renfort (x 50).
Figure 174 Vue en cours de la suppression Figure 175 Vue de lacunes de support de la pièce de renfort : on aperçoit la et de couche picturale : aucun mastic couche picturale présente sur celle-ci. sous-jacent.
Pièce n°2 : Pièce de contexture moindre, sa suppression s’est faite à l’aide d’un gel de méthylcellulose. Le gel a permis de ramollir la pièce et l’adhésif employé pour son application tout en limitant l’apport d’humidité sur le support original. L’état d’encrassement de la toile d’origine n’est pas continu sous la pièce de renfort. La pièce est remontée à la surface de la couche picturale dans la lacune de toile, prenant la place de la préparation dans la stratigraphie. Lors de son élimination, une partie de la trame est restée adhérente au support original et a été enlevée mécaniquement avec un scalpel. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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Figure 176 Vue avant et après l'élimination de la pièce de renfort. La lacune du support original est dès lors visible.
Figure 177 Vue en détail de l'enfoncement créé par la pièce Figure 179 Elimination de la pièce par le biais Figure 178 En cours d'élimination de la de renfort. d'un gel de méthylcellulose. pièce de renfort.
Pièce n°3 : Elle ne présente aucune résistance mécanique et son adhérence avec le support original est faible. Aucune action mécanique n’a été nécessaire pour son élimination. Un mastic sous-jacent est apparu, comblant une lacune de toile. Cette dernière n’a cependant pas été incrustée, la mastic ayant été posé directement sur la pièce de renfort. La pièce n°3 vient probablement de la même campagne de restauration que la pièce n°6 : ayant la même contexture, il est à peu près sûr qu’elles proviennent du même lé de toile. Un état d’empoussièrement existait déjà avant son application. L’altération est alors plus récente.
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Figure 182 Pièce de renfort en cours de Figure 180 Vue sous microscope du mastic sous-jacent (x50). suppression.
Figure 181 Vue sous microscope de la trame de la toile de renfort (fine et serrée) et des résidus de matière picturale.
Pièce n°4 : Faisant partie des plus grandes pièces présentes au revers de l’œuvre, son élimination a été faite à l’aide d’un gel de méthylcellulose. Lors de l’opération, une pièce sous-jacente a été découverte. Cette constatation n’est pas étonnante au vu de l’importante déformation présente sur la surface picturale. Les deux pièces ainsi que les adhésifs utilisés, probablement de nature protéinique, ont marqué le support original. Après suppression de ces deux pièces, une déchirure a été découverte (d’environ 13 cm de longueur) ainsi que des mastics anciens. Aucune consolidation fil-à-fil ne semble avoir été faite au préalable. Figure 183 Vue avant, pendant et après l'élimination des deux pièces de renforts. La deuxième était invisible et de plus petite taille. La seconde paraît être plus épaisse et contraignante que la première.
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Figure 186 Détail de la superposition des deux pièces de renfort.
Figure 184 Vue sous microscope de la déchirure sous jacente et du mastic visible entre les fils.
Figure 185 Vue sous microscope de la trame de la toile de renfort (x50).
Pièce n°5 : Sa suppression a été facile, permettant d’observer une lacune et une déchirure simple sous-jacentes, sans mastic ancien. Malgré la présence d’une préparation, elle est la pièce ayant le moins contraint le support original.
Figure 190 Vue générale de la pièce avant son élimination.
Figure 189 Vue générale de l'emplacement de la pièce après son élimination.
Figure 188 Vue de la lacune et de la déchirure sousFigure 187 Vue sous microscope de la trame de la toile de renfort jacents. (fine et très lâche, x 50 à gauche) et de l’adhésif utilisé pour la pose de la pièce (à droite).
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Pièce n°6 : Cette dernière pièce a pu être enlevée facilement, son adhésion étant quasiment nulle. Aucune force n’a été nécessaire pour la retirer. Une déchirure sous-jacente a été découverte. De même contexture que la pièce n°3 et n°6, elle semble également issue du même lé de toile et donc de la même campagne de restauration.
Figure 191 Vue générale de la pièce de renfort avant sa suppression.
Figure 193 Vue de la pièce de renfort en cours de suppression.
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Figure 192 Vue générale de l'emplacement de la pièce de renfort après sa suppression.
Figure 194 Détail vue au microscope Figure 195 Détail vu au de la déchirure sous-jacente (x50). microscope de la trame de la toile de la pièce de renfort et de l'enduit présent (x8).
[240]
Annexe 13 : Tests de décrassage du revers du support Le but du décrassage du revers était d’avoir une action modulée et progressive afin de préserver au mieux les fibres de la toile d’origine en vue de sa consolidation. Les premiers tests ont été effectués à la gomme Wishab® permettant d’obtenir des résultats concluants quant à l’élimination d’une couche de poussière superficielle. Les résidus de gomme restés logés dans la trame de la toile ont été éliminés à l’aide d’une brosse dure et d’aspiration.
Figure 196 Tests effectués à la gomme Wishab®.
Les autres tests – concernant l’élimination de la crasse ayant pénétré dans la trame de la toile d’origine - ont été effectués à l’aide d’un gel de méthylcellulose. Différents modes de retrait ont été testés : par le biais d’un coton légèrement humecté, à l’aide d’une spatule et d’un scalpel. Différents temps d’application ont également été évalués. D’après ces essais, le gel sera appliqué pendant une minute puis retiré à l’aide d’une spatule italienne.
Figure 197 Panel de tests effectués sur le support original : (de droite à gauche) avec un coton humecté demandant beaucoup d'action mécanique, avec un gel de méthylcellulose ensuite nettoyé avec un bâtonnet de coton, avec un gel de méthylcellulode ensuite éliminé au scalpel puis au coton, puis avec un gel de méthylcellulose avec un temps d’application de plus d’une minute et éliminé à la spatule.
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Annexe 14 : Expérimentations pour les incrustations de toile de chanvre et les consolidations de déchirures Le chanvre est une fibre végétale provenant des tiges de la plante du même nom, très largement utilisé depuis la Préhistoire.404 Cette fibre est extraite de l’écorce du chanvre et est utilisée dans de nombreux domaines comme la confection de tissus et les beaux-arts. Celles les plus travaillées proviennent de la périphérie des tiges tandis que les fibres de chènevrotte tige centrale dépourvue de son écorce - ont une grande capacité d’absorption. Avant d’être tissé, le chanvre devait subir de nombreuses opérations telles que le rouissage, le broyage, le teillage et le peignage. La toile de chanvre a souvent été utilisée comme support de toile à peindre 405 et le papier de chanvre est également souvent employé en restauration et pour la conservation des œuvres d’art. Le chanvre est constitué à 67% de cellulose puis de lignine, d’eau, de cires et de graisses. Ses fibres sont difficiles à distinguer de celles du lin, donnant au chanvre des caractéristiques optiques favorables à son utilisation en tant que toile d’incrustation. Le chanvre est cependant plus cassant que le lin mais il est jugé plus résistant à la traction que ce dernier406. Sa finesse et sa souplesse sont inférieures à celles du lin. Malgré son taux élevé de cellulose, ses fibres sont moyennement hygroscopiques. Elles sont également résistantes à la lumière et sensibles à l’infestation biologique.407 L’ensemble de ses caractéristiques rendent la toile de chanvre intéressante pour l’incrustation des lacunes de la toile originale. Elle apportera des propriétés esthétiques pour les mastics et la réintégration colorée. En effet la contexture de cette toile s’approche de celle de la toile d’origine, tout comme son épaisseur et l’irrégularité de ses fils. L’épaisseur de la toile de chanvre a été mesurée et comparée avec d’autres textiles à l’aide d’un pied à coulisse408. La toile de chanvre mesure en moyenne 0,72 mm d’épaisseur alors que le support d’origine en fait 0,68 mm. Nous avons donc dû poncer la toile d’incrustation afin d’obtenir une continuité cohérente du support.
404
PEREGO, François. Op. cit., p. 176-177. Cf. p. 72. 406 BROSSARD, Isabelle. Op. cit., p. 42-43. 407 PEREGO, François. Op. cit., p. 176-177. 408 Sur un échantillon de chanvre de 4 x 3 cm, 10 mesures ont été prises à l’aide d’un pied à coulisse. La moyenne a été ensuite calculée. En ce qui concerne le support original, les mesures ont été prises sur les bords de tension de l’œuvre ne présentant pas de préparation et donc d’épaisseur supplémentaire. 405
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[242]
Les expérimentations suivantes ont eu pour but de confirmer – en terme mécanique – le choix d’une toile de chanvre en tant que toile d’incrustation. Le paramètre que le textile doit remplir – outre une contexture et un tissage similaires que ceux de la toile d’origine – est une bonne résistance mécanique pour assurer la continuité du support et accueillir la réintégration colorée. Cependant il ne doit pas s’imposer au support original et le déformer par la face comme ont pu le faire les pièces de renforts retrouvées au revers. Des tests de traction 409 ont alors été réalisés sur des fils de chanvre, de lin provenant d’une toile industrielle neuve, de nylon®410, d’origam®411 et de polyester412. Des tests ont également été réalisés sur des fils du support original413. Premier protocole : Des fils de 10 cm de longueur ont été placés entre les deux mâchoires – l’une fixe, l’autre mobile – du bâti de traction. L’essai de traction a été entrepris jusqu’à la rupture des échantillons ; cette opération a été répétée dix fois pour chaque textile. La masse correspondant à la rupture est ensuite notée dans le tableau ci-après (figure 198). Cette première expérimentation a pour objectif de comparer la résistance à la traction de la toile de lin industrielle, de la toile de chanvre et de la toile originale, en vue du choix du textile d’incrustation. Les trois premières colonnes vont donc nous intéresser dans un premier temps. Résultats et interprétations concernant les incrustations de chanvre (toile originale/toile de lin industrielle/chanvre) (figure 198) : Nous voyons que le chanvre est moins résistant à la traction que la toile de lin industrielle susceptible d’être utilisée pour les incrustations : elle est 2,6 fois moins résistante que le lin industrielle. Sa rupture arrive plus rapidement. Ainsi le chanvre risque moins de s’imposer au support original que la toile industrielle, en cas de contraintes importantes. Le textile d’incrustation – au vu de la petite surface et de la situation des lacunes de support – doit remplir avant tout un rôle esthétique sur 409
Cf. p. 161. Les tests de traction ont été effectués grâce au bâti de traction construit pour le projet technicoscientifique. 410 Autrement appelé Nitex® (03-190/57), c’est un polyamide obtenu par polycondensation de diamines ou d’acides aminés. Il présente de bonnes propriétés mécaniques mais a tendance à jaunir en vieillissant. 411 Toile synthétique monofilament thermo soudée, il a une couleur jaune dans un sens de tissage et transparent dans l’autre sens. L’origam® apporte de bonnes propriétés de transparence, une bonne stabilité aux variations environnementales et est fin et léger. 412 Textile à fibres synthétiques, ses variations dimensionnelles sont faibles et il reste un textile relativement stable. 413 Les tests effectués sur la toile originale ont été réalisés sur des fils plus courts et moins nombreux au vu de leur disponibilité. Ces valeurs ont été exécutées à titre indicatif. En effet, prélevés sur les bords de tension originaux, ils n’ont bien évidemment pas la même résistance et le même degré d’oxydation que les fils se trouvant en périphérie des lèvres des déchirures et des lacunes de support. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[243]
la surface picturale après la réintégration colorée. La contexture de la toile de chanvre s’accorde de manière satisfaisante à celle de la toile d’origine. Ainsi le textile le moins résistant a été retenu (en raison de ses atouts esthétiques) ne risquant pas de s’imposer au support d’origine. Il reste que les tests sur les fils du support original ont été soumis à un test de traction à titre indicatif au vu de leur oxydation et de leur lieu de prélèvement.
Essai n°
Masse à la rupture (kg) Toile originale
Toile de lin industrielle
Chanvre
Polyester
Nylon
Origam
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Moyenne Ecart-type Erreur Absolue Erreur relative
0,22 0,25 0,2 0,23 0,17 0,214 -
2,78 2,96 2,85 2,86 2,98 3,15 2,95 2,88 2,92 2,91 2,924 0,10 0,37 12,7%
1,2 1,14 1 1,1 1,17 1,16 1,07 1,13 1,19 1,15 1,13 0,06 0,20 17,7%
0,22 0,22 0,22 0,23 0,22 0,22 0,22 0,22 0,21 0,22 0,22 0,00 0,02 9,1%
0,16 0,16 0,16 0,16 0,16 0,17 0,16 0,16 0,16 0,15 0,16 0,00 0,02 12,5%
0,02 0,03 0,03 0,03 0,03 0,03 0,03 0,03 0,04 0,03 0,03 0,00 0,02 66,7%
Figure 198 Résultats des mesures de tests de traction effectués sur des fils de textiles choisis (en kg).
Masse à la rupture moyenne 3,5 3
2,924
2,5
Toile de lin industrielle Chanvre
kg
2
Polyester
1,5
Nylon
1,13
Origam
1 0,5
0,22
0 Toile de lin industrielle Chanvre Polyester
Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
0,16 Nylon
0,03 Origam
[244]
Deuxième protocole : Par la suite de nouveaux fils (toujours d’une longueur de 10 cm) ont été amenés à une contrainte égale à [la moyenne de la rupture du textile – 20%], afin d’évaluer leur allongement et donc leur seuil d’élasticité414. L’objectif de l’expérimentation est de comparer l’élasticité et l’allongement des fils de textiles à disposition en vue de la consolidation de déchirures prévues dans le protocole de restauration. Habituellement choisis en fonction de la contexture des fils de la toile originale, les fils de consolidation des déchirures doivent pouvoir supporter les variations dimensionnelles de l’œuvre sans pour autant s’imposer à la surface de l’œuvre. Dans notre cas, il est important d’opter pour un textile aux fils fins – au vu de l’épaisseur de ceux de la toile d’origine – ayant une élasticité et une résistance suffisantes au maintien dans le plan des déchirures. Résultats et interprétations concernant la consolidation des déchirures : A première vue (figure 199), les textiles ont un allongement croissant selon cet ordre : la toile de lin industrielle, l’origam®, le chanvre, le polyester® et enfin le nylon®. Entre ces deux extrêmes, le nylon® est 2,5 fois plus résistant à l’allongement qu’une toile de lin industrielle. Le nylon® demeure cependant un textile controversé dans le milieu de la restauration du fait de son instabilité au vieillissement. Il présente en effet un jaunissement important. L’origam® apparaît être trop peu élastique du fait qu’il comporte des fils beaucoup plus fins. Il ne paraît donc pas adapté à l’utilisation envisagée. Enfin le polyester® paraît être un bon compromis parmi les fibres synthétiques testées. Mesures initiales : L0 = 6 cm Essai n°
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Moyenne Ecart-type Erreur absolue Erreur relative
Toile de lin industrielle m0 = 2,34 kg Lf (cm) 6,3 6,3 6,4 6,4 6,35 6,35 6,35 6,3 6,3 6,35 6,34 0,04 0,10 2%
ΔL (cm) 0,3 0,3 0,4 0,4 0,35 0,35 0,35 0,3 0,3 0,35 0,34 0,04 0,10 29%
Chanvre m0 = 0,90 kg Lf (cm) 6,5 6,5 6,45 6,5 6,45 6,5 6,55 6,55 6,45 6,45 6,49 0,04 0,10 2%
ΔL (cm) 0,5 0,5 0,45 0,5 0,45 0,5 0,55 0,55 0,45 0,45 0,49 0,04 0,10 20%
Polyester m0 = 0,18 kg Lf (cm) 6,6 6,7 6,7 6,65 6,6 6,7 6,75 6,65 6,65 6,6 6,66 0,05 0,15 2%
ΔL (cm) 0,6 0,7 0,7 0,65 0,6 0,7 0,75 0,65 0,65 0,6 0,66 0,05 0,15 23%
Nylon m0 = 0,13 kg Lf (cm) 6,9 6,75 6,9 6,9 6,95 6,8 6,85 6,9 6,75 6,8 6,85 0,07 0,20 3%
ΔL (cm) 0,9 0,75 0,9 0,9 0,95 0,8 0,85 0,9 0,75 0,8 0,85 0,07 0,20 24%
Origam m0 = 0,02 kg Lf (cm) 6,4 6,5 6,35 6,35 6,4 6,35 6,45 6,45 6,5 6,35 6,41 0,06 0,15 2%
ΔL (cm) 0,4 0,5 0,35 0,35 0,4 0,35 0,45 0,45 0,5 0,35 0,41 0,06 0,15 37%
Figure 199 Résultats des taux d'allongement des fils sélectionnés (en cm). 414
Après avoir sélectionné des fils de 10 cm de longueur, deux marques distantes de 6 cm ont été faites avec un stylo à encre indélébile. Ce sont les variations entre ces deux points qui ont été mesurés afin d’en déduire l’allongement de chaque échantillon. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[245]
Allongement moyen des fils 0,9
cm
0,8 0,7
Toile de lin industrielle
0,6
Chanvre
0,5 Polyester
0,4 0,3
Nylon
0,2
0,1 0 Toile de lin industrielle Chanvre
Origam Polyester
Guillemette LARDET â&#x20AC;&#x201C; Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
Nylon
Origam
[246]
Annexe 15 : Tests relatifs au traitement de la couche picturale 1.1.Tests de décrassage de la surface picturale Les tests ont dans un premier temps débuté avec de l’eau déminéralisée froide puis chaude. Etant souvent emprisonnée dans la couche colorée, la crasse présente une plus grande sensibilité à l’eau chaude. Le TAC (Citrate de triammonium) a ensuite été utilisé pour son action chélatante. Le choix a été celui d’une solution de triammonium citrate® à 1% agissant de manière efficace quant à l’élimination de la crasse superficielle sans trop d’action mécanique. Mélange testé Zone colorée Fond Noir Eau déminéralisée Rouge froide Bleu
Résultat Peu satisfaisant Peu satisfaisant Peu satisfaisant Peu satisfaisant
Chair
Peu satisfaisant
Fond
Satisfaisant
Noir
Satisfaisant
Eau déminéralisée chaude Rouge
Tampon
Satisfaisant
Bleu
Satisfaisant
Chair
Satisfaisant
Fond
Satisfaisant
Noir
Satisfaisant
Rouge
Satisfaisant
Bleu
Satisfaisant
Chair
Satisfaisant
TAC 0,5%
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[247]
TAC 1%
Triton X100 1%
Fond
Très satisfaisant
Noir
Très satisfaisant
Rouge
Très satisfaisant
Bleu
Très satisfaisant
Chair
Très satisfaisant
Fond
Peu satisfaisant
Noir
Peu satisfaisant
Rouge
Peu satisfaisant
Bleu
Peu satisfaisant
Chair
Peu satisfaisant
Figure 200 Tableau récapitulatif des tests de décrassage.
1.2.Tests sur les vernis Du fait de la complexité de la stratigraphie des couches supérieures jusqu’à la couche picturale, le choix a été de différencier chaque couche stratigraphique et de les traiter de manière progressive afin de ne pas heurter l’intégrité de la couche picturale. Un protocole de tests a été entrepris pour chaque couche stratigraphique, de façon méthodique et rigoureuse, selon les listes de Masschelein-Kleiner et de Paolo Cremonesi. Les tests ont été faits dans chaque zone colorée de l’œuvre apparaissant plus ou moins sensibles, à l’aide d’une action mécanique adaptée à la surface concernée. Ils ont été débutés dans les zones les moins sensibles – où la couleur paraissait plus solide – et ensuite étendus aux différentes plages colorées de la composition. Le paramètre de solubilité d’un solvant dépend de trois types d’interaction qui définissent le triangle de solubilité : les forces de dispersion de Van der Waals Fd, les interactions entre dipôles Fp et les interactions par liens hydrogènes Fh.415 La polarité est l’élément majeur permettant de déterminer les zones de solubilité du matériau concerné. Chaque force peut se situer sur une échelle de 1 à 100. Placé à l’intérieur du triangle, nous avons tenté de trouver le mélange de solvants le plus adapté aux
415
MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Les solvants : cours de conservation 2. Bruxelles : IRPA, 1994, p. 44.
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[248]
couches concernées, par le biais de tests en suivant respectivement – par souci de toxicité l’ordre établi par Paolo Cremonesi et par Liliane Masschelein-Kleiner.
1.2.1. Premier dévernissage : vernis superficiel chanci et déplaqué Les tests de solubilité de la première couche de vernis ont été faits selon la méthode LEA (ligroïne/éthanol/acétone) de Paolo Cremonesi avec des mélanges de solvants allant du moins polaire au plus polaire. Les mélanges LA (ligroïne/acétone) ont rapidement été écartés de nos tests du fait de l’importante vitesse d’évaporation de l’acétone provoquant de forts blanchiments. Il a été tout de même prouvé leur faible efficacité mais ils ont été placés dans le tableau. Les tests suivants ont été les LE (ligroïne/éthanol) allant de LE1 (ligroïne/éthanol en proportion 90 : 10) à LE9 (ligroïne/éthanol en proportion 10 : 90). Ils ont été effectués avec un bâtonnet de coton d’abord dans les zones claires (le ciel) puis après dans les zones plus foncées (le rideau). Le mélange LE9 a donné des résultats satisfaisants sans pour autant solubiliser toutes les particules de vernis. Une action mécanique au scalpel fragilisant les couches sous-jacentes a été nécessaire afin d’éliminer les résidus de vernis dans les interstices de la couche picturale. Ce mélange a été mis en évidence dans le triangle de Teas (figure 202) grâce à la valeur de ses paramètres de solubilité (Fd = 42, Fp = 16, Fh = 42). Selon leur position dans les aires de solubilité, seuls les solvants dont les forces Fd étaient proches de ces paramètres, ont été sélectionnés. L’acétate d’éthyle (Fd = 51, Fp = 17, Fh = 37) a retenu notre attention, se trouvant dans une aire d’action proche du mélange LE9. La couche s’est solubilisée, étant une résine probablement naturelle, nous nous sommes référée aux mélanges de la liste de Masschelein-Kleiner contenant de l’acétate d’éthyle. Le mélange MK10, acétate d’éthyle/méthyléthylcétone en proportion 50 : 50 (Fd = 52, Fp = 23,5, Fh = 27), a été testé. Ces deux solvants « moyens » en mélange ont donné des résultats satisfaisants sans action mécanique importante. Il permet une solubilisation rapide et homogène d’une grande zone. Après avoir placé le mélange dans le triangle de Teas, ce dernier correspond aux aires de solubilités suivantes : résines, huiles et protéines polysaccharides. Le mélange MK10 est qualifié par Masschelein-Kleiner comme solubilisant les vernis résineux en couches épaisses. Il est cependant probable que la résine éliminée soit une résine naturelle de type mastic.
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[249]
Mélange testé LA3
Zone colorée Fond
Test à la goutte
Test à l'aiguille
Remarques
-
-
Trop d'action mécanique nécessaire. Fort blanchiment.
Tampons
Zones testées
Les mélanges LA et AE ont été proscrits: l'acétone, du fait de sa faible rétention, provoque des blanchiments beaucoup trop important pour être retenu. Sa faible efficacité renforce ce choix.
LE6
LE7
LE8
LE9
Fond
-
-
Petite action dissolvante mais nécessite trop de frottement nécesaire. L'éthanol apparaît avoir une bonne action.
Noir
-
-
Trop d'action mécaniqe pour un résultat peu satisfaisant.
Rouge
-
-
Trop d'action mécaniqe pour un résultat peu satisfaisant.
Bleu
-
-
Trop d'action mécaniqe pour un résultat peu satisfaisant.
Chair
-
-
Trop d'action mécaniqe pour un résultat peu satisfaisant.
Fond
+
+
Il pénètre relativement vite. L'action est presque intantanée, cependant
Noir
+
+
Le résultat est un peu plus satisfaisant.
Rouge
+
+
Il pénètre relativement vite. L'action est presque intantanée. Avec une action en déroulée, l'action est satisfaisante mais nécessite une action mécanique importante dans certaines zones.
Bleu
-
-
L'action est quasiment nulle même avec une action de frottement. De plus le coton apparaît déjà coloré.
Chair
+
+
Le résultat commence à être satisfaisant cependant l'action mécanique nécessite beaucoup trop de frottement.
Fond
++
++
Action satisfaisante sur les tons clairs.
Noir
++
++
Action très satisfaisante mais nécessite tout de même des actions de frottements.
Rouge
-
-
Trop d'action mécanique pour une action trop peu satisfaisante.
Bleu
-
-
Action peu satisfaisante.
Chair
-
-
Action peu satisfaisante, la solubilisation de la résine est assez faible. Une coloration apparaît cependant sur les cotons tests.
Fond
++
++
Action efficace.
Noir
+
+
Action satisfaisante sur les tons sombres maisa à tendance à chancir.
Rouge
++
++
Très bonne action mécainque sans action mécanique trop importante.
Bleu
-
-
Action mécanique trop importante. Le mélange ne dissocie pas les couches sous-jacentes et va trop loin dans la stratigraphie.
Chair
+
+
Action efficace, tendance à blanchir avec une importante action mécanique.
Fond
++
++
Noir
++
++
++
++
Très bonne solubilisation de la résine avec une action assez rapide sans trop de frottement.
Bleu
++
++
Action satisfaisante. Solubilisation rapide.
Chair
++
++
Action très satisfaisante. Fait gonflé et élimine les résidus coincés entre les interstices de la couche picturale.
MK10 (acétate d'éthyle / méthyléthylcéton Rouge e 50 : 50)
La solubilisation est rapide et efficace sans action mécanique importante. Il élimine également facilement les résidus dans les interstices de la couche picturale, en les faisant gonfler. Très bonne solubilisation de la résine avec une action assez rapide sans trop de frottement.
Figure 201 Tableau récapitulatif des tests de dévernissage effectués pour la première couche de vernis superficiel.
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[250]
Cires Huiles Huile âgée Protéines polysaccharides Résines
Mélange LE9 Mélange MK10 Mélange MK13
Figure 202 Visualisation des mélanges de solvants dans le triangle de Teas.
1.2.2. Dévernissage du second vernis et purification des repeints Les premiers tests de solubilisation ont été menés respectivement selon la liste de Paolo Cremonesi et de Masschelein-Kleiner. La première liste n’ayant donné aucun résultat concluant, ils n’ont pas été illustrés dans le tableau suivant. Dans la seconde liste, la démarche s’est faite de la manière suivante : le mélange MK10 utilisé précédemment n’ayant eu aucune action sur cette couche sous-jacente, les mélanges solubilisant les surpeints huileux selon Masschelein-Kleiner ont directement été testés. Supposant la nature lipidique de cette couche épaisse et sombre ainsi que celle des nombreux repeints, les tests ont débuté par le mélange MK12 dichloroéthane, et méthanol en proportion 50 : 50, jusqu’au mélange paraissant satisfaisant.
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[251]
Le mélange MK13 toluène/diméthylformamide (en proportion 75 : 25) a donné de bons résultats sans trop d’action mécanique. Le mélange est mis en évidence dans le triangle de Teas grâce à ses paramètres de solubilité (Fd = 68,75, Fp = 12,5, Fh = 18,75). Son importante pénétration dans le réseau de craquelures prononcé et ouvert a été remarquée sur l’ensemble de la surface. Sans courir le risque du phénomène de lixiviation, la méthode des « solvent gels » mise au point par Richard Wolbers416 a été entreprise. Le solvant est alors mélangé à un agent gélifiant : le Carbopol® à un agent neutralisant417 : l’Ethomeen® puis à un peu d’eau. (Fd = 28). Le gel a été fait à partir de 100mL de mélange MK13, avec 2g de Carbopol® Ultrez 21, 20mL d’Ethomeen® C12 (lipophilique) et 1,5mL d’eau déminéralisée. Les tests montrent que ce gel élimine efficacement la couche épaisse lipidique ; le gel est ensuite rincé à l’aide de solvants non polaires avec un coton de white-spirit. Une couche de crasse sous-jacente apparaît dès lors après dévernissage notamment dans le ciel, couleur claire. Ces observations expliquent le protocole suivant. Mélange testé Zone colorée Test à la goutte Test à l'aiguille
Remarques Tampons Zone testée Résulat satisfaisant mais nécessite une action mécanique importante à Fond + + l'aide d'un scalpel. Résulat satisfaisant mais nécessite une action mécanique importante à Noir + + l'aide d'un scalpel. MK12 Résulat satisfaisant mais nécessite (dichloroétha une action mécanique importante à Rouge + + ne / méthanol l'aide d'un scalpel. 50 :50) Résulat satisfaisant mais nécessite une action mécanique importante à Bleu + + l'aide d'un scalpel. Résulat satisfaisant mais nécessite une action mécanique importante à Chair + + l'aide d'un scalpel. Action solubilisante efficace sans action de frottement importante. Il Fond ++ ++ solubilise également les résidus restants. Action solubilisante efficace sans action de frottement importante. Il Noir ++ ++ solubilise également les résidus MK13 restants.efficace sans Action solubilisante (toluène / action de frottement importante. Il Rouge ++ ++ DMF 75 : 25) solubilise également les résidus restants.efficace sans Action solubilisante action de frottement importante. Il Bleu ++ ++ solubilise également les résidus restants.efficace sans Action solubilisante action de frottement importante. Il Chair ++ ++ solubilise également les résidus restants. Les autres mélanges (MK14-MK15-MK16-MK17-MK18) ont été testés mais ne donnaient aucun résultat satisfaisant ; ils ne figurent donc pas dans le tableau.
Figure 203 Tableau récapitulatif des tests effectués pour le dévernissage de la seconde couche de résine. 416
CREMONESI, Paolo. Les solvants organiques et aqueux, dans Materials and Methods for the Cleaning of Paintings, 15-16-18 novembre 2004 et 6-7 décembre 2004. Paris : INP, 2004, p. 50-54. 417 Base organique (amine) ayant des propriétés tensioactives (chaîne polyethoxylée). Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[252]
1.2.3. Décrassage Les tests de décrassage ont débuté avec les solvants de décrassage habituels jusqu’à trouver un produit donnant des résultats satisfaisants. Les meilleures résultats ont été obtenus avec un Triammonium citrate® à 1%. Ce tensioactif combine une solubilisation efficace et une action mécanique réduite. Cette dernière est importante car à ce stade du traitement, la couche picturale originale est la couche directement sous-jacente.
Mélange testé
Zone colorée
Eau déminéralisée froide
Ciel
Malgré la coloration des cotons, le résultat visuel n'apparaît pas satisfaisant.
Fond
L'aspect visuel de la zone de test est plus satisfaisant, cependant une action mécanique importante est nécessaire (2 passages sont nécessaires). La couche picturale originale ne doit pas être abrasée.
Eau déminéralisée chaude
Fond
Noir
TAC 1%
Rouge
Remarques
Zone testée
Action mécanique minime donnant un aspect visuel satisfaisant. La zone est décrassée et la couche picturale originale n'est plus recouverte d'un voile grisâtre. Action mécanique minime donnant un aspect visuel satisfaisant. La zone est décrassée et la couche picturale originale n'est plus recouverte d'un voile grisâtre. Action mécanique minime donnant un aspect visuel satisfaisant. La zone est décrassée et la couche picturale originale n'est plus recouverte d'un voile grisâtre.
Bleu
Action mécanique minime donnant un aspect visuel satisfaisant. La zone est décrassée et la couche picturale originale n'est plus recouverte d'un voile grisâtre.
Chair
Action mécanique minime donnant un aspect visuel satisfaisant. La zone est décrassée et la couche picturale originale n'est plus recouverte d'un voile grisâtre.
Ciel
Trop d'action mécanique nécessaire pour un résultat laissant visible des résidus de crasse.
Chair
Trop d'action mécanique nécessaire pour un résultat laissant visible des résidus de crasse.
Salive synthétique
Tampons
Figure 204 Tableau récapitulatif des tests de décrassage effectués.
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[253]
1.2.4. Purification des repeints anciens Les tests ont été effectués selon la liste de Masschelein-Kleiner avec des solvants concernant l’élimination de repeints polysaccharides. Les tests ont ainsi débuté à partir du mélange MK20 (toluène/isopropanol/eau en proportion 50 : 65 : 15) jusqu’au MK22 (acétate d’éthyle/tétrahydrofurane/eau en proportion 5 : 35 : 45). Le mélange MK20 a donné de bons résultats additionnés d’une action mécanique au scalpel. Cependant aucun des mélanges ne permet de solubilisation directe de la matière concernée. Ces repeints – dont l’existence est justifiée par une couche picturale sous-jacente usée voire très altérée – sont dans certains cas, posés sur des lumières, sur la trame de la toile d’origine ou sur la préparation sous-jacente. Leur entière élimination nécessite une action mécanique trop importante, risquant d’altérer la couche picturale sous-jacente et ce qui peut en rester. Le choix a donc été d’avoir une action superficielle dégageant le plus de matière possible afin de faire apparaître les lumières posées par le peintre. Ce choix a été le fruit d’une longue réflexion et les disparités visuelles pourront être adoucies lors de la réintégration colorée, au lieu d’être supprimées chimiquement et mécaniquement.
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[254]
Annexe 16 : Fiches techniques des produits utilisĂŠs dans le protocole de restauration
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Annexe 17 : Choix et tests relatifs au doublage transparent Des traitements avec des adhésifs naturels tel que le rentoilage traditionnel à la colle de pâte, ont l’avantage de permettre d’obtenir la rigidité nécessaire pour favoriser un bon maintien des accidents du support. Les modifications majeures d’un traitement synthétique sont : la nature synthétique des matériaux utilisés, la stabilité des matériaux au vieillissement et aux variations hygrométriques et la notion de rigidité et de contrainte. L’ajout d’une toile de renfort et d’un adhésif quels qu’ils soient, alourdit la peinture et modifie visuellement le revers du support d’origine. Son occultation apparaît partielle dans le cadre d’un doublage transparent à l’aide d’une toile de polyester type origam®. La combinaison des facteurs nécessaires au doublage (chaleur, pression, solvants…) ainsi que leur non maîtrise peuvent entraîner des altérations irréversibles sur les œuvres peintes.418 Gustave Berger décrit le phénomène de « Weave interference »419 en 1966 provoquant un changement d’aspect de la couche picturale lors de certaines opérations de doublage. Lors de la consolidation du support, la trame des deux toiles – celle de doublage et celle d’origine – ne se superposent jamais parfaitement : elles peuvent être parallèles, juxtaposées ou décalées l’une par rapport à l’autre. Ce phénomène est d’autant plus présent que les deux trames de toile sont de contexture proche ou similaire. Les décalages de trame et de fils peuvent créer des déformations sur la surface picturale sous l’effet de la pression et du scellage. Pour éviter ce phénomène, la quantité, le mode d’application de l’adhésif mais aussi la pression appliquée et la pose d’une couche intermédiaire ont été des paramètres proposés par Gustave Berger. Cette couche intermédiaire paraît réduire l’effet de « Weave interference » formant une couche plane tout en facilitant le scellage des deux toiles. Ainsi des contextures différentes, donc plus faibles que celle du support d’origine, constituent des supports de doublage adéquats. Dans le cas de la Vierge à l’Enfant, le choix du matériau de doublage a été le fruit d’une longue réflexion. Un tableau doublé associe deux comportements différents relatifs aux deux supports en question, leur équilibre assurant la future conservation de l’œuvre peinte. Ainsi la toile de doublage ne doit en aucun cas s’imposer et être moins inerte que la toile d’origine. Au vu de la contexture du support d’origine – une toile artisanale irrégulière, d’épaisseur 418
WALLART, Hélène. La couche intermédiaire dans la technique de doublage, Bruxelles : Ecole Nationale Supérieure des Arts Visuels de la Cambre, 2009, 83 p. 419 BERGER, G. Weave interference in Vacuum Lining of Pictures, dans Studies in conservation, vol. 111, n°4, 1966, p. 170. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[266]
importante, probablement de chanvre – et de l’altération provoquée par les pièces de renfort de contexture importante, le choix s’est porté vers une consolidation légère de la toile originale. N’étant pas accidentée de manière importante, le matériau de consolidation s’est porté vers une toile synthétique de contexture plus faible – de type origam® - ne risquant pas d’imposer son comportement au support original. Le doublage avec une toile d’origam® apporte des propriétés de transparence, n’ayant pas induit le choix de cette consolidation. Les tests entrepris ont concerné la nature et le nombre de couche de Plextol® B500 appliqués afin d’imprimer la trame épaisse du support original de manière optimale. Une toile d’origam® a été tendue sur châssis et 20 échantillons ont été préparés, chacun recevant un nombre défini et croissant de couches d’adhésif (figure 206). La toile d’origam® a ensuite été placée sur la table basse pression et chaque emplacement a été réactivé au pinceau à l’aide de xylène. Des échantillons de toile, de même contexture que celle du support original, ont été doublés. Les échantillons ont été numérotés de la manière suivante :
1: 2: 3: 4: 5: 6: 7: 8: 9: 10 :
11 : 12 : 13 : 14 : 15 : 16 : 17 : 18 : 19 : 20 :
1 couche de lait de Plextol®
1 couche de lait de Plextol® +
5 couches de Plextol® épaissi 6 couches de Plextol® épaissi 2 couches Plextol® pur + 7 couches de Plextol® épaissi 8 couches de Plextol® épaissi 9 couches de Plextol® épaissi 5 couches de Plextol® épaissi 6 couches de Plextol® épaissi 1 couche Plextol® pur + 7 couches de Plextol® épaissi 8 couches de Plextol® épaissi 9 couches de Plextol® épaissi
5 couches de Plextol® épaissi 6 couches de Plextol® épaissi 7 couches de Plextol® épaissi 8 couches de Plextol® épaissi 9 couches de Plextol® épaissi 10 couches de Plextol® épaissi 11 couches de Plextol® épaissi 12 couches de Plextol® épaissi 13 couches de Plextol® épaissi 14 couches de Plextol® épaissi
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[267]
Figure 205 Détail de l'échantillon sélectionné:
Figure 206 Série d'échantillons encollés au Plextol® B500 numérotés de 1 à 20.
En fonction des résultats obtenus, le choix final a été d’appliquer un lait de Plextol® B500 (à 50% dans de l’eau déminéralisée) au pinceau, puis deux couches de Plextol® pur au pinceau et enfin six couches de Plextol® épaissi au xylène appliqué au rouleau. Les résultats ont permis de conclure à l’application d’une quantité plus importante de solvant lors de la réactivation. La transparence apparaît satisfaisante malgré certaines zones où l’adhésif demeure opaque correspondant aux zones d’irrégularité de fils. La couleur des échantillons de toile est plus claire que la toile originale de la Vierge à l’Enfant, ne rendant pas ces zones entièrement visibles. La montée en chaleur devra ainsi être prolongée de quelques minutes et la pression devra être optimale afin d’obtenir un scellage homogène.
Annexe 18 : Amélioration de la transparence des zones opaques au revers de l’œuvre doublée Après le doublage de l’œuvre, le scellage est optimal entre la toile d’origine et la toile d’origam®. La trame irrégulière apparaît au revers de l’œuvre doublée créant un relief témoignant du scellage réalisé. Cependant certaines zones apparaissent opaques ou « blanchâtres » dans les zones d’irrégularités. Elles ne déforment pas la surface picturale et ne sont pas non plus des bulles d’air. Les tests entrepris ont eu pour but d’essayer d’améliorer cet état de surface pouvant être gênant pour le propriétaire. Visuellement, la transparence – même si elle n’était pas recherchée – apporte une propriété esthétique non négligeable. Pour se faire des doublages ont été simulés respectivement sur un origam® tendu et sur un origam® libre (au même titre qu’une enveloppe souple) avec des échantillons de toile de contexture et d’épaisseur différentes.
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[268]
Après doublage, des zones d’opacité ont été observées au dos des échantillons de toile avec des contextures irrégulières, comme sur la Vierge à l’Enfant. Observant les mêmes résultats, différents tests ont été faits sur les échantillons et sur le revers de l’œuvre :
Repasser sur table basse pression, couche picturale côté table, avec l’intervention de chaleur. Le ramollissement des couches de Plextol® B500 effectives, l’opacité des zones pourra disparaître. Aucun résultat concluant n’est observé et il faut noter que la Vierge à l’Enfant possède quelques empâtements secs qui risquent d’être mis à mal avec ce genre de traitement. Ce test a été effectué d’une part avec une bâche souple et d’autre part avec un film cellophane de cuisine qui épouse davantage les irrégularités de la toile.
Repasser sur table basse pression avec utilisation de solvants. Le revers orienté vers nous, ce test a été effectué avec de l’acétone, du xylène, du toluène et de la méthyléthylcétone. Situés sous les montants du châssis, les solvants ont été appliqués au pinceau sur l’origam® de manière localisée avec et sans l’intervention de chaleur. Le solvant resolubilise l’adhésif qui peut, par le biais de l’aspiration, de nouveau se mettre en forme et peut-être limiter l’opacité résultante. Les résultats obtenus proposent un aspect esthétique brillant et encore plus blanchâtre avec l’acétone et le méthyléthylcétone. Le xylène et le toluène eux, ne donnent aucun résultat satisfaisant et ne résorbent pas les zones d’opacité. Ajoutons que ces tests ont été essayés d’une part sans bâche et d’autre part avec un Tergal® et une bâche provoquant tout de même une adhésion au revers.
Repasser sur table basse pression avec utilisation de solvants et d’une seringue. Suite aux tests précédents, nous avons évalué que le solvant devait être directement introduit entre la toile de doublage et celle d’origine, pour avoir un résultat satisfaisant. Le xylène et le toluène ont donc été introduits à l’aide d’une seringue et sous aspiration. Sans intervention de chaleur, le solvant diffuse dans les couches d’adhésifs et permet de recouvrer une transparence satisfaisante dans certaines zones. Cette méthode apporte cependant des inconvénients non négligeables : le fait de percer la toile de doublage – même de manière minime – et de rompre sa continuité mais aussi la diffusion de solvant jusqu’à la surface picturale. Après séchage, le solvant de provoque pas d’altération de surface cependant à long terme, il pourrait causer d’importantes dégradations de la couche picturale. En effet, au vu du traitement de la
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[269]
couche picturale déjà effectué, nous avons fait le choix de ne pas avoir recours à cette méthode.
Action d’une spatule chauffante. L’action de la chaleur n’apparaît pas suffisante pour éliminer ces zones, surtout que son apport provoque des différences de brillance et de matité qui demeurent gênantes. Ainsi la seule solution satisfaisante apparaît être l’introduction de solvant dans la
stratigraphie du doublage, diffusant jusqu’à la surface picturale. Après concertation avec le corps professoral et d’autres restaurateurs, il a été décidé de laisser le revers de l’œuvre tel quel, qui n’apparaissait pas gênant pour sa conservation future. Le scellage demeurant optimal.
Figure 207 Echantillons de toiles de contexture et d'épaisseur différentes, vue du revers après doublage.
Annexe 19 : Protocole de vernissage Objectifs Le vernissage – faisant parti des dernières étapes d’intervention - a pour but de saturer les couleurs et de leur redonner une certaine brillance. La Vierge à l’Enfant était vernie auparavant, très probablement depuis son origine. Le vernis d’origine n’est sûrement plus présent ni visible dans la stratigraphie actuelle de l’œuvre. Les vernis de restauration posés dont la nature nous est inconnue, n’ont plus joué leur rôle depuis. Un vernis est une couche de protection et d’isolation redonnant à l’œuvre peinte un potentiel esthétique non négligeable dans ce cas. La composition ayant souffert de la dégradation de ses couches de protection, le
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[270]
vernissage de la Vierge à l’Enfant est une étape primordiale de l’aboutissement de son traitement. Les résines utilisées en conservation et restauration d’œuvres d’art respectent des paramètres précis comme la stabilité, la réversibilité, la compatibilité avec les matériaux constitutifs et bien d’autres. Il est alors difficile de choisir la résine la mieux adaptée aux attentes de saturation et d’exposition de l’œuvre en question. Le degré de brillance dépendra des conditions d’exposition de l’œuvre. Il ne devra cependant pas être trop brillant afin d’éviter des reflets qui nuiraient à une bonne visibilité. Il devra aussi être un film homogène tendu et amorphe. Le vernis est également une interface entre la couche picturale et la réintégration colorée qui ne doit pas oublier d’être compatible. Face à l’ensemble de ces caractéristiques, la Vierge à l’Enfant nécessite un vernis capable de saturer les tonalités de la composition ayant subi des campagnes passées et actuelles d’allègement et de dévernissage. Son statut de tableau d’autel représentant un thème largement exploité dans la peinture chrétienne, ainsi que sa mouvance baroque, nécessite la présence d’un vernis relativement brillant et non entièrement mât. Le dessin demeure difficilement lisible dans certaines parties de la composition dû à l’action des solvants de dévernissage. Le traitement de la couche picturale laisse apparaitre un fond sombre, probablement à base de pigment terre, d’un bleu de smalt nécessitant d’être de nouveau saturé afin d’observer les nuances et les subtilités de la palette du peintre. L’espace est endommagé par cette absence de profondeur et la matité d’ensemble. Il apparaît donc nécessaire de renouveler le vernis de la Vierge à l’Enfant dévoilant l’iconographie si longtemps invisible. Protocole Des éprouvettes de toile ont été préparées afin de recevoir les différents vernis et modes d’application testés. Ces dernières sont peintes à l’acrylique – dont l’indice de réfraction se rapproche le plus de celui de l’huile – à l’aide d’un noir de mars qui rendra plus facile l’appréciation des matités et des brillances. Les vernis sélectionnés sont de bas poids moléculaire qui offrent la meilleure saturation des couleurs420 : la résine Dammar421 et le 420
DE LA RIE E.R. “Polymer Additives for Synthetic Low-Molecular-Weight Varnishes”. Preprints of the 10th Triennal Meeting of the ICOM Committee for Conservation: International Council of Museums. Washington DC, 1993. pp. 566-573. 421 e Utilisé en vernis à partir du XIX siècle, le dammar est extrait des troncs de pins de la famille des Angiospermes. Remplaçant progressivement la résine mastic, c’est aussi une résine tri terpénique qui fournit de bon vernis pour tableaux. La résine est soluble dans les hydrocarbures aromatiques, les essences végétales et les essences de pétrole mais elle est insoluble dans l’eau. Il est d’ailleurs recommandé de la dissoudre dans Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[271]
Laropal422® A81. Les doubles vernissages sont étudiés également dans le cadre de ces tests. Ils permettent d’obtenir un compromis entre la stabilité et la qualité esthétique des résines. Les vernis préparés sont les suivants :
Deux solutions de résine de dammar, diluées à 15 et 20% dans du white-spirit D40 avec 2% de Tinuvin® 292 en poids sec de la résine.
Deux solutions de Laropal® A81, diluées à 10 et 20% dans l’isopropanol
Choix du vernis et mise en œuvre Les résines naturelles, réputées moins stables que les résines synthétiques, apportent de très bons résultats optiques. Le choix de la résine s’est essentiellement basé sur les caractéristiques de l’œuvre et les interventions de restauration effectuées. La couche picturale n’est pas apparue très sensible aux solvants cependant l’aspect visuel final est essentiel au vu de son état de conservation passé. De plus le choix d’un solvant aliphatique pourrait permettre de ne pas provoquer le ramollissement du Plextol®, adhésif de consolidation des déchirures et du support. Pour la première couche de vernis, des tests avec une résine dammar diluée dans du white-spirit, ont été effectué dans le fond sur des terres, zones avec une importante prise d’huile (figure 208). Le résultat le plus satisfaisant pour un premier vernissage a été donné par le dammar à 15% offrant une surface saturante et peu brillante. La première couche de vernis a alors été appliquée à l’aide de cette dilution, au tampon. Ces mêmes tests ont été effectués sur de l’acrylique noir préalablement préparé. Un double vernissage a été envisagé d’une part avec un vernis dammar afin de saturer les couleurs ayant subi les nettoyages et
Figure 208 Tests pour le premier vernissage : (de bas en haut) dammar à 10%, 15% et 20%.
dévernissages successifs. Puis après réintégration colorée, un vernissage un solvant tiède pour obtenir une meilleure transparence à froid. Une fois sèche, elle donne des films tendres, brillants, peu résistants et tendant à jaunir en vieillissant. Elle perd ainsi sa solubilité mais l’ajout de Tinuvin® 292 joue un rôle sur le jaunissement, la réversibilité et la plasticité du film de vernis. MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Op. cit., p. 97-99 et BALCAR, Nathalie. Les vernis – usage et propositions issues de recherches récentes. Paris : ARAAFU, 2005, p. 4. 422 Résine urée-aldéhyde, elle est soluble dans les hydrocarbures aromatiques, l’acétone, l’éthanol et l’isopropanol. Il est relativement stable et reste soluble dans ses solvants d’origine. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[272]
final au Laropal® A81 donnant un rendu de brillance et de saturation agréables des couleurs. Soluble dans les hydrocarbures aromatiques, les cétones et certains alcools, c’est une résine à bas poids moléculaire qui pénètre facilement au sein de la stratigraphie. Il serait intéressant de l’utiliser en pulvérisation finale afin de recréer une surface satinée qui calmerait la brillance de la résine dammar.
Annexe 20 : Résumé de l’article de Hans Peter Hedlung et de Mats Johansson Dès 2004, Lascaux Colours & Restauro mettent au point une nouvelle dispersion de polymères nommée « Medium de Consolidation® 4176 », remplaçant l’Acronal® 300D commercialisé par BASF puis retiré du marché au milieu des années 90. Cet article met en lumière les démarches de fabrication de ce nouvel adhésif ainsi que les tests préalables mis en œuvre par les équipes de Lascaux Colours & Restauro, visant à obtenir une dispersion finale ayant les mêmes propriétés que l’Acronal® 300D : consolider les sculptures polychromes et autres surfaces peintes. Dans les années 60, les polymères synthétiques – dont l’Acronal® 300D fit partie - font leur entrée dans le domaine des Beaux Arts et de la Conservation-Restauration, sous forme d’adhésifs, consolidants ou revêtements. Face à une gamme importante de produits disponibles, l’Acronal fit ses preuves grâce à sa très importante pénétration capillaire et sa compatibilité face à des surfaces sensibles à l’eau423. Il fut énormément utilisé en Suisse du fait des besoins de conservation des sculptures polychromes du Moyen Age et des autels encore d’origine. Tout ce patrimoine fut exposé à l’installation de systèmes de chauffage après la Seconde Guerre Mondiale et des dégradations furent flagrantes dès la fin des années 70 : environ 90% des objets polychromes dans les églises suisses nécessitaient une intervention urgente de consolidation de la couche picturale. Cette situation fut amplifiée par la présence d’anciens adhésifs de consolidation comme les colles animales et la cire qui, respectivement, ont fait intervenir des tensions au sein de la couche stratigraphique et des modifications optiques. L’application de consolidants synthétiques n’était pas un fait nouveau424 cependant, l’Acronal® 300D révéla des propriétés 423
Le faible temps de séchage de l’Acronal, évite un ramollissement important de la surface concernée et notamment de la couche picturale. Son action reste rapide et efficace permettant son utilisation sur des couches picturales à base de colles protéiniques, des détrempes… Notons également que l’Acronal 300D® était réversible à l’acétone et au xylène. 424 La PVA (polyacétate de vinyle) a été beaucoup utilisé pour des sculptures en Allemagne. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
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supérieures aux adhésifs utilisés traditionnellement : des petites particules, une faible viscosité et une faible tension superficielle, donc une bonne capillarité. Après traitement, l’adhésif fut analysé et étudié à la Royal Institute of Technology à Stockholm ne révélant qu’une légère tendance au jaunissement et une création de produits de dégradation acide. Face à une baisse de la demande, BASF arrêta la production de l’Acronal® 300D ; de nombreux autres polymères furent envisagés comme le Plextol D528 commercialisé chez Rhöm GmbH, en vain. Lascaux Colours & Restauro fut contacté ; dès lors les besoins premiers pour cet adhésif furent définis afin de comprendre pourquoi aucun autre adhésif présent sur le marché ne convenait à la tâche des professionnels. Ces critères furent les suivants :
Une faible viscosité afin de pouvoir pénétrer dans de petits interstices ;
Une faible tension superficielle pour permettre un bon mouillage ;
Une élasticité optimale afin de supporter les variations dimensionnelles des supports bois ; donc la capacité à former une fine couche après séchage ;
Ne pas former de produits de dégradation pouvant être dangereux pour les objets ;
Ne pas causer de changements optiques ;
Etre stable à la lumière, à la température et à l’humidité ;
Etre facilement utilisable avec les outils usuels du restaurateur-conservateur ;
Etre réversible avec des solvants peu toxiques pour les objets ;
Ne pas être toxique pour la santé ou l’environnement ;
Avoir un pH acceptable pour des objets organiques. Deux échantillons425 se rapprochant le plus de toutes les caractéristiques voulues, ont
été retenus après maintes recherches. Les tests ont pu dès lors être menés comme l’avait été l’Acronal® 300D à Stockholm. Ces derniers sont tous deux des acryliques styrénés à base d’acrylate de butyle, d’acrylate de méthyl, de méthacrylate de méthyl et de styrène. Ce dernier composant est la cause de nombreuses questions concernant le vieillissement de ces adhésifs : jaunissement, dégradation sous lumière UV… Les tests de vieillissement ont donc été guidés par la présence de ce produit et de ses effets.
425
Appelés Exp. 5 et Exp. 6 dans l’article.
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[274]
Ces échantillons, ayant subi des temps d’exposition différents, ont été étudiés sous diverses conditions environnementales : irradiation lumineuse, eau pulvérisée, atmosphère humide et température élevée. Ces conditions extrêmes de tests révèlent une parfaite stabilité et réaction des échantillons témoins face aux dégradations chimique, hydraulique et thermique. Après observation des résultats, il est remarqué que l’échantillon Exp. 6 apparaît plus souple donc plus recommandable que l’échantillon Exp. 5, malgré leur haute stabilité.
Propriété
Acronal 300D
Exp. 5
Exp. 6
Composition Elasticité
Terpolymère acrylique Dur
Copolymère acrylique Dur élastique
Copolymère acrylique Elastique
Pénétration dans : Papier Détrempe Bois
Très bonne Très bonne Bonne
Très bonne Excellente Bonne
Très bonne Excellente Bonne
Environ 4°C
Environ 4°C
Film transparent
Film transparent
Oui
Oui
8,4±0,2
8,4±0,2
~0,03-0,3μm
~0,03-0,3μm
Oui
Oui
Environ 17°C Température de formation du film Stabilité de la Jaunissement couleur Stabilité
dans
le Non
temps 4,5-6
Valeur de pH
Taille moyenne des ~0,3μm particules Oui Solubilité dans l’eau
Esters, aromatiques, Esters, aromatiques, Ester, aromatiques, acétone, MEK acétone, MEK acétone, MEK
Soluble dans :
Figure 209 Tableau comparatif des trois adhésifs testés.
Monomère
Acronal 300D Exp. 5 Exp. 6
Ester acrylate
+
Acétate de vinyl
+
Chlorure de vinyl
+
+
+
Styrène
+
+
Ester méthacrylate
+
+
Figure 210 Type de monomère présent dans les trois échantillons.
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[275]
Temps d’exposition (h) Couleur Exp. 5
Opacité Exp. 6
Exp. 5
Erosion de surface Exp. 6
Exp. 5
Exp. 6
Clair
Aucune
Aucune
0
Aucune Aucune Clair
500
Aucune Aucune Légère Légère Très faible Très faible
1000
Aucune Aucune Légère Légère Faible
Faible
1500
Aucune Aucune Légère Légère Oui
Oui
Figure 211 Evaluation visuelle des données des échantillons vieillis.
Annexe 21 : Contacts établis avec différents restaurateurs
Contact avec M. Laurent JORNOT, restaurateur de peintures, peintures murales et pierre à Genève.
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[276]
Annexe 22 : Utilisation du Medium de Consolidation® 4176 sur une peinture à l’huile sur carton
Figure 212 Vues progressives de la restauration de l'huile sur carton, avant et après replacement et refixage des écailles de couche picturale.
Cette huile sur carton double face, était très lacunaire et de nombreux
clivages
étaient
perceptibles
à
l’interface
support/préparation. Les écailles ont été principalement retrouvées et la continuité de la couche picturale a été effective. Après un nettoyage à l’aide d’un triammonium citrate® à 1%, la technique de refixage a été envisagée. Le carton courbe, s’est probablement rétracté sous l’effet d’un taux d’humidité important. Les écailles ont été préalablement replacés à l’aide d’une pince à épiler prenant garde de ne pas les altérer d’avantage. Une fois repositionnées, le refixage a été effectué à l’aide du Medium de Consolidation 4176 de chez Lascaux dans de l’eau et de l’éthanol (en proportion 50 : 30 : 20). Son utilisation a permis de ne pas re-déplacer les écailles afin de les refixer. Son pouvoir pénétrant étant l’une de ses principales caractéristiques, il a été appliqué à la seringue puis réactivé à la chaleur à l’aide d’une spatule chauffante. Les écailles en cuvette, ont ainsi pu être remises dans le plan grâce à l’élasticité probante de cet adhésif. La planéité de la couche picturale a pu être retrouvée offrant un état de surface satisfaisant.
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[277]
Annexe 23 : Fiches techniques des adhésifs sélectionnés426
Medium de Consolidation® 4176 : Composition Description/couleur Pouvoir collant pH (émulsion) ou indice d’acide Paramètres de pénétration : viscosité, Tg, tension superficielle… Caractéristiques physiques Solubilité Avantages et inconvénients
Solution d’esters d’acrylate et de méthacrylate et de styrène ; extrait sec : 25% Sous forme liquide, d’aspect laiteux pH ~ 8,5 Viscosité : à 20°C, 1 – 5 mPa/s ; Point d’ébullition : 100°C ; densité : à 20°C, 1 g/cmᵌ Soluble dans les esters, les hydrocarbures aromatiques, l’acétone et l’éthylméthylcétone. Se dilue dans l’eau. Excellent pouvoir de pénétration ; stable dans le temps ; résistant à la lumière. Sèche en un film transparent et souple ; pas de variation dimensionnelle pour le bois. Utilisable sur des surfaces sensibles à l’eau.
Plexisol® P550 : Composition
Description/couleur Pouvoir collant pH (émulsion) ou indice d’acide Caractéristiques physiques
Paramètres de pénétration : viscosité, Tg, tension superficielle… Solubilité
Avantages et inconvénients
Solution de méthacrylate de butyle dilué à 40% dans de l’essence spéciale 100/140 (à 20% d’hydrocarbure aromatiques) ; extrait sec : 39-41% ; température de ramollissement du film 54°C Sous forme liquide, transparent, incolore mais parfois extrêmement brillant Moyen ; inférieur à celui d’une émulsion acrylique. Pouvoir adhésif : 7 N/mm² Indice d’acide : 1-2 mg KOH/g Point d’ébullition : variable entre 100 et 140°C, il dépend du solvant ; point de fusion : à 154°C ; densité : à 20 °C 0,84 g/cm² ; dureté du film G 20°C : 5 000 N/mm² Viscosité : 0,2 à 1 Pa/s ; Tg : 34°C Dans les esters, les cétones, les hydrocarbures aromatiques, aliphatiques et chlorés. Limitée dans l’alcool. Adhésif acrylique en solution considéré comme le plus stable. Souple et thermoplastique. Film très brillant ; non sensible au vieillissement, aux UV, aux variations climatiques.
426
Les caractéristiques techniques des adhésifs sélectionnés ont été reprises dans les fiches techniques des fournisseurs. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[278]
Régalrez® 1126 : Composition Description/couleur Pouvoir collant pH (émulsion) ou indice d’acide Caractéristiques physiques Paramètres de pénétration : viscosité, Tg, tension superficielle… Caractéristiques physiques Solubilité
Avantages et inconvénients
Résine d’hydrocarboné de faible poids moléculaire Sous forme granules solides ; parfaitement transparent et incolore ; odeur typique des hydrocarbonés Consolidant moyen à bon, à forte concentration
Viscosité : 1 poise : 190, 10 poises : 150, 100 poises : 125, 1000 poises : 115 ; Tg : 65°C Densité à 21°C : 0,99 kg/L ; Soluble dans les solvants aliphatiques et aromatiques, les hydrocarbures chlorés, les cétones et les esters. Insoluble dans les alcools. Chimiquement stable ; donne des vernis très lisses. Compatible avec les colles naturelles. Ne modifie pas la saturation, ni la matité d’un film de peinture.
Primal® E330S : Composition Description/couleur Pouvoir collant pH (émulsion) ou indice d’acide Paramètres de pénétration : viscosité, Tg, tension superficielle… Caractéristiques physiques Solubilité Avantages et inconvénients
Dispersion aqueuse, Extrait sec : 47 ± 1 % Sous forme liquide, blanc, laiteux pH : 9,5 - 10 Viscosité : < 100 mPa à 20°C
Densité : à 25°C 1,05 kg/L Résine à basse viscosité
Aquazol® 500 : Composition Description/couleur Pouvoir collant pH (émulsion) ou indice d’acide Paramètres de pénétration : viscosité, Tg, tension superficielle… Caractéristiques physiques Solubilité Avantages et inconvénients
Sous forme de granules solides, jaune pâle pH : 6,8 – 7,4 Tg : 70°C
Densité : 1,14 g/cmᵌ à 20°C
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[279]
Annexe 24 : Fiche fournisseur du Medium de ConsolidationÂŽ 4176
Guillemette LARDET â&#x20AC;&#x201C; Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[280]
Guillemette LARDET â&#x20AC;&#x201C; Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[281]
Guillemette LARDET â&#x20AC;&#x201C; Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[282]
Guillemette LARDET â&#x20AC;&#x201C; Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[283]
Annexe 25 : Résultats des échantillons après arrachage
Figure 213 Vue générale de la toile préparée après les tests d'arrachage.
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[284]
Medium de Consolidation® 4176 Echantillons Ruban adhésif
Plexisol® P550 Echantillons Ruban adhésif
5%
10%
15%
-
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-
[285]
20%
25%
-
Figure 214 Tableau comparatif entre les résultats des deux adhésifs concernant notre étude.
Primal 5%
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Régalrez 20%
[286]
10%
35%
20%
-
1,5%
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-
Aquazol 5%
[287]
3%
-
Annexe 26 : Tableaux de résultats et calculs développés de l’étude scientifique Cette annexe regroupe les tableaux de résultats et les calculs qui n’ont pas été développés au cours des différents protocoles scientifiques afin d’en alléger la lecture. Calcul A : ± 0,35 kg Calcul B : M=
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= 8,15 ± 0,9 s
[288]
Calcul C427 : Echantillon n°
Medium de consolidation 5%
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
26,2 25,8 25,8 24,1 23,1 26,4 32,8 26,5 25,7 31,3
10%
15%
Plexisol 20%
5%
10%
15%
32,3 33,8 25,3 35,5 40,9 33,3 32,4 32,2 31,8 30,6
39,7 47,8 41,1 43,2 43,1 42,2 43,5 36,2 42,3 44,1
Temps de pénétration (s) 22,4 29,5 29,3 31,2 29,1 29,3 30,1 26,9 32,4 33,4
40,1 40,3 28,8 40,9 41,2 40,5 42,8 54,3 39,9 41,1
48,7 30,9 33 49,1 49,5 51,2 56 51,6 48,5 55,9
28,5 28,6 27 28,2 46,3 39,2 27,4 28,9 26,9 29,1
Figure 215 Tableau récapitulatif des résultats des tests de pénétration effectués avec le Medium de Consolidation et le Plexisol.
Les calculs ont été menés de la manière suivante : Pour l’exemple du Medium de Consolidation 5% : La moyenne est désignée par m1 =
= 25,5 secondes.
L’erreur absolue est calculée de la manière suivante : Δs = 26,5 – 23,1 = 3,40 Ainsi l’erreur relative nous est donnée par la formule suivante : Soit 13,4% Pour l’exemple du Medium de Consolidation 10% : La moyenne est désignée par m2 = L’erreur absolue est calculée de la manière suivante : Δs = 33,4 – 29,1 = 4,30 Ainsi l’erreur relative nous est donnée par la formule suivante : Soit 14,1% Pour l’exemple du Medium de Consolidation 15% : 427
Les résultats barrés n’ont pas été pris en compte dans les calculs, relevant d’aberrations dues aux erreurs aléatoires et systématiques de l’expérimentation. Les chiffres surlignés en rouge sont les valeurs maximales de chaque expérience alors que les chiffres surlignés en vert sont les plus faibles valeurs. Ce schéma est répété pour l’ensemble des tableaux présents dans ce mémoire. Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[289]
La moyenne est désignée par m3 =
= 40,9 secondes
L’erreur absolue est calculée de la manière suivante : Δs = 42,8 – 39,9 = 2,90 Ainsi l’erreur relative nous est donnée par la formule suivante : Soit 7,1% Pour l’exemple du Medium de Consolidation 20% : La moyenne est désignée par m4 = L’erreur absolue est calculée de la manière suivante : Δs = 56 – 48,5 = 7,50 Ainsi l’erreur relative nous est donnée par la formule suivante : Soit 14,6% Pour l’exemple du Plexisol 5% : La moyenne est désignée par m5 =
= 28,08 secondes
L’erreur absolue est calculée de la manière suivante : Δs = 29,1 – 26,9 = 2,20 Ainsi l’erreur relative nous est donnée par la formule suivante : Soit 7,8% Pour l’exemple du Plexisol 10% : La moyenne est désignée par m6 = L’erreur absolue est calculée de la manière suivante : Δs = 35,5 – 30,6 = 4,90 Ainsi l’erreur relative nous est donnée par la formule suivante : Soit 15,0% Pour l’exemple du Plexisol 15% : La moyenne est désignée par m7 = L’erreur absolue est calculée de la manière suivante : Δs = 44,1 – 39,7 = 4,40 Ainsi l’erreur relative nous est donnée par la formule suivante : Soit 10,4% Calcul D : Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[290]
MFK 5%
MFK 10%
MFK 15%
MFK 20%
Essai n°
Prise
F0
F1
F2
F3
F4
F5
F6
F7
m (g)
30
40
50
60
70
80
90
100
F (N)
0,29
0,39
0,49
0,59
0,69
0,78
0,88
0,98
ΔL (mm) 1 ε (mm) ΔL (mm) 2 ε (mm) ΔL (mm) 3 ε (mm) ΔL (mm) 4 ε (mm) Moyenne ΔL Ecart-type Erreur absolue Erreur relative ΔL (m) 1 ε (m) ΔL (m) 2 ε (m) ΔL (m) 3 ε (m) ΔL (m) 4 ε (m) Moyenne ΔL Ecart-type Erreur absolue Erreur relative ΔL (m) 1 ε (m) ΔL (m) 2 ε (m) ΔL (m) 3 ε (m) ΔL (m) 4 ε (m) Moyenne ΔL Ecart-type Erreur absolue Erreur relative ΔL (m) 1 ε (m) ΔL (m) 2 ε (m) ΔL (m) 3 ε (m) ΔL (m) 4 ε (m) Moyenne ΔL Ecart-type Erreur absolue Erreur relative
0,24 0,01 0,25 0,01 0,22 0,01 0,23 0,01 0,24 0,01 0,03 12,8% 0,65 0,03 0,62 0,03 0,61 0,03 0,63 0,03 0,63 0,02 0,04 6,4% 0,71 0,04 0,68 0,03 0,73 0,04 0,75 0,04 0,72 0,03 0,07 9,8% 3,67 0,18 4,02 0,20 3,59 0,18 3,98 0,20 3,82 0,22 0,43 11,3%
0,89 0,04 0,92 0,046 0,95 0,05 0,98 0,05 0,94 0,04 0,09 9,6% 2,43 0,12 2,63 0,13 2,67 0,13 2,71 0,14 2,61 0,12 0,28 10,7% 4,66 0,23 5,17 0,26 4,48 0,22 5,02 0,25 4,83 0,32 0,69 14,3% 23,61 1,18 21,57 1,08 22,34 1,12 23,14 1,16 22,67 0,90 2,04 9,0%
1,8 0,09 1,85 0,09 1,86 0,09 2,02 0,10 1,88 0,10 0,22 11,7% 6,24 0,31 6,54 0,33 6,13 0,31 6,36 0,32 6,32 0,18 0,41 6,5% 11,22 0,56 12,43 0,62 12,9 0,65 11,86 0,59 12,1 0,73 1,68 13,9% Rupture Rupture Rupture Rupture Rupture Rupture Rupture Rupture
4,61 0,23 4,23 0,21 4,71 0,24 4,37 0,22 4,48 0,22 0,48 10,7% 16,22 0,81 17,01 0,85 16,65 0,83 16,05 0,8025 16,48 0,43 0,96 5,8% 29,23 1,46 26,61 1,33 27,88 1,39 28,24 1,41 28,0 1,08 2,62 9,4%
9,98 0,50 9,53 0,48 11,04 0,55 10,03 0,50 10,15 0,64 1,51 14,9% 18,9 0,95 Rupture Rupture 16,96 0,85 17,76 0,888 17,87 0,97 1,94 10,9% Rupture Rupture Rupture Rupture Rupture Rupture Rupture Rupture
18,77 27,63 Rupture 0,94 1,38 Rupture 18,51 28,54 Rupture 0,93 1,43 Rupture 19,96 Rupture 1,00 Rupture 20,13 29,88 Rupture 1,01 1,494 Rupture 19,34 28,68 0,82 1,13 1,62 2,25 8,4% 7,8% Rupture Rupture
Rupture Rupture Rupture Rupture
Figure 216 Tableau récapitulatif des tests d'élasticité menés sur les échantillons de MFK
Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[291]
Essai n° Plexisol 15%
1 2 3 4
Prise m (g) F (N) ΔL (mm) ε (mm) ΔL (mm) ε (mm) ΔL (mm) ε (mm) ΔL (mm) ε (mm)
Moyenne ΔL Ecart-type Erreur absolue Erreur relative
F10 130 1,28 6,15 0,31 5,93 0,30 6,01 0,30 6,13 0,31 6,06 0,10 0,22 3,6%
F11 140 1,37 6,87 0,34 6,15 0,31 6,31 0,32 6,34 0,32 6,42 0,31 0,72 11,2%
F12 150 1,47 7,34 0,37 7,17 0,36 7,02 0,35 7,11 0,36 7,16 0,13 0,32 4,5%
F0 30 0,29 0,53 0,03 0,51 0,03 0,53 0,03 0,54 0,03 0,53 0,01 0,03 5,7%
F13 160 1,57 8,08 0,40 7,95 0,40 7,93 0,40 8,09 0,40 8,01 0,08 0,16 2,0%
F1 40 0,39 0,53 0,03 0,53 0,03 0,54 0,03 0,56 0,03 0,54 0,01 0,03 5,6%
F2 50 0,49 1,17 0,06 1,14 0,06 1,15 0,06 1,25 0,06 1,18 0,05 0,11 9,3%
F14 170 1,67 8,66 0,43 9,01 0,45 8,53 0,43 8,68 0,43 8,72 0,20 0,48 5,5%
F3 60 0,59 1,37 0,07 1,34 0,07 1,35 0,07 1,4 0,07 1,37 0,03 0,06 4,4%
F15 180 1,77 9,22 0,46 9,31 0,47 9,17 0,46 9,05 0,45 9,19 0,11 0,26 2,8%
F4 70 0,69 2,23 0,11 2,15 0,11 2,15 0,11 2,26 0,11 2,20 0,06 0,11 5,0%
F16 190 1,86 10,18 0,51 10,05 0,50 10,01 0,50 9,87 0,49 10,03 0,13 0,31 3,1%
F5 80 0,78 2,93 0,15 2,96 0,15 2,97 0,15 3,03 0,15 2,97 0,04 0,1 3,4%
F17 200 1,96 10,88 0,54 10,69 0,53 11,1 0,56 10,72 0,54 10,85 0,19 0,41 3,8%
F22 F23 F24 F25 F26 F27 250 260 270 280 290 300 2,45 2,55 2,65 2,75 2,84 2,94 20,38 22,34 25,22 26,84 32,11 33,56 1,02 1,12 1,26 1,34 1,61 1,68 20,45 21,4 23,74 26,53 30,71 32,17 1,02 1,07 1,19 1,33 1,54 1,61 20,67 21,71 25,04 28,47 34,07 35,78 1,03 1,09 1,25 1,42 1,70 1,79 20,36 22,67 23,73 28,23 33,04 34,76 1,02 1,13 1,19 1,41 1,65 1,74 20,47 22,03 24,43 27,52 32,48 34,07 0,14 0,58 0,81 0,97 1,43 1,56 0,31 1,27 1,49 1,94 3,36 3,61 1,5% 5,8% 6,1% 7,1% 10,3% 10,6% Figure 217 Tableau récapitulatif des tests d'élasticité menés sur le Plexisol 15%.
F6 90 0,88 3,46 0,17 3,48 0,17 3,45 0,17 3,44 0,17 3,46 0,02 0,04 1,2%
F18 210 2,06 12,57 0,63 12,68 0,63 12,01 0,60 12,36 0,62 12,41 0,29 0,67 5,4%
F28 310 3,04 36,01 1,80 33,98 1,70 36,73 1,84 35, 18 1,76 35,57 1,43 2,75 7,7%
F7 100 0,98 3,9 0,20 3,91 0,20 3,95 0,20 3,91 0,20 3,92 0,02 0,05 1,3%
F19 220 2,16 14,92 0,75 14,99 0,75 14,63 0,73 14,27 0,71 14,70 0,33 0,72 4,9%
F8 110 1,08 4,28 0,21 4,29 0,21 4,24 0,21 4,28 0,21 4,27 0,02 0,05 1,2%
F9 120 1,18 4,83 0,24 4,7 0,24 4,77 0,24 4,98 0,25 4,82 0,12 0,28 5,8%
F20 230 2,26 17,07 0,85 17,21 0,86 17,15 0,86 17,38 0,87 17,20 0,13 0,31 1,8%
F21 240 2,35 18,79 0,94 18,8 0,94 18,92 0,95 19,11 0,96 18,91 0,15 0,32 1,7%
F29 320 3,14 37,07 1,85 36,45 1,82 37,64 1,88 39,22 1,96 37,60 1,19 2,77 7,4%
F30 330 3,24 Rupture Rupture Rupture Rupture
Les résultats ci-dessus expriment la moyenne, l’écart-type, l’erreur absolue et l’erreur relative des deltas sur quatre essais. La rupture correspond à l’arrêt de l’expérience, au moment où l’allongement de l’échantillon est continu pour une contrainte constante. Ce phénomène survient plus ou moins lentement selon l’adhésif.
Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[292]
Calcul E : Echantillon n°
Rentoilage traditionnel à la colle de pâte Test de traction (en kg) selon l'adhésif de refixage utilisé Refixage à la colle de peau
Imprégnation au Plexisol® P550
Imprégnation au Medium de Consolidation 4176
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
3,55 2,73 2,76 3,1 2,86 2,81 3,61 3,02 2,84 2,85
2,79 2,88 2,78 2,92 2,83 1,79 3,06 2,72 3,07 2,22
1,09 0,99 0,97 1,05 0,95 1,06 0,34 0,96 1,01 1,1
Figure 218 Tableau récapitulatif des tests d'arrachage menés sur les éprouvettes de rentoilage traditionnel à la colle de pâte.
Echantillon n° 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Doublage au Plextol® B500 Test de traction (en kg) selon l'adhésif de refixage utilisé Imprégnation au Imprégnation au Refixage à la colle de Medium de Plexisol® P550 peau Consolidation 4176 2,53 2,35 1,26 2,49 2,39 3,27 2,45 2,51 2,63 2,38
4,88 6,03 4,93 4,96 5,17 4,98 5,11 5,25 5,35 4,52
5,24 5,36 5,68 5,25 5,34 4,12 5,68 5,08 6,13 5,74
Figure 219 Tableau récapitulatif des tests d'élasticité menés sur les éprouvettes de doublage thermoplastique.
Guillemette LARDET – Promotion 2013 Conservation-Restauration de peintures de chevalet
[293]