Julie PAPIN-Peinture double-face, figure masculine, figure féminine, du peintre Manu Van de Velde

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ECOLES DE CONDE Formation Restaurateur du Patrimoine - Niveau II MEMOIRE DE FIN D’ETUDES Conservation Restauration de Peinture de chevalet

Objet de l'étude : Peinture double-face, figure masculine, figure féminine, du peintre Manu Van de Velde Sujet technico-scientifique : Etude sur la brillance de quelques adhésifs fréquemment utilisés dans les traitements de conservation- restauration des peintures non vernies et mates.

Mots clés : Manu Van de Velde, peintre belge, après-guerre, double-face, non verni, MFK, contemporain, brillance, vieillissement accéléré

Julie PAPIN Spécialité peinture Promotion 2015

PAPIN Julie – Ecole de Condé – Promotion 2015 Conservation – Restauration du Patrimoine, spécialité peintures de chevalet

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Remerciements Mes premières pensées se tournent très naturellement vers mes parents et mon frère, sans qui ce mémoire n’aurait aucune valeur, ni aucune matérialité. Pour votre soutien inconditionnel, pour la passion des belles choses que vous m’avez transmises, pour votre aide et pour votre amour, merci de tout mon cœur. Ce mémoire est pour vous seuls.

Un grand merci également à mes prêteurs d’œuvre, Mr et Mme Delguste, pour votre confiance, votre intérêt et votre amitié, j’espère avoir été à la hauteur de la tâche. Je souhaite également remercier la famille du peintre, Mme Evelyne Wilwerth et Mr Michel Van de Velde, je me sens chanceuse et privilégiée d’avoir eu l’opportunité de vous rencontrer. Merci pour votre aide, et vos témoignages. Je voudrais remercier mes amis, et tous ceux qui m’ont soutenu et encouragé de mille façons, Raphaëlle Bos, Alexis Burgniard, Anne-Laure Gauthier, Justine Gayet, Camille Hugueville, Elsa Kebour, Cécile Le Rétif, Marion Marquer, Amélie Musso , Jia-Yong Zeng…et tous ceux qui ont mon amitié, à vous, merci. Je remercie aussi mes camarades de promotion, plus particulièrement Gladys Macioni et Juliette Serre, pour avoir été des compagnons d’armes fidèles durant la bataille et sur d’autres fronts, pour votre gentillesse et votre soutien, merci. A mes professeurs, qui m’ont accompagné durant ces cinq années, avec patience et dévouement, Mr Crinel, Mr Nouaille, Mr Ollier, Mme Szyck, Mr Pepe, Mme de la Taille, Mme Wolf Bacha, un grand merci, pour tout. Je tiens également à remercier le « corps secrétarial » de l’école, notamment Mme Fradet et Mme Boisdur, toujours souriantes et disponibles. Je remercie ceux qui ont été mes maitres de stage durant ma scolarité, Mr Thiers et toute l’équipe, Mme Koltz et les restauratrices de la Sarthe, Mme Helou de la Grandière, Mr Echement, Mr Lemmens et tout l’atelier, merci pour vos conseils et votre confiance. Il faut de l’abnégation et de la persévérance pour réussir à étudier dans de bonnes conditions, sans perdre la flamme, 10 années durant dans le secondaire. Pour cela, je souhaitais aussi remercier : le voisinage bruyant, la morosité des grandes villes, la solitude, les problèmes techniques, les colocations épouvantables, les dimanche soirs, la bêtise humaine, les refus, les difficultés de la vie, etc…à tout cela, merci, de m’avoir forgé un bouclier d’acier et donné la force dont j’avais besoin.

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Résumé Ce mémoire est consacré à l’étude et à la conservation-restauration d’une peinture à l’huile contemporaine double-face du peintre Manu Van de Velde (1923-2002), peinte au recto et au verso d’une toile de lin. Au recto, nous lui avons donné le titre de figure masculine, au verso, figure féminine (datée de 1956). Le peintre Manu Van de Velde a eu une production riche, utilisant des matériaux très divers et créant des œuvres intimement liées à ses influences et à son vécu. L’une d’entre elles, venant d’une collection privée, nous a été confiée. Nos recherches historiques nous ont permis de rattacher la signature que nous avions au verso avec le peintre belge Manu Van de Velde et de découvrir un artiste passionné, engagé, avec un univers aux visages multiples. Cela nous a aidés à resituer nos deux faces dans un contexte, une production et de comprendre les choix plastiques et iconographiques privilégiés par le peintre. Le caractère double-face de ce tableau a donné un aspect urgent à sa restauration, l’œuvre ayant subi un choc entrainant une déchirure complexe du support. Cette altération a provoqué une fragilité de la couche picturale, ainsi qu’une perte de lisibilité des deux faces. Le défi ici était de parvenir à consolider la déchirure, refixer la couche picturale et apporter une réintégration colorée illusionniste en agissant de façon minimaliste et déontologique, sur une surface non vernie. Ce format atypique nous a orientés vers une nouvelle façon d’aborder la restauration, plus instinctive, expérimentale et de mettre un pied dans le domaine de l’art contemporain. Ces problématiques nous ont amenés à nous intéresser aux adhésifs adaptés aux œuvres non vernies, dans le cadre d’un refixage de couche picturale, avec une brillance minimale. Nous avons donc testés cinq adhésifs à des concentrations différentes, avant et après vieillissement, à l’aide d’un brillancemètre. Cette recherche a recentré un peu plus nos affinités sur l’art contemporain, notamment avec l’emploi d’adhésifs pour les peintures mates, souvent récentes, qui nécessitent l’utilisation de produits adaptés pour un changement optique moindre. Enfin, la création d’un châssis auto-tenseur a été un véritable défi, afin de permettre à notre œuvre double-face d’avoir une présentation adaptée à sa condition ainsi qu’une mise en tension qui pourra parer aux éventuelles variations hygrométriques.

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Abstract This thesis is dedicated to the study and the conservation-restoration of a contemporary doubleside oil painting from the painter Manu Van de Velde (1923-2002), painted front side and back on a linen canvas. The front side received the title of masculine figure and feminine figure for its back (dated from 1956). The painter Manu Van de Velde has an extensive production, using various materials and creating art pieces firmly linked to his influences and his life. One of his painting, belonging to a private collection, has been entrusted to our care for this report. Our historical researches has allowed us to reattach the signature seen on the back of the canvas, with the Belgian painter Manu Van de Velde, and to discover a passionate artist, engaged, with a multi-sides universe. It helped us to place the two sides in a context, a production and to understand the plastic and iconographic choices privileged by the painter. The double-side nature of this painting had given an urgent appearance at his restoration, the art work has been injured by a fall, leading to a complex tear on the support. This alteration has caused a fragility on the pictural layer, just as a loss of lisibility on the two sides. The challenge was to success at strengthen the tear, fix the pictural layer and bring an illusionist colored reintegration, by acting with ethics and minimalism, on an unvarnished layer. This atypical piece of art has concentrate us on a new way of restoring, more instinctive, experimental and move closer to contemporary art. Those problematics brought us to care about suitable adhesives for unvarnished paintings, within the framework of a pictural layer fixation, for a minimal gloss. We have put five adhesives to the test, with different concentrations, before and after artificial ageing, with the assistance of a glossmeter. This research refocused our affinities on contemporary art, in particular on the use of well-fitted adhesives for unvarnished paintings, frequently new, which require the use of adapted products for a minimum optical change. Finally, the creation of a self-tense frame has been a real challenge, in order to let our doubleside painting have a suitable presentation as well a tension which could deal with possible hygrometric variation.

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Fiche d’identification

Figure 1- Vue générale de l'œuvre (recto et verso) avant restauration

Titre : Figure masculine (recto)/Figure féminine (verso) Auteur : Albert (Emmanuel) Van de Velde dit « Manu » Van de Velde Statut : collection particulière Technique : peinture à l’huile sur toile, double face, tendue sur châssis-cadre à clés. Dimensions : 90 x 60 cm Date de création : 1956 pour le portrait féminin, autour des années 50 pour le portrait masculin (présumé) Lieu de conservation : particulier (salon) Propriétaire : collection privée Interventions antérieures : inconnues

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SOMMAIRE Remerciements

2

Résumé

3

Abstract

4

Fiche d’identification

5

Avant-propos

12

Introduction générale

14

CHAPITRE 1 : HISTOIRE DE L’ART Introduction 1 DE L’ŒUVRE A L’ARTISTE

19

1.1. HISTOIRE DE L’ARTISTE

19

1.2. MANU VAN DE VELDE, UN ARTISTE « TOUCHE A TOUT »

22

1.2.1. LES DEBUTS

22

1.2.2. A PARTIR DE 1970 JUSQU’EN 2000

23

1.3. HISTOIRE DE L’ŒUVRE

25

1.3.1. DATATION DES DEUX FACES

25

2 LA FIGURE MASCULINE

29

1.4. DESCRIPTION DU SUJET

30

1.4.1. LES OBJETS

30

1.5. ANALYSE PLASTIQUE

32

1.5.1. MATERIAUX, TECHNIQUE, EXECUTION

32

1.5.2. LA TOUCHE

33

1.5.3. COMPOSITION ET DIFFERENTS PLANS

35

1.5.4. L’ESPACE ET L’ABSENCE DE PROFONDEUR

36

1.5.5. DES LIGNES AU SERVICE D’UN EQUILIBRE

36

1.5.6. LA LUMIERE

36

1.5.7. LA COULEUR

37

3 LA FIGURE MASCULINE : PORTRAIT, AUTOPORTRAIT OU SIMPLE FIGURE ?

38

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1.6. L’HOMME COMME FIGURE

38

1.7. L’HOMME COMME PORTRAIT

40

1.8. L’HOMME COMME AUTOPORTRAIT

40

4 SOURCES ICONOGRAPHIQUES

43

1.9. LE SOUFFLE EXPRESSIONNISTE

43

1.10. UN ART LIE A LA FIGURATION

44

1.10.1. LE COURANT MISERABILISTE

44

1.11. SITUATION DE L’ŒUVRE AU SEIN DE PRODUCTION DU PEINTRE

47

5 LA FIGURE FEMININE

49

1.12. DESCRIPTION DE L’ŒUVRE

50

1.13. IDENTIFICATION DU SUJET

50

1.14. ANALYSE PLASTIQUE

50

1.14.1. TECHNIQUE

51

1.14.2. FACTURE

51

1.15. COMPOSITION

52

6 ANALYSE ICONOGRAPHIQUE

54

7 CONCLUSION

58

CHAPITRE 2: RESTAURATION 1. MATERIAUX CONSTITUTIFS ET TECHNIQUE DE MISE EN ŒUVRE

61

1.1. LE SUPPORT

61

1.1.1. LE CHASSIS

61

1.2. LA TOILE

64

1.2.1. LA NATURE DE LA TOILE

64

1.2.2. TISSAGE ET CONTEXTURE

64

1.2.3. FIXATION DU SUPPORT SUR LE CHASSIS

65

1.3. LA STRATIGRAPHIE

66

1.4. L’ENCOLLAGE

67

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1.5. LA PREPARATION

67

1.6. PREMIERE COUCHE COLOREE

68

1.7. LA COUCHE COLOREE

69

1.7.1. LE LIANT

69

1.8. LES PIGMENTS

70

1.8.1. FACTURE, TRAITEMENT

71

8 EXAMEN DETAILLE DES ALTERATIONS

73

1.9. LE CHASSIS

73

1.10. LE SUPPORT TOILE

73

1.10.1. LES ALTERATIONS DE SURFACE

73

1.10.2. LA DECHIRURE

74

1.10.3. TENSION DE LA TOILE

76

1.11. L’ENCOLLAGE

76

1.12. LA PREPARATION

76

1.13. LA COUCHE PICTURALE

77

9 DIAGNOSTIC : CAUSE DES ALTERATIONS DE L’ŒUVRE

78

1.14. ALTERATIONS DUES AU VIEILLISSEMENT DES MATERIAUX ET A LA MISE EN ŒUVRE

78

1.15. ALTERATIONS DUES A DES CAUSES MECANIQUES

79

1.16. ALTERATIONS DUES A DES CAUSES PHYSICO-CHIMIQUES

80

1.16.1. RAPPEL DE DIFFERENTES NOTIONS

80

1.16.2. PERTE DE COHESION

82

1.16.3. OXYDATION DES MATERIAUX

83

9.1.1.1 La toile

83

10 PRONOSTIC

83

1.17. EVOLUTION DES ALTERATIONS A CAUSE DU VIEILLISSEMENT DES MATERIAUX

83

1.18. EVOLUTION DES ALTERATIONS A CAUSE D’UNE MAUVAISE CONSERVATION

84

11 PROTOCOLE DE RESTAURATION

84

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1.1. PROPOSITION DE TRAITEMENT

84

1.1.1. OBJECTIFS ET NECESSITE D’INTERVENTION

84

1.2. CAHIER DES CHARGES ET CHOIX DES MATERIAUX

86

1.2.1. MESURE DE PROTECTION

86

1.3. PROBLEMATIQUES SOULEVEES PAR L’ŒUVRE

87

1 TRAITEMENT DE RESTAURATION PROPOSE

89

1.1. DECRASSAGE DU RECTO ET DU VERSO

89

1.2. CONSOLIDATION DE LA DECHIRURE

89

1.3. RETABLISSEMENT DE L’ADHESION DE LA COUCHE PICTURALE

89

1.4. FABRICATION D’UN CHASSIS ADAPTE

90

1.5. POSE DES MASTICS ET REINTEGRATION COLOREE

90

1.6. RECAPITULATIF CHRONOLOGIQUE DU TRAITEMENT PROPOSE

91

1 DECRASSAGE DE LA COUCHE PICTURALE (RECTO)

93

1.1. TESTS DE NETTOYAGE SUR LA FACE – FIGURE MASCULINE

94

1.2. TABLEAU DES TESTS EFFECTUES

95

2 DECRASSAGE DU VERSO

97

3 POSE D’UN PAPIER DE PROTECTION

98

4 DEPOSE DE LA TOILE

98

1.3. ASPIRATION DU RECTO

100

1.4. DEUXIEME DECRASSAGE

101

5 MISE EN EXTENSION SUR BATI

101

1.5. APLANISSEMENT DES BORDS

101

1.6. POSE DE BANDES D’INTISSE AU PLEXTOL ET REMONTAGE

102

6 REPRISE DE LA DECHIRURE

102

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[9]


1.7. CRITERES ET CONTRAINTES

102

1.8. BIBLIOGRAPHIE NON EXHAUSTIVE

103

1.9. HISTORIQUE DES TRAITEMENTS DES DECHIRURES

103

1.10. TESTS D’ADHESIFS ET DE RETISSAGE

104

1.11. CHOIX FINAL DE L’ADHESIF ET CONSOLIDATION

106

7 REFIXAGE DE LA COUCHE PICTURALE

108

8 POSE DE BANDES DE TENSION DEFINITIVES

111

9 POSE DE MASTIC ET STRUCTURATION

112

1.12. FIGURE MASCULINE

112

1.13. FIGURE FEMININE

114

10 REINTEGRATION COLOREE

114

1.14. LA FIGURE MASCULINE – RECTO

114

1.15. LA FIGURE FEMININE - VERSO

116

11 MISE EN EXTENSION DEFINITIVE SUR CHASSIS AUTOREGULE

116

12 CONCLUSION

119

CHAPITRE 3: SCIENCES 1 PROBLEMATIQUE ET RECHERCHE DE CONSOLIDANTS

123

2 OBJECTIF DE L’EXPERIMENTATION

124

3 LES DIFFERENTS ADHESIFS TESTES

125

1.1. TABLEAU AVEC AVANTAGES ET INCONVENIENTS DE CHAQUE ADHESIF

125

1.2. LA COLLE D’ESTURGEON

127

1.3. LE MEDIUM DE CONSOLIDATION® 4176

128

1.4. LE PRIMAL™ 330S

129

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1.5. L’ACRIL 33

129

1.6. L’ACRIL ME

130

4 PARAMETRES TESTES

130

1.7. LA BRILLANCE

130

1.7.1. NOTION DE BRILLANCE

130

1.7.2. MESURE DE LA BRILLANCE

132

1.8. LE TEMPS

133

1.8.1. LA BOITE DE VIEILLISSEMENT

133

5 MISE EN PLACE DU PROTOCOLE EXPERIMENTAL

135

1.9. REALISATION DE PRE-TESTS

135

1.10. REALISATION DES TESTS

136

6 HISTOGRAMMES ET ANALYSES DES DONNEES

140

7 TESTS AVEC VIEILLISSEMENT

144

1.11. TABLEAU AVANT VIEILLISSEMENT

144

1.12. DONNEES APRES VIEILLISSEMENT

145

8 CROISEMENT ET INTERPRETATION DES RESULTATS

143

9 CONCLUSION

147

Bibliographie Annexes

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Avant-propos Provenance de l’œuvre

Lorsque nous avons repéré notre future œuvre de mémoire, nous étions en stage à Bruxelles chez M. Jean-Claude Echement1, et un client, notre actuel préteur d’œuvres, avait amené le tableau à la suite d’une chute sur un bras de fauteuil. Nous avons immédiatement été fascinés par les couleurs vives de la figure masculine, la générosité de la touche, le cerclage noir autour des objets qui les faisaient ressortir et toute cette harmonie qui se dégageait de cette œuvre. Puis vint le moment d’observer le revers du tableau, et quelle surprise de découvrir le deuxième personnage, une femme, dans toute sa sensualité et son mystère. Nous avons eu un véritable coup de cœur pour ce tableau accidenté, qui se présentait comme un défi de restauratrice, par son aspect double face et le jeu de pistes qui se profilait pour retrouver l’artiste à l’origine de ces deux œuvres. Son caractère contemporain était un atout de plus, car restaurer le patrimoine signifie aussi restaurer le présent et être constamment dans l’expérimentation et la remise en question. Cet aspect a achevé de nous conforter dans notre choix d’œuvre de mémoire, et nous nous sommes fixés pour objectif de redonner aux deux faces leur intégrité esthétique et matérielle, en gardant à l’esprit la déontologie liée à notre profession et l’aspect minimaliste que le travail sur les œuvres de ce genre requiert.

Rencontre avec un artiste authentique

Nous ne savions pas, en débutant nos recherches sur l’œuvre, quelles étaient ses origines, son parcours ou bien même son créateur. C’est par un heureux hasard, ou plutôt devrions-nous dire grâce à la technologie, que nous avons pu mettre un nom sur l’artiste à l’origine de ce tableau. Nous avons, en effet, découvert un site de vente aux enchères 2, en tâtonnant sur les initiales du prénom du peintre, un tableau similaire à la figure masculine, dont la signature ressemblait étrangement. Il s’agissait du peintre Manu Van de Velde, dont le tableau « misère » avait été vendu un mois plus tôt en ligne. Sans ce coup du destin, il se peut que nos recherches n’aient jamais abouties, ou tout du moins, aient pris beaucoup plus de temps.

1

Atelier Conservart Tableau « misère » de Manu Van de Velde, 50 x 40 cm, peint en 1972, vu sur ce site : http://www.auction-ineurope.com/index.py/object_details_archives/cid/1626551 2

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Peu après, nous avons pu entrer en contact avec Mme Evelyne Wilwerth, compagne de M. Van de Velde, qui par chance a bien voulu nous recevoir et répondre à nos questions. Par la suite, elle nous a présenté l’un des fils du peintre, Michel Van de Velde, qui nous a accordé sa confiance à son tour et nous a permis d’éclaircir les zones d’ombres et de découvrir ce peintre intègre et prolixe qu’était Manu Van de Velde.

Précisions

Il nous faut dès à présent clarifier certains détails avant d’entrer plus avant dans les différentes parties du mémoire : nous avons considéré que le côté homme se nommerait figure masculine, suite à nos recherches en histoire de l’art, et le côté femme, figure féminine. De plus, quand nous parlerons du recto, il s’agira toujours de la figure masculine, par égard pour la chronologie de l’œuvre et du verso en ce qui concerne la figure féminine. L’homme a en effet été créé ultérieurement, et sur la face préparée de la toile, contrairement à la femme, qui a été réalisée quelques années plus tard, la date et la trace de la traverse centrale dans l’œuvre servant de témoignage.

Figure 3- Figure masculine le jour de son arrivée à l'atelier (recto)

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Figure 2- figure féminine le jour de son arrivée à l'atelier (verso)

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Introduction générale

Ce mémoire de fin d’études est consacré à la conservation-restauration d’une peinture à l’huile recto-verso du peintre belge Manu Van de Velde (1923-2002). Il regroupe nos recherche et notre étude effectuée durant deux années, et se compose de trois parties distinctes : une recherche historique, une partie restauration de l’œuvre et une étude technico-scientifique. La recherche historique a été la partie la plus prenante et la plus passionnante, débutant par une véritable enquête pour déterminer qui se cachait derrière la signature floue que nous avions au verso de l’œuvre. Cette signature nous a conduits sur les traces du peintre Manu Van de Velde (1923-2002), et nous avons pu, à travers le fil de son existence, replacer nos deux œuvres dans la production culturelle de cette époque, mais aussi dans la carrière du peintre. Après une courte biographie, nous nous sommes attachés à rappeler sa production artistique pour mieux arriver à l’analyse de l’œuvre, le recto puis le verso. La restauration de cette peinture double-face a demandé une analyse approfondie des matériaux de l’œuvre ainsi que de nombreuses recherches et la mise en place d’une approche déontologique et minimaliste, pour traiter le cas d’une déchirure d’un double-face et le refixage d’une peinture non vernie. De cette analyse de notre œuvre de mémoire a découlé la volonté de trouver les produits les plus adaptés pour notre tableau, notamment pour le refixage de la couche picturale, qui présentait un clivage suite au choc subit par l’œuvre. Afin de respecter l’aspect relativement mat de la couche picturale, nous avons testé la brillance de différents adhésifs qui étaient susceptibles de convenir à notre restauration. Notre objectif était également d’élargir le panel d’adhésifs disponibles dans le cadre de peintures non vernies, souvent contemporaines, en insistant sur les modifications optiques, ici la brillance, qui peuvent survenir.

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Figure 4- Manu Van de Velde, Evelyne Wilwerth, photographie, date et auteur inconnus

Etude historique « J'ai enfin trouvé le style qui allait à mon tempérament, poursuit-il. Je ne suis pas du genre une couleur et «tchoc-tchoc» sur la toile. Il esquisse le geste d'un Zorro paraphant de son initiale le gros ventre du sergent Garcia. J'aime mieux le travail progressif, en finesse. » Manu Van de Velde en interview pour le journal Le Soir, Bokhorst Hermine, 14 mai 1991, page 20.

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Introduction Lorsque nous nous sommes interrogés sur l’attribution de notre œuvre de mémoire, nous avons dû nous reposer entièrement sur la signature, qui était estompée et difficilement déchiffrable. En effet, l’œuvre étant signée au revers, directement sur la toile brute, la peinture s’était diffusée, rendant les lettres floues. De plus, nous avons dû proposer différentes interprétations quant aux initiales du prénom du peintre, tant elles étaient illisibles. Après plusieurs mois de tâtonnements et de recherches, il nous est apparu que le tableau était signé ainsi « M. V. d. Velde ». Le nom de famille Van de Velde étant extrêmement répandu en Belgique, il a fallu procéder par élimination, pour enfin découvrir l’artiste caché derrière cette signature, Manu Van de Velde. Par chance, Manu Van de Velde a joui de son vivant d’une certaine notoriété, nous avons ainsi pu retracer une partie de sa vie et correspondre avec des membres de sa famille, afin d’en apprendre d’avantage sur cet artiste et sur son œuvre. Nous avons également eu l’opportunité de confronter notre tableau de mémoire avec d’autres œuvres de l’artiste afin d’authentifier notre peinture double-face avec certitude et la rattacher à sa production. Cela nous a également permit de situer la figure féminine comme la figure masculine au sein de la carrière de Manu Van de Velde en les rattachant aux épisodes marquants de sa vie, à ses influences et ses rencontres. Le fait de travailler sur une peinture peinte au recto et au verso, avec un côté masculin et un côté féminin, permet de découvrir deux faces de l’artiste, et d’opposer de façon un peu manichéenne mais néanmoins assez juste, ses douleurs et ses joies, les épisodes sombres de sa vie aux rencontres avec ses muses et l’apaisement qu’il a pu trouver à la fin de sa carrière. Le but de notre étude est de faire découvrir, voire redécouvrir, cet artiste en le replaçant dans son contexte artistique, historique et familial, afin de mieux comprendre ses choix de sujets, sa manière de peindre et plus particulièrement les deux faces présentes sur notre œuvre de mémoire. Il ne s’agit pas ici d’écrire exhaustivement sur la vie de cet artiste, une biographie ayant déjà été réalisée par son fils Michel Van de Velde, mais bien de relater quelques épisodes importants de sa vie, d’étudier sa production afin de mieux comprendre ses choix artistiques et de les interpréter. C’est pourquoi nous nous intéresserons d’abord à la vie de Manu Van de Velde, pour pouvoir ensuite parler de sa carrière et mettre en lumière les choix artistiques et les influences qu’il a eu.

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Nous aborderons ensuite l’histoire de l’œuvre, afin de la dater et tenter de retracer son parcours, ainsi que son exécution. Puis nous séparerons les deux parties en analysant plastiquement et iconographiquement chaque côté, en tentant de déterminer quel sujet y est représenté, tout en recoupant les diverses influences qui construisent la figure masculine comme la figure féminine.

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Dates clés 1923

Naissance de Manu Van de Velde (17 avril)

1943-4

Incarcération en camp de concentration (13 mois)

1947

Début de sa carrière de peintre

1947-56

Période présumée de la création de la figure masculine, notre œuvre de mémoire

1956

Création de la figure féminine, verso de notre œuvre de mémoire

1972

Mort de son fils André – dépression, alcoolisme -

1979

Rencontre avec Evelyne Wilwerth – apaisement dans sa vie et son œuvre, travail en duo sur des poésies, des textes, dont il fait les illustrations, expositions en commun

2002

Décès de Manu Van de Velde

Dernières expositions de Manu Van de Velde3 Galerie La Forge (Bruxelles). 1983 Centre Rops (Bruxelles) 1985 Galerie Bortier (Bruxelles), 1987 et 1989 Galerie Identités (Amoy), 1988 Galerie La nef des fous (Paris). 1988 Centre culturel d'Dottignies. 1990 Les Dames blanches (La Rochelle). 1991 Musée de l'eau (Mesvin). 1992 Galeries La Bergerie (Bruxelles). 1994 Galerie La Régence (Braine I'Alleud). 1995 Espace Bottier (Bruxelles), 1998

Principales expositions d'ensemble Festival international de Bruxelles (1952) Salon des Indépendants (Paris. 1958) Biennale d'Argenteuil (1968) Manifestations du Mouvement réaliste.

3

Cartons d’invitations trouvées dans les notes du fils du peintre, Michel Van de Velde, visibles en annexe

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1

De l’œuvre à l’Artiste 1.1. Histoire de l’artiste4 Manu Van de Velde5, de son vrai nom Albert

Emile Emmanuel Van de Velde6, nait en 1923 à Duivelshoeck en Belgique, d’un père conducteur de tramways, puis boxeur, et d’une mère vestiairiste à la Bourse de Bruxelles. Sa famille s’installe à Bruxelles et il va grandir entre le quartier de l’abattoir et du canal, dans une atmosphère populaire et ouvrière, très modeste.

Dans une interview qu’il donne pour le

journal Le Soir7, il dit « J'ai appris à 16 ans ce qu'était une salle de bains. On ne savait pas à quoi cela servait... J'y ai entreposé des bouquins ! »8. Il sera boxeur durant quelques années, suivant l’exemple de son père9. Il a 17

Figure 5- Photographie de Manu Van de Velde, Date et auteur inconnus

ans quand la guerre éclate en 1940. Ses parents décèdent entre 1941 et 1942, laissant tout juste le temps à Manu de finir ses humanités10 à Uccle11 et de commencer des études de médecine à l’université libre de Bruxelles. A cause de la guerre, l’université ferme un an plus tard sous la pression de l’occupant allemand. Il fera des petits boulots pour s’en sortir, tourneur, chauffeur de taxi, représentant en matériel radiologique, garagiste, traducteur, même boxeur… Le 31 mars 1943, à 20 ans, il passe à la « landgericht-gefangnis12 » et est envoyé en camp de concentration à Offenburg en Allemagne, pour « raisons de sécurité13 », en tant que prisonnier politique. Il l’avoue lui-même « C’est vrai que j’ai fait un peu de résistance en

D’après les informations transmises par la famille du peintre et les interviews et articles collectés Littéralement « Du champ » en néerlandais. 6 Il a très vite prit le surnom de « Manu », diminutif d’Emmanuel, son troisième prénom, qu’il préférait à son prénom Albert. 7 Quotidien généraliste belge fondé en 1887. 8 BOKHORST, Hermine, « Manu Van de Velde, Bruxellois…Non peut-être « Je suis un rotte triste imbécile, je reviens toujours », Le Soir, lundi 1er mars 1999, p.16. 9 Son père devenu chômeur se convertira à la boxe. Il décèdera en asile psychiatrique, des suites de diverses commotions cérébrales et séquelles permanentes au cerveau dues à la pratique de ce sport. 10 Section néerlandophone. 11 Université d’Uccle, quartier de Bruxelles. 12 Prison du tribunal. 13 « Schutzhaft », littéralement « détention de protection ». Il s’agissait, pendant l’occupation nazie, d’un moyen de détenir des opposants au régime, des indésirables, pour les envoyer par la suite dans des camps de concentration. 4 5

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4014. »Cependant, la « Schutzhaft », autrement dit la détention de protection, permettait surtout aux nazis d’emprisonner arbitrairement toute personne qui aurait pu nuire au régime, sans qu’il y ait véritablement de preuves ou encore de procès. Manu Van de Velde ne sortira que le 8 novembre 1944 des camps, amaigri et très affaibli.

Figure 6- papiers attestant de l'incarcération du peintre

En 1947, après avoir passé un an à l’hôpital pour se remettre de son séjour traumatisant en camp de concentration et après avoir voyagé en France,15 il devient peintre à part entière en exposant ses œuvres pour la première fois à Bruxelles, au Sablon 16. Il se fait alors remarquer par Charles Bernard17 et Stéphane Rey18, tous deux célèbres critiques d’Art. Il parlera plus tard, dans des interviews données au journal le Soir, de ses débuts en peinture vers 14-15 ans et de son maitre à peindre, dont il a oublié le nom : « Mon maître? Je ne sais même pas son nom, se souvient Manu van de Velde. Je ne veux pas le savoir d'ailleurs. Il peignait de petits tableaux

14

Op.cit., p.17. Il effectuera un séjour à Paris, fréquentant les peintres surréalistes du quartier du Cherche-Midi et ira également en Bretagne, voir annexe no 1. 16 Quartier dans le cœur historique de Bruxelles, à proximité du quartier des Arts. 17 Biographie de Charles Bernard : http://www.arllfb.be/composition/membres/bernard.html 18 De son vrai nom Thomas Owen, il est critique d’Art pour la libre Belge et l’Echo et sera également écrivain de romans policiers et fantastiques 15

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sur la place publique et les distribuait par loterie. Le billet coûtait 25 centimes, vous vous rendez compte? »19

Figure 7- Mot de Thomas Owen à Manu Van de Velde " Cher Manu Van de Velde, quel excellent dessin ! Quelle réussite ! Bravo et mille fois merci. Je suis très content. Bonne continuation. Bien fidèlement, Thomas Owen."

Figure 8- Sans titre, Manu Van de Velde, 1945, Encre de chine, plume et pinceau

Quelques années plus tard, il rencontre sa première femme, Berthe, en 1949, avec laquelle il va avoir trois garçons, Michel, Pierre et André. C’est à partir des années 50 que sa carrière va véritablement prendre son envol. Il participe à de nombreuses expositions internationales, notamment en Europe et aux Etats-Unis et il s’implique dans le nouveau mouvement réaliste. Il peint beaucoup ses années-là, notamment dans le goût expressionniste, et est lié au mouvement réaliste belge. Nous n’avons que peu d’exemples de sa production à cette époque car les tableaux ont été dispersés après que le marchand qui travaillait avec Manu Van de Velde ait fait faillite. Un drame survient en 1972, André, le plus jeune des trois enfants de Manu Van de Velde, décède d’une leucémie.

19

Op.cit. p. 17

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Le peintre, foudroyé par la douleur, tombe dans une sévère dépression, et sombre petit à petit dans l’alcoolisme. Sa production est beaucoup plus sombre et erratique, il va se pencher sur les misères sociales et sa peinture va devenir beaucoup plus expressive. Sept ans plus tard, il rencontre sa seconde compagne, Evelyne Wilwerth20. Ils

s’installeront

en

Provence

pour

Figure 9- Manu Van de Velde avec son fils André, photographie non datée

finalement retourner en Belgique en 1980. Il arrive à vivre de son Art, mais n’a jamais cherché la célébrité. Il le dit lui-même dans une interview : « J'ai presque été célèbre mais j'ai rompu mon contrat avec mon marchand de tableaux qui ne voulait même pas que je caresse un chien de la main droite au cas où il me mordrait. Il avait aussi fixé par contrat que je devais être toujours être ivre mort comme Gainsbourg. J'aime bien boire un coup, mais sur ordre... Et puis, beaucoup de peintres ont disparu dans l'alcoolisme complet. »21 Apaisé, Manu Van de Velde orientera sa production vers des œuvres plus légères, tournées vers la représentation de la nature, des éléments : « Pour mes derniers travaux, j'ai dessiné l'eau. La flaque, la mer, l'étang. Pourquoi faire de l'abstrait si la nature nous propose des compositions parfaites? 22». Il décède en 2002, à Bruxelles, entouré de sa famille, laissant derrière lui une production artistique riche.

1.2. Manu Van de Velde, un artiste « touche à tout » 1.2.1. Les débuts A partir de 1945, un renouveau se créé en Europe, dans tous les domaines, et en particulier dans l’Art. Il est en effet le meilleur outil pour s’exprimer, pour se reconstruire après cette période d’horreur et de chaos qu’a été la seconde guerre mondiale. Ainsi nait l’Art contemporain, pluriel, mouvant, se situant entre le beau et le laid et regroupant sous son aile de 20

Evelyne Wilwerth est une écrivaine et poétesse belge, voir annexe n o4. Interview donnée pour le journal Le Soir, disponible en annexe 22 Idem, en annexe 21

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nombreux genres, dont le surréalisme, l’expressionisme, le nouveau réalisme etc…Dans cette émulation, Manu Van de Velde va s’inspirer de ces différents courants, en restant bien souvent dans l’expressionisme. Les mediums qu’il utilisera par contre, seront eux très variés. Dans les années 50, période à laquelle on peut situer la réalisation de la figure masculine, Van de Velde rejoint le groupe des nouveaux réalistes, composé de Bertrand/Bogart/Camus/De Boeck/Denis/Dorchy/Dubail/Dubrunfaut/Ghobert/Grunhard/Lahaut/Roulin/Somville/Vanderc am/Van Hoeydonck/ Vander/Borght/van de Velde/van Lint/Willame23.

Manu Van de Velde commence sa production après son séjour dans les camps, en 1947, et après s’être au préalable refait une santé à Paris, trainant avec les artistes de Montmartre. Il y rencontrera notamment Picasso24, qui l’influencera très certainement, en témoignent les lignes et les couleurs de l’œuvre de mémoire. A l’ombre des géants, Manu Van de Velde retourne dans sa Belgique natale et touche à tous les genres, tous les styles. D’une figuration relativement classique, il va passer à un expressionisme plus marqué, cru et acéré. Il y a toujours une palette riche dans l’œuvre de Manu Van de Velde, et qui pourtant n’arrive pas à contrebalancer la solitude des objets ou du modèle représenté. Toute sa production semble empreinte d’une profonde mélancolie, mode de l’époque ou ressenti personnel.

1.2.2. A partir de 1970 jusqu’en 2000 Il va réaliser des séries d’œuvres, notamment sur des thèmes sociaux, et aura des sujets de prédilection, comme la ville, les motos, les femmes…Vers les années 90, il compose beaucoup de tableaux en « assemblage », c’est-à-dire un morcellement de sujets qu’il assemble, pour créer une histoire ou faire revivre un souvenir. Il part pourtant d’un style plus « classique », bien que déjà très coloré, n’hésitant pas à s’adapter à la demande de la clientèle et à réaliser des intérieurs, des thèmes populaires, des natures mortes. Mais de cette période, nous n’avons que peu de références, les œuvres ayant été pour la plupart vendues ou perdues lors d’une cessation d’activité de son agent. Les œuvres que nous avons pu voir ou trouver sur les sites de ventes aux enchères datent plus fréquemment du début des années 80 jusqu’au milieu des années 90. Il est parfois dur de dater ses œuvres, car s’il les signait pour la plupart, peu sont vraiment datées et des nombreuses ont été remaniées. 23 24

Références dans les notes de Manu Van de Velde idem

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Figure 11- Vu à l'arrière d'un tableau "l'institutrice, la vierge sage, MV 69, remanié 70"

Figure 10- Exemple d'une œuvre en "assemblage", « Le blues de Jacques », 1990, 2,50 x 1,70m

Figure 12- titre inconnu, 1983 Figure 13- L'oiseleur du Luxembourg, 1991, 2,50 x 1,20m

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Ces fameuses œuvres morcelées, il les crée en s’inspirant d’histoires ou faits divers, des références qu’il a ou de films, de livres, de personnes connues. Inclassable, Manu Van de Velde ne peut décemment pas être limité à un seul genre, thème, format, technique. D’où la difficulté de dater ses œuvres et de les replacer chronologiquement dans sa production. En ce qui concerne notre œuvre, elle est construite des deux côtés dans un style plus « traditionnel », mais avec toujours ce goût pour les couleurs vives, les contours, le foisonnement (côté figure masculine). Nous allons d’ailleurs nous intéresser à la place de cette œuvre dans la production de Manu Van de Velde, et à sa datation.

1.3. Histoire de l’œuvre 1.3.1. Datation des deux faces Afin de replacer nos deux œuvres dans un contexte précis de création, il a préalablement été nécessaire de déterminer la date du verso ainsi que le laps de temps qui séparait les deux peintures l’une de l’autre. Nous avions en effet une première date côté figure féminine, de 1956, avec la signature, qui correspond à la seconde œuvre réalisée sur la même toile. La figure masculine a très certainement été réalisée en premier, en témoigne la présence d’un encollage et d’une préparation de ce côté de la toile, stratigraphie « classique » d’une peinture à l’huile. En effectuant la dépose de la toile et en ôtant le châssis, nous avons eu le plaisir de découvrir une signature (figure 6) dans la partie inférieure de l’œuvre, cependant aucune date n’y figure.

Figure 14- détail de la signature au recto "M.V.d. Velde"

La figure féminine, en revanche, possède une date ainsi que la marque de la traverse centrale ancrée au sein même de sa couche picturale, témoignage de la réutilisation du châssis d’origine et de son montage sur le recto.

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En nous basant sur la biographie de Manu Van de Velde25, nous avons pu placer le recto de l’œuvre dans la production artistique du peintre. Manu Van de Velde s’est lancé tardivement dans la production d’œuvres à l’huile, vers 1947, très certainement à son retour des camps. Le sujet de l’œuvre, un homme très maigre, les mains jointes, encadré d’objets du quotidien, laisse penser à un autoportrait. Au vu de la maigreur du personnage et de l’atmosphère maladive de la toile, nous pourrions supposer que cette peinture arrive peu de temps après le retour des camps, son esprit étant encore hanté par l’horreur vécue sous l’Allemagne nazie, en tant que prisonnier. Ce ne sont là que des suppositions, n’ayant aucun tableau de comparaison pour justifier nos propos. Cependant, on peut admettre que ce tableau a été produit entre 1947 et 1956, ce qui la place dans la période réaliste du peintre, à l’époque où il connut ses plus grands succès internationaux. La seconde réalisation, le recto, a été peinte en 1956, ce qui la place également dans le courant réaliste duquel Manu Van de Velde faisait partie. La différence réside dans le choix du sujet, beaucoup plus léger que le précédent. Il s’agit en effet d’une femme, le regard de côté, avec ses bras levés et ses seins nus, entourée d’un drap au niveau des hanches. Ce portrait sensuel contraste fortement avec le sujet masculin, anguleux et plus « misérable », opposé à la douceur des courbes du sujet féminin. Les différents états d’esprit de l’artiste sont palpables, tantôt tourmenté par ses démons, tantôt apaisé. Il en va de même pour toute sa production, reflet de ses sentiments et de ses valeurs, car chez Manu Van de Velde « (…) la peinture se fait expressive, sans jamais être agressive, révélatrice, sans jamais être exhibitionniste. »26

1.3.2. Vie de l’œuvre, de sa création à nos jours Nous avons appris, lors de l’interview que le propriétaire de l’œuvre nous a accordé, que le tableau n’a vraisemblablement pas fait l’objet d’une commande, du recto comme du verso. Peut-être l’homme sur fond vert a-t-il été exposé dans une galerie lors d’une exposition, avant que la seconde face ne soit peinte ? Nous avons contacté certaines galeries qui avaient présenté des œuvres de Manu Van de Velde, cependant aucune n’a confirmé la présence de notre tableau de mémoire dans leurs archives. Ce que nous savons en revanche, c’est que l’œuvre a servi de paiement « en nature » d’un loyer de Manu Van de Velde, paiement effectué à Michel Delfosse27, premier propriétaire connu de l’œuvre. En effet, le propriétaire nous a Assemblage de notes par son fils Michel Van de Velde, articles, œuvres. GERARD, Alain, Le Soir, « Van de Velde expose dans l’îlot sacré une peinture au souffle coupé par la vie », vendredi 23 septembre 1994, p.21. 27 Photographe d’Art, décédé en mai 1960. 25 26

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confié que son ami, Monsieur Delfosse, qui partageait alors un atelier à Bruxelles avec Manu Van de Velde, était un grand admirateur de son travail, et le sachant à court d’argent, avait accepté le tableau comme paiement de la part de loyer. Cette anecdote nous permet de remonter aux années 1957-1958, c’est-à-dire peu de temps après la réalisation du verso, le côté de la figure féminine. Le propriétaire actuel de l’œuvre possède une photo datant de cette période, ou l’on peut voir l’œuvre accrochée dans le salon de M. Delfosse, lors d’une réception donnée par celui-ci (voir figure 2). Notre prêteur d’œuvre a reçu le tableau en 1958, de son ami Michel Delfosse. L’œuvre a ensuite été accrochée jusqu’en juillet 2013 dans un salon, avant de tomber sur un bras de fauteuil et d’être amenée à l’atelier de restauration ou nous travaillions.

Figure 15 - photo prise en 1957-58 ou l'on aperçoit le tableau accroché

1.3.3. Les conditions de réalisation On sait peu de choses sur les conditions de réalisation de cette œuvre, mis à part le fait que sa création se serait faite dans un atelier à Bruxelles, entre 1947 et 195628. Ce qui, en revanche, est confirmé par l’analyse que nous avons effectuée sur la figure masculine, c’est que cette face est précédée d’au moins deux autres sous couches colorées, ce qui tend à penser que le peintre a repeint par-dessus une ou plusieurs compositions avant d’aboutir à cette figure Suppositions, toutefois Manu Van de Velde avait bien un atelier à cette époque-là, qu’il partageait avec un ami, connu de notre prêteur d’œuvres. 28

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d’homme sur fond vert. Est-ce par manque de moyens que le peintre a retourné l’œuvre pour ensuite peindre la figure féminine ? Ou bien par envie de tourner la page sur une période plus sombre de sa vie ? Il semblerait que Manu Van de Velde peignait énormément et rapidement, en témoignent les bons qu’il faisait lui-même pour indiquer le prix et les heures des tableaux qu’il vendait. Il était probablement, entre 1947 et 1956, dans une période de création intense car nous savons qu’il a beaucoup exposé à cette période-là, se vendant même aux Etats-Unis.

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2

La figure masculine

Figure 16- Figure masculine après restauration

Afin de respecter la chronologie de ce tableau double-face, nous étudierons, dans un premier temps, la figure masculine, en commençant par son analyse plastique, puis son iconographie. Enfin, dans un second temps, nous nous pencherons sur la figure féminine, avec une même approche plastique puis iconographique.

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1.4. Description du sujet Le sujet représenté est un homme au centre de la composition, représenté à mi-corps, nu, se tenant au deuxième plan devant deux tables. Sur une table, une nappe rouge, une tenaille posée sur la table et ce que nous avions préalablement identifié comme étant un fer à marquer (ou un pic à bougie). Sur la seconde table à notre droite, une lampe à pétrole éteinte. Le fond se détache par sa couleur vert vif, la scène est encadrée par un rideau dans les tons roses, les objets et le personnage sont cernés par un trait noir. Le point de vue est frontal et le cadrage rapproché, le sujet est face à nous, légèrement tourné vers la gauche. Il est debout, les mains devant lui, il est excessivement mince, ses pommettes étant très ressorties, ses côtes apparentes, ses membres fins. Il a des cheveux noirs et une barbe, la bouche légèrement de travers par rapport au nez, les yeux sans iris qui semblent regarder dans le flou, sans point défini. Les objets encerclent l’homme, l’encadrent. La taille des objets n’est pas réaliste. En effet, le fer parait grand, la lampe à pétrole devrait être plus petite. A côté, l’homme parait chétif et joue ici un rôle presque secondaire. Si les objets ont chacun une couleur bien distincte, l’homme lui semble se fondre, être aspiré dans le turquoise du fond de la composition. Globalement, l’ambiance du tableau est dominée par le côté maladif de la couleur et de la figure de l’homme. En effet, le visage de celui-ci est émacié, osseux et sans couleur, quasiment sans vie. Il a de grandes cernes, sa bouche semble tordue et ses yeux sont vides, le dessin de l’œil droit étant même inexistant. Il se tient légèrement courbé, les mains repliées sur lui comme un signe de protection et il est anormalement maigre. Il est mal rasé et ses cheveux sont épars.

1.4.1. Les objets Les objets représentés sont assez équivoques. Ce qui ressemble à une scène banale d’intérieur est en fait une véritable mise en scène de la part du peintre. On trouve tout d’abord deux tables mises côte à côte. Elles ne sont pas réalistes, même si on reconnait deux tables en bois, grâce aux rainures et à la couleur. Sur la table de gauche est posé une nappe orange, probablement pour accentuer ce côté « scène d’intérieur », mais aussi pour jouer la couleur complémentaire et l’équilibre avec le fond vert.

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Devant ou sur la table de gauche, ce que nous avons défini comme étant un « pic à bougie », ou un chandelier avec des consonances médiévales, sans bougie. Cette absence de bougie aurait pu mettre en avant l’absence de chaleur de la scène, et par extension, l’absence d’espoir, de vie. Cependant, définir cet objet comme étant un pic à bougies ne nous paraissait que peu réaliste, vu les pics que nous avons pu voir durant nos recherches. L’autre possibilité, plus probante cette fois, serait celle d’un fer qui servait à marquer les bêtes ou dans le cas qui nous intéresse, les prisonniers.

Figure 18- Exemple de fer à forme similaire

Figure 17- Exemple de fer à plusieurs tiges

Figure 19- Détail du fer à marquer du tableau

On remarque en effet des similitudes, le principe du manche et de la tige en métal, surmontée de tiges multiples pour accueillir un motif. Ici les couleurs ne correspondent pas au bois et au métal, le « fer » de l’œuvre de mémoire possède un manche visiblement en métal car de couleur gris argenté et une tige couleur ocre, un alliage peut être. L’objet semble sortir tout droit de l’imagination de l’artiste, avec pourtant des détails intrigants, comme les deux crochets sur le manche, servant peut être à accrocher l’objet la tête en bas après utilisation. On suppose qu’il s’agit ici d’un fer, qui serait en lien avec la tenaille représentée sur le tableau, renvoyant directement aux supplices que subissaient les détenus de camps de concentration. Cependant, nous garderons des réserves quant au rôle réel de l’objet et de sa symbolique. Même constat avec la lampe à pétrole posée sur la table de droite : elle n’est pas allumée, on ne distingue aucune flamme, ce qui peut être interprété là aussi comme une volonté de l’artiste

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d’accentuer la froideur de la scène. Cette lampe donne un côté « scène d’intérieur » au tableau, ce qui contraste avec la tenaille et le fer à marquer, mais c’est justement ce décalage qui fait toute la force de l’œuvre. Cette impression est renforcée par le rideau dans l’angle supérieur dextre du tableau. Reprenant les codes classiques du portrait, avec notamment ce rideau qui semble présenter la scène, on trouve, dans les tout premiers portraits de l’histoire de la peinture, ce fameux rideau encadrant la scène, dont le portrait de Charles VII, roi de France, réalisé en 1450-55, par Jean Fouquet. Enfin la tenaille posée sur la table de gauche évoque un instrument de torture, voire l’un des instruments de la passion du Christ, ce qui renforce encore un peu plus l’impression de malaise générale du tableau.

1.5. Analyse plastique Il s’agit d’un tableau de format moyen, rectangulaire, dans le sens portrait, avec pour dimensions 90 x 60 cm. Le medium utilisé est la peinture à l’huile, l’œuvre n’est pas vernie. Cette face est datée approximativement entre 1947 et 1956.

1.5.1. Matériaux, technique, exécution Au regard des différents médiums utilisés par Manu Van de Velde dans sa production artistique, nous avons dû procéder à des tests afin de nous assurer que notre œuvre était effectivement peinte à l’huile comme nous le supposions. Le peintre s’est en effet essayé à d’autres mediums, notamment la mine graphite, la gouache, l’aquarelle, les techniques mixtes, la gravure…Ici il s’agit en effet d’une peinture à l’huile, non vernie. Le support est une toile de lin assez aérée, avec un encollage et une préparation au recto. L’œuvre était tendue sur un châssis en résineux, surmontée d’un cadre cloué directement sur le châssis. Pour ce qui est du processus de création, il semble changer dans la carrière du peintre d’une œuvre à l’autre, par la multiplication des mediums et des thèmes choisis, mais aussi dans l’exécution, peignant spontanément sans remaniement, ou bien comme pour notre tableau, faisant une première couche colorée, voire une première œuvre, puis repassant par-dessus en intégrant ses reliefs à la composition. Prolixe et passionné, Manu Van de Velde possède une

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générosité dans la touche qu’il emploie, une assurance également. Les traits sont courts et maitrisés, en épaisseur. Il joue sur l’équilibre des fondus et des démarcations, les lignes et les courbes, le chaud et le froid. Dans la figure masculine, la matière est généreuse, la composition maitrisée, par les encadrements noirs. Après analyse des matériaux constitutifs de l’œuvre dans notre partie restauration et après avoir effectué le constat d’état, il semble que Manu Van de Velde s’attache à produire, à exprimer, sans faire grand cas de la hiérarchie des films à respecter pour qu’une œuvre perdure, n’hésitant pas à faire une couche huileuse en surépaisseur, sans pour autant la protéger d’un vernis. Nous avons pu avoir la chance de voir sa palette de peinture à l’huile29, elle ressemble à notre œuvre de mémoire : colorée, complexe, en épaisseur. Manu Van de Velde n’utilisait, semble-t-il, que la marque Daler Rowney pour la peinture à l’huile et la gouache, mais rien ne permet d’affirmer ici que c’est la marque qu’il a utilisé pour figure masculine.

1.5.2. La touche Tantôt fondue et policée, tantôt épaisse et marquée, la matière partage avec la couleur l’hégémonie de l’expressivité de ce tableau. Aux aplats sans péripéties se succèdent des lignes en empâtements maitrisés, moments de ferveur et d’intensité dans l’application de la peinture à l’huile. On sent, omniprésente, la couche sous-jacente qui dicte le jeu, le peintre composant la couche supérieure en fonction de son ainée. La peinture est vraiment travaillée comme une pâte, que Manu Van de Velde façonne afin de donner vie à cette figure masculine qui semble paradoxalement flotter dans le décor, survoler la peinture. Par les multiples couches appliquées, il ancre l’homme dans la toile. D’un trait, il façonne une côte, un bras. Ici la matière picturale sert, au même titre que la couleur, de médium créateur. Elle remplace le dessin et semble vouloir même s’inviter dans la troisième dimension et détacher la peinture de sa condition.

29

Voir photo en page d’introduction de la partie restauration de notre mémoire.

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Figure 20- Aperçu de la touche au centre du tableau

Figure 21- Aperçu des reliefs sousjacents

Figure 22- détail des empâtements

Manu Van de Velde a également joué sur les fondus, travaillant sur les sous couches colorées encore humides afin de les mêler aux supérieures. Sur le visage de la figure masculine, on voit que la sous-couche rouge fusionne avec le bleu dans les empâtements, ainsi que le noir des cheveux de l’homme.

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1.5.3. Composition et différents plans L’œuvre se compose de deux plans, au premier, les objets, au second, l’homme. Choix délibéré pour rendre cette figure masculine encore plus fantomatique qu’elle n’y parait, la faisant presque se fondre dans le décor, on a d’ailleurs cette impression que la figure masculine se diffuse dans le fond vert. On remarquera de même le procédé qu’utilise le peintre pour « imprimer » l’homme au fond, en utilisant le bleu du fond sur le personnage mais aussi en transformant les cernes noires qui entourent normalement tous les objets en cernes blanches. Autrement dit, là où il y a discontinuité avec la ligne noire, la figure masculine perd de sa matérialité pour se fondre littéralement dans le décor.

Figure 23- les objets occupent le premier plan

Les objets possèdent plus de matérialité que la figure masculine. Ils encadrent l’homme, au centre de la composition. Ils sont disproportionnés par rapport à leur taille normale, la réalité est ici réinventée selon le bon vouloir du peintre, pour rendre plus angoissant encore la scène et faire ressortir une impression de malaise.

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1.5.4. L’espace et l’absence de profondeur Le cadrage est resserré, les plans semblant se toucher. L’homme est peint à mi-corps, de trois quart de face et est en plein milieu de la composition. Malgré l’épaisseur de la touche, le tableau parait manquer d’une troisième dimension. Cet effet est rendu par les cernes noires dont font l’objet tous les éléments qui composent l’œuvre, et donnent à l’ensemble un effet « vitrail ». Le personnage est cerné, tout comme l’est le spectateur, obligé de contempler l’homme torse nu, sans détour possible, le fond ne présentant aucune perspective. L’homme est comme prisonnier de la 2ème dimension, présent sans l’être, ce qui donne une certaine gravité à la toile, et une mélancolie.

L’espace a ici quelque chose de surréaliste, dans le sens ou les objets sont difformes, presque disproportionnés, les tables en angles aigus, et l’homme avec un corps dont les lignes se perdent dans le vert du fond. On a l’impression d’être à l’intérieur même d’un cauchemar, ou les choses sont tordues et exagérées, ou la réalité n’est plus de mise. Ces mêmes objets nous font pourtant pénétrer dans la toile et mettent en valeur le personnage.

1.5.5. Des lignes au service d’un équilibre On trouve, malgré cette distance par rapport au réel, un vrai jeu d’équilibre au niveau des lignes du tableau, l’artiste mettant d’un côté des lignes verticales avec la lampe et le chandelier, ainsi que le corps de la figure masculine et de l’autre côté, des lignes horizontales avec les deux tables et la tenaille. Pour « assouplir » l’ensemble, on remarque le rideau et ses lignes diagonales ainsi que le corps du personnage, qui possède un peu plus de souplesse que les objets devant lui. De même que la répartition des éléments qui composent le tableau sont placés équitablement, oscillant entre symétrie et placement aléatoire. Sur le schéma, on observe les lignes principales qui encadrent la figure masculine, rentrant dans un losange.

1.5.6. La lumière Ce qui peut paraitre paradoxal dans cette œuvre, c’est la présence d’un objet supposé amener de la lumière, mais qui de fait, n’en produit pas. La lampe à pétrole éteinte. L’artiste joue certainement ici sur l’absence de lumière comme absence d’espoir, ou pour renforcer le ton « misérabiliste » du tableau. On note pourtant des reliefs qui partent du coin supérieur

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senestre, et ressemblent à des rayons lumineux. Il s’agit ici de reliefs créés par la couche sousjacente du tableau et donc peut être sans rapport avec notre œuvre. On remarque tout de même une lumière qui vient de la gauche, mettant à jour la moitié du visage de l’homme et plongeant l’autre moitié dans la nuit. Cette lumière est comme le reste du tableau, surréaliste. Elle est froide et théâtrale, bien loin de la réalité, n’ayant pour seul but ici que de servir le ton expressionniste du tableau.

Figure 24- Mise en avant de la lumière sur le tableau, jeu des contrastes

1.5.7. La couleur De par nos recherches, nous savions que le peintre avait pour matériau de prédilection la marque de peinture à l’huile Daler-Rowney30, gamme georgia plus précisément. Nous avons donc voulu confronter les couleurs de la figure masculine à un nuancier de chez Daler-Rowney afin de déterminer quelles couleurs sortaient du tube et quelles autres avaient été l’objet d’un mélange de la part de l’artiste. Il semblerait, d’après nos observations à l’œil nu, que les couleurs aient été pour la plupart mélangées, notamment le vert de notre fond, qui est composé d’un savant assemblage de différentes nuances de vert tirant parfois sur le bleu.

Entreprise créée en 1783, de Richard et Thomas Rowney, fabricants de peintures à l’huile, acryliques, gouaches, aquarelles etc. 30

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3

La figure masculine : Portrait, Autoportrait ou simple figure ? 1.6. L’homme comme figure Connaissant l’histoire du peintre, on peut légitimement s’interroger sur l’identité de

l’homme représenté ici. En effet, comment qualifier l’homme représenté sur cette toile ? Une figure masculine, un portrait ou un autoportrait ? Une figure est une représentation d’un être humain, mais personne en particulier. A la manière des allégories, il peut cependant caractériser une idée, une époque. Hypothétiquement, cet homme, figure masculine, pourrait être l’Homme de l’après-guerre, un ancien détenu des camps, amaigri et déboussolé qui retrouve un quotidien oppressant, dont il ne sait que faire. D’où la taille disproportionnée des objets et l’aspect amoindri de l’homme. Manu Van de Velde a lui-même été envoyé en camp de concentration, en 1943, et est resté 18 mois détenu. Peut-être aura-t-il voulu représenter par cet homme tous ceux, dont lui, qui ont subi la détention, l’horreur de la domination nazie et le retour, souvent difficile, à la vie et au quotidien. Boris Cyrulnik, dans son livre Sauve-toi, la vie t’appelle, décrit ce processus de transfert par l’écriture ou le dessin, comme témoignage : « Quand le récit aide à maitriser un événement vécu dans la stupeur, le blessé délègue son trauma à un porte-parole. »31 En l’occurrence ici, le porte-parole serait cette figure masculine, représentant des souffrances vécues par le peintre et tous les autres. Lorsque nous avons vu la figure masculine pour la première fois, une impression de déjà-vu a surgit. Ayant beaucoup étudié la seconde guerre mondiale pendant notre scolarité, et ayant vu des photos des camps concentrationnaires, nous nous sommes rappelés d’une image emblématique, présente dans de nombreux livres d’Histoire, celle d’un groupe d’hommes le jour de la libération de leur camp. Cette photo, prise par le photographe Harry Miller, présente des hommes allongés sur des lits dans un baraquement, et à la droite de l’image, un homme qui se tient debout, les bras repliés sur un vêtement qu’il tient devant lui. Sa posture, son physique, sa nudité nous ont fait penser à la figure masculine que Manu Van de Velde a représenté.

31

Cyrulnik Boris, Sauve-toi, la vie t’appelle, Paris, éditions Odile Jacob, 2012, p.173

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Figure 25- Des prisonniers libérés du camp de concentration de Buchenwald dans une baraque du Petit Camp, 16 avril 1945

La forme du corps, notamment le ventre, les bras, la position des mains, ainsi que le visage de l’homme sur la photo sont semblables à l’homme peint par Man Van de Velde. Il a pu s’inspirer de cette photo pour représenter ce fameux « porte-parole », un homme ayant survécu aux camps de concentration, et qui, le regard dans le vide, vient de retrouver sa liberté.

Figure 27- détail de la photo

Figure 26- détail de la figure masculine

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1.7. L’homme comme portrait Cependant, on pourrait aussi imaginer qu’il s’agit là d’un portrait, et pas d’une simple figure. Le portrait est « la représentation de quelqu’un par le dessin, la peinture, la photographie, etc »32, autrement dit quelqu’un qui aurait ou non posé pour le peintre, mais en tout cas, une personne non fictive, à l’inverse du personnage de la figure. Il pourrait en effet s’agir d’une connaissance du peintre, un ami, ou encore un modèle utilisé pour cette œuvre. Toutefois, cette éventualité parait moins vraisemblable que l’idée de figure, car nous n’avons pas pu identifier l’homme sur le tableau, ni par des photos, ni sur d’autres œuvres de Manu Van de Velde. Si l’homme du tableau est effectivement l’homme de la photo d’Harry Miller, il ne peut s’agir que d’une figure, car on peut difficilement parler de portrait à partir d’une photographie. Ici, il est un symbole, non une personne réelle. Ce qui nous donne l’idée du portrait, c’est aussi la pose de l’homme représenté. Il se tient les mains, droit, prenant la pose, encadré du rideau qui servait autrefois d’encadrement aux portraits officiels. Reste la possibilité de l’autoportrait, qui si elle nous avait paru difficilement envisageable au début de nos recherches, pourrait tout de même faire sens, à la lumière des informations récoltées au fil des rencontres avec la famille de Manu Van de Velde.

1.8. L’homme comme autoportrait Lorsque nous nous sommes lancés à la recherche du peintre de notre tableau de mémoire, nous ne savions rien de son passé, de son identité. Grâce au déchiffrage de la signature, nous avons eu la chance de pouvoir remonter jusqu’aux membres de sa famille, notamment sa femme et l’un de ses fils, et avec leur aide, mettre un visage sur le nom de Manu Van de Velde. L’homme sur notre tableau pourrait-il être Manu Van de Velde lui-même ? C’est une possibilité, puisque Manu Van de Velde a eu l’habitude de se peindre beaucoup, il aurait aisément pu se prendre à nouveau comme modèle.

32

Larousse, définition du portrait

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Figure 29- Manu Van de Velde, date inconnue, photographie, collection particulière

Figure 28- Manu Van de Velde, 1999, Photographie, Collection particulière

Physiquement, Manu Van de Velde avait les cheveux noirs et portait la barbe à l’époque supposée de la création de la figure masculine, c’est-à-dire vers 1947-1956. De plus, nous savons qu’il a passé quelques mois dans un camp de concentration en Allemagne, et en est sorti très affaibli « Ils ont réussi à m'envoyer, en 43, dans un camp de concentration, un petit camp de condamnés à mort pour espionnage33. » Nous avons appris, grâce aux documents prêtés par le fils du peintre34, que Manu Van de Velde a passé près de 18 mois enfermés, et à sa sortie, pesait une trentaine de kilos seulement. Son retour sera pénible, et on peut facilement imaginer que la peinture a servi de thérapie, voire de catharsis35 au peintre. Se représenter est une manière de ne pas oublier, mais aussi de témoigner. Elle peut aussi servir à dire ce qui ne peut être dit ou écrit, à faire passer un message, comme par exemple ici, la difficulté de vivre après ce qui s’est passé. Afin de comparer notre œuvre de mémoire avec le visage de Manu Van de Velde, nous avons trouvé des autoportraits du peintre réalisés avec différents médiums, à différents moments de sa vie.

33

Op.cit . Interview de Manu Van de Velde par le journal « le Soir » Voir annexe 35 « libération de ce qui est réprimé », définition du Larousse, dictionnaire 34

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Figure 30- Série d'autoportraits du peintre Manu Van de Velde, dates et mediums variables

Manu Van de Velde se peint presque toujours avec une barbe, les cheveux mi-longs et le visage assez rectangulaire. Il a une forme de nez assez caractéristiques, une bouche pleine, seule l’implantation ds cheveux ressemble à celle de la figure masculine sur notre œuvre de mémoire. On écartera donc l’hyphothèse de l’autoportrait, même si Manu Van de Velde aurait très bien pu se représenter dans cet homme.

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Nous garderons, plus probable, la piste de la figure masculine, sorte d’allégorie de la souffrance des camps, de la souffrance intérieure aussi et de la difficulté du retour de ces gens meurtris, dans un quotidien inadapté. 4

Sources iconographiques 1.9. Le souffle expressionniste L'expressionnisme en peinture est la représentation de la subjectivité de l’artiste qui tend

à déformer la réalité, pour « exprimer » des sentiments forts, une émotion vive. Né au début du XXème siècle, l’expressionisme est une sorte de synthèse artistique qui nourrit encore l’Art moderne. La menace de la 1ère guerre mondiale, les nouvelles idées sur la psychanalyse et le symbolisme sont le ciment fondateur de ce mouvement, dont de nombreux peintres se sont inspirés au sortir de la seconde guerre mondiale. Le peintre Erich Heckel36 faisait partie de l’Expressionisme Allemand37, et l’on peut comparer son autoportrait à notre tableau, avec un même regard sans vie, un contour des traits fort marqué, un remplissage à la façon d’un vitrail.

Figure 32- Erich Heckel, "Autoportrait", 1919, gravure sur

Figure 31- "Figure masculine", détail

bois, 46x33 cm, collection particulière

36

Peintre Allemand (31 juillet 1883-27 janvier 1970) lié au mouvement expressionniste « Die Brücke », « le pont » en français, il fera également partie du mouvement « Der Blaue Reiter », autrement dit« le cavalier bleu », avec Franz Marc, Vassili Kandinsky et August Macke. 37 Die Brücke

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On remarque le décalage de la bouche et du nez, similaire chez Erich Heckel, et les traits noirs sur le visage pour donner encore plus d’expression. Chez Van de Velde, le fond est bleu-vert, froid, donnant un côté « maladif » à l’homme représenté. Chez Heckel, le vert est la couleur de sa peau, et donne un aspect similaire à l’œuvre. Plus généralement, chez les expressionnistes, on retrouvera cette iconographie, cette manière de découper les formes avec un contour noir et de faire un remplissage de chaque forme avec des couleurs vives, souvent criardes. Il existe des passerelles nées à partir de ce courant, qui rejoignent la figuration, notamment la « misérabiliste », nommée ainsi à cause de la noirceur qui se dégage de ce type d’art. Le plus grand représentant était sans conteste Bernard Buffet.

1.10.

Un art lié à la figuration

Manu Van de Velde a expérimenté de nombreuses formes d’Art, la poésie, l’écriture, le dessin, l’aquarelle, l’huile etc…Il a pu évoluer dans une époque d’après-guerre en pleine émulation, ou l’Art a été un exutoire, créant une génération de peintre possédant une liberté nouvelle et sortant des carcans de la peinture classique ou religieuse. Cela dit, Manu Van de Velde va beaucoup s’inspirer de ses ainés, et des différents courants qui émergent au lendemain de la seconde guerre mondiale, notamment ceux liés à la figuration. Si l’on ne devait garder qu’une constante dans toute sa production, cela serait celle-ci : la volonté de rester dans la figuration contre l’abstraction, le principal adversaire du XXème siècle. Le terme « figuration »38 implique obligatoirement une notion d’images, une transcription imagée donc, et subjective de la réalité de l’artiste qui la dépeint. La figuration s’adapte à l’époque, à la culture, et ne peut décemment pas retranscrire une réalité complètement objective, même si à la base tel est son but.

1.10.1. Le courant misérabiliste Le misérabilisme tend à déformer la réalité pour la retranscrire de façon affligée et triste, sous un voile de laideur. Les peintres réalistes peignent volontiers la misère ou la laideur quand cela s’y prête, alternant avec des compositions plus joyeuses, à l’inverse des peintres misérabilistes, capables de transformer un sujet de départ joyeux (scène de plage, composition florale, vie quotidienne) en scène lugubre.

38

Définition de la figuration, XURIGUERA Gerard, Les figurations, de 1960 à nos jours, 1985, éditions Mayer, Paris, page 5.

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Figure 33- JANSEM Jean, nu, 1977

Figure 34- Autoportrait, BUFFET Bernard, 1981

« Un peintre misérabiliste, lorsqu’il peint des scènes de misère, les restitue en projetant un contenu émotionnel fort. »39 Ce courant sera principalement alimenté par Bernard Buffet et Jean Jansem40 (1920-3013), et plus ponctuellement par quelques artistes comme Françoise Adnet, Claude Weisbuch, André Minaux ou Roger Lersy. Manu Van de Velde va d’ailleurs côtoyer Bernard Buffet41, qu’il rencontrera lors de ses séjours à Paris. Bernard Buffet peint ce qu’il voit, les produits manufacturés, ce qui trait à la survie, à l’alimentation (cafetières, réchauds à gaz, casseroles, bouteilles, lampes à pétrole…). Cependant il peint très peu sur le motif mais s’appuie beaucoup plus souvent sur son imagination. Nous sommes en plein dans un contexte d’après-guerre. Bernard Buffet va intégrer dans ses compositions, en plus de ses personnages, des objets de la vie courante, souvent des objets liés à la guerre, grâce auxquels on peut survivre. Si l’on compare l’œuvre de Buffet à celle de Van de Velde, on pourra incontestablement comparer la facture des deux peintres, la nervosité des traits, le cerclage noir, les formes. Manu Van de Velde s’est certainement inspiré de Bernard Buffet pour peindre la figure masculine, en

Les années 1950, l’alternative figurative, Musée d’Art Roger Quilliot, éditions un, deux…Quatre, 2007, Paris, page 63. 40 De son vrai nom Ohannès Semerdjian, artiste peintre français d’origine arménienne. 41 Peintre français (10 juillet 1928-4 octobre 1999), On remarque son talent en 1947, au salon des indépendants ou il expose « l’homme accoudé », et au fil des rencontres, il va rapidement devenir un artiste important de l’art moderne en France. 39

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témoignent les ressemblances au niveau des objets, par rapports à diverses œuvres du peintre misérabiliste.

Figure 35- Schéma sur le lien entre la figure masculine et les œuvres de Bernard Buffet

Ces objets font penser à des vanités. La symbolique, que nous avons déjà évoquée, est forte et permet de transcrire une émotion. Il y a détournement des objets domestiques à des fins émotionnelles. Les styles se confondent chez ses deux artistes, au moins pour la figure masculine. Il y a cependant chez Manu Van de Velde un côté plus doux, moins cassant, rendu aussi par l’épaisseur et la générosité de la touche.

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1.11.

Situation de l’œuvre au sein de production du peintre

Après avoir pris contact avec Mme Wilwerth42 et Mr Van de Velde43, nous avons pu comparer les deux faces de notre tableau de mémoire à d’autres œuvres du peintre, notamment en ce qui concerne la représentation de personnages masculins. Nous avons pu observer quelques autoportraits, réalisés avec différentes techniques, mais aussi des figures masculines dans divers thèmes, notamment lorsqu’il a réalisé des séries. Dans sa série sur les thèmes sociaux, comme le chômage, l’alcoolisme, les souvenirs des camps, on trouve des représentations d’hommes pour illustrer la souffrance qui caractérise les thèmes choisis. Sur le tableau Le chômeur, Manu Van de Velde a peint un homme aux traits longilignes, à la figure émaciée proche de celle de l’homme représenté sur notre œuvre de mémoire.

Figure 37- huile sur toile, Manu Van de Velde, "Misère", 1970

Figure 36- huile sur toile, Manu Van de Velde, "Le chômeur"

Le regard est mal défini, lui aussi, et l’atmosphère maladive et douloureuse ressentie dans figure masculine se retrouve dans le chômeur. De même, dans le tableau misère, on trouve à nouveau un homme au premier plan, le regard vide, bouche légèrement entrouverte, hébété et accablé par cette fameuse misère. Manu Van de Velde était du côté des plus faibles, et défendait les causes qui lui tenaient à cœur. Dans le tableau à la figure masculine, on retrouve une facture 42 43

Femme du peintre Manu Van de Velde Fils du peintre Manu Van de Velde

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et une plastique similaire aux tableaux précédemment évoqués, mais il y rajoute ici une part de vécu et d’intime, qui l’intègre directement au sujet. Il en est plus détaché dans la série des thèmes sociaux. De 1947-1960, on ne lui connait que peu d’œuvres. De retour de camps, il va disparaitre à certains moments pour se refaire une santé et retrouver un semblant d’équilibre. De ce fait, la comparaison avec des œuvres similaires est difficile.

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5

La figure féminine

Figure 38- Figure féminine

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1.12.

Description de l’œuvre

La figure féminine correspond au revers de l’œuvre, c’est-à-dire à l’arrière de la figure masculine. Chronologiquement, elle arrive après la figure masculine, et est inversée par rapport à la face. Le sujet est une femme, représentée torse nu, les bras au niveau de la tête, dans une posture que nous pourrions qualifier de maniériste, la tête légèrement inclinée sur la droite. A sa taille est ceinte une étoffe, laissant tout de même découverte sa féminité. Tout comme la figure masculine, qui est en quelque sorte son pendant, elle a un regard vide, qui ne semble rien fixer, et aucune expression ne transparait sur son visage. Elle semble dans ses pensées. Cette face parait moins aboutie que le recto, plus esquissée, moins « finie » en somme. En effet, le modèle ne possède pas de cheveux, une simple ligne a été dessinée pour deviner la forme du crâne. La palette est restreinte et la toile de fond est omniprésente. Cependant, cette œuvre a été signée et datée, ce qui nous laisse supposer que le peintre la considérait comme finie, ou tout du moins suffisamment importante pour avoir une signature ainsi qu’une date.

1.13.

Identification du sujet

Cette figure féminine ne possède pas assez d’attributs pour que nous lui prêtions le caractère de portrait, d’allégorie ou de symbole. Il peut évidemment s’agir d’une copie d’après modèle, posant dans l’atelier de Manu Van de Velde, cependant, s’il a pu s’inspirer d’une muse ou de l’une de ses compagnes pour ce modèle, nous privilégions ici la figure féminine, c’est-à-dire la femme universelle, peinte d’après l’imagination du peintre, pour ses formes et la douceur qu’elle dégage. Quant à l’action qui se déroule sur cette face, on pourrait penser à une scène d’intimité dans la vie de la jeune femme représentée, une scène de toilette, à la manière de certaines baigneuses ou d’odalisques peintes par de nombreux artistes.

1.14.

Analyse plastique

Cette face a été peinte directement au recto de la toile, le peintre ayant retourné le châssis côté figure masculine pour pouvoir peindre la figure féminine. Elle possède les mêmes dimensions que le recto, c’est-à-dire 90 x 60 cm, et est signée sur la partie à dextre, directement sur la toile.

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1.14.1. Technique Il s’agit, selon nos tests et observation à la loupe binoculaire, d’une peinture mixte non vernie à l’huile et à la gouache. Seules les couleurs marron et noire sont à la gouache, le reste de la composition est peint à l’huile. La peinture est posée à même la toile, autrement dit, sans préparation ou sous couche intermédiaire. De ce fait, l’état de surface parait plus « poudreux » que le recto, moins lisse. Manu Van de Velde a très certainement réalisé cette œuvre rapidement, sous le coup d’une impulsion, tant elle semble vive, brossée, spontanée. La touche se fait parfois épaisse, dans le visage, et invisible dans l’arrière-plan. La trame reste visible, étant donné qu’il n’y a pas de préparation, ni de première couche colorée ou d’apprêt. Le peintre a utilisé la couleur du fond, autrement dit l’ocre de la toile pour l’intégrer directement à la composition et créer les chairs.

Figure 39- détail de la touche au verso

1.14.2. Facture Le travail de la matière est très visible, et le peintre a alterné entre touche épaisse et simple brossage pour colorer les fils de la toile. Il a joué avec le support qui se présentait à lui, l’intégrant directement dans le rendu. Le visage surtout a été fait avec plus de matière et d’empâtement que le reste du corps et de la composition. Le blanc et le rouge surtout ont été travaillé avec plus de douceur, tandis que le noir et le marron ont été posés par touches vives et délimitées. De manière générale, la matière est très fine, et rentre directement entre le tissage de la toile.

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1.15.

Composition

La figure féminine représente une femme, en plein centre de la toile, qui semble se coiffer, peut-être s’apprête-t-elle à se laver, on assiste à une scène d’intimité ou de pose d’un modèle. Il semble ici très difficile d’identifier le modèle, nous resterons donc sur la figure, en tout cas un sujet moins accablant que la figure masculine. Manu Van de Velde a brossé le fond de la toile, laissant un voile noir léger et des coups de pinceaux plus marqués, en oblique, qui séparent le fond de la toile par la diagonale, passant derrière la figure féminine. Le personnage occupe toute la toile et le corps est réparti de façon équilibrée, sans être trop parallèle. On trouve les deux bras levés mais à des angles différents, la tête légèrement inclinée vers la droite et un léger déhanchement qui tend à partir vers la gauche. Si l’on construit les lignes de forces, on notera deux triangles qui s’opposent, un contenant l’angle du bras droit avec la tête de la figure féminine, et un autre triangle partant du coin supérieur dextre et reprenant l’ombre marron brossée par l’artiste, intégrant une partie du corps du modèle. On peut observer également un équilibre entre lignes droites et courbes, les lignes tranchées des bras, du buste et de l’ombre qui complètent les lignes plus sensuelles et courbes du visage, des seins, des hanches et du ventre.

Figure 40- schémas des lignes de forces

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1.16.

Espace

La peinture semblant moins achevée que la première face, il y a aussi moins de reliefs et de profondeur. Le fond est simplement esquissé, donnant à voir sans détour la femme à demi nue. Cependant, contrairement à son double masculin, la femme possède beaucoup plus de courbes, de rondeurs. Les traits sont moins durs et les chairs semblent ressortir beaucoup plus. Une grande douceur et une sensualité certaine se dégagent de ce tableau. La figure semble presque plaquée sur la toile, il y a peu ou pas de perspective. Manu Van de Velde aimait cet effet « vitrail », « découpage », que l’on retrouve dans nombre de ses toiles. Par rapport à toutes celles que nous avons pu observer, il en est très peu qui possède effectivement une perspective ou une succession de plans. Dans la figure masculine, il y a tout de même plusieurs plans, mais extrêmement rapprochés, voire fondus entre eux.

1.17.

Lumière

Aucune source de lumière représentée, mais les modelés suggèrent une provenance frontale, créant l’ombre à l’arrière fond. Les modelés créent cette lumière artificielle, imaginaire. Ce sont aussi les contrastes entre le noir et le blanc qui matérialisent la lumière, mais il est difficile d’en trouver véritablement la source.

1.18.

Couleur

La palette de l’artiste est ici bien plus

chaude

que

sur

la

face

précédente. Le fait que la peinture soit apposée directement sur la toile brute joue pour beaucoup. En effet l’ocre de la toile de lin fait office de fond, à la couleur chaude. Pour le reste, on trouve du noir, du blanc, du rouge et du jaune. Les couleurs sont parfois un peu mélangées, cependant la palette reste très restreinte. On compte en tout et pour tout 6 couleurs, représentées sur le schéma.

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On reste dans l’idée de l’esquisse, et donc dans la simplicité et la spontanéité, dans le moment furtif que l’on essaie de capturer.

6

Analyse iconographique 1.19.

Situation de l’œuvre au sein de la tradition iconographique

Outre les portraits, le nu féminin est l’un des sujets de prédilection des artistes de tout temps, car il fascine et représente à lui seul le beau, le sublime, la sensualité, des thèmes souvent recherchés par les artistes. Il serait fastidieux et inutile de mettre en relation notre œuvre avec toutes les représentations de femmes nues dans l’histoire de la peinture, cependant, certains thèmes plus précis se sont dégagés au fur et à mesure de nos recherches. Cette œuvre porte la marque de différentes influences, et oscille entre références anciennes et contemporaines. Il ne s’agit bien sûr que d’interprétations basées sur nos propres références, mais elles se recoupent bien souvent avec les modèles iconographiques utilisés par les peintres de la seconde moitié du XXème siècle, à l’image de Picasso qui s’est inspiré des masques traditionnels africains pour peindre les demoiselles d’Avignon.

Figure 42- Les demoiselles d'Avignon, Pablo Picasso, 1907

Figure 41- Figure féminine, 1956

Si l’on compare notre œuvre aux demoiselles d’Avignon, on note une pose similaire entre la jeune femme représentée au centre et notre figure féminine. Elle est elle-même drapée d’un tissu au niveau de la taille, les seins nus, le regard fixe et dans le vague.

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On notera voir l’influence de l’art africain dans notre figure féminine, notamment les traits un peu rigides, un certain minimalisme dans l’exécution et des couleurs de « terre » proches de celles utilisées dans les arts primitifs car issus de la terre elle-même (ocre rouge, ocre jaune…). Le visage de la femme représentée sur notre tableau s’apparente à un masque africain lui aussi, dans la longueur des traits, leur simplicité, leur rigidité. Quant à la posture, il peut s’agir d’un modèle posant pour le peintre, de façon sensuelle, ou plus prosaïquement d’une représentation de jeune femme dans son intimité, peut-être en train de se recoiffer ou de faire sa toilette. Il existe dans la tradition iconographique, de nombreuses références de jeunes femmes à leur toilette, toutes époques confondues. A titre d’exemple, on peut citer parmi les artistes les plus « récents », dans les impressionnistes, Berthe Morisot et sa jeune femme devant la psyché44,

Figure 43- Berthe Morisot, devant la psyché, 1890

Figure 44- Ernest Laurent, Femme à sa toilette, 1908

réalisée en 1890 ou encore Ernest Laurent, en 1908 avec femme à sa toilette45.

Des jeunes femmes qui s’affairent à leur toilette, leur coiffure, sans se soucier du spectateur, nous mettant dans une situation de voyeurisme involontaire. Il en est de même pour notre œuvre, la femme regardant de côté sans se soucier d’être vue ou pas. Elle porte ceint autour de la taille un linge blanc, des vêtements pas encore enfilés, comme les deux représentations cidessus. Ce sont des instants volés par le peintre ou peut-être même imaginés.

44 45

Berthe Morisot, devant la psyché, 1890, huile sur toile, 65x54 cm, musée Marmottan à Paris. Ernest Laurent, Femme à sa toilette, 1908, huile sur toile, 64,5x54,5 cm, collection musée d’Orsay à Paris.

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1.20.

Mise en relation de l’œuvre avec d’autres réalisations de l’artiste

Nous avons eu la chance de pouvoir recouper notre œuvre avec les différentes productions de l’artiste au cours de sa carrière, généralement les plus récentes, sa production des années 50 à 70 ayant été dispersée après que le marchand d’art qui revendait ses œuvres ait fait faillite. Manu Van de Velde a subit l’influence des femmes dans sa vie, souvent de façon positive. Ses compagnes ont été pour lui des muses, une source constante d’inspiration, des modèles. Il s’inspirait aussi parfois de faits divers, de références artistiques (cinéma, peinture, photographie…) pour choisir un sujet, ou encore puisait dans son imagination. La femme représentée ici semble être précisément le produit de son imagination, étant donné le peu de caractéristiques physiques, l’absence de regard, de cheveux, une sorte de dépersonnalisation que nous avions déjà eue avec la figure masculine et qui semble être un aspect courant des œuvres de Manu Van de Velde. Nous pouvons mettre la figure féminine en rapport avec quelques œuvre de l’artiste, des nus féminins, dont le style se rapproche plus de la figure masculine, avec une matière plus généreuse, mais une facture qui reste proche de la figure féminine.

Figure 45- La baigneuse, Manu Van de Velde, 1973, 1,50x1m, huile sur toile

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Cette œuvre des années 70 représente une jeune femme nue posant, peinte à l’huile dans les tons de jaune et bleu vifs. Au niveau de la facture, on note un soin dans les coups de pinceaux, une compléxité de la touche qui rend le modèle plus « réaliste » que notre figure féminine. Si l’on compare deux détails des œuvres, au niveau de la poitrine, on voit nettement le décalage de style. D’un côté, la figure féminine avec des traits simplifiés et cernés de noirs, de l’autre la poitrine de la femme, beaucoup plus nuancée et douce, plus détaillée, dans les pourtours noirs de notre composition. Cependant, malgré la différence de style, on reconnait facilement la touche de l’artiste, la forme du torse, le déhanchement, les marques des côtes.

Figure 47- Sans titre, Manu Van de Velde, technique mixte, crayons et encre de chine, 1998

Figure 46- L'institutrice ou la Vierge sage, Manu Van de Velde, 1969, huile sur toile

Dans ces compositions, il multiplie les nuances, les traits, les couleurs et dépersonnalise les femmes pour en faire une seule et même représentation. Celle de la « figure féminine » est également sans signes distinctifs, pas de cheveux, une expression neutre, un peu triste, sur le visage, comme dans « l’institutrice » ou encore le nu de 1998, ci-dessus. Manu Van de Velde va peindre de nombreuses femmes, en cherchant toujours à mettre le corps en valeur, proposer la nudité comme œuvre à part entière.

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Conclusion Cette recherche nous a fait découvrir un peintre discret mais passionné, qui vivait de son

art et pour son art. Tout au long de sa vie et malgré les difficultés rencontrées, il ne cessera de produire des œuvres, changeant de style et de medium au gré de ses envies, utilisant l’art comme catharsis. Il aurait pu connaitre une plus grande renommée que la célébrité locale dont il a jouit durant son existence, cependant il le dit lui-même, il fuyait la gloire et les contraintes pour garder sa liberté de peintre. Manu Van de Velde a évolué dans une période artistique d’après-guerre possédant mille visages, entre abstraction et figuration, ou le peintre devient le propre sujet de sa peinture. Peintre de la figuration, il exprime l’horreur des camps de concentration avec la figure masculine, sorte d’allégorie de cette période si sombre pour le peintre et pour des milliers d’autres. Avec la figure féminine, il semble tourner la page, avec un sujet moins douloureux, plus sensuel, une peinture pour « conjurer le sort » et apporter une lumière, que Manu Van de Velde semble n’avoir jamais perdu. Nous n’avons fait ici que des suppositions, il reste possible que l’artiste ait voulu exprimer autre chose ou s’essayer à un simple exercice pictural sur chacune des deux faces, mais il nous semble impensable de défaire Manu Van de Velde de son existence et de sa sensibilité, relatée par ses proches et dans les interviews qu’il a pu donner. Au-delà de l’interprétation et des courants dans lesquels peuvent s’inscrire l’une et l’autre face, ce tableau ne laisse pas indifférent. Les couleurs, la nervosité des traits, les personnages frontaux s’imposent, hypnotisent et intriguent, encore aujourd’hui.

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Figure 48- Palette du peintre Manu Van de Velde, collection particulière, Bruxelles, 2015

Rapport de Restauration « (…) je pense qu’il convient ici de montrer que la peinture mérite pleinement que nous lui consacrions notre travail et notre application. Elle a en elle une force tout à fait divine qui lui permet non seulement de rendre les absents présents, comme on le dit de l’amitié, mais aussi de montrer après plusieurs siècles, les morts aux vivants, de façon à les faire reconnaitre pour le plus grand plaisir de ceux qui regardent, et pour la plus grande gloire de l’Artiste. » Leon Battista Alberti De pictura, livre ll

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Introduction Lorsque nous avons vu pour la première fois cette peinture double-face, son état de conservation nous est apparu critique. L’œuvre ayant subi un accident, l’urgence de la conservation et restauration était nettement perceptible. Atypique, cette œuvre s’est imposée à nous comme l’occasion de découvrir une nouvelle facette de notre métier, caractérisée par la modernité et l’aspect double-face du tableau. La rupture nette de la continuité du support matérialisait à elle seule d’emblée la nécessité d’intervention. Le tableau étant tombé sur un bras de fauteuil, la couche picturale nécessitait également des soins particuliers afin de retrouver une adhésion satisfaisante entre les interfaces colorées elles-mêmes, mais aussi entre la couche picturale et le support, le clivage partant de l’épicentre de la déchirure et s’étendant au reste de l’œuvre. Ces deux faces, masculine et féminine, sont présentées dans un format de 90 x 60 cm, ce qui correspond à un format standard en Belgique. Cette toile a en effet très certainement été achetée tendue sur son châssis, vu son clouage et sa date, il subsiste peu de doutes quant à sa conception industrielle et non artisanale. Cette toile est peinte au recto avec de la peinture à l’huile, ainsi qu’au verso, de manière beaucoup plus fine, avec de l’huile mais aussi de la gouache. La stratigraphie, en raison des nombreuses couches présentes, est complexe et problématique, ce qui a certainement amené des altérations supplémentaires. Pour mieux envisager les opérations à réaliser et afin d’être le plus déontologique et minimaliste possible, nous avons réalisé une étude des matériaux constitutifs de l’œuvre, dont ont découlé un constat d’état et un protocole de restauration. Indépendamment de la matérialité du tableau, l’identification du peintre et les recherches faites sur celui-ci nous ont permis de mieux percevoir sa manière de peindre et d’en tirer des conclusions plus justes. Notre objectif est de comprendre au mieux l’œuvre, sa constitution, ses altérations, son histoire, afin de proposer un traitement adapté pour retrouver une unicité, une lisibilité et lui permettre de prolonger son intégrité esthétique, visuelle et structurelle un peu plus loin dans le temps.

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Examen de l’œuvre 1. Matériaux constitutifs et technique de mise en œuvre 1.1. Le support 1.1.1. Le châssis

Figure 49- Châssis de l'œuvre

La toile d’origine est tendue sur un châssis en bois à clés46, chanfreiné, mais du côté non chanfreiné, car la toile a été retournée afin d’être peinte sur son verso par l’artiste lui-même47. L’assemblage est à tenon-mortaises, et le châssis est composé de quatre montants d’équerre ainsi que d’une traverse centrale, afin d’assurer la rigidité de l’assemblage. Les clés sont au nombre de neuf, contre dix initialement. Le bois utilisé est un bois de qualité moyenne et fabriqué de façon industrielle.

46

Le châssis à clé, opposé au châssis fixe, est un modèle réglable qui est composé de clés ou lamelles de bois en forme de coins, enfoncées dans des encoches au niveau des angles. En tapant dessus, on ouvre les assemblages afin d’étendre la surface du châssis et d’améliorer la tension de la toile tendue sur celui-ci, LABREUCHE Pascal, Paris, Capitale de la toile à peindre – XVIII et XIX ème siècle, Paris, CTHS, 2001, p.43-44. 47 Supposition ici mais à juste titre puisque les deux faces sont du même artiste et que sur la face la plus récente, c’est-à-dire celle de la femme, on distingue dans la peinture la marque de la traverse centrale.

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Figure 51- Aperçu de l'angle supérieur dextre du châssis avec ses clés

Figure 50- Assemblage à tenons-mortaises

A première vue, le cadre et le châssis seraient de la même essence. On peut observer des traces d’anciennes semences au verso de l’œuvre, étant donné que le châssis a été démonté puis remonté sur le recto du tableau. La trace de la traverse centrale au centre de la figure féminine nous permet de confirmer cette intervention. Les bords de tension de la toile sont maintenus au châssis grâce au cadre, mais on distingue également des semences entre le cadre et le châssis. Les bords de la toile dépassent de façon irrégulière hors du cadre et le châssis n’assume plus son rôle premier de tension de la toile. Après dépose du cadre, nous avons pu observer les semences, un peu oxydées et réparties de façon régulière mais « aléatoire48 » autour du châssis.

Figure 53- Angle supérieur senestre du châssis

Figure 52- Détail des semences

On entend ici que c’est le peintre qui a lui-même procédé au clouage de la toile sur le châssis, après l’avoir déposé une première fois. 48

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Nous avons pu noter la présence d’annotations sur le châssis, faites à la mine graphite, très certainement par le peintre lui-même. Il y indique la taille du châssis, « 90x60 », ainsi que la mention « châssis nu ».

Figure 54- "châssis nu" écrit sur le châssis, côté masculin

Figure 55- "90 x 60" écrit sur la traverse centrale, côté masculin

1.1.1.1.

Nature du bois

En comparant des échantillons de différentes essences de bois à notre châssis, il apparait que le bois utilisé serait proche des résineux, avec une teinte claire et des cernes plus foncés. Il semble ici que le bois de sapin ait été utilisé, à la fois pour le châssis mais aussi pour le cadre, qui ont très certainement été vendus ensemble.

Figure 56- échantillon de bois sapin à gauche et bois du châssis à droite

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1.2. La toile

Figure 58- Détail de la trame au revers

Figure 57- Aperçu d'un ancien trou de semence sur la toile

La toile est originale et constituée d’un seul lé, sans couture, sans lisière ni inscriptions au revers, d’armure toile49. Il s’agit d’une toile préparée industriellement, très certainement vendue déjà encollée et ensuite, montée sur son châssis, comme cela se faisait dès le milieu du XIXème siècle. La toile est de couleur claire, bien visible au revers, et plus foncée au niveau des bords, légèrement oxydée par le temps.

1.2.1. La nature de la toile La toile est en lin et à ses dimensions d’origine. Nous avons déduit la nature des fibres par une observation à la loupe binoculaire, selon les fils, qui ne sont pas torsadés comme le coton, et avec un test de combustion50. L’échantillon s’est consumé en laissant des cendres noires avec un peu de fumée, ce qui caractérise le lin.

1.2.2. Tissage et contexture Le tissage est en armure toile, relativement aéré et régulier, comme c’est souvent le cas pour les toiles industrielles. On peut effectivement supposer ici, étant donné la date

L’armure toile est « produite par le passage en alternance régulière de la trame sur un fil de chaîne puis sous un autre à chaque duite (un pris, un laissé) et décochement d’un d’une duite à l’autre », BERGEON LANGLE S, CURIE P., Peinture et dessin, vocabulaire typologique et technique, vol 1, p. 507. 50 « Le lin brûle rapidement avec une flamme vive, en dégageant des vapeurs acides(…) », BROSSARD, I, Technologie des textitles, Dunod, 1997, Paris, P.35. 49

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d’exécution51 de la peinture côté femme et connaissant les techniques de l’époque que cette toile a été achetée par l’artiste déjà encollée, préparée et montée sur châssis. La toile est en tissage simple, un fil par un fil, avec une contexture de 13 fils de trame pour 13 fils de chaine au cm2. La lisière est présente en haut du côté homme, permettant d’en déduire la chaine dans le sens horizontal et la trame dans le sens vertical. Les fils de chaine auront en effet une ondulation plus marquée, avec un embuvage plus ou moins prononcé52. Les fils sont en torsion en Z, ce qui est courant.

Figure 60- schéma des 2 types de torsion du fils

Figure 59agrandissement sous binoculaire, vue des fils de la toile

1.2.3. Fixation du support sur le châssis La toile était initialement tendue sur son châssis, mais elle a été démontée et retournée afin que le peintre puisse utiliser le verso comme support pour une nouvelle peinture. Quand nous avons récupéré notre œuvre de mémoire, la toile était tendue sur ton châssis, montage côté homme, tendue par des semences. Ce châssis était lui-même fixé à son cadre par des semences plus fines, 5 dans la hauteur et 4 dans la largeur. En observant les anciens trous de semences, nous avons pu en déduire un démontage fait par le peintre lui-même, ainsi qu’un remontage, l’espacement des semences étant irrégulier.

51

Signé « 56 » côté femme L’embuvage est le rapport entre la différence de longueur d’un fil ondulé l0 et déondulé l par la longueur initiale : embuvage = [(l-l0)/l0 x 100, il s’exprime en %. , ROCHE, Alain, Comportement mécanique des peintures sur toile, Paris, CNRS éditions, 2003, p.10. 52

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Figure 61- Détail des semences qui maintiennent la toile au châssis

1.3. La stratigraphie

La figure féminine et la figure masculine présentent une stratigraphie peu commune, du fait du caractère double face de l’œuvre. L’examen visuel nous permet d’établir la coupe stratigraphique du tableau, mais aussi une chronologie dans l’exécution de chaque face. Nous ne pouvons pas être complètement certains de l’ordre de notre stratigraphie, malgré nos tests, mais il semblerait qu’il y ait, côté homme, outre l’encollage et la préparation, au moins trois couches colorées, de l’huile mais peut être aussi de la peinture industrielles appliquée en couche épaisse sur la préparation.

Figure 62- schéma de la stratigraphie de l'œuvre

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La toile possède au recto un encollage, une préparation, une première couche colorée et une couche colorée supérieure. La présence de vernis n’a pas été démontrée, après visionnage sous lumière UV. Au recto, pas moins de trois couches colorées ont été dénombrées. On le remarque sur le bord de la toile, là ou initialement la toile était pliée, on perçoit une goutte de peinture, puis la limite d’une couche par-dessus puis notre couche colorée supérieure. Au revers de la toile, une couche colorée est présente, directement sur la toile, sans collage ni préparation. Cette face a très certainement été réalisée postérieurement à la figure masculine, en atteste la présence de la traverse centrale dans la composition du tableau, preuve involontaire qui nous renseigne sur l’ordre dans lequel a été peint le tableau.

Figure 63- marque de la traverse centrale au verso

1.4. L’encollage Le rôle de l’encollage sur la toile, inchangé depuis le Moyen-Age53, consiste à rigidifier les fibres de la toile, diminuer leur porosité et agir comme isolant des couches qui viendront se superposer. Première couche en contact avec le textile, en l’occurrence ici la toile, son rôle est de l’isoler et de boucher les interstices pour que les autres couches qui viendront se superposer, adhèrent à la toile sans la traverser. L’encollage peut être d’origine animale comme la colle de peau, ou bien à base de résine vinylique et acrylique. L’encollage est présent au revers de notre toile, se caractérisant pour un aspect brillant sur les fibres.

1.5. La préparation La préparation se pose traditionnellement à la brosse ou à la spatule, en épaisseur variable et sert à préparer la toile à recevoir les couches colorées. Pendant longtemps de couleur rouge, 53

ROCHE, Alain, op.cit., p. 59.

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Figure 64- Détail de la préparation au revers

Figure 65- Détail de la préparation sur les bords de la toile

la préparation blanche va s’imposer dès le XIXème siècle54, avec un choix restreint, sois huileux, sois « universel » ou demi-absorbant. La préparation est bien visible sur les bords de notre œuvre, elle est blanche et a certainement été enduite mécaniquement, étant donné qu’il s’agit d’une toile des années 50. Son homogénéité et sa présence sur les bords de la toile sont des indices supplémentaires sur son application grâce à des machines et non pas artisanalement. La proportion semble régulière et on ne décèle aucune « perle » de préparation au revers, comme c’est parfois le cas lors d’application manuelle.

1.6. Première couche colorée Avant même une observation au niveau de la déchirure, on pouvait présupposer d’une première couche colorée étant donné les reliefs importants à certains endroits de la couche picturale, sans rapport avec la couche colorée supérieure. De plus, l’artiste a volontairement laissé des « jours » dans sa couche colorée finale, dévoilant un fond très coloré, avec une palette assez large. Enfin, le choc provoqué par la chute de l’œuvre a provoqué des pertes de matière, laissant apparaitre la couche sous-jacente. En observant bien les bords du recto, après dépose de la toile, nous avons pu compter au moins 3 couches de peinture successives. Il est possible que l’artiste ait varié les médiums, utilisant de l’huile, mais peut être aussi de la gouache, ou bien un mélange à la térébenthine55, qu’il utilisait fréquemment dans ses toiles.

54

LABREUCHE, Pascal, Paris, capitale de la toile à peindre, XVIII e-XIXe siècle, Paris, CTHS-INHA, 2011, p.60-61 55 «(…) la technique est mixte: à mon pastel de base, j'ajoute des préparations à la térébenthine et également de l'encre de Chine. Pour d'autres tableaux, comme celui transitoire du nu féminin, je compose avec du fusain, de la

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Figure 66- Vue à la loupe binoculaire de la couche sous-jacente verte claire

Figure 67- Aperçu des reliefs créés par la sous couche, au recto

Cette première couche colorée, qui était peut-être une première œuvre de l’artiste, possède des reliefs sans rapports avec la couche supérieure56. La touche est multidirectionnelle et les coups de pinceaux sont visibles du fait de l’épaisseur de la matière. Cela apporte du dynamisme et une composition vibrante. Nous nous sommes interrogés sur un possible vernissage de cette première couche colorée, qui pourrait en partie expliquer le déplacage à l’interface des deux couches colorées, mais après observation sous uv et à la loupe binoculaire, il semble que la couche picturale n’ait pas été vernie.

1.7. La couche colorée 1.7.1. Le Liant Lors de la réception de l’œuvre, nous nous sommes interrogés sur la nature de la couche picturale, étant donné le caractère contemporain des deux œuvres. Après recherches, il s’avère que la peinture acrylique57 ne s’est développé qu’à partir des années 60 en Europe, ce qu’il l’exclue donc, étant donné que le tableau est signé de 1956. On peut considérer que l’œuvre a

craie, des gouaches et à nouveau l'encre de Chine. Parfois, je n'utilise qu'elle, comme pour la deuxième partie de l'exposition. » interview de Manu Van de Velde donnée au journal belge Le Soir, GERARD, Alain, vendredi 23 septembre 1994, p.21 Ces reliefs n’ont pas structuré la composition, ils auraient pu reprendre la forme des objets présents ou de la silhouette de l’homme mais il n’en est rien. Le peintre a sans doute dû faire la peinture que nous connaissons avec le fond qu’il avait déjà construit, sans savoir le résultat final. Tout porte à croire que la couche sous-jacente était une composition abstraite. 57 La maison Lascaux sera la première à introduire l’acrylique en Europe en 1962, puis Liquitex en 1967. PEREGO, François, Dictionnaire des matériaux du peintre, Paris, éditions Belin, 2005, p.26. 56

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été peinte à l’huile des deux côtés, très probablement avec de la peinture de la marque DalerRowney®58. Cette marque a la caractéristique de posséder un séchage deux fois plus rapide qu’une peinture à l’huile classique, de par l’huile qu’elle contient, bien plus siccative que ses concurrentes.

Figure 68- vue du recto sous infrarouge

La lecture infrarouge59 n’a pas permis de déceler un dessin préalable ou de percevoir mieux les couches sous-jacentes, par contre elle nous permet de mieux percevoir les contrastes voulus par le peintre.

1.8. Les pigments Nous avons pu comparer les couleurs utilisées par l’artiste avec un nuancier récupéré chez les fabricants de la marque Daler-Rowney®, et déterminer si les couleurs sur la figure masculine et figure féminine étaient le résultat d’un mélange ou si elles sortaient du tube. On trouve de nombreux mélanges, cependant, à l’aide du nuancier, il est possible de déterminer quelles couleurs ont pu être utilisées et quelle gamme Manu Van de Velde a préféré.

Indication donnée par Evelyne Wilwerth, compagne de Manu Van de Velde. A sa connaissance, il n’utilisait que cette marque lorsqu’il peignait à l’huile. 59 Habituellement, la réflectographie infrarouge permet de déterminer la présence ou l’absence de dessins préparatoires, de repentirs, ou d’éventuels repeints. Ce qui est invisible à l’œil nu pourra être révélé par le biais de l’infrarouge. 58

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La figure masculine possède à première vue une palette plus large que la figure féminine, avec plus de dégradés et de mélanges. Ainsi, on trouve dans le fond vert du vert émeraude, mais aussi du vert de hooker, mélangés à du blanc. On observe une utilisation de couleurs vives et primaires, peu de terres ou de couleurs pastel mais bien des couleurs très tranchées et bien délimitées par le cerclage noir, inhérent à l’ensemble des objets représentés. Le peintre a travaillé énormément ses effets de matière, jouant également sur la couleur. Si on observe le visage de la figure masculine, nous pouvons discerner pas loin de six couleurs différentes, avec des mélanges différents et utilisées pur ou en adjonction avec du blanc.

La figure féminine quant à elle, possède une organisation colorée plus marquée. En effet, on remarque que le fond sombre (noir et marron) est utilisé pour mettre en valeur le corps de la femme, composé en majorité de blanc. A ce blanc, le peintre a ajouté des couleurs plus vives, par touches.

1.8.1. Facture, traitement Ce qui frappe en premier sur la figure masculine, ce sont ces reliefs, réalisés par des empâtements de matière. On peut aisément visualiser la touche, la marque du pinceau brosse, posé très souvent à la verticale, contournant la figure ou les objets, nullement lissé mais bien laissé dans toute son épaisseur comme composante à part entière de l’œuvre. Ici, le dessin est la couleur, qui encadre et modèle. Le dessin est la matière. Manu Van de Velde a probablement posé un contour noir au préalable pour définir les objets et l’homme, puis a rempli à la manière d’un vitrail les différents éléments avec de la matière picturale.

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Figure 70- Vue en lumière rasante

Figure 69- Vue en lumière rasante

On sent que le vert du fond a été plus longuement travaillé en empâtement, avec des nuances, des ajouts de blanc, de différents verts, de noir. La touche est expressive, sans brouillon, posée ça et là de manière vive et assurée, généreuse et inspirée. Pour la figure féminine, il a agi différemment, utilisant moins d’empâtement, et restant plus dans l’esquisse que la superposition. Seul le visage a véritablement reçu en relief particulier, une épaisseur. Le fond est brossé et les bords sont encadrés de touches au pinceau assez marquées.

Figure 71- Détail de la figure féminine

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Examen détaillé des altérations 1.9. Le châssis Le châssis présente un bon état général, pas d’infestation biologique, seulement un

empoussièrement entre la toile et le bois du châssis mais pas d’altérations majeures. Les clés sont au nombre de 9 contre 10 initialement. Le châssis remplit encore sa fonction de support à la toile, malgré son démontage antérieur. Cependant, le côté non chanfreiné appuie sur la couche picturale côté homme, ce qui fragilise la couche colorée. De plus, la traverse centrale obstrue une partie du tableau, puisque la face est entièrement peinte.

1.10.

Le support toile

1.10.1. Les altérations de surface L’encrassement du support, bien que peu visible à l’œil nu, est bien présent et a pénétré au verso dans les interstices de la couche picturale, notamment au niveau des empâtements. La surface semble avoir un léger voile grisâtre, au verso, tandis qu’au recto on en juge plus difficilement, étant donné que la couche picturale a un aspect plus rugueux, du fait de son absence de feuil, ce qui rend la crasse plus dure à discerner. Cependant,

Figure 72- Déjection d'insecte au verso

on observe à la loupe binoculaire des crasses qui ressemblent à des déjections d’insectes.

Figure 73- Aperçu d'une déjection d'insecte au verso

L’empoussièrement est en partie visible sous les montants du châssis, notamment sur la partie supérieure du portrait d’homme, qui était le verso de l’œuvre après démontage du

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châssis. Un empoussièrement généralisé sur les deux faces, caractérisé par un film grisâtre sur le recto et des scrupules au verso.

Figure 74- Traces de scrupules après dépose de la toile, dans la partie supérieure, au recto

1.10.2. La déchirure La rupture de la toile est la principale altération de notre œuvre. La rigidité de la toile et le choc violent a sans doute permis cette rupture nette et diverses ruptures de cohésion/adhésion sur l’ensemble de l’œuvre. Les manipulations diverses ont pu favoriser ces altérations, mais également un problème au niveau de l’accrochage de l’œuvre.

Figure 75- Détail de la déchirure avant restauration

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Figure 76- Détail de la déchirure à contre-jour sous protection de surface

Figure 77- Déchirure vue du verso

En effet, la déchirure est survenue après être tombée du mur sur un bras de fauteuil, créant une rupture nette et complexe. La déchirure principale est longue de 86,5 cm. Les bords sont toujours jointifs mais la matière picturale est manquante à certains endroits de la déchirure, suite au choc. Les autres déchirures sont petites, et de rupture simple. Il n’y a pas de lacune de toile visible, mais on note une certaine faiblesse, notamment au niveau des bords de tension, ou le poids du châssis a fragilisé la toile et l’a noircie.

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1.10.3. Tension de la toile

Figure 78- traces de tensions de la toile au verso

Au revers de l’œuvre, on remarque des tensions de la toile et une certaine rigidité. Elle s’explique par la superposition des couches côté figure masculine, qui a alourdit l’œuvre et provoqué des tensions. De plus, l’œuvre, à sa réception, était mal tendue. Le poids de la couche picturale aura créé des froissements de cette nature. Si l’on considère qu’au moins trois couches colorées ont été appliquées pour la figure masculine, en plus du film m’encollage et de la préparation, ainsi qu’une couche colorée au revers, il est normal que la toile peine à garder une linéarité et une planéité parfaites.

1.11.

L’encollage

Sa présence est supposée, du fait du caractère industriel de la toile et de la brillance remarquée lors de l’observation à la loupe binoculaire. Nous n’avons pas d’indications précises quant à la provenance de la toile, cependant son aspect « bon marché » permet de penser que l’encollage a pu se dégrader prématurément, favorisant la perte d’adhésion entre le support encollé et la préparation, comme visible au niveau de la déchirure principale.

1.12.

La préparation

La préparation apparait particulièrement rigide et cassante, en cause le vieillissement et probablement la nature des matériaux utilisés, ainsi que la méthode d’application sur le support

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toile. Elle se déplaque au niveau de la déchirure, en cause le choc de la chute de l’œuvre, qui a provoqué un clivage à l’interface préparation/support, entre autre.

1.13.

La couche picturale

Du fait de la rupture de la toile, la couche picturale a subi des pertes de matière tout le long de la déchirure principalement. On remarque un clivage à l’interface entre les deux couches colorées, mais aussi entre la toile et la couche picturale. La couche colorée a tout de même une adhérence plutôt bonne, mais on note quelques lacunes, une conséquence des manipulations successives ou bien du choc qui a provoqué la déchirure. L’oxydation de la toile et le vieillissement des matériaux peut également être une cause plausible des lacunes de la couche picturale, de même que la mise en œuvre.

Figure 79- Détail de lacunes au recto de l'œuvre

Un problème d’adhésion donc, du au choc mécanique, mais aussi de cohésion, avec un réseau de craquelures très fines, mettant en évidence une couche picturale cassante et affaiblie, surement à cause d’une déperdition de liant dans la couche huileuse. En ce qui concerne l’adhésion entre deux films de peinture, l’adhérence se joue spécifiquement, plus que mécaniquement. Au verso, la couche picturale a également subi des altérations suite à la rupture de la toile, cependant on ne remarque pas de soulèvements, du fait de la finesse de la couche et de sa liaison avec la toile. Enfin, on notera une sensible altération du film cohésif, dont l’origine est l’affaiblissement des forces au sein même du feuil. On observe quelques craquelures dans les zones les plus fournies,

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et aux endroits de la rupture du support toile, provoquant la désolidarisation de certaines zones entre elles.

9

Diagnostic : cause des altérations de l’œuvre Grâce au constat d’état, nous avons pu observer chaque matériau séparément, le décrire et

en apprendre plus sur son état constitutif. Le diagnostic va être l’occasion de trouver la cause de l’état actuel des matériaux, de façon individuelle puis globale afin de comprendre au mieux l’œuvre et de définir des solutions adaptées. Ce tableau présente une importante rupture mécanique, ainsi que des altérations accentuées par le vieillissement et le choix des matériaux.

1.14.

Altérations dues au vieillissement des matériaux et à la mise en œuvre

Le vieillissement général de l’œuvre explique en partie son état. On remarque des lacunes de couche picturale à certains endroits. Ces pertes, même infimes, sont visibles et témoignent d’un problème d’adhésion entre le support toile et la couche picturale, dont la cause pourrait être le vieillissement du film de préparation, d’encollage ou de couche colorée. Ce vieillissement est naturel et lié à la vie des matériaux. On peut s’intéresser à l’âge du tableau, qui n’est pas tout à fait déterminé. C’est une œuvre peinte manifestement dans les années 5060, et si on se réfère à cette période supposée de création. Il s’agit d’une œuvre relativement récente mais fragile, du fait du non-respect d’une stratigraphie « classique » et de la présence d’une face peinte au verso. De plus, la mise en œuvre choisie par l’artiste a pu accélérer ce vieillissement des différents composants du tableau, notamment le refus de poser un vernis protecteur, qui aurait pu prévenir de la perte de matière picturale. Ou encore le fait de superposer au moins deux couches colorées avec de nombreux empâtements au recto, ce qui a considérablement alourdit le support et a accéléré sa rupture à certains endroits. De même, le caractère double-face de l’œuvre n’augmente en rien sa durée de vie, bien au contraire. Cette mise en œuvre et le vieillissement naturel des matériaux ont nettement fragilisé l’ensemble de l’œuvre.

60

Voir partie historique sur la datation de l’œuvre.

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1.15.

Altérations dues à des causes mécaniques

La chute du tableau sur le fauteuil a provoqué la rupture cohésive des fils de la toile, mais aussi de la couche picturale. Le manque d’adhésion entre les couches colorées est très certainement lié à ce choc. On note un manque d’adhésion également entre la couche picturale et le support toile, à des endroits sans rapport certain avec la chute de l’œuvre. Il s’agit peutêtre ici d’accidents de manipulation, d’un mauvais stockage ou encore du simple vieillissement des matériaux, comme nous l’évoquions précédemment. Une mauvaise manipulation pourrait également avoir affaibli les matériaux, car on sait que l’œuvre a été démontée de son châssis puis remontée châssis contre face afin de faire place nette pour recevoir la couche colorée au verso. Ce remontage artisanal, avec une couche colorée épaisse et non protégée par un vernis au recto, aura très certainement eu des répercussions quant aux tensions internes du tableau. L’équilibre des forces a pu être bouleversé à ce moment-là et entrainé une perte progressive de l’adhésion des couches au support ou même des couches entre-elles. Quant au manque de cohésion à certains endroits, il peut s’expliquer par le remontage sur châssis qui a engendré des craquelures à la surface de la matière picturale, du fait de la nouvelle tension de la toile.

Figure 80- Aperçu d'une rupture cohésive

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Figure 81- Visualisation de la déchirure sous lumière rasante

1.16.

Altérations dues à des causes physico-chimiques

1.16.1. Rappel de différentes notions

L’adhésion61 : On observe ici une perte d’adhésion en la couche picturale/support toile et les deux

couches colorées. L’adhésion entre deux matériaux se fait à l’interface des surfaces en contact, contrairement à la cohésion qui régit les forces internes d’un même matériau. L’adhésion n’est possible qu’avec un « ancrage » entre une couche poreuse et un corps liquide. Si la surface qui va recevoir la seconde couche n’a pas un corps assez poreux, l’adhésion va être difficile. De même, l’étalement de la seconde couche doit être satisfaisant afin de pénétrer dans la couche ou il est apposé, pour créer des liaisons. Pour le recto de notre tableau, il s’agit d’un manque d’adhésion à deux niveaux :

- entre le support toile et la couche picturale : Il s’agit ici d’une adhérence de type mécanique, qui agit en fait entre l’encollage et la préparation. Lorsqu’il y a rupture entre ces deux interfaces, la cause est généralement un manque d’accroche au niveau des fibres de la toile, dû à l’encollage qui diminue la porosité de la toile. Ici, la seconde couche colorée appliquée au revers du tableau, la figure féminine, a très certainement fait baisser encore cette porosité, les fibres de la toile

61

ROCHE, Alain, comportement mécanique des peintures sur toile, dégradation et prévention, Paris, CNRS, 2003.

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étant déjà obstruées par cette couche huileuse. De plus, le choc subit sur l’œuvre lors de sa chute ajouté au poids de la couche colorée présente sur la figure masculine a certainement entrainé la dislocation des différentes couches entre-elles.

- entre les deux films colorés : Du fait de l’épaississement des couches dans le temps, l’accroche se fait de moins en moins bien, notamment à cause de la CVP62 qui décroit, abaissant la porosité.

La cohésion : Les forces de cohésion se situent au niveau des molécules entre elles, par des liaisons ioniques, hydrogènes, ou de Van der Waals. On explique l’aspect solide d’un matériau par sa cohésion. Quand il y a perte de cette cohésion, il y a désolidarisation des liaisons entre elles. La cohésion s’effectue de manière plutôt horizontale, tandis que l’adhésion se fait de façon verticale, dans une structure peinture. Sur un film de peinture à l’huile, on peut observer des craquelures, résultat d’un manque de cohésion au sein du matériau.

Figure 82- Aperçu de la perte de continuité du support au verso

1.1.2. Perte d’adhésion

Couche volumique pigmentaire : cela correspond au rapport du volume d’un pigment par le volume du liant de ce pigment. 62

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Figure 84- Défaut d'adhésion à l'interface couche sous-jacente-couche colorée supérieure

Figure 83- Défaut d'adhésion à l'interface support - préparation

La perte d’adhérence se manifeste par un détachement de la couche picturale, créant des écailles et par la suite des pertes de matière. Bien que le choc soit une cause importante de clivage, il semblerait que ce phénomène trouve aussi son origine dans les imperfections de l’exécution mais aussi dans la qualité de la peinture employée. Sur notre œuvre, les lacunes se situent en majorité au niveau de la déchirure, mais également dans de petites zones sur l’œuvre, avec un clivage à l’interface couche picturale/support. Cette altération s’explique par les mouvements de l’œuvre, mais aussi par la faiblesse de l’encollage et une trop forte contrainte exercée dessus. La couche picturale est en effet assez épaisse au recto, et le fait que le verso ait été peint a très surement appauvri l’encollage, lui demandant une sollicitation trop importante. Cette perte d’adhérence, même si visible seulement à quelques endroits, risque de se généraliser à l’ensemble de l’œuvre avec le temps et entrainer des pertes plus importantes. La perte d’adhésion est également présente à l’interface couche colorée/couche colorée, ce qui peut être expliqué par une mauvaise mise en œuvre. En effet, si la seconde couche huileuse a été déposée sur une couche picturale grasse, cela va à l’encontre de la règle du gras sur maigre, plébiscitée par de nombreux peintres, qui assure, dans une structure peinture, la bonne adhésion des strates entre elles.

1.16.2. Perte de cohésion On observe également une perte de cohésion de la couche colorée supérieure, avec des craquelures au niveau des empâtements principalement. La déperdition en liant pourrait expliquer ces craquelures, mais aussi l’épaisseur de la couche et le fait qu’une couche sousjacente ait pu absorber une partie du liant, ou en tout cas, ne plus adhérer à la couche supérieure, la laissant sans attache et donc libre de se craqueler.

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1.16.3. Oxydation des matériaux 9.1.1.1 La toile La toile présente sur notre œuvre est la toile d’origine, elle est fragile mais reste tout de même assez souple et solide. La toile de lin, en fibre naturelle, est composée à 70% de cellulose. La cause de cette oxydation se trouve dans l’oxygène de l’air, qui a entrainé la rupture des chaines polymérisées des longues liaisons au sein de la cellulose des fibres de lin. La cohésion des fibres étant très affaiblie, la toile devient plus cassante, spécialement quand elle est soumises aux forces extérieures. Le fait que la toile cède de façon nette au niveau de la déchirure montre que la déperdition de la cellulose était déjà largement entamée.

Donc… Nous pouvons penser, avec cette analyse des causes des altérations, que la « fantaisie » du peintre dans la mise en œuvre de ce tableau a joué un rôle certain dans l’altération précoce des matériaux. Un tableau peint au recto comme au verso a encore moins de chances qu’un tableau à la stratigraphie normale de perdurer dans le temps. De plus, la superposition des couches colorées, l’absence de vernis de protection ainsi que le choc subit rajoutent à la mauvaise condition de notre œuvre. Le démontage et remontage sur châssis ont également affaiblit l’équilibre entre les forces et provoqué des tensions au sein de la stratigraphie. Enfin, la chute du tableau sur un bras de fauteuil reste la cause principale de ses altérations, mettant en péril le recto comme le verso. La problématique majeure est de préserver deux faces colorées sur un même support, en évitant une restauration trop lourde qui altèrerait la perception d’une des faces, voire des deux. La difficulté réside ici dans le fait que chaque intervention devra être la plus discrète et invisible possible, car nous ne sommes pas dans le cas ou notre œuvre pourrait subir une restauration « classique », avec des poses de pièces de renfort ou encore une imprégnation qui foncerait énormément le revers. Tout ici doit être soigneusement contrôlé, et notamment la chronologie des interventions, qui aura une importance capitale.

10 Pronostic 1.17.

Evolution des altérations à cause du vieillissement des matériaux

De plus, le vieillissement naturel des matériaux accentuera l’oxydation déjà présente de la toile, mais aussi de l’encollage, préparation et couches colorées, qui se dénatureront petit à petit.

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Seul le contrôle des paramètres environnementaux va permettre de gérer au mieux et de retarder le vieillissement et la dégradation des matériaux. Entre autre, la chaleur et l’humidité relative sont des paramètres à vérifier régulièrement afin de ne pas exposer l’œuvre à des changements environnementaux trop brusques. Cela permettra de prévenir d’une éventuelle infestation biologique mais aussi d’une trop forte humidification du support toile, qui entrainerait des dégâts.

1.18.

Evolution des altérations à cause d’une mauvaise conservation

A terme, avec la déchirure béante et la rupture de la continuité du support, la toile risque de se rétracter, entrainant de nombreux soulèvements de matière et des craquelures importantes. La déchirure pourrait également continuer à s’ouvrir, avec le poids de la couche picturale, entrainant une perte de la moitié de l’œuvre. Les interventions à effectuer seraient alors bien plus interventionnistes si l’on devait arriver à cette éventualité, avec peut être une perte de matière très importante. En découlerait une perte de la visibilité et de l’esthétique de l’œuvre irréversible. Les deux faces sont menacées, notamment la signature de l’artiste, située à l’endroit où la toile est déchirée. La manipulation elle-même est ardue, du fait de la déchirure. Il devient urgent de stabiliser puis restaurer l’œuvre.

11 Protocole de restauration 1.1. Proposition de traitement 1.1.1. Objectifs et nécessité d’intervention Ce double face, de par sa nature et son récent traumatisme présente un support et une couche picturale affaiblie. Grâce à la pose d’un papier de protection sur la déchirure, le support toile est temporairement maintenu, mais le processus de clivage de la couche picturale est déjà entamé. Le constat d’état et le relevé des altérations ont mis en avant l’urgence de consolider le support toile ainsi que de refixer la couche picturale. Les autres interventions, comme le décrassage, le changement de châssis, la pose de mastic et la réintégration colorée restent importantes mais passent au second plan comparé aux mesures urgentes que nécessitent le support et la couche picturale. La vitesse de dégradation reste toutefois lente, à partir du moment où l’œuvre ne subit pas de variations hygrométriques trop importantes, ni une manipulation excessive. Les matériaux sont sains et ne semblent pas avoir été infestés.

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L’intervention sur ce tableau est justifiée par plusieurs raisons :

-

Tout d’abord le support toile qui n’a plus de continuité, à cause de la déchirure complexe sur le quart inférieur dextre du recto, survenue par la chute de l’œuvre sur un bras de fauteuil. Il est nécessaire de faire une reprise de la déchirure afin de retrouver planéité et intégrité.

-

Ensuite la couche picturale qui a elle aussi subit des altérations suite à l’accident, n’est plus adhérente à la toile et présente également des problèmes d’adhésion à l’interface de ses deux couches colorées au recto de l’œuvre. Le clivage autour de la déchirure s’est répandu et il devient urgent de retrouver l’adhésion des couches colorées entre elles.

-

La perte d’adhésion et de cohésion généralisée doit être une priorité, pour éviter à terme de grosses pertes de couche picturale, ou des craquelures plus importantes, ce qui entrainerait une perte de la lisibilité.

-

Il faudra enfin prendre en compte le caractère double face de l’œuvre afin de trouver un système de présentation et de fixation adapté à sa nature sans que l’une des faces ne soit lésée ou mise en danger, et afin de retrouver une lisibilité et une esthétique optimale sur les deux faces.

Les objectifs seront donc les suivants : 1. Rétablir la continuité du support Le rétablissement de la continuité du support est impératif pour la suite des opérations. Il consistera à reprendre la déchirure et à retisser, puis ajouter des fils pour maintenir les bords entre eux.

2. Uniformiser la tension et retrouver une planéité acceptable La tension n’était plus très bonne sur notre œuvre, ce relâchement a provoqué quelques plis dans la couche picturale, qui pourront progressivement être résorbés si on vient améliorer la tension à l’aide d’un châssis auto-tenseur.

3. Consolider les couches entre-elles

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Il est urgent de refixer la couche picturale sur le support ainsi que la couche supérieure colorée sur la couche sous-jacente car on risque à terme une perte généralisée de la matière picturale. Grâce à un refixage, il sera à nouveau possible de manipuler l’œuvre en toute sécurité et de progresser dans la restauration.

4. Rétablir la lisibilité des deux faces La finalité de ce travail est de mettre en lumière les deux faces de cette œuvre, sans qu’une soit lésée. Les deux parties de l’œuvre devront retrouver une continuité et une unité colorée, aussi bien qu’une présentation adéquate.

1.2. Cahier des charges et choix des matériaux Le cahier des charges permet de déterminer quelles interventions pourraient résoudre les problèmes inhérents à l’œuvre, en fonction de notre constat d’état et de nos observations. Cela prend en compte les avantages et les inconvénients de chaque méthode que nous pourrions employer. Dans notre cas, nous privilégierons le minimalisme dans les interventions, pour ne pas risquer d’endommager encore plus les deux faces de l’œuvre.

1.2.1. Mesure de protection Par définition, une protection de surface permet de maintenir les déformations en surface en imposant une contrainte faible mais suffisante, qui va permettre de manipuler l’œuvre plus aisément mais aussi d’offrir un support pour d’éventuelles opérations au revers. L’œuvre était très fragile à sa réception, non manipulable ou transportable sans d’infimes précautions, à cause de la déchirure notamment qui a créé un décollement de la couche picturale et des écailles libres. Le moindre frottement sur la surface aurait provoqué une perte de matière irrémédiable. Il a donc fallu, dans un premier temps, poser un papier de protection au niveau de la déchirure, à l’aide d’une colle de méthylcellulose fortement diluée et d’un papier japon. Le choix d’un papier à faible grammage paraissait une évidence, car nous ne cherchions pas ici à intervenir sur les dégradations, l’objectif était simplement de maintenir. De plus la méthylcellulose n’offre que très peu de contrainte mais suffisamment pour simplement envelopper le papier japon autour de la couche picturale, ce qui nous intéressait. Nous avons protégé une zone visiblement sensible, en mesure d’urgence, afin de limiter les dégradations

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dues à la manipulation nécessaire de l’œuvre. La zone de la déchirure est ainsi maintenue, ainsi que la couche picturale à sa périphérie.

Figure 85- Aperçu de la déchirure au recto avec sa protection

1.3. Problématiques soulevées par l’œuvre Du fait de sa mise en œuvre, notre tableau de mémoire était presque condamné à « l’obsolescence programmée63 » dès sa création. Comment, en effet, faire perdurer une œuvre peinte au recto comme au verso, sans vernis final pour protéger sa surface et ses couleurs, avec un châssis non adapté qui maltraite le recto originel ? On peut ici bien sur défendre l’œuvre en posant le constat que chaque tableau est en fait un assemblage de matériaux hétérogènes qui n’est de toute façon pas fait pour être assemblé. Le travail du restaurateur consiste ensuite à déterminer dans quelle mesure ses interventions doivent être poussées ou non et avec quels produits, en fonction des particularités liées aux œuvres étudiées. Pour notre tableau de mémoire, nous nous sommes donc interrogés sur : 

Apport d’humidité ou pas ?

Le fait d’apporter de l’humidité sur une peinture est toujours risqué, du fait de la nature des matériaux. Cela peut amener des variations dimensionnelles propres aux matériaux. Notre problème est la présence, après tests aqueux, de gouache sur la figure féminine. Utiliser un adhésif aqueux par exemple, ou un nettoyage à l’eau pourrait provoquer des auréoles ou une diffusion de la gouache.

Nom donné à l’ensemble des techniques qui visent à réduire la vie d’un produit (machine, electroménager…) pour augmenter le taux de remplacement, terme contemporain et non adapté, bien entendu, à un tableau. 63

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L’alternative à l’eau serait l’usage de solvants, ce qui n’est pas préférable, il s’agit donc ici d’utiliser les produits et notamment l’eau avec beaucoup de contrôle, et pas directement sur le verso. 

Cartonnage pour réduire les déformations ?

A la réception de l’œuvre, sa planéité nous a paru plutôt satisfaisante, même si la déchirure remettait en question la continuité de la toile et donc sa planéité. Ce n’est qu’à la lumière rasante qu’outre les empâtements, nous sont apparu quelques déformations dues certainement à la manipulation, c’est-à-dire le démontage et remontage au verso, en plus des variations hygrométriques et surement le fait que la matière picturale soit trop importante pour une toile si fine. Dans ce genre de situations, plusieurs options sont disponibles, notamment le cartonnage léger, qui aurait pu permettre, à l’aide d’un adhésif et d’un papier peu contraignant, de remettre dans le plan les déformations. Cependant, cette opération nécessitait un apport d’eau important, et l’absence de vernis sur les deux surfaces conjugué à la présence de gouache au verso nous ont poussés à choisir une méthode plus minimaliste et abandonner le cartonnage.

Doublage transparent ? Pièce de renfort au revers ?

La rupture de la continuité de notre support toile implique une intervention de reprise de cette déchirure. Pour une déchirure de cette taille, on procède de plus en plus fréquemment à un doublage transparent, dans le but d’agir comme renfort de la toile originale par des matériaux ayant des propriétés plus ou moins transparentes, comme la crèpeline de soie couplée à une résine synthétique acrylique, afin de ne pas cacher le verso. Toutefois, aux vues des différents exemples de doublage transparent que nous avons pu observer, nous nous sommes rendu compte que le résultat n’était pas forcément si transparent que prévu. De plus, l’intervention est loin d’être minimaliste et n’est pas forcément nécessaire dans notre cas, notre tableau présentant une seule rupture de toile nette, due à un accident et non à cause de matériaux vieillissants ou défectueux. Une pièce de renfort aurait pu être envisagée aux endroits de la déchirure ou les fils étaient tous justes jointifs, mais même avec des matériaux dits « transparents », une pièce de renfort à cet endroit, sur une toile peinte, restera visible et empêchera la bonne lisibilité de la figure féminine. Un renfort fil-à-fil, un pontage et un châssis adapté qui laisse une marge de mouvement à l’œuvre nous ont paru suffisant.

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1

Traitement de restauration proposé 1.1. Décrassage du recto et du verso Le décrassage de l’œuvre va s’effectuer en deux temps. En effet, dans un premier temps,

nous nous occuperons du recto de l’œuvre, en conservant le châssis par-dessus, afin de pouvoir commencer le décrassage et procéder par étapes. Dans un deuxième temps, après avoir procédé à la reprise de la déchirure, nous pourrons décrasser le verso et le reste du recto, une fois le châssis déposé, à l’aide d’une brosse souple et d’une aspiration légère.

1.2. Consolidation de la déchirure Le rétablissement de la continuité du support est l’une des étapes cruciale de notre restauration. En effet, le reste des opérations dépend de la réussite de celle-ci, qui doit se faire de façon discrète mais solide, afin de retrouver une bonne cohésion, mais sans défigurer le verso de l’œuvre, qui est peint. Il va s’agir ici de retisser les fils de la toile encore présents et d’en rajouter quand cela s’avèrera nécessaire. Pour ce qui est des matériaux utilisés, il faut envisager la suite des opérations pour les déterminer. Comme il est prévu par la suite de faire une consolidation générale de la couche picturale, à l’aide d’une émulsion aqueuse, nous ne pouvions pas ici utiliser un adhésif aqueux, qui n’aurait pas supporté la consolidation. Notre choix s’est donc porté sur un lait de plextol, qui a l’avantage d’être résistant et souple, sans trop altérer l’aspect visuel de la surface sur laquelle il est appliqué. Il fallait en effet envisager le rendu optique de la reprise de la déchirure, puisque la pose d’une pièce de renfort était inenvisageable, sans risque de compromission de la lisibilité du verso. Pour ce qui est des fils employés dans le renforcement de la toile, nous utiliserons des fils d’origam® monofilament entremêlés par trois, afin de gagner en force cohésive mais aussi esthétiquement, pour nous rapprocher au mieux de l’aspect des fils de lin de notre tableau.

1.3. Rétablissement de l’adhésion de la couche picturale Une fois la continuité de la toile retrouvée, les problèmes d’adhésion au sein des couches devront être traités. Afin de déterminer au mieux quel adhésif serait susceptible de remplir tous les critères requis par l’œuvre, ainsi que la méthode de mise en œuvre la moins interventionniste

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possible, nous avons fait une liste des contraintes à respecter, des avantages que peuvent offrir un adhésif ou de ses inconvénients. Nous avions une planéité structurelle satisfaisante, autrement nous n’aurions pas pu entamer l’opération de consolidation des couches entres-elles.

1.4. Fabrication d’un châssis adapté Un châssis-cadre adapté au caractère double-face de l’œuvre sera nécessaire, afin d’assurer une bonne conservation de l’œuvre ainsi que de réduire les problèmes liés au support. En effet, comme il nous était impossible de poser une pièce de renfort au dos de la déchirure, opération qui aurait fait perdre en lisibilité à l’œuvre, la construction d’un système de tension auto-tenseur était obligatoire. Cette mise en extension permettra de contraindre le support pour éviter les déformations tout en assurant une souplesse pour parer aux éventuelles variations hygrométriques.

Cela permettra aussi de tendre la toile sans provoquer de ruptures

supplémentaires.

1.5. Pose des mastics et réintégration colorée Une application de mastics dans les zones lacunaires redonnera une continuité à la couche picturale. Cette opération va permettre de retrouver une homogénéité de surface pour accueillir le futur traitement de réintégration colorée. La retouche se fera, quant à elle, avec des matériaux réversibles, pigments et liants. Notre technique sera peut être différente pour le recto et le verso, en fonction des brillances et matités observées sur la couche originale. Une phase de tests préliminaires pour déterminer le meilleur liant de retouche sera à envisager avant toute intervention sur l’œuvre.

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1.6. Récapitulatif chronologique du traitement proposé

Nature de l’intervention Matériaux à utiliser 1

2

Nettoyage du recto

Matériaux/technique Méthode à exclure

Coton + eau

Nettoyage

déminéralisée

aqueux

Pose d’une protection

Papier japon +

Papier trop

Application au

de surface

méthylcellulose

contraignant, laissant

spalter

des résidus 3

Retrait du

Dépose de la toile

cadre 4

5

6

2ème nettoyage du recto

Coton + eau

Nettoyage

déminéralisée

aqueux

Dépoussiérage du

Gomme

Humidité, frottement

Micro

verso

whishab +

avec coton

aspiration,

Mise en extension

brosse souple

gommage

Bandes de

Montage sur

tension

bâti de travail

provisoires en intissé + plextol 7

8

Consolidation des

Fil-à-fil

Méthode aqueuse,

Retissage +

déchirures au verso

origam® + lait

pour la suite des

reprise fil-à-fil

de plextol

opérations

Refixage de la couche

Refixage avec

Chaleur, pression

Application au

picturale par le recto

émulsion

trop forte (à cause

pinceau sur

acrylique

des empâtements),

table aspirante

synthétique au

refixage par le revers

MFK à 5% sur

(sensible à l’eau)

table aspirante 9

Pose de bandes de

Toile mixte

Application

tensions définitives

décatie +

dans le frais au

plextol épaissi

pinceau

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10

Pose de mastics

Mastic

Modostuc®, trop

traditionnel à

friable

7%(carbonate de calcium, nipasol, colle de peau de lapin, eau) 11

Retouche

Pigments + liant Méthode sans vernis au verso pour éviter

Retouche illusionniste

les brillances 12

Mise en extension sur

Système à

Châssis à clé, châssis

châssis auto-tenseur

tension

fixe = trop

continue

contraignant, empêcherait la lisibilité d’une des faces

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[92]


Rapport de restauration

1

Décrassage de la couche picturale (recto) Le nettoyage des œuvres peintes est aussi bien une nécessité qu’une opération délicate

et dangereuse, susceptible d’endommager la couche picturale. C’est une étape importante, car elle permet d’ôter les résidus qui se sont déposés sur l’œuvre au cours des années (nicotine, matière grasse, suie, poussière, fumée, pollutions..) et de redonner une lisibilité au tableau. Cependant, il faut garder à l’esprit que cette action de décrassage tend à affaiblir les couches de peintures, qui étaient jusqu’à lors protégées, en quelque sorte, par la crasse. De plus, l’apport de nouveaux produits présente toujours un risque, que ce soit des solutions aqueuses ou des solvants et il est nécessaire d’observer l’œuvre à nettoyer à la binoculaire en même temps que l’on procède au nettoyage.

Pour l’élaboration d’un protocole de nettoyage, des tests ont été effectués sur notre œuvre de mémoire. La figure masculine présente un encrassement généralisé, avec la partie supérieure plus encrassée, du fait de sa conservation. La face côté homme était en effet retournée, le visage vers le bas car le propriétaire de l’œuvre a préféré montrer la figure féminine, le châssis ayant été inversé. Pour illustrer notre propos, le propriétaire du tableau nous a confié une photographie de l’état de l’œuvre et de son environnement avant qu’elle ne tombe et que la déchirure ne se fasse, ainsi qu’une photographie prise en 1959, dans le salon d’un de ses amis qui possédait alors l’œuvre.

Figure 87- Détail d'une photo de l'œuvre en 2009 accrochée dans le salon du propriétaire Figure 86- Tableau accroché en 1959, chez l'ancien propriétaire

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1.1. Tests de nettoyage sur la face – figure masculine Avant de débuter les tests aqueux sur l’œuvre, la résistance de la couche picturale à l’eau a été testée, le risque de remontée pigmentaire étant présent vu l’absence de vernis à la surface de l’œuvre. Après vérification, les tests ont été réalisés à l’eau déminéralisée froide puis chaude. En effet, la crasse est bien souvent emprisonnée dans les reliefs de la couche colorée et est plus sensible à l’eau chaude. Ensuite, le pH de la surface de la couche colorée a été testé dans la partie supérieure et inférieure du tableau. Pour ce faire, l’utilisation d’un pH-mètre de surface a été requise. Après avoir calibré le pH-mètre, nous avons déposé une goutte d’eau sur la surface de l’œuvre, patienté une minute et prélevé cette même goutte avec une pipette afin de la remettre sur les capteurs du pHmètre pour connaitre le pH de la surface.

Figure 88- Mesure du Ph de la figure masculine

Le pH64 de notre œuvre est à 6.9 dans sa partie supérieure et de 7 dans sa partie inférieure. Autrement dit le PH est neutre. Le connaitre sera utile pour pouvoir réaliser ensuite des solutions tamponnées additionnées à des nettoyants, comme le citrate de tri ammonium par exemple. L’utilisation de solution tamponnée + TAC65 permet d’avoir une solution nettoyante à pH constant, et ainsi limiter les apports trop acides ou basiques qui pourraient endommager la couche colorée. On peut également les utiliser seules, comme par exemple dans le cas de notre œuvre, ou une solution tamponnée à 7,5 a été réalisée, c’est-à-dire légèrement plus basique que le PH de la 64 65

Potentiel hydrogène Citrate de tri ammonium

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surface de l’œuvre afin d’avoir un pouvoir ionisant plus fort, et pouvoir ainsi éliminer les résidus plus facilement avec une action mécanique moindre. L’utilisation du citrate de tri ammonium, fréquemment employé dans le nettoyage superficiel des couches colorées, aurait pu être une bonne alternative pour notre œuvre. Le citrate de tri ammonium est un agent chélatant66 qui emprisonne les crasses présentes sur la couche colorée, qui sont ensuite éliminés lors du rinçage. Malgré son efficacité maintes fois prouvée, il convient de contenir et de contrôler l’action du TAC, surtout dans le cas qui nous intéresse, c’est-à-dire une couche colorée sans vernis final. Le TAC à 0,5 % a été testé, pour son action décrassante et sa captation des ions métalliques, avec un faible pourcentage pour limiter les risques, cependant nous avons dû arrêter pendant les tests sur les couleurs, ayant remarqué des infimes, mais présentes, traces de couleur sur les cotons. Afin d’avoir un plus large choix de nettoyants, la liste de Liliane Masschelein-Kleiner67, qui propose un choix de solvants pour les nettoyages superficiels, est une bonne alternative. Le choix d’un hydrocarbure aliphatique saturé comme l’isooctane semble être intéressant pour le décrassage de l’œuvre, étant peu pénétrant et très volatil. En effet, le tableau étant non verni, la couche colorée est susceptible de réagir aux solvants trop polaires.

Tout en faisant les tests, nous avons dû nous assurer que notre nettoyage aqueux ne présentait aucun risque pour le revers de la toile. Etant donné que l’œuvre du verso, la figure féminine, a des zones peintes à la gouache, nous avons craint dans un premier temps que l’eau ne traverse de trop et diffuse la couleur. Il semble, après observation, qu’il n’y ait pas de risques lors d’un apport contrôlé comme nous l’avons fait.

1.2. Tableau des tests effectués Un tableau a été réalisé afin de recouper les données collectées grâce à l’utilisation des solutions nettoyantes sur un coton-bâtonnet et à l’observation de la surface de la couche picturale à la binoculaire.

66 67

Acide citrique + hydroxyde d’ammonium L. Masschelein-Kleiner, Les solvants, IRPA, Bruxelles, 1981

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Figure 90- Aperçu du recto, coin supérieur dextre

Figure 89- Aperçu du recto, coin supérieur senestre, contraste exagéré

Produits utilisés

Résultats sur la surface

Eau déminéralisée

Couleurs

Couleurs

tiède

claires

foncées

Résultats sur le coton

Bonne efficacité apparente,

Efficace aussi, Utilisation du couleurs plus coton en

couleurs plus

nettes. Pas de

frottant

pures, plus

coton mais

remontées

légèrement,

brillantes. Pas

efficacité rapide

pigmentaires

pas besoin

sans besoin

d’insister

d’insister

de remontées pigmentaires.

Léger frottement du

beaucoup

Très satisfaisant Solution tamponnée à

Même résultat

Même résultat

7,5

qu’avec l’ED

qu’avec l’ED

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[96]


Citrate de tri

Bonne

Remontée

ammonium à 0,5 %

efficacité, pas

pigmentaire

de remontées

sur le bleu,

pigmentaires.

arrêt des tests

Satisfaisant

Léger frottement, mais pas d’insistance

Ici bleu qui est venu légèrement, sans trop de frottement donc arrêt des tests

Isooctane pur

Bonne

Bonne

Crasse qui vient

efficacité,

efficacité,

assez facilement

tendance à

légère matité

Un peu de

mais peut-être

matifier la

mais pas de

frottement,

moins qu’avec

couleur mais

chancis

sans trop

de l’ED

sans chancis

d’insistance

Après avoir effectué les différents tests, nous nous sommes arrêtés sur le choix de l’eau déminéralisée, qui reste finalement le nettoyant le plus minimaliste et le plus efficace dans notre cas. Nous avons ainsi pu décrasser une grande partie de la couche colorée, en évitant le papier de protection posé au niveau de la déchirure. Le reste du nettoyage sera effectué après dépose de la toile et consolidation de la déchirure. Remarque : Le frottement du bâtonnet ouaté imbibé d’eau déminéralisée à la surface de notre œuvre a eu tendance à « lustrer » les zones les plus en reliefs. Une tendance brillante était déjà présente sur ces zones, le décrassage a mis en valeur le côté mi- mat, mi- brillant de l’œuvre.

2

Décrassage du verso La figure féminine ne nous permettait pas d’effectuer des tests aqueux. En effet, au cours

de nos tests, nous avions découvert que la couche colorée du verso se composait de peinture à l’huile et de gouache, sensible à l’eau. Nous avons donc essayé un nettoyage à sec à la gomme

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whishab® sur la toile, hors zones peintes, cependant le gommage n’a pas eu de résultats visibles. Les résidus de gommage ont été aspirés. Nous avons également agit ponctuellement sur les déjections d’insectes présentes sur le couche colorée, en les grattant mécaniquement avec un scalpel, sous loupe binoculaire.

3

Pose d’un papier de protection Afin de protéger l’ensemble de la couche colorée au recto de la toile et de maintenir les

écailles en place lors du traitement de reprise de la déchirure, nous avons posé un papier de protection à l’aide d’un adhésif. Il nous fallait trouver un duo papier/adhésif réversible après séchage, peu contraignant, souple et fin. Notre choix s’est donc porté sur un papier bolloré® à faible grammage, appliqué avec de la méthycellulose fortement diluée. Le papier a été posé en évitant les montants du châssis, nous avons en effet préféré attendre que la reprise de déchirure soit faite pour déposer la toile de son support.

Figure 91- pose d'un papier de protection

4

Dépose de la toile Une fois le papier de protection sec, nous avons pu procéder à la dépose de la toile, en

enlevant le cadre ainsi que son châssis. Une feuille de Melinex® a été placée sous la toile, côté figure féminine, pour la protéger. Cette étape était pour nous très excitante, puisque nous n’avions aucune idée de ce que nous allions trouver sous le châssis. Nous avions également la crainte de trouver une couche colorée encore plus abimée sous les montants du châssis.

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Il a d’abord fallu ôter le cadre, qui s’est enlevé très facilement. Il était composé de 4 montants de bois cloués directement sur le châssis, maintenant les bords de la toile. La toile était ellemême clouée sur le châssis, opération réalisée par le peintre à l’occasion de l’exécution de la seconde œuvre, au revers de la figure masculine. Nous avons ensuite pu procéder à l’enlèvement des semences autour du châssis, qui se sont enlevées assez facilement, sans abimer la toile.

Figure 92- Aperçu de l'œuvre après dépose

C’est avec beaucoup d’émotion que nous avons pu soulever le châssis de la toile et découvrir une signature au niveau du montant inférieur. Cette découverte a confirmé ce que nous présupposions, que la face masculine de l’œuvre avait bien été exécutée par Manu Van de Velde, comme le verso. Cette fois ci, pas de date d’inscrite, cependant, comme nous l’avons précisé dans la partie historique, nous pensons pouvoir dater cette face entre 1947 et 1956, au vu de la vie du peintre et du sujet choisi.

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[99]


Figure 93- Découverte de la signature au recto, sous les montants du châssis

Figure 94- Signature du peintre au recto "M.V.d. Velde"

Sous le châssis, la peinture est restée presque intacte. On constate une perte d’adhésion support/couche picturale à quelques endroits, mais rien qui ne soit due au châssis sur cette face.

1.3. Aspiration du recto Du fait de la présence du châssis sur cette face, des scrupules se sont installés dans la partie supérieure du recto, et un empoussièrement généralisé est visible sur les zones qui étaient couvertes par les montants et inaccessibles pour nous. Nous avons procédé à une aspiration faible et contrôlée des poussières présentes dans la partie supérieure, puis sur toutes les zones précédemment camouflées par les montants, en dégageant les scrupules avec un spalter à poils souples.

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[100]


Figure 95- Aperçu des poussières accumulées sous les montants du châssis

1.4. Deuxième décrassage Nous avons enfin pu réaliser la seconde partie du nettoyage aqueux entamé au début de notre restauration, avec le même nettoyant, de l’eau déminéralisée appliquée avec un bâtonnet ouaté. Nous avions au préalable pris soin de tester la surface avec différents produits68. Comme pour le premier passage, nous nous sommes assuré que le traitement sur cette surface n’altérait en rien le revers, qui aurait pu réagir après humidification du recto.

5

Mise en extension sur bâti Cette étape nous permettait de travailler sur le côté figure féminine tout en maintenant la

toile, sans trop de tension. Cette mise en extension provisoire devait en effet permettre de maintenir la toile sans contraindre la déchirure. Le bâti a été monté côté figure masculine, de manière à avoir accès au verso.

1.5. Aplanissement des bords Les bords de la toile avaient pris la forme du châssis, il a donc fallu les aplanir afin de pouvoir poser au mieux les bandes de tension. Nous avons alterné un coton humide avec un papier buvard sec, tout en mettant progressivement des poids, afin de relaxer la toile et de la rendre la plus plane possible, sans écraser le couche colorée.

68

Voir ceux utilisés pour le premier décrassage

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[101]


1.6. Pose de bandes d’intissé au plextol et remontage Nous avons posés des bandes de tension en non-tissé au Plextol® B500 épaissi au xylène. Un papier Bolloré® intermédiaire appliqué entre la toile et le non-tissé a permis de répartir les tensions et protéger la toile, si elle doit un jour être à nouveau déposée. Les bandes ont été posées juste au niveau de la pliure de la toile originale, afin de consolider au mieux la toile, sans empiéter sur la couche colorée. Ces bandes serviront par la suite de bandes de tension définitives lors du remontage de la toile sur châssis.

Figure 96- Application du plextol sur l'intissé

6

Reprise de la déchirure 1.7. Critères et contraintes La déchirure présente sur notre œuvre de mémoire était l’altération la plus importante, et

celle qui a tout déclenché. En effet, elle a été l’épicentre du clivage entre les couches colorées et la responsable de la perte de lisibilité des deux faces du tableau. La particularité de notre œuvre, autrement dit son caractère double-face, ne nous permettait pas d’effectuer une reprise de déchirure « classique » avec adhésif, pose de fils puis pose de pièce de renfort finale. En effet, la pose d’une pièce de renfort aurait été très complexe car visible, même avec des textiles et adhésifs dits transparents. Il existe aujourd’hui de nombreux restaurateurs/trices qui se sont penchés sur des méthodes de doublages transparents, avec des tests d’adhésifs couplés à certains textiles que nous aurions pu tester pour notre œuvre. Nous avons cependant fait le choix de ne pas poser de pièce de renfort, dans un souci de minimalisme, et pour respecter au mieux

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[102]


l’esthétique de la figure féminine. Il parait évident que si la consolidation de la déchirure n’avait pas pu tenir seule, nous nous serions alors penchés vers une pièce de renfort « transparente », mais qui aurait très certainement été plus voyante que la pose de quelques fils. Nous avons donc effectué des recherches sur la reprise de déchirure, afin de proposer une méthode satisfaisante pour notre œuvre. Il s’agissait de trouver un adhésif qui corresponde à notre cahier des charges, ainsi que la pose de fils dont la couleur, l’épaisseur, la nature, conviendrait à notre type de toile. Le fait que l’œuvre soit non vernie posait un problème supplémentaire. Il a donc fallu ajouter le critère de la matité dans le choix d’un couple adhésif/fils.

1.8. Bibliographie non exhaustive

-

ACROYD, Paul, PHENIX, Alan, VILLERS, Caroline, Not lining in the twenty-first century : attitudes to the structural conservation of canvas paintings, the conservator, issue 26, Londres, 2002

-

DEMUTH, Petra, HEIBER, Winfried, Der trecker, restauro no 5, 2000.

-

HEIBER, Winfried, the thread-by-thread method, alternatives to lining, Mary Bustin and Tom Caley Editions, Londres, 2003, P.35-47.

-

KAPUSCIAK, Maxime, “les déchirures ouvertes”, APROA BRK bulletin, 3eme trimestre 2007.

-

ROCHE, Alain, Comportement mécanique des peintures sur toile, dégradation et prévention, CNRS éditions, Paris, 2003.

1.9. Historique des traitements des déchirures Cette intervention est très courante dans le traitement de supports toile. Il existe différentes méthodes pour reprendre une déchirure, qui varient selon les pays et le type d’œuvre à restaurer. Cependant, on recense deux traitements plus traditionnellement employés.

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[103]


Figure 97- schéma des différents traitements possibles lors d'une déchirure

De nos jours, on cherche à être le moins interventionniste possible, ce qui pousse les restaurateurs à se tourner vers des traitements plus localisés et vers moins de rentoilages ou doublages. La méthode qui nous intéresse, et qui serait, après recherches, la plus apte à consolider notre déchirure, est celle du collage des lèvres de la déchirure par joint de colle, couplée à un fil-à-fil quand cela s’avère nécessaire. Notre œuvre ne présente en effet pas de lacune de toile, ou de retrait, ce qui aurait compliqué le traitement. Une toile aussi fine que la nôtre, avec une couche picturale en épaisseur aurait mérité un doublage, cependant il serait compliqué, vu le caractère double-face de notre tableau. Nous en voulions pas perdre en lisibilité.

1.10.

Tests d’adhésifs et de retissage

Au cours de nos recherches sur les adhésifs les mieux adaptés à une consolidation fil-à-fil, nous avons sélectionné un panel de quelques adhésifs susceptibles de convenir au mieux à notre cahier des charges. A ce moment précis, nous ne savions pas encore quel consolidant allait être utilisé pour le refixage des couches, nous nous sommes donc tournés vers un adhésifs aqueux protéinique, qui ne nécessite pas d’ajout de solvant et qui est, selon les recherches effectuées dessus, le mélange le plus satisfaisant dans le cadre d’une consolidation

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[104]


fil-à-fil. Il s’agit du mélange colle d’esturgeon – colle d’amidon, avec une colle d’esturgeon à 20% et une colle d’amidon à 13%, en proportion 50/5069. Ce mélange, préconisé par Winfried Heiber, possède aux vues des tests, une grande résistance à la traction, ainsi qu’une bonne malléabilité, un pH neutre, une réversibilité et surtout, un aspect esthétique satisfaisant. Il fallait en effet que le résultat final soit discret mais solide, n’altérant pas la toile au verso, et ne déposant pas de film brillant. Afin de mieux nous rendre compte des résultats, nous avons réalisés des tests durant une semaine70 sur un tableau présentant une déchirure complexe similaire à celle présente sur notre œuvre de mémoire. Il s’agissait pour nous de nous entrainer à retisser une toile et à utiliser cet adhésif afin de constater du résultat en termes de solidité et d’esthétique, principalement.

Figure 98- Entrainement de reprise de déchirure lors d'un stage sur un tableau présentant une déchirure complexe

Il fallait dans un premier temps séparer les fils et les remettre droit, parfois en les humidifiant légèrement puis en appliquant un buvard et un poids. Après cela, il fallait enrober les fils avec le mélange esturgeon-amidon afin de « gainer » le fil à placer, puis après une minute de sèchage environ, le tisser avec le reste de la toile.

69

Article disponible sur le web : http://www.cci-icc.gc.ca/discovercci-decouvriricc/PDFs/Paper%2014%20%20Demuth%20et%20al.%20-%20English.pdf 70 Nous avons pour cela effectué un stage d’une semaine chez Mme Pauline Helou de la Grandière, Restauratrice à Tours.

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[105]


Figure 99 - Détail de la reprise, avant, pendant et après

Le résultat après sèchage s’est avéré très satisfaisant, cependant nous n’avons pas pu utiliser ce mélange esturgeon-amidon, car nous allions réaliser par la suite une consolidation à base d’émulsion aqueuse, et notre mélange n’aurait pas tenu. Néanmoins, cette expérimentation nous a préparé au retissage que nous avons du effectuer par la suite, même si l’adhésif s’est avéré être synthétique.

1.11.

Choix final de l’adhésif et consolidation

Notre choix s’est finalement porté sur un lait de plextol®, car aux vues des opérations qui allaient suivre, il nous fallait un adhésif résistant à l’eau, donc synthétique, et le plextol® dilué à l’eau en proportion 50/50 était idéal. Nous avons ensuite procédé à l’aplanissement des fils de la toile au niveau de la déchirure, puis les avons séparés afin de les retisser plus facilement.

Figure 100- détail de la déchirure avant reprise

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[106]


Le scellage fil-à-fil des lèvres de la déchirure s’est effectué avec des points de lait de plextol® dilué 50/50 avec de l’eau déminéralisée. Après avoir retissé entre eux un maximum de fils, en partant des extrémités pour aller vers le centre de la déchirure, nous avons parfois rajouté un fil de toile mixte quand nécessaire et nous avons rajouté des soutiens supplémentaire, c’est-à-dire des fils d’origam® que nous avons entrelacés entre eux. L’origam® est issu d’une toile synthétique thermo soudée, monofilament, avec des fils de couleur jaune dans un sens de tissage et transparents dans l’autre. Les jaunes nous intéressaient tout particulièrement en raison de leur ressemblance au jaune de notre toile. Ce textile présente tous les avantages des textiles synthétiques, c'est-à-dire la stabilité aux variations hygrométriques et thermiques, avec pour seul bémol, son aspect brillant qu’il nous faudra camoufler. Afin de rendre une meilleure continuité, nous avons pris le parti d’entrelacer trois fils d’origam® entre eux avant de les poser dans la lignée des fils de toile rompus. Le chiffre trois peut paraitre arbitraire mais il s’agit là de nos conclusions après des tests avec des assemblages plus petits ou plus gros, qui ne convenaient pas car trop contraignant ou pas assez. La couleur des fils s’intégrait parfaitement à la couleur de la toile, prolongeant ainsi la continuité du support de manière discrète mais renforcée.

Figure 102- collage du pontage au plextol

Figure 101 - Après reprise

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[107]


Figure 103- Aperçu de la déchirure après reprise

Nous avons espacé nos pontages de fils d’origam d’envrion 4mm, avec parfois un écart moindre lorsque la toile présentait des faiblesses plus marquées. Nous nous sommes réposés sur notre sensibilité et nos observations pour juger le nombre nécessaire de fils à poser ainsi que leur espacement. Nous avons, en complément, ajouté des points de plextol épaissi une fois la reprise de la déchirure effectuée, afin de renforcer les fils là ou il y en avait le plus besoin. Pour complèter le scellage, nous avons chauffé les fils encollés au plextol, afin de mieux répartir l’adhésif au sein de la stratigraphie, avec une spatule chauffante et à l’aide d’un mélinex intermédiaire. Cette étape nous a permi de retrouver une intégrité de support, une continuité, ce qui a laissé le champ libre aux opérations suivantes.

7

Refixage de la couche picturale Cette étape de restauration vise à rétablir l’adhésion de la couche picturale sur son support,

mais également entre les couches elles-mêmes. Cela passe par un refixage généralisé par la face, c’est-à-dire par la figure masculine. Il s’agit dans notre cas d’utiliser un adhésif à émulsion aqueuse, le medium de consolidation® 4176 de Lascaux, en tentant de minimiser sa diffusion au revers de l’œuvre, sur la figure féminine, qui comporte des zones peintes à la gouache, et donc sensibles à l’eau. Nous nous sommes basé sur nos propres expérimentations et sur nos recherches afin de déterminer quelle concentration serait la plus appropriée. Il semble qu’en ce qui concerne le medium de consolidation de chez Lascaux, un faible pourcentage suffise pour redonner aux couches une adhésion satisfaisante. Nous avons donc pris le parti de préparer une

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[108]


solution à 5%, ce qui correspond aux concentrations d’usage, mais également, d’après nos tests effectués avec un brillancemètre71, à la concentration la plus appropriée en termes d’optique et d’esthétique. Nous avions pris le soin d’effectuer des tests72 de pénétration au préalable, pour déterminer si la solution pouvait effectivement pénétrer par la face et non par le revers.

Nous avons donc réalisé ce refixage sur table aspirante basse pression, à une pression d’environ 100 hPa, sans utiliser de chaleur, simplement une aspiration, que nous avons concentré en faisant une « chambre d’aspiration » à l’aide de deux mélinex®. Sur la table aspirante, nous avons disposé : -

Un intissé, sur l’ensemble de la table

-

Une fenêtre de mélinex® aux dimensions de notre œuvre

-

Deux feuilles d’intissé dans cette fenêtre, sous notre œuvre

-

Un buvard, au-dessus des deux feuilles d’intissé

-

Un film de tergal, recouvrant le buvard

Toutes ces couches étant poreuses, elles permettent de protéger le tableau sans bloquer l’aspiration. Notre tableau, tendu sur bâti, a été posé avec la figure féminine contre la table, la figure masculine étant la partie à refixer. De manière générale, la consolidation des couches d’une stratigraphie peinture classique se réalise par le revers du tableau, cependant il nous est apparu plus rationnel de refixer par le recto, c’est-à-dire le côté masculin, afin de ne pas provoquer des changements optiques (obscurcissements, brillances…) trop importants et pour pouvoir contrôler la pénétration. Nous avons retiré le papier de protection au fur et à mesure et appliqué notre MFK à 5% à l’aide d’un pinceau souple, en progressant bandes par bandes et en laissant le produit sécher avant de poursuivre et de remettre le mélinex® par-dessus. Nous avions régler l’aspiration à 150 barres environ, afin que les écailles qui pouvaient être susceptibles de bouger restent plaquées sur le support et pour que le produit se diffuse au mieux entre les couches.

71 72

Voir partie technico-scientifique du mémoire Voir tests en annexe

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[109]


Figure 104- Schéma du dispositif pour le refixage sur table aspirante

Cette opération était l’une des étapes cruciale de notre restauration et nous a permis de retrouver une bonne adhésion entre les couches, ainsi qu’une bonne base pour les étapes de pose de mastic et de réintégration colorée. L’utilisation du MFK a été très satisfaisante et ce produit a démontré son efficacité même à faible pourcentage, ainsi que ses avantages, c’est-à-dire un changement optique quasi nul et une faible toxicité. Nous avons laissé sécher l’œuvre plusieurs jours avant de poursuivre les étapes de restauration.

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[110]


Figure 105- Aperçu du refixage de la couche picturale

8

Pose de bandes de tension définitives Nous avons changé les bandes de tension du tableau, afin d’assurer une continuité de la toile

et un renforcement des bords. En effet, les bandes provisoires que nous avions posé, de l’intissé au plextol, ne nous permettaient pas d’assurer un maintien suffisant, vu l’épaisseur des couches peintes au recto. Il était nécessaire de remplacer l’intissé par des bandes de toile qui allaient permettre une tension uniforme et sécurisée. Pour cela, nous avons choisi de poser au préalable un intissé à grammage fin73, puis des bandes de toile mixte que nous avons auparavant décaties, afin d’abaisser les contraintes. Il fallait un textile suffisamment fort pour soutenir l’œuvre, l’intissé que nous avions préalablement posé n’aurait pas pu tenir dans le temps.

73

Opération de protection qui permet également une meilleure réversibilité en cas de démontage des bandes.

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[111]


Nous avons appliqué les bandes au plextol épaissi au xylène, en ayant tout d’abord effrangé les bords de la toile mixte avant de la poser sur l’intissé. Une fois le plextol® sec, nous avons pu remonter notre œuvre sur un bâti provisoire, en attendant de châssis autorégulé.

9

Pose de mastic et structuration 1.12.

Figure masculine

Notre couche picturale était lacunaire aux endroits de la déchirure principalement et avait perdu de son homogénéité. Nous avions retrouvé une continuité du support par la consolidation de la déchirure et la pose de fils de pontage. L’opération de pose de mastic permet de combler les manques et de retrouver une structure, qui sera complétée par le travail de retouche.

Grâce à la pose de mastic, nous avons pu recréer la continuité de la stratigraphie originale, en travaillant au recto comme au verso, puisque nos deux faces sont peintes. Nous avons choisi d’utiliser un mastic traditionnel, fait de colle de peau et de carbonate de calcium74, afin d’obtenir un mélange souple mais résistant aux variations hygrométriques. Nous n’avons pas posé de vernis intermédiaire car notre œuvre n’est pas vernie et dans un esprit minimaliste, nous avons jugé qu’il fallait mieux éviter de rajouter un film supplémentaire, aussi protecteur soit-il.

74

Voir recette en annexe

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[112]


Nous avons d’abord appliqué une couche de mastic épais au recto, que nous avons ragréé75. Puis nous avons pu venir structurer l’ensemble avec un pinceau et un lait de mastic, nous aidant parfois d’autres outils pour recréer les reliefs manquants. Nous avons fait de même au verso, sachant que la structure à édifier était moindre comparé à la face de la figure masculine, qui présente des empâtements et des reliefs plus marqués. Pour cette face, il paraissait plus simple de poser un lait de mastic, qui pénétrait plus aisément dans les interstices laissés par la toile et les fils que nous avions posés pour le pontage à l’origam® et plextol. Nous avons ensuite isolé les mastics à l’aide d’un vernis regalrez à 15% dilué au white spirit et d’un petit pinceau, pour permettre la réintégration colorée sans diffusion du mastic et pour éviter qu’il ne soit trop poreux.

75

Cette opération de ragréage permet de poser un mastic lisse sensiblement plus bas que la structure peinture originelle, pour ensuite permettre l’ajout d’une structuration.

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[113]


Figure 106- Vue générale du recto après pose des mastics

1.13.

Figure féminine

Lorsque nous avons réalisé les mastics côté homme, quelques gouttes ont perlé au revers. Cela nous a permis, à certains endroits, d’araser le mastic afin d’avoir une surface convenable pour la retouche. Pour le reste de la déchirure, nous avons posé au pinceau un lait de mastic, plus pénétrant, car nous n’avions pas besoin d’un relief important à cet endroit. Il nous fallait juste garder la trame de la toile.

10 Réintégration colorée 1.14.

La figure masculine – Recto

La retouche est cruciale dans le traitement d’une œuvre, car elle permet de redonner une unité chromatique à l’ensemble, de rendre lisible à nouveau la composition créée par l’artiste.

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[114]


Notre choix dans la manière de retoucher s’est naturellement porté sur une approche illusionniste, permise par la facture du recto comme du verso. Pour le choix des produits de retouches, nous voulions éviter un liant trop brillant qui aurait compromis tout le travail réalisé en amont sur le respect de la matité de l’œuvre. Pour cela, nous avons procédé à des tests avec des méthodes reconnues pour la réintégration colorées de couches picturales non vernies, en utilisant : - le liant berger (avec un mélange diacétone/éthanol 50/50) - de l’aquarelle - de la poudre de crayons pastels mélangés à de la klucel/éthanol Au final, c’est le liant berger dilué qui a présenté l’application et le rendu visuel le plus satisfaisant. Nous avons pu procéder à une retouche illusionniste en s’appuyant sur les couleurs déjà présentes et en ajoutant, quand cela était nécessaire, du liant afin de faire plus ou moins briller la retouche.

Figure 107- Vue de la zone de la déchirure (recto) mastiquée avant et après retouche

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[115]


1.15.

La figure féminine - Verso

Pour la figure féminine, nous avons également conservé le liant berger, qui après tests, s’avérait être le produit le plus adapté à une surface mate, avec la possibilité de doser le diluant en fonction des besoins de la surface.

Figure 108- Verso avant et après traitement

11 Mise en extension définitive sur châssis autorégulé76 Avoir une œuvre double-face supposait de se pencher sur le système d’accroche et de présentation final. En effet, un châssis classique, comme le châssis d’origine de notre œuvre, ne pouvait pas convenir, car il aurait négligé une face par rapport à l’autre. De plus, choisir un châssis à tension auto régulée permettait de prévenir des futures dégradations dues à des variations hygrométriques. Nous ne pouvions pas mettre de pièce de renfort au verso de notre œuvre, la figure féminine ayant été peinte sur cette face, la pose d’une pièce, aussi transparente soit-elle, aurait bouché la vue de l’ensemble de la composition. Aussi, le choix d’un châssis

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[116]


avec un système de ressorts s’est imposé à nous, afin d’absorber les possibles chocs, aussi bien physiques qu’hygrométriques. Nous nous sommes inspirés des châssis qui avaient été réalisés par des élèves des années précédentes, dans le cas d’œuvres double-face77 ainsi que du modèle présenté sur le site de châssitech78, modèle qui ne rentrait pas dans notre budget et que nous avons donc décidé de fabriquer nous-même.

Figure 109- Modèle de référence pour créer notre châssis auto-tenseur

Nous l’avons réalisé nous-même, avec l’aide et la direction de M. Yves Crinel, professeur de support bois à l’école de Condé, afin d’obtenir exactement ce que l’œuvre méritait en terme de présentation et de conservation. Pour les montants externes, qui servent de structure stable et fixe à toute l’installation, nous avons choisi des pièces de chêne, bois noble et plus résistant qu’un résineux couramment utilisé comme le sapin. Pour la structure interne mobile, nous avons désassemblé un châssis à clé sans traverse ni entretoise, puis l’avons retaillé selon les besoins que nous avions. Nous avons rabotés les montants du châssis afin d’obtenir une feuillure, pour agrafer l’œuvre à plat. Par-dessus, nous avons ajouté une finition, un plaquage en merisier pour un rendu plus homogène avec le cadre en chêne.

Afin d’assurer la mobilité du châssis interne, sur lequel l’œuvre va reposer, nous avons limé les angles et les avons cirés, pour leur

permettre

de

glisser

en

fonction

des

variations

hygrométriques, et ce pour ne pas contraindre la toile. Il a Figure 110- Aperçu du système vis/ressort 77 78

Très souvent des bannières de procession http://www.chassitech.com/accueilbis/index.html

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[117]


également fallu installer dans le cadre fixe, un système de ressort qui maintient une vis, ellemême fixée au châssis mobile, afin d’assurer la flexibilité du système.

Figure 112- Feuillure des montants du châssis mobile

Figure 111- Aperçu de la feuillure du châssis

Figure 113- Schéma du montage final des deux faces

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Vue générale après restauration :

La présentation sera susceptible de changer avant la soutenance, aussi nous ne considérons pas l’encadrement comme définitif.

12 Conclusion A la réception de l’œuvre, nous avions été frappé par son caractère double-face, son originalité, mise à mal par une altération de taille, cette immense déchirure qui s’étendait sur un quart du tableau. Les difficultés structurelles et esthétiques rencontrées ont été un vrai challenge, et nous nous sommes efforcés de respecter une approche aussi déontologique que minimaliste. Le traitement fil-à-fil de la déchirure, sans pièce de renfort, était un pari risqué, qui ne protégeait pas l’œuvre de possibles déformations dans le temps. En effet, un double ou la pose de pièces de renfort à l’endroit de la déchirure auraient nuit à la lisibilité du revers de l’œuvre. Nous avons donc opté pour un traitement avec un simple fil-à-fil et pontage de fils d’origam®

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et de plextol, tout en créant un châssis auto-tenseur adapté à notre œuvre double-face, et capable d’absorber les futurs mouvements de la toile, tout en maintenant une tension continue. Le refixage de la couche picturale nous a également demandé une longue réflexion afin de trouver l’adhésif le plus adapté à notre œuvre, sans changements optiques ni brunissement à l’arrière de l’œuvre, avec un système d’application qui permettrait de remettre dans le plan la couche picturale tout en récupérant les légères déformations présentes sur le support toile ainsi que sur la couche picturale. La pose de mastic ainsi que la réintégration colorée ont été fait dans un esprit illusioniste, afin de masquer au mieux la déchirure et redonner une lecture convenable à chacune des faces, tout en respectant l’aspect non verni des deux surfaces colorées. Notre œuvre ne présentant pas une stratigraphie « classique », nous n’avions que peu de références d’œuvres présentant des cas similaires. Au final, notre travail de conservation et de restauration, bien que semé de doutes et de remises en question, a été très formateur et très gratifiant.

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Figure 114- Application du MFK dans le cadre de notre refixage de couche picturale, mars 2015

Etude technico-scientifique « (…) Mon travail est à la limite de l'abstrait. J'essaie sur des bases classiques d'insérer des effets de matière. Pour les paysages estivaux de l'Eifel par exemple, la technique est mixte: à mon pastel de base, j'ajoute des préparations à la térébenthine et également de l'encre de Chine. Pour d'autres tableaux, comme celui transitoire du nu féminin, je compose avec du fusain, de la craie, des gouaches et à nouveau l'encre de Chine. Parfois, je n'utilise qu'elle(…) » Manu Van de Velde en interview pour le journal Le Soir, « VAN DE VELDE EXPOSE DANS L'ILOT SACRE UNE PEINTURE AU SOUFFLE COUPE PAR LA VIE », GERARD,Alain, p. 21, Vendredi 23 septembre 1994

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Introduction

Lors de la réception de notre œuvre de mémoire, il nous est apparu d’emblée deux problématiques principales.  La première concerne le caractère double-face de l’œuvre, qui complique la bonne conservation des matériaux et oblige à reconsidérer les méthodes usuellement employées en restauration.  La seconde problématique réside dans l’absence de vernis sur les deux faces colorées, aussi bien au recto qu’au verso, et à l’importance de conserver un état de surface respectueux de l’originel. Ayant une œuvre peu commune, il devenait intéressant, au moment de choisir un sujet technicoscientifique, de l’orienter sur des expériences directement liées à notre tableau et par extension, tourné vers l’art contemporain, les nouvelles techniques et matériaux. Après une analyse approfondie des dégradations de notre œuvre et avoir déterminé les opérations à réaliser pour sa restauration, nous avons dû sélectionner un adhésif pour la consolidation des couches colorées. De nombreux paramètres ont dû être pris en compte afin de trouver l’adhésif le plus adapté à notre tableau, notamment une bonne adhésivité, une viscosité qui permette la pénétration dans les nombreuses couches de l’œuvre ainsi qu’un rendu optique satisfaisant. Etant donné le nombre important de recherches faites à ce jour sur les propriétés des adhésifs et ayant suivi de près les tests effectués sur le MFK, il nous a paru intéressant de comparer la brillance de cet adhésif, encore méconnu, à d’autres adhésifs fréquemment utilisés, des adhésifs synthétiques mais aussi un adhésif naturel, la colle d’esturgeon. Cette étude a pour objectif de tester la brillance des consolidants qui auraient pu convenir à notre couche picturale, mais également leur état après vieillissement, afin d’offrir une gamme plus large d’adhésifs mats pour les peintures non vernies, mates, ou encore les œuvre contemporaines.

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1

Problématique et recherche de consolidants Suite à notre diagnostic pour notre tableau de mémoire, nous nous sommes vite rendu

compte que le panel d’adhésifs actuel et habituellement choisi ne nous permettait pas de remplir tous les critères recherchés, en plus d’un refixage, à savoir : -

Adhésivité

-

Elasticité

-

Pénétration capillaire

-

Changement optique minimal

-

Fort pourvoir adhésif à faible concentration

Avoir une œuvre double face suppose en effet de se préoccuper du revers de la toile autant que de l’envers, sachant que bon nombre d’adhésifs utilisés dans le cadre d’une consolidation assombrissent les matériaux imprégnés ou bien déposent un film brillant. De plus, le caractère irréversible de l’emploi d’un adhésif justifie à lui seul les expérimentations afin de déterminer quel produit sera le plus satisfaisant au vue de tous les critères recherchés. A l’heure actuelle, de plus en plus de cas d’œuvres non vernies ou pulvérulentes, souvent contemporaines, nécessitant une consolidation, arrivent dans les ateliers de restauration, et les techniques sont très souvent empiriques car le recul est moindre par rapport à des tableaux plus anciens. De même, le respect de la stratigraphie « traditionnelle » d’une peinture sur toile, à savoir toile-encollage-préparation-couche colorée-vernis, n’est plus vraiment d’actualité en ce qui concerne les œuvres les plus récentes. Les nouvelles techniques des peintres apportent de nouvelles altérations pour les restaurateurs, qui se voient très fréquemment forcés de tester de nouveaux matériaux, toujours dans une approche déontologique et minimaliste. Ces dernières années, de nombreux nouveaux produits sont arrivés sur le marché, notamment des adhésifs synthétiques, plus stables, élastiques et pénétrants. A ce titre, le medium de consolidation® 4176 produit par Lascaux, aussi connu sous le nom de MFK, a fait son apparition dans quelques études et articles. C’est en consultant le mémoire d’une élève de l’école de Condé, Guillemette Lardet79, que nous avons découvert l’utilisation du MFK et ses nombreux avantages. Nous avons également eu l’opportunité de tester son efficacité au cours d’un stage et d’observer que son application ne modifiait que très peu l’aspect de surface des couches colorées consolidées. Aussi, paraissait-il intéressant de nous pencher un peu plus sur

LARDET, Guillemette, Copie d’une Vierge à l’enfant d’après Antoine Van Dyck – Anonyme – début XVIIIe siècle, écoles de Condé, Paris, 2013, 293 p. 79

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ce produit, notamment en expérimentant sa brillance une fois appliqué, avant et après vieillissement accéléré. Nous avions préalablement sélectionné quelques adhésifs susceptibles de répondre aux impératifs de notre œuvre, notre choix ayant été guidé entre autre par notre expérience sur des œuvres contemporaines acryliques ou bien non vernies. 2

Objectif de l’expérimentation Notre but premier est de déterminer quel adhésif remplira au mieux les critères recherché

pour la restauration de notre œuvre de mémoire. Par extension, il s’agit également d’aider, à notre niveau, à élargir le panel des consolidants disponibles pour les peintures non vernies/mates pour les restaurateurs. Vu le temps qui nous est imparti et les moyens mis à notre disposition, nous n’avons hélas pas pu tester tous les paramètres qui nous intéressaient en premier lieu, comme la stabilité du produit dans le temps, ou encore son application à d’autres étapes de restauration, comme liant de retouche par exemple. Il nous était impossible d’utiliser ici un adhésif que nous qualifierons de « courant », comme le Plexisol® P550, qui dépose un film brillant au revers de la toile après application. Nous avons aussi choisi d’écarter certains produits qui auraient pu convenir mais qui étaient trop coûteux, comme la colle d’algue Junfunori®. De même, de nombreuses colles collagéniques, comme la colle de peau ou d’os, ne pouvaient pas convenir dans le cas qui nous intéresse, car les concentrations à utiliser auraient assombrit la couche colorée du revers. Pour cela, notre intérêt s’est porté sur le medium de Consolidation® 4176 afin de le comparer aux adhésifs déjà connus, en ajoutant le paramètre de la brillance/matité qui concerne directement l’œuvre sur laquelle nous travaillons. En parallèle, il nous est apparu intéressant également de tester le primal™330S, dont nous avons appris l’utilisation lors de nos recherches, l’Acril 33® et l’Acril Me, qui est apparu sur le marché il y a environ 5 ans, et les comparer au MFK® et à la colle d’esturgeon, sollicité par de nombreux restaurateurs pour la consolidation de peintures non vernies. Nous partons du postulat que plus la concentration du produit est élevée, plus la brillance le sera également. C’est ce que nous tenterons de vérifier à travers de nos mesures, en plus de la recherche de l’adhésif le moins brillant. Nous vérifierons également ce principe lors du vieillissement sous lampe UVB.

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3

Les différents adhésifs testés 1.1. Rappel à propos des adhésifs Par définition, un adhésif est une substance qui adhère théoriquement à une surface,

cependant si une colle est un adhésif, le contraire n’est pas forcément vrai80. En restauration, la gamme des adhésifs s’est nettement élargie ses deux dernières décennies et les adhésifs naturels se sont vus progressivement remplacés par des adhésifs synthétiques.

1.1. Tableau avec avantages et inconvénients de chaque adhésif

Avantages Colle d’esturgeon

Inconvénients

-colle naturelle, compatible

-s’utilise à chaud pour avoir

avec les matériaux

une bonne pénétration (et

constitutifs de l’œuvre

pour rester fluide)

-bon pouvoir adhésif même

-sensibilité aux micro-

à faible concentration

organismes

-non toxique

-jaunissement dans le temps

-pH neutre

-sensibilité aux variations hygrométriques

-ne se dissout pas et ne gonfle pas au contact des solvants (ce qui laisse la possibilité d’autres traitements extérieurs)

MFK

-colle synthétique, bonne

-pH assez élevé

stabilité -contient du styrène 80

Définition p 211, PEREGO, François, Dictionnaire des matériaux du peintre, éditions Belin, Paris, 2005.

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-bon pouvoir pénétrant

-produit encore peu connu et

même à faible concentration

peu testé

-soluble dans l’eau comme dans les solvants

-déjà sous forme liquide, facile à manipuler

-peu toxique

-stable aux variations hygrométriques

Primal

-bonnes propriétés adhésives et cohésives

-film mat

-soluble dans l’eau et les solvants (éthanol) Acril 33

-pH neutre

-grande résistance et stabilité

-résistance élevée au jaunissement (testée souvent sur peintures murales)

-soluble dans l’eau

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Acril Me

Caractéristiques similaires à

-peu de retour dessus car

l’acril 33

produit récent, on ne sait pas vraiment comment il va

-pH neutre

évoluer dans le temps

-grande résistance et stabilité

-résistance au jaunissement

-soluble dans l’eau

-grande capacité de pénétration car faible viscosité

1.2. La colle d’esturgeon • Aspect: solide • Couleur: Jaune, marron, • Odeur: caractéristique, quelquefois forte, désagréable mais jamais toxique • Densité: 0.7g/cm3 • Point de fusion: autour de 30°C • pH: 6 à 8 max81 La colle d’esturgeon ou ichtyocolle est issue, comme les autres colles animales (colle de peau de lapin…) du collagène, protéine qui est le principal constituant de la peau, des tendons, des os, du tissu constitutif des animaux. Le collagène est une longue macromolécule constituée d’un enchainement d’acides aminés. Sa structure est semblable à un câble composé de trois chaînes hélicoïdales polypeptidiques, liées entre elles par des liaisons hydrogènes.

81

Références provenant de la fiche technique de CTS France, disponible sur le site : http://www.ctseurope.com/fr/index.php

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Pour la colle d’esturgeon, on ne retient que la vessie natatoire de l’animal, seul élément à être entièrement constitué de collagène, ce qui en fait une colle particulièrement pure et concentrée. La fabrication des colles animales repose sur le principe de conversion du collagène en gélatine par système d’hydrolyse, en présence d’eau, de chaleur, et d’un milieu acide ou basique. Seule la colle d’esturgeon fait exception, car elle est faite à partir des vessies natatoires d’esturgeon qui sont écrasées, à base donc de collagène pur et non hydrolysé.

1.3. Le medium de Consolidation® 4176

• Aspect: liquide • Couleur: blanc laiteux • Odeur: caractéristique, légèrement ammoniaquée • Masse sèche : 45-47 % • Température de transition vitreuse : 6-8 oC • Diamètre moyen des particules : 0,15 microns (soit 150 nanomètres) • pH: 9-10

Le médium de consolidation® 4176 de chez Lascaux est un produit relativement récent puisqu’il a été mis sur le marché en 2004. Nous l’avons découvert lors d’un stage puis en faisant des recherches de consolidants sur les peintures non vernies. L’étude menée par Guillemette Lardet82 a également orienté nos choix et nos tests, il nous a paru intéressant d’inclure le MFK afin d’analyser un paramètre encore inexpérimenté. De par nos recherches, nous avons appris que le medium de consolidation® 4176 tenait lieu de remplaçant à l’acronal 300D83, produit qui n’est aujourd’hui plus commercialisé. Ce genre de consolidants était à l’origine réservé à la consolidation d’objets en bois polychromes, mais son usage a été détourné depuis quelques années pour les peintures ou œuvres contemporaines qui présentent des reliefs et assemblages particuliers. Nous avons-nous-même pu tester son efficacité lors d’un stage, sur une peinture

82

Article sur la comparaison entre le MFK et le plexisol sur ceroart : http://ceroart.revues.org/3986 Voir article disponible ici : http://lascaux.ch/pdf/de/ubeberuns/pressespiegel/medium_fur_konsolidierung.pdf, HEDLUNG Hans Peter, JOHANSSON Mats, Prototypes of Lascaux’s mediums for consolidation, development of a new custom-made polymer dispersion for use in conservation. 83

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mate qui nécessitait un refixage de la couche picturale. Aucun changement optique n’avait alors été constaté. De plus, nous nous sommes appuyés sur quelques articles à propos du produit, mais la littérature concernant le MFK est clairement restreinte, car le produit ne jouit pas encore d’une grande notoriété84. Le medium de consolidation, aussi appelé MFK, est une émulsion aqueuse de copolymère acrylique. Il est constitué d’ester acrylate et méthacrylate ainsi que de styrène. D’aspect blanc laiteux et liquide, il s’utilise à faible pourcentage dans de l’eau ou des solvants, avec une grande pénétration et une faible viscosité, de par son faible poids moléculaire. Après séchage, il reste souple et surtout, transparent85 et apparemment peu brillant.

1.4. Le Primal™ 330S • Aspect: liquide • Couleur: blanc laiteux • Odeur: caractéristique, légèrement ammoniaquée • Masse sèche : 45-47 % • Température de transition vitreuse : 6-8 oC • Diamètre moyen des particules : 0,15 microns (soit 150 nanomètres) • pH: 9-10 Le primal™ 330S fait également parti des résines acryliques susceptible de nous intéresser dans notre étude. Il s’agit d’une émulsion acrylique aqueuse

1.5. L’acril 33 • Aspect: liquide • Couleur: blanc laiteux • Odeur: caractéristique, légèrement ammoniaquée • Masse sèche : 45-47 % • Température de transition vitreuse : 6-8 oC • Diamètre moyen des particules : 0,15 microns (soit 150 nanomètres) 84 85

Il n’est commercialisé que chez Lascaux, nous avons pu nous en procurer chez Sennelier, mais pas chez CTS. Appréciation faite après des tests réalisés sur des tableaux lors d’un stage et sur nos propres échantillons.

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• pH: 9-10 Produit déjà fort connu en restauration pour des usages multiples, on le retrouve souvent pour la restauration de peintures murales, la consolidation d’enduits, la préparation de mortiers, le refixage de sculptures etc…Il est souvent employé comme une alternative du Primal AC33. L’acril 33 est une dispersion aqueuse de résine acrylique pure (copolymère acrylique), qui se présente sous forme liquide, ce qui le rend facile à utiliser et est commercialisé chez CTS par pot d’au moins 1kg. 1.6. L’acril Me • Aspect: liquide • Couleur: blanc laiteux • Odeur: caractéristique, légèrement ammoniaquée • Masse sèche : 41 % • Température de transition vitreuse : 18 oC • Diamètre moyen des particules : 50 nanomètres • pH: 6-7 Nous avons découvert l’Acril Me par hasard en faisant des recherches sur l’acril 33 et il nous est apparu que ce produit était assez récent et pouvait être aussi efficace sinon plus que son prédécesseur. Il s’agit là aussi d’un copolymère acrylique, seule la taille des molécules change par rapport à l’acril 33, ce qui rend le produit moins visqueux, plus pénétrant et plus efficace à faible pourcentage dans les matériaux et surfaces poreuses. En effet, ses particules ont un diamètre moyen de 50 nanomètres, contre 100-150 pour une émulsion/dispersion acrylique habituelle. Autre gros avantage, et qui dans le futur aura certainement son importance, son faible impact dans l’environnement, car il ne contient pas de composés organiques volatiles (VOC) ni d’alchylphénoletoxylates (APEOs).

4

Paramètres testés 1.7. La brillance 1.7.1. Notion de brillance La brillance est une perception visuelle qui intervient lorsque l’on observe des surfaces. Il

s’agit d’un phénomène de réflexion de la lumière sur une surface. Une surface qui est

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parfaitement lisse paraîtra plus brillante : c’est la réflexion spéculaire. Et inversement, plus la surface sera irrégulière, plus elle paraîtra mate : réflexion diffuse. On parle de réflexion diffuse lorsqu’un faisceau lumineux projeté sur une surface irrégulière est réfléchi dans toutes les directions. Plus le rayon est diffusé moins il renvoie de lumière vers l’observateur et la surface perd de sa brillance. Cette diffusion dépend de la taille, du nombre et de l’orientation des irrégularités. Une surface apparait brillante à nos yeux lorsque le rayon incident qui provient d’une source lumineuse est réfléchi dans une direction dite spéculaire. C’est le principe du miroir, lorsque toute l’énergie du rayon incident se retrouve dans le rayon réfléchi, idéalement sans obstacles ou sans avoir été absorbé. La brillance spéculaire correspond à la valeur maximale d’un flux lumineux réfléchi, divisé par la valeur du flux incident. La largeur de la courbe à mihauteur vient déterminer ainsi le pouvoir de la brillance.

Figure 115- Surface brillante, sans aspérités

La réflexion semi-spéculaire quant à elle, met en jeu une surface présentant des irrégularités ainsi que des zones lisses, comme ce que nous pouvons avoir sur notre œuvre. En effet, on observe des zones mates, irrégulières, à cause des empâtements. D’autres causes auraient pu entrer en jeu, comme la déperdition du liant ou la taille des grains de pigments, mais ici c’est probablement l’application faite par le peintre ainsi que l’absence de vernis qui a donné à la peinture cet aspect mat à certains endroits. On observe toutefois des zones plus brillantes, lustrées par le décrassage, mais qui présentait déjà un rendu que nous pourrions qualifier de « semi-brillant ». L’ensemble de la surface de l’œuvre au recto reste irrégulier et le verso est lui vraiment mat, du fait de l’absorption du liant par l’encollage et la toile.

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Figure 116- Surface mate, ou semi-mate, avec aspérités

Pour les œuvres peintes, l’état de surface d’un film de peinture dépend de nombreux phénomènes : la viscosité, la concentration pigmentaire, la qualité de la dispersion pigmentaire, le type de pigment et ses caractéristiques physico-chimiques (Concentration Volumétrique Critique Pigmentaire, indice de réfraction, taille des particules, etc.) sont les paramètres d’influence les plus importants. On peut également parler de l’indice de réfraction du liant, la concentration aqueuse, le mode d’application, le type de support et les conditions climatiques de séchage. Tout cela permet de mettre en relief le caractère expérimental et restreint de notre étude : nous ne nous sommes en effet seulement attachés au film déposé sur une surface acrylique mate, sans prendre en compte tous les paramètres possibles, faute de temps et de moyens.

1.7.2. Mesure de la brillance Afin de mesurer la brillance de chaque adhésif, nous nous sommes aidés d’un brillancemètre, appareil qui va mesurer la brillance de l’angle de réflexion dirigé. Nous avons eu la chance d’avoir à disposition cet appareil, un brillancemètre picogloss 560 MC-X de la marque Erichsen86.

86

Voir en annexe fiche technique du brillancemètre.

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Figure 117- Brillancemètre picogloss 560 MC-X

Afin de mesurer le changement de surface sur nos échantillons après application de l’adhésif, nous avons eu la chance d’avoir un brillancemètre à notre disposition. Il s’agit d’un brillancemètre portatif de la marque Erichsen, picogloss. Il mesure en unité de brillance (UB) à une décimale près après la virgule, et va de 1 à 100 unités. Son incertitude absolue est de plus ou moins 0,2 UB. Il s’avère facile à manipuler car il ne dispose que d’une seule touche. Afin de prendre la mesure, le brillancemètre est placé au centre de la surface à mesurer, une pression sur la touche indique alors les unités de brillance sur l’écran. 1.8. Le temps Pour observer le vieillissement, nous avons choisi de faire des relevés chaque semaine, sur deux mois. Cela nous a donc permis d’avoir huit mesures pour le vieillissement artificiel. Nous faisions des relevés tous les lundis à peu près à la même heure, mais sans plus de précision. Il s’agissait ici d’avoir une idée générale du vieillissement des échantillons sur deux mois.

1.8.1. La boîte de vieillissement Afin de mieux nous rendre compte du phénomène de brillance dans le temps, nous avons décidé de nous atteler à la construction d’une boite de vieillissement d’un part, pour vieillir les échantillons à la lumière UV, et aussi de chauffer les échantillons dans un four sans minuterie, pendant plusieurs mois. Un vieillissement naturel, soit l’exposition directe au soleil, aurait été impossible car non-contrôlable. Il a donc fallu recréer des conditions d’exposition artificielle.

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Nous avons conçu une boîte de vieillissement en contreplaqué, avec à l’intérieur des néons d’UVB, utilisés la plupart du temps dans les terrariums pour reptiles. A l’intérieur, nous avons pu placer, au plus près des lampes, une plaque d’échantillons, comprenant pour chaque produit : -

5 échantillons du plus petit pourcentage de concentration de chaque produit

-

5 échantillons du plus grand pourcentage de concentration de chaque produit

Soit un total de 50 échantillons dans la boîte de vieillissement.

Figure 121- Vue de la boîte en construction

Figure 119- test après branchement

Figure 118- Pose du système UVB

Figure 120- intérieur de la boite après branchement

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Notre méthode n’est bien évidemment pas infaillible et pour pouvoir avoir plus de précision, il aurait fallu non seulement pousser le vieillissement un peu plus dans le temps mais également faire des mesures dans un laboratoire, ce qui aurait limité les erreurs dues à la manipulation. 5

Mise en place du protocole expérimental 1.9. Réalisation de pré-tests

Nous avons réalisé une série de pré-tests afin de déterminer si nos mesures étaient recevables, en prenant en compte certains paramètres lors du déroulement de l’expérience, à savoir : -

La méthode d’application de la colle, qui permet la répétabilité

-

Le support à utiliser pour avoir des mesures les plus précises possibles

-

Les différentes concentrations à tester

Afin de garder une certaine rigidité au niveau du support, pour favoriser la prise de mesure et éviter les erreurs, nous avons appliqué nos adhésifs sur un carton entoilé, ce qui permettait d’avoir un support toile non déformable après application de produits aqueux. Pour reproduire un couche colorée non vernie, nous avons appliqué sur ce carton entoilé de l’acrylique noire « flashe® », qui a un séchage très rapide. Nous avions au préalable délimité des zones d’application avec du scotch repositionnable tesa®. Nous avons ensuite appliqué l’acrylique dilué à 1/3 à l’aide d’un spalter, sans repasser. A la base, nous avions pensé à un système d’application contrôlé avec un système à encoches, mais nos adhésifs n’étaient pas assez visqueux pour être posé de cette façon, les produits appliqués à l’aide d’une pipette se sont diffusés et les tests ont montré que la meilleure méthode était encore l’application manuelle au pinceau. Pour les pourcentages à tester, nous sommes partis des concentrations d’usage utilisées en restauration, pour avoir quatre concentrations à comparer pour chaque adhésif. Nous voulions en effet avoir plusieurs concentrations pour chaque adhésif, afin de proposer une expérimentation la plus large et intéressante possible. Pour la colle d’esturgeon, il fallait garder une concentration assez faible pour que la démonstration reste plausible, nous avons donc testé des concentrations de 1, 2, 3 et 4 %. Pour les autres adhésifs, comme le MFK en revanche, nous sommes partis de sa masse sèche, de

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20%, que nous avons divisé en quatre, ce qui donne des concentrations de : 5, 10, 15 et 25%. Pour chaque adhésif, nous avons effectué la dilution dans de l’eau déminéralisée. Nous avons réalisé 10 échantillons pour chaque concentration, ce qui représente 40 échantillons par adhésif, plus une mesure sans adhésif pour étalonner. Valeur de base sans adhésif : 0.2

Figure 123- Mesure de l'échantillon sans adhésif

1.10.

Figure 122- Aperçu des grilles d'échantillons

Réalisation des tests

Figure 125- Réalisation de tests

Figure 124- Après pose de l'acrylique

Sur les 10 échantillons réalisés et afin de limiter notre pourcentage d’erreur, deux mesures ont été supprimées, en fonction du test de Dixon87, qui permet de déterminer quelles mesures s’éloignent le plus de la moyenne globale de toutes les mesures. Pour chaque tableau, nous avons calculé la moyenne en UB de chaque pourcentage, la variance, les écarts types ainsi que les incertitudes.

87

Voir le descriptif du test en annexe

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MFK

Brillance (ub)

Échantillon 1 Échantillon 2 Échantillon 3 Échantillon 4 Échantillon 5 Échantillon 6 Échantillon 7 Échantillon 8 Moyenne

5%

10%

15%

20%

0,3 0,4 0,5 0,4 0,4 0,4 0,4 0,3 0,39

0,6 0,7 0,6 0,7 0,6 0,6 0,7 0,6 0,64

1 1,1 1,1 0,9 1 1,1 1 0,9 1,01

1,7 1,8 1,7 1,7 1,8 1,7 1,8 1,8 1,75

Variance

0,00411

0,00268

0,00696

0,00286

Ecart-type

0,06409

0,05175

0,08345

0,05345

Ecart type à la moyenne à 68%

0,02266

0,01830

0,02950

0,01890

Ecart type a la moyenne à 95%

0,04532

0,03660

0,05901

0,03780

Incertitude absolue à 95% (ub)

0,045

0,037

0,059

0,038

Incertitude relative à 95%

11,69%

5,74%

5,83%

2,16%

On observe que les valeurs d’UB sont assez similaires pour un pourcentage, ce qui montre que notre mode d’application convient pour obtenir une bonne répétabilité. De plus, les valeurs d’UB augmentent en fonction du pourcentage. De 5% à 10%, la brillance augmente en moyenne d’un quart. Plus le pourcentage d’adhésif est important, donc concentré, plus la brillance augmente, ce qui confirme ce que nous pensions. En incertitude relative, nous nous situons en dessous de 6%, avec des incertitudes qui varient entre 5.74% et 2,16 %. Cela met en évidence la répétabilité de la méthode.

ACRIL 33 Acril 33

Brillance (ub)

Échantillon 1 Échantillon 2 Échantillon 3 Échantillon 4 Échantillon 5

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5%

10%

15%

20%

1,2 1,2 1,2 1,3 1,2

1,8 1,7 1,7 1,8 1,9

2 2 1,9 2,1 2

2,5 2,4 2,4 2,3 2,5

[137]


Échantillon 6 Échantillon 7 Échantillon 8 Moyenne

1,2 1,3 1,2 1,23

1,8 1,9 1,8 1,80

1,9 2 1,9 1,98

2,3 2,5 2,3 2,40

Variance

0,00214

0,00571

0,00500

0,00857

Ecart-type

0,04629

0,07559

0,07071

0,09258

Ecart type à la moyenne a 68%

0,01637

0,02673

0,02500

0,03273

ecart type a la moyenne a 95%

0,03273

0,05345

0,05000

0,06547

Incertitude absolue à 95% (ub)

0,033

0,053

0,050

0,065

Incertitude relative à 95%

2,67%

2,97%

2,53%

2,73%

Pour les tests de l’acril 33, on observe ici aussi une augmentation de la brillance relative à la concentration de l’adhésif, cependant on note une progression moins linéaire, avec des valeurs d’UB similaires à 10 et 15 %.

ACRIL ME

Acril Me

Brillance (ub)

5%

10%

15%

20%

2,7 2,7 2,3 2,6 2,7 2,6 2,7 2,7 2,4 2,7

3 3,2 3,1 3,1 3,1 3 3,3 3,1 3 3,1

3,8 4 3,7 4 3,8 4 3,8 3,7 3,9 3,9

4,1 4,2 4,5 4,3 4,1 4,2 4,2 4,3 4,3 4,3

Échantillon 1 Échantillon 2 Échantillon 3 Échantillon 4 Échantillon 5 Échantillon 6 Échantillon 7 Échantillon 8

Moyenne

2,59

3,85

3,10

4,28

Variance

0,02411

0,01429

0,00857

0,01357

Ecart-type

0,15526

0,11952

0,09258

0,11650

Ecart type à la moyenne à 68%

0,05489

0,04226

0,03273

0,04119

ecart type a la moyenne à 95%

0,10979

0,08452

0,06547

0,08238

Incertitude absolue à 95% (ub)

0,110

0,085

0,065

0,082

Incertitude relative à 95%

4,24%

2,20%

2,11%

1,93%

Les résultats de l’acril Me sont plus surprenants : nous pensions en effet, vu la composition du produit, qui possède des macromolécules contrairement à l’acril 33, qu’il serait moins brillant de base, car plus fluide. Il semble que l’adhésif soit deux fois plus brillant que l’acril 33,

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[138]


cependant, cela reste des taux d’UB acceptables. La progression de la brillance est régulière en fonction des pourcentages, avec des incertitudes relatives en moyenne inférieures à 4,5 %.

PRIMAL Primal Échantillon 1 Échantillon 2 Échantillon 3 Échantillon 4 Échantillon 5 Échantillon 6 Échantillon 7 Échantillon 8 Moyenne

Brillance (ub)

5%

10%

15%

20%

2,3 2,4 2,4 2,4 2,5 2,3 2,4 2,4

2,9 2,9 3 3,1 3 2,9 3 3

3,5 3,6 3,5 3,5 3,5 3,6 3,6 3,6

3,6 3,7 3,7 3,7 3,6 3,7 3,8 3,7

2,39

2,98

3,55

3,69

Variance

0,00411

0,00500

0,00286

0,00411

Ecart-type

0,06409

0,07071

0,05345

0,06409

Ecart type à la moyenne à 68%

0,02266

0,02500

0,01890

0,02266

écart type a la moyenne à 95%

0,04532

0,05000

0,03780

0,04532

Incertitude absolue à 95% (ub)

0,045

0,050

0,038

0,045

Incertitude relative à 95%

1,90%

1,68%

1,06%

1,23%

La brillance du primal augmente également en fonction de sa concentration, moins que l’acril Me alors que les deux adhésifs partent à peu près avec les mêmes valeurs de base à 5%. L’incertitude relative est à moins de 2% pour les quatre pourcentages.

ESTURGEON Esturgeon

Brillance (ub)

1%

2%

3%

4%

Échantillon 1

0,8

0,8

0,9

1,3

Échantillon 2

0,7

0,8

0,9

1,3

Échantillon 3

0,8

0,8

0,9

1,4

Échantillon 4

0,7

0,8

1

1,4

Échantillon 5

0,7

0,9

1,1

1,3

Échantillon 6

0,8

0,9

1,1

1,3

Échantillon 7

0,6

0,8

0,9

1,3

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[139]


Échantillon 8 Moyenne

0,8 0,74

0,8 0,83

0,9 0,96

1,4 1,34

Variance

0,00554

0,00214

0,00839

0,00268

Ecart-type

0,07440

0,04629

0,09161

0,05175

Ecart type à la moyenne a 68%

0,02631

0,01637

0,03239

0,01830

ecart type a la moyenne a 95%

0,05261

0,03273

0,06478

0,03660

Incertitude absolue à 95% (ub)

0,053

0,033

0,065

0,037

Incertitude relative à 95%

7,13%

3,97%

6,73%

2,74%

L’esturgeon possède les valeurs d’UB les plus faibles que nous ayons constatés, sur cinq adhésifs différents. Nous avions pris des pourcentages plus faibles que pour les autres adhésifs, qui eux sont synthétiques, car nous voulions avoir les mesures des concentrations d’usage. On note des incertitudes relatives comprises entre 7,13 et 2,74%, ce qui est un peu plus élevé que les autres adhésifs mais néanmoins acceptable. 6

Histogrammes et analyses des données

Afin de mieux nous rendre compte de l’augmentation de la brillance des adhésifs en fonction du pourcentage, nous avons réalisé des histogrammes qui permettent de regrouper les valeurs et de les comparer à celles de tous les produits. En abscisse, la brillance en UB et en ordonnée, la concentration en %. La barre verte sur chaque pourcentage correspond aux incertitudes absolues respectives.

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[140]


Pour le MFK, on note une progression régulière, avec tout de même un pic à 20%.

L’acril 33 n’est pas exactement régulier mais on voit tout de même une progression, sachant que les valeurs de 10 et 15% sont assez proches.

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[141]


L’acril Me atteint une brillance curieusement élevée, contrairement à ce que nous pensions avant de commencer l’expérimentation.

Pour les pourcentages de 5% (1% pour l’esturgeon), nous enregistrons des valeurs comprises entre 0,74 UB et 2, 59 UB.

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[142]


7

Croisement et interprétation des résultats

Nous avons regroupé les résultats avec différentes courbes pour mieux évaluer la brillance des adhésifs les uns par rapports aux autres selon la concentration.

Concentration A Concentration B Concentration C Concentration D MFK

0,39

0,64

1,01

1,75

Acril 33

1,23

1,80

1,98

2,40

Acril Me

2,59

3,10

3,85

4,28

Primal

2,39

2,98

3,55

3,69

Esturgeon

0,74

0,83

0,96

1,34

Il apparait que la colle d’esturgeon offre la plus grande stabilité à la brillance, avec une évolution selon le pourcentage constante et minime. Le MFK peut également faire office de favori en matière de produit non brillant et surtout synthétique, surement plus adapté que l’esturgeon aux œuvres modernes.

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[143]


Plus surprenant, le résultat de l’acril Me, qui sans être vraiment brillant, possède les scores les plus élevés parmi les consolidants que nous avions sélectionnés. Il reste possible que nous ayons fait une erreur de manipulation, ou bien que la méthode d’application n’ait pas fonctionné cette fois. Toutefois, même si le produit s’avère plus brillant, il faudrait mesurer, dans une nouvelle étude, le jaunissement de chaque produit pour différentes concentrations. Les acril ont pour réputation de très bien résister au vieillissement et de proposer un changement optique moindre, par rapport à un produit comme la colle d’esturgeon. Afin de comparer avec plus de précisions la brillance de ses adhésifs, nous avons choisi de rajouter un paramètre à notre étude, le temps

8

Tests avec vieillissement 1.11.

Tableau avant vieillissement

Nous avons voulu savoir comment la brillance d’un adhésif se comportait dans le temps. Si un adhésif était très brillant les premières semaines, le serait-il encore au bout de deux mois ? Ou bien au contraire, le temps passant, sa brillance tend-elle à diminuer ? Pour essayer de prévoir la brillance des adhésifs que nous avions sélectionnés, nous avons pris le plus petit et le plus grand pourcentage de chaque produit, avec 5 échantillons par concentration, pour tester leur résistance en boite de vieillissement. Il est bien évident que nous testons ici, à notre niveau, ce que pourrait potentiellement devenir la surface d’un adhésif soumis à des UVB durant six semaines, sans avoir la prétention de proposer une vraie étude approfondie sur le vieillissement des adhésifs et la brillance qui en découle. Valeurs en UB.

Plus petit pourcentage

Plus grand pourcentage

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

MFK

0,4

0,5

0,4

0,5

0,4

1,7

1,6

1,8

1,6

1,7

Primal

2,4

2,1

2,2

2,2

2,1

3,6

3,6

3,6

3,5

3,5

Acril 33

1,2

1,1

1,2

1,3

1,1

3,7

3,8

3,7

3,7

3,8

Acril Me

2,5

2,3

2,5

2,5

2,5

2,5

2,4

2,4

2,3

2,5

esturgeon 0,6

0,6

0,6

0,5

0,6

1,4

1,3

1,4

1,4

1,4

Figure 126- Tableau avant vieillissement

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[144]


1.12.

Données après vieillissement

Après une semaine :

Plus petit pourcentage

Plus grand pourcentage

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

MFK

0,6

0,6

0,7

0,7

0,6

1,4

1,4

1,5

1,4

1,6

Primal

1

0,9

0,9

1

0,9

2,4

2,5

2,4

2,5

2,5

Acril 33

2,4

2,3

2,4

2,1

2,4

4,4

4,3

4,4

4,2

4,7

Acril Me

1,2

1,3

1,2

1,4

1,3

1, 3

1,4

1,3

1,3

1,2

esturgeon 0,6

0,4

0,4

0,5

0,5

1,2

1,3

1,2

1,4

1,3

Figure 127- tableau après vieillissement

Résultats très surprenants, la brillance a tendance à baisser après une semaine de vieillissement accéléré. L’acril 33, par contre, semble briller plus après une semaine de vieillissement.

Semaine 2 : Plus petit pourcentage

Plus grand pourcentage

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

MFK

0,6

0,5

0,7

0,6

0,6

1,3

1,4

1,3

1,2

1,5

Primal

0,9

0,9

0,8

0,9

0,8

2,3

2,3

2,2

2,3

2,4

Acril 33

2,2

2,1

2,1

2

2,3

4,3

4,1

4,3

4,2

4,5

Acril Me

1,1

1,3

1,1

1,2

1,3

1, 2

1,1

1,2

1,2

1,1

esturgeon 0,5

0,4

0,4

0,4

0,5

1

1,1

1

1,3

1,3

Après deux semaines, on observe une légère baisse de la brillance qui continue, mais de manière assez faible et globale. En moyenne, les échantillons perdent 0,1 à 0,2 d’UB.

Semaine 3 : Plus petit pourcentage 1

2

3

Plus grand pourcentage 4

5

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1

2

3

4

5

[145]


MFK

0,5

0,6

0,6

0,5

0,5

1,3

1,4

1,3

1,1

1,4

Primal

0,9

0,8

0,8

0,9

0,8

2,3

2,2

2,2

2,2

2,3

Acril 33

2,1

2,1

2

2

2,2

4,3

4,1

4,2

4,2

4,3

Acril Me

1

1,2

1,1

1,1

1,3

1, 1

1,1

1,2

1,1

1

0,2

0,2

0,4

0,2

1

1

0,9

1,2

1,1

esturgeon 0,5

Les valeurs restent sensiblement les mêmes, à 0,1 UB près généralement, tandis que certaines valeurs restent les mêmes. Semaine 4 : Plus petit pourcentage

Plus grand pourcentage

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

MFK

0,5

0,6

0,6

0,5

0,5

1,3

1,4

1,3

1,1

1,4

Primal

0,9

0,8

0,8

0,9

0,8

2,3

2,2

2,2

2,2

2,3

Acril 33

2,1

2,1

2

2

2,2

4,3

4,1

4,2

4,2

4,3

Acril Me

1

1,2

1,1

1,1

1,3

1, 1

1,1

1,2

1,1

1

0,2

0,2

0,4

0,2

0,9

1

0,9

1,2

1,1

esturgeon 0,5

Finalement, à la quatrième semaine, les valeurs par rapport à la semaine 3 restent inchangées (sauf pour le premier échantillon de colle d’esturgeon à 4%, qui a baissé de 0,1 UB). Peut-être sommes-nous arrivés à un pallier dans la baisse de la brillance ? Ou bien le système de vieillissement n’était plus effectif ? Causes d’erreurs possibles : Il est évident que dans de telles expérimentations, la cause humaine est à privilégier. La méthode d’application n’est certainement pas aussi précise et fiable qu’une machine, d’une part. D’autre part la boite de vieillissement que nous avons construite reste expérimentale : la lumière des deux néons ne se diffuse pas spatialement de manière homogène, ce qui nous a obligé à en tenir compte dans notre manipulation. Il a fallu tourner les planches d’échantillons d’un quart de tour chaque semaine afin que chaque coin de la planche reçoive équitablement les uvb. Etant donné les résultats de la quatrième semaine, nous avons poursuivis l’expérience en boite de vieillissement durant un mois supplémentaire et les résultats ont été les mêmes, la brillance ne bouge plus à partir d’un certain point.

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[146]


9

Conclusion Cette étude a été pour nous l’occasion de comparer différents adhésifs au niveau de la

brillance qu’ils induisent sur les surfaces. Nous avons pu ainsi tester cinq adhésifs différents, un naturel et quatre synthétiques, dont deux relativement nouveaux, le médium de consolidation® 4176 de chez Lascaux et l’Acril Me. L’objectif était de déterminer quels étaient les adhésifs qui pouvaient convenir dans le cadre d’une consolidation de couche picturale non vernie, mate ou pulvérulente. Pour cela, nous avons choisi quatre pourcentages pour chaque adhésif et avons réalisé des échantillons sur des cartons entoilés enduits d’acrylique noire. Un brillancemètre nous a été prêté pour réaliser les mesures et comparer la brillance entre chaque pourcentage pour un produit donné mais aussi entre tous les adhésifs. De plus, nous avons pu observer les effets d’un vieillissement accéléré grâce à une boite de vieillissement que nous avons construite, avec des lampes d’uvb. Si nous n’avons pas établi de classement à proprement parlé, nous avons remarqué que l’Acril Me et le Primal avaient des valeurs plus importantes que les autres adhésifs, même si ces valeurs restent acceptables par rapport à un adhésif comme le plextol. Travailler sur ces produits a été très enrichissant, cela nous a permis de travailler avec rigueur et patience, et d’enrichir nos connaissances sur les consolidants. Nous avons pu, à notre niveau, proposer un panel de quelques adhésifs à utiliser dans le cadre d’un refixage de couche picturale mate, qui nécessiterait un changement optique minimal. L’expérience a été intéressante mais il semble que pour avoir des résultats plus significatifs, il aurait fallu utiliser des équipements plus complets, dans un laboratoire. Cette étude nous aura enfin permis d’affiner nos choix pour le refixage de la couche picturale de notre œuvre de mémoire, après différents tests de pénétration, nous avons choisi le medium de consolidation® 4176 de chez Lascaux, qui n’a pas généré de changement optique, comme nous l’espérions et qui a rempli parfaitement son rôle de consolidant.

En ouverture, nous avons pensé à différentes pistes de recherche à poursuivre à partir du sujet que nous avons traité : -

Le jaunissement ou le changement de couleur des adhésifs avec un spectrocolorimètre et avec vieillissement

-

Une étude comparative entre l’Acril Me et l’Acril 33

-

L’utilisation du MFK pour la retouche

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[147]


Conclusion générale L’étude et la restauration de la figure masculine et figure féminine, de Manu Van de Velde, nous ont été extrêmement enrichissantes, autant d’un point de vue pratique que théorique. Les recherches historiques nous ont permis de découvrir l’univers peintre Manu Van de Velde, d’en apprécier la richesse et la diversité, de rencontrer, au fil des témoignages et des lectures, un artiste polyvalent et passionné, qui avait la modestie du peuple auquel il clamait son appartenance mais le talent des grands qu’il admirait. L’analyse de la figure masculine comme de la figure féminine les ont rattachés à diverses influences de l’époque de Manu Van de Velde, notamment les camps de concentration, mais aussi à son propre vécu. L’étude des matériaux constitutifs de notre œuvre nous a poussés à nous orienter vers une démarche relativement minimaliste, en raison de la face peinte au verso, afin de préserver l’œuvre sans obstruer sa lisibilité et son aspect esthétique. Le refixage de la couche picturale de l’œuvre au recto nous a amené à utiliser le medium de consolidation®4176 de chez Lascaux, qui remplissait tous nos critères, notamment de pénétration et de respect optique après application. La reprise de la déchirure a été un véritable défi car il s’agissait de réaliser un renfort invisible mais solide, sans risque de déformation pour la toile et sans ajout de doublage ou de pièce de renfort. Le travail mené dans la partie technico-scientifique a été également très enrichissant, nous donnant l’opportunité de répondre à nos interrogations sur la brillance des adhésifs utilisés pour le refixage, entre autre, des surfaces non vernies. La manipulation des différents produits nous a permis de mieux maitriser leurs effets tout en nous obligeant à être rigoureux tant dans l’application pour les échantillons que dans le choix même des produits. Ce mémoire est le résultat d’un travail de deux ans de travail, de remises en questions, de doutes mais aussi de joies, de découvertes et d’enrichissement personnel. Nous avons pu mettre en œuvre notre savoir acquis à l’école mais aussi durant nos stages, tout en faisant preuve d’initiative. C’est avec beaucoup de plaisir que nous avons travaillé sur cette œuvre de Manu Van de Velde, et même s’il nous reste du chemin à parcourir et de l’expérience à acquérir, ce mémoire et la restauration de figure masculine/figure féminine représentent l’aboutissement et la concrétisation de cinq années d’études.

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[148]


Bibliographie générale

RESTAURATION Ouvrages généraux BERGEON-LANGLE, Ségolène, CURIE, Pierre, Peinture et dessin – Vocabulaire typologique et technique, Paris, éditions du Patrimoine, volume 1&2, 2009, 810 p. BRANDI, Cesare, Théorie de la restauration, Paris, éditions du Patrimoine, 2001, 207 p. BROSSARD, Isabelle, Technologie des textiles, Paris, Dunid, 1997, 303 p. DELCROIX, Gilbert, HAVEL, Marc, Phénomènes physiques et peinture artistique, Puteaux, EREC, 1988. EMILE-MALE, Gilberte, Pour une histoire de la restauration des peintures en France, Paris, Somogy, 2008, 373 p. LABREUCHE, Pascal, Paris : capitale de la toile à peindre : XVIIIe siècle-XIXe siècle, Paris, CTHS, 2011, 367 p. MARIJNISSEN, R. H, Soigner les chefs-d’œuvre au pays de Magritte, Le livre Timperman, Bruxelles, 2006, 187 p. MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane, Les solvants : cours de conservation 2, Bruxelles, IRPA, 1994, 131 p. MASSCHELEIN-KLEINER, Liliane, Liants, vernis et adhésifs anciens, Bruxelles, IRPA, 1992, 123 p. NICOLAUS, Knut, Manuel de restauration des tableaux, Cologne, éditions Könemann, 1999, 425 p. PETIT, Jean, ROIRE, Jacques, VALOT, Henri, Des liants et des couleurs : pour servir aux artistes peintres et aux restaurateurs, Puteaux : EREC, 2006. PEREGO, François, Dictionnaire des matériaux du peintre, Paris, Belin, 2005, 895 p. PINCAS, Abraham, PETIT, Jean, PERRAULT, Gilles, PINCAS, Nathalie, NOUAILLE, Olivier, Le lustre de la main – Esprit, matière et techniques de la peinture, Paris, EREC, 1991, 366 p. ROCHE, Alain, Comportement mécanique des peintures sur toile, Paris, CNRS éditions, 2003, 208 p. WOLBERS Richard, Cleaning painted surfaces, aqueous methods, archetype publications, Londres, 2000, 198 p.

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[149]


Mémoires

BECDELIEVRE, de, Aloys, Etude préliminaire à la retouche des peintures mates, Mémoire de l’Institut National du Patrimoine, Paris, 1986, 313 p. LARDET, Guillemette, Copie d’une Vierge à l’enfant d’après Antoine Van Dyck-AnonymeDébut 18ème, Mémoire ou thèse, Condé : Paris, 2013, 275 p. TEYSSIER, Stéphanie, Refixage et consolidation d’une peinture mate de Georges Roualt : mise au point d’un traceur iodé pour l’évaluation de la pénétration capillaire des adhésifs, Mémoire ou thèse, Condé : Paris, 2009, 226 p.

Articles ACROYD, Paul, PHENIX, Alan, VILLERS, Caroline, Not lining in the twenty-first century : attitudes to the structural conservation of canvas paintings, the conservator, issue 26, Londres, 2002 DEMUTH, Petra, HEIBER, Winfried, Der trecker, restauro no 5, 2000. HEIBER, Winfried, the thread-by-thread method, alternatives to lining, Mary Bustin and Tom Caley Editions, Londres, 2003, P.35-47. KAPUSCIAK, Maxime, “les déchirures ouvertes”, APROA BRK bulletin, 3eme trimestre 2007.

Sitographie Portail documentaire de l’institut national du patrimoine : http://mediatheque-numerique.inp.fr/ Centre de recherche et de restauration des musées de France : http://c2rmf.fr/ Revue électronique Ceroart : http://ceroart.revues.org/ Le canadian conservation institute : https://www.cci-icc.gc.ca/

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[150]


HISTOIRE DE L’ART Ouvrages généraux BENEZIT Emmanuel, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs, graveurs, édition Gründ, Paris, 2002. BERGE, Pierre, Bernard Buffet – monographie, Paris, 1958. DUBUS, Pascale, « Qu’est-ce qu’un portrait ? », L’art en perspective, Editions l’Insolite, Paris, 2006 CYRULNIK, Boris, Sauve-toi, la vie t’appelle, Paris, éditions Odile Jacob, 2012 GOMBRICH, Ernst Hans, Histoire de L’Art, Phaidon, 2001, 688 p. MERCIER, Éric, Les années 1950, l’alternative figurative, Musée d’Art Roger Quilliot, éditions un, deux…Quatre, Paris, 2007 FRIZOT, Michel, Ouvrage collectif, Dictionnaire de l’art moderne et contemporain, Hazan, Paris, 1992. SILLEVIS John, Bernard Buffet, 1928-1999, éditions Palantines, Paris, 2008. Articles BOKHORST, Hermine, interview de Manu Van de Velde pour le journal Le Soir, Bruxelles, 14 mai 1991, p.20. Symposium ICC 2011, Lining and Consolidating Adhesives: Some New Developments and Areas of Future Research, Ottawa, Canada, 2011

Interviews Michel Van de Velde, fils du peintre, 2014 Evelyne Wilwerth, compagne du peintre, 2014

Sitographie Sites de vente aux enchères (œuvres de Manu Van de Velde) -

http://www.tiauctions.com/content/manu-van-de-velde-belgian-1923-2002

-

http://www.arcadja.com/auctions/fr/van_de_velde_manu/artiste/483030/

-

http://www.antiques-in-europe.com/index.py/object_details_archives/cid/1626551 (tableau misère)

-

http://www.kettererkunst.com/result.php (tableau les buveurs d’absinthe)

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-

http://www.auction-in-europe.com/index.py/object_details_archives/cid/1577672 (tableau Dame au bain)

-

http://www.leboncoin.fr/collection/732945469.htm

(encres

de

chine

-

Village

provencal du Castellet - 1980) -

http://www.liveauctioneers.com/item/33235218_14-artworks-and-drawings-devanelmanu-van-der-velde (encres de chine – aquarelles – vendeur de Long island, NY)

SCIENCES Ouvrages généraux BERGEON LANGLE, Ségolène, CURIE, Pierre, Peinture et dessin : vocabulaire typologique et technique, volume 1 et 2, Paris : Editions du patrimoine, centre des monuments nationaux, 2009. DELCROIX, Gilbert, HAVEL, Marc, Phénomènes physiques et peinture artistique, Puteaux : EREC, 1998, 356 p. PEREGO, François, Dictionnaire des matériaux du peintre, Paris, Belin, 2005, 895 p. ROCHE, Alain, Comportement mécanique des peintures sur toile : dégradation et prévention, Paris, CNRS, 2003, 205 p. Third international conference colour and conservation, The care of painted surfaces, materials and methods for consolidation, and scientific methods to evaluate their effectiveness, proceedings of the conference, CESMAR7, Milan, November 2006, 182 p.

Actes de colloques Adhésifs et consolidants , Xème congrès International de l’IIC, Paris, Septembre 1984

Mémoires JUSTE-GROENE, Marie-Agnès, La restauration d’un couple flamand : Etude comparative des caractéristiques physiques des colles d’esturgeon, mémoire de l’IFROA, Paris, 1993 LARDET, Guillemette, Copie d’une Vierge à l’enfant d’après Antoine Van Dyck-AnonymeDébut 18ème, Mémoire ou thèse, Condé : Paris, 2013, 275 p.

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TEYSSIER, Stéphanie, Refixage et consolidation d’une peinture mate de Georges Rouault : mise au point d’un traceur iodé pour l’évaluation de la pénétration capillaire des adhésifs, Mémoire ou thèse, Condé : Paris, 2009, 226 p.

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Table des illustrations

Sources personnelles : 1, 2, 3, 14 ,16, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 31, 37, 38, 40, 48, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 109, 110, 111, 112, 113, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126. Documents fournis par les proches du peintre : 4, 5, 6, 7, 8, 9, 20, 11, 12, 13, 15, 28, 29, 30, 36, 37, 45, 46, 47, 85, 86. Sources internet : 17, 18 : http://www.ebay.be/ 25 : http://marmitevingtieme.canalblog.com/archives/2014/11/25/31022720.html 32 : http://chroniquedutempsquipasse.hautetfort.com/album/expressionismeallemand/1915508184.html 33: http://www.jansem.net/en/gallery/oiloncanvas/index.php?imgdir=Other 34: http://museebernardbuffet.com/portraits.html 42 : https://en.wikipedia.org/wiki/Les_Demoiselles_d%27Avignon 43: http://moniquetdany.typepad.fr/moniquetdany/2012/04/expo-berthe-morisot.html 44: http://www.histoire-image.org/pleincadre/index.php?i=1137 50: http://www.boitedejour.fr/technaulogis/liaison_bout_chant_angle.php 60: https://fr.wikipedia.org/wiki/Filage_textile 109: http://www.chassitech.com/chassisdoublefac/double-face-presentation-et-montage.pdf 115-116: http://www.elcometer480.com/fr/comprendre-la-brillance/semi-brillant-et-mat.aspx

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ANNEXES

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Medium de consolidation® 4176

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Invitations à des expositions/ vernissage de Manu Van de Velde : 1989-9091

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1952-70-71

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ARTICLES : -Le soir, mai 1991

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Vue sur des œuvres de Manu Van de Velde, collection particulière :

Publications de Manu Van de Velde :

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Requiem pour une jeunesse (sorte de bande dessinée, PAC, 1979)

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Grenat : sorte de poster - bande dessinée en collaboration avec Evelyne Wilwerth (André De Rache, 1982)

-

Mémoires d'un colleur d'affiches : textes autobiographiques (L'Ardoisière, 1983)

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Saint Jean de Blues, textes et poèmes en Brusseler (les Elytres)

Figure 128- Saint Jean de Blues, Manu Van de Velde, extrait

Articles en entier sur Manu Van de Velde, provenant du site internet http://www.lesoir.be/ :

TRACES DU PASSE,BRUITS DU PRESENT MOREAU,CATHERINE Page 11 Samedi 21 avril 1990 Traces du passé, bruits du présent Deux artistes exposent actuellement au Centre Culturel et artistique d'Ottignies (1). Le peintre bruxellois, Manu Van de Velde met en scène fleuves, canaux, femmes aux regards sans fin et surtout la ville. Ce sont souvent le mouvement de l'eau et celui, sonore, de la ville - vrombissement des moteurs, bruits familiers des trams - que l'on perçoit dans ses gravures, ses encres, ses peintures, ses pastels. Ces mouvements sonores, ces stridences urbaines sont saisies à travers un réseau géométrique de lignés vitres en éclats - qui partagent souvent les œuvres en espaces d'ombres et de lumières. L'humour, voire la poésie, sont présents aussi dans les titres des œuvres: Collusion frontale; Araignée ferroviaire; Midnight motard; Une vie à l'envers, une vie à l'endroit; rappelant que Manu Van de Velde est aussi écrivain et auteur de bandes dessinées.

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Céramiste et créateur fécond d'objets utilitaires, Francis Behets, a déposé, lui, d'énigmatiques stèles, mégalithes et bornes aux textures variées. Lui-même définit ainsi sa démarche: monolithe, stèle, colonne, pierre, borne, balise, totem, torl, stupa... En construisant mes stèles, je crois rejoindre la cohorte de vivants, ces créateurs qui, à travers les âges, ont voulu laisser une trace. De donner une forme visible à l'invisible. C. M. (1) L'exposition est ouverte jusqu'au 30 avril, les lundis, mardis, mercredis de 13 à 17 heures; les jeudis et vendredis de 14 à 18 heures et le samedi de 9 à 12 heures et pendant les spectacles.

UN ARTISTE BRUXELLOIS A LA ROCHELLE TRAITS DE PLUME SUR L'HISTOIRE BOKHORST,HERMINE Page 20 Mardi 14 mai 1991 Un artiste bruxellois à La Rochelle Traits de plume sur l'histoire Mon maître? Je ne sais même pas son nom, se souvient Manu van de Velde. Je ne veux pas le savoir d'ailleurs. Il peignait de petits tableaux sur la place publique et les distribuait par loterie. Le billet coûtait 25 centimes, vous vous rendez compte? À huit ans, la passion pour le dessin se déclare. Incurable. Aujourd'hui, soixante ans plus tard, le virus est toujours là. - J'ai enfin trouvé le style qui allait à mon tempérament, poursuit-il. je ne suis pas du genre une couleur et «tchoctchoc» sur la toile. Il esquisse le geste d'un Zorro paraphant de son initiale le gros ventre du sergent Garcia. J'aime mieux le travail progressif, en finesse. C'est ainsi que je me suis lancé dans l'encre de Chine. Ses œuvres, une sorte de compromis entre la gravure ancienne et la bande dessinée, représentent un travail de bénédictin. Manu van de Velde découpe d'abord sa composition en un puzzle abstrait avant d'y inclure l'élément figuratif par de minuscules traits parallèles, presque pointillistes. Élément figuratif, si l'on veut. - Pour mes derniers travaux, j'ai dessiné l'eau. La flaque, la mer, l'étang. Pourquoi faire de l'abstrait si la nature nous propose des compositions parfaites? J'ai développé ce thème pendant un an. Et maintenant que je sais dessiner une vague, ça m'ennuie! Avant je réalisais des tableaux abstraits pour un marchand. J'alignais cinq toiles, un tube de couleur et zou! Mais ce n'est pas comme ça que je conçois le métier. Mon rêve c'est de réaliser un croûte géniale. Entre le beau et le laid avec un petit quelque chose en plus. Le petit quelque chose de plus au quotidien, c'est les épinards dans le beurre. Car Manu van de Velde vit exclusivement de son art et de celui de sa femme Evelyne Wilwerth, écrivain. - C'est un miracle permanent, sourit-il. Je ne donne pas de cours, je n'ai rien à apprendre. Peut-être une leçon de vie? De dépression en dépression, Manu van de Velde a recherché son équilibre. D'abord des études de médecine, avortées par une déportation en Allemagne. - Je suis revenu des camps comme un «héros». C'est-à-dire qu'on m'a prié de passer les examens de 3e candi sur des chapeaux de roues. J'ai réussi la session et j'ai été dégoûté. J'ai tout lâché pour aller à l'«aca». Voyages, boissons, femmes, la vie à toute allure. Aujourd'hui, Manu van de Velde poursuit sa quête de l'OEuvre dans son atelier laekenois. Huit heures par jour. - De 9 à 17 heures comme les fonctionnaires, avec les courbatures en plus! La reconnaissance est à la porte: l'artiste participera à une exposition internationale du 14 mai au 3 juin dans la chapelle des Dames Blanches... À La Rochelle, s'il vous plaît! HERMINE BOKHORST

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LE JEU DU TEXTE ET DU DESSIN, JETER L'ENCRE AU MILIEU DES QUATRE ELEMENTS VANTROYEN,JEAN-CLAUDE Page 20 Vendredi 8 octobre 1993 Le jeu du texte et du dessin Jeter l'encre au sein des quatre éléments L'encre du stylo qui glisse sur le papier, au gré des sensations, des fantasmes, dessinant des textes suggestifs, sensuels. L'encre de Chine qui cerne la lumière, qui pétrit la matière, qui représente. L'encre, c'est l'ancre qui arrime le bateau à la terre, qui allie l'eau et le feu, qui anime «Dessine-moi les quatre éléments», un portfolio où textes et dessins jouent à se provoquer, s'aimer, s'interpénétrer, se brûler. C'était à La Rochelle, l'été dernier. Manu Van de Velde exposait ses dessins sur l'eau (Je ne suis pas un artiste marin, dit-il, mais il y a aussi des mouettes avenue de la Reine!). Évelyne Wilwerth lui lança: «Tu as réussi à exploiter l'eau en noir et blanc. Si tu t'attaquais à l'air?» Après tout, s'est dit l'artiste bruxellois, pourquoi ne pas relever le défi? C'est cette anecdote qui a déclenché la naissance du portfolio. UN PREMIER DÉFI - Le premier défi était évidemment de dessiner les quatre éléments de manière figurative, en noir et blanc, raconte Manu Van de Velde. Le second était d'intégrer le texte qu'Évelyne Wilwerth écrivait et mes dessins, sans faire de l'illustration, en réalisant comme une chorégraphie entre la page, le dessin et le texte. Ça commence par l'air. Rien que des dessins, des hachures qui sculptent les volumes, qui créent des espaces, des mouvements. Puis l'eau. Et le texte apparaît, «Venise la noire», liquoreux, où l'on «plonge dans les remous du plaisir». La terre. C'est alors «Sapinière-lez-Spa». Comme la narratrice «enfonce son ventre dans les draps de la terre», l'écrit s'approche du dessin à le pénétrer. Et le feu. «Minuit, Leuven». Et «elle est torche. Corps-flamme dans le brasier du désir. De la tendresse. Tout se fond dans un liquide brûlant». Et la poésie bouffe le dessin, le brûle, le réduit en cendres, s'impose. Manu Van de Velde et Évelyne Wilwerth présenteront leur oeuvre le 12 octobre (à 11 h 30) à l'hôtel de ville de Bruxelles. Les textes seront lus par Florine Elslande. JEAN-CLAUDE VANTROYEN

VAN DE VELDE EXPOSE DANS L'ILOT SACRE UNE PEINTURE AU SOUFFLE COUPE PAR LA VIE GERARD,ALAIN Page 21 Vendredi 23 septembre 1994 Van de Velde expose dans l'Ilot sacré Une peinture au souffle coupé par la vie Au coeur de Bruxelles, petite rue des Bouchers, il y a les touristes, les restaurants et les petites vendeuses de fleurs. Petite rue des Bouchers, en ce moment, il y a également au premier étage du numéro 26, un peintre qui expose son travail.

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Le peintre, c'est Manu van de Velde, un autre coeur de Bruxelles; son travail, c'est une série de toiles qui ont pris comme prétexte des images de vacances pour insensiblement entraîner le regard vers la vacance: celle de l'homme, celle du monde! A LA LIMITE DE L'ABSTRAIT - Mon travail est à la limite de l'abstrait. J'essaie sur des bases classiques d'insérer des effets de matière. Pour les paysages estivaux de l'Eifel par exemple, la technique est mixte: à mon pastel de base, j'ajoute des préparations à la térébenthine et également de l'encre de Chine. Pour d'autres tableaux, comme celui transitoire du nu féminin, je compose avec du fusain, de la craie, des gouaches et à nouveau l'encre de Chine. Parfois, je n'utilise qu'elle, comme pour la deuxième partie de l'exposition. Il y a donc de l'encre de Chine dans la peinture de van de Velde. Il y a donc du noir, vécu et ressenti comme une touche externe d'une intériorité en flirt constant avec le pessimisme. Mais pas un pessimisme larmoyant, ni un étalage impudique de sentiments. EXPRESSIF SANS ETRE AGRESSIF L'artiste a trop vécu - camp de concentration entre autres - pour se permettre une telle légèreté. Alors, la peinture se fait expressive, sans jamais être agressive, révélatrice, sans jamais être exhibitionniste. Les évocations de vacances se réalisent de l'intérieur d'un bungalow, à travers l'intimité des vitres. Le tableau transitoire du nu féminin présente d'abord un dos pour progressivement dévoiler la face. Tandis que les encres de Chine pures se dissimulent derrière un poème de François Villon pour révéler des corps qui crient, qui râlent et qui meurent, des corps victimes de la violence, de la guerre et des injustices. La vacance durant le temps des vacances... A. G. Manu van de Velde expose au 26, petite rue des Bouchers, à 1000 Bruxelles. Du 24 septembre au 14 octobre, de 11 à 22 h (les dimanches de 11 à 19 h). Les bénéfices seront versés au Rwanda. «Dessine-moi les quatre éléments», un port-folio d'Évelyne Wilwerth et Manu Van de Velde; édité par l'Arbre à paroles; 1.000 F.

LA COMPLAINTE DU SUKKELEIR,MANU VAN DE VELDE POETE BRUSSELWA CARRIER,PASCALE Page 17 Vendredi 4 avril 1997 La complainte du sukkeleir Manu van de Velde, poète brussellwa Manu van de Velde a le blues. Le St Jean Blues, exactement, du nom de ce vieil hôpital bruxellois où il s'est retrouvé le jour où il n'a plus su «vouche» avec son corps et avec sa tête. Sentant sa mort prochaine comme le laboureur de La Fontaine, il s'est promis, s'il s'en sortait, d'écrire enfin des poèmes en bruxellois. Et Dulle de Dûde, la Veuve, l'a manqué, une fois encore. Comme en mai quarante, quand elle l'a mis au frais dans un camp de concentration «comme on prête un stûd à Matante» puis l'a oublié, tout occupée à son chefd'oeuvre : Hiroshima, Nagasaki. Manu van de Velde, lui, n'a rien oublié. Ni de son enfance dans les bas-fonds du Duivelshoek aujourd'hui disparu, où il parlait un mélange de bruxellois et de bargoench, cet argot des voleurs et des maquereaux, ni des horreurs concentrationnaires, ni de son retour dans une société pressée d'oublier. - J'avais déjà voulu faire des poèmes en bruxellois à cette époque, mais cela ne venait pas. Il faut vieillir pour pouvoir se replonger dans l'esprit de ses six ou sept ans.

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Familier du bruxellois, Manu van de Velde n'aime pas les académies qui prétendent figer la langue. Ce rimailleur dialectal est tout chamboulé d'avoir dû y inclure un glossaire pour se faire comprendre ! - Le bruxellois authentique se parle pourtant encore et comme toutes les langues vivantes il évolue : on le parle rue Ransfort à Molenbeek avec des mots arabes et c'est bien ainsi. «SAINT JEAN BLUES » Le bruxellois est une langue à la poésie incomparable, qui pare le tragique d'une drôlerie grinçante. Saint Jean Blues présente plusieurs tableaux de la vie de ce poète et peintre né en 1923, qui fréquenta l'atelier de Picasso et fabriqua de faux Watteau pour un antiquaire bruxellois au sortir de la guerre, mais qui fréquenta aussi les cabarets plus que de raison... Ses souvenirs de l'impasse du Jasmin - soixante habitants pour dix taudis avec un unique cabinet dans la cour fermé à clé en soirée -, de sa famille (un père boxeur un peu sonné, une mère, une grand-mère vestiairistes, un oncle peintre), de son retour des camps, de ses amours contrariées et de son séjour à l'hôpital font chanter Bruxelles sur l'air des rommelpoterderâ de son enfance. Et si son enfance de sukkelère l'a rendu vlek citron, si les camps et la maladie ont fait de lui un labbekak, l'espoir n'est pas mort pour Bère Tatchelul, dit «Manu», comme en témoignent ses derniers vers : Si je m'en sors, je partirais Zoupe Dicht bâ l'Andalousie, Respirer le safran de près, Veroublier la jalousie, Aimer ma krot qu'est si jolie, Vivre le peu qui reste en moi, Ecrire enfin des poiésies Ce que j'ai fait en brussellwa. PASCALE CARRIER «Saint Jean Blues», de Manu van de Velde, est édité dans la collection Les Elytres par le Grenier Jane Tony, 112/23 avenue Colonel Bourg, 1030 Bruxelles. Lecture publique le 31 mai à 15 heures au café Le Zavel, 7 place du Grand Sablon, 1000 Bruxelles.

Manu van de Velde... Bruxellois non peut-être «Je suis un rotte triste imbécile, je reviens toujours» BOKHORST,HERMINE Page 16 Lundi 1er mars 1999 Manu van de Velde... Bruxellois non peut-être Tous ne sont pas nés à Bruxelles, mais chacun y a pris racine. Qui sont-ils? D'où leur vient cette passion de la ville? Dans les reflets de ces portraits de Bruxellois(es), nous vous invitons à découvrir les faces cachées de la capitale de l'Europe. Aujourd'hui, Manu van de Velde, artiste peintre qui vit de son art et qui écrit des poèmes en «brusseleir». A 75 ans, il est toujours aussi amoureux de Bruxelles et de sa langue. Un vrai «ket» des «strotjes». Reportage photo Unlimited Fields. «Je suis un rotte triste imbécile, je reviens toujours» Manu van de Velde est artiste peintre et défend le vrai «brusseleir». Il a d'ailleurs écrit un recueil de poèmes en «bargounch». Les longs cheveux gris en bataille, Manu van de Velde, 75 ans, pose un livre de photos anciennes sur la table.Il pointe du doigt une des illustrations: Là, c'est le Duivelshoek, quand on fêtait le mariage de la Vierge et du diable. Ce coin, plein d'impasses où je suis né, a complètement disparu. Nous n'avions qu'un WC pour toute l'impasse. Vous voyez, il était ouvert. (Rires.)

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Et notre bassin de natation se trouvait porte de Ninove, entre les deux écluses! Mais nous, on nageait nus, pas comme sur la photo! Après on a quitté l'impasse du Jasmin pour aller «sur un plus grand», rue de l'Abattoir. C'était en face de ce qui est devenu les Arts et Métiers. On ne parlait que bruxellois. Il n'y avait ni église ni école dans le quartier. Notre avenir se résumait à devenir voleur, maquereau ou boxeur. Moi, j'ai choisi boxeur. Il touche son nez, un peu dépité. Mais j'ai eu de la chance, dans les années 23-30, une dame d'œuvres socialistes «s'est emparée de moi» et m'a fait aller à la Maison du peuple, rue Haute, pour suivre des cours de violon... Sans violon parce qu'on n'avait pas de sous. «Si tu vas au cours, t'auras un fricadelle-frites»... Ça tombait bien parce que j'avais faim. Mon père avait perdu son emploi au tram et il faisait aussi de la boxe. Ma mère tenait le vestiaire à la Bourse. Nous étions des gens riches dans le quartier. Mais c'était horriblement brutal. Actuellement le coin s'appelle «Chicago» et est soidisant violent. Mais à l'époque, c'est parler qu'on faisait en se donnant des coups, on n'avait pas beaucoup de vocabulaire. J'ai pu enfin aller à l'école, rue Six Jetons, quand mon père m'a acheté un chien. Il montre la taille de la bête (80 centimètres au garrot) et sourit. On se battait avec les gosses du quartier d'à côté. Celui du Jardin aux fleurs, qu'il fallait traverser pour aller aux cours. J'ai appris à 16 ans ce qu'était une salle de bains. On ne savait pas à quoi cela servait... J'y ai entreposé des bouquins! On avait tellement l'habitude de se baigner dans une bassine d'eau qu'on chauffait sur le poêle; les enfants d'abord, et la grand-mère avait droit à l'eau froide. IMAGES COCHONNES Avec tous ces souvenirs, Manu van de Velde a commencé quelques recherches biographiques: Je ne savais plus à quoi ressemblaient mes parents. Et je me suis mis à chercher. Je me suis arrêté à mon grand-père qui était fabricant de balais place de la Sorcière! Ça ne s'invente pas! Magnifique! Lui-même a commencé la peinture vers 14-15 ans. Je dessinais bien les madames toutes nues. Ces petits dessins cochons, je les vendais aux bourgeois. Mon «prof de dessin» lui s'installait place Bara et peignait des tableaux qu'il vendait «à la tombola». Un billet coûtait 25 centimes. Je passais des journées entières à le regarder. Mais bien vite, la guerre arrive. Ils ont réussi à m'envoyer, en 43, dans un camp de concentration, un petit camp de condamnés à mort pour espionnage. C'est vrai que j'ai fait un peu de résistance en 40. J'avais 17 ans. Quand les Allemands se sont amenés, tout le monde est parti et on s'est retrouvés tout seuls avec un fusil et un uniforme! Pourtant, je suis considéré comme déserteur pour l'armée belge! Beaucoup de copains peintres de l'époque se sont rangés du même côté que moi, d'ailleurs, les Allemands exagéraient vraiment! En 47, après avoir passé un an à l'hôpital, affaibli par son séjour dans le camp, Manu van de Velde s'installe comme artiste peintre. Avant cela, il avait fait des petits boulots, tourneur, chauffeur de taxi, représentant en matériel radiologique, garagiste, traducteur, ... J'ai même fait médecine, en travaillant la nuit! Etudes qu'il n'a jamais achevées... J'ai toujours eu un complexe d'infériorité et je déteste les bourgeois. Je suis persuadé qu'il m'a manqué quelque chose dans mon éducation. SAOUL PAR CONTRAT Manu van de Velde a mangé de la vache enragée. Pour finir, il a décidé de vivre de son art avec sa femme, Evelyne Wilwerth, écrivain. J'avais l'habitude d'être fauché. Alors vivre ici, avenue de la Reine dans un trois-pièces avec salle de bain, c'est le grand luxe! J'ai presque été célèbre mais j'ai rompu mon contrat avec mon marchand de tableaux qui ne voulait même pas que je caresse un chien de la main droite au cas où il me mordrait. Il avait aussi fixé par contrat que je devais être toujours être ivre mort comme Gainsbourg. J'aime bien boire un coup, mais sur ordre... Et puis, beaucoup de peintres ont disparu dans l'alcoolisme complet. Il y avait plein de bistrots d'artistes, «la Gueule de bois», au «Nez qui pend» et «A la fleur en papier doré»... qui existe toujours. Pour Manu van de Velde, un artiste est quelqu'un qui a envie de dire quelque chose. Il le dit avec des pinceaux, des pastels, des huiles, sur commande ou par inspiration. Il le dit aussi en «Brusseleir», sa langue maternelle où il se sent plus à l'aise. «Dou bôve op de zolder [ousqu'est mon atelieie,

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La nostalgie frouchel des poux [dehors ma tête. De la drache et du gris, ça est [d'ailleurs la fête. Suis un mégot perdu au fond [d'un' jatte cafeie, écrit-il dans son recueil de poèmes «Saint Jean Blues». Il y a un certain esprit dans le «brusseleir». Par exemple, on ne trouve pas de mot pour dire malheureux. On doit le raconter d'une manière rigolote. Ce qui n'existe pas dans d'autres langues. Sauf peut-être dans l'humour juif. Manu van de Velde a essayé de vivre ailleurs qu'à Bruxelles. En Provence, en Bretagne... Mais je suis un «rotte triste imbécile» - c'est ce qu'on dit de ceux qui reviennent toujours à Bruxelles. Il y a quelque chose ici de spécial dans l'atmosphère. C'est comme pour la fabrication de la gueuze! Quelque chose que la vallée de la Senne bonifie, faut croire. Dans le Bruxelles actuel, je trouve que les gens se prennent trop au sérieux. La ville a à chaque fois réussi à absorber les gens qui viennent. Les immigrés sont vite devenus bruxellois. Mais pas les Européens, ce sont eux qui s'imposent. Une mutation triste. Mais peut-être que je deviens gâteux... HERMINE BOKHORST

Brèves culture MARTIN,SERGE; QUITTELIER,VINCENT Page 32 Mardi 4 juin 2002 FESTIVAL Les 20 ans du Juillet musical d'Aulne Le 20e Juillet musical d'Aulne sera centré sur ses fidèles : le pianiste américain Brian Ganz, Dominique Cornil en duo avec le violoniste français Pierre Amoyal, l'Ensemble César Franck et l'Orchestre royal de chambre de Wallonie qui accompagnera Marie-Nicole Lemieux et Marcel Vanaud. Le Choeur de chambre de Namur et la Fenice proposent la « Messe pour l'ordre de la Toison d'Or » qu'ils montent pour le Festival de Wallonie. Et la Cetra d'Orfeo animera, le dimanche 6 juillet, un après-midi pour les enfants (marionnettes, jeunes solistes, etc.). Location : 32, av. du Berceau, à Thuin, 071/591.001 (de 19 à 21 heures, le samedi de 10 à 12 heures). (S. M.) DéCèS Le peintre Manu Van de Velde Nous apprenons le décès de Manu Van de Velde, né en 1923 à Bruxelles. Ce peintre figuratif a fait partie du mouvement réaliste et a exposé en Europe et aux Etats-Unis. Il a travaillé de nombreuses techniques mais aimait tout particulièrement l'encre de Chine, l'huile, la gravure sur bois, le pastel. Il s'était aussi spécialisé en céramique monumentale, comme en témoignent les grès à l'église Saint-Martin de Ganshoren, à Bruxelles. Son ultime ensemble de dessins s'intitule « Cabotage » ; cet album consacré aux bistrots et librairies des années 1946-1949 à Bruxelles venait d'être présenté dans le cadre de la manifestation « Laeken bouge », le 28 avril. Manu Van de Velde fut aussi écrivain. (V. Q.)

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