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Remerciements La réalisation de ce travail n’aurait pu être menée à bien sans certaines personnes. C’est pourquoi je tiens ici à leur exprimer ma gratitude. Premièrement je tiens à remercier Monsieur Xavier-Philippe Guiochon, conservateur en chef du patrimoine, qui m’a accordé sa confiance en m’offrant l’opportunité de travailler sur une œuvre de qualité. Je remercie également Mesdames Anne Valleau et Caroline Bauer, responsables de l’œuvre de Marcel-Beronneau, qui m’ont suivi tout au long du processus de restauration. Je tiens aussi à exprimer ma reconnaissance envers le corps professoral pour leur suivi et leurs recommandations. Monsieur Olivier Nouaille et Madame Alix Pasquet m’ont prodigué leurs précieux conseils, respectivement en restauration du support et de la couche picturale, et Monsieur Philippe Ollier et Monsieur Claude Pepe ont été à l’écoute tout au long de mon travail. Je pense également à mes camarades de promotion, tels que Nicolas Villard, Alexis Guillou, Mathilde Armanet et Manon Lefèvre pour leur disponibilité, leurs conseils, leur bonne humeur, mais également pour leur matériel qu’ils n’hésitaient pas à partager pour le bon aboutissement de la restauration de la Vieille femme au rouet. Enfin je remercie mes parents, mon frère et plus particulièrement Raphaëlle pour sa patience et son soutien indéfectible.
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Résumé introductif Ce mémoire expose le travail réalisé en vue du diplôme de fin d’études à l’école de Condé à Paris. Le sujet en est le tableau intitulé Vieille femme au rouet, huile sur toile, réalisée en 1898 par le peintre bordelais Pierre-Amédée Marcel-Beronneau (1869, Bordeaux 1937, Var). L’étude est séparée en trois parties principales : La partie consacrée à l’analyse historique de l’œuvre a montré que l’œuvre de mémoire, s’inscrit pleinement au sein de la production de scène de genre à sujet paysan de la fin du 19ème siècle, de par son iconographie et sa facture traditionnelle. Cependant, la Vieille femme au rouet semble se distinguer des scènes paysannes idylliques et porteuses de valeurs morales alors très en vogue à cette période, notamment par son atmosphère particulière ainsi que la symbolique qui en ressort. Il s’en dégage alors la personnalité de notre artiste, qui présente un double versant dans sa production, l’un, plus traditionnel, et l’autre, symboliste, restant dans la lignée de son maître Gustave Moreau. La seconde partie concernant la conservation-restauration de la Vieille femme au rouet, débute par une analyse approfondie de la matérialité de l’œuvre et de ses altérations. Grâce à celle-ci, des interventions, adaptées aux exigences de l’œuvre ont pu être choisies et mises en œuvre. Une part importante de celles-ci est consacrée à retrouver une planéité et une continuité du support, par la reprise d’une grande déchirure en particulier, et de son renfort général qui se doit de garder le revers de l’œuvre visible. La bonne appréciation de la couche picturale est également un point essentiel et s’articule principalement autour d’un allégement du vernis original oxydé, et d’une réintégration illusionniste des lacunes picturales. Enfin, la réalisation d’une étude technico-scientifique, ayant pour objectif l’analyse des caractéristiques optiques et du comportement mécanique de l’adhésif Plextol®B500 selon sa mise en œuvre, a été effectuée. Nous comparons ainsi la transparence et la résistance à la traction du film d’adhésif, selon son épaisseur et le nombre de couches dont il est constitué. Cette opération est réalisée avant et après la réactivation à la chaleur et aux solvants du film d’adhésif, tel qu’il pourrait l’être au cours d’un doublage thermoplastique. D’après les résultats obtenus, nous avons pu observer que de manière générale, l’épaisseur du film influe sur la transparence et la résistance de l’adhésif. Qu’il soit constitué d’une ou de plusieurs couches, plus le film est épais, plus sa transparence diminue, et plus sa résistance tend à augmenter. Néanmoins il a été observé avant réactivation de l’adhésif, qu’un film formé de plusieurs couches avait une meilleure résistance à la rupture et offrait une meilleure transparence. Après réactivation à la chaleur, nous avons pu remarquer une augmentation de la résistance du film quelles que soient son épaisseur et sa méthode de réalisation. Les changements restent néanmoins peu significatifs quant à sa transparence. La réactivation à la chaleur et aux solvants (Xylène, Toluène et Méthyléthylcétone) a été effectuée sur une seule épaisseur et n’a pas montré de modifications significatives des caractéristiques optiques et mécaniques du film, qu’il soit constitué d’une ou de plusieurs couches, retrouvant des résultats proches d’avant sa réactivation. 4
Abstract The following Master Thesis is focused on the painting « Old woman spinning », an oil on canvas, created in 1898 by the french painter Pierre-Amédée Marcel-Beronneau (1869, Bordeaux - 1937, Var). The text is structured in three parts: The historical part permits to learn more about the artist’s, life and production, and to put our painting in its context of creation at the end of the nineteenth century. It appears that the subject and the pictorial technique of the « Old woman spinning » is close to the many genre paintings depicting the rural world done on this period, but remains different by its particular atmosphere and symbolism, which seems to be typical of the Marcel-Beronneau’s work. Indeed this artist’s production could be divided in two different ways: on the one hand a traditional and realistic painting and on the other hand a symbolist painting influenced by his Master Gustave Moreau. In the second part, I concentrate on the conservation treatment of Old woman spinning. First a technical report including a technical analysis of the painting’s materials and degradations is carried out. Since, one the major problem of the painting was the very damaged linen canvas. It showed among others, many undulations and an important complex tear and losses. So a big part of the conservation program focused on inlays and thread-tothread-mendings as well as on a transparent lining. Another important issue was to consolidate the paint layer, to fine down the varnish layer, and to establish a retouching program including the fillings of the paint layer. Finally in the last part, I have realized a comparative study of the adhesive Plextol®B500’s transparence and tensile strength, according to the thickness and the number of layers of which the adhesive’s film is composed. This study is done before and after the reactivation of the adhesive’s film with heat and solvents, to imitate the conditions of a lining. Following to this research we could observe, that we obtain a best transparence of the adhesive’s film if this one is composed by several thin layers than by a unique layer measuring the same thickness. Moreover, the increase of the adhesive’s film thickness and a reactivation with heat seems to increase the tensile strength. The three solvents often used in lining treatment (Xylene, Toluene and Methylethylcetone) with the addition of heat, didn’t influence significantly the film adhesive’s mechanical and optical characteristics, composed by a single or a several layers.
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FICHE D’IDENTIFICATION Nom et prénom de l’étudiant : FELIX-NAIX Jérôme Spécialité: Peintures de chevalet Promotion : 2014 Titre ou désignation de l’œuvre : Vieille femme au rouet Sujet technico-scientifique : Étude des propriétés optiques et mécaniques du Plextol®B500 selon son application en une ou plusieurs couches. Photographies des faces avant intervention
Photographies des faces après intervention
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Statut
Inscription à l’inventaire en 2009 Fonds national d’art contemporain Inv. : PFH-6138 Renseignements relatifs à l’objet Nom de l’auteur : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau Epoque : 4eme quart du 19eme siècle. Dimensions : 92 x 73 cm Inscription(s) particulière(s) : « S.D.B.G. : MarcelBeronneau 98 » ; « S.D.R.H.G. : MarcelBeronneau 98./49 Bd. Montparnasse/Paris » Etat de conservation et présentation des altérations : Très mauvais état de présentation, absence de châssis, déchirures, déformations, lacunes du support et de la couche picturale, fort encrassement de la surface, oxydation du vernis original (…). Fonction et nature de l’objet
Description – représentation : Intérieur de chaumière, vieille femme au rouet près d’un âtre. Matériaux constitutifs : Toile libre, sans cadre ni châssis. Technique(s) : Huile sur toile
Documentation
Préteur /Propriétaire : Département du Fonds national d’art contemporain. Lieu de conservation : Fonds national d’art contemporain. Valeur culturelle : Œuvre du patrimoine national
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Table des matières Remerciements ........................................................................................................................... 3 Résumé introductif ..................................................................................................................... 4 Abstract ...................................................................................................................................... 5 FICHE D’IDENTIFICATION ................................................................................................... 6 Avant-propos ............................................................................................................................ 13 Introduction générale................................................................................................................ 14
PARTIE 1 : HISTOIRE DE L'ART Introduction .............................................................................................................................. 16 I.
Étude historique de l’œuvre .............................................................................................. 17 I.1
Parcours de l’œuvre ................................................................................................... 17
I.2
Présentation de l’artiste ............................................................................................. 18
I.2.1
Biographie : ........................................................................................................ 18
I.2.2
Production artistique .......................................................................................... 20
II. Une imagerie au cœur du débat social .............................................................................. 26
II.1
La France de la fin du 19ème siècle ............................................................................ 26
II.1.1
L’évolution du monde rural à la fin du 19ème siècle en France ......................... 26
II.1.2
Les paysans et la Troisième République (1870-1940) ....................................... 29
II.2
Le monde rural vu par les peintres ............................................................................ 32
II.2.1
La vision des paysans au début du siècle : ......................................................... 32
II.2.2
L’efflorescence des sujets ruraux dans la seconde moitié du 19ème siècle ......... 35
III. Analyse formelle de l’image ............................................................................................. 41 III.1
Analyse iconographique ............................................................................................ 41
III.1.1
Description générale : ......................................................................................... 41
III.1.2
Identification des instruments du filage : ........................................................... 42
III.2
Analyse plastique ....................................................................................................... 47
III.2.1
La composition - les lignes de force : ................................................................ 47
III.2.2
Le traitement de l’espace, les codes de représentation : .................................... 49
III.2.3
La lumière : ........................................................................................................ 50
III.2.4
Matière, traitement de la surface : ...................................................................... 50 8
III.2.5
La couleur : ......................................................................................................... 51
III.2.6
Influences ........................................................................................................... 52
III.3
La place de la Vieille femme au rouet dans l’œuvre de l’artiste ................................ 55
Conclusion :.............................................................................................................................. 57
PARTIE 2 : CONSERVATION-RESTAURATION I.
Nature des matériaux constitutifs et technique de mise en œuvre .................................... 60 I.1
Généralités ................................................................................................................. 60
I.1.1
Mesures de l’œuvre. ........................................................................................... 61
I.1.2
Hypothèses concernant l’ancien châssis aujourd’hui disparu. ........................... 61
I.2
Le support : ................................................................................................................ 62
I.2.1
La toile : ............................................................................................................. 62
I.2.2
Nature des fibres : .............................................................................................. 62
I.2.3
Le tissage : .......................................................................................................... 62
I.3
Le feuil : étude stratigraphique .................................................................................. 63
I.3.1
L'encollage : ....................................................................................................... 63
I.3.2
La préparation : .................................................................................................. 64
I.3.3
Ebauches colorées : ............................................................................................ 66
I.3.4
Les couches colorées: ......................................................................................... 68
I.3.5
Le vernis : ........................................................................................................... 71
I.3.6
Retouches, repeints : .......................................................................................... 72
I.3.7
La technique de l‘artiste ..................................................................................... 72
II. Etat de conservation : ........................................................................................................ 74 II.1
Le support : ................................................................................................................ 74
II.1.1
Les déchirures et coupures : ............................................................................... 74
II.1.2
Les lacunes : ....................................................................................................... 76
II.1.3
Les déformations : .............................................................................................. 77
II.1.4
Apport extérieur : ............................................................................................... 79
II.1.5
L’encrassement ................................................................................................... 80
II.2
Le feuil :..................................................................................................................... 80
II.2.1
Les lacunes de la couche picturale ..................................................................... 80
II.2.2
Les craquelures ................................................................................................... 83
II.2.3
Le vernis : ........................................................................................................... 86 9
II.2.4
L‘encrassement ................................................................................................... 87
III. Diagnostic ......................................................................................................................... 88 III.1
Détermination des causes des altérations : ................................................................ 88
III.1.1
Les causes liées à la mise en œuvre ................................................................... 88
III.1.2
Les causes naturelles / Vieillissement des matériaux......................................... 90
III.1.3
Les causes liées aux conditions de conservation ................................................ 91
III.1.4
Les causes liées aux manipulations .................................................................... 92
IV. Proposition de traitement : ................................................................................................ 94 IV.1 Cahier des charges ..................................................................................................... 95
IV.2 Proposition d‘interventions........................................................................................ 97 IV.3 Tests de décrassage :................................................................................................ 105 IV.4 Tests d’allégement de vernis : ................................................................................. 107 V. Rapport de restauration ................................................................................................... 112 V.1
Le décrassage ........................................................................................................... 112
V.2
La protection de surface .......................................................................................... 114
V.3
Le retrait de la pièce de renfort ................................................................................ 116
V.4
Le nettoyage du dos ................................................................................................. 118
V.5
Remises à plat localisées ......................................................................................... 119
V.6
Maintien des lèvres de la déchirure avant le cartonnage ......................................... 121
V.7
Le cartonnage léger ................................................................................................. 122
V.8
Le retournement du cartonnage ............................................................................... 124
V.9
Consolidations provisoires des déchirures .............................................................. 125
V.10
L’imprégnation des bords de rabat du support..................................................... 127
V.11
L’application des bandes de tension .................................................................... 127
V.12
La mise en extension sur bâti : ............................................................................. 128
V.13
Consolidation de la couche picturale ................................................................... 129
V.14
Incrustations du support ....................................................................................... 131
V.15
Le doublage transparent : ..................................................................................... 134
V.16
L’allégement de vernis ......................................................................................... 137
V.17
Montage de l’œuvre sur châssis neuf ................................................................... 139
V.18
Le masticage des lacunes ..................................................................................... 140
V.19
La réintégration picturale ..................................................................................... 142
V.20
Vernis final ........................................................................................................... 143 10
V.21
Bordage final ........................................................................................................ 144
Conclusion.............................................................................................................................. 144
PARTIE 3 : ÉTUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE I.
Introduction de l’étude .................................................................................................... 148 I.1
Généralités : ............................................................................................................. 148
I.2
Enjeu de l’étude, problématique : ............................................................................ 148
II. Le doublage :................................................................................................................... 149 II.1
Définition et historique du doublage ....................................................................... 149
II.2
Le Plextol®B500 ..................................................................................................... 151
III. Protocole d’expérimentation ........................................................................................... 152 III.1
Les tests envisagés : ................................................................................................. 152
III.1.1
Les tests de transparence : ................................................................................ 152
III.1.2
Les tests de traction : ........................................................................................ 153
III.2
Préparation des échantillons .................................................................................... 155
III.2.1 III.3
La mise en œuvre ............................................................................................. 155
Les tests de transparence ......................................................................................... 158
III.3.1
Objectif : ........................................................................................................... 158
III.3.2
Protocole : ........................................................................................................ 158
III.3.3
Résultats obtenus : ............................................................................................ 159
III.3.4
Interprétation des résultats : ............................................................................. 161
III.4
Les tests de résistance à la traction .......................................................................... 161
III.4.1
Objectifs : ......................................................................................................... 161
III.4.2
Protocole : ........................................................................................................ 162
III.4.3
Résultats obtenus : ............................................................................................ 163
III.4.4
Interprétation des résultats : ............................................................................. 168
III.5
La réactivation des échantillons .............................................................................. 169
III.5.1
Objectifs : ......................................................................................................... 169
III.5.2
Protocole : ........................................................................................................ 169
III.5.3
Les tests de transparence après la réactivation à la chaleur des échantillons ... 170
III.5.4
Les tests de traction après la réactivation à la chaleur des échantillons ........... 172
III.5.5 Les tests de transparence, après la réactivation des échantillons à la chaleur et aux solvants ..................................................................................................................... 176 11
III.5.6 Les tests de traction, après la réactivation des échantillons à la chaleur et aux solvants 178 Conclusion de l’étude : ........................................................................................................... 182
Conclusion générale ............................................................................................................... 184 Bibliographie .......................................................................................................................... 185 Table des illustrations............................................................................................................. 193 Annexes .................................................................................................................................. 201
12
Avant-propos Désireux
de travailler sur une peinture moderne ou contemporaine pour notre
mémoire de fin d’études, nous avons tout d’abord fait part de nos attentes à la DRAC de Lyon (69) auprès de Madame Bardisa Marie, conservateur régional des monuments historiques. Celle-ci me conseilla de prendre contact avec le Fonds National d’Art Contemporain à Paris, une œuvre pouvant éventuellement m’y être proposée. Ce fut effectivement le cas. Étant intéressé par ma demande,
Monsieur Xavier-
Philippe Guiochon, conservateur en chef du patrimoine au sein de ce département, me suggéra alors rapidement des œuvres à restaurer. Cependant une seule se détachait vraiment de l’ensemble, du fait de son niveau de dégradation (le plus avancé des œuvres proposées), et du traitement très sombre de son sujet. Ainsi séduit par la technique picturale de l’artiste (matière et couleurs), notre choix se porta rapidement sur cette dernière, ravi de pouvoir travailler sur une œuvre qui demandait un travail de conservation-restauration complet, tant sur le support que la couche picturale.
13
Introduction générale L’objet de notre étude est un tableau intitulé Vieille femme au rouet, exécuté en 1898 par Pierre-Amédée Marcel-Beronneau (1869, Bordeaux - 1937, Seyne sur Mer), provenant des collections du département du Fonds national d’art contemporain (FNAC) à Paris. Présentant un état de conservation particulièrement mauvais, ayant été, entre autres, détaché de son châssis d’origine pour être plié en cinq, ce tableau offre également des inscriptions à son revers, telles que la signature de l’artiste et l’adresse de son atelier à Paris. Cette particularité a été déterminante dans le choix de cette œuvre. En effet, la nécessité de réaliser un doublage transparent, ne pouvait qu’enrichir notre expérience sur le traitement des supports, n’ayant jamais réalisé une opération semblable auparavant. De plus, cette œuvre n’avait, à priori, jamais connu de restauration antérieure à l’exception de la présence d’une pièce de renfort à son revers. N’ayant, dans un premier temps, pas d’autre destination que son retour dans les réserves du FNAC, un programme de restauration axé sur une conservation – restauration générale a été conclu avec Monsieur Xavier-Philipe Guiochon et les autres personnes chargées du suivi de cette œuvre. Ainsi, dans le corpus de ce mémoire, nous présenterons dans une première partie le parcours de l’œuvre, l’artiste, ainsi que les éléments historiques permettant de situer l’œuvre dans son contexte de création, d’un point de vue stylistique et iconographique. Dans une seconde partie, dans le cadre de la conservation-restauration de l’œuvre, nous étudierons ses matériaux constitutifs, ses altérations et leurs causes. A la suite de cette étude, des choix de traitement en accord avec les objectifs de la restauration seront émis et les différentes interventions de restaurations effectuées sur l’œuvre seront alors présentées. La troisième et dernière partie sera consacrée à une étude expérimentale que nous avons menée autour de questionnements liés à la réalisation de notre doublage transparent. Celle-ci tentera de déterminer si les méthodes d’application du Plextol®B500 et les différents facteurs qui lui sont apportés au cours d’un doublage (chaleur, pression, solvants), ont une influence sur les propriétés optiques et mécaniques de ce dernier.
14
PARTIE 1
HISTOIRE DE L’ART La Vieille femme au rouet de Pierre-Amédée Marcel-Beronneau (1869, Bordeaux – 1937, Seyne sur Mer)
15
Introduction Datée de 1898, notre œuvre de mémoire, intitulée Vieille femme au rouet est une huile sur toile, dont les dimensions sont de 92 x 73 cm. Ce tableau nous a été confiée par le Fonds national d’art contemporain1 (FNAC) à Paris, la plus grande collection internationale d’art moderne et contemporain rassemblée en France avec plus de 70000 œuvres au total (comprenant les arts plastiques, la photographie, les arts décoratifs, le design…). Inscrit à son inventaire en novembre 2009 sous le numéro « PFH-6138 », il s’agit d’une peinture figurative, de genre, nous présentant une scène de la vie quotidienne dans un intérieur. Comme son titre l’indique, elle met en scène une femme âgée se tenant auprès de son rouet au sein d’une chaumière. La scène est traitée dans une esthétique réaliste, comme nous le verrons par la suite. Celle-ci est signée Marcel-Beronneau, (de son nom complet Pierre-Amédée Marcel-Beronneau) artiste français né en 1869 à Bordeaux et mort en 1937 dans le Var, élève du peintre symboliste Gustave Moreau (1826-1898) entre 1892 et 1896. L’analyse historique de cette œuvre s’organisera selon les trois axes principaux suivants : Dans une première partie, le parcours de l’œuvre et l’artiste (biographie, son œuvre) seront présentés. Puis une étude de la production artistique de scène de genre, à sujet paysan, au 19ème siècle, ainsi que le contexte social et politique de cette époque sera réalisée. Enfin une analyse du sujet peint et de la technique employée par l’artiste sera effectuée, afin d’acquérir une meilleure connaissance de l’œuvre, et de mieux la resituer dans son contexte de création.
1
Créé en 1875, cet organisme a pour mission principale d’acquérir et de diffuser des œuvres appartenant à ses collections, afin de constituer pour l’Etat un patrimoine vivant.
16
I. Étude historique de l’œuvre I.1
Parcours de l’œuvre Elle a été inscrite à l'inventaire du FNAC sous
le numéro « PFH-6138 » en novembre 2009. Après recherche, il s'avère que l’œuvre a été présentée au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts en 1901 sous le n°616. Il pourrait donc s'agir d'une acquisition au Salon de 1901, mais il n’en n’existe aucune trace
Figure 1 : Extrait du Catalogue Illustré du Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts de 1901, où nous pouvons retrouver le numéro (616) de la Vieille femme au rouet de Pierre-Amédée MarcelBeronneau.
dans les cahiers d’achats. La fiche Arcade2 porte la mention "Demande d'achat d'un des deux tableaux exposés La forge abandonnée ou Vieille femme au rouet (...)". La procédure de l'acte est signifiée en aboutissement inconnu. L’œuvre est également absente de la base de données Archim3. Elle ne figure donc pas sur la liste des œuvres achetées aux différents salons par le Bureau des travaux d’art, entre 1864 et 1901. D'après les inscriptions au revers, la toile serait passée dans les réserves du Musée de St-Omer avant d’arriver dans les collections du FNAC. Après discussion avec Monsieur XavierPhilippe Guiochon, conservateur au FNAC et prêteur de l’œuvre, celle-ci serait rentrée dans les réserves du FNAC bien avant son inscription sur
Figure 2: Gravure de la Vieille femme au rouet, extraite du Catalogue illustré de la société nationale des Beaux-Arts, 1901 (ici l'image est inversée par rapport à l'originale).
l’inventaire, soit au début des années 1960 selon lui.
2
Issue de la base de données Arcade – Ministère de la Culture et de la Communication - Archives nationales : http://www.culture.gouv.fr/documentation/arcade/pres.htm, site web consulté le 14/03/2014. 3 Base de données Archim – Archives nationales, France : http://www.culture.gouv.fr/documentation/archim/accueil.html, site web consulté le 14/03/2014.
17
I.2
I.2.1
Présentation de l’artiste
Biographie4 : Pierre-Amédée
Marcel-Beronneau
est
né
à
Bordeaux le 14 juillet 1869 de Georgette Reynal et de François Beronneau. En 1889, il suit des cours de peinture à l’Ecole Municipale des Beaux-arts de Bordeaux. Obtenant une bourse d’études en 1890, il n’y restera cependant que peu de temps, mais y rencontrera, entre autre, Fernand Sabatté (1874, Aiguillon – 1940, Chamigny)5. Inscrit le 26 février 1890 à l’Ecole nationale des
Figure 3 : Photographie de PierreAmédée Marcel-Beronneau dans son atelier.
Arts Décoratifs où il suivra l’enseignement d’Eugène Thirion (1839 – 1910, Paris), il obtiendra d’autres subventions6 de la municipalité bordelaise, et s’installe à Paris à l’âge de 23 ans au 12 rue de l’Abbaye. Il rentrera le 23 novembre 1892, avec Sabatté dans l’atelier de Gustave Moreau (1826 – 1898, Paris), au sein de l’Ecole nationale des Beaux-Arts. Il fera alors la rencontre de Georges Rouault (1871 – 1958, Paris) avec qui il partagera un atelier au 49 boulevard du Montparnasse7. Après avoir remporté le deuxième premier grand prix des Arts Décoratifs en 1893, et avec le soutien de Gustave Moreau, il continue à obtenir les subventions qui lui permettent de poursuivre ses études. En 1894, il est admis définitivement comme élève titulaire à l’Ecole nationale des Beaux-Arts, après avoir exposé deux tableaux8 au Salon de la Société des Amis des Arts de Bordeaux. A la fin de cette année, suite aux épreuves du concours Chenavard, il est classé n°1 par le jury de l’école et le conseil supérieur des Beaux-Arts. Son apprentissage au sein de cette école, enrichie par les interventions de Gustave Moreau, le mène, par la suite, à exposer l’œuvre Muse au Salon des artistes français de 1895.
4
Biographie extraite du mémoire : NEAU, Gabrielle. Pierre-Amédée Marcel-Beronneau (1869-1937), "Peintre symboliste, paysagiste et décorateur", Maîtrise d'Histoire de l'Art, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, 2001, p. 19-23. 5 Ce dernier restera un de ses amis les plus proches et sera également élève à ses côtés dans l’atelier de Gustave Moreau. 6 Ses envois à l’Ecole des Arts Décoratifs entre 1890 et 1891 lui ont permis d’obtenir une subvention de l’ordre de 1000 francs ainsi qu’une bourse de 1500 francs en 1892. 7 Adresse inscrite au dos de l’œuvre. 8 Dans l’atelier (1893) et Lecture pendant le repos, (1893)
18
Il entamera alors une carrière à « double volets », en exposant de nombreuses œuvres aux thèmes conventionnels et à la facture traditionnelle d’un côté, et des œuvres symboliques très empreintes du travail de Gustave Moreau, de l’autre. La première catégorie lui vaut les premières commandes de l’Etat, et ce, tout au long des dix premières années du 20ème siècle. Son œuvre symboliste ne sera alors réellement reconnue qu’en 19079, lorsque l’Etat commence progressivement à orienter ses choix d’acquisition envers des œuvres aux thèmes moins traditionnels et académiques. Ainsi en 1912, il reçoit sa plus importante commande de l’Etat. Salomé dansant devant le roi Hérode, carton de tapisserie destinée à la Manufacture des Gobelins (voir Figure 4). Il continuera par la suite à percevoir honneurs et distinctions officielles. Il sera en outre
Figure 4 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Salomé dansant devant Hérode, 1923, Carton de tapisserie destiné à la manufacture des Gobelins, 320x360 cm, Beauvais, Musée départemental de l'Oise
nommé Chevalier de la Légion d’honneur en 1914, suite à l’exposition de Gand, et reçoit des médailles en 1900 et 1913 pour ses expositions au salon des artistes français. Il participera également à des expositions à l’étranger, comme à Stuttgart et Elseneur en 1901, Londres et Saint Louis en 1904, Montréal en 1909, Gand en 1913, San Francisco en 1915 et Barcelone et Buenos Aires en 1917. Au cours de la Première Guerre mondiale, il crée « l’Etoile », une entraide pour les artistes parisiens. Il y rencontrera alors sa future femme, Germaine Marchant, qu’il épouse en 1918. Il reçoit en 1926 une médaille d’or par le Salon des artistes français, et vit paisiblement de la vente de ses toiles qu’il expose à la galerie Mona Lisa jusqu’en 1932 puis à la galerie André Marchant, Faubourg Saint-Honoré jusqu’en 1935. Un accident de voiture quelques années plus tôt l’empêche malheureusement de continuer son œuvre, sa vue diminuant progressivement. A partir de 1935, il ne peint presque plus, mais continue tout de même d’envoyer des œuvres puisées dans les fonds de son atelier aux Salons10.
9
A partir de cette date, il quitte son atelier Boulevard du Montparnasse, pour s’installer seul au n°11 de l’Impasse Ronsin à Paris. 10 A partir de 1910, ses peintures n’étant plus datées, ses derniers envois au Salon ne permettent plus de concevoir une chronologie correcte de sa production.
19
En 1937, aux côtés de sa femme dans la propriété de son beau-frère, il décèdera à Haute-Barelle, en Seyne-sur-Mer, et est inhumé à Sanary dans le Var. I.2.2
Production artistique Comme évoqué précédemment, nous pouvons distinguer deux versants distincts au
sein de l’œuvre de Marcel-Beronneau. I.2.2.1 Une peinture réaliste et traditionnelle : Désireux de pouvoir exposer au Salon et d’avoir accès aux commandes officielles de l’Etat ou d’achats de la part de particuliers11, Pierre-Amédée Marcel-Beronneau réalise alors un certain nombre d’œuvres caractérisées comme étant plus traditionnelles et académiques. Ces œuvres, de genre mineur répondent aux goûts de la bourgeoisie de l’époque, principale commanditaire, friande de scènes de genre, de portraits, et de paysages. Parmi ses œuvres exposées au Salon parisien de 1895 à 1910, quatre thèmes iconographiques distincts peuvent être discernés : I.2.2.1.1 - Les scènes de genre Les scènes de la vie quotidienne dans un intérieur12 : De manière générale, dans ce type d’œuvres, l’artiste dépeint des personnages, souvent de sexe féminin et seuls au sein de leur intérieur quotidien, occupés à une tâche de la vie courante. Dans le tableau intitulé Petite ménagère, présenté au Salon de 1902 (voir Figure 5), Marcel-Beronneau représente une jeune fille au centre d’un intérieur bourgeois, mettant le couvert sur une table. Des jeux d’ombres et de lumière semblent animer l’ensemble, (le drapé blanc du tablier de la jeune fille et de la nappe de la table, contrastent par rapport aux tons sombres du fond). Une impression d’intimité et de calme paraît se dégager de la scène dont le spectateur se fait le témoin. 11
Le Salon qui apparaît comme une manifestation de prestige à la gloire de l’art français, connait une grande affluence du public depuis le Second Empire (1852-1870). En y participant un artiste pouvait ainsi fonder sa réputation qui pouvait lui apporter réussite et fortune. Cela semble néanmoins un peu moins certain après 1870. VAISSE, Pierre. La troisième République et les peintres, Art, histoire, société, Paris : Flammarion, 1995, p. 105 et p. 131. 12 La Vieille femme au rouet (1898) fait également partie de la production des scènes de la vie quotidienne. La place que tient l’œuvre de mémoire au sein de la production de Marcel-Beronneau est étudiée plus précisément p.55
20
Ici, un lien peut être établi avec les scènes d’intérieurs hollandaises du 17ème siècle, mettant en scène la représentation de femmes dans un contexte domestique privé. Ainsi nous pouvons évoquer les œuvres de Pieter de Hooch (1629 - entre 1684 et 1694), Jan Steen (1625 ou 1626 - 1679) ou encore Johannes Vermeer (vers 1632 - 1675), exploitant une gamme de couleurs chaudes douces et dorées au sein d’une composition simple. Ce thème est également traité par de nombreux artistes contemporains à MarcelBeronneau, tels que R.X. Prinet (1861 - 1946), F. Guiguet (1860 - 1937), H. Morisset (1870 1956), Hughes de Beaumont (1874 - 1947), M.G. Biessy (1854 - 1935), (voir Figure 6), L. Delachaux (1850 -1919) ou Germaine Druon (1878 - 1959), par exemple13.
Figure 5 : Pierre-Amédée MarcelBeronneau, Petite Ménagère, huile sur toile, exposée au Salon de la société nationale des Beaux-Arts en 1902 (gravure extraite du catalogue Illustré du Salon de 1902).
Figure 6 : M.G Biessy, Intérieur d'artiste, huile sur toile, 1892, Musée des Beaux-Arts de Pau.
Les scènes d’atelier : Evoquant de nouveau les scènes d’intérieurs hollandaises du 17ème siècle, ce thème est revisité au 19ème siècle et particulièrement apprécié par des peintres réalistes tels que Gustave Courbet (1819 - 1877), Henri Fantin-Latour (1836 - 1904) ou encore Jean-Baptiste Camille Corot (1796 - 1875), (voir Figure 8). 13
« […] l’artiste moderne a délaissé la rue aveuglante pour l’appartement silencieux ». DACIER, Emile. La Revue de l’art ancien et moderne, n°58- Tome XI, 6eme année, Ed. (s.n.), Paris, 1902, p. 387-388. Artistes portant un intérêt dans la représentation de scènes d’intérieur et intimistes en 1900, cités par M. BENEDITE, Léonce. Rapports du jury international, introduction générale, Deuxième partie, Beaux-Arts, Paris, Imprimerie Nationale, 1905, p. 408-409.
21
L’œuvre, Dans l’atelier, exposée au Salon de 1897 (voir Figure 7), conservée au musée Roger-Quilliot à Clermont-Ferrand, représente un intérieur d’atelier au centre duquel se tient une femme assise, devant un chevalet sur lequel repose un tableau. Celle-ci tient un pinceau et une palette, et regarde en direction du spectateur, paraissant comme prise sur le vif. Autour de cette femme se trouvent divers objets, tableaux et livres accumulés pouvant faire référence à l’art. Cette représentation peut être interprétée comme une allégorie de la peinture et de la création artistique. Le traitement pictural précis, ainsi que l’attitude naturelle de la femme confère à l’œuvre un certain réalisme.
Figure 7 : Pierre-Amédée MarcelBeronneau, Dans l’atelier, huile sur toile, 1897, 130 x 96.5 cm, Clermont-Ferrand, Musée d'art Roger-Quilliot. Tirage photographique albuminé.
Figure 8 : Jean-Baptiste Camille Corot, L'Atelier, huile sur toile, 1870, Musée des Beaux-Arts de Lyon
Les scènes de la vie quotidienne représentant plusieurs personnes : Ici, deux œuvres peuvent être citées : Heure dernière, exposée au Salon en 1899 (voir Figure 9), représentant une scène de recueillement auprès d’une personne mourante, et Douloureuse station, réalisée en 1900 (voir Figure 10), mettant en scène des funérailles devant ce qui semble être une église ou une cathédrale. Les thèmes de la mort et du deuil, particulièrement récurrents dans les œuvres de Marcel-Beronneau sont illustrés dans ces deux tableaux.
22
Figure 9 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Heure dernière, huile sur toile, 1898, 86 x 116 cm, Musée des Beaux-Arts de Bordeaux.
Figure 10 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Douloureuse station, huile sur toile, 1900, 180 x 200 cm, Musée de Valence. Tirage photographique albuminé.
Ce type de sujet pictural permet, notamment la représentation des émotions et de la souffrance humaine à travers les expressions et les attitudes des personnages. MarcelBeronneau met, ici, l’accent sur « [le rendu de] la véracité et [de l’] émotion de la vie moderne et ses misères ». 14 Cet effet est accentué par l’emploi d’une palette restreinte et terreuse, ainsi que par le travail en épaisseur des couches colorées. Un rapprochement peut être effectué entre ces tableaux et des œuvres de peintres réalistes telles que, Un enterrement à Ornans daté de 1849 -1850 de Courbet, La charité datée 1900 de Chocarne-Moreau (1855 -1931), (voir Figure 12) ou, Science and Charité datée de 1897 de Pablo Ruiz Picasso (1881 -1973), (voir Figure 11) par exemple, qui traitent de manière réaliste et sensible des sujets similaires.
Figure 11: Pablo Ruiz Picasso (1881-1973), Science et Charité, huile sur toile, 1897, Musée Picasso, Barcelone, Espagne.
Figure 12 : Paul Charles Chocarne-Moreau, La charité, huile sur toile, œuvre exposée au Salon de 1900, Gravure extraite du catalogue illustré du Salon de la Société des artistes français de 1900.
14
SAULNIER, C. Petite gazette d’art : Le Salon, Revue Blanche, 1er mai, 1900, p. 61-63. « le sentiment qui a inspiré ce tableau fait taire la critique qu'on serait tenté de faire, touchant l'expression de ce sentiment même, […]» , Journal des débats politiques et littéraires, Paris, 04/06/1900, n° 95, p. 2.
23
I.2.2.1.2
Les portraits féminins :
Au sein de sa production de portraits peut être cité La femme au chat noir, datée de 1898 (voir Figure 13), représentant une femme en pied, vêtue en costume de ville, se tenant au dossier d’une chaise de la main droite. Son corps est disposé de trois-quarts, et sa tête est légèrement tournée vers le spectateur. L’emploi prépondérant du clair-obscur et des contrastes d’ombre et de lumière15, inspiré de Rembrandt (1606 – 1669), par exemple, peut être remarqué, notamment sur le visage à demi dissimulé dans l’ombre. Ceux-ci confèrent au portrait davantage
d’expressivité
et
profondeur.
de
Figure 13 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, La femme au chat noir, huile sur toile, 1898, 117 x 74 cm, Paris, Assemblée nationale. Tirage photographique albuminé.
Figure 14 : James Mc Neill Whistler, Arrangement en noir : La Dame au brodequin jaune - Portrait de Lady Archibald Campbell, huile sur toile, 1883, Philadelphia Museum of Art.
Nous pouvons remarquer une certaine similitude de ce portrait avec celui d’Archibald Campbell, réalisé par James McNeill Whistler, dans Arrangement en noir : La Dame au brodequin jaune, de 1883, en particulier dans la pose du modèle et l’emploi d’un clair-obscur prononcé16 (voir Figure 14). Les paysages et les natures mortes : N’ayant malheureusement pas en notre possession de reproductions photographiques de paysages et de natures mortes réalisés par Marcel-Beronneau, cette partie de la production reste difficile à analyser. Néanmoins, selon le mémoire de Gabrielle Neau consacré à la vie et l’œuvre de l’artiste, ses paysages « révèlent des implications symbolistes au sein même de
15
Olivier MERSON, souligne à la vue de cette œuvre que « M. Beronneau égare son talent et sa peine dans le système des gammes, sombres, comme la nuit. Que restera-t-il de ces peintures qui devancent si délibérément l'action des années quand le temps les aura recouvertes de son inévitable patine ? ». MERSON, Olivier. Le Monde illustré, Paris, 07/09/1898, p. 23. 16 M. Léonce BENEDITE, dans sa partie consacrée à l’exposition du Salon de 1900, souligne justement l’influence croissante des portraitistes anglais sur certains des artistes exposant au Salon. BENEDITE, Op. cit., p. 406-408.
24
l’œuvre réaliste »17, une facture libre et de forts contrastes lumineux animant ses compositions. Les influences de Corot pour l’emploi de teintes subtiles et de Fernand Khnopff (1858 - 1921) pour les jeux d’atmosphère sont perceptibles. Ses natures mortes quant à elles possèdent également, au-delà de leur rendu réaliste, un aspect symboliste, et peuvent constituer des « allégories de la vanité »18. I.2.2.2 Une peinture symboliste Parallèlement à sa production réaliste, Marcel-Beronneau est essentiellement reconnu pour ses œuvres symbolistes, plus personnelles. A l’instar de son maître Gustave Moreau19, le sujet majeur de ses tableaux demeure celui de la « femme fatale », issue de la Bible (Judith, voir Figure 17, Salomé, voir Figure 16), ou de la mythologie (Sapho). Ainsi, les thèmes de la tentation, de la séduction et de la souffrance sont souvent abordés 20. Possédant une esthétique plus libre et plus spontanée dans l’emploi de couleurs vives et de forts empâtements picturaux, ces œuvres contrastent profondément avec sa production plus traditionnelle, évoquée précédemment.
Figure 15 : Pierre-Amédée MarcelBeronneau, Orphée, huile sur toile, exposée au Salon des Artistes Français de 1899
Figure 16 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Salomé l'oiseau de proie, huile sur toile, 1905, collection particulière
Figure 17: Pierre-Amédée MarcelBeronneau, Judith, huile sur toile, entre 1910 et 1920, présentée au Salon des Artistes Français de 1930.
17
NEAU, Gabrielle. Op. cit., p. 40-41. Idem, p. 41. 19 « Marcel-Beronneau qui, d'ailleurs, est artiste, doit passer de bien mauvaises nuits d'être à ce point hanté par l'ombre de Gustave Moreau ». GYBAL, André. L’Art Libre, Bruxelles : Ed. (s.n.), 1er Mars 1920, p. 50. «[…] un pseudo Gustave Moreau, outrancier jusqu'à la caricature (Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, obsédé par Salomé, qui a des qualités de peintre et une énergie estimable) » , BIBLIE, Maxence. La France active. Organe de toutes les formes de l'activité nationale, Paris : Ed (s.n.), 1920-1939, p. 131. 20 BENEZIT, E. Dictionnaire critique et documentaire des Peintres, Sculpteurs, Dessinateurs et Graveurs, Paris : Gründ, 1999, p. 181. 18
25
II. Une imagerie au cœur du débat social Afin de comprendre pourquoi notre artiste a choisi d’exécuter en 1898, puis d’exposer en 1901 l’œuvre Vieille femme au rouet au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts, il paraît essentiel de déterminer dans un premier temps quelle était la place des peintures traitant du thème paysan dans la société du 19ème siècle en France. Quelle vision du monde rural donnait à voir les artistes ? Qu’en était-il de la réalité ? Comment se situe alors l’œuvre de Marcel-Beronneau parmi cette production artistique ?
II.1 La France de la fin du 19ème siècle
Dans la deuxième moitié du 19ème siècle, et ce jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale, la France se voit considérablement transformée. Engagée dans la deuxième Révolution industrielle qui repose sur de nouvelles sources d’énergie, elle rentre alors dans l’ère de l’électricité et de l’automobile. Les avancées importantes dans les domaines scientifiques, techniques, ainsi que dans les sciences sociales, accélèrent peu à peu les modes de vie21. Cependant, malgré un exode rural qui amène dans les villes les nouveaux acteurs d’un monde ouvrier en pleine croissance, la France est un pays où le secteur agricole et les ruraux gardent une place conséquente dans cette société en pleine évolution. II.1.1 L’évolution du monde rural à la fin du 19ème siècle en France Sous le Second Empire, (1852 - 1870), la civilisation rurale française est considérée comme étant à son apogée. Les facteurs techniques, économiques, démographiques et sociaux lui ayant été bénéfiques, cette dernière a connu une « sorte d’euphorie un peu insouciante »22. Celle-ci s’est traduite, entre autre, à travers une efflorescence de folklores locaux. Au contraire, la fin de siècle (1880 - 1900), période de création de l’œuvre de MarcelBeronneau, apparaît comme une phase de déclin, de doute et d’inquiétude pour le monde rural 21
CARPENTIER, J, LEBRUN, F. Histoire de l’Europe, Paris : Seuil, octobre 1990, p. 330. AGULHON, M, DESERT, G, SPECKLIN, R. sous la direction de DUBY, G., et WALLON, A. Histoire de la France rurale, vol. 3, Apogée et crise de la civilisation paysanne : de 1789 à 1914, Points Histoire, Paris : Seuil, 1992, p. 387. 22
26
français qui connaît d’importants changements sur le plan sociologique, démographique et politique. Les campagnes françaises se verront, notamment, confrontées à une succession de crises dans le milieu agricole. Ces dernières paraissent remettre en cause les équilibres qui semblaient avoir été trouvés dans le mode de développement rural. Cette période illustre également l’insertion des campagnes aux dynamiques capitalistes. Des crises majeures : On notera en particulier la chute générale des prix des produits agricoles dans les grandes puissances européennes. La France, dont la main d’œuvre, réduite et chère, ainsi que le manque d’investissements dans des machines agricoles, est alors peu préparée face à une nouvelle concurrence internationale23. Combinée à cela, la viticulture française se verra ravagée par un puceron d’origine américaine. Cette crise, dite du phylloxéra détruira entre 1880 et 1900 jusqu’à un tiers du vignoble et ruinera de nombreux exploitants24. En 1870, la forte concurrence des soies orientales (soies chinoises et japonaises) de meilleure qualité et à plus bas prix, condamne la sériciculture française. La production ainsi que les prix des cocons diminuent considérablement à la fin du siècle25, et des dizaines de milliers de paysans perdent peu à peu un revenu de complément26. Une population contrainte de quitter la campagne : En état de crise, les campagnes sont alors confrontées à un phénomène d’exode rural. Néanmoins, cet exode ne touche pas tous les ruraux de la même manière. Les salariés agricoles, les « gagne-petit »27 souvent pluriactifs des villages, et les artisans ou commerçants28 seront les catégories les plus touchées. Effectivement, les petites entreprises locales qui donnaient un revenu de complément aux paysans n’ayant pas la possibilité de vivre uniquement de l’agriculture, tendent à 23
Les transports ayant beaucoup progressés (maritimes, ferrés), les produits importés proviennent non seulement des pays européens mais également des pays neufs comme les Etats-Unis, l’Argentine…, dont la production de denrées agricoles (céréales en particulier) est croissante et à des prix peu élevés. JESSENNE, J.P. Les campagnes françaises entre mythe et histoire, XVIIIème-XXIème siècle, Paris : Armand Colin, 2006, p. 197. 24 LECAT, J.M. Paysans de France : un siècle d’histoire rurale 1850-1950, paris : Lodi, 2005, p. 155-156. 25 Le prix des cocons diminue de 40% entre 1867 et 1880 et le nombre de producteurs passe de 170000 à 95000 de 1880 à 1914. JESSENNE, J.P. Op. cit., p. 196. 26 LECAT, J.M. Op. cit., p. 160. 27 JESSENNE, J.P. Op. cit., p. 80. 28 Dans les secteurs de l’alimentation et de l’habillement en particulier. WEBER, Eugen. La fin des terroirs, 1870-1914, Paris : Fayard/Pluriel, 2011, p. 258.
27
disparaitre. Comme le signale Eugen Weber, « la révolution industrielle se traduit par le remplacement progressif de la production artisanale par la production industrielle, induisant la disparition des industries rurales et régionales »29. La diversité des activités et des métiers au village disparait alors progressivement. La population des villages diminue, mais pas celle des cultivateurs, l’exploitant agricole constituant alors peu à peu la majeure partie de la population rurale. Ce courant d’émigration n’est pas massif et est très différent selon les régions30, mais joue cependant sur le vieillissement de la population paysanne, les jeunes (filles ou fils) étant les premiers à partir dans les grandes villes pour trouver un travail et fonder un foyer31. Une transformation du monde rural Très ancrée dans le maintien de ses traditions, la France rurale reste cependant ouverte au progrès. De nouvelles machines telles que les faucheuses et les moissonneuses lieuses par exemple, feront ainsi leur apparition à partir des années 187032. Ces dernières limitent le besoin d’une
main d’œuvre devenue chère33 et améliorent considérablement les
rendements34. Des progrès seront également réalisés dans la fabrication d’engrais naturels et chimiques, ainsi que dans l’élevage des bovins. Progressivement, les campagnes se détachent de ce qu’elles étaient au début du siècle. Comme exprimé précédemment, le départ des artisans à domicile, des petits commerçants, des ouvriers œuvrant dans les industries rurales (en raison de la déruralisation de l’industrie), façonne un monde moins « hétérogène » professionnellement parlant. George Duby dans son Histoire de la France rurale, parle d’une « paysanisation »35 de la population rurale. Celle-ci doit faire face à de nouveaux problèmes. Elle est de plus en plus dépendante de l’économie du marché et de la nécessité de vendre pour subsister. Dépendant de l’industrie (alimentaire surtout) et des nombreux intermédiaires (chevillards, commissionnaires, marchand de gros…) qui dicteront leurs prix pendant toute la durée de la 29
Idem, p. 258 Les Bretons ne commenceront réellement à émigrer qu’au début du 20 ème siècle par exemple. LECAT, J.M. Op. cit., p. 165. 31 DUBY, G. Op. cit., p. 401. 32 Ces machines étant coûteuses, leur utilisation est alors essentiellement limitée à la région située au nord d’une ligne Le Havre-Orléans-Belfort. Ibid., p. 225. 33 En raison de la raréfaction de la main-d’œuvre, liée à l’exode rural, les salaires des ouvriers agricoles augmentent de 26 % à 29 % entre 1890 et 1910. Ibid., p. 449 - 450. 34 .La baisse des prix des machines agricoles à la fin du siècle a favorisé sa généralisation au sein des exploitations moyennes. Idem, p. 449 - 451. 35 Ibid., p. 457. 30
28
crise agricole, le producteur, verra la part de son profit limitée par rapport au prix de la vente.36 Conclusion L’évolution, la transformation du monde rural à la fin du 19ème siècle est non seulement induite par les crises et les conflits internes de cette période, mais c’est essentiellement l’état du marché et l’évolution de la ville qui contraignent les campagnes à s’adapter. Pour reprendre les termes de Jean-Pierre Jessenne37, […] la crise de la fin du 19ème siècle constitue un parfait révélateur des connexions multiples mais fragiles, entre un monde rural dense et pluriactif et une économie marchande et capitaliste, elle-même très polymorphe. II.1.2 Les paysans et la Troisième République (1870-1940): Entre 1871 et 1914, les paysans sont au centre des préoccupations de la Troisième République. Apparaissant comme les garants de la stabilité du régime face aux forces conservatrices telles que la monarchie et l’Église, ces derniers vont alors être sujets à d’importants changements instaurés par les républicains. La situation agricole, en crise, les Républicains prennent un certain nombre de mesures afin de remédier à cette situation : La communication entre les campagnes et les villes est rendue plus accessible dans un premier temps, afin de cesser l’isolement économique de ces régions. Les voies de chemin de fer38, les chemins vicinaux, et les services postaux se voient ainsi développés. L’autorisation de créer des syndicats39 professionnels, des crédits agricoles et la mise en place de retraites paysannes font également leur apparition. Se manifestent alors deux importants courants syndicaux. L’un, conservateur, L’Union Centrale des Agriculteurs de France (l’UCAF), est issu de la SAF (Société des Agriculteurs de
36
Ibid., p. 457- 458. JESSENNE, J.P. Op. cit., p. 199. 38 Ces dernières passent de 24300 km à 40770 km entre 1881 et 1914. 39 Sous l’impulsion de la Société des Agriculteurs de France (SAF), organisation pilotée par les grands propriétaires fonciers de tendance royaliste, la loi française autorise en 1884 la création de syndicats professionnels sans autorisation préalable de l’État. LECAT., J.M. Op. cit., p. 206. 37
29
France) et dirigé par la noblesse terrienne40, et le second, républicain, est conduit par la bourgeoisie et les paysans aisés. Créé sous l’impulsion de Gambetta en 1880, sous le nom de « Société nationale d’encouragement à l’agriculture », celui-ci favorise le maintien des petites exploitations en s’investissant activement dans la création de coopératives, de systèmes de mutuelle et de crédit.41 Mais la mesure la plus importante est sans nul doute celle d’un protectionnisme douanier42, mis en place en au début des années 1880 par Méline, ministre de l’agriculture. Celui-ci consiste à protéger les producteurs français de ses principaux concurrents dont les rendements étaient beaucoup plus élevés, mais entraine, entre autres, une baisse des exportations des produits français et retarde la modernisation de l’agriculture face aux concurrents étrangers43. Ces diverses mesures montrent bien la volonté des républicains à gagner la faveur des ruraux, mais, afin d’en faire de véritable citoyens intégrés à la vie politique, d’autres réformes devaient être prises. La loi du 5 avril 188444, relative au principe de l’élection du conseil municipal au suffrage universel, permet enfin aux paysans de participer au jeu politique. A travers des élections locales ou législatives, le vote devient alors une pratique ordinaire et vers 1900, la plupart des campagnes se sont tournées vers les camps républicains. Dans les années 1880, la République affiche également son désir de laïcité, et ce, essentiellement, à travers l’instauration de l’enseignement primaire, obligatoire, gratuit et laïque45. Les religieux écartés de l’enseignement, les valeurs de la République peuvent ainsi être diffusées aux paysans. Cette diffusion se fera également par le biais du service militaire et 40
Paternalistes et monarchistes, les dirigeants de la SAF ont l’appui de l’Eglise et cherchent à contrôler la vie rurale et l’enseignement agricole confessionnel afin de préserver les paysans des influences néfastes du républicanisme. Idem, p. 206. 41 Ibid., p. 207. 42 DUBY, G. Op. cit., p. 411. 43 Jean Lhomme souligne que le protectionnisme, malgré qu’il ait représenté une réponse efficace à la crise agricole à court terme, a été dangereux à long terme, généralisant « l’habitude de quémander et de pousser les agriculteurs à intervenir sans cesse auprès de leurs mandataires, afin d’obtenir […], le maintien, l’ajustement de cette protection, […]».LHOMME, Jean. « La crise agricole à la fin du XIXe siècle en France. Essai d'interprétation économique et sociale », Revue économique, 1970, vol 21, n°4, p. 544. 44 A partir de cette date chaque commune sera dotée d’une mairie portant la devise républicaine « liberté, égalité, fraternité ». LECAT, J.M. Op. cit., p. 179. 45 La loi Ferry du 16 juin 1881 établit la gratuité de l'enseignement primaire dans les écoles publiques et la nécessité de l'obtention par les instituteurs d'un brevet de capacité. Elle est complétée par la loi du 28 mars 1882 qui affirme l'obligation pour les enfants de 6 à 13 ans de fréquenter les bancs de l'école désormais laïque. Idem, p. 167.
30
de la presse locale, dorénavant libre de toute censure. Ces mesures viennent à bout de l’analphabétisme (du moins pour les plus jeunes) dans les campagnes au début du 20 ème siècle46. Ainsi, les paysans peuvent désormais se forger leur propre opinion. En participant à la vie politique, ils sortent de leur passivité traditionnelle et deviennent des citoyens à part entière, garantissant ainsi la stabilité du régime. Cet engouement du régime pour les paysans se traduit non seulement à travers les mesures et les réformes sociales, mais également à travers une imagerie particulière jouant un rôle primordial dans la diffusion des idéaux républicains47.
46
Ibid., p. 167. THOMSON, Richard. La République troublée. Culture visuelle et débat social (1889-1900), Paris : Les presses du réel, 2008, p. 28-37. 47
31
II.2 Le monde rural vu par les peintres Au cours de la seconde moitié du 19ème siècle, la campagne française va être la source d’inspiration de nombreux artistes. Le désenclavement de cette dernière (chemins de fer, routes…) leur permet, ainsi qu’aux folkloristes et touristes, d’étudier le monde paysan. Dans cette époque marquée par la révolution industrielle, le monde urbain et rural vont connaitre de profondes mutations qui bouleversent considérablement la relation de l’homme à son environnement. En dépit du développement de la pensée positiviste d’Auguste Comte basée sur la croyance dans le fait que le progrès technique et scientifique pourrait assurer le bonheur de l’humanité, les citadins sont cependant en proie à de nouvelles angoisses et à de nouvelles incertitudes. A travers la littérature ou la peinture, la figure du paysan, traduisant les sensibilités et les préoccupations contemporaines, se verra alors diffusée dans toute la société. II.2.1 La vision des paysans au début du siècle : Dans la première moitié du 19ème siècle, la majorité des sujets rustiques présente le paysan de manière idyllique. Il est vu comme un être civilisé, joyeux, dévot, évoluant dans un monde où la pénibilité des travaux des champs est peu perceptible. La tendance est au folklore, à l’ethnographie. Les vêtements ou le costume paysan, ainsi que les mœurs et coutumes de ce dernier, semblent être le principal intérêt des artistes concernés, ceux-ci, s’attachant essentiellement au pittoresque dans leurs observations. Les
paysans
représentés sont
alors
d’avantage d’origine italienne que française. Dans une esthétique néoclassique ceux-ci sont souvent placés au sein de décors idylliques, à travers des poses évoquant l’Antiquité et la Renaissance italienne.
Cette représentation
classique, « fantasmée », du paysan italien en France, illustrée essentiellement par des artistes
Figure 18 : Jean-Victor Schnetz, Le vœu à la Madonne, huile sur toile, 1831, Musée du Louvre, Paris.
tel que Léopold Robert (1794 - 1835), Jean-
32
Victor Schnetz (1787 - 1870), (voir figure n° 20), Achille-Etna Michallon (1796 - 1822), Hortense Haudebourt-Lescot (1785 - 1845) ou Horace Vernet (1789 - 1863), au cours des années 1820 -1830, était alors très éloignée de la réalité48. Ce
type
d’iconographie
était
essentiellement destiné à être exposé au Salon de Paris, et celui de 1831 en montre certainement les plus importantes réalisations. L’arrivée des moissonneurs dans les marais Pontins, de Robert (voir Figure 19), se verra par exemple considéré par la critique comme un chef-d’œuvre indiscutable, une véritable « géorgique peinte ».49 Cette
représentation
classique
Figure 19 : Léopold Robert, L’arrivée des moissonneurs dans le marais Pontins, huile sur toile, 1830, Musée du Louvre, Paris.
de
paysans italiens continue tout au long du 19ème siècle et sera encore très présente au Salon. Parmi les suiveurs de cette tradition engagée par Robert ou Schnetz, Camille Corot (1796 1875) (voir Figure 20), William Bouguereau (1825 - 1905), (voir Figure 21) et Ernest Hébert (1817 - 1908) peuvent être cités. Bouguereau, apparaît comme l’héritier des images exposées au Salon des années
Figure 20 : Camille Corot, Pastorale-Souvenir d’Italie, huile sur toile, 1873, Kelvingrove Art Gallery and Museum, Glasgow.
1830. Même s’il semble être moins soucieux que ses ainés dans la
Figure 21 : William Bouguereau, La fileuse, huile sur toile, 1873, collection particulière.
reproduction fidèle des costumes et de la réalité de ses scènes (le plus souvent des allégories), de par le style et la manière de traiter le sujet, il reste dans la lignée de Robert, Schnetz et Haudebourt-Lescot50. Corot, quant à lui, reprend le sujet et la tendance à l’idéalisation à la manière de Robert, Michallon, ou Schnetz, mais cherche néanmoins à évoquer la vie paysanne en général plutôt qu’à rendre précisément les détails des costumes ou des décors. Ses dernières œuvres, 48
La population rurale d’Italie, surtout celle aux alentours de Rome était l’une des plus pauvres d’Europe et était en proie aux maladies à cette époque. BRETTELL, Richard et Caroline, Les peintres et les paysans au XIXème siècle, Genève : SKIRA, 1983, p. 18. 49 Idem, p. 16 50 Ibid., p. 23
33
paysages ou figures paraissent encore plus éloignés de la réalité que les réalisations de Robert. Ce sont des « rêves d’Italie »51, empreints de lyrisme, évoquant une idylle disparue, réalisés pour un pays qui souffrait du « mal du siècle » et du modernisme. Ernest Hébert, donne également une nouvelle vision du paysan italien. Même si ce dernier est idéalisé dans la forme et placé au sein d’une composition classique, il se détache de l’image donnée par ses prédécesseurs. Avec, La Malaria, œuvre exposée au Salon de 1851 (voir Figure 22), Hébert choisit de représenter avec sincérité cette maladie frappant la paysannerie romaine. Malgré les références antiques que l’on retrouve à travers ces paysans, ce ne sont plus les personnages dévots et joyeux de 1820 et 1830. Ils sont accablés de fatigue, naviguant dans un paysage où semble régner la mort. Cette œuvre présente donc deux aspects. L’un préfigurant le courant réaliste par une approche plus véridique du sujet et un
traitement
des
personnages
moins
idéalisé, le tout, restant néanmoins classique de par la composition et les attitudes des paysans52. Figure 22 : Ernest Hébert, La Malaria, huile sur toile, 1851, Musée d’Orsay, Paris.
II.2.1.1 L’émergence du courant réaliste et la nouvelle vision du paysan : Vers la fin des années 1840, l’iconographie du paysan et de l’homme au travail se verra exploitée et renouvelée par les peintres du mouvement pictural réaliste. En réaction contre le romantisme, art irraisonné, fondé sur la passion et exprimant les sentiments et l’intériorité de l’âme humaine, le réalisme puise ses sources dans la vie quotidienne de la société du 19ème siècle en pleine évolution, et veut retranscrire de manière exacte l’homme et sa condition sociale au sein de cette modernité nouvelle. Les artistes délaissent alors peu à peu les paysans italiens pour ceux de leurs campagnes. Sous la 2nde République (1848 - 1852), après la chute de la monarchie, se manifeste une certaine période de liberté, témoignant d’une volonté nouvelle de démocratisation l’art. 51 52
Ibid., p. 22. BRETTELL, Op. cit., p. 25.
34
Pour la première fois, des sujets ruraux réalisés par des artistes, tels que Gustave Courbet ou Jean-François Millet (1814 - 1875), qui connaissent ou qui sont issus de ce milieu paysan, se voient acceptés au Salon53. Si ces œuvres d’inspiration populaire sont réclamées par une certaine partie de la bourgeoisie, pour leurs styles et leurs sujets plus accessibles, elles présentent des « sujets vulgaires », allant à l’encontre des dogmes prônés par la peinture académique régnant au début du siècle. Ainsi, au Salon de 1850 - 1851, lorsque Courbet présente Un enterrement à Ornans créé vers 1849-1850, et Les paysans de Flagey revenant de la foire datant de 1850, œuvres qui par leurs monumentalités, dressent une scène de la vie quotidienne, banale, au rang d’une peinture d’histoire, il sera très mal accueilli par la critique, ses œuvres étant considérées comme grossières et triviales. De même, cette année-là, Le semeur de Millet suscitait ces paroles amères d’un journaliste : « Quant à Monsieur Millet, il applique le genre lâche, indécis, flou comme dit l’argot, à toutes sortes de crapules qu’il appelle paysan »54. Dans les Paysans de Flagey revenant de la foire, de 1850, (voir Figure 23), Courbet, comme Robert, s’attache à décrire les détails de chaque personnage, leurs costumes, mais ces deniers ne sont ni gracieux, ni joyeux. Ils sont lourdement peints, rigides et Courbet s’attache à distinguer les différents classes sociales, créant ainsi le scandale au Salon55 Figure 23 : Gustave Courbet, Paysans de Flagey revenant de la foire, huile sur toile, 1850, Musée d'Orsay, Paris.
II.2.2 L’efflorescence des sujets ruraux dans la seconde moitié du 19ème siècle II.2.2.1 Sous la 2nde République (1848-1852) et le Second Empire (1852-1870) A partir des années 1850, les paysans sont devenus avec le suffrage universel les nouveaux acteurs de la vie politique. Ces derniers sont alors sur le devant de la scène. 53
Le développement de l’esprit scientifique, des ouvrages ethnographiques à partir de 1840, montre également un intérêt grandissant pour la figure du paysan. 54 LE PELLEY-FONTENY, Monique. Léon Lhermitte et La paye des moissonneurs, Catalogue de la vente des dessins de Léon Lhermitte, Paris, 27 novembre 1991. 55 BRETTELL, Op. cit., p. 34-35.
35
Les scènes paysannes se popularisent de plus en plus dans les Salons et sont définies par un genre artistique propre : « les paysanneries » 56 situé entre le paysage et la scène de genre et constitué de trois éléments essentiels étant : le paysan, les animaux et le paysage. La multiplication des tableaux à sujet rustique au Salon des artistes français, répond aux besoins des peintres, de représenter le paysan contemporain dans un but ethnographique, et d’établir une imagerie à but documentaire, fournissant « une description des régions françaises et d’un peuple primitif au costume pittoresque et à la physionomie fière, enraciné dans d’anciennes mœurs et tradition »57. Cet engouement pour les folklores locaux prend sa source dès 1840. La majorité de ce type d’œuvres livrant une vision idéalisée de la vie rurale (labeurs bienheureux, moissons abondantes, sérénité, harmonie avec la nature non altérée par l’industrie, poésie), non représentative de la réalité de la situation paysanne de l’époque, alors complexe et difficile (misère, indigence), contrastent fortement avec les œuvres réalistes, qui offrent davantage de sincérité, et de vérité. Dans les années 1850, sous le Second Empire, les artistes cherchent alors un certain équilibre entre le folklore illustré au sein des ouvrages ethnographiques et le réalisme des peintures de Millet ou de Courbet, « en gardant la vérité y joindre une certaine élégance »58. La vie rurale est alors magnifiée, parfois de façon pittoresque mais avec un net souci de vérité.
Figure 24 : Constant Troyon (1810-1865), Le pâturage à la gardeuse d’oies, huile sur toile, 1854, H. 80 ; L. 117 cm, Musée d’Orsay, Paris.
Figure 25 : Jules Breton, A travers champs, huile sur toile, 1887, Brooklyn Museum of Art.
56
JUNEJA, Monica, Peindre le paysan, L’image rurale dans la peinture française de Millet à Van Gogh, Paris : Makar, 1998, p. 45. 57 JUNEJA, Op. cit., p. 46. 58 JUNEJA, M. Op. cit., p. 46.
36
Ainsi, le « Réalisme officiel »59, illustré par des peintres comme Jules Breton60 (18271906), ou Rosa Bonheur (1822-1899) par exemple, favorise l’élaboration de la figure du « bon paysan », porteur de valeurs morales, en dépeignant des sujets rustiques servant l’idéologie du pouvoir en place. Au travers de ceux-ci une vision agréable de la vie rurale est ainsi transmise, dans laquelle le travail de la terre et le « rôle paternaliste et bienveillant »61 de l’Etat envers la population des campagnes sont célébrés.
Figure 26 : Jules Breton, Le rappel des glaneuses, huile sur toile, 1859, Musée d’Orsay, Paris. La présence du garde-champêtre à la gauche du tableau, souligne par exemple la présence de l’Etat qui s’assure du maintien des biens privés et de l’harmonie rurale.
Les sujets paysans sont alors exécutés sur de grands formats (Le Labourage nivernais, peint en 1849, de Rosa Bonheur par exemple), jusqu’alors réservés à la peinture d’histoire et achetés par l’Etat62. Leur popularisation est favorisée grâce à une exposition au sein du Salon et de l’exposition Universelle de 185563. L’essor de ce genre pictural peut également être expliqué par son succès64 auprès d’une nouvelle clientèle, essentiellement bourgeoise, car la figure du paysan incarne un certain nombre de valeurs défendues par cette classe sociale : le travail (le dur labeur de chaque jour se trouve récompensé à sa juste mesure), l’exaltation de la famille, du patriotisme ou de la religion.
59
Ibid., p. 47. Quatre thèmes principaux se dégagent de la représentation rurale de Jules Breton: Le Travail, le Repos, les Fêtes champêtres et les Fêtes religieuses. La figure humaine, suivant son principe, doit rester prééminente, noble, et ne pas être introduite « purement et simplement comme un élément pittoresque, (…) un prétexte à effets de crépuscule ou de soleil ». VACHON, Marius. Jules Breton, Paris : A. Lahure, 1898, p. 76. 61 Ibid., p. 47. 62 Ces pratiques (élévation des scènes de la vie paysanne au rang de peinture d’histoire et achat de ce type d’œuvres par l’Etat) étaient déjà engagées sous la 2nde République. JUNEJA, Op. cit., p. 47. 63 Ibid., p. 47. 64 Le phénomène de régionalisme et le goût pour le folklore, qui émerge aux alentours de 1840, s’accentue par le soutient de la bourgeoisie. Ibid., p. 46. 60
37
Figure 27 : Rosa Bonheur, Labourage nivernais, dit aussi le sombrage, huile sur toile, 1849, H. 1,34 ; L. 2,6 m, Musée d’Orsay, Paris.
II.2.2.2 L’image du paysan sous la Troisième République : Après 1870, les tableaux paysans acquièrent leurs lettres de noblesse et sont plus largement diffusés. A l’instar du régime précédent, la Troisième République soutient également la production d’œuvres à sujets ruraux illustrant une tradition et un mode de vie empreints de simplicité, de rigueur et de dévouement, n’ayant pas été touchés par les bouleversements, liés à l’industrialisation et à la modernité. En effet, le gouvernement de la Troisième République veut donner l’image positive d’un peuple paysan, incarnant la « bonté, l’assiduité et la sobriété »65. Classe « laborieuse » 66
, et non plus, « dangereuse »67, la diffusion de cette image sert alors d’exemple à la classe
ouvrière des villes « avilie » par la société moderne. De même, des années 1871 à 1877, la classe paysanne devient un réel enjeu politique, son vote ayant permis le maintien d’une République naissante68. Il est donc crucial pour cette dernière de conserver l’appui de cette classe qui doit être mieux intégrée au sein de la société et de la culture de la ville. La propagation d’une image montrant des agriculteurs ou des éleveurs vigoureux et en pleine santé atteste également de la volonté de l’Etat à réformer les conditions de vie et d’hygiène des campagnes. Certaines œuvres réalistes se trouvent même revalorisées et finalement encensées par la critique alors qu’elles furent jugées dérangeantes, voir grossières dans le passé. Ainsi, les œuvres de Millet tel que L’angélus peinte vers 1857 – 1859 par exemple, deviennent 65
Ibid., p. 50. Ibid., p. 50. 67 Les paysans ne sont plus les révolutionnaires brulant les châteaux lors de la Grande Peur de l’été 1789. DOREL-FERRE, Gracia. Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne – Mémoires (Tome 43), Le peintre Léon Lhermitte, une gloire méconnue de l’Aisne (1844-1925), p. 155. 68 JUNEJA, Op. cit., p. 50. 66
38
particulièrement populaires après le décès de l’artiste, et influencent de nombreux peintres de la génération suivante. Cependant ces derniers « ne retiendront de son œuvre que des détails anecdotiques en manquant d’en saisir l’essence. »69 Différentes iconographies au sein des sujets ruraux de cette période peuvent être distinguées : -
L’image du « paysan nourricier », occupé aux travaux des champs (semailles, moissons…), l’effort et la solidarité face à la tâche à accomplir sont magnifiés.
-
Les scènes de repos après l’effort, exprimant ainsi l’aspect pénible et éreintant de ce dernier.
-
Les coutumes et le folklore (processions religieuses, fêtes paysannes), détaillant avec précision les costumes et les accessoires vestimentaires selon chaque région.
-
Les faits divers : scènes de catastrophes naturelles ou plus rarement de conflits (guerres), interrompant momentanément la tranquillité de la vie campagnarde et permettant de
Figure 28 : Jules Bastien-Lepage (1848-1884), La Faneuse au repos, huile sur toile, 1881, National Gallery, Oslo.
représenter une certaine « solidarité rurale » devant les épreuves. La figure du paysan se trouve ainsi héroïsée, et insérée au sein de compositions simples, remplies d’une multitude de « détails pittoresques et anecdotiques », l’ensemble étant représenté de manière classique et académique. Ici, dans La paye des moissonneurs, daté de 1882, Léon Lhermitte (1844 – 1925) ne cherche pas à blâmer une inégalité sociale ou le faible salaire versé aux moissonneurs, comme aurait pu le faire Courbet par exemple. A travers le sujet et une technique relevant du mouvement naturaliste, il cherche à représenter avec sincérité, la dignité du moissonneur épuisé (au premier plan), dont le dur labeur va être récompensé par le fermier à l’arrière-plan.
69
Figure 29 : Léon Lhermitte, La paye des moissonneurs, 1882, huile sur toile, h. 215 ; L. 272 cm, Musée D’Orsay, Paris.
Idem, p. 49-50.
39
Conclusion : Entre l’histoire du monde rural en France et la vision qu’en donnent les artistes, on constate alors que les images produites au 19ème siècle, et ce, essentiellement à partir de la seconde moitié de ce siècle, représentent généralement la vie traditionnelle de la campagne. Les bouleversements sociaux (comme l’exode rural par exemple), les conflits internes ou les progrès de la mécanisation qui se développent essentiellement à la fin du siècle, sont alors peu illustrés. Cette imagerie semble répondre non seulement aux valeurs recherchées par la bourgeoisie dominante et au besoin d’intégrer cette classe paysanne dans la société moderne, mais témoigne également du désir de conserver la vision d’un mode de vie rural qui se modernise et tend à disparaître. Ainsi, en choisissant de représenter une vieille femme au rouet en 1898, MarcelBeronneau semble répondre à l’attente de ses contemporains. Adoptant une esthétique réaliste et une composition classique comme nous le verrons dans le chapitre suivant, son œuvre semble s’inscrire dans cette représentation « nostalgique » du paysan d’autrefois et de la tranquillité de la vie rurale, comme le témoigne cette image : Il [le rouet] suggérait une succession d’idées sereines et reposantes ; elle évoquait toute une vie de solitude laborieuse, simple et patriarcale. On revoyait l’aïeule, vêtue à la mode du temps jadis, assise près de sa fenêtre, sa quenouille à la ceinture, agitant du pied la pédale du rouet et filant dans la chambre haute de quelque silencieux logis provincial.70 Cependant, contrairement aux nombreuses images paysannes idéalisées voire héroïsées, présentant de nombreux éléments folkloriques et anecdotiques propre à cette période, Marcel-Beronneau semble offrir une vision particulière de la fileuse par le biais d’une représentation simple, empreinte d’intériorité et d’austérité, paraissant se focaliser sur l’atmosphère de la scène et le sentiment qui s’en dégage.
70
THEURIET, A. La vie rustique, Compositions et dessins de Léon Lhermitte, Gravures sur bois de Clément Bellenger, Paris : Librairie Artistique, H. Launette, 1888, p. 182.
40
III. Analyse formelle de l’image III.1 Analyse iconographique III.1.1 Description générale : Au centre du tableau se trouve une vieille femme au teint blême face à son rouet. Habillée de vêtements sombres et modestes, elle porte vraisemblablement les habits traditionnels d’une paysanne française à la fin du 19ème siècle. Celle-ci est assise dans la pièce à vivre de sa chaumière, près du foyer de la cheminée, dont les braises, à première vue, sont éteintes. Elle file à l'aide de son rouet, ou, du moins, semble s’être arrêté l’espace d’un instant, laissant son outil de travail immobile. Son attitude figée, résulte cependant d’une certaine spontanéité, comme si elle venait de se détourner de son activité, « photographiée » par le peintre. Le visage face au spectateur, ses yeux sombres, grand ouverts, nous fixent,
Figure 30 : Pierre-Amédée MarcelBeronneau, Vieille femme au rouet, huile sur toile, 1898, FNAC, Paris.
mais la fileuse paraît toutefois perdue dans ses pensées. Elle tient sa quenouille sous son bras gauche et tient la fibre non travaillée de la main du même bras. Son autre main, est, quant à elle, posée sur sa cuisse droite. Les éléments du décor : L’intérieur dans lequel le modèle se trouve est très modeste, presque pauvre. Les quelques meubles en bois (une armoire et une chaise) sont très rustiques et les poutres du plafond sont apparentes. Le sol n'est néanmoins pas en terre battue mais est composé de ce qui semble être des dalles en pierre de couleur blanc sale. On distingue certains objets sur la cheminée, à savoir deux assiettes et probablement une petite statuette de la vierge Marie tenant l’enfant Jésus dans ses bras. Dans le fond de la pièce on aperçoit le manche d’un outil, suspendu au mur. Il pourrait s’agir d’une bassinoire. D’autres ustensiles dont un pot sont également visibles au pied de la cheminée, ainsi qu’une petite boite suspendue à un clou étant vraisemblablement une boîte à sel. Un chat se trouve au premier plan en bas à droite du tableau. Tapi dans un coin sombre de la pièce, ce dernier nous laisse deviner sa silhouette. 41
Tous ces éléments paraissent véhiculer une certaine vision de la paysannerie pouvant être rattachée à une notion de rigueur, de simplicité et de sobriété, détachées de la notion de confort, où le travail, la piété (statuette de la vierge Marie) prédominent. Comme nous le verrons lors de l’analyse plastique, un certain sentiment de sécurité, de sérénité, de refuge, d’univers clos et rassurant comme l’illustrent la présence du foyer ou du chat, semble également se dégager de cet intérieur domestique. III.1.2 Identification des instruments du filage : Le rouet étant l’élément principal de la composition (avec la fileuse) comme nous le verrons par la suite, il est donc intéressant d’étudier quels sont ses spécificités et comment il a été traduit par le peintre. D’après la définition de L’Encyclopédie des arts textiles, le filage est une « technique qui consiste à transformer des fibres textiles en fil, en leur faisant subir deux opérations : la torsion et l’étirage »71. Suivant ces principes de bases, le fuseau et le rouet apparaissent alors comme les deux instruments principaux permettant un filage à la main.
III.1.2.1 Le rouet Il existe deux grandes catégories de rouets : le rouet à grande roue (appelé aussi roue à filer) et le rouet à épinglier. Le premier, est le plus ancien. Son emploi est encore d’actualité en Asie et en Amérique du Sud, mais est plus rare en Europe. Le rouet à épinglier est une invention européenne. Issu de la roue à filer, sa forme est tout d’abord horizontale et actionné manuellement, puis verticale et actionné avec le pied. Certainement apparue en Inde ou en Chine entre 500 av. J.-C. et 750 ap. J.-C.72 la roue à filer serait arrivée en Europe sous sa forme indienne originale entre le 8ème et 9ème siècle après J.-C., et apportée en France au cours du 12ème siècle ap. J.-C73. Johannes Jurgen, un ébéniste allemand est souvent considéré comme le premier74 ayant incorporé le filage et le 71
COLLECTIF. Autour du fil– L’Encyclopédie des arts textiles, vol. 10, Paris : Fogtdal, 1990, p. 25. WALTER, Endrei. L’évolution des techniques du filage et du tissage du Moyen Age à la révolution industrielle, coll. Industrie et artisanat, Paris : Mouton & Co, 1968, p. 52. 73 Ibid., p. 52-53. 74 On ne sait pas avec certitude à quel période a été inventé le fuseau à ailettes. Si la première représentation d’un rouet à ailettes est allemande (dans le Hausbuch de Waldburg-Wolfegg de 1475), l’origine de cet appareil se situerait selon Walter Endreï en Italie au 14e siècle soit au début du 15e siècle au plus tard. WALTER, E., Op. cit., p.103. Dans le Codice Atlantico de Léonard de Vinci, nous pouvons également admirer une conception différente du rouet à ailettes (vers 1490). Comme nombreuses des inventions de Léonard de Vinci, celle-ci ne fut 72
42
bobinage en une seule opération. Effectivement, son fuseau à ailette inventé en 1530 permettait de tordre le fil et de l’enrouler directement sur une bobine tournant sur le fuseau.75 Au 18ème siècle, des documents montrent un modèle dont la roue est actionnée par un mécanisme à pédale76, mais on ne sait pas exactement quand ce dernier a été diffusé en Europe. Dans notre cas, la fileuse utilise un rouet à épinglier vertical, actionné par un mécanisme à pédale. Cet instrument permet non seulement de laisser les deux mains libres77 à son utilisateur, mais également d’embobiner le fil automatiquement. 1
1
2 3
2
4 4 3 5 Bielle
5
6
6 Figure 31 : Principaux composants du rouet à pédale. Dans notre cas la fileuse tient la quenouille sous son bras gauche.
On remarque que deux courroies relient la roue à l’épinglier et la bobine. Ces deux éléments sont ainsi entrainés en même temps, mais avec des poulies de diamètre différent. On parle ainsi d’un rouet à double entrainement78. Figure 32 : On peut observer les deux courroies qui vont de la roue aux poulies.
jamais appliquée, seule sa conception comptant à ses yeux. BILLAUX, Paul. Le lin au service des hommes, sa vie, ses techniques et son histoire, Paris : J.-B. Balliere & Fils, 1969, p. 114-115. 75 Idem, p. 114. 76 COLLECTIF. 1990, Op. cit., p. 30. 77 « Le filage se fait de la main gauche, tandis que la main droite se charge de doser régulièrement la matière floche à filer ». WALTER, Endrei. Op. cit., p. 103. 78 Idem, p.104.
43
Son mécanisme79 Lorsque la fileuse pédale, la roue est entrainée par la bielle. Celle-ci entraine à son tour, par l’intermédiaire d’une courroie pliée en huit, la poulie fixée à l’axe80 de l’épinglier ainsi que la poulie fixée à la bobine. Ces poulies ayant un diamètre différent, elles tournent alors à des vitesses distinctes81. Le fil qui est fixé à la 1 : Bobine 2 : Epinglier (ou ailette) avec une série de crochets 3 : Poulie fixée à la bobine 4 : Poulie fixée au fuseau 5 : Axe du fuseau 6 : Pipe 7 : Entrée des fibres S : Support
bobine passe par une série de crochets
disposés
sur
la
longueur de l’ailette, puis par la « pipe »82.
Les fibres
présentées à l’entrée de la pipe se trouvent alors tordus lors de la rotation du fuseau et de l’épinglier. Comme la
6 7
bobine tourne plus vite, le fil ainsi formé est entrainé et
Figure 33 : Principaux éléments permettant un filage et un embobinage simultanés.
embobiné uniformément par l’intermédiaire des crochets.83 Ce type de rouet permet ainsi de filer une grande quantité de fil régulier en peu de temps, et ce avec moins d’effort que sur un rouet à grande roue. III.1.2.2 La quenouille La quenouille est une tige en bois ou en osier plus ou moins long, sur lequel sont disposées les fibres à filer pour éviter que celles-ci ne s’emmêlent. Dans notre cas, la fileuse tient une quenouille assez longue, en forme de tige, simple et plutôt pointue en son extrémité qu’elle tient attachée à sa ceinture. Ce type de quenouille est habituellement utilisé pour le filage du lin ou du chanvre.
79
COLLECTIF. 1990, Op. cit., p. 33. Cette axe est à proprement parler le fuseau, auquel sont fixées les ailettes (ou épinglier). 81 Le diamètre de la poulie entrainant la bobine étant plus petit, cette dernière tourne plus vite que l’épinglier. 82 Orifice situé à la pointe creuse du fuseau. 83 Quand une section de la bobine est pleine, la fileuse passe au crochet suivant. 80
44
Dans de nombreux pays européens, mais essentiellement en France ou en GrandeBretagne, les fibres longues, comme celles issues du lin, du chanvre ou de certaines laines, sont préalablement préparées puis enroulées autour de la quenouille à l’aide d’un ruban 84, d’une chambrière de fileuse, pièce d’étoffe ou de papier souvent joliment décorée. Dans d’autres pays comme l’Allemagne, la Suisse où la Scandinavie, les fibres peuvent être maintenues sur la quenouille à l’aide d’une large bande de papier journal, de parchemin ou de lin85. III.1.2.3 Les fibres filées : Il est difficile de déterminer la nature de la fibre filée par notre personnage par la seule identification du rouet, car ce dernier permettait de filer des fibres de nature variée. Généralement, les fibres longues, issues du lin, du chanvre ou de certaines laines étaient filées au rouet, tandis que le coton ou la laine à courtes fibres étaient travaillés à l’aide de la roue à filer86. Dans notre œuvre, les fibres enroulées autour de la quenouille à l’aide d’un ruban, sont longues et de couleur dorée. Des fibres plus courtes, comme celles provenant de la laine ou du coton sont donc à exclure dans un premier temps87. Le filage du lin demandant une humidification des fibres au cours de l’opération, certains rouets étaient alors munis d’un petit bol d’eau dans lequel la fileuse pouvait y tremper ses doigts88. N’ayant pas retrouvé ce dernier dans notre tableau, il est concevable que les fibres représentées soient de chanvre ou de lin (dans l’hypothèse que le petit bol d’eau ne soit pas visible de notre point de vue). III.1.2.4 La fileuse : Aucunes informations concernant l’identité de notre personnage ne nous étant fournies, nous ne pouvons confirmer avec exactitude si celui-ci provient de l’imagination de
84
Traditionnellement, la couleur des rubans indiquent si la fileuse est mariée (vert ou bleu) ou non (rouge, rose ou blanc), BAINES, Patricia. Spinning wheels, Spinners and Spinning, Londres: Batsford Limited, 1977, p. 101. 85 Idem, p. 101-102 86 Le fil est d’avantage fatigué lorsqu’il est travaillé au rouet qu’à la roue à filer, et seuls des textiles à longues fibres peuvent le supporter. WALTER, E. Op. cit.., p. 104. 87 De plus, le filage du coton à la main au 19ème siècle est peu fréquent en Europe depuis l’introduction de la filature mécanique dans la 2ème moitié du 18ème siècle. De même, les quenouilles destinées au filage de ce type de fibres sont souvent pourvues d’une petite « corbeille » ou « couronne » à leur extrémité. COLLECTIF. (1990), Op. cit., p. 30-35. 88 Autrefois la fileuse pouvait également utiliser sa salive mais la production d’une grande quantité de fil (par rapport au fuseau) avec cette technique ne semble pas concevable. BAINES, Patricia. Op. cit., p. 103-104.
45
l’artiste, ou s’il a été réalisé d’après un modèle vivant. Cependant, le caractère réaliste de la scène, tant par la posture de la fileuse ou les détails donnés au rouet (qui nous ont permis de l’identifier), nous laisse à penser que la deuxième hypothèse est la plus vraisemblable. De plus dans l’angle inférieur senestre du tableau, l’inscription « Caudry »89, peut être lue. Celle-ci pourrait faire référence à une commune française, située au sud du département Nord (59), et être ainsi considérée comme le lieu d’où est issu le sujet de l’œuvre. Les vêtements : La fileuse semble habillée de manière traditionnelle tel que l’on s’habillait dans les campagnes françaises en cette fin du 19ème siècle. Le travail du filage se faisant essentiellement en hiver dans les campagnes90, cela concorderait avec les vêtements chauds que porte notre fileuse. Elle est vêtue d’un large tablier, protégeant sa jupe, car des poussières pouvaient tomber de la filasse. Le pied de sa quenouille est engagé dans sa ceinture91, sur son côté gauche. Comme la majorité des paysannes, celle-ci porte soit une chemise ou un corsage, un foulard, une coiffe ou un bonnet, et, aux pieds, 92
des sabots . Cette tenue est de couleur sombre, comme le voulait
Figure 34 : Photographie d'une fileuse de Saintonge, 1900
la mode de l’époque. Cependant la large capuche (qui camoufle la coiffe ou le bonnet) ne permet pas d’identifier un costume traditionnel de la région du Nord Pas-de-Calais. On retrouve une certaine similitude entre le personnage principal de notre tableau et la photographie d’une fileuse au rouet en Saintonge (Saujon 17600) (voir Figure 34), que ce soit par les habits ou le rouet utilisé. Cependant, la capuche et la quenouille sont absentes sur la photographie (datant de 1900).
89
Cela reste toutefois une supposition le « y » n’étant pas totalement visible. Voir planche des inscriptions en annexe p. 202. 90 THEURIET, A. Op. cit., p. 187. 91 Une ganse épinglée à la bavette ou au corsage. Idem, p. 183. 92 LECAT, J.M. Op. cit., p. 105-106.
46
III.2 Analyse plastique III.2.1 La composition - les lignes de force :
Une composition équilibrée et harmonieuse, plaçant la fileuse en tant que sujet principal du tableau. La vieille femme accompagnée de son rouet, prend une place relativement importante dans la composition de notre tableau (environ 1/3). L’environnement n’est là, que pour donner quelques informations complémentaires pour comprendre la scène. On peut alors considérer qu’il s’agisse d’un plan dit « moyen» ou « en pied ». Tous les éléments principaux se situant dans le cadre, on se retrouve face à une composition fermée. Aucune ouverture (une porte ou une fenêtre ouverte par exemple) n’étant présente, l’artiste isole son sujet, plaçant alors la fileuse comme centre d’intérêt du tableau. Nous
pouvons
voir
que
l’œuvre
est
essentiellement construite selon deux lignes de force verticales (en pointillés verts sur la Figure 35), l’une passant par le rouet et la seconde passant par la quenouille. Ces dernières divisent la composition en trois parties égales et distinctes. Nous pouvons également remarquer deux lignes de force horizontales majeures (en pointillés blancs), qui sectionnent, là encore, l’œuvre en trois sur sa verticalité. L’une passe par le dessus de l’armoire et de la cheminée, et la seconde par le dessous de l’armoire, la chaise, le rouet et le fond de la cheminée
Figure 35 : Principales lignes de forces.
Instinctivement ou volontairement, l’artiste semble ainsi avoir partagé les côtés de son œuvre par tiers plus ou moins égaux, permettant ainsi un agencement équilibré de l’ensemble. La figure de la fileuse se trouvant en grande partie dans le rectangle central formé par l’intersection de ces lignes de forces (verticales et horizontales), se trouve alors « cadrée » à une distance d’environ un tiers des bords du tableau. Elle en devient ainsi le sujet d’intérêt principal. 47
Les divers éléments composant l’image, nous offrent, par leur structure géométrique, à peu près autant de lignes horizontales que verticales93 (voir Figure 36). Les masses les plus importantes se trouvent alors réparties de manière équilibrée dans l’ensemble de la composition, donnant ainsi à la scène un sentiment d’harmonie et de calme. Ce sentiment se trouve également renforcé par la diagonale (en bleu) que forment le rouet, la fileuse et l’armoire. L’œil semble « glisser » sur cette pente douce, créant ainsi une certaine idée d’apaisement. Les lignes circulaires induisent également une certaine douceur dans la scène (voir Figure 35 et Figure 36). Les deux diagonales (en bleu) qui traversent le tableau, ainsi que les droites coupant la hauteur et la largeur du tableau en leur milieu (en rouge), s’entrecroisent en un point situé au centre du tableau. On retrouve à cet emplacement un élément du rouet, éclairé par la lumière. Celui-ci attire l’œil, qui se focalise alors sur ce qui se passe au centre de la composition (voir Figure 37).
Figure 36 : Lignes secondaires de la composition.
Figure 37 : Diagonales et droites s’entrecroisant au niveau de la bobine.
93
Les lignes horizontales permettent non seulement d’élargir l’image, mais également d’évoquer le calme et de la profondeur. Les lignes verticales, vont, quant à elles, permettre d’allonger l’image et d’arrêter le regard.
48
III.2.2 Le traitement de l’espace, les codes de représentation : L’illusion de profondeur : On peut distinguer environ quatre groupements principaux qui permettent un étagement de plans et une illusion de profondeur, (voir Figure 38). On retrouve ainsi le chat au premier plan (zone rouge sombre), au second la vieille femme et son rouet (zone rouge et rose), au troisième la cheminée et l’armoire (zone orange), et à l’arrière-plan se trouve l’angle formé par les deux murs qui se rejoignent (zones brunes et grises).
Figure 38 : Illusion de profondeur donnée par quatre plans principaux.
Figure 39 : Profondeur de la pièce donnée par les lignes de fuite des poutres et du sol.
De même, les lignes formées par les poutres et le dallage, convergent vers leurs points de fuite respectifs, créant ainsi une impression de profondeur (voir Figure 39). Les yeux du spectateur sont ainsi amenés à parcourir le sol et le plafond, et, à s’arrêter sur l’espace déterminé par la fileuse. Le spectateur semble ainsi placé au même niveau que le personnage principal (celui-ci paraît être assis en face de ce dernier), et se trouve intégré à la scène. L’impression de profondeur est également donnée par la lumière qui s’estompe progressivement en arrivant au fond de la pièce.
49
III.2.3 La lumière : Située hors cadre, cette lumière provient sûrement d’une fenêtre proche du personnage principal. D’après les modelés et les ombres portées des éléments de la pièce, cette fenêtre semble placée légèrement à droite du spectateur, soit à la gauche du personnage principal. La source de lumière diffusée par cette fenêtre doit être assez proche du sol étant donné l’ombre portée de l’armoire. On pourrait ainsi supposer que l’on se situe en fin de journée94. Donnant dans des tonalités plutôt chaudes, cet éclairage présumé naturel, est doux, offrant ainsi un clair-obscur aux contrastes délicats. Ce dernier structure l’espace et confère à la scène une atmosphère intimiste. Cette lumière rajoute également au réalisme de la scène en modelant les éléments du tableau, en faisant ressortir leur texture, leur matérialité. Les reflets sur le rouet donnent ainsi au bois un aspect lisse et brillant par exemple. Celle-ci permet en outre de mettre certains éléments en valeur. Dans notre cas les zones les plus lumineuses sont le visage de la vieille femme et les fibres enroulées autour de la quenouille, les
Figure 40 : Direction de la source lumineuse.
désignant ainsi, là encore, en tant que sujet principal du tableau. Les masses claires et sombres semblent reparties de manière égale, afin de créer, là encore une certaine harmonie au sein de la composition. III.2.4 Matière, traitement de la surface : Huile sur toile, comme précisé plus haut, la matière picturale est d’épaisseur moyenne dans l’ensemble. On retrouve des zones plus fines (au niveau du sol essentiellement, voir Figure 41) où nous pouvons apprécier l’impression de la toile, et des zones plus épaisses avec de nombreux empâtements, comme au niveau du rouet, de la quenouille ou sur le dessus de la
94
Eugen Weber, souligne que le filage s’effectue généralement pendant les longues soirées d’hiver. WEBER, Eugen. Op. cit., chapitre 24. p. 591.
50
cheminée par exemple. La facture est homogène dans l’ensemble de la composition avec une forte sensation de texture et de relief. La touche de l’artiste est très présente, l’empreinte laissée par son pinceau étant aisément visible en de nombreux points (voir Figure 42).
Figure 41 : Grain de la toile visible à proximité de la signature de l’artiste.
Figure 42 : Traces du pinceau visibles au-dessus de la cheminée.
III.2.5 La couleur : A dominante chaude, la palette de l’artiste est monochromatique, avec une majorité d’ocres, de terres et de blanc, donnant dans des tonalités brunes et verdâtres. On retrouve cependant des touches de bleu et de rouge (pointe fuseau, motif floral d’une des assiettes, voir Figure 43 et Figure 44). Celles-ci
Figure 43 : Motif floral de l’assiette posée sur la cheminée.
viennent non seulement harmoniser l’ensemble de la composition en lui apportant des valeurs complémentaires, mais elles permettent aussi à l’artiste de mettre le fuseau en relief par rapport aux éléments du décor. Le spectateur se focalise ainsi sur l’ensemble
Figure 44 : Ruban bleu enroulé autour de la quenouille.
« fileuse et rouet ». Conclusion : Peut-être croquée « in-situ », cette œuvre montre clairement une composition réfléchie, classique, travaillée en atelier. Le cadrage est serré et ne montre aucune ouverture. L’agencement des divers éléments est simple et harmonieux. A une matière picturale riche, sont associées des couleurs réalistes et restreintes. Par un travail important du clair-obscur, l’artiste semble alors davantage s’attacher à peindre la lumière que la couleur.
51
Ainsi, l’ensemble de ces moyens plastiques mis en œuvre par l’artiste fait de la fileuse accompagnée de son rouet, l’élément central de la représentation. Baignant dans une atmosphère silencieuse et confinée, cette dernière semble inviter le spectateur à pénétrer au cœur de la scène.
III.2.6 Influences L’iconographie ainsi que la technique picturale employée par Marcel-Beronneau dans la Vieille femme au rouet semble être issue d’une certaine tradition prenant sa source dans les représentations paysannes et les scènes de genre flamandes et hollandaises du 17ème siècle, comme il a été étudié précédemment95. Cela est notamment visible dans les œuvres de Nicolas Maes (1634 – 1693), La femme au rouet, de 1655, (voir Figure 45) ou de Quiringh Gerritsz van Brekelenkam (ap. 1622 – ap. 1669), avec sa Femme au rouet lisant de 1659, (voir Figure 46) par exemple.
Figure 45 : Nicolas Maes, La femme Figure 46 : Quiringh Gerritsz van Brekelenkam, Femme au rouet lisant, au rouet, huile sur toile, 1655, huile sur toile, 1659, Rijksmuseum Rijksmuseum Amsterdam. Amsterdam.
Figure 47 : Entourage de Franz Hals, Malle Babbe, huile sur toile, 16291630, Metropolitan Museum of Art, New-York.
Des artistes tels que Franz Hals (entre 1580 et 1583 – 1666) pour son utilisation de tons terres et gris, sa virtuosité de la touche, ou Rembrandt pour son emploi du clair-obscur et ses jeux d’atmosphère, peuvent également être cités ayant fortement marqué les peintres des mouvements réalistes et naturalistes du 19ème siècle.
95
Cf. Production artistique, une peinture réaliste, p. 20
52
Figure 48 : Rembrandt, Philosophe méditant, huile sur toile, 1632, Musée du Louvre, Paris
Figure 49 : Louis Le Nain (1593-1648), Famille de paysans dans un intérieur, huile sur toile, vers 1642, Musée du Louvre, Paris.
Les œuvres de Georges de la Tour (1593 - 1652) ou des frères Le Nain, illustrant la figure du paysan peuvent également être mentionnées. De même, le « ténébrisme » espagnol illustré par José de Ribera (1591 -1652), Diego Velasquez (1599 - 1660) ou Francisco de Zurbarán (1598 - 1664), de par son naturalisme et sa profondeur psychologique a fortement inspiré les peintres romantiques et réalistes du 19ème siècle. Correspondances contemporaines : Les sujets ruraux étant très en vogue, surtout à partir de la seconde moitié du 19ème siècle, comme nous l’avons vu précédemment, le thème de la fileuse solitaire (âgée ou non), peut être retrouvé au sein de nombreuses œuvres contemporaines.
Figure 50 : Adèle Gonyn de Lurieux (1864-1944), Les derniers jours, huile sur toile, exposée au Salon de 1900
Figure 51 : Léon Lhermitte, La roue à filer, huile sur toile, 1885, collection particulière.
53
Figure 52 : R. Thiry, Vieille fileuse, huile sur toile, exposée au Salon de la société nationale des Beaux-Arts en 1899. Gravure extraite du catalogue illustré du Salon de la SNBA de 1899.
Figure 53 : Jean-François Millet, Fileuse assise, huile sur panneau de bois, 1854, 35,2 x 26,7 cm, Museum of Fine Arts, Boston.
Des artistes comme, Charles Cottet (1865 - 1925), Jean Delville (1867 - 1953), (voir Figure 55) ou Xavier Mellery (1845 - 1925), (voir Figure 54) qui ont, à l’instar de MarcelBeronneau, une préférence pour « les scènes d’obscurité »96, l’emploi du clair-obscur, les thèmes de la mort, du deuil et du recueillement, peuvent également être mentionnés..
Figure 55 : Jean Delville, Le dernier Sommeil, 1888, Fusain sur papier, 44 x 57 cm, Collection particulière. Figure 54 : Xavier Mellery, Effet de lumière, Craie noire, encre de Chine, pinceau et lavis sur papier, Musée s Royaux des Beaux-Arts, Bruxelles.
96
NEAU, G. Op. cit., p. 36-38.
54
III.3 La place de la Vieille femme au rouet dans l’œuvre de l’artiste Exécutée en 1898 et exposée au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts en 1901 sous le n°616, cette œuvre de jeunesse, peut être classée dans le volet de sa production réaliste plus « classique », qui a valu à l’artiste ses premières commandes de la part de l’Etat, et ainsi une notoriété croissante. Effectivement, le thème représenté (une scène de la vie quotidienne dans un intérieur) et la facture traditionnelle et réaliste de cette œuvre est à rapprocher de ses autres travaux, diverses scènes d’intérieur (intérieurs d’atelier, scènes intimistes), portraits féminins, paysages ou natures mortes, qui contrastent fortement avec ses créations symbolistes, comme nous l’avons abordé dans la première partie. Dans l’attente, tableau, qu’il expose au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts en 1903 (voir figure n° 58), se rapproche de la Vieille femme au rouet de par l’iconographie et le traitement pictural. Celui-ci dépeint de la même manière une vieille femme dans son intérieur domestique, assise sur une chaise près d’une cheminée. En dépit de la qualité médiocre de la reproduction photographique qui ne permet pas une analyse précise du tableau, les modèles semblent similaires : il s’agit de femmes âgées, vêtues d’habits simples (jupe longue, et châle) de couleurs sombres. Nous retrouvons également les mêmes éléments du décor : la cheminée, la chaise, les meubles en
Figure 56 : Pierre-Amédée MarcelBeronneau, Dans l’attente, huile sur toile, exposée au Salon de 1903, Musée de Bagnères-de-Bigorre
bois, et les poutres apparentes, même si ceux-ci ne sont pas agencés de la même manière dans les deux œuvres (la cheminée se situe à la gauche du modèle dans Dans l’attente et à droite du modèle dans l’œuvre de mémoire). De même, la technique picturale employée dans ces deux tableaux semble proche. On remarque en effet une facture libre, une palette à dominante terreuse et chaude, une lumière douce et dorée, et des jeux d’ombre et de lumière, qui confèrent aux œuvres une atmosphère calme, silencieuse, et intime. La principale différence réside dans l’absence du rouet et l’inactivité du personnage, recueilli devant la cheminée, accentuant ainsi, le sentiment d’attente, évoqué dans le titre de l’œuvre (Dans l’attente). L’impression d’isolement du modèle semble, néanmoins plus fort dans ce tableau, que dans l’œuvre de mémoire, la vieille femme étant recluse dans sa 55
chaumière, le regard vraisemblablement dirigé vers le sol, n’établissant aucune interaction avec le spectateur. Même si l’attitude du modèle de la Vieille femme au rouet semble figée, comme instantanée97, un sentiment d’intemporalité est perceptible, au sein de chacune des deux œuvres. Outre le caractère réaliste de ces tableaux, Marcel-Beronneau ne semble pas s’attacher à représenter le côté pittoresque et anecdotique d’une scène de la vie paysanne, comme nous avons pu l’évoquer précédemment, un certain symbolisme ressortant davantage de la représentation. La mort, le temps, la solitude, et la vieillesse, paraissent être les thèmes sousjacents évoqués. D’autre part, la fileuse dans la Vieille femme au rouet, reste un personnage empreint d’une certaine signification symbolique et ambiguë98. Elle n’est pas sans nous rappeler les Moires (ou Parques) : Atropos, Chloto et Lachésis, ces divinités grecques qui veillent ainsi sur le sort des mortels avant d’y mettre un terme, la première filant, la seconde dévidant et la dernière coupant le fil de la vie99. Si, on associe essentiellement au fil et à sa conception, une notion de vie, de mort, de passé ou d’avenir, le rouet quant à lui semble symboliser par son aspect sphérique et son mouvement rotatif continu, le temps qui passe et qui se répète de manière cyclique et ininterrompu.100 L’ensemble des éléments iconographiques associés à leur symbolique particulière, ajoute à l’atmosphère calme et confinée de la représentation, un caractère énigmatique et mystérieux.
97
Cf. Description générale de l’œuvre p. 41 Fernand CAMBON offre à ce sujet une analyse intéressante des diverses significations qui lui sont attribuées. CAMBON, Fernand. « Remarques psychanalytiques sur le motif de la « fileuse » et du « filage » dans quelques poèmes et contes allemands », Littérature, Paroles du désir, 1976, n°23, p. 56-74. 99 BRIL, Jacques. Origines et symbolisme des productions textiles, de la toile et du fil, col. Bibliothèque des signes, Paris : Clancier-Guénaud, 1988, p. 41. 100 Fernand Cambon décrit ce mouvement comme un « éternel retour du même, perfection dans la répétition de l’identique ». CAMBON, F. Op. cit., p. 61. 98
56
Conclusion : En définitive, l’œuvre de mémoire semble pleinement s’inscrire dans la production picturale de cette fin du 19ème siècle qui témoigne d’un foisonnement de scènes de genre à sujet rustique. En choisissant de représenter une scène de la vie quotidienne et intime de la vie rurale, Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, répond ainsi au goût et à la demande de son époque désirant gagner la reconnaissance de ses contemporains. Si la Vieille femme au rouet, de par son sujet et sa technique picturale s’inspire des scènes de genre réalisées par les maîtres hollandais et flamands du 17ème siècle, elle s’inscrit plus particulièrement dans la veine réaliste engagée par des peintres comme Courbet ou Corot par exemple, dans la seconde moitié du 19ème siècle. Elle semble cependant s’éloigner des nombreuses œuvres produites à partir cette période, qui donnent à voir un monde paysan, idéalisé, pittoresque, folklorique et empreint d’une certaine poésie. Ce type de production que l’on retrouve notamment chez des artistes comme, Jules Breton, Jules Bastien Lepage, Rosa Bonheur ou encore Léon Lhermitte, était également porteuse de valeurs morales desservant un certain message politique ou social. Au contraire, dans la Vieille femme au rouet, l’artiste ne semble pas faire part d’un « discours » politique ou social clair lié au monde paysan, même si l’on peut envisager que l’œuvre veuille révéler les préoccupations et les inquiétudes d’une époque en pleine révolution industrielle, quant au devenir d’un monde paysan qui tend à disparaitre. Cependant, dans sa représentation, l’artiste ne s’attache pas à représenter une quantité de détails anecdotiques et pittoresques, mais met principalement l’accent sur l’impression d’intimité, d’intériorité, de simplicité qui se dégage de l’œuvre au travers d’une iconographie et d’une atmosphère particulière. Témoignant du versant symboliste de l’artiste, cette œuvre parait exprimer des questions fondamentales autour de la vie, de la mort, ou de la solitude propre à chaque individu.
57
58
PARTIE 2
CONSERVATION - RESTAURATION Constat d’état / Diagnostic des altérations / Rapport de restauration
59
I. Nature des matériaux constitutifs et technique de mise en œuvre I.1
Généralités
Conditions de l’observation Afin d’acquérir une bonne compréhension de l’œuvre, qu’il s’agisse de la nature de ses matériaux constitutifs, de la technique employée par l’artiste, ou même de son histoire, une observation visuelle minutieuse s’avère primordiale. Des tests et analyses scientifiques, peuvent également être entrepris. La Vieille femme au rouet de Marcel-Beronneau a donc été observée à l’œil nu, sous loupe binoculaire (grossissement x6) et bien souvent à l’aide d’un compte-fils (grossissement x8). La lumière utilisée a été essentiellement celle du jour, que ce soit en lumière directe, rasante ou transmise. Des examens sous lumière ultraviolette ont également été réalisés. De nombreuses photographies de l’œuvre, dans son ensemble101 ou en détail, ont été prises tout au long de cette étape. Ces dernières attestent non seulement de l’état de conservation de l’œuvre à son arrivée, mais permettent également d’avoir une meilleure vision de certaines dégradations.
Dénuée de son châssis lors de son arrivée, l’entière étude de l’œuvre a dû être réalisée à plat. Certaines zones de la couche
picturale
apparaissant
trop
fragiles pour pouvoir la retourner et observer
le
revers,
il
nécessaire de les consolider
s’est 102
avéré
localement
dans un premier temps. Figure 57 : Aspect de l’œuvre avant son arrivée dans les locaux de l’école.
101
L’œuvre devant rester à plat, il fut souvent difficile de réaliser des photographies de l’ensemble, ne disposant pas de la distance nécessaire pour un bon cadrage de celles-ci. 102 Cette consolidation a été réalisée à l’aide de papier Japon® et de méthylcellulose, voir p.97 pour plus de précision.
60
I.1.1
Mesures de l’œuvre. Les bords de rabat étant fortement altérés, les mesures réalisées ont été reportées sur le
schéma ci-contre pour que celles-ci soient plus compréhensibles. On remarque alors une certaine correspondance de ces dernières avec le format 30P qui mesure 92 x 73 cm103.
≈ 27 cm
64.5 cm
26 cm
92 cm
≈ 30 cm
91 cm
72.5 cm Figure 58 : Schéma des dimensions de la toile. Les pointillés verts représentent les bords de rabats supérieur et inférieur pliés sur l’envers.
I.1.2
Figure 59 : Dos du tableau où l'on peut observer les marques d'un ancien châssis (l'image a été modifiée pour observer au mieux les bandes plus claires correspondants aux montants et à l'hypothétique traverse).
Hypothèses concernant l’ancien châssis aujourd’hui disparu. La surface du dos du tableau, encrassée, laisse deviner les marques d'un ancien
châssis. Celles-ci, prenant la forme de bandes plus claires, sont situées au niveau des quatre bords du tableau (voir Figure 59 ). D'une largeur d'environ 4 cm pour chacune, elles permettent de supposer que le châssis disparu avait des montants d'une largeur semblable. De plus, on observe une bande légèrement plus claire qui traverse horizontalement la toile. D'environ trois centimètres d'épaisseur, elle laisse supposer également l'existence d'une traverse centrale en ce qui concernait ce châssis. Mais l'encrassement n'étant pas parfaitement réparti, d'autres zones légèrement plus claires coupent également la toile horizontalement.
103
LABREUCHE, Pascal. Paris, capitale de la toile à peindre 18 CTHS-INHA, 2011, p. 302.
ème
ème
– 19
siècle, coll. Art & l’essai, n° 9, Paris :
61
Seule sa disposition à 44,5 cm du bord supérieur et inférieur, ainsi que le format de la toile, laisse supposer une telle hypothèse. Les fils de chaîne et de trame étant parallèles à leurs bords respectifs, on peut en déduire que la toile a été tendue sur ce châssis de manière régulière, en droit-fil. De plus, l’existence de bords de rabats où l’on retrouve les lacunes laissées par les anciennes semences, et la présence de guirlandes de tension sur les côtés de la toile, confirme bien que celle-ci n’a pas toujours été libre.
I.2 I.2.1
Le support : La toile : Il s’agit de la toile originale, ne présentant ni coutures ni lisières. Elle est surement
d'origine industrielle, l'œuvre datant de la fin du 19ème siècle104. Au revers de la toile nous pouvons distinguer la signature ainsi que l’adresse de l’atelier de l’artiste105. I.2.2
Nature des fibres : D’après les tests effectués106 ces fibres de couleur brunes seraient en lin. Les fils ont
une épaisseur légèrement variable, mais on relève un diamètre de 0,3 mm107 en moyenne. La torsion des fils de chaîne et de trame est simple en Z108. I.2.3
Le tissage : Le tissage de la toile consiste en une armure toile109, le fil de trame passant
alternativement sur et sous les fils de chaîne. La toile est plutôt fine et le tissage est moyennement serré (interstices entres les fils) et régulier. D’après les observations réalisées sur certains fils prélevés sur des zones effilochées de la toile (bords essentiellement), les fils horizontaux apparaissent beaucoup plus ondulés que les verticaux. De plus le compte des fils verticaux se trouve plus élevé aux cm².
104
L’implantation du filage mécanique en France s’est faite en 1840. LABREUCHE, Pascal. Op. cit., p. 239. Voir planche des inscriptions en annexe p. 202 106 Voir tests d’identification des matériaux constitutifs en annexe p. 206 107 Les mesures ont étés réalisées sur plusieurs fils différents, fils de chaîne et de trame compris. 108 ROCHE, Alain. Comportement mécanique des peintures sur toile : dégradation et prévention, Paris : CNRS, Paris, 2003, p. 10. 109 BERGEON LANGLE, Ségolène, CURIE, Pierre. Peinture et dessin : vocabulaire typologique et technique, Paris : Editions du Patrimoine, Centre des monuments nationaux, 2009, vol. 1, p. 94. 105
62
Malgré une absence de lisière110, on peut alors déduire que le sens chaîne de la toile se situe verticalement. Il compte en moyenne 18 fils au cm²111. Le sens trame,
lui, se situe
horizontalement et compte en moyenne 13 fils par cm².
I.3 I.3.1
Le feuil : étude stratigraphique L'encollage :
5 mm Figure 60 : Fils de chaine et de trame avec une torsion simple en Z
L'encollage est clairement identifiable à la surface de l’œuvre après une observation de celle-ci à l’œil nu et à la loupe binoculaire. Couche d'accroche entre le support et la préparation, il est ici de nature protéinique selon les tests d'identification112. Surement à base de colle de peau, cette couche permet d’isoler la toile, et, ainsi, de diminuer la pénétration de l’huile des couches colorées dans les fibres113.
Figure 61 : Encollage visible sur le bord dextre du tableau
Figure 62 : Encollage visible au dos d’une écaille trouvée libre à la surface de l’œuvre. Les empreintes laissées par les fibres dans ce dernier sont clairement visibles.
D'épaisseur moyenne, translucide et de couleur beige, il est facilement observable au niveau de certaines lacunes. Sur le bord dextre du tableau, il est visible à travers les mailles du support par exemple (voir Figure 61). En observant au microscope une écaille trouvée libre à
110
La lisière est parallèle au sens chaîne du tissu. , ROCHE A., Op. cit...., p.11. « Le compte en chaîne est souvent plus élevé que le compte en trame. » BENLTOUFA SOFIEN, Technologie de tissage Génie textile : http://benltoufa.6te.net/contenu/l_analyse_de_tissu.html, site web consulté le 20/01/2014. 112 Voir tests d’identification des matériaux constitutifs en annexe p. 207 113 ROCHE, A. Op. cit., p. 59. 111
63
la surface de l’œuvre, on peut également remarquer les empreintes laissées par les fibres dans ce dernier (voir Figure 62). De plus, la préparation n’ayant pas traversée les interstices du tissage au dos du tableau, cela confirme sa présence sur l’entière surface de la toile. I.3.2
La préparation : Après un premier examen à l’œil nu et à la loupe binoculaire, une préparation blanche
et homogène semble couvrir l’entière surface de l’œuvre étant identifiable en de nombreuses zones. Cette couche intermédiaire entre l’encollage et la couche picturale, joue un rôle mécanique et esthétique au sein de la structure de l’œuvre. Elle permet non seulement un bon ancrage de la couche picturale, mais offre également une surface propre à respecter la couleur, la texture et le grain de la peinture apporté par l’artiste114. On la retrouve sur le bord inférieur du tableau, là où la couche picturale nous montre des lacunes parallèles, dites en « arêtes de poisson » (voir figure n° 65), mais également au niveau des déformations horizontales115 causées par le pliage antérieur de la toile, ainsi que sur les bords de rabat par exemple (voir figure n° 66). La présence de cette préparation sur les bords de rabat, induirait que celle-ci ait été appliquée avant la tension de la toile sur le châssis et qu’elle soit de nature industrielle116. D’épaisseur moyenne, cette préparation est de nature lipidique et en partie à base de carbonate de calcium117.
Préparation blanche
Figure 63 : Préparation visible sur le bord inférieur du tableau.
Figure 64 : Préparation visible sur le bord dextre.
Figure 63 Figure 64
114
GARCIA, Pierre. Le Métier du peintre, Paris : Dessain et Tolra, 1990, p. 165-166. Voir Etat de conservation de l’œuvre, les déformations du support, p. 77. 116 « Les établissements parisiens fournissant la toile préparée sont environ 55 en 1880 et au minimum 45 en 1890 ». LABREUCHE, P. Op. cit., p. 297-298. 117 Voir tests d’identification des matériaux constitutifs en annexe p. 207. 115
64
Observations sous compte-fils (x8) et microscope (≥ 400) : Après l’analyse stratigraphique de certaines écailles situées en divers points du tableau et d’autres trouvées libres à la surface (emplacement initial non localisé) au compte-fils, il s’est avéré que la préparation blanche semblait appliquée de manière plus ou moins épaisse selon les zones (voir Figure 65).
Figure 65 : Coupe stratigraphique d’une écaille trouvée libre à la surface du tableau (observation sous compte-fils).
Figure 66 : Ecaille en soulèvement près du bord senestre du tableau.
De même, cette dernière paraît pénétrer au sein des couches supérieures de la stratigraphie (voir Figure 66). A l’aide des photos prises à travers le compte-fils, on a pu distinguer (difficilement) deux couches d’un blanc légèrement différent, là où l’on pensait avoir une unique couche de préparation. Sous loupe binoculaire, des tests de dégagement au scalpel ont été réalisés au niveau de certaines lacunes de couche picturale laissant la préparation visible. Il s’est avéré que la première couche blanche visible semblait plus friable que celle située en dessous, cette dernière étant alors beaucoup plus lisse et rigide. Une observation sous microscope (grossissement
Figure 67 : Test de dégagement réalisé dans une lacune située à proximité du visage de la fileuse.
≥ 400) d’une écaille, a permis de confirmer l’existence de ces deux couches (voir Figure 68). On distingue parfaitement une première couche de préparation de couleur blanc-jaunâtre et une seconde couche d’un blanc plus pur.
65
Cette
seconde
couche
difficilement
discernable de la première, parait cependant en être
de
nature
d’identification.
proche
118
Ne
d’après
les
tests
semblant
pas
être
présente sur les bords de rabat, celle-ci a pu être appliquée par l’artiste119, après tension de la toile sur son châssis. L’artiste, certainement désireux d’un fond plus lumineux pour réaliser son travail de
Figure 68 : Stratigraphie d’une écaille vue sous microscope.
clair-obscur par la suite, on peut supposer que cette « seconde préparation » est constituée d’une charge et/ou de pigments blancs, tels que le blanc fixe (ou barytine), ou le lithopone par exemple. Essentiellement utilisé à partir de la deuxième moitié du 19ème siècle pour le blanc fixe, et dans le dernier quart du 19ème siècle pour le lithopone (époque de la réalisation de notre œuvre), ces deux pigments à base de sulfate de baryum (BaS04) offrent un blanc de qualité à un prix raisonnable. Peu couvrants par rapport à un blanc de plomb par exemple, ils sont cependant très appréciés en tant que charge dans des préparations grasses ou maigres 120. I.3.3
Ebauches colorées : A l’œil nu, on distingue plusieurs sous couches colorées sur la couche de préparation.
Celles-ci sont de couleur différente selon les zones du tableau. Au travers des nombreuses lacunes de la couche picturale, on distingue ainsi une sous couche grise près du visage du personnage (voir Figure 69), de même que sur le bord de rabat supérieur (voir Figure 70). Au niveau du sol et du bord dextre, on trouve au contraire une sous couche de couleur gris vert (voir Figure 71). Ces sous couches sont fines et présentent les marques du pinceau (vraisemblablement une brosse) utilisé par l’artiste. Non sensibles à l’eau d’après les tests réalisés, celles-ci sont surement de nature lipidique121. 118
Les tests d’identification restent très approximatifs, mais les deux couches de préparation ayant une bonne affinité entre elles (bonne adhérence entre les deux couches), il est fort probable que leurs natures soient proches (à savoir lipidiques et en partie constituées de carbonate de calcium). Voir tests d’identification des matériaux constitutifs en annexe p. 207. 119 Et non pas de manière industrielle comme on le laisse supposer pour la préparation sous-jacente. 120 PEREGO, François. Le dictionnaire des matériaux du peintre, Paris : Belin, 2005, p. 88 à 107. 121 Voir tests d’identification des matériaux constitutifs en annexe p. 207.
66
Ces sous couches correspondent surement à une ébauche colorée. En effet il est courant qu’un artiste pratique une ébauche afin de mettre progressivement son sujet en place. Cette ébauche semble assez élaborée car on observe clairement la mise en place des éléments du tableau au niveau des pieds du tabouret (voir Figure 72). Figure 70 Figure 69
1 cm
Figure 69 : Lacune picturale près du visage du personnage laissant apercevoir une sous couche grisâtre plus foncée (grossissement x8).
Figure 70 : Sous couche grise au niveau du bord supérieur.
Figure 71 : Sous couche gris-verte située dans le coin inférieur senestre.
Figure 72 : Une ébauche du tabouret est visible sur cette sous couche. Les lignes de construction et des tonalités différentes sont distinguables.
Figure 72
Figure 71
Il reste cependant difficile à déterminer si celle-ci se trouve au même niveau sur l'ensemble de la stratigraphie. En effet, les diverses observations réalisées à partir des écailles et des lacunes de la couche picturale, ont montré une stratigraphie complexe où la superposition de couches colorées peut se révéler importante (voir Figure 74). Cette ébauche reste difficilement discernable des couches d’aspect,122 et peut être alors confondue avec celles-ci
122
Terme utilisé par André Béguin pour nommer les couches colorées sus-jacentes à l’ébauche. BEGUIN, André. Mémento pratique de l’artiste-peintre, Paris : André Béguin, 1979, p. 106.
67
Figure 73 : La sous couche est ici très fine et de couleur vert foncé.
I.3.4
Figure 74 : Ecaille trouvée libre à la surface du tableau montrant une superposition complexe de couches colorées.
Les couches colorées:
I.3.4.1 Le liant Non sensible à l’eau d’après les tests réalisés, la couche picturale, d’épaisseur moyenne, est surement de nature huileuse123. La facture de l’artiste est très présente et homogène dans l'ensemble de la composition. De nombreux empâtements sont présents, au niveau du rouet et du fuseau par exemple (voir Figure 75), mais d'autres zones comme la partie inférieure senestre notamment, sont plus fines. La stratigraphie des écailles observées plus haut (voir Figure 73 et Figure 74) montre clairement une différence de l’épaisseur de la couche picturale selon les zones. L'artiste a dû utiliser un pinceau brosse d'environ 1cm de large pour réaliser la plupart de ses effets de matière car on en retrouve la trace en de nombreux endroits.
.
Figure 75 : Empâtements visibles au niveau de la quenouille.
123
Figure 76 : Trace du pinceau visible au pied de la chaise.
Figure 75
Figure 76
Voir tests d’identification des matériaux constitutifs en annexe p. 207.
68
I.3.4.2 Les Pigments : L’artiste a employé une palette plutôt sombre et restreinte dans l’ensemble de sa composition. Celle-ci est constituée essentiellement de terres, d’ocres, de blanc et de noir, mais également de bleu et de rouge de manière plus localisée. Malheureusement, la crasse ainsi que le vernis jaunis ne permet pas une bonne lisibilité de ces couleurs. Les nuances et les contrastes ont été atténués pour faire place à une palette qui parait « homogène » et terne. L’analyse des pigments n’ayant pas été réalisée, on ne peut déterminer précisément la nature de ces derniers. Des hypothèses les concernant peuvent cependant être émises en se basant sur les couleurs observées et l’époque de la création du tableau. Les terres : Les terres d’ombre naturelle et brulée ont bénéficié d’un certain intérêt au 19ème siècle124. De composition simple, ces terres sont bon marché et résistantes à la lumière.125 - La terre d’ombre naturelle : Composée à partir d’oxyde de fer naturel, il s’agit d’un brun verdâtre. - La terre d’ombre brulée : Il s’agit d’une terre d’ombre calcinée, possédant une couleur plus rougeâtre et transparente qu’une ombre naturelle126. - Le brun Van Dyck : Composé d’oxyde de manganèse, il s’agit d’un brun violacé. Particulièrement fragile aux rayonnements lumineux, il est employé essentiellement en glacis127. Les jaunes : - Les ocres jaunes : Composées d’hydroxydes ferriques (15 à 20 %) et d’argiles (% variable également), ces ocres ont un large choix de tonalités128. - La terre de Sienne : Il s’agit de la véritable ocre jaune de la région de Sienne : Elle est composée d’hydroxydes de fer (en majorité), d’argiles mais également des petites quantités de manganèse (0.8 à 1.5 %). Elle se distingue des ocres par une couleur jaune plus chaude129. Possédant une prise d’huile importante (35 à 45%), elle est assez stable à la lumière et
124
PETIT, Jean, ROIRE, Jacques, VALOT, Henri. Des liants et des couleurs : Pour servir aux artistes peintres et aux restaurateurs, Puteaux : EREC, 2006, p. 346. 125 GARCIA, Pierre. Op. cit., p. 327. 126 PETIT, Jean, ROIRE, Jacques, VALOT, Henri. Op. cit., p. 345-346. 127 DELCROIX, Gilbert, Havel, Marc. Phénomènes physiques et peinture artistique, Puteaux : EREC, 1988, p. 134. 128 PETIT, Jean, ROIRE, Jacques, VALOT, Henri. Op. cit., p. 232. 129 Idem, p. 235.
69
utilisable dans tous les liants130. Les rouges : - L’ocre rouge : Oxyde de fer avec de la silice sous forme d’argile et de quartz, c’est un pigment dont le coût est peu élevé. Stable dans tous les liants, il est très résistant à la lumière et compatible avec les autres pigments131. - La terre de Sienne Brulée : Issue de la calcination de la terre de Sienne, ce pigment offre un rouge brun doré ainsi qu’une bonne transparence132. Des ocres artificielles sont développées au 19ème et début 20ème. Si elles ont une bonne réputation à la fin du 19ème siècle, leur prix reste relativement élevé133. Les bleus : - Le bleu outremer : Complexe de sulfosilicate d’aluminium et de sodium. Synthétisé au 19ème siècle, il est incompatible avec les pigments contenant du plomb, mais très résistant à la lumière134. - Le bleu de cobalt (smalt) : Aluminate de cobalt, ce bleu possède une grande vivacité de ton, une très bonne résistance à la lumière et un bon comportement avec les autres liants et pigments135. Les verts : La terre verte : Mélanges de différents oxydes minéraux (Céladonite et Glauconie), c’est un pigment ancien à base de terre, peu onéreux, très stable à la lumière, d’un vert pauvre et sans éclat, mais d’une transparence idéale pour les glacis.136 Les blancs : Le blanc de zinc : Oxyde de zinc, d’usage courant dans la seconde moitié du 19ème siècle, est un pigment d’un beau blanc, assez résistant à la lumière. Employé tout d’abord en tant que substitut du blanc de plomb (pigment hautement toxique), malgré son pouvoir opacifiant moindre et son coût élevé137.
130
DELCROIX, Gilbert, Havel, Marc. Op. cit., p. 133. Idem, p. 135. 132 PETIT, Jean, ROIRE, Jacques, VALOT, Henri. Op. cit., p. 235. 133 Idem, p. 235-238. 134 DELCROIX, Gilbert, Havel, Marc. Op. cit., p. 129. 135 LANGLAIS, Xavier (de). La technique de la peinture à l’huile, Paris : Flammarion, 1955, p. 231-232. 136 GARCIA, Pierre. Op. cit., p. 322. 137 PETIT, Jean, ROIRE, Jacques, VALOT, Henri. Op. cit., p. 25-26. 131
70
Le blanc de plomb : Mélange de cérusite et d’hydrocérusite, il contient parfois du sulfate plomb. Très beau blanc, avec d’excellentes propriétés siccatives, il reste cependant doté d’une certaine toxicité138. Les noirs : Le noir d’ivoire : Calcination de déchets d’ivoire139. Le noir de carbone : Carbone pur avec parfois des résidus de soufre et d’hydrocarbures140.
I.3.5
Le vernis : Supposé d'origine, l'œuvre n'ayant
pas connu de restaurations antérieures, ce vernis, épais, est appliqué de manière assez homogène sur l'ensemble de la surface (absence de zones non vernies, de coulures…). Celui-ci est jauni et a un aspect assez mat à cause de la crasse qui s’y trouve. On observe cependant en lumière blanche certaines zones qui apparaissent plus mates que le reste de la surface. Sous rayonnements ultraviolets ces zones apparaissent plus sombres. Appliqué au pinceau (traces visibles sous loupe binoculaire), ce vernis n’a surement pas la même épaisseur ni le même aspect de surface en tout point du tableau. Cela expliquerait peut être une différence de
Figure 77 : Observation du vernis sous rayonnements ultraviolets. Les taches sombres correspondent aux diverses lacunes laissant apparaître les couches sous-jacentes du vernis, ainsi qu'aux zones de matité observées en lumière blanche.
réfraction de la lumière et la présence de ces zones de matité.
138
DELCROIX, Gilbert, Havel, Marc. Op. cit., p. 137. Idem, p. 139. 140 Ibid. p. 139. 139
71
Sous ultraviolets, ce vernis présente une fluorescence jaune-verte (couleur plutôt chaude). La Vieille femme au rouet étant datée de 1898, l’artiste a pu employer un vernis composé d’une résine d’origine naturelle telle que les résines Dammar, Mastic ou Copal, par exemple141.
I.3.6
Retouches, repeints : On ne retrouve ni repeints, ni retouches sur l'ensemble de la surface après examens
sous ultraviolets et loupe binoculaire (grossissement x6).
I.3.7
La technique de l‘artiste Il n'est pas évident de déterminer avec exactitude les différentes étapes suivies par
l'artiste pour clôturer la réalisation de son œuvre, mais on peut néanmoins donner une hypothèse d'après les diverses observations réalisées sur celle-ci : L'artiste aurait tout d'abord appliqué une couche d’impression blanche sur la totalité de la préparation. Comme observé précédemment celle–ci semble avoir été posée de manière non homogène, créant ainsi des zones plus ou moins épaisses, laissant à penser que l’artiste avait déjà placé certains éléments de sa composition à l’aide de cette couche. Puis, par des couches très fines dans des tonalités grises verdâtres, il a probablement réalisé une ébauche de l'œuvre, plaçant alors plus précisément les éléments principaux de la composition, les lumières, et les ombres. L'artiste a par la suite créé le modelé de chaque élément grâce à l’emploi d’une touche en demi-pâte, en une ou plusieurs couches successives, selon les zones. Les dernières couches de la stratigraphie semblent, elles, beaucoup plus fines (emploi de glacis), empruntant aux couches sous-jacentes leur effet de matière et leur luminosité (les ombres semblent posées pour la majorité sur des couches plus claires). Enfin des rehauts de lumière semblent appliqués en demi-pâte comme au niveau du liseré blanc au-dessus du visage de la fileuse, par exemple.
141
CARLYLE, Leslie. The Artist’s Assistant, Oil instruction manuals and handbooks in Britain, 1800-1900, With reference to selected eighteenth century sources, London: Archetype Publications Ltd, 2001, p. 73-86.
72
Lorsque l'on observe le dos du tableau en lumière transmise, on remarque que certaines zones paraissent plus lumineuses à travers le support. Après examen, il s'avère que ces zones correspondent à certaines parties de la couche picturale plus minces mais également à des zones travaillées en demi-pâte, plus épaisses (voir Figure 78). Mais ces dernières correspondent surtout aux zones de lumière (couleurs claires) dans la composition du tableau (voir Figure 79). Cela pourrait confirmer l’hypothèse que l’artiste a cherché à conserver le blanc de ses sous couches pour réaliser son clair-obscur.
Figure 78 : Couche fine et application en demi-pâte sur la partie inférieure du tableau. On peut observer les effets de transparence en lumière transmise sur la figure de droite correspondant à la zone en question (la symétrie horizontale de la figure de droite a été inversée pour une meilleure correspondance avec celle de gauche).
Figure 78
Figure 79 : On observe que les effets de transparence observés sous lumière transmise touchent essentiellement les parties claires du tableau (la symétrie de la figure de droite a également été inversée).
73
II. Etat de conservation :
L’état de conservation général de l’œuvre est mauvais. Elle n’est ni présentable, ni facilement transportable dans cet état. L’absence de châssis rend ses déplacements compliqués et dangereux.
II.1 Le support : Anciennement pliée, la toile est dans un mauvais état de conservation général. Oxydée, elle apparaît fragile et cassante. En soumettant un fil prélevé sur un bord de rabat à un test de traction, effectué manuellement celui-ci est passé assez rapidement au stade de la rupture malgré une faible142 valeur de cette force exercée.
II.1.1 Les déchirures et coupures : II.1.1.1 L’envers On distingue dans un premier temps deux types de déchirures par la face du tableau. Une déchirure simple, linéaire dans le coin supérieur senestre mesurant 5 cm (voir Figure 81), ainsi qu'une déchirure importante et complexe dans le coin supérieur dextre. Celle-ci, si l'on considère qu'elle débute au niveau de l'importante lacune de toile du coin supérieur dextre, mesure 18,5 cm, sur 12 cm, sur 22 cm environ, soit au total 52,5 cm de long (voir Figure 80). Les fils des lèvres de ces déchirures sont effilochés et usés pour la majorité. Ils s’accompagnent de lacunes de toile, celles-ci allant de quelques fils (cas de la déchirure simple) à des zones de quelques cm² (cas de la déchirure complexe). Les lèvres de la déchirure simple ne paraissent pas présenter de retrait, ni de déformations, contrairement à ceux de la grande déchirure complexe.
142
La valeur de la force de traction exercée sur le fil reste très approximative, le test ayant été réalisé à la main.
74
Figure 80 : Grande déchirure complexe.
Figure 81 : Petite déchirure simple.
II.1.1.2 Le revers En observant le dos du tableau, on remarque qu'au niveau des déformations provoquées par l’ancien pliage de la toile, le support se trouve fortement fragilisé. La toile montre des coupures le long des pliures, les fils de chaîne se trouvant sectionnés par endroit. Ces coupures allant de 5 mm à 4 cm de long, ne présentent pas de retrait de la toile, celle-ci restant dans le plan143.
143
Cette absence de retrait de la toile restée libre, nous amène à penser que celle-ci est peu réactive, dans l’ensemble.
75
19 19,5 20 22,5
21,5
Figure 83 : Coupure du
Figure 83 : Coupure du support situé au niveau d'un des quatre plis provoqués par le pliage antérieur de la toile. On peut observer le feuil qui passe à travers celle-ci (grossissement x6.)
Figure 82 : Dimensions et emplacements des zones fragilisées et sectionnées.
Plis Zones fragilisées (fils de chaîne au bord de la rupture) Coupures (fils de chaîne totalement sectionnés) NB : Les mesures sont en cm. Les emplacements sont approximatifs et non mis à l’échelle.
II.1.2 Les lacunes : Comme abordé plus haut, une importante lacune de toile est présente dans le coin supérieur dextre sur une zone d’environ 8,5 cm sur 9 cm. Celle-ci est accolée à la déchirure complexe qui apparaît comme une continuité de celle-ci. Des lacunes de toile accompagnent également les deux déchirures, complexe et simple (voir Figure 80 et Figure 81).
76
II.1.2.1 Les bords de rabat du tableau : Les bords de rabat présentent des états de conservation différents selon leur emplacement (voir Figure 82) : - Le bord senestre a totalement disparu. - Le bord supérieur est plié sur le revers ainsi que le bord inférieur. Ce dernier n'est pas lacunaire, tandis que le bord supérieur présente quelques lacunes dues à l'oxydation des anciennes semences. - Le bord dextre, outre une perte de matière liée à la lacune du coin supérieur dextre (d’environ 8 cm), est fortement altéré avec une lacune de 26 cm en son centre.
II.1.3 Les déformations : On se retrouve face à une perte de planéité de la toile. Celle-ci présente des déformations rectilignes dans son sens trame. On en note quatre pour les plus importantes, le tableau ayant été vraisemblablement plié en cinq parties à peu près égales, allant de 19 cm à 22,5 cm de large (voir Figure 82 et Figure 84).
D'autres déformations accompagnent
également la déchirure complexe. Ces dernières présentent des plis assez marqués (voir Figure 85).
Figure 84 : Déformations de la surface observées en lumière rasante.
Figure 85 : Déformations au niveau de la déchirure complexe, observées en lumière rasante.
77
Figure 86 : SchĂŠma des altĂŠrations du support.
78
II.1.4 Apport extérieur : Sur le coin supérieur dextre, au dos du tableau, on retrouve une pièce de toile mesurant approximativement 5 cm de large sur 7 cm de haut, fixée au support original par une épaisse couche de cire. Cette couche de cire est appliquée sur une zone d'environ 10 cm de large sur 22 cm de haut. L'ensemble "cire + pièce de toile" est recouvert par une couche de peinture à l'huile. Celle-ci, appliquée généreusement, semble avoir été mise en œuvre par de rapides passages au pinceau brosse d'une largeur d'un centimètre environ. La présence de cette pièce de toile fixée à la cire semble énigmatique dans un premier temps, n'observant aucune altération sur l’envers du tableau lui correspondant. De plus, l'épaisseur de cette couche de peinture à l’huile, sa couleur, ainsi que le matériel utilisé pour l'appliquer étant très semblables à ce que l'on peut retrouver sur la couche picturale, on peut supposer que cette pièce de toile a été appliquée par l'artiste lui-même.
Figure 87 : Dimensions de la pièce de toile fixée au coin supérieur dextre, au dos de la toile.
Figure 88 : Pièce de "renfort" fixée à la cire au dos de la toile.
79
Cette zone particulière (voir Figure 87 et Figure 88) a également perdu de la matière picturale lorsque la toile s'est retrouvée pliée et dépliée par la suite. La lettre "d" de l'inscription à la craie " toile provenant du musée de St-Omer en très mauvais état" étant également lacunaire (la barre du "d" n'apparaissant pas sur la pièce de toile), on peut supposer que cette inscription a été réalisée avant le pliage de cette toile. Le constat : "très mauvais état" établi par cette inscription, devait alors uniquement se rapporter à l'absence de châssis, aux déchirures, ainsi qu'aux importantes lacunes du support (bord supérieur dextre et bords de rabat), les déformations causées par le pliage n'étant pas encore réalisées. II.1.5 L’encrassement Le revers du tableau se trouve moyennement encrassé dans son ensemble, avec une plus forte concentration de poussière superficielle et de crasse situées au niveau du bord inférieur. Les marques laissées par les montants du châssis disparu sont alors visibles.
II.2 Le feuil144 : Contrairement à celui du support, l’état de conservation général du feuil est correct. Ses altérations sont essentiellement localisées auprès de celles de la toile (à savoir les déchirures, les lacunes et les déformations). II.2.1 Les lacunes de la couche picturale Diverses par leur ampleur et leurs gravités, ces lacunes picturales restent cependant peu étendues sur l’ensemble de la surface de l’œuvre. La très grande majorité de celles-ci ont été répertoriées sur le schéma ci-après (voir Figure 89) : On peut distinguer deux types de lacunes. Laissant les sous-couches apparentes, les premières sont superficielles. Les secondes, plus profondes, montrent une perte totale de matière. La toile nue ou la préparation blanche sont alors visibles.
144
On entend par « feuil », désigner toutes les strates constituant l’œuvre, hormis le support.
80
Figure 89 : SchĂŠma des lacunes de la couche picturale.
81
Ces lacunes picturales constituent, sans nul doute l’altération la plus importante de la couche picturale, celles-ci étant absolument irréversibles145. En analysant la toile sous lumière transmise, on discerne nettement une perte importante
du
feuil
au
niveau
des
déformations rectilignes qui la traversent horizontalement, notamment, au niveau des déchirures, et de ses bords de rabat (voir Figure 90). D'autres
lacunes
beaucoup
plus
petites sont disposées aléatoirement sur la surface de l’œuvre, (voir Figure 89 et Figure Figure 90 : Lacunes du feuil observées par le revers en lumière transmise (sur certaines lacunes, l'encollage est encore présent).
90)
Figure 91 : Rupture entre les souscouches et les couches sus-jacentes.
Figure 92 : Rupture entre la préparation et l’encollage.
Figure 93 : Perte d'encollage localisée sur les lèvres de la déchirure complexe.
Des lacunes, dites en « arêtes de poisson »146 sont présentes sur tout le long du bord inférieur (voir Figure 94).
145
BERGEAUD, C, HULOT, J.F., ROCHE A. La Dégradation des peintures sur toile : méthode d’examen des altérations, Paris : Ecole nationale du Patrimoine, 1997, p. 72. 146 BERGEAUD, C, HULOT, J.F., ROCHE, A. Op. cit., p. 73.
82
Figure 94 : Lacunes en « arêtes de poisson » sur le bord inférieur.
On observe également une légère trace d'usure tout le long des bords laissant en certains endroits la sous couche grise visible. Il pourrait s'agir de la marque d'un ancien cadre aujourd'hui disparu (voir Figure 95). Soulèvements La
couche
picturale
présente
une
bonne
Figure 95 : Coin inférieur dextre. Trace hypothétique d'un ancien cadre.
adhérence dans l’ensemble, mais sur les bords de certaines lacunes, on peut observer des écailles prêtes à se détacher, voire qui sont libres pour certaines. Ces soulèvements sont essentiellement localisés auprès des lacunes picturales profondes (perte totale de la couche colorée), présentées plus haut. Dans la majorité, ces soulèvements semblent issus d’une perte d’adhésion située entre l’interface support/ préparation et non pas à l’interface couche colorée/couche colorée, malgré les clivages présents à la surface de l’œuvre.
II.2.2 Les craquelures Craquelures prématurées : On retrouve un réseau de craquelures prématurées assez ouvertes, essentiellement localisé au niveau du rouet (voir Figure 96). Des réseaux de micro-craquelures prématurées sont également visibles dans le coin inférieur dextre sous la déformation rectiligne du support. Un autre réseau très fin lui aussi, est visible près du bord lacunaire dextre (voir zone verte foncée sur la Figure 97). On peut observer sous ces craquelures soit la
Figure 96 : Réseau de craquelures prématurées au niveau du rouet.
préparation blanche, soit la sous couche grisâtre.
83
Les craquelures d'âge : On retrouve des réseaux de craquelures d'âge à peu près sur l'ensemble de la surface, mais les plus importants, soit les plus visibles à l'œil nu et en lumière rasante (voir Figure 98, Figure 99 et Figure 100) peuvent être localisées sur trois grandes zones (voir zones 1, 2 et 3 en rouge sur la Figure 97). Ces réseaux présentent des mailles plus ou moins larges selon leur emplacement et l'ampleur des déformations du support auxquelles elles sont liées.
Figure 97 : Schéma des emplacements des principaux réseaux de craquelures.
84
Un
réseau
de
craquelures
orientés
horizontalement, est visible à peu près
sur
l'ensemble de la surface. Ces craquelures sont plus ou moins ouvertes (voir Figure 98) et s'atténuent jusqu'à
pratiquement
disparaître
lorsque
l'on
s'approche de la partie dextre du tableau. On retrouve également deux larges réseaux de craquelures d'âge dont les directions semblent plus s'orienter vers la verticale du tableau (voir Figure 99 et Figure 100). Ces craquelures, tout comme les précédentes, montrent des soulèvements plus ou moins accentués au niveau de la rupture de la matière picturale, formant alors des écailles en cuvette. La plupart de ces craquelures sont très peu ouvertes, voir fermées et sont rarement liées à une perte de matière.
Figure 98 : Réseau de craquelures horizontal de la zone 2.
Figure 99 : Craquelures d'âge de la zone 1 (les petits rectangles clairs sont ici des morceaux de papier Japon® disposés sur la surface picturale à l'aide de méthylcellulose diluée, de manière à protéger temporairement la perte d'écailles dans les zones les plus fragiles).
85
Figure 100 : Craquelures d'âge présentes dans la zone 3. Leur aspect est proche de celles de la zone 1.
Lorsque l’on observe le dos du tableau en lumière rasante, on peut voir que les écailles en cuvette ont laissé leur empreinte sur le support. Cela prouve ainsi une bonne adhésion de la couche picturale à ce dernier147 (voir Figure 101).
Figure 101 : Empreinte des écailles en cuvettes au revers de la toile.
II.2.3 Le vernis : Fortement oxydé, et jauni sur l'ensemble de la surface, le vernis ne permet plus une bonne appréciation de la touche et de la couleur originale du tableau. Au niveau de certaines lacunes picturales, surtout celles observées proche du rouet, le vernis est déplaqué en de très petites zones et part facilement lors d'une action mécanique (voir Figure 102). Ce vernis est également très finement craquelé sur la majorité de la surface, et paraît légèrement chancis sur de très petites zones, comme au niveau du chat situé sur le bord inférieur senestre, par exemple (voir Figure 103).
147
ROCHE, A. Op. cit., p. 145.
86
Figure 102 : Vernis se déplaquant au niveau d'une lacune située à la base du rouet. Une simple pression du doigt suffit à faire sauter le vernis jauni et cassant.
Figure 103 : Vernis ayant un aspect chancis sur le coin inférieur sénestre au niveau du chat.
Figure 102 Figure 103
II.2.4 L‘encrassement Enfin, la surface du tableau se trouve encrassée sur sa totalité par une poussière superficielle d'aspect blanchâtre. La partie supérieure montre une plus forte concentration de celle-ci, sur une bande délimitée par les plis horizontaux. Cette zone devait être la partie du pliage directement exposée à l’air et aux particules qu’il véhicule, lors du stockage antérieur de l’œuvre. On peut également supposer qu’un objet (peut être un autre tableau plié) se trouvait posé sur la surface de l’œuvre de mémoire, laissant alors son empreinte que l’on peut observer sur la figure ci-dessous. .Zone moins encrassée laissant supposer la présence antérieure d’un objet sur la surface du tableau.
Figure 104 : Partie supérieure du tableau fortement encrassée.
87
III. Diagnostic III.1 Détermination des causes des altérations : III.1.1 Les causes liées à la mise en œuvre III.1.1.1 Les craquelures prématurées et les rides Parmi les altérations liées directement à la mise en œuvre, on peut noter la présence des craquelures prématurées. Celles-ci sont le résultat d’une technique « défectueuse » mettant en jeu une superposition de matériaux incompatibles, ainsi que des problèmes de séchage, provoquant le retrait du film de peinture148. Ces craquelures sont uniquement localisées sur certaines zones et non pas sur l’ensemble de la surface. Ici les plus ouvertes, dévoilant ainsi les sous-couches ou la préparation blanche, sont présentes autour du rouet par exemple (voir Figure 105). Ce type de craquelures est irréversible car intimement lié à la mise en
Figure 105 : Détails des craquelures prématurées au niveau du rouet.
œuvre des matériaux149. De plus sur certaines zones du tableau (essentiellement sur le bord senestre), la présence de rides150, se traduisant par un aspect plissé de la matière picturale, semble confirmer l’utilisation d’un liant avec un excès de siccatif151 (voir Figure 106). Apparaissant lors du séchage de la peinture, ces rides sont également irréversibles mais ne mettent pas en danger la cohésion de la peinture. De plus, celles-ci n’évoluent pas vers d’autres types d’altérations.
Figure 106 : Détail des rides sur le bord senestre.
148
NICOLAUS, Knut. Manuel de Restauration des Tableaux, Cologne : Könemann-Ellipsis, 1998, p. 167. BERGEAUD, C, HULOT, J.F., ROCHE, A. Op. cit., p. 47-48. 150 Cependant il est difficile de déterminer avec exactitude si ces dernières ne sont pas, au contraire, des effets de matières (empâtements) recherchés par l’artiste. 151 Des couches colorées épaisses ayant pour liant de l’huile de lin ou de noix, avec une faible concentration pigmentaire, ont tendance à former des plis lors du séchage, et ce, sans additifs particulier. NICOLAUS, Knut. Op. cit., p. 158-164. 149
88
III.1.1.2 Les sous couches apparentes Les nombreux décollements de la couche picturale laissant les sous couche visibles à la surface de l’œuvre sont le résultat d’une rupture adhésive locale entre deux couches colorées152. Il est fort probable que l’artiste ait usé d’une technique particulière lors de la mise en œuvre de ses couches colorées. Les sous-couches devaient être certainement trop grasses par rapport aux couches supérieures153, accroissant ainsi les risques de clivage des couches de peinture154. Bien entendu ces derniers ne sont pas uniquement liés à la technique de l’artiste mais également à des forces externes (mauvaise manipulation du support) ou internes (liés aux variations hygroscopiques par exemple) auxquelles ont été
Figure 107 : Sous-couches apparentes au niveau du bord senestre.
soumis les matériaux constitutifs de l’œuvre.
Vernis -Couches colorées --
Perte de matière picturale
Sous couche -Couche d’impression -Préparation -Encollage -Toile --
Figure 108 : Schéma des clivages de la couche picturale. Ces derniers sont caractérisés par un problème d’adhésion à l’interface de 2 couches colorées.
152
BERGEAUD, C, HULOT, J.F., ROCHE, A. Op. cit., p. 67. La règle du « gras sur maigre » a pu ici, ne pas avoir été respectée. ROCHE, A. Op. cit., p. 149. 154 Le terme « clivage » utilisé par Knut NICOLAUS pour désigner la rupture adhésive produite entre deux couches colorées. NICOLAUS, Knut. Op. cit., p. 189-190. 153
89
III.1.2 Les causes naturelles / Vieillissement des matériaux III.1.2.1 L’oxydation de la toile (dégradation chimique) Matériau organique,155 la toile a subi un processus de vieillissement. Exposées à l’oxygène présent dans l’atmosphère, aux rayonnements visibles et invisibles (U.V.), ainsi qu’à une certaine humidité relative, ses fibres, sensibles aux réactions d’oxydation, d’hydrolyse et de photo-oxydation, ont bruni et sont devenus plus rigides et cassantes en perdant de leur souplesse d’origine. De plus les métaux en contact avec la toile augmentent le processus d'oxydation. Le sulfate de fer qui se décompose en acide sulfurique et en oxyde de fer, accentue l’hydrolyse et l’oxydation de la cellulose156. C'est pourquoi on observe un plus important état d'oxydation, avec une coloration plus brune, à l’emplacement des anciennes semences157. III.1.2.2 Le vieillissement de l’encollage (dégradation chimique) La colle utilisée pour l’encollage de la toile est ici une colle naturelle, d’origine animale, constituée principalement de collagène. Cette protéine est constituée de trois chaînes alpha polypeptidiques, reliées par des liaisons hydrogènes et covalentes. Ces trois chaines présentent une structure hélicoïdale lorsque la colle est en solution158. L’encollage se présente sous la forme d’un solide semi-cristallin, plus ou moins cassant, après séchage et réorganisation des chaines en fibrilles, puis en fibres. Ce dernier est peu sensible aux réactions d’oxydation159, mais en vieillissant, la colle peut subir des réactions d’hydrolyse160 avec les molécules d’eau présentes dans l’atmosphère. Les liaisons responsables de la cohésion de la colle peuvent être alors rompues, fragilisant ainsi les propriétés mécaniques du solide161. III.1.2.3 Le vieillissement des couches colorées Le liant des couches colorées, de nature huileuse, est devenu de plus en plus cassant et
155
La toile de lin est de manière générale constituée essentiellement de cellulose (80 % pour 2 à 3 % de cire, et 10 à 20 % de lignine). BERGEAUD, C, HULOT, J.F., ROCHE, A. Op. cit., p. 16. 156 NICOLAUS, Knut. Op. cit., p. 82. 157 Phénomène visible surtout sur le bord de rabat supérieur. 158 ROCHE, A. Op. cit., p. 60. 159 Les protéines présentes dans les colles utilisées pour l’encollage, ne contiennent qu’une très faible quantité d’acides aminés sensibles aux phénomènes de photo-oxydation. Idem, p. 129. 160 La réaction d’hydrolyse dépend en partie de la masse molaire du polymère ou de la température ambiante. Ibid. p. 68-70 et p. 124-126 161 BERGEAUD, C, HULOT, J.F., ROCHE, A. Op. cit., p. 29-30.
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a perdu de son élasticité avec l'âge. Effectivement au cours de son vieillissement, les réactions d’oxydation et de polymérisation qui ont formé le film de l’huile siccative, se poursuivent162. La couche colorée devient alors de plus en plus dure, suite à un phénomène de réticulation au cours duquel les longues chaînes de polymères se lient entre elles pour former un réseau tridimensionnel163. Des réactions secondaires interviennent également sur ces chaînes, altérant
les
propriétés mécaniques du polymère qui libère alors des composés acides164. Ces derniers peuvent s’avérer néfastes pour des matériaux comme la cellulose (composant la toile en particulier). III.1.2.4 Le vieillissement du vernis Au cours d’un phénomène d’oxydation et d’autres réactions dues, au contact de l’air, de la lumière et de certains agents climatiques, le vernis a subi un processus de dégradation. Celui-ci a jauni et empêche une bonne appréciation de l'image, ce qui est caractéristique du vieillissement des résines naturelles. Ayant perdu ses qualités physiques originales, en particulier sa plasticité, celui-ci est devenu plus dur et plus cassant, ce qui pourrait expliquer la présence de micro-craquelures et de clivages en certains endroits165.
III.1.3 Les causes liées aux conditions de conservation III.1.3.1 Les sollicitations climatiques Les déformations de la toile, dues dans un premier temps à une absence de châssis et à un pliage de celle-ci, sont également liées à un phénomène naturel qu’un matériau hygroscopique, comme la toile, peut subir. Effectivement, en présence d’humidité, la toile va avoir tendance à se rétracter, puis à se détendre lors de son évaporation. Ces variations dimensionnelles vont contraindre la toile, affecter son élasticité, pouvant provoquer alors des gondolements166. Cela a inévitablement des répercutions sur la couche picturale. 162
La réticulation continue tant que les groupements fonctionnels (réagissant à l’oxygène par exemple) sont présents. NICOLAUS, Knut. Op. cit., p. 177. 163 MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane, Liants, vernis et adhésifs anciens, Bruxelles : IRPA-KIK, 1992, p. 2325. 164 ROCHE, A. Op. cit., p. 129. 165 Les micro-craquelures, sont, non seulement, dues à une fragilisation du vernis, mais également aux réactions de la couche picturale sous-jacente et des mouvements du support. NICOLAUS, Knut. Op. cit., p. 332. 166 BERGEAUD, C, HULOT, J.F., ROCHE, A. Op. cit., p. 35.
91
Dans notre cas, on sait que le tableau a été conservé dans les réserves du FNAC, soit dans des conditions normales de conservation (20-23°C et 50 à 60% d’humidité relative). Les variations hygrométriques auxquelles l’œuvre a été soumise sont alors minimes, mais les déformations de la toile aux niveaux des bords de la déchirure complexes semblent liées, en partie, à un phénomène de retrait de la part de cette dernière. III.1.3.2 Encrassement de l’œuvre L’ensemble de la surface de l’œuvre est fortement encrassée et recouverte par des amas de poussière d'aspect blanchâtre, surtout sur la partie supérieure du tableau. La seconde partie du pliage (en partant du haut vers le bas du tableau) devait être la partie directement exposée à la poussière, surement lors d'un précédent stockage en réserve, (voir Figure 104).
III.1.4 Les causes liées aux manipulations III.1.4.1 Absence de châssis Le support toile a été séparé de son châssis depuis un laps de temps inconnu. Peut-être ce tableau a-t’ il été déposé puis remonté sur son châssis à plusieurs reprises, étant donné le nombre irrégulier de trous laissés par d'anciennes semences ou clous. On en observe de plus ou moins grands diamètres, disposés un peu aléatoirement sur les bords restants (voir Figure 109). Ainsi on observe pour : Le bord inférieur : 17 trous de grand taille (sans doute les originaux) / 13 trous de petite taille. Le bord dextre (lacunaire) : 13 trous de grande taille / 8 trous de petite taille. Le bord supérieur : Il est difficile de déterminer les trous originaux et secondaires : on distingue environ 24 trous au total. Le bord senestre est absent.
Figure 109 : Bord de rabat inférieur où l’on peut observer les trous de diamètre variable laissés par les anciennes semences.
92
III.1.4.2 Pliage de la toile La toile a été pliée, vraisemblablement en cinq parties à peu près égales, engendrant les quatre importantes déformations rectilignes horizontales
Plis
qui la traversent. Cette opération avait certainement pour but de faciliter un stockage ou un déplacement ultérieur. Une toile fragilisée : Combinées au vieillissement naturel des matériaux, les forces mises en jeu lors du pliage et du dépliage de la toile (peut être plusieurs fois), ont contraints les fils dont l’élasticité et la contrainte à
Sens du pliage
Figure 110 : Schéma du pliage de l'œuvre.
la rupture se trouvaient d’ores et déjà diminuées. Dans notre cas, les fils de chaîne ont été les plus sollicités lors de cette manœuvre, ces derniers étant perpendiculaires à la direction des plis. C’est pour cette raison que l’on retrouve des coupures au revers de la toile (voir Figure 82 et Figure 83). Les déchirures, simple et complexe, ainsi que les différentes lacunes (coin supérieur dextre et bords de rabat), ont surement été causées lors de la dépose de la toile du châssis, lors du stockage ou d'un transport peu attentionné, au cours desquels la toile aurait reçu un ou plusieurs chocs par un matériau étranger, mais le vieillissement naturel de la toile a dû également favoriser et/ou étendre l’ampleur de ces altérations. La réaction de la couche picturale : Les craquelures prématurées sont apparues dans le cadre du processus de séchage et d'oxydation tandis que les craquelures d'âge sont le signe du vieillissement de la couche picturale. Lorsque la couche picturale vieillit (voir plus haut), une toute petite perturbation au sein des matériaux et des forces qui les régissent, peut alors faire apparaître la craquelure (altération mécanique)167. Ici cette perturbation provient essentiellement de la dépose de la toile et de sa manipulation antérieure, à savoir un pliage qui a apporté une forte contrainte mécanique au 167
ROCHE, A. Op. cit., p. 145.
93
support. On sait, que ce dernier a été réalisé avec la couche picturale située vers l’extérieur, d’après la nature des plis et de l’encrassement à la surface de l’œuvre (voir Figure 110). Malgré une bonne cohésion et adhésion générale de la couche picturale au support, des réseaux de craquelures horizontaux se sont alors formés perpendiculairement au sens du pliage. Les soulèvements et les lacunes picturales, localisées pour la majorité au niveau des plis, montrent que les contraintes ont été beaucoup plus importantes sur ces zones. Rupture de la couche picturale entrainant la formation de craquelures et d’écailles
Contrainte d‘élongation apportée au fil de chaine
Figure 111 : Schéma de la rupture de la couche picturale lors du pliage du support.
IV. Proposition de traitement : L’analyse approfondie des matériaux constitutifs de la Vieille femme au rouet, de ses altérations et des causes possibles de ces dernières, dévoile une œuvre dont l’état de conservation et de présentation générale est mauvais. La toile, en particulier, présente de nombreuses déformations, des lacunes et des déchirures, ainsi qu’une certaine fragilité liée en grande partie à son vieillissement, nuisant sensiblement à la lecture de l’œuvre et à sa manipulation. Une restauration paraît alors capitale. Les traitements viseront non seulement à restaurer ses dégradations actuelles, mais également à prévenir ses altérations futures. Effectivement, si son état de conservation paraît aujourd’hui stabilisé, les matériaux constitutifs de l’œuvre vont être soumis à un vieillissement naturel ainsi qu’à d’éventuelles contraintes mécaniques. Ses altérations actuelles sont alors sensibles d’évoluer, de progresser, menant à la destruction progressive de l’œuvre. 94
Dans notre cas, des contraintes mécaniques pourraient être apportées au cours de la manipulation ou du transport de l’œuvre. Ces derniers, sont rendus difficiles du fait des altérations de la toile et de l’absence du châssis, et pourraient engendrer une extension des déchirures actuelles, voire en faire apparaître de nouvelles. La couche picturale, dont les soulèvements et lacunes sont infiniment liées aux faiblesses structurelles du support, pourrait, quant à elle, encourir une perte de matière, ainsi qu’une propagation et une accentuation de ses réseaux de craquelures.
IV.1 Cahier des charges Afin d’améliorer son état de présentation, l’œuvre nécessite des traitements adaptés, respectueux de ses matériaux constitutifs et de son histoire matérielle, qui viseront à lui redonner une cohérence structurelle et esthétique. Certains paramètres ainsi que les caractéristiques propres à l’œuvre, devront alors être pris en compte : D’après les tests réalisés sur la couche picturale et le support, l’œuvre ne semble pas présenter de réactivité ni de sensibilité particulière à l’eau168. Précédemment conservée dans les réserves du FNAC où l'humidité relative et la température sont contrôlées (compter environ 20°C pour une humidité relative de 50 à 60 %), elle est destinée à y retourner après restauration. Des traitements aqueux et l’emploi de matériaux naturels plus sensibles aux variations climatiques, peuvent être alors envisagés. Cependant il faut rester vigilant, l’œuvre présentant une grande majorité de terres, et une certaine faiblesse dans la technique picturale (craquelures prématurées, clivages entre des couches colorées).
IV.1.1 Principaux objectifs : Avant toute manipulation (que ce soit pour la simple observation du revers, ou pour l’exécution d’interventions de restauration), il s’avère impératif de protéger la couche picturale montrant en certains endroits des écailles libres ou des soulèvements. Les nombreuses déformations de la toile doivent être résorbées au maximum afin de lui retrouver une bonne planéité générale. Le support requiert également une reprise des déchirures et un comblement des 168
Voir tests de comportement des matériaux constitutifs en annexe p. 206.
95
lacunes, afin d’en rétablir la continuité. La reprise se fera de manière localisée après une mise à niveau et un raccord des lèvres des déchirures. Les lacunes nécessitent une incrustation de pièces de toiles, lesquelles devront s’approcher le plus possible de la toile originale tant dans ses caractéristiques physiques, qu’esthétiques et structurelles. Néanmoins, devant l’ampleur de ces altérations, un renfort général du support original paraît indispensable. Il permettra de retendre la toile fragilisée sur un nouveau châssis, et de réduire également le risque de voir apparaitre une éventuelle protubérance169 due aux lèvres des déchirures. Au dos du tableau, se trouvent, la date de sa réalisation, la signature de l’artiste et l’adresse de son atelier à Paris. Ces précieuses informations concernant l’identité de l’auteur et le contexte historique du tableau nécessiteront d’être conservées au cours des traitements de restauration. Avec l’accord du conservateur, il a été alors envisagé de réaliser un doublage synthétique devant répondre à deux impératifs que sont un renfort du support original et la transparence de ce dernier. La couche picturale ne nécessite pas d'interventions urgentes à proprement parler. Cependant, il existe à la surface de l’œuvre des lacunes picturales, partielles ou totales, et des soulèvements sur certaines zones. L'adhésion de la couche picturale au support devra être alors rétablie. L’encrassement généralisé de la surface et l’oxydation du vernis altérant la bonne appréciation de l’œuvre, un décrassage et un allégement de vernis doivent être effectués. Un masticage des lacunes picturales et une réintégration chromatique illusionniste seront également nécessaires à la bonne compréhension du sujet représenté. Enfin, un vernis final doit être envisagé afin de restituer aux couleurs du tableau une bonne saturation et toute leur profondeur. Il permettra également de protéger la couche picturale des agressions extérieures (tels que la pollution atmosphérique, les éraflures superficielles…).
169
La remontée des lèvres de la déchirure suite à un renfort insuffisant du support, pourrait nuire à la bonne compréhension de l’œuvre, celle-ci étant destinée à être regardée d’assez près, compte tenu de ses dimensions.
96
IV.2 Proposition d‘interventions 1. Protection de la couche picturale : Déposée à plat dans une caisse adaptée, l’œuvre nécessite avant tout une protection généralisée de la couche picturale pour être manipulée sans risque de perte de matière170. 1.1. Dépoussiérage Avant cette protection, il faudra mettre de côté les quelques écailles retrouvées libre à la surface de l’œuvre pour éviter qu'elles restent coincées sous celle-ci et soient une gêne pour les interventions qui suivront. On cherchera également à localiser leurs provenance pour certaines (les plus grosses) et à les réintégrer à leur place d’origine. L’ensemble de la surface pourra alors être dépoussiérée avec un pinceau à poil doux, en prenant soin de ne pas insister sur les zones présentant un risque de perte picturale. 1.2. Décrassage La poussière superficielle retirée, il faudra effectuer un décrassage de la surface du tableau. Il permettra de favoriser l’accroche de la protection de surface et de retrouver une certaine lisibilité de l’œuvre. Il ne sera envisageable qu’après avoir réalisé une série de tests de décrassage avec les agents nettoyants qui sont à notre disposition. Ces tests171 détermineront quelle méthode et quel produit sont les plus efficaces et les plus adaptés au décrassage de la couche picturale, sans altérer cette dernière. Dans notre cas, l’eau déminéralisée tiède et le citrate de triammonium en solution à 2 % dans de l’eau déminéralisée ont été choisis. Il faudra également chercher à maintenir les déchirures de façon provisoire au cours de ce décrassage. 1.3. La pose du papier de protection Puis viendra la pose de la protection de surface. Celle-ci ne devra pas jouer un rôle contraignant mais être un système d'accompagnement pour maintenir en place les éléments de l'œuvre sur son support. Afin d’épouser au mieux les déformations, il faudra trouver un papier peu contraignant par son grammage, assez fin et suffisamment élastique pour suivre ces
170
Lors de la réception de l’œuvre, nous avons protégé à l’aide de bandes de papier Japon® et de méthyl cellulose certaines écailles qui nous semblaient plus fragiles (principalement sur les pliures du support), après avoir dépoussiéré et nettoyé délicatement ces zones. 171 Voir tests de décrassage p. 105.
97
mouvements. Un papier Japon® (11 gr) dont les fibres ne sont pas orientées pourrait alors être employé. Le vernis jouant son rôle protecteur malgré le fait qu'il soit déplaqué en certains endroits et la couche picturale de nature huileuse n'étant pas sensible à l'eau, l'adhésif utilisé pourra être de type aqueux comme la méthylcellulose ou la colle de pâte suffisamment diluée par exemple, peu nerveuse (donc peu contraignante) et facilement réversible également. Les lèvres de la déchirure complexe devront être contournées pour faciliter la remise à plat des déformations avoisinantes. Une attention particulière sera également portée aux zones empâtées et aux écailles se chevauchant lors de la pose de protection de surface. Ne se trouvant plus sous tension, le support devra être momentanément fixé avec des poids à ses extrémités pour éviter toute déformation supplémentaire liée au retrait de la colle lors du séchage de cette protection de surface.
2. Remise dans le plan du support : 2.1. Localisée Avant de rétablir la planéité générale du support, certaines zones fortement déformées seront résorbées localement dans un premier temps de manière à faciliter les traitements qui suivront. Les tests ayant montrés une faible réactivité de la toile à l’humidité et une couche picturale restant stable à une température d’environ 60°C172,
on pourra combiner de
l'humidité, de la chaleur et de la pression pour aplanir les bords de rabat, ainsi que les déformations situées autour de la déchirure complexe. Un tissu humide, une spatule chauffante et un poids seront alors nécessaires. Malgré le fait qu’elle soit peu contraignante, la protection de surface devrait également engager un certain retour de planéité sur ces zones. La "pièce de renfort" fixée à la cire au dos du tableau, de par son épaisseur et sa nature, contraint fortement le support. Il paraît donc indispensable de la retirer afin de résorber correctement la déformation173 à laquelle cette pièce se trouve associée. De plus, retirer cette pièce de renfort permettra d’observer la toile d'origine. A première vue cette dernière ne connait pas de dégradation particulière (rien n'est apparent par la face), mais si une coupure est présente sous la pièce de renfort par exemple, il faudra songer à consolider cette zone.
172 173
Voir tests de comportement des matériaux constitutifs en annexe p. 206-207. Déformation rectiligne causée par le pliage antérieur de l’œuvre.
98
2.2. Générale Deux solutions semblent concevables afin de retrouver une bonne planéité générale du support : 1- Cartonnage : Une fois la pièce de renfort retirée, on pourra réaliser un système alliant un papier et un adhésif aqueux et contraignant, étant donné l'ampleur des déformations174. Le grammage du papier devra être suffisamment élevé pour permettre une bonne variation dimensionnelle de celui-ci et une pression suffisante sur l'œuvre. Un cartonnage à la colle de pâte pourrait alors être la solution surtout si la protection de surface est également réalisée à la colle de pâte. L’adhésion des deux systèmes sera alors favorisée. Il faudra tout de même prendre en compte le fait que le vernis épais, ayant vieilli, est fragilisé et se déplaque en certains endroits. Un système comme le cartonnage qui entraine un certain apport d’humidité, pourrait éventuellement provoquer un chanci du vernis. De plus, le délitage ultérieur du cartonnage, pourrait occasionner des pertes de matière picturale, celles-ci pouvant être superficielles (allant jusqu’à la sous couche), totales (allant jusqu’à la préparation ou l’encollage), ou ne concerner uniquement que la couche de vernis. Il faudra donc surement réaliser un refixage généralisé préliminaire par le revers de l’œuvre à l’aide d’un adhésif afin d’éviter toute perte de matière picturale. Cet adhésif de refixage pourra être d’origine synthétique afin de correspondre aux matériaux utilisés pour la réalisation du doublage transparent, eux-mêmes d’origine synthétiques. 2- Mise en extension : L’ampleur des déformations du support pourrait nécessiter sa mise en extension sur un bâti tenseur. Ce système permettrait de retrouver une planéité générale de ce dernier en exerçant une tension périphérique et progressive sur chacun de ses bords. Des bandes de tensions devront être alors provisoirement fixées sur ces derniers à l’aide d’un adhésif synthétique tel que le Plextol®B500175, par exemple. Cependant cette opération comporte le risque d’accentuer la grande déchirure 174
BERGEON, Ségolène, Science et patience ou la restauration des peintures, Paris : Réunion des musées nationaux, 1990, p. 45-47. 175 Le Plextol®B500 est généralement employé épaissi pour éviter une trop forte pénétration de ce dernier au sein du support. Cet adhésif possède une bonne réversibilité et un pouvoir collant suffisant pour réaliser une mise en extension sur bâti.
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complexe, détériorant alors d’avantage l’état du support. Cette déchirure demanderait donc à être reprise et renforcée localement dans un premier temps. 3. Consolidation des déchirures et incrustations : Une fois le support plan, maintenu à ses extrémités (soit par mise en extension ou après retournement du cartonnage) et la face protégée par un papier de protection, les déchirures pourront être reprises localement, à l'aide d'un adhésif et de fils. Cette consolidation, la plus discrète possible, devra rétablir la continuité du support en retrouvant un tissage cohérent de la toile. Pour ce faire, les fils présents sur les bords des lèvres des déchirures doivent être remis à leur emplacement original, afin que leurs extrémités correspondantes puissent être collées les unes aux autres avec un adhésif approprié. Cependant, les bords de la déchirure complexe ne pourront être uniquement raccordés par cette méthode, étant associés à de nombreuses lacunes. Selon l’ampleur de ces dernières, des fils de lin, seuls, ou des pièces de toile s’approchant le plus possible du support original par ses caractéristiques physiques et structurelles, devront être incrustées176. Le revers de l’œuvre devant être visible, son aspect esthétique sera également pris en compte. Pour réaliser ces consolidations et ces incrustations, un adhésif synthétique177 tel que le Plextol®B500 qui possède un bon pouvoir collant et une bonne réversibilité pourrait être, une nouvelle fois envisagé. 4. Retour de l'adhésion / cohésion de la couche picturale : L’œuvre, qui présente des clivages, des réseaux de craquelures, une toile oxydée et fragilisée, nécessite une imprégnation générale par le revers à l’aide d’un adhésif. Ce traitement aura un caractère définitif, étant lié à une démarche de stabilisation. Ce dernier doit permettre entre autres, de stabiliser la toile en la protégeant de l’humidité, de consolider et de refixer la couche picturale au support (et entre les différentes interfaces de la stratigraphie), mais aussi de limiter la pénétration de l’adhésif de doublage 178 dans le
176
Certaines coupures très peu ouvertes, comme celles présentes au niveau des quatre plis (visibles par le dos du tableau), ne nécessiteront peut être pas un apport de fils, mais uniquement la pose d'un adhésif sur les fils originaux. 177 Un adhésif synthétique présente l’avantage d’être insoluble à l’eau après séchage et d’être insensible aux variations hygrométriques et aux micro-organismes. PINCAS, Abraham. Le lustre de la main, Esprit, matière et techniques de la peinture, Ecole Nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, Puteaux: EREC, p. 318. 178 L’accroche de ce dernier au support se verra également favorisée.
100
support original et la couche picturale. L’adhésif de refixage devra donc être suffisamment fluide afin de pénétrer aisément au sein de toutes les couches de la stratigraphie de l’œuvre, bénéficier d’une certaine souplesse, d’une bonne adhésivité et être stable (physiquement et chimiquement). Ainsi un adhésif comme le Plexisol®P550 qui possède d’excellentes caractéristiques179 pourrait être sélectionné pour cette intervention. Le retrait préalable de la pièce de renfort et de la cire imprégnée dans le support, ainsi que le nettoyage général du revers du tableau, paraît alors indispensable à la réalisation de cette imprégnation. 5. Renfort et Doublage du support original: Malgré une précédente consolidation et une reprise locale des zones déchirées par fil-à-fil, ces traitements ne s’avèrent pas suffisants pour éviter une remontée ultérieure des lèvres des déchirures et endurer une mise en tension de l’œuvre sur châssis neuf. Des renforts supplémentaires locaux sont alors nécessaires afin de consolider ces zones. L’exigence de garder le revers de l’œuvre visible implique la pose de fils de pontage très fins180 et assez rigides pour assurer le maintien des déchirures. Des fils synthétiques de type polyester monofilament, comme l’Origam® par exemple, pourront être employés. De plus, le support original se trouvant oxydé, fragilisé, déchiré et les bords de rabat étant lacunaires, voire manquants, il faudra également le renforcer sur sa totalité par la pose d'une nouvelle toile au dos de celui-ci. Comme exprimé précédemment, la signature de l’artiste et l'adresse de son atelier se trouvant au revers de l'œuvre, il a été convenu avec le conservateur que ce renfort soit transparent pour garder cette importante "trace historique". Afin de répondre à ces exigences, la réalisation d’un doublage synthétique semble concevable. Cette méthode permet de consolider l’ensemble du support, tout en offrant l’avantage d’être réversible et peu contraignant pour l’œuvre. Le choix des matériaux se portera sur une toile fine, légère (afin de ne pas alourdir le système), stable chimiquement, transparente, résistante et suffisamment rigide afin de maintenir correctement l’œuvre en tension, puis sur un adhésif formant un film transparent au séchage. Ce dernier devra être assez visqueux pour éviter sa trop forte pénétration au sein du
179 180
Voir fiche technique Plexisol®P550, en annexe p. 210 Cette finesse évitera aussi aux fils de marquer la toile au cours du doublage.
101
support d’origine181, réversible, stable (physiquement et chimiquement), avoir une bonne affinité avec la toile de renfort, ainsi qu’un bon pouvoir collant pour éviter une remontée des lèvres des déchirures. Une toile de type polyester monofilament182 et un adhésif comme le Plextol®B500 pourraient alors convenir à un tel doublage associant rigidité et transparence. Aucunes couches intermédiaires ne seront posées, celles-ci pouvant nuire à la transparence de l’ensemble. 6. Remise en tension de l’œuvre: Actuellement libre, l’œuvre devra être tendue sur un nouveau châssis en conservant ses dimensions actuelles, très proches de ses dimensions originales, à savoir un format 30 P183. Ce châssis sera chanfreiné et à clefs pour permettre une tension progressive du support. Il comportera surement une traverse ou plusieurs, étant donné la taille du tableau. Il faudra s’assurer que celles-ci ne camouflent pas les inscriptions au revers de l’œuvre. 7. Retour de la lisibilité de la couche picturale : Un décrassage de l’œuvre effectué en amont (voir plus haut, 1.2 Décrassage) aura contribué à une meilleure compréhension du sujet peint. Allégement du vernis Le vernis vieilli et jauni ne permettant plus une bonne appréciation des couleurs originales, il faudra réaliser un allégement de celui-ci avec des solvants adaptés pour retrouver une bonne lisibilité de l'œuvre. L'allégement de la couche de vernis se fera une fois l’œuvre placée verticalement pour éviter une trop forte pénétration des solvants dans la stratigraphie. D’après les tests réalisés184, le mélange Isooctane/Isopropanol en proportions 40 : 60 semble la meilleure solution pour effectuer un allégement du vernis sur l’ensemble de la surface du tableau.
181
BERGEON LANGLE, Ségolène, CURIE Pierre. Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique, Paris : Editions du Patrimoine, 2009, vol. 2, p. 633. 182 Ces textiles, en plus de présenter une certaine souplesse, de faibles grammages, sont également très résistants et ont une faible élongation relative à la rupture. HEDLEY, G. Measured opinion, collected papers on the conservation of paintings, 1993, p. 76. 183 Soit 92 x 73 cm 184 Voir tests d’allégement de vernis p. 107.
102
Réintégration picturale et vernissage de l’œuvre : Enfin, pour rendre à la couche picturale son intégrité, les lacunes devront être comblées par un mastic reproduisant le plus fidèlement l’aspect de surface du tableau (la touche de l’artiste étant très présente), qui seront par la suite réintégrées. Cependant, les lacunes laissant les sous-couches visibles ne seront pas directement comblées par un mastic, mais isolées par l’application locale d’un vernis pour conserver ces couches originales. Certaines pourront être mises à niveau par la seule épaisseur du vernis, mais d’autres nécessiteront l’emploi d’un mastic pour recréer les structures empâtées. Leur réintégration chromatique sera, bien entendu, indispensable à la bonne compréhension de l’œuvre. Cette réintégration chromatique sera réalisée de manière illusionniste avec l’accord du conservateur, du fait des dimensions de l’œuvre. Celle-ci se fera après un premier vernissage de l’œuvre, afin de former une interface entre la couche picturale originale et les couleurs utilisées pour la réintégration. Face à un vernis original oxydé et allégé ayant perdu ses qualités optiques et protectrices, le vernissage de l’œuvre permettra non seulement de restituer une protection satisfaisante de la couche picturale, mais également de retrouver une bonne saturation et profondeur des couleurs, tout en homogénéisant l’aspect de l’ensemble de la surface. Une résine à bas poids moléculaire et à basse viscosité, comme la résine Dammar, reconnue pour sa bonne saturation des couleurs sombres185 (particulièrement présentes dans l’œuvre de mémoire), et son rendu satiné186 de la surface, pourrait être alors utilisée. Il faudra cependant stabiliser cette résine naturelle propice à l’oxydation et donc au jaunissement lors de son exposition aux rayonnements ultraviolets, en ajoutant un stabilisant tel que le Tinuvin®292187 lors de sa mise en solution.
185
La résine naturelle Dammar, permet une bonne saturation des couleurs sombres, son indice de réfraction étant très proche de celui de l’huile. MASSCHELEIN-KLEINER, L. Liants, vernis et adhésifs anciens, Op. cit., p. 99. 186 Un vernis trop brillant pourrait impliquer la présence de reflets nuisant à la bonne visibilité de l’œuvre. 187 BALCAR, N. Les vernis : usage et propositions issues de recherches récentes, Formation complémentaire de l’Association des Restaurateurs d’Art et d’Archéologie de Formation Universitaire, Juin 2005, p. 4.
103
Les matériaux de retouches : Afin de réaliser la réintégration chromatique illusionniste des lacunes picturales, notre choix se portera sur l’utilisation des couleurs prêtes à l’emploi Gamblin Conservation Colours®, où les pigments sont liés dans une résine urée-aldéhydique de bas poids moléculaire, le Laropal®A81. Souhaitant réaliser une retouche dont le rendu serait proche de celui de l’artiste, ce matériau peu couvrant permet de réaliser par superposition de couches, des effets de transparence proche du glacis, en conservant ainsi la luminosité offerte par les mastics blancs. Ce matériau est également réputé pour ses qualités de mise en œuvre et sa bonne stabilité dans le temps188. A l’issue de la réintégration chromatique, un vernissage final sera nécessaire afin d’homogénéiser l’ensemble de la surface et d’apporter une couche de protection générale à l’œuvre. Souhaitant conserver le rendu optique de la résine Dammar (profondeur des couleurs et aspect satiné), l’utilisation d’une résine synthétique telle que le Regalrez®1094, possédant un indice de réfraction proche des résines naturelles189, ainsi qu’une bonne stabilité à la lumière et au cours du temps190, pourrait s’avérer appropriée.
188
LEONARD, M, WHITTEN, J, GAMBLIN, R, RENE DE LA RIE, E., « Developpement of new materiel for retouching », Congress, International Institute For The Conservation of Historic and Artistic Works, London, 2000, p. 29-33. 189 L’indice de réfraction de la résine Regalrez®1094 est de 1,519, tandis que l’indice de réfraction de la résine dammar est de 1,539. BALCAR, N. Op. cit. p. 3. 190 WHITTEN, Jill, “Regalrez®1094 : properties and uses”, Western Association for Art Conservation Newsletter, n°17, Janvier 1995, p. 11-12.
104
IV.3 Tests de décrassage : L’opération de décrassage permet de retirer la poussière et la crasse présentes à la surface de l’œuvre. Des tests préalables sont nécessaires afin de déterminer quels sont les agents de décrassage les plus appropriés.
Tests
Tous les tests réalisés ci-dessous ont été effectués dans la zone fortement encrassée du tableau pour une meilleure appréciation de ceux-ci. Action Elimination Photographies des Solvants mécanique de la crasse cotons témoins
1
Eau déminéralisée froide (environ 20°C)
Importante
Moyenne
2
Eau déminéralisée chaude (environ 45°C)
Moyenne
Satisfaisante
3
Eau déminéralisée + Triton X100 (1% de tensioactif dans l‘eau)
Importante
Moyenne
Importante
Moyenne
Moyenne
Satisfaisante
Moyenne
Bonne
4
5
6
Eau déminéralisée + Citrate de Triamonium (0.5 % de Citrate de Triamonium dans l’eau) Eau déminéralisée + Citrate de Triamonium (1 % de Citrate de Triamonium dans l’eau)
Eau déminéralisée + Citrate de Triamonium (2 % de Citrate de Triamonium dans l’eau
105
Après les tests de décrassage réalisés, l’eau déminéralisée chaude (environ 45°C) a été choisie. Elle semblait la plus adaptée pour réaliser le décrassage complet du tableau, demandant pratiquement la même action mécanique que les tensioactifs ou les agents chélatants pour un résultat comparable. Cependant dans la zone fortement encrassée du tableau un premier passage à l’eau déminéralisée puis un second passage au Citrate de Triamonium (T.A.C) à 2 % est préférable, car l’eau déminéralisée chaude n’est pas encline à enlever la totalité de la crasse fortement incrustée (voir Figure 115). Un rinçage de la zone à l’eau déminéralisée est par la suite nécessaire. Pour le reste de la surface normalement encrassée, un second passage avec l’agent chélatant n’est pas utile, le coton témoin n’étant pas couvert de crasse après un premier passage à l’eau déminéralisée chaude.
Figure 113 : Coton témoin du second passage au T.A.C à 2 % (sur une zone d’environ 3 cm²).
Figure 112 : Zone normalement encrassée avant et après passage à l'eau déminéralisée chaude.
Après un passage à l’E.D chaude
Après un passage au T.A.C à 2 %
Figure 114 : Zone fortement encrassée avant et après un passage à l'eau déminéralisée chaude.
Figure 115 : Zone fortement encrassée après un second passage au T.A.C à 2 %.
Figure 116 : Coton témoin du second passage au T.A.C à 2 % (sur une zone d'environ 3 cm²).
106
IV.4 Tests d’allégement de vernis : Comme dans le cas du décrassage, l’opération d’allégement du vernis nécessite une série de tests préalables191. Ces derniers sont réalisés au moyen de coton enroulé sur un bâtonnet en bambou, sur l’ensemble des couleurs présentes sur la couche picturale. Ils permettent de déterminer quel solvant sera le plus adapté à la solubilisation et au retrait du vernis, sans altérer les couches colorées (formation de blanchiments ou solubilisation des couleurs). Dans un premier temps, nous avons choisi de débuter l’opération en testant les mélanges de solvants présents dans la liste de Liliane Masschelein-Kleiner192. Mélanges de solvants
Couleurs
Observations
Photographies des cotons témoins
Photographies des zones concernées
Carnations (visage)
Blanc (fibres sur le fuseau)
Zones claires partie inférieure du tableau. Isooctane/Isopropanol 50/50
- Dissolution moyenne - Action mécanique un peu élevée - Pas d’interaction avec les couleurs concernées.
Zones foncées (fond / intérieur de la cheminée)
Bruns (ici sur le rouet)
Ocres rouges (partie dextre du tableau)
- Les pigments rouges et bleus semblent sensibles et migrer dans le coton si l’action mécanique est trop prononcée
Bleus
191
Tous les tests ont été effectués sur des zones préalablement décrassées pour éviter dans un premier temps que la crasse ne se lie au vernis et pour mieux apprécier l’action des solvants sur la couche de vernis. 192 MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Les solvants, Cours de conservation 2, Bruxelles : IRPA-KIK, 1994, p. 112. Les mélanges n°3 : White-Spirit pur, n°4 : p-xylène pur et n°5 : p-xylène + trichloroéthane ont également été testés, mais ces derniers se sont avérer être très inefficaces pour l’allégement du vernis (seul le n° 5 montrait une légère solubilisation du vernis, mais demandait une action mécanique trop importante).
107
Carnations (visage)
Blanc (fibres sur le fuseau)
Zones claires partie inférieure du tableau Toluène/Isopropanol 50/50
-Dissolution rapide et entière, - Faible action mécanique. - Pas d’interaction avec les couleurs concernées.
Zones foncées (fond / intérieur de la cheminée)
Bruns (ici sur le rouet)
Ocres rouges (partie dextre du tableau)
bleus
Les bruns semblent migrer à la surface du coton si l’action mécanique est prolongée
Les rouges193 (essentiellement) et les bleus semblent fragiles au passage du coton même avec une action mécanique réduite
Carnations (visage)
Carnations (mains) Isooctane/Isopropanol 40/60
- Bonne dissolution du vernis - Action mécanique normale - Pas d’interaction avec les couleurs concernées
Blanc (fibres sur le fuseau)
Zones claires partie inférieure du tableau.
193
Les rouges situées dans la partie dextre de l’œuvre sont particulièrement sensibles. Cette zone montrant des lacunes de vernis, cela pourrait expliquer sa plus grande fragilité au passage du coton.
108
Manteau
Zones foncées (fond / intérieur de la cheminée) Isooctane/Isopropanol 40/60
-Bonne dissolution du vernis - Action mécanique normale - Pas d’interaction avec les couleurs concernées
Bruns (ici sur le rouet) Ocres rouges (pointe du fuseau)
Bleus
Les bleus semblent migrer dans le coton seulement si l’action mécanique est prolongée.
A la suite de ces tests, nous avons pu remarquer que le mélange Isooctane/Isopropanol en proportions 50 : 50 et que le mélange Toluène/Isopropanol en proportions 50 : 50 n’étaient pas totalement concluants pour effectuer un bon allégement du vernis. Le premier nécessite effectivement une action mécanique parfois plus importante pour retirer le vernis, et le second possède une action de solubilisation un peu trop rapide sur ce dernier. Certains bruns (comme au niveau du rouet par exemple) paraissent également fragiles au passage du coton. Le mélange Isooctane /Isopropanol en proportions 40 : 60, apparaît alors comme un bon compromis entre ces deux mélanges, offrant une bonne solubilisation du vernis, permettant ainsi une action mécanique modérée et un allégement plus contrôlé. Si l’ensemble des couleurs montrent une bonne tenue au passage du coton, une certaine précaution est cependant à prendre pour les couleurs bleus et rouges qui demandent une action mécanique plus délicate et moins appuyée.
109
Les paramètres de solubilité194 des solvants de ce mélange sont les suivants : - Isooctane : Fd : 98 ; Fp : 1 ; Fh : 1 - Isopropanol : Fd : 38 ; Fp : 17 ; Fh : 45 En proportions 40 : 60 les paramètres de solubilité de ce mélange sont : Fd = ((98/100) x 40) + ((38/100) x 60) = 62 Fp = ((1/100) x 40) + ((17/100) x 60) = 11 Fh = ((1/100) x 40) + ((45/100) x 60) = 27 Lorsque l’on reporte ces valeurs (Fd : 62 ; Fp : 11 ; Fh : 27) dans le triangle de solubilité ci-dessous, on remarque que le mélange Isooctane/Isopropanol en proportion 40 : 60 se situe dans l’aire de solubilité des huiles et des résines naturelles, constituants probables du vernis de l’œuvre. Cela nous permet également de constater que le mélange sélectionné reste dans l’ensemble peu polaire.
27
11
62
194
Avec Fd = Forces dipôle instantané – dipôle instantané (Van der Waals) ; Fp = Forces dipôle - dipôle ; Fh = Forces de liaison hydrogène. MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane. Op. cit., p. 43-46.
110
Rapport de restauration
111
V. Rapport de restauration V.1 Le décrassage L’étape de décrassage permet de retirer au maximum la poussière et la crasse incrustées à la surface de l’œuvre, afin d’améliorer son appréciation visuelle et de favoriser l’adhérence de la future protection de surface. De plus, cette opération évite la migration de ces poussières dans les réseaux de craquelures lors de l’allégement du vernis et de les fixer au sein de la couche picturale lors d’opérations comme un refixage généralisé par le revers, par exemple. Etapes : Dans un premier temps, une brosse douce a été passée sur l’ensemble de la surface en prenant soin d’éviter les zones fragiles où la couche picturale présentait une perte d’adhérence. Lors de ce passage, les particules les plus fines et les moins adhérentes au substrat ont alors été retirées. D’après les tests de décrassage réalisés précédemment, l’eau déminéralisée chaude semblait la plus apte pour un nettoyage général de l’œuvre. Les poussières et la crasse migraient rapidement dans le coton imbibé d’eau en formant un dépôt noir. De plus, la couche picturale sous-jacente, protégée par le vernis épais, rendait alors ce solvant totalement inoffensif pour la peinture. Le décrassage de l’ensemble de la surface195 a alors été réalisé avec des cotons196 imbibés d’eau déminéralisée chaude. Les zones fragiles (les bords des lacunes), ont demandé une intention plus particulière, certaines écailles de peinture ayant tendance à s’accrocher aux fibres du coton. Sur la zone fortement encrassée, un deuxième passage au Citrate de triammonium dilué à 2% dans de l’eau déminéralisée s’est avéré nécessaire pour enlever la crasse de manière satisfaisante (voir Figure 118). Enfin, un dernier passage197 à l’eau déminéralisée froide a été réalisé sur cette zone, afin de réduire au maximum la teneur en agent chélatant au sein des strates.
195
Ce décrassage général a été réalisé après avoir effectué la protection locale des écailles situées sur les pliures. Ces derniers sont enroués autour d’un bâtonnet en bambou. 197 Toujours à l’aide d’un bâtonnet et de coton. 196
112
Figure 117 : Partie supérieure du tableau avant décrassage.
Figure 118 : Même zone après décrassage.
Observations Après décrassage, l’aspect mat et sale du tableau a disparu pour laisser place à un vernis plus brillant qui permet une meilleure appréciation de la couche picturale sous-jacente. Les couleurs et les contrastes sont alors moins uniformisés et les détails plus visibles. L’examen de l’état de surface est rendu plus facile, que ce soit à l’œil nu ou à la loupe binoculaire.
113
V.2 La protection de surface Une fois le décrassage achevé, l’œuvre fut sortie de sa caisse puis posée sur un fond plan en bois, le dos protégé par un film de Melinex®. De cette manière, une protection de surface générale pouvait être appliquée à l’œuvre. Cette opération permet d’éviter toute perte de la couche picturale lors de la manipulation de la toile198, mais, éventuellement, de récupérer la planéité de certaines zones du support. Etapes : La surface ne craignant pas un traitement aqueux, une colle de pâte diluée (environ à 5%) pouvait être combinée avec un papier japon (11gr/m²) pour réaliser cette protection de surface. Le papier Japon® a été choisi car ses fibres ne sont pas orientées, ce qui limite son retrait au séchage. De même, sa finesse lui permet d’épouser au mieux l’état de la surface (déformations, empâtements…) de la couche picturale. Ce papier de protection a été appliqué en plusieurs parties sur la surface (voir Figure 119 et Figure 120). Celles-ci ont été coupées à l’aide d’un pinceau fin après humidification du papier dans le rouleau d’origine, afin de créer des bords légèrement effilochés. Cela permet une meilleure accroche des bandes de papier entre elles lors de leur superposition. La déchirure complexe a été contournée avec précaution (voir Figure 120). Les bords supérieur et inférieur du tableau ont également été recouverts par cette protection après qu’ils aient été délicatement dépliés. Afin d’éviter toute formation de plis, un spalter souple a été utilisé pour appliquer la colle de pâte à travers le papier Japon®, de façon uniforme, du centre vers l’extérieur. Le nombre de passage et la pression exercée ne devaient pas être trop élevés afin de ne pas déchirer le papier très fragile.
198
L’absence de châssis rend la manipulation de l’œuvre difficile et dangereuse.
114
Observations : Après un temps de séchage suffisant, le papier Japon® adhérait parfaitement à la surface. L’œuvre pouvait être ainsi retournée sans risque pour la couche picturale. De plus, cette protection de surface a permis de reprendre légèrement les déformations situées dans la zone de la déchirure complexe, ainsi que de maintenir les bords de rabat inférieur et supérieur dans un certain plan.
A
Figure 119 : Etat de surface après séchage de la protection de surface.
A
Figure 120 : Détail de la zone A : La déchirure complexe a été contournée à l’aide de nombreux petits rectangles de papier Japon®, laissant ainsi une liberté de mouvement au support.
Les pointillés rouges sur la Figure 119 représentent les emplacements des rectangles de papier Japon® utilisés pour la protection de surface.
Comme on peut l’observer sur la Figure 119, les bords de rabat inférieur et supérieur sont à présent visibles, car retenus par cette protection.
Les surplus de papier Japon® ont ensuite été enlevés à l’aide de petits ciseaux, comme au niveau des bords du tableau et des lacunes de la déchirure complexe (voir Figure 120).
115
V.3 Le retrait de la pièce de renfort Avec l’aide d’un camarade, l’œuvre a pu être retournée en toute sécurité sur le plan de travail. La protection de surface se trouvait alors sur le film de Melinex®, le dos du tableau se présentant face à nous. Lors du constat d’état de l’œuvre, il s’est avéré que le dos se trouvait non seulement encrassé sur sa totalité, mais qu’une pièce de renfort, fixée à la cire et recouverte de peinture à l’huile, était présente dans le coin supérieur gauche du support (voir Figure 121). Il était primordial d’enlever cette pièce de renfort pour observer ce qu’elle cachait, mais également pour permettre le bon déroulement des opérations à suivre. Sa surépaisseur, empêchait, par
Figure 121 : Pièce de renfort avant d’être retirée.
exemple, une remise dans le plan convenable du support.
Etapes : L’épaisse couche de peinture et de cire a été grattée au scalpel, et la pièce de renfort retirée199 par une simple action de pelage. La pièce enlevée, la cire sous-jacente a pu être grattée à son tour. Une réversibilité totale de celle-ci étant difficilement concevable (car fortement imprégnée dans la toile), celle-ci a été néanmoins retirée à son maximum, en évitant de fragiliser le support original. Comme nous le verrons par la suite, d’autres moyens200 ont été mis en œuvre afin de l’extraire au mieux du revers de l’œuvre.
199 200
Parfois, il fut nécessaire de combiner l’action de pelage à celle du scalpel pour faciliter cette opération. Voir pages n° 129.
116
Figure 122 : Action mécanique du scalpel sur la couche de peinture et de cire appliquée sur la pièce de renfort.
Figure 125 : Pièce de renfort enlevée à moitié. Pour faciliter l’opération de pelage, le scalpel a souvent été glissé entre le support et la pièce de toile.
Figure 123 : Pièce de renfort totalement visible après la première étape de grattage. Un essai de pelage a été réalisé dans un angle.
Figure 124 : Pièce de renfort enlevée dans sa quasi-totalité.
Après avoir ôté la cire se trouvant sous la pièce de toile, l’aspirateur a été passé afin de supprimer tous les résidus. Observations : On a pu observer que le support original était lacunaire en cette zone. La forme et la dimension de la lacune était peu compréhensible car fortement imprégnée par la cire (voir figure cicontre). Figure 126 : Aspect du revers après le retrait de la pièce de renfort.
117
V.4 Le nettoyage du dos Comme indiqué précédemment, le dos se trouvait encrassé sur sa totalité, et plus particulièrement sur les bords de rabat. Effectivement, des amas de poussière ont pu s’accumuler entre la toile et les montants du châssis aujourd’hui disparu. Etapes : Afin de dépoussiérer le dos, un passage avec une brosse dure a été réalisé sur toute la surface, en accentuant le nombre de passage sur les bords de rabat. Le premier résultat obtenu fut peu satisfaisant. C’est pourquoi un deuxième passage à l’aspirateur a été décidé par la suite, donnant alors de meilleurs résultats. Au cours de cette étape, une bonne partie de la poussière fut retirée201.
Figure 127 : Passage de l’aspirateur avec une brosse adaptée.
Figure 128 : Dos du tableau après le passage de la brosse et de l’aspirateur. Les inscriptions à la craie ont été en partie effacées.
201
Lors du nettoyage du revers de l’œuvre les inscriptions à la craie : « La vieille femme au rouet » et « toile provenant du musée de St-Omer - en très mauvais état », ont dû être supprimées, après l’accord préalable du conservateur Mr Xavier-Philippe Guiochon.
118
V.5 Remises à plat localisées Un cartonnage étant prévu pour retrouver une planéité générale du support, il était nécessaire d’aplanir auparavant certaines zones de manière localisée. Certaines des déformations s’y trouvant n’auraient pas pu être résorbées de manière convenable par la suite. Les zones concernées ont été les bords de rabat du tableau (essentiellement les bords inférieur et supérieur) et celles avoisinant la déchirure complexe (voir Figure 130 à Figure 135). Etapes : Afin de faire disparaitre ces déformations, de l’humidité, de la chaleur et une pression ont été combinées. La chaleur a été apportée par une spatule chauffante réglée à une température d’environ 70°C, l’humidité par une pièce de toile préalablement mouillée et essorée, et la pression par un poids. La pièce de toile humide a tout d’abord été posée sur la zone déformée. La spatule chauffante est alors passée sur celle-ci afin de relaxer le support original, le plus progressivement et le plus précisément possible. Une fois le support détendu et plus plan, la pièce de toile a été retirée. Un film de Melinex®, un buvard, et un poids, adaptés à la dimension de la zone concernée ont alors été posés. Cette mise sous pression a permis de maintenir cette zone bien plane durant tout le long du séchage.
Figure 129 : Aplanissement du bord de rabat inférieur avec la spatule chauffante et la pièce de tissu humide.
119
Figure 130 : Bord de rabat inférieur avant aplanissement.
Figure 132 : Déformations liées à la déchirure complexe vues sous lumière rasante.
Figure 134 : Angle supérieur dextre (accolé à l’importante lacune du support).
Figure 131 : Même bord après la mise à plat localisée.
Figure 133 : Même zone après la mise à plat localisée, vue sous la même lumière rasante.
Figure 135 : Même zone après aplanissement.
120
Observations : Après séchage, les zones observées sous lampe rasante (voir Figure 129 à Figure 135), semblaient avoir retrouvées une planéité satisfaisante. Les lèvres de la déchirure complexe pouvaient alors être rapprochées.
V.6 Maintien des lèvres de la déchirure avant le cartonnage Afin de garder le même écartement entres les lèvres de la déchirure complexe au cours de l’opération de cartonnage, celles-ci ont été maintenues provisoirement à l’aide de morceaux de bandes de papier adhésif micropore. Cet écartement correspond, après un calcul simple, à l’écartement que devraient avoir les lèvres entre elles, si celles-ci n’avaient pas connu de retrait. Dans notre cas, il s’est avéré qu’après la reprise locale des déformations, les lèvres des déchirures avaient retrouvées leur emplacement initial. Bien entendu, celles-ci n’étaient pas jointives et présentaient des lacunes de support, ainsi qu’un retrait minime (inférieur à un millimètre).
Chaîne
Trame
Figure 136 : Lèvres de la déchirure complexe maintenues par des bandes de papier adhésif micropore.
Le calcul du retrait : Deux points ont été placés sur une partie « saine » du support (pas de lacunes, de déchirures…) puis la distance qui les sépare a été mesurée. Ces deux points (ici les points en rouge) se trouvent sur le même fil (ici un fil de trame). Puis deux autres points ont été placés parallèlement à ceux-ci sur la zone déchirée (points bleus). Pour cela, nous avons suivi le fil de chaîne à partir des deux premiers points, et compté le nombre de fils (de trame dans ce cas) pour placer ces points à égale distance des deux autres. On crée ainsi un rectangle qui, idéalement, devrait avoir ses cotés de même longueur. Si ce n’est pas le cas il existe un retrait. Il suffit alors de soustraire la plus petite longueur à la plus grande pour le calculer.
121
V.7 Le cartonnage léger Pour une première remise dans le plan et un maintien périphérique du support sur un fond en bois plan, un cartonnage a été réalisé. Ce dernier devait résorber au maximum les déformations horizontales formées lors de l’ancien pliage de l’œuvre. Etapes : (voir Figure 137 pour le schéma du cartonnage) L’œuvre a été placée sur un fond en bois plan recouvert d’un film de Melinex®, la face siliconée étant en contact avec la toile pour éviter que celle-ci n’adhère au fond lors de l’apport d’adhésif. Ce film de Melinex® est coupé aux dimensions de l’œuvre, en laissant quelques millimètres en plus de chaque côté, pour prendre en compte le « nouveau format » de l’œuvre après un retour dans le plan. Des tirants en papier journal ont ensuite été disposés sous le film de Melinex® sur les quatre côtés de l’œuvre. Les tirants, sous les bords inférieur et supérieur, ont été coupés plus large que les tirants latéraux (voir Figure 138), pour accentuer la force de retrait (et donc de pression) du papier de cartonnage dans le sens vertical du tableau. L’œuvre a ensuite été relaxée en vaporisant de l’eau à sa surface. Un papier Bolloré® (12gr/m²) a alors été appliqué à la surface de l’œuvre, à l’aide de méthylcellulose diluée dans de l’eau (à environ 5%) et d’un spalter souple (voir Figure 139 et Figure 140). Les dimensions du rouleau d’origine du papier Bolloré® ne nous permettant pas de réaliser un cartonnage avec un papier unique (dont les fibres seraient orientées dans le sens vertical du tableau), deux feuilles ont alors été découpées. Celles-ci se chevauchent légèrement sur le milieu de la déformation la plus importante du tableau (voir Figure 140). L’orientation des fibres et la zone de superposition des deux papiers de cartonnage, permettent, non seulement une réactivité plus importante du Bolloré® dans le sens vertical, mais également, d’accentuer la force de pression au niveau de la déformation.
122
Papier Bolloré® 12 grammes Tableau Melinex® Tirants Fond
Figure 137 : Schéma du montage du cartonnage.
Figure 138 : Tirant du bord inférieur plus large que celui du bord senestre.
Figure 139 : Premier papier de cartonnage appliqué à la méthylcellulose sur la partie supérieure du tableau.
Zone de superposition des deux papiers de cartonnage. Figure 140 : Deuxième papier appliqué sur la partie inférieure.
123
V.8 Le retournement du cartonnage Une fois le papier de cartonnage sec (après environ 12 heures), nous avons alors procédé au retournement de l’œuvre pour un maintien périphérique du support. Pour ce faire, nous avons glissé une petite spatule sous les tirants afin de libérer l’œuvre du fond. L’œuvre a ensuite été retournée et fixée sur le fond en bois avec des bandes de papier Kraft®. Le film de Melinex®, lui, n’a pas été déplacé au cours de l’opération. Observations Le dos de l’œuvre se trouvant face à nous, ce dernier a été placé sous une lumière rasante afin d’observer comment le support avait réagi suite au cartonnage. Les déformations linéaires horizontales avaient fortement diminuées, et celles liées à la déchirure complexe avaient quasiment disparues. Nous avons cependant observé certains plis (voir Figure 143 et Figure 144) en relief qui n’auraient pu être totalement résorbés lors d’un autre cartonnage. Ils étaient, pour la plupart, liés à une fragilisation, voir à une rupture de fils de chaîne.
Figure 141 : Bonne reprise des déformations autour de la déchirure complexe.
Figure 143 : Agrandissement du pli de la zone cerclée en bleu (voir Figure 145).
Figure 142 : Déformation horizontale la moins bien résorbée de l’ensemble.
Figure 144 : Agrandissement du pli se trouvant dans la zone cerclée en rouge (voir Figure 145).
124
Figure 145 : Dos du tableau placé sous lumière rasante. On peut observer quelques plis en relief liés à une fragilisation du support en ces zones.
V.9 Consolidations provisoires des déchirures Réaliser un autre cartonnage n’apparaissant pas être la meilleure solution pour retrouver une planéité satisfaisante du support, une mise en tension sur bâti tenseur a été envisagée. Mais cette solution impliquait des risques. Effectivement, la déchirure complexe pouvait s’étendre encore davantage si la mise sous tension ne se passait pas comme prévu. La déchirure demandait donc à être renforcée provisoirement lors de l’opération. Le papier de cartonnage offrait déjà un maintien suffisant, mais, par précaution, une méthode de consolidation provisoire devait être réalisée en parallèle.
125
Etapes : Pour éviter un apport d’adhésif trop important au sein du support, tout en gardant un maintien suffisant des lèvres des déchirures, la méthode du fil à fil a été adoptée. Des fils de lin dont l’épaisseur s’approchait de ceux de la toile originale ont alors été découpés. Chacun d’entre eux ont été imbibés d’adhésif Plextol®B500 épaissi au Xylène, laissés sécher quelques instants, puis disposés perpendiculairement aux lèvres de la déchirure. De cette manière, l’adhésif était strictement limité à la surface du fil et permettait une meilleure réversibilité de l’ensemble (voir Figure 147 et Figure 148). Une fois tous les fils installés, une spatule chauffante202 a été passée sur ces derniers, en ayant pris soin d’avoir appliqué un film de Melinex® au préalable. Cette dernière étape avait pour but de réactiver le Plextol®B500, et, ainsi, de bien fixer le fil au support (voir Figure 146). Bien entendu, avant de poser ces fils de pontage provisoires, les bandes de papier adhésif micropore disposés avant l’étape du cartonnage, ont été retirés.
Figure 146 : Réactivation de l’adhésif à l’aide d’une spatule chauffante et d’un film de Melinex®.
Figure 147 : La déchirure simple à également été consolidée par mesure de sécurité.
202
Figure 148 : Déchirure complexe après consolidation provisoire des lèvres.
Réglée à une température d’environ 70°C.
126
V.10 L’imprégnation des bords de rabat du support Afin de renforcer les bords fragilisés du support et de permettre une meilleure
accroche
des
bandes
de
tension, ces derniers ont été imprégnés au Plexisol®. Cette étape s’est déroulée en
trois
temps :
une
première
imprégnation a été réalisée avec un dosage à 5%203, une seconde à 5% également, et enfin une dernière à 10%. Entre chacune de ces imprégnations, un temps de séchage d’une durée de 8 heures fut nécessaire.
Figure 149 : Imprégnation des Figure 150 : Le Plexisol® a été bords de rabat au Plexisol®, à appliqué sur toute la surface l’aide d’un pinceau brosse. destinée à la pose des futures bandes de tension. Ici les pointillés représentent la limite de l’imprégnation au niveau de l’angle lacunaire.
V.11 L’application des bandes de tension
Avant d’appliquer les bandes de tension proprement dites, nous avons tout d’abord posé des petites bandes de papier Bolloré® (12 gr/m²) à l’aide de Plextol®B500 préalablement épaissi au Xylène. Ces bandes permettent non seulement une meilleur réversibilité des bandes de tension, mais également d’éviter que celles-ci ne marquent le support à long terme. Les bandes de tension découpées à l’avance dans du non-tissé polyester (12 gr/m²), ont alors été également fixées sur les bords de rabat avec du Plextol®B500 épaissi au Xylène. L’adhésif a pu être appliqué à travers le non-tissé à l’aide d’un pinceau brosse assez raide.
Figure 151 : Application de l’adhésif à travers le non-tissé au niveau de l’angle supérieur dextre. 203
Figure 152 : Même procédé, ici sur le bord de rabat supérieur.
Le Plexisol® est dilué dans du White-Spirit®
127
V.12 La mise en extension sur bâti : Une fois l’adhésif sec, l’œuvre a été tendue « en croix »204 sur le bâti tenseur, en agrafant les bandes de tension aux montants. Le revers de l’œuvre a ensuite été légèrement humidifié à l’aide d’un vaporisateur afin de relaxer le support. Parallèlement, les angles du bâti ont été ouverts205
à intervalles réguliers afin
d’accentuer progressivement la tension au sein du support206.
Figure 153 : Fixation des bandes de tension sur les montants du bâti tenseur à l’aide d’une agrafeuse.
Figure 154 : Ouverture progressive des angles du bâti.
Tout au long de cette mise en tension, le revers de la toile a continué d’être légèrement humidifié, jusqu’à ce que le support trouve finalement son équilibre et une bonne planéité. Observations : Les déformations horizontales, laissées par l’ancien pliage du support, ont été totalement résorbées suite à cette mise en tension. Les plis en relief que l’on pouvait observer auparavant (Figure 143 et Figure 144) avaient également disparus, mais de très petites déformations résiduelles subsistaient tout de même en ces zones. Les facteurs chaleur, humidité et pression207 ont alors été apportées une nouvelle fois pour les faire disparaitre. Cela fait, ces zones ont été consolidées provisoirement208 grâce à des fils de pontage, en employant la même technique que celle de la consolidation des déchirures.
Figure 155 : Revers observé sous lumière rasante après la mise en extension sur bâti.
204
Cette méthode a été choisie afin d’obtenir une tension uniforme. Pour ouvrir les quatre angles du bâti tenseur de manière uniforme, le même nombre de tour de clef a été apporté successivement à chacun. 206 La tension apportée par l’ouverture des angles du bâti tenseur s’est faite sur plusieurs jours, jusqu’à observer une tension du support satisfaisante. 207 La même méthode a été utilisée précédemment dans le cadre des remises à plat localisées des déformations, voir p. 119. 208 Cette consolidation provisoire a été réalisée dans un souci de sécurité, dans le cas où les lèvres des coupures se seraient écartées par la suite. 205
128
V.13 Consolidation de la couche picturale V.13.1 Préparation du revers à l’imprégnation Avant d’imprégner le revers de la toile au Plexisol®, le support devait être préparé pour une
bonne
diffusion
de
l’ensemble de la surface.
l’adhésif
sur
La zone où se
trouvait l’ancienne pièce de renfort comportait encore de la cire, ce qui aurait pu empêcher la bonne pénétration de l’adhésif, nuisant ainsi au bon refixage de cette zone.
Figure 156 : Passage de la spatule chauffante sur la zone imprégnée de cire, sur table basse pression.
La cire a donc été de nouveau grattée et retirée au scalpel, en ayant préalablement ramolli cette dernière avec du White-Spirit®. L’œuvre a été également
placée
sur
table
aspirante, chauffée localement209 à une température d’environ 65°C, le revers face à la table (voir Figure 156).
Figure 157 : Revers, avant et après nettoyage.
Un film de Melinex®, avec une ouverture à la dimension de la zone imprégnée de cire, a été intercalé entre la table basse pression et le tableau. Pour finir, un papier absorbant a été placé au niveau de cette ouverture, pour recueillir la cire qui devait s’extraire du support par le biais de la chaleur et de l’aspiration. Une fois la cire extraite, l’ensemble du revers210 a été gratté délicatement au scalpel afin de supprimer au maximum la crasse qui se trouvait incrustée au sein de la toile et ainsi permettre une meilleure pénétration de l’adhésif de refixage (le Plexisol®) dans celle-ci211.
209
Une spatule chauffante (réglée à 65°C) a été passée sur la face de l’œuvre, préalablement protégée par un film de Mélinex®, au niveau de la zone du support imprégnée de cire. 210 L’inscription au revers a cependant été contournée pour éviter que celle-ci se trouve atténuée. 211 Au cours de cette opération, les fils de pontage provisoires ont été retirés.
129
V.13.2 L’imprégnation générale de l’œuvre Le revers nettoyé, trois couches de Plexisol® ont été appliquées au spalter. Comme pour les bandes de tension, la première et la seconde couche ont été réalisées à l’aide de Plexisol® diluée à 5% dans du White-Spirit® et la dernière, à l’aide de Plexisol® diluée à 10% dans du White-Spirit®, en laissant un temps de séchage de 12 heures entre chaque couche212.
V.13.3 La consolidation de la couche picturale Pour la consolidation213 de la couche picturale, le revers de l’œuvre214 a été placé sur la table à basse pression. Deux couches de papier Bolloré® plus une toile de Tergal® ont permis de séparer l’œuvre de la table aspirante. Ces couches, poreuses, n’empêchent pas l’aspiration mais évitaient que la table ne « marque » le revers du tableau. Une ouverture aux dimensions de l’œuvre, a été découpée dans un film de Melinex®, celui-ci étant également positionné sous le tableau215 afin de favoriser l’aspiration. Pour finir, une bâche a été disposée sur l’ensemble, et la table basse pression mise en route (voir Figure 158). La pression et la température ont été augmentées jusqu’à obtenir une température de 65°C sur la surface de la table et une pression de 100 hPa. Ces valeurs atteintes, la chaleur a été arrêtée (le refroidissement est mis en marche) et la pression mise à son maximum (environ 160 bar). La pression a ensuite été réduite progressivement jusqu’à son arrêt.
Figure 158 : Réactivation de l’adhésif sur table basse pression.
La température, quant à elle, est retombée à 30°C.
212
Le port du masque fut indispensable tout au long de cette opération. Ce dernier comprend la réactivation de l’adhésif (le Plexisol®), combiné à une pression exercée sur la couche picturale 214 Celle-ci est toujours en tension sur bâti. 215 L’œuvre est placée sur le film de Mélinex® au centre de cette ouverture. 213
130
V.14 Incrustations du support V.14.1 Mastics provisoires :
La couche picturale, en grande partie lacunaire sur les bords des déchirures, rendait risquée la pose des incrustations en ces zones. Effectivement, le support y semblait légèrement enfoncé vu du revers (voir Figure 159), ce qui aurait pu nuire à une bonne planéité de l’ensemble par la suite. L’œuvre de nouveau placée sur la table basse pression216,
Figure 159 : Schéma des bords des déchirures, présentant un léger enfoncement du support là où le feuil est absent.
des ouvertures ont alors été découpées217 dans la protection de surface constituée alors d’une couche de papier Japon® additionnée d’une couche de papier Bolloré®. Une fois la couche picturale visible et nettoyée, des mastics ont été appliqués à l’aide d’une petite spatule souple
Figure 160 : Même zone après l’application du mastic provisoire.
dans les zones concernées. Ces derniers « remplacent », par leur épaisseur, la couche picturale disparue. Les bords de la déchirure ont ainsi été remis à niveau, dans le plan de l’œuvre (voir Figure 160 et Figure 161). Après le séchage des mastics, une nouvelle protection au papier Bolloré® et à la Methylcellulose a été déposée sur la zone. L’œuvre a ensuite été retirée de la table aspirante et reposée sur son plan de travail. Observations :
Figure 161 : Mastics provisoires appliqués sur le support « nu », au niveau de la déchirure complexe.
Le revers est devenu parfaitement plan après le passage sur la table aspirante. D’autre part, les ouvertures effectuées dans les papiers de protection ont permis de vérifier que le refixage de la couche picturale avait bien fonctionné, les écailles restant solidement fixées au support.
216
Seule l’aspiration est mise en route, la chaleur n’étant pas nécessaire au cours de cette opération. Pour réaliser les ouvertures, au sein des papiers de protection de l’eau a été déposée sur la protection de surface à l’aide d’un pinceau, puis le papier mouillé a été retiré délicatement à la main. 217
131
V.14.2 La pose d’incrustations : La découpe Le matériau utilisé pour les incrustations est une toile possédant une contexture et une épaisseur proches de celle d’origine, encollée et préparée industriellement. Pour que celle-ci puisse s’insérer au mieux dans les lacunes du support, ses contours devaient être le plus précis possible. Un film de Melinex® a donc été fixé sur le support original à l’aide de papier adhésif (Tesacrep®). Les limites des lacunes de support pouvaient ainsi être reproduites sur le film transparent avec un feutre indélébile. Puis la toile d’incrustation a été tendue sur un support plan en bois et recouverte du film Melinex® sur lequel les contours des lacunes de support ont été précédemment reproduits. Le tout étant maintenu par des agrafes218, les futures incrustations ont alors été délicatement découpées à l’aide d’un scalpel en suivant les lignes dessinées. La pose La toile d’incrustation a été posée dans la lacune, de manière à ce que les fils de trame et de chaîne des deux toiles gardent le même sens. Leurs bords, au même niveau, ont ensuite été scellés avec du Plextol®B500 épaissi au Xylène. La lacune, liée à la déchirure complexe, ne pouvait être comblée par une unique pièce d’incrustation. Sa taille et sa forme délicate en nécessitait donc plusieurs (voir Figure 163). Chacune d’entre elles ont été ajustées de manière précise pour pouvoir s’y insérer.
Figure 162 : Incrustations observée sous lumière rasante. Figure 163 : Délimitations des différentes pièces d’incrustations nécessaires au comblement de la lacune. 218
Cette toile d’incrustation a préalablement été imprégnée de Plexisol® (et réactivée à la chaleur) de la même manière que le support de l’œuvre au cours de l’imprégnation, afin d’établir une certaine cohérence mécanique entre les deux toiles.
132
Pour les lacunes de plus petite dimension, une seule pièce d’incrustation ou de la bourre219 fut employée.
Figure 164 : Lacune de petite dimension (moins de 5 mm) à proximité de l’ancienne pièce de renfort, comblée avec de la « bourre ».
V.14.3 Les fils de pontage : Afin de consolider les incrustations, des fils de pontage, parallèles entre eux, ont été posés perpendiculairement au sens de la déchirure, réduisant ainsi, le risque que les bords de l’incrustation et de la déchirure ne s’écartent par la suite. Les fils utilisés sont des fils d’Origam®, très fins et résistants, qui répondent aux objectifs recherchés, à savoir un bon maintien des incrustations, et une faible visibilité de ces derniers au revers. Ils ont été posés à l’aide de Plextol®B500 épaissi au Xylène, tous les quatre millimètres les uns des autres environ. Les diverses coupures du support (voir Figure 82 p. 75) ont également été renforcées avec la même méthode, en prenant soin de poser un joint de colle dans la fente. Un film Melinex® a ensuite été posé sur les fils de pontage et l’adhésif réactivé à l’aide d’une spatule chauffante220.
Figure 165 : Réactivation des fils de pontage à la spatule. 219 220
Figure 166 : Coupure consolidée à l’aide des fils d’Origam® et du Plextol®B500 épaissi.
Mélange de fibres de toiles et d’adhésif Plextol®B500 dans notre cas. Sa température est montée à environ 65°C.
133
V.14.4 L’aspect esthétique du revers Le revers restant visible par la suite, il était indispensable de « camoufler » les incrustations de toile. Celles-ci, de couleurs plus claires (non oxydées) contrastaient fortement avec le support original. Ayant été préalablement imprégnées au Plexisol®P550, une « retouche » à l’aquarelle ne pouvait être effectuée, cette dernière restant à la surface de la toile 221, sans pénétrer dans les fibres de la toile d’incrustation. Des pigments ont été alors mélangés à du White-Spirit® et finement broyés sur une plaque en marbre. Après avoir réalisés des tests de couleur sur des échantillons de toile, la couleur finale a pu être finalement déposée sur la toile d’incrustation avec un pinceau.
Figure 167 : Essais de couleurs et aspect des incrustations avant et après retouche.
V.15 Le doublage transparent : V.15.1 Préparation de la toile de doublage : Une toile de polyester monofilament222 (Sefar Pet®) a été tendue en droit-fil sur un bâti provisoire possédant un format supérieur à celui maintenant l’œuvre. Ainsi, ce dernier pourra s’y insérer aisément lors du doublage, les deux supports restant en tension tout au long de l’opération. L’œuvre possèdera également des bords plus larges, qui lui permettront d’être convenablement remontée sur son châssis neuf. Un film de Melinex® a ensuite été tendu et fixé sur ce bâti à l’aide d’agrafes, de manière à offrir une surface parfaitement lisse et plane. Lors des premières applications des couches de 221 222
Le Plexisol® est insoluble à l’eau. Voir fiche technique toile de polyester monofilament Sefar Pet® en annexe p. 209.
134
Plextol®B500, ce film empêche l’adhésif de traverser totalement les mailles de la toile de doublage, et permet également de lui donner un aspect homogène. Des bandes de papier adhésif ont également été disposées sur la toile de doublage à la dimension du tableau (bords de rabats compris), afin de délimiter la zone à encoller.
Figure 168 : Toile de doublage et film de Melinex® tendus sur bâti.
La toile de doublage a ensuite été imprégnée de plusieurs couches de Plextol®B500. Les deux premières, composées de Plextol®B500 dilué à 50% dans de l’eau ont été appliquées avec un pinceau, pour combler, dans un premier temps, l’intégralité des mailles du tissu223. Puis, avec du Plextol®B500 épaissi au xylène, une dizaine de couches fines ont été appliqués pour obtenir un
Figure 169 : Application de l’adhésif au travers d’une gaze à l’aide d’une spatule.
film d’adhésif plus épais, dont l’adhésion au support original se fera par contact et non pas par pénétration. Une raclette associée à une gaze (selon la technique Mehra224), ainsi qu’un rouleau, ont été utilisés afin de monter progressivement le film d’adhésif en épaisseur et de le rendre le plus homogène possible (le rouleau permet également de former un film avec une multitude
Figure 170 : Application de l'adhésif au rouleau.
d’aspérités favorisant l’accroche mécanique (voir Figure 169 et Figure 170). Chacune de ces couches ont été appliquées après le séchage de la précédente. V.15.2 Le doublage :
Figure 171 : Aspect du film de Plextol®B500 après séchage.
Après le séchage complet des couches de Plextol®B500225, l’œuvre est maintenue par la face au moyen d’un non-tissé226. Les anciennes bandes de tension ont alors été retirées afin de libérer le revers.
223
Une fois ces couches appliquées et sèches, le film de Melinex® est retiré pour un meilleur séchage de l’adhésif. 224 MEHRA, V.H. “Comparative study of conventional relining methods and materials research towards their improvement”, ICOM Committee for Conservation, Interim Report, Madrid, 1972. 225 Le doublage a été réalisé une semaine après l’application de la dernière couche de Plextol®B500. 226 Le non-tissé a été appliqué sur l’œuvre avec une colle de pâte diluée.
135
V.15.2.1 Préparation de la table basse pression : La table à basse pression est préparée en superposant premièrement deux couches de nontissé polyester et une couche de Tergal® (celle-ci empêche que l’œuvre n’adhère à la table au cours de l’opération). Un film de Melinex® est disposé sur l’ensemble, avec une ouverture découpée aux dimensions de l’œuvre. Cela favorise la pression au cours de l’opération et donc le scellage des deux supports.
Figure 172 : Doublage de l'œuvre sur table basse pression.
La toile de doublage est alors placée au centre de l’ouverture, sa partie encollée dirigée vers le haut. V.15.2.2 Le scellage des deux toiles : Une fois tous les éléments en place, l’adhésif de doublage a été réactivé au Xylène au moyen d’un spalter large227. Le revers de l’œuvre a alors été placé en contact avec l’adhésif réactivé et l’ensemble recouvert d’une bâche élastique et transparente.
Bâche transparente Œuvre, face vers le haut Toile de doublage encollée et réactivée Melinex® avec ouverture découpée aux dimensions du tableau Tergal® Table basse pression
Non-tissé polyester épais x 2
Figure 173 : Schéma du montage du doublage.
La table basse pression est alors mise en route. Lorsque la pression a atteint environ 160 bars et une température de 65°C, cette dernière est arrêtée et la pression diminuée progressivement jusqu’à son arrêt total (la température de la table est alors retombée à une trentaine de degrés).
227
Le masque est nécessaire lors de cette réactivation, les émanations de solvant étant importantes.
136
V.16 L’allégement de vernis Il a été choisi de réaliser les opérations de support avant l’allégement du vernis original, car il semblait inadapté et risqué d’effectuer cette intervention à plat, sur un tableau déformé et libre de son châssis228. Pour permettre un travail à la verticale limitant la pénétration des solvants au sein de l’œuvre, deux possibilités étaient envisageables : La première option était de réaliser l’allégement de vernis après la pose d’incrustations et la consolidation des déchirures en maintenant l’œuvre tendue sur un bâti tenseur par le biais de bandes de tension. Cependant, malgré la réalisation des précédentes opérations (incrustations et consolidation des ruptures du support), une tension périphérique de l’œuvre sur bâti durant l’allégement du vernis nous semblait risquée pour la bonne tenue de l’ensemble. Effectivement, même en exerçant une tension réduite de la toile en périphérie, on risquait au cours de l’allégement du vernis, de voir apparaître une remontée des déchirures, ou, encore, de rouvrir la grande déchirure complexe et lacune se situant dans l’angle supérieure dextre, cette zone restant particulièrement sensible. Il paraissait alors préférable de choisir la deuxième option qui prévoyait la réalisation du doublage transparent avant l’allégement du vernis. Avec un renfort général du support, le travail à la verticale était alors rendu moins risqué pour le maintien des déchirures et des incrustations. V.16.1 Le délitage des papiers de protection : Suite au doublage, jugé satisfaisant par son aspect homogène et les inscriptions au revers restant correctement visibles, le délitage des papiers de protection pouvait être engagé. Ces papiers ont été retirés en humidifiant tout d’abord l’ensemble de la face à l’aide d’un vaporisateur et d’une éponge. Une incision superficielle fut ensuite réalisée au centre de l’œuvre, permettant ainsi de retirer progressivement et
Figure 174 : Délitage des papiers de protection, du centre vers l’extérieur, couche après couche.
délicatement les différentes couches du centre vers l’extérieur.
228
Malgré une couche picturale relativement épaisse dans son ensemble, un travail à plat pourrait favoriser la pénétration des solvants au sein de celle-ci, en partie à travers les réseaux de craquelure et les différentes lacunes.
137
V.16.2 L’allégement de vernis V.16.2.1 Opérations préalables : Une fois tous les papiers de protection retirés, la surface a tout d’abord été nettoyée à l’aide de petits cotons imbibés d’eau déminéralisée afin d’éliminer les résidus de colle de pâte. Toujours maintenue sur le bâti tenseur, l’œuvre fut ensuite placée à la verticale. V.16.2.2 L’allégement du vernis : Contrairement à ce qu’il avait pu être observé lors des premiers tests229 (avant les opérations de support), le mélange Isooctane/Isopropanol en proportions 50 : 50, s’avérait être plus efficace. Lors de son application au coton, le vernis se solubilisait plus rapidement avec une action mécanique faible. L’association de l’Isooctane et de l’Isopropanol en proportions 50 : 50 paraissait donc posséder les qualités requises pour alléger l’ensemble de la couche de vernis présente sur la couche picturale. Les pigments bleus et rouges qui montraient une certaine fragilité lors des tests
Figure 175 : Allégement du vernis en cours, au niveau du visage de la fileuse.
semblaient également être devenus plus résistants, probablement à la suite du refixage généralisé de la couche picturale. Cependant, au cours de l’allégement de zones plus importantes, l’action de ce mélange de solvant s’est avéré ne pas être
totalement
satisfaisante.
Effectivement,
désirant
un
allégement homogène du vernis, une action mécanique plus poussée était parfois nécessaire là où le vernis semblait plus épais230, présentant alors un danger potentiel pour les couches colorées. D’autre part, la réalisation de cette intervention a mis en
Figure 176 : Allégement en cours du vernis, au niveau de la cheminée.
évidence la présence de glacis, ou d’un jutage particulier, que l’artiste avait utilisé en finition. Vraisemblablement fragile aux passages successifs du coton sur la surface du tableau et difficilement distinguable de la couche de vernis oxydée en lumière du jour, cela a exigé d’effectuer une grande partie de l’allégement du vernis sous
229 230
Voir tests d’allégement du vernis p. 107. En particulier dans les empâtements de la partie senestre du tableau.
138
lumière ultraviolette afin de mieux visualiser et contrôler l’action du solvant sur la couche picturale de l’œuvre. Le mélange Isooctane / Isopropanol en proportions 40 : 60 ayant montré une bonne efficacité lors des tests, a été employé ponctuellement sur ces zones délicates. Ayant une action de solubilisation plus rapide du vernis en surface, il demandait une action mécanique moins importante pour le retirer, permettant ainsi la conservation de ces « glacis ». A l’issue de cette opération, la surface de l’œuvre a été rendue plus homogène et certains éléments de la composition, ainsi que la palette originale de l’artiste pouvaient être alors mieux appréciés.
V.17 Montage de l’œuvre sur châssis neuf Une fois les opérations de nettoyage terminées, l’œuvre a été montée sur son nouveau châssis. Ce dernier, en croix de Loraine, à clefs et chanfreiné, a été poncé, teinté au brou de noix et ciré, afin de le protéger et lui apporter une certaine patine. La forme en croix de Lorraine a été choisie, car elle permettait de laisser la signature de l’artiste présente au revers du tableau clairement visible. Les bords de rabat ont été agrafés sur les montants du châssis, puis l’excédent de toile coupé et replié sur le revers. Un papier Kraft® a également été posé de manière provisoire de manière à finaliser la tension de l’œuvre. De même les clefs ont permis de parfaire cette dernière231, en tapant progressivement sur celles-ci.
Figure 178 : Inscriptions visible au travers du doublage transparent. Figure 177 : Revers du tableau après montage de la toile sur son châssis.
231
Il a été jugé plus cohérent d’apporter une tension légèrement plus faible lors de la mise en tension sur le châssis, de manière à la contrôler plus progressivement par la suite avec les clefs.
139
V.18 Le masticage des lacunes Une fois les opérations de support terminées et la surface du tableau rendue suffisamment homogène par les opérations de nettoyage, le masticage des lacunes picturales pouvait débuter. La pose de mastics permet de remettre à niveau l’ensemble de la couche picturale et sert ainsi de base à la réintégration chromatique. Au cours de cette opération, les mastics peuvent être structurés de manière à reproduire le plus fidèlement possible la facture de l’œuvre. Etapes : Toujours conscient de devoir conserver le revers visible, un premier mastic prêt à l’emploi de la marque Modostuc®, de couleur terre, a été déposé au fond des lacunes. Celui-ci, d’une tonalité proche de celle de la toile d’origine, ne vient donc pas perturber l’ensemble en traversant les mailles du support232. Appliqué avec une spatule souple et un pinceau fin, il a ensuite été ragréé au moyen d’un coton humide, d’un scalpel,
Figure 179 : Premier masticage des lacunes avec un mastic brun.
puis d’une chamoisine, afin d’obtenir dans un premier temps, un mastic légèrement en dessous du niveau de la couche picturale. Puis un second mastic de couleur blanche233a été appliqué, en prenant soin, cette fois-ci, de le rendre homogène, lisse, et au même niveau que celui de la couche picturale, lors du ragréage. Cette étape terminée, la structuration de ces mastics était
Figure 180 : Second mastic blanc.
alors indispensable afin de reproduire la texture de la couche picturale et de parfaire leurs intégrations à la surface du tableau. La technique de l’artiste offrant des surfaces fines et lisses ainsi que des zones plus épaisses et empâtées, différentes méthodes furent nécessaires
Figure 181 : Schéma de la superposition des deux mastics dans une lacune picturale.
pour obtenir un résultat satisfaisant. Un coton humide, 232
Comme nous avons pu le remarquer lors du constat de l’œuvre, certaines lacunes picturales totales vont jusqu’à l’encollage voire le support toile et ne peuvent donc pas empêcher le mastic de s’introduire au sein des mailles du support d’origine. 233 De la marque Modostuc® également.
140
un crochet de dentiste, un pinceau ainsi qu’un scalpel ont été les principaux outils utilisés lors de cette étape. Le mastic de la marque Modostuc® a été choisi pour sa facilité d’application, sa bonne réversibilité à l’eau, mais également pour son aspect et sa texture après séchage qui lui permettent d’être structuré convenablement234.
Figure 182 : Mastics en cours de structuration dans l'angle supérieur dextre.
Figure 184 : L’entière réalisation des mastics a été réalisée sous lampe rasante.
Figure 183 : Œuvre après le masticage des lacunes.
234
De plus, l’emploi d’un matériau de nature industrielle, nous permet de garder une certaine cohérence avec l’ensemble de nos interventions mettant en œuvre principalement des matériaux de nature synthétique. Voir fiche technique du Modostuc® en annexe p. 213.
141
V.19 La réintégration picturale Une fois les mastics achevés et structurés, un premier vernis a été appliqué au spalter sur toute la surface du tableau. Une résine Dammar en solution à 10 % dans du White-Spirit® a été choisie afin de retrouver une bonne saturation des couleurs. Du Tinuvin®292 a été ajouté au mélange en tant que stabilisant (2% du poids de la résine). Á la suite de cette opération, la lecture de la surface peinte et de son relief est alors rendue plus évidente, permettant ainsi un dernier réajustement des mastics au pinceau. Les mastics épais et poreux, entraînant des matités en absorbant le médium de la retouche, ont nécessités plusieurs passages locaux avec du vernis Laropal®A81235 dilué à 20% dans du diacétone alcool afin de les isoler. A l’issue de cette opération, la retouche chromatique à l’aide des couleurs prêtes à l’emploi Gamblin Conservation Colours®, pouvait débuter. Cherchant à reproduire la technique de l’artiste, des aplats assez couvrants ont tout d’abord été réalisés en se basant sur les couleurs observées au niveau des sous couches visibles à la surface de l’œuvre. Ceux-ci achevés, une nouvelle saturation au vernis Laropal®A81 a été nécessaire, des matités étant présentes dans certaines zones236. Une fois ces dernières estompées, le tableau a été verni au spalter une seconde fois, toujours avec une résine Dammar diluée à 10 % dans du White-Spirit®. La surface du tableau obtenue était alors plus homogène et les couleurs rendues plus profondes que lors du premier vernissage.
Après le séchage complet du vernis, la retouche illusionniste a été réalisée, en superposant de nombreux glacis et en alternant des points et des traits colorés. De légers glacis furent également appliqués sur les zones usées de la couche picturale. De manière à réintégrer le plus fidèlement possible l’angle supérieur dextre de l’œuvre, et plus particulièrement le dessin de la statuette sur la cheminée, nous nous sommes inspirés de la gravure de l’œuvre, retrouvée dans le catalogue illustré du salon de la société nationale des Beaux-Arts de 1901.
235 236
Figure 185 : Détail de la gravure de la Vieille femme au rouet, catalogue illustré du salon de la SNBA de 1901.
Le Laropal®A81 est le liant des couleurs Gamblin®. L’utilisation de pigments sombres comme les terres, favorise l’absorption du médium de la retouche.
142
Figure 186 : Angle supérieur dextre avant restauration, après masticage des lacunes, et après la réintégration chromatique.
Les couleurs principalement utilisées au cours de cette réintégration picturale sont les suivantes :
terre verte / terre d’ombre naturelle / terre d’ombre brulée / terre de Sienne naturelle
ocre jaune
alizarine
noir d’ivoire
blanc de titane
Figure 187 : Réintégration chromatique en cours de réalisation.
Une fois la retouche terminée, un dernier vernissage local (au moyen d’un pinceau fin), au Laropal®A80 dilué à 20% dans du diacétone alcool, a été effectué afin d’ajuster les matités présentes à la surface.
V.20 Vernis final Enfin, l’ensemble de la couche picturale a été rendue plus homogène et harmonieuse par la pose d’une couche de protection finale sur celle-ci. Pour cela une solution de la résine Regalrez®1094 diluée à 15% dans du White-Spirit® a été appliquée en pulvérisation sur toute la surface peinte de l’œuvre. Cette couche de vernis finale constitue également une protection contre les rayonnements lumineux susceptibles de provoquer, à terme, un jaunissement de la résine Dammar composant le vernis intermédiaire.
143
V.21 Bordage final Une fois la retouche terminée et l’aspect de surface homogénéisé, le papier de bordage provisoire fut retiré pour être remplacé par de nouvelles bandes de papier Kraft® afin de finaliser la restauration de l’œuvre.
Figure 188 : Aspect final de l’œuvre après les interventions de restauration.
Figure 189 : Aspect final du revers après les interventions de restauration. Les clefs du châssis ont été sécurisées à l’aide de ficelle de lin.
Conclusion A l’issue du traitement de conservation-restauration, la Vieille femme au rouet peint par Pierre-Amédée Marcel-Beronneau semble avoir retrouvée l’intégrité et la lisibilité que nous espérions, et peut être alors à nouveau appréciée à sa juste valeur La mise en œuvre d’un doublage transparent a pu répondre aux objectifs fixés au préalable, en garantissant à l’œuvre une nouvelle stabilité par un renfort satisfaisant du support original, tout en laissant visible le revers de la toile, ses inscriptions et les traces de ses anciennes altérations, témoins importants de l’histoire de l’œuvre. De même les interventions sur la couche picturale ont permis de retrouver toutes les nuances et la profondeur des couleurs, mettant alors en valeur la technique picturale employée par l’artiste.
144
Fruit d’un long travail de réflexion et de patience, cette restauration nous aura été fortement enrichissante de par la diversité des opérations. Ayant été probablement le premier à intervenir sur cette œuvre, nous espérons que les choix que nous avons pu faire répondent aux objectifs et à la déontologie de la restauration.
145
146
PARTIE 3
ETUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE Étude du Plextol®B500 selon son application en une ou plusieurs couches transparence et résistance à la traction de l’adhésif avant et après sa réactivation.
147
I. Introduction de l’étude I.1
Généralités : Lors de la réception de notre œuvre, celle-ci se trouvait fortement fragilisée. Le
support toile comportait, entre autres, une importante lacune de toile dans le coin supérieur dextre, prolongée d’une déchirure complexe d’une longueur d’environ 50 cm. Une autre déchirure simple d’environ 5 cm de long était également présente dans la partie supérieure senestre. Au revers de la toile, se trouvent la date de sa réalisation, la signature de l’artiste, ainsi que l’adresse de son atelier à Paris. Ces précieuses informations concernant l’identité de l’auteur et le contexte historique de notre tableau, se devaient alors d’être conservées au cours de nos traitements de restauration, nous amenant ainsi à réaliser un doublage transparent.
I.2
Enjeu de l’étude, problématique : L’application de l’adhésif Plextol®B500 sur la toile de doublage se faisant bien souvent
de manière empirique au cours de cette opération, nous avons voulu déterminer si le nombre de couches appliquées et l’épaisseur totale du film obtenu, avaient une réelle influence sur la transparence, ainsi que sur les caractéristiques mécaniques de ce dernier. Comme nous le verrons par la suite, le scellage de la toile de renfort au support original, peut impliquer l’utilisation ou non de la chaleur et / ou de solvants. C’est pourquoi nous avons également décidé d’étudier l’influence de ces paramètres sur les caractéristiques optiques et mécaniques de cet adhésif. Dans un premier temps nous étudierons la technique du doublage, les matériaux employés lors de cette opération et notamment l’adhésif Plextol®B500. Puis dans une seconde partie, le protocole expérimental sera présenté, ce dernier comprenant les tests envisagés (tests de transparence, de traction), ainsi que la mise en œuvre des échantillons. Enfin les résultats de ces tests seront exposés et analysés afin de répondre à nos interrogations.
148
II. Le doublage : II.1 Définition et historique du doublage Contrairement à l’opération de rentoilage qui consiste à appliquer une toile de renfort au revers d’une toile originale, altérée, au moyen d’un adhésif naturel (colle de pâte, cire-résine) pénétrant dans les strates sus-jacentes au support, le doublage est une alternative à ce procédé, employant un adhésif synthétique ne pénétrant pas (ou peu) au sein de la stratigraphie de l’œuvre237. Ce procédé, fait son apparition dès les années 30238 aux Etats-Unis et fait son entrée en Europe au cours des années 1950239. Mais c’est essentiellement à partir des années 70 et 80 que les résines synthétiques s’imposent dans la technique du doublage. Le développement de celles-ci s’est fait, non seulement dans un souci d’amélioration de la réversibilité et de la stabilité des matériaux employés, mais également dans le but de réduire les facteurs apportés au cours d’un rentoilage traditionnel (chaleur, pression et humidité), ces derniers risquant d’endommager l’intégrité physique des peintures240. Les adhésifs utilisés sont alors essentiellement des résines acryliques et vinyliques241. Les différents procédés de mise en œuvre du doublage : Cette opération peut être pratiquée selon plusieurs manières. Plus généralement réalisé avec la pose d’un adhésif tel que la Beva®341 ou le Plextol®B500242, les méthodes d’application de l’adhésif sur la toile de doublage (synthétique, naturelle, ou mixte) sont diverses, et peut nécessiter l’emploi d’un (ou plusieurs) tissu intermédiaire (non-tissé en
237
BERGEON, S. Peinture et dessin, vocabulaire typologique et technique, Paris : Editions du Patrimoine, 2009, p. 633. 238 Ces adhésifs sont alors essentiellement basés sur l’acétate de vinyle. STOUT, G.L., GETTENS, R.J. « The problem of lining adhesives for paintings », Technical studies in the field of the fine arts, n°2, vol. 2, 1933, p. 169-181. 239 BERGEON, S. Op. cit., p. 531. C’est également au milieu des années 1950 qu’est introduite la table chauffante à basse pression, celle-ci permettant une répartition homogène de la chaleur et de la pression. Elle était alors essentiellement destinée aux opérations de rentoilage à la cire-résine. ACKROYD, Paul. « The structural conservation of canvas paintings : changes in attitude and practice since the early 1970s », Reviews in conservation, 2002, n°3, p. 2. 240 ACKROYD, Paul. Op. cit., p. 2. 241 BERGEON, S. Op. cit., p. 531. 242 Après un développement rapide des techniques de doublage dans les années 1970-1980, celles employant la Beva®371 et les dispersions acryliques sont aujourd’hui les choix les plus populaires, contrairement à l’utilisation d’adhésifs de rentoilage d’origine naturelle (colle de pâte et cire-résine). ACKROYD, Paul. Op. cit., p. 6. Un sondage réalisé au mois de mars 2011 auprès de restaurateurs professionnels montre clairement une préférence de ces derniers pour l’emploi de ces deux adhésifs. D’HAENENS, Manon. La pénétration des adhésifs de doublage, 2013. (http://ceroart.revues.org/3082, site web, consulté en ligne le 25/04/2014).
149
polyester par exemple)243. De même, le scellage de la toile de doublage au revers de l’œuvre originale peut faire appel ou non à la chaleur et à l’emploi de solvants. La pression exercée est également variable selon la technique employée. Des procédés comme celui du cold lining (doublage à froid) mis au point par Mehra en 1972244, s’effectue, comme son nom l’indique, sans apport de chaleur, en scellant sur une table basse pression, la toile de renfort préalablement enduite de l’adhésif245 au revers de la toile originale. Au contraire, le doublage thermoplastique, induit un scellage à chaud des deux supports. Une fois sec, l’adhésif appliqué sur la toile de doublage, est « activé »246 par une source de chaleur (table chauffante à basse pression, rayonnement infrarouge…) puis l’œuvre est délicatement disposée sur cette dernière. L’ensemble est alors soumis à une pression (table basse pression, à vide partiel…). Les adhésifs les plus aptes à un tel procédé sont des adhésifs polyacryliques à base d’acétate de polyvinyle ou des mélanges de résines synthétiques et de cires microcristallines comme la Beva®371247. La chaleur peut être également substituée par l’emploi d’un solvant248, afin de réactiver provisoirement le film d’adhésif249 appliqué sur la toile de doublage. A l’issue de cette opération, les deux toiles sont alors placées en contact sur table basse pression à une température modérée. Afin de favoriser la réversibilité de l’opération en limitant la quantité d’adhésif apportée, des procédés comme le nap-bond-lining250 ou l’encollage « par points »251, respectivement inventés par Mehra, en 1975, et Heiber en 1987 firent également leurs apparitions. L’adhésif 243
Le revers devant rester le plus visible possible dans notre cas, cette couche intermédiaire ne fut pas employée. Mehra, V.H. “Comparative study of conventional relining methods and materials research towards their improvement”, ICOM Committee for Conservation, Interim Report, Madrid, 1972. 245 Ses premières recherches amenèrent Mehra à employer, dans un premier temps, du Plexisol®P550 (méthacrylate de butyle en solution à 40 % dans une essence proche de l’essence F) épaissi avec 1 à 2 % de Natrosol® (hydroxy-éthyle-cellulose), puis du Plextol®B500. NICOLAUS, K. Op. cit., p. 128. ACKROYD, P. Op. cit., p. 2-3. 246 Knut Nicolaus entend ici rendre l’adhésif collant par un ramollissement de la résine. Cela dépend de la nature de la résine, certaines nécessitant un apport de chaleur modéré (Lascaux®360 HV, Plextol®D360, par exemple) et d’autres un apport de chaleur plus conséquent (Lascaux®489 HV, Plextol®D489, Beva®371). NICOLAUS, K. Op. cit., p. 128-129. 247 Idem, p. 129. 248 Le solvant employé est généralement le même que celui utilisé en tant qu’agent épaississant de l’adhésif de doublage tel que le Xylène ou le Toluène par exemple. Ibid., p. 130. 249 Toujours après le séchage de ce dernier. 250 L’application de l’adhésif sur la toile de doublage se fait au travers d’une gaze (en matière synthétique) au moyen d’une spatule. NICOLAUS, K. Op. cit., p. 128. 251 Un film sec de Beva®371 (préalablement appliqué sur un papier siliconé) est transféré sur la toile de doublage, au moyen d’un fer à repasser, puis fondu au séchoir. Par un phénomène de retrait, l’adhésif est alors uniquement présent sur les fibres supérieures de la toile (interstices libres). Idem, p. 130. 244
150
n’était alors plus appliqué en couche unique, mais sous la forme d’un « quadrillage » de petits points de colle252. Le cas du doublage transparent : Lors d’un doublage transparent, les matériaux utilisés doivent permettre le renfort d’un support affaibli (oxydé, déchiré, lacunaire…), mais également de laisser le revers de l’œuvre le plus visible possible. De manière générale, des toiles fines et suffisamment résistantes, naturelles (comme la crêpeline de soie) ou synthétiques (de type polyester253, nylon, monofilament comme l’Origam® par exemple, et la toile en fibre de verre254), sont utilisées avec les adhésifs Plextol®B500 ou la Beva®371, ayant, entre autres, une bonne transparence après séchage. L’utilisation de couches intermédiaires n’est pas conseillée, réduisant la transparence de l’ensemble.
II.2 Le Plextol®B500 Dispersion aqueuse d’un copolymère à base d’acrylate d’éthyle (60%) et de méthacrylate de méthyle (40%)255, cette résine a premièrement été utilisée comme adhésif de doublage, par Vishwa Raj Mehra au début des années 70256. D’aspect blanc laiteux et de viscosité moyenne, transparent après séchage, la teneur en extrait sec des dispersions dans le commerce est environ de 50 %. Soluble dans les hydrocarbures aromatiques comme le xylène ou le toluène, les cétones et les esters (acétate d’éthyle, d’amyle), il est également diluable à l’eau257. Afin de réduire la quantité d’adhésif appliqué au cours d’un doublage, il est également possible d’épaissir le Plextol®B500, avec un éther cellulosique (méthylcellulose) ou
252
Ibid., p. 119. Les toiles de polyester sont préférables pour le renfort des toiles peintes, ayant une bonne résistance et un faible allongement à la rupture, et étant également assez rigides. HEDLEY, G. « The stiffness of lining fabrics : theorical and practical considerations », ICOM Comity for Conservation, 6th Triennial Meeting, Ottawa,1981, dans HEDLEY, 1993, p. 76-80. 254 La toile de fibre de verre associée à la cire résine, est utilisée pour la première fois par Alain G. Boissonnas en 1961. BOISSONAS, A. « Relining with Glass-Fiber Fabric », Studies in conservation, n°6, 1961, p. 26-29. 255 Et de méthacrylate d’éthyle (quelques %). Voir fiche technique Plextol®B500 en annexe, p. 211 256 Le Plextol®B500 a été employé dans le cadre des recherches de Mehra sur la possibilité d’un doublage à froid, avec un adhésif limitant un apport d’humidité comme dans le cadre d’un rentoilage traditionnel. CHEVALIER, Aurélia. « L’usage des adhésifs synthétiques. Histoire et évolution récente en restauration du support toile », Coré, n°19, SFIIC, 2007, p. 54. 257 Il est cependant insoluble à l’eau après séchage. 253
151
d’hydrocarbures aromatiques (toluène, xylène..). L’ajout de Plextol®d360 permet également de diminuer le temps de séchage et d’augmenter son pouvoir collant. Dans le cadre de notre doublage transparent, le PlextolB500 a été épaissi au Xylène. C’est donc sous cette forme que l’adhésif sera étudié.
III. Protocole d’expérimentation III.1 Les tests envisagés : III.1.1 Les tests de transparence : La transparence se définit comme étant la propriété d’une substance à transmettre la lumière dans le spectre du visible (soit à l’ensemble des ondes électromagnétiques comprises entre 380 à 780 nm environ). Celle-ci est liée, entre autres, à la nature du matériau (structure moléculaire), à son état de surface, son épaisseur, et à la longueur d’onde de la lumière incidente, dont vont dépendre ses propriétés d’absorption, de réflexion et de transmission. Effectivement, lorsqu’un matériau reçoit un rayonnement électromagnétique comme celui émis par une puissance lumineuse, celui-ci transforme ce flux incident en trois
Emission (Io)
Absorption
composantes : réfléchie, transmise et absorbée258.
Transmission (I)
Figure 190 : Schéma représentatif des phénomènes de réflexion, d’absorption et de transmission sur un matériau transparent.
Dans le cadre d’un doublage transparent, le comportement à l’absorption et à la réfraction de l’adhésif et de la toile de doublage, détermine ainsi la quantité de lumière transmise et l’apparence des objets (inscriptions au revers de l’œuvre) derrière ces derniers259.
258
LEVY, Elie, LE LIONNAIS, François (dir.). Dictionnaire de physique, Paris : Presses Universitaires de France, 1988. p.4-5. 259 Nous nous intéressons cependant au sein de notre étude, qu’au film d’adhésif sec.
152
Ainsi, en calculant la transmittance (T), correspondant au rapport de l’intensité du flux lumineux émergeant de l’échantillon (faisceau transmis, I) sur l’intensité du flux lumineux incident (Io) tel que : T = I/Io (en %), cela nous permet alors de déterminer si un matériau est plus transparent qu’un autre260. III.1.2 Les tests de traction : Ici le comportement mécanique de l’adhésif sera étudié par le biais de tests de traction. Cet essai consiste à appliquer à un échantillon (appelé également éprouvette) un effort de traction lent et continu jusqu’à la rupture de ce dernier. Celui-ci est dirigé selon son axe longitudinal à l’aide d’une machine d’essai. Il permettra de déterminer la résistance du film d’adhésif261, mais également de déterminer son module d’élasticité, indiquant alors sa rigidité. Ces essais de traction peuvent être justifiés par le fait que le doublage va être soumis à des forces de clivage et de cisaillement262. Effectivement, en tant que renfort de l’œuvre, celui-ci, sera sollicité par tous les mouvements de la toile (variations climatiques) ainsi que par les différentes manipulations (mise en tension sur châssis, transport de l’œuvre). L’adhésif de doublage se doit donc d’être suffisamment souple et résistant263 pour suivre ces mouvements et conserver son rôle de maintien de l’œuvre. Notion d’élasticité et de plasticité : Lorsqu’un solide est soumis à une sollicitation (force extérieure), des contraintes internes s’établissent. Il subit alors une déformation, résultat de modifications dans la structure interne du matériau264. Lors d’un essai de traction, en mesurant 265 simultanément la charge appliquée à l’échantillon (en Newton) et la déformation (en m) de celui-ci, ces étapes
260
Plus la valeur obtenue par ce rapport (I/Io) est élevée, plus la lumière est transmise à travers le matériau, et plus celui-ci peut être qualifié de « transparent ». BIEMONT, Émile. Spectroscopie moléculaire, Structures moléculaires et analyse spectrale, Paris : De Boeck Supérieur, 2008, p.310. 261 La résistance caractérise la contrainte maximale que peut supporter un matériau avant de se rompre. 262 ROCHE, A. « Comportement de l’adhésif dans le doublage : étude d’un doublage à froid », Conservationrestauration, Paris, 1991, n°10, p. 18. 263 Afin de ne pas se rompre, les forces de cohésion au sein de l’adhésif doivent être supérieures aux forces de cisaillement appliquées à ce dernier. ROCHE, A. Comportement mécanique des peintures sur toile, Dégradation et prévention, Paris : CNRS, 2003, p. 115-116. 264 Dans le cas particulier des polymères, il y a tout d’abord un déploiement des chaînes enchevêtrées avant que les liaisons interatomiques du squelette ne soient effectivement soumises à la contrainte. MASSCHELEINKLEINER, L. Liants, Vernis et adhésifs anciens, 3e éd. mise à jour, Bruxelles : IRPA-KIK, 1992, p. 38-39. 265 Le plus souvent par le biais d’un extensomètre ou d’un dynamomètre.
153
de déformation peuvent être étudiées, et la capacité du matériau à se déformer peut être chiffrée266. Ainsi, à l’issue de ce test, une courbe de traction peut être réalisée, celle-ci mettant en évidence les propriétés élastiques et plastiques du matériau étudié : Si lors de l’essai, le solide soumis à une contrainte267 normale () par un effort de traction s’allonge (cet allongement est alors noté ∆L), et reprend sa longueur initiale (Lo) lorsque cette même force est supprimée, son comportement est alors caractérisé d’élastique268. Cependant si la contrainte est trop importante, et que la déformation devient irréversible (le solide ne reprend pas sa forme initiale lorsque la force est supprimée), le comportement du solide est qualifié de « plastique ».269 Il peut néanmoins conserver un état élastique, mais lors de la suppression de la sollicitation, sa longueur initiale (Lo) est modifiée, par la présence d’une déformation résiduelle270. Si l’on poursuit l’augmentation de la contrainte, le solide prolonge son comportement plastique jusqu’à la rupture de ce dernier.
266
Il est alors caractérisé de « souple » ou « rigide » selon son état de déformation par rapport à la contrainte qui lui est exercée. 267 Une contrainte est le rapport d’une force sur une surface. DELCROIX, G., HAVEL, M. Phénomènes physiques et peinture artistique, Puteaux : EREC, 1988, p. 246. 268 Idem, p. 248. 269 En règle générale, cherchant à conserver l’intégrité du matériau, la limite élastique de celui-ci ne doit pas être dépassée. Les contraintes lui étant apportées doivent donc être inférieures à la contrainte limite élastique (notée e). 270 L’élasticité est alors dite incomplète. DELCROIX, G., HAVEL, M. Op. cit., p. 249.
154
III.2 Préparation des échantillons Afin de réaliser notre étude sur le Plextol®B500, deux types d’échantillons sont mis en place : Les échantillons de la série A : Composés d’une unique couche d’adhésif, ces derniers ont trois épaisseurs distinctes : 1 mm, 1.5 mm, et 2 mm. Les échantillons de la série B : Composés de plusieurs couches d’adhésif superposées, ces derniers ont également trois épaisseurs distinctes : 1 mm, 1.5 mm et 2 mm. III.2.1 La mise en œuvre Du Plextol®B500 est tout d’abord épaissi avec du Xylène dans les proportions suivantes : 2 parts d’adhésif pour 1 part de solvant. Ces proportions ont été choisies car elles ont permis l’obtention d’un mélange épais mais suffisamment fluide pour concevoir convenablement les échantillons. Celui-ci est préparé en quantité suffisante afin de réaliser la totalité ces derniers. Sur un fond en bois plan et propre, un film de Melinex® est tendu à l’aide de ruban adhésif de manière à offrir un support parfaitement lisse et homogène. La face non collante de ce film est disposée de manière à être en contact avec les échantillons de Plextol®B500. Parallèlement, quatre matrices identiques ont été préparées en découpant au cutter dans des plaques d’Astralon® (de 0.5 mm d’épaisseur) dix rectangles de
Figure 191 : Schéma d'une matrice.
5.5 x 2.5 cm (voir Figure 191). Quarante rectangles ont donc été réalisés au total. En appliquant de la colle repositionnable en spray sur l’une des faces de ces matrices, celles-ci peuvent être superposées et rendues solidaires afin de faire varier l’épaisseur des échantillons. Ce type de collage,
Figure 192 : Schéma des matrices superposées.
155
homogène, ne rajoute pas d’épaisseur entre les matrices et permet de les désolidariser ou de les refixer entre elles, selon le type d’échantillon à réaliser (voir Figure 192). Ces matrices sont ensuite disposées sur le film de Melinex®. La face en contact avec ce dernier est également recouverte d’une fine pellicule de colle repositionnable. Ainsi la plaque d’Astralon® est suffisamment adhérente au support et l’adhésif peut être appliqué sans risque à l’aide d’une spatule souple (voir Figure 193).
Figure 193 : Schéma de l'application de l'adhésif à l'aide d'une spatule souple.
Figure 194 : Schéma du retrait progressif de la matrice.
Une fois cette application terminée, la matrice est enlevée du Melinex®. Rigide, celle-ci est également parfaitement souple pour être retirée progressivement sans abimer les échantillons de Plextol®B500 en cours de séchage (voir Figure 194). Les échantillons de la série A (constitués d’une couche unique) sont ensuite laissés sur le film de Melinex® jusqu’à l’évaporation totale du solvant.
Figure 195 : Echantillon réalisé avec quatre matrices superposées, en cours de séchage.
Figure 196 : Echantillons réalisés avec une matrice, après séchage.
Concernant les couches superposées, (série B) nous avons d’abord voulu réaliser une série de couche unique de l’épaisseur d’une matrice. Une fois sèches nous revenions poser une seconde couche en superposant une deuxième matrice à la première, puis ainsi de suite avec la troisième puis la quatrième matrice (en attendant toujours le séchage de la couche précédente). 156
Cependant, après évaporation du solvant le film d’adhésif obtenu a subit un léger retrait. En appliquant une seconde couche grâce à cette technique, la quantité d’adhésif est donc plus importante que lorsque celui-ci est appliqué en une couche unique à travers plusieurs matrices (voir figure ci-dessous).
Application des couches superposées – avant et après séchage de l’adhésif.
Application d'une couche unique - avant et après séchage de l'adhésif
Figure 197 : Schéma de l’application de l’adhésif à travers les matrices et du phénomène de retrait. Dans ce schéma le retrait est de 50 % afin de bien visualiser le phénomène. Il n’est que minime dans notre cas.
Souhaitant comparer des quantités égales d’adhésif, nous avons donc décidé de réaliser une série de couches uniques de l’épaisseur d’une matrice. Une fois les échantillons à demisec, les couches ont été retirées délicatement du film de Melinex®, puis superposés (2, 3 et 4 couches) manuellement et laissés reposer jusqu’à leur séchage complet. De cette manière la quantité d’adhésif pouvait être la même que dans les échantillons de la série A. De manière générale, le séchage des échantillons de la série A et B s’est fait sur une durée de deux semaines environ afin que le solvant, présent dans les couches les plus épaisses d’adhésif, soit totalement évaporé. Tous les échantillons ont bénéficié des mêmes conditions de séchage, au sein d’un environnement stable d’une température d’environ 20 à 21°C et d’une humidité relative d’environ 50 à 60 %.
157
III.3 Les tests de transparence III.3.1 Objectif : Au cours de cette expérimentation, nous mesurons au moyen d’un luxmètre le flux lumineux traversant les échantillons de la série A et de la série B, afin de comparer leur transparence. La précision de ce Luxmètre271 est de ± 0.001 Klux soit de ± 1 Lux. III.3.2 Protocole : Une boite noire est tout d’abord fabriquée afin de minimiser l’erreur lors de la prise de mesures au luxmètre. Celle-ci écarte la présence de lumières parasites pouvant fausser les résultats. Le capteur du Luxmètre est ainsi placé dans un cylindre : Source lumineuse
noir. Ce même cylindre est fixé à une feuille de carton plume : Echantillon
noire, sous une ouverture rectangulaire percée au centre de cette dernière. L’ensemble est disposé dans une caisse (également construite en carton plume noir) comme sur le
: Partie amovible de la caisse (en carton plume noir)
Figure 198 : Schéma du montage.
schéma suivant (voir Figure 198). Une source lumineuse (LED blanche) est montée perpendiculairement au-dessus de la fente et du capteur, afin d’optimiser le flux lumineux perçu par ce dernier. Ainsi, avec cette installation lorsque la lampe ne fonctionne pas le Luxmètre indique une valeur de 0.000 klux et de 0, 137 klux lorsqu’elle est allumée. La constante de cette valeur est vérifiée avant chaque prise de mesure.
Figure 199 : Schéma du cadrage de l'échantillon par rapport à l'ouverture.
Les échantillons sont alors placés l’un après l’autre et de manière identique sur la fente. Pour plus de sécurité, la totalité des mesures sont réalisées dans le noir.
271
Voir fiche technique Luxmètre en annexe p. 208
158
III.3.3 Résultats obtenus : Afin de vérifier la fiabilité du protocole expérimental, la répétabilité de l’expérience est évaluée en effectuant le même test sur 10 échantillons identiques. Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau ci-dessous : Echantillons 2 x 0.5 mm (série B) Mesures obtenues (en Lux)
N°1 N°2
N°3
N°4
N°5
N°6
N°7
N°8
100
102
97
104
100
98
99
98
Moyenne
99,25
Ecart type
1.58
Erreur absolue
1.12
Erreur relative
1,13 %
Transmittance moyenne
72,63 ± 0.82 %
N°9 N°10 94
100
- Les valeurs extrêmes, en rouge, n’ont pas été retenues pour l’élaboration de la moyenne. - Il en est de même pour la transmittance moyenne (T) obtenue par le rapport : ̅
Avec :
̅
Moyenne du flux lumineux transmis (lux) = Flux lumineux incident (lux)
- L’écart type est ici obtenu par : - Nous pouvons en déduire : - L’écart type à la moyenne par : - L’erreur absolue par : 2 x - L’erreur relative est alors obtenue par : ̅
x 100
A l’issue de ces tests, nous obtenons une erreur relative d’environ 1,13%, validant ainsi le protocole expérimental.
159
Résultats des tests de transparence obtenus sur le reste des échantillons :
3 x 0.5 mm
4 x 0.5 mm
Echantillons de la série B N°1
N°2
N°3
N°1
N°2
N°3
94
97
96
88
88
82
Mesures obtenues (en Lux) Moyenne
95.67 ± 1,08
86 ± 0.97
Transmittance moyenne
69,83 ± 0,79 %
62.77 ± 0,71%
1 mm Echantillons de la série A
Mesures obtenues (en Lux)
1.5 mm
2 mm
N°1 N°2 N°3 N°1 N°2 N°3 N°1 99
98
101
78
80
82
60
N°2
N°3
54
60
Moyenne
99.33 ± 1,12
80 ± 0,90
58 ± 0,66
Transmittance moyenne
72.5 ± 0,82 %
58.39 ± 0,66 %
42.34 ± 0,48 %
80
72,5 72,63
69,83
70
62,77 58,39
60 50
42,34
40
Série A Série B
30 20 10 0 1 mm / 2 x 0,5 mm
1,5 mm / 3x 0,5 mm
2 mm / 4 x 0,5 mm
Figure 200 : Diagramme comparant le taux de transmittance moyen des échantillons (en %) de la série A et B.
160
III.3.4 Interprétation des résultats : A partir des résultats obtenus, nous pouvons observer une diminution progressive de la transparence des échantillons de la série A et B, plus l’épaisseur de ces derniers s’accroît. Cette diminution est plus faible dans les échantillons de la série B (la lumière transmise passe de 72,63 % à 62,8 % entre 2 x 0,5 mm et 4 x 0,5 mm d’épaisseur) que pour la série A (la lumière transmise passe de 72, 5% à 42.34% entre 1 et 2 mm d’épaisseur). Cependant, nous pouvons observer un taux de transmittance pratiquement identique pour les échantillons d’1 mm d’épaisseur de la série A et B. Lors de la réalisation des échantillons, et après leur séchage, nous avons pu remarquer la présence de bulles dans les films d’adhésif, et plus particulièrement dans ceux formés d’une unique couche (série A). Plus ces dernières sont épaisses et plus les bulles semblent nombreuses. La présence de ces irrégularités au sein des échantillons pourrait alors réduire leur transparence. Cela encouragerait une application en couches fines de l’adhésif afin d’en limiter leur présence, et accroître ainsi la transparence des films obtenus.
III.4 Les tests de résistance à la traction III.4.1 Objectifs : Ici le but est d’exercer une contrainte de traction sur les échantillons de la série A et B, afin d’observer leurs allongements et de mesurer leur résistance à la rupture. Cette expérience consiste à faire varier la force appliquée à l’échantillon en apportant des masses connues dans un récipient (voir schéma ci-dessous). L’allongement du solide peut être alors mesuré précisément à l’aide d’une règle graduée après chaque mise sous contrainte, et la force nécessaire à la rupture de l’échantillon peut ainsi être déterminée.
: Masse de 50 -20 ou 10 ± 0.1 gr : Récipient en plastique d’une masse de 65 ± 0.1 gr : Pince à dessin
: Echantillon : Cylindre mobile limitant les frottements
: Sens de la traction
Figure 201 : Schéma du montage du test de traction.
161
III.4.2 Protocole : Sur un support lisse et plan (recouvert là encore d’un film de Melinex® pour éviter les frottements), les échantillons de Plextol®B500 secs sont placés entre deux pinces à dessins. L’une des pinces est fixée au support (avec un clou), tandis que l’autre, amovible, est reliée à un récipient en plastique par un fil résistant. Les pinces sont toujours espacées d’un intervalle de 3 ± 0.1cm avant le début de l’opération en centrant également l’échantillon par rapport à celles-ci. Cet espacement servira de repère lors des mesures de l’allongement (voir figures ci-dessous).
Echantillon
Pince fixe
Pince amovible
3 cm
Figure 202 : Schéma du maintien de l'échantillon entre les pinces à dessin.
Figure 203 : La règle graduée est placée à proximité de l’échantillon pour une mesure continue et précise de son allongement.
Une fois l’échantillon correctement placé entre les deux pinces, le récipient est suspendu à vide et la valeur de l’allongement est mesurée au bout de 30 secondes, à l’aide d’une règle graduée d’une précision de ± 0.1 cm. Une masse connue est alors posée au fond de celui-ci et la valeur de l’allongement est notée, là encore, au bout de 30 secondes. Ce procédé sera répété tout au long de l’opération jusqu’à la rupture de l’échantillon. 30 t0 secondes t1
Mesure de l’allongement et ajout d’une masse dans le récipient
t2
Mesure de l’allongement et rajout d’une masse
t3
tn
Mesure de l’allongement et rupture de l’échantillon
Figure 204 : Mesure de l'allongement et augmentation de la contrainte toutes les 30 secondes.
162
Les masses apportées sont diminuées progressivement272 afin d’affiner la mesure de la contrainte apportée à l’échantillon. La mise en place d’un facteur ‘temps’ permet également d’améliorer la fiabilité des résultats obtenus dans la mesure de l’allongement. III.4.3 Résultats obtenus : La fiabilité du protocole expérimental est vérifiée dans un premier temps en soumettant à la traction 10 échantillons identiques de la série B de 2 x 0,5 mm273 en suivant le protocole expérimental expliqué précédemment: Echantillons de la série B : 2 x 0.5mm N°1
Charges (gr) Bouteille à vide (65 gr) 50 100 150 200 250 300 350 400 420 440 460 480 500 510 520 530 540
N°2
N°3
N°4
N°5
N°6
N°7
N°8
N°9
N°10
Allongement274 (cm)
M.275
E.T276
E.R277
3,3
3,3
3,3
3,3
3,3
3,3
3,3
3,3
3,3
3,3
3,3
0.00
0.00
3,7
3,5
3,5
3,5
3,5
3,6
3,6
3,6
3,5
3,5
4,1
4
4,1
4,1
4
4,1
4,1
4,1
4
3,9
4,6
4,6
4,6
4,7
4,6
4,8
4,7
4,8
4,5
4,5
5,5
5,4
5,4
5,4
5,3
5,9
5,4
6,2
5,5
5,1
6,6
6,8
6,5
6,7
6,9
7,6
6,4
7,5
6,5
6
8,2
8,3
7,9
8,8
8,1
9,4
8,3
9,4
8
7,3
3,56 4,04 4,64 5,52 6,78 8,42 10,1 12,09 13,43 14,48 15,64 16,57 17,28 17,96 18,26 17
0,07 0,07 0,11 0,33 0,51 0,68 0,91 1,09 0,88 0,80 0,81 0,81 0,87 0,90 1.00
1,36 1,20 1,62 3,99 5,01 5,37 6,03 6,03 4,39 3,70 3,45 3,27 3,37 3,33 3,64
9,5
9,5
8,9
10,4
9,7
11,5
9,8
11,5
10,2
8,8
10,2
11,7
9,6
12,7
12
13,1
12,4
13,8
12
10,9
12,8
12,8
10,4
13,6
13
14,4
13,5
15
13,7
12,1
13,7
13,7
12
14,7
14,8
15,4
14,7
15,6
14,5
13,2
14,7
14,8
12,9
16,2
15,8
16,3
16,3
16,7
15,5
14,5
15,8
15,8
13,6
17
16,6
17
17,1
18
16,4
15,4
16,4
16,2
14,2
17,5
17,2
17,9
18
18,7
17,4
16,2
18,5
18,5
18,5
R
19,3
18
17
R
19,1
19,5
R
R
18
R
R
17
16,9
15,8
17,4
17,3
16,5
R
R
17 R
R
R = Rupture de l’échantillon 272
Masses de 50 gr, de 20 gr et enfin de 10 gr. Nous avons choisis de faire les pré-tests sur des échantillons de la série B, ayant considéré que ces derniers, étant plus « complexes » à réaliser, devaient montrer une erreur relative plus importante que des échantillons de la série A constitués d’une unique couche, au cours du protocole expérimental. 274 Nous entendons ici par « allongement » la distance mesurée entre les deux repères sur l’échantillon (voir Figure 202). 275 Moyenne de l’allongement des 10 échantillons. 276 Ecart – Type. 277 Erreur relative en (%). 273
163
Pour le calcul de la moyenne, de l’écart-type et de l’erreur relative, les valeurs de l’échantillon n° 3 n’ont pas été prises en compte, ces dernières s’écartant des valeurs moyennes obtenues. Avec une erreur relative de 0 à 6 % environ, le protocole expérimental peut être validé. L’observation de ces 10 essais montre une rupture des échantillons entre 575 et 605 gr : Masse appliquée à l’échantillon 595 595 605 585 595 595 575 585 585 595 au moment de la rupture (gr) 278 Moyenne (gr)
591.25
Ecart type
5.18
Erreur absolue
3.66
Erreur relative
0.62 %
Ici les valeurs extrêmes (en rouge) n’ont pas été retenues pour les calculs de la moyenne, de l’écart type et de l’erreur relative. Cette dernière, avec un résultat inférieur à 1% permet de valider l’expérimentation. Résultats obtenus sur le reste des échantillons suite aux essais de traction :
2 x 0.5 mm Echantillons de la série B
N°1 à N°10
Allongement (cm) avant la rupture de l’échantillon
De 17 à 19.5279
Moyenne Allongement relatif moyen (%), avant rupture de l’échantillon Masse appliquée à l’échantillon au moment de la rupture (gr)
3 x 0.5 mm N°1
N°2
N°3
4 x 0.5 mm N°1
N°2
N°3
19.0 18.5 19.2 19.4 19.0 21.0
18.2280 ± 1,1
18,9 ± 1,1
19,8 ± 1,2
506,67 ± 30,40
530 ± 31,8
560 ± 33,6
De 575 à 605281
635
625
635
745
785
785
Moyenne
591,25 ± 3,67
≈ 631,67 ± 3,92
≈ 771,67 ± 4,78
Force (N) appliquée à l’échantillon au moment de la rupture (en moyenne)
5.80 ± 0,04
6.20 ± 0.04
7.57 ± 0.05
278
La masse du récipient à vide (65gr) est additionnée à la totalité des masses apportées. Voir les résultats obtenus au cours des pré-tests, cf. p. 163 280 La moyenne a été obtenue en retirant les valeurs extrêmes : 17 cm et 19.5 cm. 281 Voir résultats ci-dessus. 279
164
1 mm
1.5 mm
2 mm
Echantillons de la série A N°1 Allongement (cm) avant la rupture de l’échantillon Moyenne Allongement relatif moyen (%), avant rupture de l’échantillon Masse appliquée à l’échantillon au moment de la rupture (gr)
N°2
N°3
N°1
N°2
N°3
N°1
N°2
N°3
16.7 15.4 17.0 17.4 16.5 17.7 16.7 17.0 15.6
16,0 ± 0.96
17,2 ± 1.03
16,4 ± 0.99
434,33 ± 26.06
473,33 ± 28.40
447,67 ± 26,86
545
525
545
605
605
595
595
605
595
Moyenne
≈ 538,33 ± 3,34
≈ 601,67 ± 3,73
≈ 598,33 ± 3,71
Force (N) appliquée à l’échantillon au moment de la rupture (en moyenne)
5,28 ± 0,03
5,90 ± 0,04
5,87 ± 0,04
L’allongement relatif est obtenu par la relation suivante: (
) x 100
Avec : Lo = longueur initiale de l’échantillon ; ∆L = Allongement constaté de l’échantillon avant rupture
La force appliquée à l’échantillon au moment de sa rupture est calculée selon la formule : F=P=mxg
Avec : P (en Newton), m (en Kg) et g (9.81 m.s-²)
165
700
Allongement relatif (en %)
600 506,67 500
560
530 473,33
447,67
434,33
400
Série A Série B
300 200 100 0 1 mm / 2 x0,5 mm
1,5 mm / 3 x 0,5 mm
2 mm / 4 x 0,5 mm
Figure 205 : Diagramme comparatif de l’allongement relatif maximal (en moyenne) des échantillons (en %) avant la rupture de l’adhésif.
Force nécessaire à la rupture (en N)
8
7,57
7 6
5,8
5,9
6,2
5,87
5,28
5 Série A
4
Série B
3 2 1 0 1 mm / 2 x 0,5 mm
1,5 mm / 3 x 0,5 mm
2 mm / 4 x 0,5 mm
Figure 206 : Diagramme comparatif de la force (en moyenne) nécessaire à la rupture des échantillons (en N).
A l’issue de cette expérimentation, des courbes d’élasticité ont également été réalisées afin de comparer le comportement des adhésifs face à la contrainte. L’allongement relatif282 de chaque type d’échantillons est donc présenté selon la courbe de traction F = f(ε), avec : F en Newton et ε = allongement relatif de l’échantillon (en %) 282
Seules les valeurs moyennes ont été utilisées pour la réalisation de ces courbes de traction.
166
Figure 207 : Courbes moyennes d’élasticité obtenus pour les échantillons de la série A et B.
6 5
F (N)
4
Série A (1mm)
3
Série B ( 2 x 0.5 mm)
2 1 0 0
200
400
ε (%)
600
7 6
F (N)
5 4
Série A (1.5 mm)
3
Série B (3 x 0.5 mm)
2 1 0 0
200
400
ε (%)
600
9 8 7
F (N)
6
Série A (2mm)
5 4
Série B (4 x 0.5 mm)
3 2 1 0 0
200
400
600
ε (%)
800
167
III.4.4 Interprétation des résultats : De manière générale, l’ensemble des échantillons de la série B (couches multiples) paraît montrer une résistance à la traction plus élevée que ceux de la série A (couche unique). De même, cette résistance tend à augmenter plus le nombre de couches appliquées est grand. Le film d’adhésif se trouve rompu avec une force moyenne de 5,8 N pour 2 couches, et de 7.57 N pour 4 couches superposées. Les échantillons de la série A, quant à eux, montrent une résistance à la rupture qui tend à se stabiliser avec l’augmentation de l’épaisseur du film d’adhésif. Entre les échantillons d’1 mm et de 1.5 mm d’épaisseur, la force moyenne à la rupture passe de 5,28 N à 5,9 N, mais reste semblable pour les échantillons de 2 mm d’épaisseur, avec une valeur de 5,87 N. En ce qui concerne l’allongement maximal à la rupture, les échantillons de la série B semblent présenter là encore, un taux d’allongement plus élevé que ceux de la série A. Cependant si l’on prend en compte la marge d’erreur inhérente à nos tests, qui est de 6% environ, on peut considérer que les couches de 1 et 1,5 mm des séries A et B présentent, approximativement, une élongation maximale à la rupture similaire. Seules les valeurs obtenues pour les échantillons d’une épaisseur de 2 mm sont alors significatives, avec un allongement relatif maximum de 560 % en moyenne pour ceux de la série B, contre 447,67 % pour ceux de la série A. Lorsque l’on compare les courbes d’élasticité moyennes, obtenues pour les échantillons de la série A (courbe bleu) et B (courbe rouge), on peut observer un comportement très proche des films soumis à la traction pour les épaisseurs de 1 et 1,5 mm, les courbes ayant tendance à se juxtaposer. La seule différence réside principalement dans une rupture plus tardive du film pour les échantillons de la série B. Au contraire, les échantillons de la série B d’une épaisseur de 2 mm, montrent une plus grande rigidité que ceux de la série A (de la même épaisseur), présentant pour une même force, un allongement moindre. A la vue de ces résultats, nous pouvons en déduire que pour une même épaisseur, un film de du Plextol®B500 obtenu par l’application de couches successives, est plus résistant qu’un film obtenu par une couche unique. De même, plus ces couches sont nombreuses, et plus le film obtenu semble gagner en rigidité par rapport à une couche unique. De manière générale, cette expérience semble montrer que l’épaisseur du film d’adhésif influe sur sa souplesse, qu’il soit constitué d’une ou de plusieurs couches. Plus le film est épais et plus ce dernier semble se rigidifier. 168
III.5 La réactivation des échantillons III.5.1 Objectifs : La dernière expérience consiste ici à « simuler » quatre types de doublage en nous focalisant, dans notre cas, uniquement sur le film d’adhésif. Des échantillons de la série A et de la série B seront tout d’abord soumis à un apport de chaleur et de pression comme dans le cadre d’un doublage thermoplastique. Puis, comme dans le cadre d’un doublage par réactivation de l’adhésif, des échantillons de la série A et B seront imprégnés de trois solvants différents, couramment utilisés pour cette opération. Ces mêmes échantillons seront également soumis à un apport de chaleur et de pression. Les « simulations » de doublage sont donc les suivantes : 1- Echantillons de la série A et B + apport de chaleur et de pression. 2- Echantillons de la série A et B + apport de Xylène, de chaleur et de pression. 3- Echantillons de la série A et B + apport de Toluène, de chaleur et de pression. 4- Echantillons de la série A et B + apport de Méthyléthylcétone, (MEK), de chaleur et de pression. A l’issue de cette expérience, la transparence et la résistance à la traction des échantillons seront de nouveau mesurées. III.5.2 Protocole : III.5.2.1 Réactivation à la chaleur : Les échantillons de la série A et de la série B disposés entre deux films de Melinex®, sont réactivés à la chaleur sur une table basse pression. Cette dernière est recouverte d’un non-tissé épais et d’un film de Melinex® dans lequel est découpée une ouverture où viennent se placer les échantillons. Une bâche en plastique vient recouvrir le tout comme si il s’agissait d’un doublage (voir Figure 208) : -
La pression est augmentée jusqu’à 150 bar et la chaleur jusqu’à 65°C sur la table. Une
fois cette chaleur atteinte, nous attendons 3 minutes (le temps que les échantillons se ramollissent), puis la chaleur est baissée et la pression augmentée à son maximum. La table basse pression est alors arrêtée lorsque la température est retombée à 30 °C environ.
169
III.5.2.2 Réactivation au solvant et à la chaleur : Ici seuls les échantillons de la série A (1 mm) et B (2 x 0.5 mm), seront testés. Chaque solvant est appliqué de manière identique et en quantité égale sur les échantillons de la série A et B283. Ces derniers sont ensuite placés sur la table basse pression en suivant le même protocole que précédemment.
Bâche en plastique Echantillons Film Melinex® Non-tissé épais
Table basse pression Figure 208 : Schéma des échantillons sur table basse pression.
III.5.3 Les tests de transparence après la réactivation à la chaleur des échantillons III.5.3.1 Résultats obtenus 1 mm
1.5 mm
2 mm
Echantillons de la série A N°1 N°2 N°3 N°1 N°2 N°3 N°1 N°2 N°3 Mesures obtenues (en Lux) 102
96
86
83
87
69
74
67
Moyenne
97 ± 1,10
85,33 ± 0,96
70 ± 0,79
Transmittance moyenne
70.80 ± 0,80 %
62,28 ± 0,70 %
51,10 ± 0,58 %
2 x 0.5 mm
3 x 0.5 mm
4 x 0.5 mm
Echantillons de la série B
Mesures obtenues (en Lux)
283
93
N°1 N°2 N°3 N°1 N°2 N°3 N°1 N°2 N°3 99
96
101
91
87
92
84
85
86
Moyenne
98,67 ± 1,11
90 ± 1,02
85 ± 0,96
Transmittance moyenne
72.02 ± 0,81%
65,69 ± 0,74 %
62,04 ± 0,70 %
Les solvants ont été appliqués à l’aide d’un vaporisateur sur les échantillons.
170
80
70,8 72,02
70
62,28
65,69
62,04
60 51,1 50 40
Série A
30
Série B
20 10 0 1 mm / 2 x 0,5 mm
1,5 mm / 3 x 0,5 mm
2 mm / 4 x 0,5 mm
Figure 209 : Diagramme comparatif de la transmittance moyenne (en %) des échantillons après activation des films d’adhésif à la chaleur.
III.5.3.2 Interprétation des résultats : Comme nous avons pu le constater avant l’activation des films d’adhésif à la chaleur, la transparence moyenne de l’ensemble des échantillons diminue avec l’accroissement de l’épaisseur du film d’adhésif. Cependant si les valeurs obtenues pour la transmittance des échantillons de la série B sont quasiment identiques à celles mesurées précédemment (la transmittance passe de 72,02 à 62,04 % entre les échantillons de 2 x 0,5 et 4 x 0,5 mm d’épaisseur, pour une pourcentage de 72,63 à 62, 77 % avant réactivation), celles obtenues pour les échantillons de la série A semblent avoir légèrement augmentées. Effectivement, la transmittance moyenne passe de 70,8 à 51,1 % entre les échantillons de 1 et 2 mm d’épaisseur, alors qu’on notait avant l’activation de l’adhésif une transmittance moyenne de 72,5 à 42,34 %. L’emploi de chaleur (associée à une pression) n’impliquerait donc pas de réels changements sur la transparence des films de Plextol®B500, même si une certaine amélioration de la transmittance, de l’ordre de 10% environ, est notable pour les échantillons constitués d’une couche unique de 1,5 et de 2 mm d’épaisseur.
171
III.5.4 Les tests de traction après la réactivation à la chaleur des échantillons III.5.4.1 Résultats obtenus : 1 mm Echantillons de la série A Allongement constaté avant la rupture de l’échantillon Moyenne Allongement relatif moyen avant la rupture de l’échantillon (%) Masse appliquée à l’échantillon au moment de la rupture (gr)
N°1
N°2
1.5 mm N°3
N°1
N°2
2 mm N°3
N°1
N°2
N°3
21.0 21.2 21.8 20.5 22.0 19.5 20.4 21.1 19.5 21,3 ± 1,3
20,7 ± 1,2
20,3 ± 1,2
610 ± 36,6
590 ± 35,4
576,66 ± 34,60
665
685
695
725
755
695
835
855
775
Moyenne
681,67 ± 4,23
725 ± 4,50
≈ 821,67 ± 5,09
Force moyenne (N), appliquée à l’échantillon au moment de la rupture
6,69 ± 0,04
7,11 ± 0,04
8,06 ± 0,05
2 x 0.5 mm
3 x 0.5 mm
4 x 0.5 mm
Echantillons de la série B Allongement constaté avant la rupture de l’échantillon Moyenne Allongement relatif moyen avant la rupture de l’échantillon (%) Masse appliquée à l’échantillon au moment de la rupture (gr) Moyenne Force moyenne (N), appliquée à l’échantillon au moment de la rupture
N°1
N°2
N°3
N°1
N°2
N°3
N°1
21.4 21.1 21.8 21.4 22.3 21.7 21.8
N°2
N°3
21.8 20.4
21,4 ± 1,3
21,8 ± 1,3
21,3 ± 1,3
614, 33 ± 36,86
626, 66 ± 37,60
610 ± 36,6
665
735
675
705
755
735
885
895
835
681,67 ± 4,23
741,67 ± 4,60
871,67 ± 5,40
6,69 ± 0,04
7,28 ± 0,05
8,55 ± 0,05
172
Allongement relatif des échantillons ( en %) 700
610 614,33
590
626,66 576,66
610
Allongement relatif (%)
600 500 400 Série A 300
Série B
200 100 0 1 mm / 2 x 0,5 mm
1,5 mm / 3 x 0,5 mm
2 mm / 4 x 0,5 mm
Figure 210 : Diagramme comparatif de l’allongement relatif maximal moyen (en %), des échantillons de la série A et B après leur réactivation à la chaleur.
Force nécessaire à la rupture des échantillons (en N)
10 9
8,06
8 7
6,69 6,69
8,55
7,11 7,28
F (N)
6 5
Série A
4
Série B
3 2 1 0 1 mm / 2 x 0,5 mm
1,5 mm / 3 x 0,5 mm
2 mm / 4 x 0,5 mm
Figure 211 : Diagramme comparatif de la force moyenne à la rupture (en N) des échantillons de la série A et B après leur réactivation à la chaleur.
173
Courbes d'élasticité moyennes des échantillons de la série A, avant et après réactivation à la chaleur
F (N)
9 8
Série A (1 mm) avant réactivation
7
Série A (1 mm) / Chaleur
6
Série A (1,5 mm) avant réactivation
5
Série A (1,5 mm) / Chaleur
4
Série A (2 mm) avant réactivation
3
Série A (2 mm) / Chaleur
2 1 0 0
200
400
600
800
ε (%)
Figure 212 : Comparaison des courbes d’élasticité moyennes des échantillons de la série A, avant et après la réactivation de l’adhésif à la chaleur.
Courbes d'élasticité moyennes des échantillons de la série B, avant et après réactivation à la chaleur 9 Série B (2x 0,5 mm) avant réactivation
8
Série B (2 x 0.5 mm) / Chaleur
7
F (N)
6
Série B (3 x 0.5 mm) avant réactivation
5
Série B (3 x 0,5 mm) / Chaleur
4 3
Série B (4 x 0,5 mm) avant réactivation
2
Série B (4 x 0,5 mm) / Chaleur
1 0 0
200
400
600
800
ε (%)
Figure 213 : Comparaison des courbes d’élasticité moyennes des échantillons de la série B, avant et après la réactivation de l’adhésif à la chaleur.
174
III.5.4.2 Interprétation des résultats : Après la réactivation des échantillons à la chaleur, nous pouvons constater, dans un premier temps :
Une augmentation générale de l’allongement relatif maximal moyen de l’ensemble des échantillons (série A et B) :
-
Avant réactivation les échantillons de la série A (couche unique) montraient un
allongement relatif maximal compris entre : 434 et 473 % (valeurs extrêmes), avec une moyenne générale de 451.5 % environ. Après réactivation des échantillons cet allongement est compris entre: 577 et 610 %, avec une moyenne générale de 592%. On constate alors, en moyenne, une augmentation de 30% de l’allongement relatif maximal sur l’ensemble des échantillons de la série A. -
Pour les échantillons de la série B (couches multiples), nous avons pu constater avant
réactivation, un allongement relatif compris entre : 506 et 560 %, avec une moyenne générale d’allongement de 532 % environ. Après réactivation, cet allongement est compris entre 610 et 627 %, avec une moyenne générale de 615.6 %. On constate alors une augmentation moyenne de l’ordre de 15% sur l’ensemble des échantillons de la série B. De même, après réactivation à la chaleur, si l’on considère la marge d’erreur sur la
-
mesure (environ 6 %), nous pouvons observer que les échantillons de la série A et B, quel que soit leurs épaisseurs, ont un allongement similaire à la rupture.
De manière générale, on observe une augmentation de la résistance de l’ensemble des échantillons de la série A et B après réactivation : Pour les échantillons de la série A, cette augmentation est d’environ 28 %, la force à la
-
rupture étant de 5,7 N en moyenne pour l’ensemble des échantillons avant réactivation, puis de 7,3 N après réactivation. Pour les échantillons de la série B, cette augmentation est d’environ 15,4 %, avec une
-
rupture de l’ensemble des échantillons à 6.5 N en moyenne, avant réactivation, puis de 7.5 N après réactivation.
On observe également que plus les échantillons sont épais, et plus la force nécessaire à leur rupture est importante. Contrairement à ce que l’on avait pu remarquer avant la
175
réactivation des échantillons, cela est maintenant visible sur les échantillons de la série A284 et de la série B.
Contrairement à ce que l’on pouvait observer avant réactivation, les échantillons de la même épaisseur, de chaque série montre une résistance à la rupture proche après réactivation. Par exemple, les échantillons de la série A constitués d’une seule couche de 2mm, rompent à une force de 8,06 N en moyenne, et les échantillons de la série B constitués de 4 couches de 0,5 mm d’épaisseur, rompent à une force de 8,55 N285.
Globalement, lorsque l’on compare les courbes d’élasticité moyennes, réalisées pour les échantillons de la série A et B de chaque épaisseur, nous pouvons constater qu’après réactivation, les échantillons de la série A et B, d’une même épaisseur, ont un comportement similaire à la traction. La différence de rigidité que l’on pouvait observer sur les échantillons d’une épaisseur de 2mm (série A) et de 4 x 0.5 mm (série B) avant réactivation, n’est plus aussi significative par exemple.
III.5.5 Les tests de transparence, après la réactivation des échantillons à la chaleur et aux solvants III.5.5.1 Résultats obtenus : Xylène Echantillons de la série A Mesures obtenues (en Lux)
Toluène
MEK
N°1 N°2 N°3 N°1 N°2 N°3 N°1 N°2 N°3 100
97
97
94
96
94
96
98
95
Moyenne
98 ± 1,11
94,67 ± 1,07
96,33 ± 1.09
Transmittance moyenne (%)
71,53 ± 0,81
69,10 ± 0,78
70,31 ± 0,79
284
Avant réactivation, les échantillons de la série A de 1,5 mm et de 2 mm d’épaisseur, présentaient pratiquement la même résistance, avec une force à la rupture de 5,9 et 5,87 N. 285 Avant réactivation, les échantillons de la série A de 2mm d’épaisseur, ont une force à la rupture de 5,87 N en moyenne, contre 7,57 N pour les échantillons de 2 mm d’épaisseur, de la série B.
176
Xylène Echantillons de la série B
Toluène
MEK
N°1 N°2 N°3 N°1 N°2 N°3 N°1 N°2 N°3
Mesures obtenues (en Lux)
96
98
96
101
99
98
98
98
100
Moyenne
96,67 ± 1,09
99,33 ± 1,12
98,67 ± 1,11
Transmittance moyenne (%)
70,56 ± 0,80
72,50 ± 0,82
72,02 ± 0,81
III.5.5.2 Interprétation des résultats : Suite à la réactivation des échantillons de la série A et B (d’une épaisseur de 1 mm) avec chacun des trois solvants (Xylène, Toluène et Méthyléthylcétone) combinée à un apport de chaleur (et de pression), les résultats obtenus ne montrent pas de différences significatives quant à la transmittance des échantillons avec des valeurs moyennes comprises entre 69 % et 72,5 % environ. Si l’on compare ces résultats avec ceux obtenus avant et après la réactivation à la chaleur des échantillons de 1 mm d’épaisseur (constitués d’une ou de plusieurs couches), nous pouvons également remarquer que les changements ne sont pas significatifs quant à leur transparence : Transparence des échantillons avant et après leur réactivation 80
72,5 72,63
70,8 72,02
71,5370,56
70
69,1
72,5
70,3172,02
Transmittance (%)
60 50 40
Série A
30
Série B
20 10 0 Avant réactivation
Chaleur
Chaleur / Xylène
Chaleur / Toluène
Chaleur / MEK
Figure 214 : Diagramme comparatif de la transmittance moyenne (en %) des échantillons de la série A et B de 1 mm d’épaisseur, avant et après la réactivation des films d’adhésif à la chaleur et aux solvants.
177
La réactivation du film de Plextol®B500 à la chaleur et aux solvants ne paraît donc pas avoir de véritable influence sur la transparence du film. III.5.6 Les tests de traction, après la réactivation des échantillons à la chaleur et aux solvants III.5.6.1 Résultats obtenus Xylène Echantillons de la série A Allongement constaté avant la rupture de l’échantillon
N°1
N°2
Toluène N°3
N°1
N°2
MEK N°3
N°1
N°2
N°3
14.0 16.5 20.5 19.0 19.7 20.0 20.7 18.2 19.6
Moyenne
17.0 ± 1.0
19.6 ± 1.2
19.5 ± 1.2
Allongement relatif moyen avant la rupture de l’échantillon (en %)
466,67 ± 28,00
553,33 ± 33,20
550 ± 33
Masse appliquée à l’échantillon au moment de la rupture (gr) Moyenne Force moyenne (N), appliquée à l’échantillon au moment de la rupture
Echantillons de la série B Allongement constaté avant la rupture de l’échantillon
405
465
525
525
565
565
635
575
585
465 ± 2,88
551,67 ± 3,42
598,33 ± 3,71
4,56 ± 0,03
5,41 ± 0,03
5,81 ± 0,04
Xylène
Toluène
MEK
N°1
N°2
N°3
N°1
N°2
N°3
N°1
N°2
N°3
17.5 17.6 14.4 17.2 19.7 18.7 20.1 18.6 19.9
Moyenne
16.5 ± 1,0
18.5 ± 1,1
19.5 ± 1,2
Allongement relatif moyen avant la rupture de l’échantillon (en %)
450 ± 27
516,67 ± 31,00
550 ± 33
Masse appliquée à l’échantillon au moment de la rupture (gr) Moyenne Force moyenne (N), appliquée à l’échantillon au moment de la rupture
485
485
465
505
565
505
655
575
605
478,33 ± 2,97
525 ± 3,26
611,67 ± 3,80
4,69 ± 0,03
5,15 ± 0,03
5,99 ± 0,04
178
700 553,33 516,67
Allongement relatif (%)
600 500
550 550
466,67 450
400 Série A (1 mm)
300
Série B (2 x 0,5 mm) 200 100 0 Chaleur / Xylène
Chaleur / Toluène
Chaleur / MEK
Figure 215 : Diagramme comparatif de l’allongement relatif (%) des échantillons (en moyenne) après réactivation de l’adhésif à la chaleur et à la chaleur + solvant.
7 6
F (N)
5
5,41
5,81 5,99 5,15
4,56 4,69
4 Série A (1mm)
3
Série B (2 x 0,5 mm)
2 1 0 Chaleur / Xylène
Chaleur / Toluène
Chaleur / MEK
Figure 216 : Diagramme comparatif de la force nécessaire (en moyenne) à la rupture des échantillons (en N) après réactivation de l’adhésif à la chaleur et à la chaleur + solvant.
179
III.5.6.2 Interprétation des résultats : Suite à la réactivation à la chaleur et aux solvants (Xylène, Toluène et Méthyléthylcétone) les échantillons de la série A et B de 1 mm d’épaisseur, présentent, dans l’ensemble, un allongement relatif maximum moyen, compris entre 450 et 550 % environ. Si l’on considère la marge d’erreur inhérente à notre expérience, nous pouvons constater que, les échantillons, qu’ils soient issus de la série A ou B, montrent un allongement similaire, en dépit du solvant employé. Seuls les échantillons de la série A et B réactivés au Xylène montrent un allongement un peu plus faible, avec une valeur moyenne de 460 % environ, contre un allongement de 535 % en moyenne pour les échantillons réactivés au Toluène, et de 550,5 % pour ceux réactivés au Méthyléthylcétone. Concernant, la résistance des échantillons, on note pour l’ensemble de ces derniers, une force à la rupture comprise entre 4,56 et 6 N environ. Si, entre eux, les échantillons de la série A et de la série B ont une résistance similaire, nous pouvons cependant constater que le solvant employé semble influencer la résistance des échantillons : -
Nous observons ainsi une force à la rupture de 4.6 N, en moyenne, pour les
échantillons (série A et B) réactivés au Xylène, de 5.3 N pour ceux réactivés au Toluène, et de 5.9 N pour ceux réactivés au Méthyléthylcétone. -
L’observation des courbes d’élasticité moyenne, montre que, quel que soit le solvant
employé pour la réactivation des échantillons, les films d’adhésifs de la série A et B ont, entre eux, un comportement très proche à la traction. Si l’on compare l’ensemble de ces valeurs avec celles obtenues avant la réactivation des échantillons et après la réactivation à la chaleur, on observe : -
Une résistance similaire des échantillons de la série A (1 mm) et B (2 x 0.5 mm)
avant, et après réactivation de ces derniers à la « chaleur +Toluène », et à la « chaleur + Méthyléthylcétone», avec une force à la rupture de 5.6 N en moyenne. -
Une plus grande résistance de ces dernier lorsqu’ils sont réactivés uniquement à la
chaleur, avec une force à la rupture de 6,7 N en moyenne. -
Une résistance un peu plus faible lorsqu’ils sont réactivés à la « chaleur + Xylène »,
avec une force à la rupture de 4,6 N en moyenne. -
L’allongement relatif de ces échantillons est plus ou moins identique, avant et après
réactivation de ces derniers à la chaleur seule, ou combinée avec un solvant. Seuls les échantillons de la série A avant réactivation, et les échantillons, séries A et B confondues, 180
réactivées à la chaleur et au xylène possèdent le plus faible allongement relatif (compris entre 434 à 466 % environ).
8 6,69 6,69
7 5,8 5,28
6
4,69 4,56
F(N)
5
5,41 5,15
5,99 5,81
4 Série A (1 mm) 3
Série B (2 x 0,5 mm)
2 1 0 Avant Après Après Après Après réactivation réactivation à réactivation à réactivation à réactivation à la chaleur la chaleur + la chaleur + la chaleur + Xylène Toluène MEK
Figure 217 : Diagramme comparatif de la force moyenne nécessaire à la rupture des échantillons (en N), avant et après leur réactivation à la chaleur et à la chaleur + solvants.
700 614,33 610 Allongement relatif (%)
600 506,67 500
434,33
552,33 516,67
550550
466,67 450
400 Série A (1 mm)
300
Série B (2 x 0,5 mm)
200 100 0 Avant Après Après Après Après réactivation réactivation réactivation réactivation réactivation à la chaleur à la chaleur + à la chaleur + à la chaleur + Xylène Toluène MEK
Figure 218 : Allongement relatif moyen des échantillons avant et après leur réactivation à la chaleur et à la chaleur + solvants.
181
Comparaison des courbes d'élasticité moyenne, des échantillons de la série A (1 mm) et de la série B (2 x 0,5 mm) avant et après réactivation. 8 7 6
F (N)
5 4 3 2 1 0 0
100
200
300
ε (%)
400
500
600
700
Figure 219 : Comparaison des courbes de traction des échantillons de la série A (1 mm) et B (2x 0.5 mm) avant et après réactivation à la chaleur et aux solvants.
Conclusion de l’étude : Suite à cette étude nous pouvons faire le constat que de manière générale, l’épaisseur du film de Plextol®B500, qu’il soit constitué d’une couche unique ou de plusieurs couches superposées, a une influence sur ses qualités optiques et son comportement mécanique à la traction. Effectivement la transparence diminue progressivement avec l’augmentation de l’épaisseur du film d’adhésif. Cependant, si cet adhésif est appliqué en plusieurs couches fines, et non pas en une couche unique qui en aurait la même épaisseur, la transparence obtenue semble meilleure. Ce phénomène est notable avant et après la réactivation du Plextol®B500 à la chaleur. De même avant cette réactivation à la chaleur, l’application de cet adhésif en couches multiples semble le rendre légèrement plus résistant à la traction, que lorsqu’il est appliqué en une unique couche, pour une même épaisseur. De même, l’écart semble se creuser si 182
l’épaisseur et le nombre de couches tend à augmenter. Néanmoins quel que soit sa méthode d’application et son épaisseur, l’adhésif présente plus ou moins le même taux d’allongement à la rupture, avant sa réactivation à la chaleur. La réactivation à la chaleur des films de Plextol®B500 montre un accroissement de la résistance et de l’élongation à la rupture de ces derniers, quel que soit leur épaisseur et leur méthode de réalisation (constitué d’une ou plusieurs couches). De manière générale nous avons pu observer une augmentation de la résistance de l’adhésif, constitués d’une ou plusieurs couches, avec l’augmentation de son épaisseur. Si cela est un peu moins vrai pour les échantillons constitués d’une seule couche avant réactivation, ce phénomène est appréciable après leur réactivation à la chaleur. Concernant l’emploi des trois solvants (Xylène, Toluène et Méthyléthylcétone), combiné à la chaleur pour la réactivation du Plextol®B500, nous avons pu constater que ces trois procédés de réactivation ne paraissent pas avoir de véritable influence sur les caractéristiques mécaniques et optiques de l’adhésif, retrouvant des valeurs relativement proches d’avant sa réactivation. Ainsi dans le cadre d’un doublage transparent, si l’on souhaite conserver une bonne visibilité du revers de l’œuvre, il semble préférable d’appliquer le Plextol®B500 en de fines couches superposées, et non pas en une ou plusieurs couches épaisses qui pourraient nuire à la transparence de l’ensemble. De même en faisant varier l’épaisseur de l’adhésif, dans le cadre d’un doublage classique ou transparent, il semble possible d’en augmenter ou de diminuer sa rigidité et sa résistance, selon les critères que l’on recherche. Bien entendu, conscient des erreurs intrinsèques à nos expérimentations, ces conclusions restent très approximatives et détachées des conditions réelles de doublage, cette opération mettant en œuvre d’autres matériaux et paramètres à considérer. Cependant cette étude nous a permis d’avoir une meilleure connaissance de cet adhésif et de ses propriétés, selon sa mise en œuvre et les différentes méthodes de réactivation auxquelles il aura été soumis.
183
Conclusion générale L’étude et la restauration de la Vieille femme au rouet, de Pierre-Amédée MarcelBeronneau, nous ont été particulièrement enrichissantes d’un point de vue pratique et théorique. Issu de la plus grande collection internationale d’art moderne et contemporain rassemblé en France (FNAC), nous sommes heureux d’avoir pu travailler sur une œuvre de qualité, dont les diverses altérations nous ont confrontées à de nombreuses problématiques. Les recherches historiques, nous ont permis de découvrir le peintre polyvalent et talentueux qu’était Marcel-Beronneau, à travers son œuvre et sa technique picturale particulière, mais également d’approfondir nos connaissances sur la société paysanne française, sur son évolution tout au long de la seconde moitié du 19 ème siècle, et sur l’image que pouvaient alors en donner les artistes de cette époque. De même l’analyse des instruments du filage nous a permis de découvrir le fonctionnement de cette invention qu’est le rouet, et des nombreuses légendes et symboles qui sont rattachées au personnage de la fileuse. L’étude des matériaux constitutifs et des altérations de l’œuvre nous a amené à en faire le diagnostic, à adapter notre réflexion sur les techniques et les matériaux à employer au cours de la restauration, pour enfin, redonner vie à une œuvre de qualité. De même avec la mise en place d’un doublage transparent, procédé qui nous était alors inconnu, nous avons pu compléter nos connaissances sur le traitement des supports comportant des inscriptions au revers. Si la restauration de cette œuvre s’est essentiellement articulée autour de celle de son support, la lacune présente dans le coin supérieur dextre de l’œuvre a constitué un important travail de réintégration avec une structuration relativement complexe du mastic. Celle-ci nous a fait prendre conscience du caractère interdisciplinaire de notre domaine, la réintégration chromatique de cette zone ayant été réalisée en accord avec une gravure de notre œuvre de mémoire retrouvée au cours de nos recherches historiques. L’étude technico-scientifique, nous a donnée l’opportunité de trouver, ou du moins de chercher une réponse à nos questions, les conclusions apportées sur les propriétés mécaniques et optiques du Plextol®B500 selon son application en une ou plusieurs couches, avant et après réactivation, étant à prendre avec un certain recul. Néanmoins cette étude nous a permis d’adopter une rigueur scientifique et de mieux appréhender cet adhésif. En dépit du fait que la Vieille femme au rouet soit destinée à retourner dans les réserves du FNAC, nous souhaiterions que celle-ci puisse être exposée un jour au public. 184
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Table des illustrations PARTIE 1 : HISTOIRE DE L’ART Figure 1 : Extrait du Catalogue Illustré du Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts de 1901, où nous pouvons retrouver le numéro (616) de la Vieille femme au rouet de Pierre-Amédée Marcel-Beronneau ( source : Catalogue illustré de la société nationale des Beaux-Arts, 1901). ....................................................................... 17 Figure 2: Gravure de la Vieille femme au rouet ( source : Catalogue illustré de la société nationale des BeauxArts, 1901)............................................................................................................................................................. 17 Figure 3 : Photographie de Pierre-Amédée Marcel-Beronneau dans son atelier ( source :Marcel-Beronneau 1869.1937 Peintre Symboliste. 1981, Catalogue d’exposition de la galerie ALAIN BLONDEL) ......................... 18 Figure 4 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Salomé dansant devant Hérode, 1923, Carton de tapisserie destiné à la manufacture des Gobelins, 320x360 cm, Beauvais, Musée départemental de l'Oise (Cliché coul. 1995-0371-CZR - Visuel provenant du lieu de dépôt)........................................................................................... 19 Figure 5 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Petite Ménagère, huile sur toile, exposée au Salon de la société nationale des Beaux-Arts en 1902 (gravure extraite du catalogue Illustré du Salon de 1902). ............................ 21 Figure 6 : M.G Biessy, Intérieur d'artiste, huile sur toile, 1892, Musée des Beaux-Arts de Pau. (source : Base Joconde) ................................................................................................................................................................ 21 Figure 7 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Dans l’atelier, huile sur toile, 1897, 130 x 96.5 cm, ClermontFerrand, Musée d'art Roger-Quilliot. Tirage photographique albuminé (source : FNAC) .................................. 22 Figure 8 : Jean-Baptiste Camille Corot, L'Atelier, huile sur toile, 1870, Musée des Beaux-Arts de Lyon (source : Site internet du MBA de Lyon) .............................................................................................................................. 22 Figure 9 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Heure dernière, huile sur toile, 1898, 86 x 116 cm, Musée des Beaux-Arts de Bordeaux (source : FNAC) ............................................................................................................ 23 Figure 10 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Douloureuse station, huile sur toile, 1900, 180 x 200 cm, Musée de Valence. Tirage photographique albuminé. (source : FNAC).......................................................................... 23 Figure 11: Pablo Ruiz Picasso (1881-1973), Science et Charité, huile sur toile, 1897, Musée Picasso, Barcelone, Espagne (source : Site internet du Musée Picasso). .......................................................................... 23 Figure 12 : Paul Charles Chocarne-Moreau, La charité, huile sur toile, œuvre exposée au Salon de 1900, Gravure extraite du catalogue illustré du Salon de la Société des artistes français de 1900 (source : Catalogue illustré du Salon de la Société des artistes français de 1900). .............................................................................. 23 Figure 13 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, La femme au chat noir, huile sur toile, 1898, 117 x 74 cm, Paris, Assemblée nationale. Tirage photographique albuminé (source : FNAC) ........................................................... 24 Figure 14 : James Mc Neill Whistler, Arrangement en noir : La Dame au brodequin jaune - Portrait de Lady Archibald Campbell, huile sur toile, 1883, Philadelphia Museum of Art (source : Site internet du Philadelphia Museum of Art)...................................................................................................................................................... 24 Figure 15 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Orphée, huile sur toile, exposée au Salon des Artistes Français de 1899 (source : BRODSKAYA, Nathalia. Le Symbolisme. Parkstone International, 2014, p.130) ................... 25 Figure 16 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Salomé l'oiseau de proie, huile sur toile, 1905, collection particulière (source : Marcel-Beronneau 1869.1937 Peintre Symboliste. 1981, Catalogue d’exposition de la galerie ALAIN BLONDEL) ................................................................................................................................... 25 Figure 17: Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Judith, huile sur toile, entre 1910 et 1920, présentée au Salon des Artistes Français de 1930 (source : Marcel-Beronneau 1869.1937 Peintre Symboliste. 1981, Catalogue d’exposition de la galerie ALAIN BLONDEL) ...................................................................................................... 25 Figure 18 : Jean-Victor Schnetz, Le vœu à la Madonne, huile sur toile, 1831, Musée du Louvre, Paris (source : Base Joconde). ...................................................................................................................................................... 32 Figure 19 : Léopold Robert, L’arrivée des moissonneurs dans le marais Pontins, huile sur toile, 1830, Musée du Louvre, Paris (source : Base Joconde). ................................................................................................................ 33 Figure 20 : Camille Corot, Pastorale-Souvenir d’Italie, huile sur toile, 1873, Kelvingrove Art Gallery and Museum, Glasgow (source : Kelvingrove Art Gallery and Museum, Glasgow) ................................................... 33
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Figure 21 : William Bouguereau, La fileuse, huile sur toile, 1873, collection particulière. (source : Internet) . 33 Figure 22 : Ernest Hébert, La Malaria, huile sur toile, 1851, Musée d’Orsay, Paris (source : Base Joconde) .. 34 Figure 23 : Gustave Courbet, Paysans de Flagey revenant de la foire, huile sur toile, 1850, Musée d'Orsay, Paris (source : Base Joconde) .............................................................................................................................. 35 Figure 24 : Constant Troyon (1810-1865), Le pâturage à la gardeuse d’oies, huile sur toile, 1854, H. 80 ; L. 117 cm, Musée d’Orsay, Paris (source : Base Joconde) ............................................................................................. 36 Figure 25 : Jules Breton, A travers champs, huile sur toile, 1887, Brooklyn Museum of Art (source : Site internet du Brooklyn Museum of Art) ................................................................................................................... 36 Figure 26 : Jules Breton, Le rappel des glaneuses, huile sur toile, 1859, Musée d’Orsay, Paris. (source : Base Joconde) ................................................................................................................................................................ 37 Figure 27 : Rosa Bonheur, Labourage nivernais, dit aussi le sombrage, huile sur toile, 1849, H. 1,34 ; L. 2,6 m, Musée d’Orsay, Paris (source : Base Joconde) .................................................................................................... 38 Figure 28 : Jules Bastien-Lepage (1848-1884), La Faneuse au repos, huile sur toile, 1881, National Gallery, Oslo (source : National Gallery, Oslo) ................................................................................................................. 39 Figure 29 : Léon Lhermitte, La paye des moissonneurs, 1882, huile sur toile, h. 215 ; L. 272 cm, Musée D’Orsay, Paris (source : Base Joconde)............................................................................................................... 39 Figure 30 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Vieille femme au rouet, huile sur toile, 1898, FNAC, Paris (source : Photographie personnelle)..................................................................................................................... 41 Figure 31 : Principaux composants du rouet à pédale (source : Internet) ........................................................... 43 Figure 32 : On peut observer les deux courroies qui vont de la roue aux poulies (source : Photographie personnelle)........................................................................................................................................................... 43 Figure 33 : Principaux éléments permettant un filage et un embobinage simultanés (source : BILLAUX, Paul. Le lin au service des hommes, sa vie, ses techniques et son histoire, Paris : J.-B. Balliere & Fils, 1969, p.115) ..... 44 Figure 34 : Photographie d'une fileuse de Saintonge, 1900 (source :Internet) .................................................... 46 Figure 35 : Principales lignes de forces (source : Schéma personnel) ................................................................. 47 Figure 36 : Lignes secondaires de la composition (source : Schéma personnel) ................................................ 48 Figure 37 : Diagonales et droites s’entrecroisant au niveau de la bobine (source : Schéma personnel)............. 48 Figure 38 : Illusion de profondeur donnée par quatre plans principaux (source : Schéma personnel) ............... 49 Figure 39 : Profondeur de la pièce donnée par les lignes de fuite des poutres et du sol (source : Schéma personnel) ............................................................................................................................................................. 49 Figure 40 : Direction de la source lumineuse (source : Schéma personnel) ........................................................ 50 Figure 41 : Grain de la toile visible à proximité de la signature de l’artiste (source : Photographie personnelle) .............................................................................................................................................................................. 51 Figure 42 : Traces du pinceau visibles au-dessus de la cheminée (source : Photographie personnelle) ............. 51 Figure 43 : Motif floral de l’assiette posée sur la cheminée (source : Photographie personnelle) ...................... 51 Figure 44 : Ruban bleu enroulé autour de la quenouille (source : Photographie personnelle) ........................... 51 Figure 45 : Nicolas Maes, La femme au rouet, huile sur toile, 1655, Rijksmuseum Amsterdam (source : Site internet du Rijksmuseum Amsterdam) ................................................................................................................... 52 Figure 46 : Quiringh Gerritsz van Brekelenkam, Femme au rouet lisant, huile sur toile, 1659, Rijksmuseum Amsterdam (source : Site internet du Rijksmuseum Amsterdam).......................................................................... 52 Figure 47 : Entourage de Franz Hals, Malle Babbe, huile sur toile, 1629-1630, Metropolitan Museum of Art, New-York (source : Site internet du Metropolitan Museum of Art) ...................................................................... 52 Figure 48 : Rembrandt, Philosophe méditant, huile sur toile, 1632, Musée du Louvre, Paris (source : Base Joconde) ................................................................................................................................................................ 53 Figure 49 : Louis Le Nain (1593-1648), Famille de paysans dans un intérieur, huile sur toile, vers 1642, Musée du Louvre, Paris (source : Base Joconde) ............................................................................................................ 53 Figure 50 : Adèle Gonyn de Lurieux (1864-1944), Les derniers jours, huile sur toile, exposée au Salon de 1900 (source :Catalogue illustré du Salon (Société des artistes français) de 1900) ..................................................... 53 Figure 51 : Léon Lhermitte, La roue à filer, huile sur toile, 1885, collection particulière (source :Internet)...... 53 Figure 52 : R. Thiry, Vieille fileuse, huile sur toile, exposée au Salon de la société nationale des Beaux-Arts en 1899 (source : Gravure extraite du catalogue illustré du Salon de la SNBA de 1899). ........................................ 54
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Figure 53 : Jean-François Millet, Fileuse assise, huile sur panneau de bois, 1854, 35,2 x 26,7 cm, Museum of Fine Arts, Boston (source :Site internet du Museum of Fine Arts, Boston) .......................................................... 54 Figure 54 : Xavier Mellery, Effet de lumière, Craie noire, encre de Chine, pinceau et lavis sur papier, Musée s Royaux des Beaux-Arts, Bruxelles (source : Site internet des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique)....... 54 Figure 55 : Jean Delville, Le dernier Sommeil, 1888, Fusain sur papier, 44 x 57 cm, Collection particulière (source : COLLECTIF. Jean Delville (1867-1953) Maître de l’idéal. Paris : Somogy éditions d’art, 2014, p.17) .............................................................................................................................................................................. 54 Figure 56 : Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, Dans l’attente, huile sur toile, exposée au Salon de 1903, Musée de Bagnères-de-Bigorre (source : Musée de Bagnères-de-Bigorre) ..................................................................... 55
PARTIE 2 : RESTAURATION-CONSERVATION (Sources des illustrations : © Jérôme Félix-Naix) Figure 57 : Aspect de l’œuvre avant son arrivée dans les locaux de l’école. ....................................................... 60 Figure 58 : Schéma des dimensions de la toile. Les pointillés verts représentent les bords de rabats supérieur et inférieur pliés sur l’envers. ................................................................................................................................... 61 Figure 59 : Dos du tableau où l'on peut observer les marques d'un ancien châssis ............................................. 61 Figure 60 : Fils de chaine et de trame avec une torsion simple en Z.................................................................... 63 Figure 61 : Encollage visible sur le bord dextre du tableau ................................................................................. 63 Figure 62 : Encollage visible au dos d’une écaille trouvée libre à la surface de l’œuvre. Les empreintes laissées par les fibres dans ce dernier sont clairement visibles. ........................................................................................ 63 Figure 63 : Préparation visible sur le bord inférieur du tableau. ........................................................................ 64 Figure 64 : Préparation visible sur le bord dextre. .............................................................................................. 64 Figure 65 : Coupe stratigraphique d’une écaille trouvée libre à la surface du tableau (observation sous comptefils). ....................................................................................................................................................................... 65 Figure 66 : Ecaille en soulèvement près du bord senestre du tableau. ................................................................. 65 Figure 67 : Test de dégagement réalisé dans une lacune située à proximité du visage de la fileuse. ................... 65 Figure 68 : Stratigraphie d’une écaille vue sous microscope. .............................................................................. 66 Figure 69 : Lacune picturale près du visage du personnage laissant apercevoir une sous couche grisâtre plus foncée (grossissement x8). .................................................................................................................................... 67 Figure 70 : Sous couche grise au niveau du bord supérieur................................................................................. 67 Figure 71 : Sous couche gris-verte située dans le coin inférieur senestre. ........................................................... 67 Figure 72 : Une ébauche du tabouret est visible sur cette sous couche. Les lignes de construction et des tonalités différentes sont distinguables. .............................................................................................................................. 67 Figure 73 : La sous couche est ici très fine et de couleur vert foncé. ................................................................... 68 Figure 74 : Ecaille trouvée libre à la surface du tableau montrant une superposition complexe de couches colorées. ................................................................................................................................................................ 68 Figure 75 : Empâtements visibles au niveau de la quenouille. ............................................................................. 68 Figure 76 : Trace du pinceau visible au pied de la chaise. .................................................................................. 68 Figure 77 : Observation du vernis sous rayonnements ultraviolets. Les taches sombres correspondent aux diverses lacunes laissant apparaître les couches sous-jacentes du vernis, ainsi qu'aux zones de matité observées en lumière blanche. ............................................................................................................................................... 71 Figure 78 : Couche fine et application en demi-pâte sur la partie inférieure du tableau. .................................... 73 Figure 79 : On observe que les effets de transparence observés sous lumière transmise touchent essentiellement les parties claires du tableau ................................................................................................................................ 73 Figure 80 : Grande déchirure complexe. .............................................................................................................. 75 Figure 81 : Petite déchirure simple. ..................................................................................................................... 75 Figure 82 : Dimensions et emplacements des zones fragilisées et sectionnées..................................................... 76 Figure 83 : Coupure du support situé au niveau d'un des quatre plis provoqués par le pliage antérieur de la toile. On peut observer le feuil qui passe à travers celle-ci (grossissement x6.)................................................... 76 Figure 84 : Déformations de la surface observées en lumière rasante. ................................................................ 77
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Figure 85 : Déformations au niveau de la déchirure complexe, observées en lumière rasante. .......................... 77 Figure 86 : Schéma des altérations du support. ................................................................................................... 78 Figure 87 : Dimensions de la pièce de toile fixée au coin supérieur dextre, au dos de la toile. ........................... 79 Figure 88 : Pièce de "renfort" fixée à la cire au dos de la toile. .......................................................................... 79 Figure 89 : Schéma des lacunes de la couche picturale. ...................................................................................... 81 Figure 90 : Lacunes du feuil observées par le revers en lumière transmise (sur certaines lacunes, l'encollage est encore présent). ..................................................................................................................................................... 82 Figure 91 : Rupture entre les sous-couches et les couches sus-jacentes. ............................................................. 82 Figure 92 : Rupture entre la préparation et l’encollage. ...................................................................................... 82 Figure 93 : Perte d'encollage localisée sur les lèvres de la déchirure complexe. ............................................... 82 Figure 94 : Lacunes en « arêtes de poisson » sur le bord inférieur. ..................................................................... 83 Figure 95 : Coin inférieur dextre. Trace hypothétique d'un ancien cadre. ........................................................... 83 Figure 96 : Réseau de craquelures prématurées au niveau du rouet.................................................................... 83 Figure 97 : Schéma des emplacements des principaux réseaux de craquelures. .................................................. 84 Figure 98 : Réseau de craquelures horizontal de la zone 2. ................................................................................. 85 Figure 99 : Craquelures d'âge de la zone 1 ......................................................................................................... 85 Figure 100 : Craquelures d'âge présentes dans la zone 3. ................................................................................... 86 Figure 101 : Empreinte des écailles en cuvettes au revers de la toile. ................................................................. 86 Figure 102 : Vernis se déplaquant au niveau d'une lacune située à la base du rouet. ......................................... 87 Figure 103 : Vernis ayant un aspect chancis sur le coin inférieur sénestre au niveau du chat. ........................... 87 Figure 104 : Partie supérieure du tableau fortement encrassée. .......................................................................... 87 Figure 105 : Détails des craquelures prématurées au niveau du rouet. ............................................................... 88 Figure 106 : Détail des rides sur le bord senestre. ............................................................................................... 88 Figure 107 : Sous-couches apparentes au niveau du bord senestre. .................................................................... 89 Figure 108 : Schéma des clivages de la couche picturale. ................................................................................... 89 Figure 109 : Bord de rabat inférieur où l’on peut observer les trous de diamètre variable laissés par les anciennes semences............................................................................................................................................... 92 Figure 110 : Schéma du pliage de l'œuvre. ........................................................................................................... 93 Figure 111 : Schéma de la rupture de la couche picturale lors du pliage du support. ........................................ 94 Figure 112 : Zone normalement encrassée avant et après passage à l'eau déminéralisée chaude. ................... 106 Figure 113 : Coton témoin du second passage au T.A.C à 2 % (sur une zone d’environ 3 cm²). ...................... 106 Figure 114 : Zone fortement encrassée avant et après un passage à l'eau déminéralisée chaude. .................... 106 Figure 115 : Zone fortement encrassée après un second passage au T.A.C à 2 %. ............................................ 106 Figure 116 : Coton témoin du second passage au T.A.C à 2 % (sur une zone d'environ 3 cm²). ....................... 106 Figure 117 : Partie supérieure du tableau avant décrassage. ............................................................................ 113 Figure 118 : Même zone après décrassage. ........................................................................................................ 113 Figure 119 : Etat de surface après séchage de la protection de surface. ........................................................... 115 Figure 120 : Détail de la zone A : La déchirure complexe a été contournée à l’aide de nombreux petits rectangles de papier Japon®, laissant ainsi une liberté de mouvement au support. .......................................... 115 Figure 121 : Pièce de renfort avant d’être retirée. ............................................................................................. 116 Figure 122 : Action mécanique du scalpel sur la couche de peinture et de cire appliquée sur la pièce de renfort. ............................................................................................................................................................................ 117 Figure 123 : Pièce de renfort totalement visible après la première étape de grattage. Un essai de pelage a été réalisé dans un angle. ......................................................................................................................................... 117 Figure 124 : Pièce de renfort enlevée dans sa quasi-totalité. ............................................................................. 117 Figure 125 : Pièce de renfort enlevée à moitié. .................................................................................................. 117 Figure 126 : Aspect du revers après le retrait de la pièce de renfort. ................................................................ 117 Figure 127 : Passage de l’aspirateur avec une brosse adaptée.......................................................................... 118 Figure 128 : Dos du tableau après le passage de la brosse et de l’aspirateur. ................................................ 118 Figure 129 : Aplanissement du bord de rabat inférieur avec la spatule chauffante et la pièce de tissu humide. 119 Figure 130 : Bord de rabat inférieur avant aplanissement. ................................................................................ 120 Figure 131 : Même bord après la mise à plat localisée. ..................................................................................... 120
196
Figure 132 : Déformations liées à la déchirure complexe vues sous lumière rasante. ....................................... 120 Figure 133 : Même zone après la mise à plat localisée, vue sous la même lumière rasante. ............................. 120 Figure 134 : Angle supérieur dextre (accolé à l’importante lacune du support). ............................................... 120 Figure 135 : Même zone après aplanissement. ................................................................................................... 120 Figure 136 : Lèvres de la déchirure complexe maintenues par des bandes de papier adhésif micropore. ........ 121 Figure 137 : Schéma du montage du cartonnage. .............................................................................................. 123 Figure 138 : Tirant du bord inférieur plus large que celui du bord senestre. .................................................... 123 Figure 139 : Premier papier de cartonnage appliqué à la méthylcellulose sur la partie supérieure du tableau. ............................................................................................................................................................................ 123 Figure 140 : Deuxième papier appliqué sur la partie inférieure. ....................................................................... 123 Figure 141 : Bonne reprise des déformations autour de la déchirure complexe. ............................................... 124 Figure 142 : Déformation horizontale la moins bien résorbée de l’ensemble. .................................................. 124 Figure 143 : Agrandissement du pli de la zone cerclée en bleu (voir Figure 145). ............................................ 124 Figure 144 : Agrandissement du pli se trouvant dans la zone cerclée en rouge (voir Figure 145). ................... 124 Figure 145 : Dos du tableau placé sous lumière rasante. On peut observer quelques plis en relief liés à une fragilisation du support en ces zones. ................................................................................................................. 125 Figure 146 : Réactivation de l’adhésif à l’aide d’une spatule chauffante et d’un film de Melinex®. ................ 126 Figure 147 : La déchirure simple à également été consolidée par mesure de sécurité. ..................................... 126 Figure 148 : Déchirure complexe après consolidation provisoire des lèvres. .................................................... 126 Figure 149 : Imprégnation des bords de rabat au Plexisol®, à l’aide d’un pinceau brosse. ............................. 127 Figure 150 : Le Plexisol® a été appliqué sur toute la surface destinée à la pose des futures bandes de tension. Ici les pointillés représentent la limite de l’imprégnation au niveau de l’angle lacunaire. ................................ 127 Figure 151 : Application de l’adhésif à travers le non-tissé au niveau de l’angle supérieur dextre. ................. 127 Figure 152 : Même procédé, ici sur le bord de rabat supérieur. ........................................................................ 127 Figure 153 : Fixation des bandes de tension sur les montants du bâti tenseur à l’aide d’une agrafeuse........... 128 Figure 154 : Ouverture progressive des angles du bâti. ..................................................................................... 128 Figure 155 : Revers observé sous lumière rasante après la mise en extension sur bâti. .................................... 128 Figure 156 : Passage de la spatule chauffante sur la zone imprégnée de cire, sur table basse pression. .......... 129 Figure 157 : Revers, avant et après nettoyage. ................................................................................................... 129 Figure 158 : Réactivation de l’adhésif sur table basse pression. ....................................................................... 130 Figure 159 : Schéma des bords des déchirures, présentant un léger enfoncement du support là où le feuil est absent. ................................................................................................................................................................. 131 Figure 160 : Même zone après l’application du mastic provisoire. ................................................................... 131 Figure 161 : Mastics provisoires appliqués sur le support « nu », au niveau de la déchirure complexe. .......... 131 Figure 162 : Incrustations observée sous lumière rasante. ................................................................................ 132 Figure 163 : Délimitations des différentes pièces d’incrustations nécessaires au comblement de la lacune. .... 132 Figure 164 : Lacune de petite dimension (moins de 5 mm) à proximité de l’ancienne pièce de renfort, comblée avec de la « bourre ».......................................................................................................................................... 133 Figure 165 : Réactivation des fils de pontage à la spatule. ................................................................................ 133 Figure 166 : Coupure consolidée à l’aide des fils d’Origam® et du Plextol®B500 épaissi. ............................. 133 Figure 167 : Essais de couleurs et aspect des incrustations avant et après retouche......................................... 134 Figure 168 : Toile de doublage et film de Melinex® tendus sur bâti.................................................................. 135 Figure 169 : Application de l’adhésif au travers d’une gaze à l’aide d’une spatule. ......................................... 135 Figure 170 : Application de l'adhésif au rouleau. .............................................................................................. 135 Figure 171 : Aspect du film de Plextol®B500 après séchage. ............................................................................ 135 Figure 172 : Doublage de l'œuvre sur table basse pression. .............................................................................. 136 Figure 173 : Schéma du montage du doublage. .................................................................................................. 136 Figure 174 : Délitage des papiers de protection, du centre vers l’extérieur, couche après couche. .................. 137 Figure 175 : Allégement du vernis en cours, au niveau du visage de la fileuse.................................................. 138 Figure 176 : Allégement en cours du vernis, au niveau de la cheminée. ............................................................ 138 Figure 177 : Revers du tableau après montage de la toile sur son châssis. ....................................................... 139 Figure 178 : Inscriptions visible au travers du doublage transparent. ............................................................... 139
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Figure 179 : Premier masticage des lacunes avec un mastic brun. .................................................................... 140 Figure 180 : Second mastic blanc. ...................................................................................................................... 140 Figure 181 : Schéma de la superposition des deux mastics dans une lacune picturale. ..................................... 140 Figure 182 : Mastics en cours de structuration dans l'angle supérieur dextre. .................................................. 141 Figure 183 : Œuvre après le masticage des lacunes. ......................................................................................... 141 Figure 184 : L’entière réalisation des mastics a été réalisée sous lampe rasante. ............................................. 141 Figure 185 : Détail de la gravure de la Vieille femme au rouet, catalogue illustré du salon de la SNBA de 1901. (source : Catalogue illustré du salon de la SNBA de 1901) ................................................................................ 142 Figure 186 : Angle supérieur dextre avant restauration, après masticage des lacunes, et après la réintégration chromatique. ....................................................................................................................................................... 143 Figure 187 : Réintégration chromatique en cours de réalisation. ...................................................................... 143 Figure 188 : Aspect final de l’œuvre après les interventions de restauration. ................................................... 144 Figure 189 : Aspect final du revers après les interventions de restauration. Les clefs du châssis ont été sécurisées à l’aide de ficelle de lin...................................................................................................................... 144
PARTIE 3 : ÉTUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE (Sources des illustrations : © Jérôme Félix-Naix) Figure 190 : Schéma représentatif des phénomènes de réflexion, d’absorption et de transmission sur un matériau transparent........................................................................................................................................... 152 Figure 191 : Schéma d'une matrice. ................................................................................................................... 155 Figure 192 : Schéma des matrices superposées. ................................................................................................. 155 Figure 193 : Schéma de l'application de l'adhésif à l'aide d'une spatule souple. ............................................... 156 Figure 194 : Schéma du retrait progressif de la matrice. ................................................................................... 156 Figure 195 : Echantillon réalisé avec quatre matrices superposées, en cours de séchage. ............................... 156 Figure 196 : Echantillons réalisés avec une matrice, après séchage. ................................................................ 156 Figure 197 : Schéma de l’application de l’adhésif à travers les matrices et du phénomène de retrait.. ............ 157 Figure 198 : Schéma du montage. ...................................................................................................................... 158 Figure 199 : Schéma du cadrage de l'échantillon par rapport à l'ouverture. ..................................................... 158 Figure 200 : Diagramme comparant le taux de transmittance moyen des échantillons (en %) de la série A et B. ............................................................................................................................................................................ 160 Figure 201 : Schéma du montage du test de traction. ......................................................................................... 161 Figure 202 : Schéma du maintien de l'échantillon entre les pinces à dessin. .................................................... 162 Figure 203 : La règle graduée est placée à proximité de l’échantillon pour une mesure continue et précise de son allongement. ................................................................................................................................................. 162 Figure 204 : Mesure de l'allongement et augmentation de la contrainte toutes les 30 secondes. ...................... 162 Figure 205 : Diagramme comparatif de l’allongement relatif maximal (en moyenne) des échantillons (en %) avant la rupture de l’adhésif. .............................................................................................................................. 166 Figure 206 : Diagramme comparatif de la force (en moyenne) nécessaire à la rupture des échantillons (en N). ............................................................................................................................................................................ 166 Figure 207 : Courbes moyennes d’élasticité obtenus pour les échantillons de la série A et B. .......................... 167 Figure 208 : Schéma des échantillons sur table basse pression. ........................................................................ 170 Figure 209 : Diagramme comparatif de la transmittance moyenne (en %) des échantillons après activation des films d’adhésif à la chaleur. ................................................................................................................................ 171 Figure 210 : Diagramme comparatif de l’allongement relatif maximal moyen (en %), des échantillons de la série A et B après leur réactivation à la chaleur. ........................................................................................................ 173 Figure 211 : Diagramme comparatif de la force moyenne à la rupture (en N) des échantillons de la série A et B après leur réactivation à la chaleur. ................................................................................................................... 173 Figure 212 : Comparaison des courbes d’élasticité moyennes des échantillons de la série A, avant et après la réactivation de l’adhésif à la chaleur. ................................................................................................................ 174
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Figure 213 : Comparaison des courbes d’élasticité moyennes des échantillons de la série B, avant et après la réactivation de l’adhésif à la chaleur. ................................................................................................................ 174 Figure 214 : Diagramme comparatif de la transmittance moyenne (en %) des échantillons de la série A et B de 1 mm d’épaisseur, avant et après la réactivation des films d’adhésif à la chaleur et aux solvants. ..................... 177 Figure 215 : Diagramme comparatif de l’allongement relatif (%) des échantillons (en moyenne) après réactivation de l’adhésif à la chaleur et à la chaleur + solvant. ........................................................................ 179 Figure 216 : Diagramme comparatif de la force nécessaire (en moyenne) à la rupture des échantillons (en N) après réactivation de l’adhésif à la chaleur et à la chaleur + solvant................................................................ 179 Figure 217 : Diagramme comparatif de la force moyenne nécessaire à la rupture des échantillons (en N), avant et après leur réactivation à la chaleur et à la chaleur + solvants. ..................................................................... 181 Figure 218 : Allongement relatif moyen des échantillons avant et après leur réactivation à la chaleur et à la chaleur + solvants. .............................................................................................................................................. 181 Figure 219 : Comparaison des courbes de traction des échantillons de la série A (1 mm) et B (2x 0.5 mm) avant et après réactivation à la chaleur et aux solvants. .............................................................................................. 182
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200
Annexes I.
Planche des inscriptions .................................................................................................. 202
II. Catalogue illustré de la SNBA de 1901 / Gravure de la Vieille femme au rouet de Marcel-Beronneau. ................................................................................................................. 203 III. Listes des œuvres de Marcel-Beronneau exposées au Salon de la société des artistes français, d'après les catalogues illustrés de peinture et sculpture : ......................................... 205 IV. Tests d’identification et de comportement des matériaux constitutifs de l’œuvre. ........ 206 IV.1 Le support toile : ...................................................................................................... 206
IV.2 L'encollage : ............................................................................................................. 207 IV.3 La préparation : ........................................................................................................ 207 IV.4 La couche picturale : ................................................................................................ 207 V. Fiches techniques ............................................................................................................ 208 Luxmètre / HI 9700 ............................................................................................................ 208 Toile utilisée pour le doublage transparent : SEFAR PETEX® 07-240/59 ..................... 209 Plexisol®P 550 : ................................................................................................................. 210 Plextol®B500 : ................................................................................................................... 211 Mastic Modostuc® : ........................................................................................................... 213 Résine Dammar : ................................................................................................................ 214 Laropal A81 : source (BASF) ............................................................................................. 216 Regalrez® 1094 .................................................................................................................. 217 Tinuvin 292 : ...................................................................................................................... 218 Gamblin® Colors : ............................................................................................................. 219 Triammonium Citrate : ....................................................................................................... 221 Isooctane ............................................................................................................................. 223 Isopropanol ......................................................................................................................... 225 Xylène ................................................................................................................................. 226 Toluène ............................................................................................................................... 228 White-Spirit® ..................................................................................................................... 229 Méthyléthylcétone .............................................................................................................. 230 Méthylcellulose .................................................................................................................. 231 Papier Japon et papier Bolloré ............................................................................................ 232
201
I. Planche des inscriptions Face (avant intervention) :
Figure n°1 : "MarcelBeronneau 98.", inscrit sur le coin inférieur dextre, à la peinture à l'huile.
Figure n°2 : "Caudry" ? , inscrit sur le coin inférieur senestre, à la peinture à l'huile.
Figure n°1
Figure n°2
Revers (avant intervention) :
Figure n°3 : "Marcel Beronneau 98. / 49 Bd Montparnasse / Paris", inscrit à dextre au centre de la toile, à l'encre.
Figure n°4 : "La femme au rouet / toile provenant du musée de st-Omer en très mauvais état", inscrit dans la partie supérieure à la craie.
202
II. Catalogue illustrĂŠ de la SNBA de 1901 / Gravure de la Vieille femme au rouet de Marcel-Beronneau.
203
204
III. Listes des œuvres de Marcel-Beronneau exposées au Salon de la société des artistes français, d'après les catalogues illustrés de peinture et sculpture : Salon de 1895 : - Muse (n°170) Salon de 1896 : - Les Saintes femmes au Tombeau (fragment) – The holy women at the tomb.(n° 181) - Salomé portant la tête de saint Jean (n°182). Salon de 1897 : - Dans l'atelier - In the studio.(n°142) Salon de 1898 : - Suzanne (n°171) - La femme au chat noir (n°172). Salon de 1899 : - Orphée (n°166). - Heure dernière (n°167). Salon de 1900 : - Douloureuse station (n°109). Salon de 1907 : - Le carton aux estampes (n°1078). Salon de 1911 : - La femme nue, symphonie blanc et or (n° 1255)
Société nationale des Beaux-Arts : Salon de 1901 : - la veille femme au rouet (n° 615). - La forge abandonnée (n° 616). Salon de 1902 : - Le Bénédicité (n° 796) - Intérieur (n° 797) - Petite ménagère (n° 798). Salon de 1903 : - La consolatrice (n°886). - Vieille femme disant son chapelet (n°887). - Dans l'attente (n°888). . - Salomé : porte la tête de Saint Jean (n°889). . Salon de 1904 : - Paysage : Tristesse (n° 832). . - Oeufs sur le plat (n° 833). - Intérieur girondin (n° 834). Salon d'hiver (Paris) : Salon de 1910 : - Angelico (n°682) Salon de 1913 : - Petit faune à la pomme (n°854) 205
IV. Tests d’identification et de comportement des matériaux constitutifs de l’œuvre. IV.1 Le support toile : - Test de réactivité à l’humidité sur un fil de chaîne et de trame : Avant immersion dans l'eau, pendant l'immersion, et après séchage, les fils de trame (3,1 cm) et de chaîne (2,5 cm) ne présentent aucune variation longitudinale. Apparemment, il n'y a aucune variation radiale non plus, mais cela est difficilement observable à la loupe binoculaire. La toile ne paraît donc pas réactive à l’humidité. - Test du fil passé sous une flamme : Il n'y a pas de rétraction du fil à l'approche d'une flamme. Après le retrait de la flamme, celle-ci se propage rapidement, avec une flamme jaune. Après l'extinction de la flamme, on observe une incandescence (rougeoiement) qui continu avec une émanation de fumées gris-noires. L'odeur de la fumée est une odeur de papier brûlé. Les cendres sont grisnoires avec une bordure blanche très fine et poudreuse. On peut alors supposer dans un premier temps qu'il s'agisse d'une toile de lin. - Test chimique: un fil long et identifiable est plongé dans plusieurs bains successifs : – – – – – – – – –
1er bain : éthanol pur (pour nettoyer le fil). 2e bain : permanganate de potassium à 1% dans l'eau. 3e bain : eau distillée (rinçage) 4e bain : bain acide (acide chlorhydrique à 3% dans de l'eau) qui servira de fixateur. 5e bain : eau distillée (nouveau rinçage) 6e bain : ammoniac pur (pour révéler une coloration particulière) si on n’obtient pas de changement de couleur, il s'agira de fibre de lin ou de coton. Si la coloration est légèrement rose, il s'agira de chanvre. Si la coloration est rouge, il s'agira de jute. Résultat 1 : aucune variation de couleur. Il s'agit donc bien de lin ou de coton.
- Pour permettre une différenciation entre le lin et le coton, il est d'usage de faire un test complémentaire en plongeant le fil dans un bain de chlorure de zinc iodé : - si la couleur du fil est brune, il s'agira de lin et si la couleur est jaune d'or, il s'agira de fibre de coton. Résultat 2 : Le fil obtient une couleur brune : Il s’agit donc d’une toile de lin
206
IV.2 L'encollage : - Test de l'immersion d'une écaille dans de l'eau chaude : l'encollage gonfle et se sépare facilement de la préparation. - Un test à la goutte d'eau sur une zone lacunaire laissant l’encollage visible, a également montré un gonflement de ce dernier (observations sous loupe binoculaire), ainsi qu'une certaine adhésivité au doigt. On peut donc supposer qu'il s'agisse d'un encollage avec une colle de nature protéinique comme la colle de peau par exemple.
IV.3 La préparation : - Test de l'immersion d'une écaille de préparation dans de l'eau chaude : Après avoir gratté la couche picturale et le vernis au scalpel d'une écaille trouvée libre sur le tableau, celle-ci, réduite à la préparation (et à quelques restes d'encollage) ne connait aucune modification, même après agitation de l'écaille et un test de résistance avec une l'aiguille. - Test de l'aiguille chauffée à la flamme : L'aiguille pénètre facilement dans l'écaille. - Test à l'acide chlorhydrique : La préparation produit une certaine effervescence. On peut donc supposer qu'il s’agit d'une préparation blanche de nature lipidique; constituée en partie de carbonate de calcium.
IV.4 La couche picturale : - Test de l'aiguille chauffée à la flamme : L’aiguille pénètre facilement dans l'écaille. L'écaille a été au préalable débarrassée de son vernis par un dégagement au scalpel. - Test de l'immersion d'une écaille de préparation dans de l'eau chaude : La couche picturale ne connait aucune modification. - Test à la chaleur : Une zone non vernie de la couche picturale a été recouverte par un papier Bolloré, puis a été soumise à l'action d'une spatule chauffante. Avec une température comprise entre 40°C et 60°C (température théorique d'une colle chaude), on ne remarque aucune modification de la part de la couche picturale. Outre un échauffement, on n’observe aucun ramollissement de cette dernière et aucune coloration du papier Bolloré. On peut donc supposer que le liant de la couche picturale est de nature lipidique.
207
V. Fiches techniques Luxmètre / HI 9700
208
Toile utilisée pour le doublage transparent : SEFAR PETEX® 07240/59
Lé de 118 cm de large ATTENTION une inscription est imprimée en grisé sur un des bords du lé, compter 2 cm de moins. Site internet: www.buisine.com 209
Plexisol®P 550 :
210
Plextol®B500 :
211
212
Mastic ModostucÂŽ :
213
RĂŠsine Dammar :
214
215
Laropal A81 : source (BASF)
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RegalrezÂŽ 1094
217
Tinuvin 292 :
218
GamblinÂŽ Colors :
219
220
Triammonium Citrate :
221
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Isooctane
223
224
Isopropanol
225
226
Xylène
227
Toluène
228
White-SpiritÂŽ
229
Méthyléthylcétone
230
MĂŠthylcellulose
231
Papier Japon et papier BollorĂŠ
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