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Si tu ne guettes pas l’inattendu, tu ne découvriras jamais la vérité. Héraclite
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Remerciements … À toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire de fin d’études. … À Monsieur Thomas Bonzom, antiquaire spécialisé en art islamique, pour nous avoir accordé sa confiance en nous proposant cette jarre comme pièce de mémoire. Ses connaissances partagées ont été de précieuses informations, et ses conseils et souhaits ont pu accompagner l’élaboration du projet de restauration. … À nos professeurs qui nous ont épaulée durant les deux ans d’écriture de ce mémoire : Madame Nadia François et Madame Cécile de Chillaz, professeurs de restauration, pour leur encadrement, leur suivi et leurs précieux conseils. Monsieur Philippe Ollier, professeur d’histoire de l’art, pour ses réflexions avisées. Monsieur Claude Pepe, Professeur Émérite à l’UPMC, et Madame Fabienne Wolff-Bacha, pour le suivi de notre étude scientifique. Guy Musculus, professeur de théorie de la céramique, pour le temps qu’il nous a consacré afin d’orienter nos recherches, et pour son apport de connaissances technologiques très appréciable. … Nous adressons également notre gratitude à Monsieur Alastair Northedge, Professeur d'Art et d'Archéologie Islamiques à l’Université Paris I, à Madame Marie-Odile Rousset, Chargée de recherches au CNRS, et à Madame Sterenn Le Maguer, Doctorante en Archéologie Islamique, pour leur partage concernant nos recherches historiques et technologiques. Nous remercions deux laboratoires pour leur soutient concernant l’identification de la composition des pâtes auto-durcissantes : Monsieur Philippe Sciau, pour le CEMES de Toulouse, et Monsieur Jean Bleton, pour le LETIAM d’Orsay. … Merci aussi à différents maîtres de stages ou collègues, qui ont suivi nos réflexions et nous ont fait part de leur expérience concernant nos questions de restauration et de déontologie : Madame Candice Carpentier pour ses conseils et avis concernant nos choix déontologiques notamment, et Dottoressa Fabiana Francescangeli pour ses conseils avisés concernant la reconstitution des lacunes. … Enfin, nous adressons notre reconnaissance à famille et amis qui nous ont soutenue durant ces deux années, notamment à Maëlle et Élisabeth Milan, pour leurs précieuses relectures, et à nos fidèles amies Mailys, Sibylle, Maylis et Madeleine, pour ces cinq ans de soutien.
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HISTOIRE DE L’ART
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Fiche d’identification
Désignation : Jarre islamique à glaçure bleu turquoise ; Propriétaire : M. Thomas Bonzom ; Lieu de conservation : Marché Serpette, Saint Ouen ; Mode d’acquisition : Vente aux enchères, succession (Drouot, 2012) ; Provenance : Irak ou Syrie ? Datation : Entre le VIIIème et le XIIème siècle ? Typologie : Jarre à panse globulaire, ornée de quatre anses au niveau du col; Matériau : Terre cuite argileuse et glaçure alcaline ; Epaisseur des tessons : Entre 8 et 18 mm ;
Fig. 1 : Face A de la jarre après restauration
Dimensions après restauration : Hauteur = 36,5 cm, diamètre externe col = 13,5 cm, diamètre maximum panse = 27,2 cm, diamètre base = 11 cm ; Poids après restauration : 4,6 kg ; Façonnage : Tournage ; Description du décor : Glaçure bleue turquoise présente initialement sur l’ensemble des parois externes et internes, très altérée aujourd’hui.
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Résumé Ce travail de mémoire porte sur l’étude et la restauration d’une jarre islamique à glaçure bleu turquoise. Notre étude s’articule en trois parties afin d’aborder l’œuvre sous différents angles complémentaires. Une première partie portera sur l’étude historique de l’œuvre, afin de reconnaître sa technique de fabrication, de s’intéresser aux matériaux constitutifs, et enfin de replacer la jarre dans un contexte spatio-temporel en se basant sur une analyse typo-chronologique. De cette étude historique découlera une rapide prospection des réglementations en matière de protection du patrimoine archéologique autour du XIX-XXème siècle au Proche et MoyenOrient, permettant d’émettre des hypothèses quant au parcours propre de cette jarre. Une deuxième partie s’axera sur l’étude de conservation de l’œuvre, en analysant les altérations de la jarre afin de pouvoir poser un diagnostic et proposer un protocole de traitement. Des tests et des recherches dans la littérature scientifique viendront étayer nos propositions, afin de mettre en œuvre les traitements adaptés, en tenant compte des qualités principales d’une restauration : réversibilité et lisibilité. Enfin, une étude technico-scientifique sera menée, en lien avec les problématiques de restauration rencontrées pour cette œuvre. La particularité des lacunes à reconstituer sur la jarre nous a amenée à nous intéresser à un nouveau matériau : les pâtes minérales auto-durcissantes. Des tests de séchage, rétraction, résistance aux chocs, ou résistance à la rupture notamment, viendront étayer cette étude afin de pouvoir proposer parmi trois pâtes, celle étant la plus adéquate au comblement de lacunes d’objets en terre cuite.
Pour toute question relative à ce travail de mémoire, vous pouvez me contacter à l’adresse suivante : louise.milan-restauration@hotmail.fr.
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Abstract This thesis deals with the study and the restoration of an Islamic jar with a turquoise glaze. My study is divided into three parts, in order to discuss the work in various complementary angles. A first part will focus on the historical study, in order to recognize its manufacturing technique, to focus on the constituent materials, and to finally put the jar in a spatio-temporal context based on a typo chronological analysis. From this will result a short historical survey of regulations on protection of archaeological heritage around the nineteenth - twentieth century in the Near and Middle East, to understand the proper course of this jar. In a second part, a conservation study will analyze the alterations of the jar in order to make a diagnostic and suggest a protocol of treatments. Tests and researches in the scientific literature will support my proposals to carry out appropriate treatments, taking into account the main qualities of a restoration: reversibility and legibility. Finally, a technical-scientific study will be conducted in connection with the problems encountered during the restoration of the jar. The particularity of the lacunae has led me to focus on a new material: a self-hardening mineral paste. Drying tests, retraction, impact strength, or resistance to breach in particular, will underpin this study in order to select among three pastes, the one which is the most appropriate to the fillers of terracotta objects.
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Partie historique
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Riassumento generale
Questa tesi di fine studi si referisce allo studio ed al restauro di una giara islamica con smalto blu turchese. Il mio studio si articola in tre parti per poter discutere l’opera su diverse angolazioni complementari. Una prima parte si è concentrata sullo studio storico artistico dell’opera, per riconoscerne la tecnica di fabbricazione, interessarsi ai materiali costitutivi, ed infine inserire la giara in uno contesto spazio-temporale sulla base di un’analisi tipo-cronologico. Di questo studio storico risulterà un rapido sondaggio delle norme di protezione del patrimonio archeologico intorno al XIX-XXesimo secolo al Vicino Medio Oriente, permettendo di ipotizzare un percorso proprio della giara. Una seconda parte si è concentrata sullo studio di conservazione dell’opera, analizzandone le alterazioni per poter eseguire una diagnosi e conseguentemente una proposta per un protocollo di intervento. Testi e richerche nella letteratura scientifica corroborano le mie proposte per effettuare i trattamenti tenendo conto delle qualità principali di uno restauro: reversibilità e leggibilità. Infine, uno studio tecnico-scientifico è stato condotto in connessione con le problematiche di restauro incontrate sull’opera. La particolarità delle lacune da ricostruire sulla giara mi hanno permesso di interessarmi ad uno nuovo prodotto: una pasta minerale che si asciuga da sola. Test di essiccamento, ritiro, resistenza all’urto o alla rottura, hanno supportato questo studio per poter scegliere tra tre paste, quale ha le caratteristiche migliori per rispondere alle necessità di restauro conservativo di opere in terra cotta.
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Table des matières Remerciements ................................................................................................................................................................. 4 Fiche d’identification........................................................................................................................................................ 5 Résumé ........................................................................................................................................................................... 6 Abstract.......................................................................................................................................................................... 7 Riassumento generale ....................................................................................................................................................... 8 Table des matières ........................................................................................................................................................... 9 Avant-propos ................................................................................................................................................................13 Introduction générale ......................................................................................................................................................14
Première partie : ÉTUDE TECHNOLOGIQUE ET HISTORIQUE DE L’ŒUVRE .............. 15 Introduction........................................................................................................................................ 16
I/. Étude technologique et typologique ....................................................................................... 17 A.
ÉTUDE TECHNOLOGIQUE ........................................................................................................................17 1. Matériaux ....................................................................................................................................................................... 17 2. Technique de fabrication ................................................................................................................................................. 21 3. Cuisson ............................................................................................................................................................................ 24 4. Défauts ou traces de fabrication ..................................................................................................................................... 27 B. ÉTUDE TYPOLOGIQUE ..............................................................................................................................32 1. Forme ............................................................................................................................................................................. 32 2. Appartenance à un type de récipients : les jarres ........................................................................................................ 33 3. Usage et fonction des jarres ........................................................................................................................................... 34
II/. Contextualisation géographique et temporelle par analyse comparative ............................. 37 A. B.
LA TYPOCHRONOLOGIE ...........................................................................................................................37 DES JARRES AUX INFLUENCES PLURIELLES ..........................................................................................38 1. Une tradition partho-sassanide .................................................................................................................................... 41 2. Les débuts de l’ère islamique ........................................................................................................................................ 43 a) La période Ommeyyade : 661-749 après J.-C. ................................................................................................................ 45 b) La période Abbasside : 749-1258 après J.-C. .................................................................................................................. 49
C.
AUTRES CRITÈRES D’ANALYSE .................................................................................................................53 1. Étude de la pâte .............................................................................................................................................................. 53 2. Carte de répartition des jarres sassanido-islamiques .................................................................................................... 54 3. Pieds non glaçurés ........................................................................................................................................................... 55 D. CONCLUSIONS ET PROPOSITION DE CONTEXTUALISATION ..............................................................56
III/. Histoire propre de la jarre étudieée et relations commerciales entre Orient et Occident .. 57 A.
RECHERCHES SUR L’HISTOIRE DE L’ŒUVRE .........................................................................................57 1. Origine et arrivée probable en Europe au XIXème siècle ............................................................................................. 57 2. Acquisition par M. Bonzom, propriétaire actuel ......................................................................................................... 57 B. LES PRATIQUES AU PROCHE ET MOYEN-ORIENT CONCERNANT LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE, AUTOUR DU XIXEME SIÈCLE ............................................................................................58 1. Attrait de l’Occident pour l’art oriental au XIXème siècle ................................................................................58 2. Coutumes touristiques des voyageurs européens en Orient.......................................................................................... 60 Louise Milan – Etude et restauration d’une jarre islamique – Ecole de Condé
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10 3. Protection du patrimoine oriental et réglementations au XIX-XXème siècle ........................................................... 61 Conclusion de l’étude technologique et historique .......................................................................................... 64
Seconde partie : RESTAURATION DE L’ŒUVRE ................................................................... 65 Introduction....................................................................................................................................... 66
I/. État général de la jarre ............................................................................................................ 67
ÉTAT GÉNÉRAL À L’ŒIL NU .....................................................................................................................68
A. B.
LES MÉTHODES D'EXAMEN UTILISÉES ...................................................................................................68
II/. Constat d’état de la jarre........................................................................................................ 69 A.
ÉTAT DE LA SURFACE ................................................................................................................................69 1. État de la surface dévitrifiée ......................................................................................................................................... 69 2. État de la glaçure saine................................................................................................................................................. 73 B. ÉTAT STRUCTUREL .....................................................................................................................................77 1. Éclats ............................................................................................................................................................................... 77 2. Cassures ........................................................................................................................................................................... 78 3. Lacunes ............................................................................................................................................................................ 79 C. ÉTAT DES ANCIENNES RESTAURATIONS ...............................................................................................79 1. Collage ............................................................................................................................................................................. 80 2. Comblements ................................................................................................................................................................... 80 3. Repeints ........................................................................................................................................................................... 82 4. Couche de matière grise sur l’intérieur de la jarre......................................................................................................... 83
III/. Diagnostic ........................................................................................................................... 85 A. HISTOIRE MATÉRIELLE : ÉTAPES D'ALTÉRATION DE LA JARRE ............................................................85 1. Les défauts de fabrication ............................................................................................................................................... 85 2. Les altérations dues à l’usage ....................................................................................................................................... 87 3. Les altérations engendrées par la conservation de la jarre .......................................................................................... 87 a) Acquisition au Moyen-Orient aux alentours du XIXème siècle ................................................................................. 87 b) Héritage, successions, et vente en 2012 ............................................................................................................................ 89 c) Acquisition par Monsieur Thomas Bonzom et conservation dans sa galerie ..................................................... 90 4. Les modifications engendrées par l'ancienne restauration ............................................................................................ 90
B.
RISQUES ENCOURUS ..................................................................................................................................91 1. A court terme .................................................................................................................................................................. 91 2. A moyen et long terme .................................................................................................................................................... 92
IV/ Tests de dureté, perméabilité et salinité ............................................................................... 95 A. 1. 2. B. 1. 2. 3. C. D. 1.
TESTS DE DURETÉ DES MATERIAUX .......................................................................................................95 Dureté de la pâte ........................................................................................................................................................... 95 Dureté de la glaçure ....................................................................................................................................................... 96 TESTS DE PERMÉABILITE DE LA JARRE ..................................................................................................96 Perméabilité de la glaçure.............................................................................................................................................. 96 Perméabilité des parties dévitrifiées .............................................................................................................................. 96 Perméabilité de la pâte .................................................................................................................................................. 97 MESURE DE SALINITÉ DE LA PIÈCE ........................................................................................................97 CAHIER DES CHARGES...............................................................................................................................98 Sensibilité de l’œuvre...................................................................................................................................................... 98
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11 2. Produits utilisables ........................................................................................................................................................ 98
V/. Proposition de traitement et application ............................................................................... 99 A. B. C.
LES OBJECTIFS DE LA CONSERVATION-RESTAURATION.....................................................................99 CHOIX DU TYPE DE RESTAURATION ......................................................................................................99 CHRONOLOGIE DES ÉTAPES DU TRAITEMENT ................................................................................. 100 1. Nettoyage...................................................................................................................................................................... 100 2. Consolidation de la glaçure ......................................................................................................................................... 101 3. Dérestauration : suppression des matériaux de comblements et des repeints .......................................................... 101 4. Consolidation du collage .............................................................................................................................................. 102 5. Primaire* ..................................................................................................................................................................... 102 6. Comblement des lacunes .............................................................................................................................................. 103 7. Retouche des comblements ........................................................................................................................................... 103 D. CHOIX DES PRODUITS, MÉTHODES D’APPLICATION ET MISE EN ŒUVRE ..................................... 104 1. Nettoyage ....................................................................................................................................................................... 104 2. Dérestauration............................................................................................................................................................... 110 3. Collage ........................................................................................................................................................................... 131 4. Comblement ................................................................................................................................................................... 135 a) Comblement des cassures et éclats .................................................................................................................................... 135 b) Comblement des lacunes ...................................................................................................................................................... 138 5. Retouche ......................................................................................................................................................................... 146 6. Collage des comblements ............................................................................................................................................... 150 7. Suite de la retouche ....................................................................................................................................................... 152 8. Vernis de protection ...................................................................................................................................................... 153
Photographies des quatre faces de la jarre avant, pendant et après restauration ................................................... 155 Conclusion ................................................................................................................................................................. 156
Conseils de manipulation et de conservation ............................................................................................ 157
Troisième partie : ÉTUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE ..................................................... 159 Résumé de l’étude technico-scientifique ..................................................................................................... 160
I/. Présentation de l’étude .......................................................................................................... 161 A.
SOURCES ET INTÉRÊT DU SUJET ........................................................................................................... 161 1. Intérêts et objectifs de l’étude ....................................................................................................................................... 161 2. Sources concernant l’utilisation des pâtes minérales auto-durcissantes comme produit de comblement ................. 161 a) Etat de l’art sur les comblements de céramiques ......................................................................................................... 161 b) Quid des pâtes minérales auto-durcissantes en restauration de céramiques ...................................................... 162 c) Enquête auprès de professionnels ..................................................................................................................................... 162 3. Sélection des produits à tester...................................................................................................................................... 163
B.
CAHIER DES CHARGES POUR LES COMBLEMENTS DE CÉRAMIQUES : PARAMÈTRES ET
DÉTERMINATION DES PROPRIÉTÉS SOUHAITÉES ...................................................................................... 164
1. 2. 3. 4. 5.
Rétraction du matériau au séchage .................................................................................................................... 164 Dureté du matériau de comblement ................................................................................................................... 165 Temps de séchage ................................................................................................................................................. 165 Réversibilité........................................................................................................................................................... 166 Stabilité dans le temps ......................................................................................................................................... 166
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12 6. Masse volumique du matériau de comblement ................................................................................................... 166 7. Résistance à l’humidité ........................................................................................................................................ 167 8. Possibilité d’une retouche sus-jacente................................................................................................................... 167 C. APPROCHE SUR LES MATÉRIAUX .......................................................................................................... 168 1. Propriétés des pâtes minérales auto-durcissantes ....................................................................................................... 168 a) LETIAM : liants végétaux ..................................................................................................................................................... 168 b) CEMES-CNRS : charges minérales .................................................................................................................................. 170 2. Propriétés de l’argile .................................................................................................................................................... 172 3. Propriétés du plâtre ..................................................................................................................................................... 173 4. Avantages et inconvénients de l’utilisation d’une pâte minérale auto-durcissante .................................................. 174
II/. Expérimentations ................................................................................................................. 175 A. 1. 2. 3. B. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.
STANDARDISATION DES ÉCHANTILLONS ........................................................................................... 175 Choix des matériaux .................................................................................................................................................. 175 Formats des échantillons et protocole de fabrication.................................................................................................. 175 Matériel nécessaire pour les tests ................................................................................................................................. 176 MISE EN ŒUVRE ET RÉSULTATS DES TESTS ....................................................................................... 176 Test de temps de séchage .............................................................................................................................................. 178 Test de rétraction au séchage ....................................................................................................................................... 182 Test de dureté ............................................................................................................................................................... 186 Test de résistance aux chocs ........................................................................................................................................ 189 Test de résistance mécanique à la rupture.................................................................................................................. 193 Observations supplémentaires ..................................................................................................................................... 196 Résumé des propriétés par produit et système d’évaluation ....................................................................................... 197
III/. SOURCES D’ERREURS ET LIMITES DES PROTOCOLES ........................................ 199 A. B.
ÉVALUATION DU PROTOCOLE ET ERREURS ...................................................................................... 199 AMÉLIORATIONS ENVISAGEABLES ...................................................................................................... 200
VI/. Conclusion et perspectives de recherche ............................................................................ 201 A. B.
CONCLUSION DE L’ÉTUDE .................................................................................................................... 201 PERSPECTIVES DES RECHERCHES ........................................................................................................ 202 1. Tests de vieillissement .................................................................................................................................................. 202 2. Fabrication d’une pâte artisanale............................................................................................................................... 202 3. Tests d’adhérence à la céramique................................................................................................................................ 202
Conclusion générale .......................................................................................................................................... 203 Infographie récapitulative ............................................................................................................................................ 205 Lexique ..................................................................................................................................................................... 215 Bibliographie .............................................................................................................................................................. 206 Annexes ………………………...………………………………………………….…..……………..221
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Avant-propos Intéressée tout d’abord par la restauration de tableaux, j’ai intégré l’Ecole de Condé en 2011, en découvrant lors de la première année trois spécialités : la peinture, les arts graphiques et la céramique. C’est finalement vers cette troisième filière que je me suis tournée, appréciant particulièrement le contact direct avec la matière, le volume, ou encore les nombreux tessons d’une pièce brisée, divers éléments qui témoignent de l’histoire-même de l’objet. Ce sont toutes ces facettes de la restauration de céramiques qui m’ont réellement attirée, m’entrainant vers des stages chaque année afin d’améliorer ma pratique de la restauration et mes découvertes et connaissances des divers matériaux ou méthodes.
Ayant un attrait particulier pour le monde arabe car apprenant l’arabe depuis plusieurs années, je souhaitais orienter mon mémoire de fin d’études vers une céramique islamique. C’est après plusieurs recherches que j’ai rencontré Monsieur Thomas Bonzom, antiquaire à Saint-Ouen (93), spécialisé dans l’art islamique. M. Bonzom m’a alors proposé une jarre à glaçure bleue, présentée dans sa vitrine, en m’indiquant qu’elle proviendrait d’Irak. C’est cette jarre qui deviendra mon œuvre de mémoire, comportant les qualités esthétiques, historiques, et techniques que je recherchais.
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Introduction générale Ce mémoire porte sur l’étude et la restauration d’une jarre à glaçure bleue, prêtée par M. Thomas Bonzom, antiquaire spécialisé dans l’art islamique. Cette céramique fut achetée lors d’une vente aux enchères, sous la seule désignation de « pot à glaçure bleue ». Son propriétaire actuel, fin connaisseur de l’art islamique, nous indiquait qu’elle proviendrait selon lui d’Irak, et serait datée entre le VIIIème et le Xème siècle. La précédente restauration de l’œuvre laissait découvrir un collage et des bouchages, bien qu’aucune trace écrite ne soit disponible et que l’étendue des interventions ne soit absolument pas connue. Cette restauration s’avérait très, voire trop visible, entravant largement la lisibilité de l’œuvre. Des éclats* rendaient également compte d’un vieillissement des matériaux utilisés. M. Bonzom souhaitait donc une nouvelle restauration pour cette jarre, mais surtout une retouche rendant son esthétique à l’œuvre. Outre sa qualité esthétique, cette jarre nous a tout de suite semblé présenter un intérêt particulier, car témoin d’une époque et d’une civilisation : celle de l’art islamique. Nous tenterons donc par notre étude, de comprendre l’utilité originelle de cette jarre, et de la rapprocher d’un contexte spatio-temporel. Enfin, nous pourrons formuler des hypothèses quant au parcours même de cette œuvre pour interpréter son arrivée jusqu’à nous. Les problématiques posées lors de la restauration de la jarre, nous ont amenée à nous questionner sur l’utilisation d’un nouveau matériau de comblement : les pâtes minérales autodurcissantes. L’étude scientifique portera donc sur trois pâtes auto-durcissantes, pour lesquelles des tests viendront confirmer ou non leur possibilité d’utilisation en restauration de céramiques, et proposer la pâte la plus optimale pour le comblement de lacunes d’objets en terre cuite. Les trois parties de ce mémoire étant menées de front, des renvois entre l’analyse historique, la restauration de l’œuvre, et l’étude scientifique peuvent avoir lieu. Des découvertes lors de la restauration par exemple, ont pu étayer l’étude historique, et engendrer le sujet d’étude scientifique.
Addendum : Tous les mots suivis d’un astérisque* sont définis dans le lexique page 217. Lorsque les photographies ne sont pas personnelles, la source est précisée dans le texte ou en légende.
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Première partie : Étude technologique et historique de l’œuvre
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Introduction
La jarre choisie comme support à ce mémoire de fin d’études, nous fut confiée par un antiquaire collectionneur d’art islamique, Monsieur Thomas Bonzom. Fin connaisseur de cet art de l’Islam, celui-ci nous indiquait qu’elle viendrait selon lui d’Irak, et serait datée entre le VIIIème et le Xème siècle. Plusieurs problématiques technico-historiques se sont dès lors posées : dans quel contexte spatio-temporel cette jarre fut elle façonnée ? À quoi servait-elle ? Sa typologie particulière la rapproche-t-elle d’une dynastie, d’un peuple ? Notre étude s’articule donc autour de trois axes principaux. Tout d’abord une étude technologique et typologique, afin d’observer attentivement cette œuvre, les traces de sa fabrication et de son usage, pour répondre à une première interrogation concernant son usage initial. Un second axe de recherches est la contextualisation spatio-temporelle de cette jarre, par étude typochronologique. Grâce à l’analyse d’autres jarres similaires, nous tenterons de replacer cette œuvre dans son contexte de création. Enfin, nous nous intéresserons au parcours potentiel de cette jarre, impliquant l’histoire des relations commerciales entre Orient et Occident et l’investigation des pratiques en matière d’archéologie autour du XIXème siècle.
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I/. ÉTUDE TECHNOLOGIQUE ET TYPOLOGIQUE « La céramique que nous ont laissée les peuples de l’Orient musulman est d’une abondance et d’une variété surprenantes. On n’admirera jamais trop la beauté de ses formes plastiques, l’éclat de ses couvertes, la fantaisie et la liberté en même temps que la richesse de ses décors1 ». Gaston Migeon
A. Étude technologique 1. Matériaux
a) La pâte
La jarre étudiée, composée semble-t-il de 38 tessons, a déjà été restaurée comme nous le verrons plus tard dans cette étude, et notamment recollée. C’est donc seulement après décollage de certains tessons que nous pourrons avoir accès aux tranches et à la pâte. Nous pouvons tout de même obtenir quelques informations en regardant l’aspect extérieur de la jarre, ou encore au niveau des éclats de pâte. En surface, elle est de couleur plutôt grise, mais elle comprend une multitude de teintes allant du gris foncé au gris clair, en passant par l’ocre. Au cœur, au niveau des tranches, elle est plutôt orangée, jaunâtre, beige. C’est une pâte dite « argileuse », composée en majorité d’argile et d’un dégraissant (sable, chamotte…).
Fig. 2 : Eclats dans la pâte, teinte orangée
D’après l’observation de cette jarre par Guy Musculus, ingénieur de la céramique, cette pâte contiendrait entre 50 et 60% d’argile, auxquels s’ajoutent de la silice, des illites, du kaolin et un peu de sable. Une argile est composée essentiellement de silice, d’alumine, d’oxyde de titane, mais aussi d’une quantité importante d’impuretés (carbonate de calcium par exemple) qui influe sur la qualité et les réactions à la cuisson de la pâte2. L’utilisation d’une pâte argileuse peut nous apporter des éléments d’analyse concernant la datation de la jarre. En effet, les premières céramiques islamiques3 sont réalisées à partir du VIIIème siècle en pâte argileuse. Yves Porter indique que « pour les usages courants, la céramique iranienne s’accommode d’une Gaston Migeon, Henri Jules Saladin, Arts d’Islam, Parkstone, 2009. Yves Porter, Le prince, l’artiste et l’alchimiste – La céramique dans le monde iranien…, 2011, p. 63. 3 Nous développerons l’idée de « céramique islamique » un peu plus loin dans ce mémoire (Cf. p. 43). 1 2
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18 pâte argileuse. Celle-ci […] est relativement peu onéreuse à mettre en œuvre, tant du fait des matériaux que de la cuisson moins longue et à température moins élevée4 ». Y. Porter ajoute que ce type de pâte argileuse comprend un important retrait au séchage, qui doit être lent. « Le succès de l’application d’une glaçure complexe sur un support qui ne présente guère de cohésion avec elle s’avère dès lors aléatoire, l’échec étant souvent la conséquence des importants trésaillements inhérents à la confrontation des matériaux aux comportements physiques aussi contradictoires5 ».
b) La glaçure* Composition chimique de la glaçure
D’après le dictionnaire encyclopédique de la céramique6, le mot « glaçure » viendrait de l’allemand « glasur », et serait employé en France depuis le XVIIIème siècle. C’est une couche vitreuse, se rapprochant du verre, qui est posée sur une terre avant cuisson. Cette glaçure permet d’imperméabiliser la terre cuite, et peut aussi servir d’élément décoratif. Il existe plusieurs familles de glaçures, classées et nommées selon leur composition chimique. Les principales sont les glaçures stannifères (ajout d’oxyde d’étain conférant à la glaçure son opacité et souvent sa couleur blanche), les glaçures plombifères (oxyde de plomb), et les glaçures alcalines. « Une glaçure est dite alcaline lorsque les fondants qu’elle contient sont surtout des alcalis (sodium, potassium ou lithium) plutôt que l’oxyde de plomb, les oxydes des métaux alcalinoterreux ou l’oxyde de bore7 ». On peut observer sur la jarre étudiée que la glaçure possède une coloration bleue turquoise, et qu’elle est relativement transparente. Elle laisse en effet transparaitre la couleur de la pâte sous-jacente, particulièrement aux endroits où elle est posée en couche fine. Pour ce type de glaçure, le fondant classique à base de plomb est remplacé par un fondant alcalin (à base d’oxyde de potassium)8. Cette glaçure est alors qualifiée d’ « alcaline », elle est principalement composée d’oxydes fondants tels que la soude et la potasse. Elle possède également un oxyde vitrifiant, la silice, et un oxyde stabilisant permettant d’augmenter la viscosité de la glaçure : l’alumine Al2O3 ou le calcaire CaO (chaux).
Yves Porter, op. cit., p. 57. Loc. cit. 6 Jean-Paul Van Lith, Céramique, dictionnaire encyclopédique, Les éditions de l’Amateur, 2000, pp. 187-193. 7 Daniel Rhodes, Terre & glaçure – Les techniques de l’émaillage, Ed. Dessain et Tolra, 1999, p. 107. 8 Source URL : www.guimet-grandidier.fr/html/4/outils/. 4 5
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On rapporte l’apparition des premières glaçures alcalines turquoises, au cuivre, à 5000 ans avant J.-C., en Egypte et en Mésopotamie – le verre étant apparu entre 5000 et 3000 avant J.-C. dans ces mêmes régions. La glaçure alcaline est en fait une glaçure d’origine égyptienne, pouvant varier du bleu turquoise au vert bouteille. Les glaçures alcalino-calcaires sont les plus anciennes9. Composées de soude, de potasse et de chaux, elles possèdent les mêmes teintes que les glaçures alcalines, mais elles ne sont pas transparentes. Elles sont bien souvent très altérées, et « recouvertes d’une pellicule irisée blanchâtre due à leur long séjour dans le sol10 ». Ce type de glaçure se retrouve chez les Assyriens et les Achéménides, au sud de la Mésopotamie puis en Iran. La glaçure est localisée sur les parois externes et internes de la pièce. Sur l’extérieur, comme nous le verrons dans le constat d’état de l’œuvre (Cf. Altération et perte de glaçure p.70), la glaçure est très altérée, elle s’est dévitrifiée et a perdu sa coloration sur une majeure partie de la pièce. Elle n’est plus visible que sur la face A, sur la partie gauche de la face B, et très partiellement sur la partie inférieure de la face C.
Fig. 3, 4, 5, 6 : Présentation des quatre faces après suppression des comblements, et visibilité des la perte de glaçure
Sur les parois internes, la glaçure est présente partout bien qu’elle soit très encrassée par la poussière et les concrétions. Elle est aussi très fine, mais n’est pas irisée, et possède une coloration turquoise bien plus claire. Dans l’ouvrage de référence de Jean Soustiel, une note est rédigée par Charles Kieffer, alors directeur technique de la manufacture nationale de Sèvres, au sujet des glaçures alcalines. On peut y lire que « les verres ne contenant que des oxydes vitrifiants comme la silice et des
9
Jean-Paul Van Lith, op. cit., p. 188. Loc. cit.
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20 oxydes fondants sont malheureusement très altérables aux agents atmosphériques et à l’eau. Il est donc nécessaire d’ajouter dans les verres des oxydes stabilisants11 ».
Coloration de la glaçure
Une glaçure est à l’origine incolore, la coloration est due à l’ajout d’oxydes métalliques dans la composition primaire. Celle de la jarre étudiée possède une très belle coloration monochrome turquoise. C’est l’oxyde de cuivre CuO, qui lui confère cette tonalité turquoise, il se rattache à la famille des colorations ioniques. Ce type d’oxydes se dissout dans la glaçure12, a contrario des colorations par pigmentation pour lesquelles les oxydes se dispersent seulement dans la glaçure. Ce turquoise est aussi du à la composition de la glaçure alcaline elle-même, car dans le cas d’une glaçure plombifère, l’oxyde de cuivre confèrerait une coloration verte. Grâce à Guy Musculus, nous avons pu rapprocher notre glaçure de certains de ses tests de fabrication de glaçures bleu turquoise. Nous avons donc assimilé la couleur de notre couverte à celle numérotée 34 sur l’un de ses échantillonnages (Cf. Fig. 7 ci-dessous), ce qui nous a permis d’avoir une approche de la composition de la glaçure : il pourrait s’agir de 1,5% d’oxyde cuivrique, 10% d’alcalis, 5% de carbonate de calcium, 82,5% de fritte. Il faut effectivement au moins 10% d’alcalins pour obtenir une coloration turquoise.
Fig. 7 : Echantillonnage de glaçure bleu turquoise
11 12
Fig. 8 : Glaçure bleue sur la face A de la jarre
Jean Soustiel, La céramique islamique, coll. Le Guide du connaisseur, 1985, p. 367. Jean Soustiel, op. cit., p. 367.
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L’utilisation du cuivre, ou mes-e sukhte ن حاسen arabe (« cuivre calciné »)13, était répandu à l’époque en Orient ; le déploiement des ateliers de métallurgie permettait un accès relativement aisé à ces ressources cuprifères14. Ce bleu-vert émanant de l’oxyde de cuivre est une des couleurs les plus anciennes. Les gisements métallifères des pays orientaux rendaient possible l’exploitation du cuivre, dès la période préislamique, et toujours durant l’ère abbasside15. Ces minerais cuprifères étaient notamment très présents au Yémen, en Oman – d’ailleurs appelé « la Montagne de Cuivre »16 –, et dans la péninsule arabique en général.
2. Technique de fabrication
Un objet tel que cette jarre peut être façonné selon différents procédés : il peut être tourné, monté au colombin*, estampé… Il faut donc chercher des signes sur l’objet qui seraient témoins de la technique utilisée. a) Traces de stries : signes d’un façonnage au tour
Sur cette jarre, des stries circulaires sont localisées au niveau de la base, mais aussi au niveau du col* de la jarre, sur la face interne. Cela indique que cette jarre a été tournée. Le tournage est un « procédé de façonnage par lequel la forme est donnée à partir d’une motte de pâte par la force centrifuge développée par un mouvement circulaire rapide17 ». Ces stries sont aussi visibles sur les parois intérieures de l’objet. La surface externe a par contre été lissée, car on n’y perçoit plus ces traces de tournage.
Fig. 9 et 10 : Traces de stries sur la base et sur l’intérieur du col
J.W. Allan, Abu’l-Qasim’s Treatise on Ceramics, Iran, 11, 1973, pp. 112-118. Annie Caubet et al, Faïences de l’Antiquité. De l’Egypte à l’Iran, Musée du Louvre Editions, 2005, p. 20. 15Audrey Peli, « Les mines de la péninsule Arabique d’après les auteurs arabes (VIIe - XIIe siècles) », Chroniques yéménites, 2006, URL : http://cy.revues.org/1176. 16 Loc. cit. 17 Hélène Balfet et al., Lexique et typologie des poteries – pour la normalisation de la description des poteries, Presses du CNRS, 1989, p. 59. 13 14
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22 Ce traitement de la surface externe est appelé le « ravalement ». [Il consiste à] « passer la main mouillée sur la surface humide, une fois le vase monté. Un grand nombre de vases de céramique commune (assiettes, jarres, marmites…), non enduits, sont finis de la sorte ; ce traitement n’a pas pour objet d’embellir le vase, car la surface reste mate, mais simplement de faire disparaitre les stries de tournage ou les traces de doigts du modelage18 ».
Le tour est un « dispositif pivotant permettant de donner à une masse d’argile un mouvement circulaire à une vitesse suffisante (environ 60 tours minutes) pour que la forme se crée sous l’effet conjugué des mains et de la force centrifuge19 ». Plusieurs types de tours existent : les tours lancés par un assistant, les tours à pied entrainés par le pied du potier grâce à une roue reliée à l’axe vertical du tour, les tours à bâton, ou encore les tours-toupie lancés grâce à un volant permettant de maintenir la rotation. Dans Technique du tournage20, l’auteur indique qu’un « tour sur lequel on va façonner de grandes formes doit être mû à des vitesses lentes et constantes. Comme la force centrifuge s’accroit en fonction de la longueur du rayon, la vitesse sera moindre pour la mise en forme de grands objets que pour des formes plus petites. » Y. Porter rapporte l’apparition du tour à pied à la période protohistorique, et en Iran particulièrement à l’époque dite Sialk III, vers 3500 av. J.-C. Il décrit alors le procédé du tournage comme une « motte d’argile toujours posée sur un plateau, lui-même relié par un axe vertical à un disque que le potier actionne du pied pour le faire tourner et modeler la pièce 21 ». Cela marqua un tournant dans la fabrication des objets en céramique, permettant l’évolution et la diversité des formes.
b) Façonnage du corps de la jarre : tournage
Le façonnage d’une pièce au tour comprend plusieurs étapes. Tout d’abord, une motte de terre est préalablement préparée selon des gestes précis afin que les feuillets s’organisent tous dans le même sens. C’est ce qu’on appelle communément le pétrissage de la terre. La balle de terre est ensuite travaillée au tour ; le potier forme un trou sur le haut de la motte, y place ses deux pouces afin de donner une première forme creusée. On parle alors d’ébauchage, le potier peut donner à sa pièce la forme désirée en créant notamment des arrondis à l’intérieur, et en la faisant plus ou moins haute.
Jean-Yves Montchambert, Ras Shamra-Ougarit XV, La céramique d’Ougarit – Campagnes de fouilles 1975 et 1976, Editions Recherche sur les Civilisations, 2004. 19 Hélène Balfet et al., op.cit., p. 59. 20 John Colbeck, La poterie : Technique du tournage, Editions Dessain et Tolra, 1981. 21 Yves Porter, op. cit., p. 46. 18
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Les parois d’un objet tourné sont affinées au fur et à mesure, en allant vers le haut. Cela se retrouve d’ailleurs sur la jarre étudiée, dont les tessons du bas ont une épaisseur maximale de 18 mm, tandis que les tessons au niveau du col ont une épaisseur de 8 mm. L’écart d’épaisseur maximal sur la jarre est donc de 10 mm. La lèvre* supérieure est aussi façonnée ; dans le cas de la jarre étudiée, ce rebord est plus épais que le reste des parois.
Fig. 11 : Etapes du tournage
Vient ensuite l’étape de tournassage qui permet d’affiner une pièce déjà légèrement séchée. Cette étape concerne particulièrement le pied, travaillé en plaçant la pièce séchée à l’envers sur la girelle*, c'est-à-dire le pied vers le haut. On peut noter des irrégularités de l’épaisseur des parois de la jarre, ce qui indique qu’elle devait être mal centrée sur le tour. Cela confirme également l’hypothèse d’une jarre commune fabriquée en série.
c) Garnissage
Une fois le corps de la jarre tournée, les quatre anses sont ajoutées. Cet ajout d’éléments s’appelle le « garnissage ». Les anses à percée horizontale sont collées au corps de la jarre à l’aide de barbotine, avec une pression du pouce. On peut reconnaitre cette trace du pouce au niveau des points d’attache des anses, qui s’aplatissent petit à petit jusqu’à épouser le reste de la pièce.
Fig. 12 : Etapes du garnissage de la jarre Louise Milan – Etude et restauration d’une jarre islamique – Ecole de Condé
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24 d) Décoration
Le seul décor présent sur cette jarre est sa glaçure bleu turquoise. Elle peut être posée par trempage, rinçage, aspersion, pulvérisation ou encore pose au pinceau. Pour cette jarre, la technique employée semble être l’aspersion, au vu de la localisation de la glaçure et des coulures notamment. L’émaillage par aspersion consiste à remplir un récipient d’émail*, puis à le verser progressivement sur l’extérieur de la pièce ; d’où l’irrégularité de l’épaisseur de la glaçure, et la présence de coulures. Sur cette pièce, la glaçure est posée en deux couches : une première très fine, la rendant translucide. Cette couche a été posée sur l’ensemble des parois externes de l’objet. Une seconde couche plus épaisse a été posée sur la partie supérieure de l’objet, jusqu’à la moitié de la panse* environ, et présente elle des coulures. Sur les parois internes, la glaçure est présente partout, bien qu’elle soit très encrassée par la poussière et les concrétions. Elle est visible en couche très fine, mais n’est pas irisée. On distingue aussi quelques coulures sur les parties internes du col.
2ème glaçure 1ère glaçure Terre cuite argileuse
Fig. 13 : Coulures de la glaçure sur l’intérieur du col
Fig. 14 : Coupe schématique d’un tesson
3. Cuisson
a) Généralités
Selon la pâte utilisée, la température de cuisson ne sera pas la même, bien que toutes les céramiques soient cuites entre 500°C et 1500°C environ. Durant la cuisson, les pièces subissent une déshydratation : toute l’eau de la terre s’évapore, ce qui entraine la perte totale et définitive de plasticité22. A ensuite lieu la vitrification de la céramique, grâce à la « fusion progressive des particules de la pâte qui se transforme en un matériau vitreux. Elle s’accompagne d’un accroissement de la dureté, de l’imperméabilité et de la sonorité du matériau23 ».
22 23
Hélène Balfet et al., op. cit., p. 65. Ibid., p. 66.
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L’atmosphère de cuisson est également très importante, puisqu’elle influe sensiblement sur la coloration de la glaçure. On distingue deux atmosphères de cuisson : oxydante, ou réductrice. La première « contient de l’oxygène libre et favorise de fait l’oxydation de la pâte, et
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notamment des matières organiques et des composés ferreux », tandis que la seconde « ne contient pas d’oxygène libre ; la combustion des matières organiques s’y produit lentement et les composés ferreux ne sont pas oxydés24 ». L’ouvrage Terres secrètes de Samarcande25 décrit le fonctionnement de ces fours et la disposition des pièces à l’intérieur : « La majorité des pièces étaient placées sur des bâtons d’enfournement en terre cuite, plantés dans les trous de 10 à 15 cm de profondeur, qui couvraient en rangs horizontaux toute la surface verticale des parois. La densité de ces bâtons pouvait facilement être modifiée par le potier. On y accrochait les récipients par l’anse ou par le bord de l’ouverture, directement ou à l’aide de crochets en terre cuite. Si les bâtons étaient disposés de manière suffisamment dense, on pouvait placer sur eux, comme sur une étagère, une cruche par exemple ou une pile de plats creux. La disposition des pièces à l’intérieur du four demandait un grand savoir-faire, une connaissance des températures obtenues dans les différentes parties de la chambre pendant la cuisson, ainsi que les particularités de la réaction à la cuisson des diverses formes de vaisselle. Une fois les pièces disposées et le four complètement chargé, on refermait avec des briques et de la terre la bouche d’enfournement, tout en laissant un petit regard que l’on pouvait facilement ouvrir en cas de besoin 26 ».
Fig. 15 : Coupe d’un four du Xème siècle, Figure tirée de « Terres secrètes de Samarcande, Céramiques du VIIIe au XIIIe siècle », p. 36
Loc. cit. G.V. Shishkina, L.V. Pavchinskaja, Terres secrètes de Samarcande, Céramiques du VIIIè au XIIIè siècle, Institut National du Monde arabe, 1992. 26 Ibid., pp. 31-45. 24 25
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26 Deux types de fours sont connus de cette période : les fours à sole et les fours à flamme renversée. « Ils sont composés de deux chambres : le foyer et le laboratoire ou chambre de cuisson ; ces deux niveaux sont séparés par une sole percée de plusieurs trous dans le cas des fours à sole et, généralement, d’un trou central pour les fours à flamme renversée27 ».
Les fours à sole : Les plus anciens, « sans doute apparus au cours du IVe millénaire avant J.-C. et coïncident avec l’invention des tours de potier, à une époque où la spécialisation des métiers d’artisans a favorisé l’amélioration des équipements dans chaque métier28 ». Exemples de fours de l’époque islamique trouvés à Siraf, Samarkand, Kashan…
Les fours à flamme renversée : « plus récents, se remarquent pour notre période d’étude, à Bagdad, Nishapur et Meskene en Syrie29 ».
Les fours à barres : « Le four à barres ne comporte qu’une seule chambre. Une banquette circulaire sépare la partie inférieure de la chambre supérieure, plus large. La première, dite aussi foyer, est creusée dans le sol […]. En partie supérieure, les parois de brique présentent sur leur face interne des rangées régulières de trous destinés à recevoir les barres d’enfournement30 ».
b) Hypothèse d’une température de cuisson
La jarre étudiée ne présente pas d’indices concernant son enfournement et sa cuisson ; on ne distingue par exemple par de traces de pernettes. On sait par contre que la jarre a subi une cuisson en oxydant, car elle ne présente pas de zones noires comme on peut en voir sur les pièces cuites en réduction, excepté sur une zone très délimitée de la base. C’est également lors d’une cuisson oxydante que l’oxyde de cuivre présent dans la composition de la glaçure, confère cette tonalité turquoise. En cuisson réductrice, l’oxyde de cuivre aurait viré au rouge.
Yves Porter, op. cit., p.51. Loc. cit. 29 Ibid., p. 52. 30 Loc. cit. 27 28
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Selon Guy Musculus, cette jarre aurait subi une mono cuisson d’une température d’environ 980°C. Jean-Paul Van Lith explique au sujet des glaçures alcalines, qu’elles « cuisent à basse température (940°C à 1050°C environ) et donnent des couleurs brillantes31 ». Leurs défauts sont le « trésaillage sur beaucoup d’argiles, la tendreté et une tendance excessive à couler à la cuisson32 ». On retrouve ces coulures sur la glaçure de la jarre, notamment sur la face A présentée ci-dessous, où la glaçure est encore la plus visible.
Fig. 16 : Schématisation en rouge des contours des traces de coulures de la glaçure, face A
4. Défauts ou traces de fabrication
Des défauts de fabrication sont à relever sur la jarre. Ceux-ci peuvent résulter de la préparation de la terre, du façonnage, ou encore de la cuisson. Ils sont donc eux aussi des signes de fabrication et en disent davantage sur l’objet.
a) Mauvaise verticalité
Bien que la base de la jarre soit plate, on note que l’axe vertical n'est pas droit, ce qui produit un léger déséquilibre sur la jarre, et peut la rendre bancale. Ainsi, si on trace une droite partant du centre de la base, comme en rouge sur la figure ci-contre, et passant par le centre du diamètre du col, cette droite est inclinée d’environ 10° par rapport à l’axe réellement vertical, en noir.
Fig. 17 : Inclinaison d’environ 10° de l’axe de la jarre
En la comparant avec d’autres jarres similaires présentées plus tard dans cette étude, il semble que ce problème de verticalité ne soit pas commun. À ce stade des recherches, nous pouvons donc émettre deux hypothèses : soit un problème de centrage lors du tournage de la pièce, soit un problème de base mal recollée. En effet, un comblement en plâtre est présent sur tout le tour de la base, il semble donc révéler que ce tesson puisse être dissocié du reste de la jarre.
31 32
Jean-Paul Van Lith, op. cit., p. 188. Loc. cit.
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28 b) Surépaisseur de la pâte : hypothèse sigillaire ?
Entre les faces B et C de la jarre, au milieu de la hauteur, une surépaisseur de la pâte attire l’œil. Son contour extérieur est très circulaire, avec un diamètre d’environ 4 cm, mais cette empreinte est en partie recouverte de plâtre et de peinture, empêchant de distinguer quelconque motif. Après suppression de ce comblement, nous nous apercevrons que l’empreinte est en réalité très abrasée et que des lignes de cassures* la traversent.
Fig. 18, 19, 20, 21: Localisation, dessin de l’empreinte, et détails avant et après suppression du comblement
L’hypothèse d’un sceau est alors émise. Le terme sceau vient du latin sigillum, diminutif de signum, qui signifie signe ou marque. L’ouvrage Sceaux et usages de sceaux, nous indique que « Les premiers usages [de sceaux], attestés par l’archéologie, datent de la Préhistoire ; ils sont liés aux impératifs de conservation, de distribution et de comptabilité des réserves alimentaires, dans une phase d’épanouissement des civilisations néolithiques33 ».
33
Jean-Luc Chassel (dir), Sceaux et usages de sceaux – Images de la Champagne médiévale, Somogy Editions d’art, 2003, p. 25.
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Pour un fragment de scellement d’une jarre du Musée du Louvre34, il est décrit que ces sceaux servent essentiellement de marques de contrôle de récipients. Ils sont généralement appliqués sur les bouchons de jarres. On en retrouve également plusieurs exemples sur des anses de jarres ou d’amphores. On peut faire remonter l’usage des sceaux en Mésopotamie au Code d’Hammourabi, qui permettait d’identifier les animaux d’un même propriétaire grâce à leur marquage sur la peau au fer rouge35. Se développe ensuite l’utilisation des sceaux cylindriques en argile, pierre, os ou métal. « Dès cette date, on assiste à un développement rapide des échanges commerciaux dans tout le moyen orient, de pair avec un essor de l’utilisation des sceaux et sceaux cylindriques en argile, en pierre, en os et en métal, et ce depuis la vallée de l’Indus à la plaine du Tigre et de l’Euphrate, de la mer Egée à l’Egypte, du Tibet à la Chine et au Japon. A partir du XIIème siècle avant J.-C., le sceau, le sceau cylindrique et le cartouche furent remplacés par des inscriptions directes incisées sur les jarres et les amphores, dits « timbres amphoriques », que les Phéniciens puis les Grecs utilisèrent dans la plupart de leurs transactions. Ces timbres comportaient des inscriptions variées telles que : anthroponymes, abréviations, lettres seules, monogrammes, indications de capacité et de contenu de l’amphore ou éléments figuratifs36 ».
Dans une revue Archéologue concernant les marques sur les amphores37, il est indiqué que « le négociant devait reconnaître ce que contenait l’amphore. Il inscrivait donc les caractéristiques dessus38 ». Un schéma décrit aussi les différentes inscriptions susceptibles d’apparaître sur les amphores : le poids de l’amphore vide, le nom du commerçant exportateur, le poids de l’huile contenue dans l’amphore, le nom du domaine du producteur et du propriétaire. Dans le cas de la jarre étudiée, ce sceau aurait été apposé par estampage, c'est-à-dire que la matrice aurait été pressée sur la terre avant la cuisson – et donc par le potier et non le négociant -, afin de laisser en creux, la trace de son dessin en relief. Ce type d’inscriptions est aussi appelé estampilles39. Plusieurs exemples de matrices ou sceaux sont visibles au Musée du Sceau, à La Spezia (Italie). Certains sont présentés dans l’ouvrage sigillographique Les sceaux, empreintes du pouvoir40 ; ce genre de sceaux proviennent du nord de l’Iran aux alentours du IIe millénaire avant J.-C. pour celui de gauche présenté à gauche à la page suivante, et de l’Iran oriental autour du IIIème – Source URL : www.louvre.fr/oeuvre-notices/fragments-de-scellement-de-jarre-portant-l-empreinte-d-un-sceaucylindre-representant. 35 Salvatore di Palma, Histoire des marques depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen-âge, Société des Ecrivains, 2014, p. 24. 36 Loc.cit. 37 Archéologue, n°40, « Marques sur amphores », Février-mars 1999. 38 Ibid., p. 20. 39 Martine Sciallano, Patricia Sibella, Amphores : comment les identifier ? Edisud, 1991, p. 20. 40 Marzia Ratti, Les sceaux, empreintes du pouvoir, Editions Langlaude, 2001, pp. 34-35. 34
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30 IIème millénaire avant J.-C. pour celui de droite. Ils étaient utilisés pour marquer les récipients avant la cuisson, ou aussi utilisés comme amulettes ou marques de reconnaissance. Leur forme circulaire et lobée présente de grandes similarités avec le sceau visible sur la jarre étudiée.
Fig. 22 : Matrice trilobée de forme tréflée en cuivre, avec appendice de préhension cylindrique percé dans sa partie supérieure, en forme d’oiseau
Fig. 23 : Sceau plat en cuivre avec appendice de préhension en anneau. Provient de l’Iran oriental, 32mm de diamètre. Typologie des sceaux géométriques à compartiments de la Bactriane
Un autre sceau présenté comme provenant du Proche-Orient et daté du XVI-XVIIème siècle, est présenté dans Fragments du Proche-Orient41. Sceau en bronze de forme ronde et de diamètre de 4,7 cm, il est exposé avec son empreinte présentant de grandes similarités avec celui visible sur la jarre étudiée. Il comporte une « croix pattée en forme de trèfle », et une inscription circulaire « Vin de Dieu » ; il aurait eu pour fonction de marquer les amphores de pain et de vin destinées à l’eucharistie, ou bien offertes par des fidèles à l’église, comme dons alimentaires pour les pauvres42. .
Fig. 24 : Sceau-marqueur et son empreinte, Proche-Orient, XVI-XVIIème siècle
41 42
Patrick Maxime Michel, Fragments du Proche-Orient - La collection archéologique de René Dussaud, 2014, p. 41. Loc. cit.
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c) Surépaisseur de glaçure
Des bourrelets sont visibles sur la partie externe de la jarre, au niveau de la panse. Ces bourrelets correspondent en fait à des coulures de glaçure. Cette glaçure semble avoir été posée en deux couches : une couche fine, qui a pu être posée sur tout l’extérieur de la jarre, puis une deuxième couche, bien plus épaisse, posée sur le haut de la panse. Cette épaisse couche de glaçure a provoqué des coulures que l’on peut observer, créant une frise de vagues en surépaisseur par rapport au reste de la panse. Bien qu’une majeure partie de la glaçure ait été fortement altérée et ait perdu sa coloration et sa vitrification, l’épaisseur de la matière reste toujours présente sur tout le pourtour de la jarre. On peut donc observer cette ligne sur la partie de la jarre où le bleu n’est plus présent, comme sur la photographie ci-dessous.
Fig. 25 et 26 : Photographie et dessin des délimitations des coulures (en rouge) de la glaçure en surépaisseur sur la jarre, sur la partie très altérée de la glaçure
Ces coulures sont aussi visibles sur la partie toujours très colorée de la glaçure. Sur les photographies ci-dessous, on dissocie tout à fait la couche très fine de glaçure, et pardessus la couche plus épaisse avec la coulure de glaçure.
Fig. 27 et 28 : Détail et localisation des coulures de glaçures sur la face A de la jarre
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B. Étude typologique 1. Forme
Cette céramique est une jarre à panse ovoïde*, surmontée d’un col à bords droits et relativement cylindrique, qui se termine par une lèvre bilobée*, à épaississement externe et arrondi. Le col ne comporte pas de bec verseur. Ce récipient mesure 36,5 cm de hauteur, et 27,2 cm à son plus large diamètre. Quatre anses ornent le pourtour du col. Une anse est un « appendice de forme allongée fixé à un récipient par ses deux extrémités, permettant de le saisir en y passant la main ou au moins un doigt43 ». Ces anses ont un point d’attache supérieur à mi- col, et sont reliées à la partie supérieure de la panse, que nous appelons l’épaule. Comme on le retrouve dans la thèse de M.-O. Rousset44 au sujet d’une jarre trouvée à Rahba en Syrie, « l’attache inférieure est écrasée sur les côtés, c'est-à-dire qu’elle porte la trace des doigts qui ont déplacé un peu de pâte vers le vase ». Ces signes correspondent à la « tracéologie », c'est-à-dire que l’on peut percevoir les gestes réalisés par le potier, dans l’aplatissement du point d’attache inférieur de ces anses notamment. Les quatre anses sont réparties symétriquement autour du col, comme visible sur le schéma ci-dessous. Elles ont une épaisseur d’environ 15 mm, et une largeur comprise entre 36 et 45 mm selon les anses. L’épaisseur des parois de la jarre varie entre 8 et 14 mm. 272 mm
109 mm
135 mm
Fig. 29 : Schéma de la disposition des anses, vue de haut
Hélène Balfet et al., op. cit., p. 34. Marie-Odile Rousset, Contribution à l’étude de la céramique islamique : analyse du matériel archéologique de Rahba - Mayadin (Syrie, vallée de l'Euphrate), p. 248. 43 44
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Le diamètre du bas de la panse se rétrécie jusqu’à retrouver presque le même diamètre qu’au niveau de l’ouverture. La partie inférieure de la céramique est constituée d’un pied plat d’environ un cm de hauteur. Afin de bien visualiser la forme de la céramique étudiée, un dessin archéologique a été élaboré, tracé en grandeur nature sur une feuille A3 à l’aide d’un conformateur. Il est disponible à la page 38 de ce mémoire, sur un format A3 destiné à demeurer ouvert durant la lecture du rapport. Sur ce dessin archéologique, la partie gauche représente une coupe interne avec l’épaisseur des parois, et la partie droite les parois externes. Les termes représentant les différentes parties composant l’objet ont été inscrits.
2. Appartenance à un type de récipients : les jarres
Deux catégories de récipients peuvent se distinguer45. Les formes sont dites ouvertes, lorsque l’ouverture de la céramique représente le diamètre maximal. Ces récipients sont en général destinés à la transformation, la présentation ou la consommation des aliments. La deuxième catégorie regroupe les formes fermées, appelées ainsi lorsque le diamètre maximal est supérieur à celui de l’ouverture. Celles-ci sont plutôt destinées au transport ou au stockage de liquides ou de vivres46. J. Mouliérac précise que ces formes présentent souvent des similarités avec les mêmes pièces en métal, celles en céramiques étant des productions moins coûteuses. D’après l’analyse de la forme de la céramique étudiée, on comprend qu’elle se rapporte à la typologie des jarres*. Les jarres sont des pièces réalisées pour la conservation de denrées, ou de liquides. Dans l'ouvrage La Poterie du Néolithique aux temps modernes47, on trouve une définition des jarres qui est la suivante : « vase globulaire* ou ovoïde de grande dimension, à ouverture étroite, ordinairement sans anse et sans dispositif verseur, très exceptionnellement muni d'une seule anse et parfois d'un bec verseur48 ». Dans notre cas cependant, la jarre présente quatre petites anses comme décrit précédemment. La typologie des céramiques49 indique d’ailleurs que les jarres sont des récipients de formes fermées, de moyenne taille, dont la hauteur totale correspond à deux ou trois fois la largeur de l’ouverture. Cela se retrouve sur la jarre étudiée, dont la hauteur de 36,5 cm correspond à trois fois le diamètre de l’ouverture, qui est d’environ 13 cm.
Jeanne Mouliérac, Céramiques du monde musulman, p. 15. Jean-Yves Montchambert, op. cit., p. 24. 47 André d'Anna, et al., La Céramique - La Poterie du Néolithique aux temps modernes, Editions France, 2014. 48 Ibid., p. 171. 49 Hélène Balfet et al., op. cit., p. 19. 45 46
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34 M.-O. Rousset indique que « le terme de jarre est préférable à celui d'amphore, réservé au monde grec, pour désigner les récipients de forme fermée de grande dimension (hauteur supérieure à 20 cm)50 ».
3.
Usage et fonction des jarres
La typologie des céramiques et l’observation de leurs matériaux constitutifs, apportent bien souvent des indications quant à leur fonction. Dans le Dictionnaire des termes d’art et d’archéologie51, Jacques Girard explique l’étymologie du mot « jarre » comme venant de l’arabe djarra qui signifie « grand vase en céramique ». Il définit la jarre comme étant un « grand récipient d’usage, en céramique brute ou vernissée, à panse large et comportant en général plusieurs anses. Vase utilitaire par excellence servant à conserver ou à transporter des liquides ou des grains. De toutes les civilisations et de toutes les époques. Généralement décoré de motifs simples en reliefs cordés, rubanés, ou hachurés. L’amphore commerciale en a été une forme particulière52 ». On distingue en fait plusieurs types de jarres : les jarres de transport, les jarres domestiques, et les jarres de stockage. Dans notre cas, plusieurs éléments sont importants. Tout d’abord, la taille de la jarre. Celle-ci est de taille moyenne (36,5 cm de hauteur sur 27,2 cm de largeur), elle semble avoir été façonnée pour contenir des quantités assez importantes. Quatre anses sont aussi présentes. Ce nombre de quatre nous permet de comprendre que la jarre et son contenant pouvaient s’avérer lourds, et les quatre anses permettaient alors une meilleure préhension et manipulation de la jarre. On remarque aussi que le col ne possède pas une large ouverture, le diamètre étant de seulement 13 cm. D’après la thèse de M.O. Rousset, « les grandes jarres à eau sont caractérisées par une large ouverture pour permettre d’y puiser facilement, et n’ont pas toujours d’anses, n’étant pas destinées à être transportées53 ». Fig. 30 : Dessin de la jarre, col beaucoup moins large que la panse
50
Marie-Odile Rousset, op. cit., p. 298. Jacques Girard, Dictionnaire des termes d’art et d’archéologie, Klincksieck, 2006. 52 Ibid., p. 399. 53 Marie-Odile Rousset, op. cit., p. 298. 51
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L’hypothèse d’une jarre à eau est donc écartée en raison de la taille de l’ouverture. Par ailleurs, J. Mouliérac avance un argument supplémentaire concernant ces jarres à eau : « En général, les récipients destinés à contenir de l’eau sont en céramique non glacée, la légère évaporation du contenu la maintenant à une agréable fraicheur. En revanche, pour des denrées comme l’huile ou le vin, la présence d’une glaçure diminue le contact avec l’air et assure une meilleure conservation54 ». Cette jarre comprend bien une glaçure sur les parois internes, qui avait pour but de la rendre imperméable, et donc susceptible de transporter ou de conserver des denrées, y compris liquides. A cette époque, les denrées liquides les plus répandues étaient le vin, l’huile d’olive, ou encore les saumures de poissons55. Les céramiques islamiques peuvent aussi avoir plusieurs visées ou fonctions, dont parle Oleg Grabar dans L’art de la céramique en Terre d’Islam56. Il y explique que la céramique du monde de l’Islam regroupe une grande partie « d’objets utilitaires et pratiques, même si certains pouvaient être trop beaux ou trop rares pour être utilisés tous les jours ». Il précise ce côté « utile » par le fait que certaines céramiques permettaient de contenir des aliments ou des liquides (aspect « sociologie culinaire, sinon gastronomique, de la céramique »), tandis que d’autres « servaient souvent de cadeaux et répondaient donc à une anthropologie très particulière au monde musulman57 ». Malgré sa belle glaçure bleue qui, à l’origine, devait recouvrir tout l’extérieur de la jarre, cette pièce reste assez sobre, par sa forme et surtout par ses décors presque inexistants, contrairement à d’autres jarres à décors ajoutés, ou à motifs incisés qui seront présentées un peu plus loin dans cette étude historique. Dans son rapport de fouilles sur la céramique d’Ougarit, Jean-Yves Montchambert décrit cette céramique commune comme s’agissant de « l’ensemble de la vaisselle céramique d’usage courant, qui se distingue par son apparence grossière et par l’absence d’ornementation. D’une utilisation quotidienne, ces vases répondent en premier lieu à des critères de fonctionnement et sont donc avant tout pratiques58 ». On trouve d’ailleurs dans ce rapport59, le dessin archéologique Jeanne Mouliérac, op. cit., p. 17. Martine Sciallano, op. cit., p. 14. 56 Oleg Grabar, L’art de la céramique en Terre d’Islam, p. 12. 57 Loc. cit. 58 Jean-Yves Montchambert, op. cit., p. 27. 59 Ibid., p. 162. 54 55
Fig. 31 : Jarre 964, figure issue de La Céramique d’Ougarit…, Jean-Yves Montchambert
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36 d’une jarre présentant de grandes similarités avec celle étudiée. Il s’agit de la jarre 964 : « céramique commune locale, jarre domestique, classe 1 (bord, fond) ; base annulaire, panse ovoïde, bord j6, 2 anses verticales sur l’épaule. Pâte grossière ; céramique tournée ; pâte beige rose à dégraissant minéral 2/3/4 ; surface ravalée. ᴓ sup. : 2060 ». Elle possède cependant deux anses et non pas quatre, et elle n’est pas glaçurée.
Il est très probable que cet objet ait seulement eu une visée utilitaire, servant à
la conservation et au stockage de produits alimentaires (olives, raisins, dattes, figues, prunes et pêches séchées, noix, poivre, herbes aromatiques61…), et non pas une visée esthétique. C’est donc une céramique commune.
60 61
Loc. cit. Salvatore Di Palma, op. cit., p. 27.
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II/. CONTEXTUALISATION GÉOGRAPHIQUE ET TEMPORELLE PAR ANALYSE COMPARATIVE
A. La typochronologie
« L'étude de laboratoire, la dissection du tesson en ses différentes caractéristiques strictement techniques, ne saurait remplacer le coup d'œil du typologiste62 ». Hélène Balfet
Au cours de l’étude de cette jarre, des analyses physico-chimiques ont été envisagées afin d’apporter des éléments de datation, d’origine, voire même de cohérence des différents tessons. Plusieurs laboratoires ont été contactés, mais les devis se sont révélés extrêmement onéreux, l’un d’entre eux est disponible en annexe XVI de ce mémoire pour donner l’exemple des analyses qui auraient pu être réalisées. Comme le rappelle M.O. Rousset dans sa thèse sur la céramique islamique, « dans la plupart des cas, les argiles présentent des compositions assez banales, peu différentes d'un atelier à un autre [...] et l'analyse chimique des pâtes n'est alors d'aucune utilité63 ». Elle ajoute que ces analyses ne sont pas des « preuves » mais peuvent cependant être des données supplémentaires à coupler avec les observations typologiques, stylistiques et technologiques entre autres. Ces analyses chimiques n’ayant pas pu être réalisées, notre étude se basera sur une analyse comparative, dite « typochronologique ». La typochronologie est en effet une méthode de datation consistant à comparer une œuvre donnée, avec plusieurs autres pièces semblables. Ces autres pièces déjà datées64, permettent d’obtenir pour l’objet en question, une attribution - bien qu’approximative et ne se basant pas toujours sur des valeurs scientifiques.
Hélène Balfet, op. cit., p. 277. Marie-Odile Rousset, op. cit., p. 132. 64 Les méthodes de datation des œuvres présentées ne sont cependant pas connues ; si certaines ont pu subir des analyses physico-chimiques, la majorité des œuvres conservées dans des musées par exemple, sont bien souvent datées par les conservateurs eux-mêmes. 62 63
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B. Des jarres aux influences plurielles
La datation des céramiques « islamiques » est en fait relativement difficile, étant donné les influences plurielles et la continuité des formes et décors perdurant depuis les traditions préislamiques. Au cours de nos recherches, nous avons pu étudier différentes jarres, similaires à celle étudiée. Ce type de jarre est souvent dit de style partho-sassanide, ou Partho-Sasanian-Islamic65 pour les références anglophones. En déroulant les évolutions de ce style de jarres au cours des dynasties préislamiques puis islamiques, nous tenterons de replacer la jarre étudiée dans son contexte historique et géographique.
La double page suivante a pour but de rester déployée durant la lecture de cette partie historique : elle présente une photographie de la jarre étudiée et son dessin archéologique, afin de garder en mémoire les caractéristiques typologiques et techniques que nous cherchons à comparer.
Une carte géographique du Proche et du Moyen-Orient permet également une meilleure compréhension et une localisation des lieux cités.
Robert B. Mason, Edward J. Keall, The 'Abbāsid Glazed Wares of Sīrāf and the Baṣra Connection: Petrographic Analysis, Iran, Vol. 29, 1991, p. 52. 65
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Fig. 32 : Conquêtes arabes entre la mort de Mahomet (632) et la fin de la dynastie des Abbassides (1258) Carte géographique issue du site http://historia2004.free.fr/chap4.html
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hauteur : 36,5 cm
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ᴓ panse : 27,2 cm
Fig. 33 : Photographie de la face A de la jarre, avant restauration
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Fig. 34 : Dessin archéologique de la jarre
1. Une tradition partho-sassanide
La tradition Parthe est la première à développer des formes proches de celles de la jarre étudiée. L’Empire Parthe, dont le terme « parthe » viendrait de parthaya66, désignant en iranien les cavaliers, s’étend de 247 avant J.-C. à 224 après J.-C. C’est un état de type féodal, reposant sur les vassaux et leurs souverains ; environ 32 rois se succédèrent. La première capitale des Parthes fut élevée à Nisa67, au Turkménistan. Cette période fut marquée par un accroissement des échanges avec l’Extrême Orient, via la route de la soie68.
Deux exemples de ces jarres parthes sont présentés dans l’ouvrage de référence de Watson69. Il est mentionné que ces jarres furent trouvées en Syrie, mais surement importées d’Irak, et plus particulièrement de Bassora (Basra). Caractéristiques de la production Parthe par la forme de leurs anses notamment qui sont dites « bifides »70, elles sont datées entre le IIème siècle avant J.-C et le IIème siècle après J.-C. D’une hauteur de 30,4 cm et d’un diamètre de 19,5 cm, elles s’avèrent légèrement plus petites que la jarre étudiée dans ce mémoire.
Fig. 35 : Deux jarres à glaçure verte, production Parthe, Irak, 2eme siècle avant – 2eme siècle après J.-C.
Ce terme iranien Parthava, serait apparu au VIème siècle au début de l’époque Achéménide, pour désigner les combattants ou cavaliers. Source URL : www.antikforever.com/Perse/Parthes%20arsacides/Parthes.html. 67 Roman Girshman, Iran - Parthes et Sassanides, Gallimard, 1962, p. 29. 68 Giovanni Curatola (dir), L’art en Mésopotamie, traduit de l’italien par Chantal Moiroud, 2006, p. 115. 69 Oliver Watson, Ceramics from Islamic Lands, Thames and Hudson, 2004, p. 158. 70 « Bifide » : qui est plus ou moins fendu en deux dans le sens de la longueur. 66
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Le Musée National de la Céramique à Sèvres possède également une jarre de ce type, répertoriée de la période Parthe, du IIIème siècle après J.-C. Donnée par J. Soustiel en 1979, elle mesure 25,5 cm de hauteur, et 23 cm de diamètre maximal, et possède deux anses bifides. L’inventaire du musée71 précise une datation de l’époque Séleucide et Parthes (vers 300-200 après J.-C.), et une fabrication en Syrie.
Fig. 36 et 37 : Vues de face et de trois-quarts de la jarre MNC24764, 3ème siècle, Musée National de la Céramique, Sèvres
En plus d’être différentes par leur taille, ces jarres ont une panse beaucoup moins globulaire, ne comprennent que deux anses – relativement droites et pointues –, une glaçure verte et des décors rapportés à la barbotine (pastilles et galons) pour certaines.
Alors que le chaos s’installe dans ce règne des Parthes, les périphéries s’éloignant du pouvoir central, Ardashîr 1er (224-241) et les Perses renversent les Parthes en 224, tuent leur roi Ardav IV, et soumet la Babylonie. C’est la naissance de l’Empire iranien des Sassanides72. Cet empire qui s’étendra de 224 à 636 après J.-C., fait perdurer la tradition des jarres parthes, jusqu’au début de l’ère islamique. Cette période serait une transition entre les territoires
71 72
Photographies et informations transmises par Elise Fin, administratrice de la base de données Micromusée. Source URL : www.lesclesdumoyenorient.com/Des-Parthes-aux-Sassanides-l-unification-de-l-espace-iranien.
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hellénisés des Parthes, empreints d’influences grecques, et les territoires islamisés plus tard, avec la naissance de l’Islam73. L’art sassanide représente la dernière phase de l’art oriental ancien74. On parle alors de jarres « partho-sassanides », voire « partho-sassanido-islamiques », en raison du rapprochement et de l’influence entre les productions parthes, sassanides puis islamiques.75
2. Les débuts de l’ère islamique
Pourquoi parler de « céramique islamique » ?
« Peut-on parler d'un art islamique, alors que la civilisation née de l'islam s'étend sur quatorze siècles et sur un espace qui va de l'Atlantique au Pacifique, du Maroc jusqu'à l'Indonésie, et que cette civilisation a poussé des ramifications un peu partout dans le monde, aussi bien en Chine qu'au Brésil ?76 ».
À juste titre, Marianne Barrucand, Docteur en histoire de l’art et archéologie islamique, rappelle que cette désignation d’ « art islamique » ne reflète pas correctement les expressions artistiques qu’elle englobe ; cette notion n’étant pas réservée aux seules formes d’art liées à la religion (architecture des mosquées, mobilier, objets de dévotion…), mais couvre l’ensemble des créations du monde musulman (palais, objets décoratifs, vaisselle..)77, influencées certes par la religion de l’islam, conquérant peu à peu ces territoires.
Un court rappel des origines de l’islam permettrait de contextualiser notre sujet d’étude : comprendre la naissance de cette ère islamique, l’expansion de cette religion, et les évolutions de typologies de la jarre étudiée, au fil des dynasties.
L’origine de la religion de l’islam
La religion de l’islam est la dernière des trois religions monothéistes à être révélée. Mahomet78, né autour de 570, est élevé par son grand-père, chef du clan des Hachéménites, puis
Source URL : www.encyclopedie_universelle.fracademic.com/18791/SASSANIDES. Roman Girshman, op. cit., p. 283. 75 Hardy-Guilbert, Kervran et alii, op. cit., p. 85. 76 Marianne Barrucand, « Islam (La civilisation islamique) - L'art et l'architecture », Encyclopædia Universalis. 77 Loc.cit. 78 Différentes appellations existent pour le Prophète de l’islam : Mahomet en français, Mohamed en arabe (qui veut dire : « Celui qui est louangé »), Mahmoud en iranien, Mehmet en turc, Mahoma en espagnol, Muhammad en anglais et enfin Mamadou pour les musulmans d'Afrique occidentale. Source : herodote.net. 73 74
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par son oncle. En 610, âgé de quarante ans, Mahomet, retiré dans une grotte sur le Mont Hira près de la ville de La Mecque, reçoit une révélation de Dieu par l’ange Gabriel – jebrail en arabe79. Il en recevra au total 11480, sourates qui constitueront le texte sacré des musulmans écrit en arabe : le Coran. Ce terme vient de l’arabe ال قرآنAl-Qur’ān, qui signifie « la récitation ». Mahomet se présente dès lors comme l’envoyé de Dieu, et annonce Sa parole ; mais il est bien vite vu comme un fauteur de troubles81. Mahomet et ses premiers fidèles, appelés Mu’minun, sont persécutés puis chassés de La Mecque en 622 et se réfugient à Yathrib, aujourd’hui Médine : c’est l’Hégire – en arabe هجرة hidjra, qui signifie l’exil. Cette année marque le début du calendrier musulman. Certaines sources utilisent d’ailleurs ce système de référence en parlant du « IIIe siècle de l’Hégire » pour mentionner le IXe siècle après J.-C. Après plusieurs expéditions, Mahomet meurt en 632 et est enterré à Médine. À sa mort, la majeure partie de la péninsule arabique est devenue musulmane, et son tombeau devient le second lieu sacré de l’islam.
Mais à la mort du prophète Mahomet en 632, la communauté musulmane se retrouve sans successeur désigné, donnant naissance aux premières scissions politiques entre les partisans d’une succession au sein de la famille du Prophète, et ceux d’une succession au mérite. Suite aux quatre premiers khalifes82, le général Mu‘awiya s’impose et instaure en 661 le premier khalifat héréditaire du monde islamique : les Ommeyyades83.
Un tableau récapitulatif des principales dynasties islamiques régnant au Proche et Moyen-Orient, est disponible en annexe I.
« Mahomet (570 - 632), La naissance de l'islam », URL : www.herodote.net/Mahomet_570_632... Michel Frizot (dir), Chefs d’œuvres de la collection Khalili, Institut du Monde Arabe, Arts de l’islam, 2009. 81 Alain Mourgue, L’islam et le monde arabo-musulman - Des origines jusqu’à la chute de Bagdad en 1258, 2005, pp. 3-5. 82 Se trouve aussi sous l’orthographe « califes », signifie « substitut », ou « vicaire du messager de Dieu ». 83 Plateforme Qantara : préservation et promotion du patrimoine historique et culturel commun de la région euro-méditerranéenne. URL : www.qantara-med.org/qantara4/public/show_document.php?do_id=587. 79 80
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a) La période Ommeyyade84 : 661-749 après J.-C.
De 661 à 750, cette dynastie des Ommeyyades - appelée al-ʾUmawiyyūn األموي ونen arabe-, conquiert l’Arabie, le Maghreb, la Syrie, l’Irak et l’Iran, et établit sa capitale à Damas, qui restera le centre du pouvoir Ommeyyade. On retrouve de cette époque différentes jarres, et notamment à Suse, haut lieu de production de céramiques. La maison de vente Christie’s, proposait lors d’une vente le 7 octobre 2011 à Londres, une jarre à glaçure bleu turquoise, décrite comme « post-sassanide », datée du VIIIème siècle environ, et provenant d’Iran. Il est d’ailleurs précisé que cet objet fut acquis directement en Iran par le propriétaire actuel avant 1978, et conservé dès lors au Royaume Uni. Quatre anses, plus arrondies que celles de l’époque Parthe, relient le haut de la panse au col. La jarre mesure 42,2 cm de hauteur.
Fig. 38 : Jarre du 8ème siècle environ, Iran, Vente 2581 du 7/10/2011, Christie’s, Londres (Fig. issue de la base de données en ligne de Christie’s)
84
Différentes orthographes sont possibles pour ce terme : Omeyyades, Ommeyyades, Ummayades,…
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Une jarre présentée au Musée du Louvre (Cf. ci-contre) témoigne également de cette période : issue des fouilles de Suse (Iran), cette jarre en céramique argileuse à glaçure alcalino-calcaire monochrome bleu turquoise, est datée du VIIIXème siècle. J. Soustiel la cite en exemple et explique : « Moins fragiles que les jarres en terre cuite, les jarres recouvertes de glaçures qui ont été retrouvées dans la région de Suse sont assez nombreuses. Le modèle, hérité des Sassanides, s’est
maintenu
avec
quelques
variantes
(disparition ou multiplication des anses, motifs à la barbotine – dérivés ici de prototypes métalliques – ramenés à des lignes sinueuses)
Fig. 39 : Jarre à décors de cercles appliqués, Iran, Suse, 7-9ème siècle, Musée du Louvre
jusqu’au XIVème et XVème siècle85 ».
(Fig. issue de Hardy-Guilbert Claire, « Ports et commerce maritime Islamiques.. », p 94)
De la même région, l’Iran, est présentée au British Museum une jarre de stockage (figure ci-contre), à glaçure alcaline bleue turquoise, avec décor à la barbotine. Datée du IX-Xème siècle, elle est mentionnée comme appartenant à la première période islamique, mais issue d’une longue tradition. Elle se distingue cependant de l’époque parthosassanide, par cette nouvelle forme plus allongée et plus globulaire à la fois, et comprenant désormais quatre anses.
Fig. 40 : Jarre de stockage, 9-10ème siècle, Iran, British Museum (Fig. issue de la base de données du British Museum)
85
Jean Soustiel, op. cit., pp. 23, 24, 367.
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Cette dernière jarre est très similaire morphologiquement à celle que nous étudions : même courbure de panse, mêmes proportions, et quatre anses qui rattachent le haut de la panse au col. La glaçure bleu est aussi analogue bien que légèrement moins turquoise, tout comme les coulures visibles au niveau de la deuxième couche de glaçure plus épaisse. La seule différence notable réside dans un décor plus présent ici, avec des pastilles et galons de barbotine ornant le haut de la panse.
Deux autres jarres ressemblent fortement à celle étudiée. Présentées par Watson86, elles sont en terre cuite à glaçure bleu turquoise, et proviendraient d’Irak, entre le VIIIème et le Xème siècle. Ces jarres sont cependant légèrement plus grandes : 49 cm de hauteur, pour un diamètre de 35,8 cm.
Fig. 41 et 42 : Jarres en terre cuite, Irak, 8-10ème siècle (Fig. issues de Olivier Watson, « Ceramics from Islamic lands »)
86
Oliver Watson, op. cit.
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Une publication s’intéressant aux céramiques islamiques des collections du Musée des Tissus de Lyon, publié en janvier 201587, présente à son tour une jarre d’Irak ou d’Iran, étudiée par Sterenn Le Maguer, Docteur en archéologie islamique. Datée du VIII-Xème siècle, la pâte argileuse est recouverte d’une glaçure turquoise. Elle comprend des mesures très proches de celle de la jarre étudiée : 38,2 cm de hauteur, 29 cm de diamètre. Cette jarre ovoïde comprend également quatre anses reliant le haut de la panse à la partie supérieure du col. La glaçure présente des irisations* du fait de son état de dégradation. Une glaçure interne assure la conservation de denrées liquides.
Fig. 43 : Jarre datée du 8-10ème siècle, Irak ou Iran, Musée des Tissus de Lyon
Dans son étude, Sterenn Le Maguer ajoute que « ce type de jarre est connu dès la période Ommeyyade, mais [que] la production s’accroît significativement au début de la période Abbasside, du IXe au Xe siècle. L’un des centres de production de céramiques les plus importants se situe à Bassora (Mason, Keall 1991, p. 51 et 57, fig. 3 : 248, 536, 312), dans le sud de l’Irak, mais plusieurs centres de production existaient, notamment en Iran88 ». D’un point de vue technologique cette fois, Marie-Odile Rousset mentionne dans une de ses études archéologiques concernant la Syrie du Nord, plusieurs tessons de panses de jarres à glaçure turquoise sur une pâte jaune pâle, avec une glaçure plus claire et grisâtre à l’intérieur ; il s’agirait d’une importation du sud de l’Irak, de Basra (ou Bassora)89. Elle rapporterait ces tessons aux phases I et II du site, soit entre 643 et la fin du VIIIème siècle. Sterenn Le Maguer indique que ces jarres ont été retrouvées sur différents sites archéologiques, en Iran, Irak, dans toute la péninsule arabique, jusqu’en Afrique orientale et en Chine90. Elle ajoute que ce sont d’abord les denrées contenues dans ces jarres qui étaient exportées, et non pas les contenants eux-mêmes. Des analyses pétrographiques réalisées par Mason et Keall sur des échantillons de ce type de jarres, trouvés à Siraf et à Basra, sont souvent mentionnées : elles indiqueraient que les Sandra Aube (dir.) et al., Céramiques islamiques du Musée des Tissus de Lyon, Mondes iranien et ottoman, p. 7. Sandra Aube (dir.), op. cit., p. 7. Marie-Odile Rousset (dir), Al-Hadir, étude archéologique d’un hameau de Qinnasrin (Syrie du Nord, VIIe-XIIe siècles), Travaux de la maison de l’Orient et de la Méditerranée n°59, 2012, pp. 72-75. 90 Sandra Aube (dir.), op. cit., p. 7. 87
88 89
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premières jarres auraient été produites sur le site mésopotamien. « Leur diffusion, du milieu du VIIIème jusqu'au début du Xème siècle, s'étend à de nombreux habitats d'Iraq : Samarra, Basra, Hira. En Iran, on le trouve à Suse et sur les côtes du Fars, à Siraf et Jazeh et dans l'île de Kharg. Ces jarres accompagnent les marchands musulmans dans leurs itinéraires maritimes91 ». Les lieux cités précédemment sont localisés en blanc sur la carte géographique ci-dessous.
Fig. 44 : Carte du Proche et du Moyen Orient, et localisation des lieux de production susmentionnés (carte originelle issue de www.maxicours.com)
b) La période Abbasside : 749-1258 après J.-C.
Au cours des derniers règnes des khalifes ommeyyades, les conquêtes diminuent et l’Empire est arrêté dans son développement. En 749, Al-Abbas, un oncle du Prophète Mahomet, se proclame successeur du Prophète, combat les Ommeyyades, les vainc, et ordonne leur extermination92. 91 92
Hardy-Guilbert Claire, Rougeulle Axelle, et alii, op. cit., pp. 84-85. Gaston Migeon, Manuel d’art musulman – arts plastiques et industriels, Tome premier, Editions Auguste Picard, 1927, pp. 27-28.
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Les Abbassides -ʿabbāsīyūn العباسيونen arabe -, fondent leur nouvelle capitale à Bagdad, en Irak, à l’époque sous le nom de Madinat al-Salam : « ville de la paix ». Cette dynastie s’étend en Arabie, Égypte, Syrie, Irak, et Iran 93, et s’éteindra lors de la prise de leur capitale Bagdad par les Mongols en 1258. Le règne des Abbassides, qui dura cinq siècles, fut acteur de l’expansion de la culture islamique, répandue de l’Atlantique à l’océan indien, en passant par l’Asie centrale94. Là encore, la tradition initiée par les Parthes en matière de typologies de jarres se poursuit. Sans transition nette avec la période précédente des Ommeyyades, de nombreuses jarres à panse globulaire, surmontées de quatre anses, témoignent de cette époque. La galerie Freer Sackler (Washington), possède plusieurs jarres de ce type, inventoriées comme des dons de Charles Lang Freer95. La jarre F1908.118 est datée du XI-XIIème siècle, et proviendrait de Syrie. Elle mesure 16,6 cm de hauteur, bien plus petite donc que la jarre étudiée. On peut noter ici que le pied n’est pas glaçuré, ce qui semble caractéristique des céramiques produites à partir du XIIème siècle.
Fig. 45 : Jarre datée du 11-12ème siècle, Syrie, Galerie Freer Sackler, Washington (figure issue de la base de données en ligne de la galerie)
La céramique islamique, réalisation du Service Culturel, Maryvonne Cassan, en collaboration avec Géraldine VendéLobert, Limoges, 2002, p. 17. 94 Markus Hattstein et Peter Delius (dir), Arts & Civilisations de l’Islam, Könemann, 2000, p. 90. 95 Collectionneur américain de la fin du 19 ème-début 20ème siècle, passionné par l’art asiatique, Freer Sackler a amassé plus de 30 000 objets, en faisant une des collections privées les plus importantes. Sa galerie ouvre en 1923 à Washington, pour rendre accessibles au public tous ses biens. 93
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Une autre jarre (Cf. fig. ci-contre) de la même galerie, est aussi datée du XI-XIIème siècle, et proviendrait toujours de Syrie, sans qu’aucune explication particulière ne soit donnée à ce sujet. Elle mesure 35,9 cm de hauteur, et 27 cm de diamètre, soit sensiblement similaire à la jarre étudiée. La glaçure bleue turquoise est également très irisée, et semble avoir disparu sur une grande partie de la partie externe. On distingue dans la partie supérieure de la panse, un galon de barbotine, décorant la jarre. Fig. 46 : Jarre datée du 11-12ème siècle, Syrie, Galerie Freer Sackler, Washington (figure issue de la base de données de la galerie)
La maison de vente Million proposait également un exemplaire de ce type, daté du XIIIème siècle, qui proviendrait de Raqqa (Syrie). D’une hauteur de 40 cm (soit similaire à la jarre de ce mémoire), et comportant quatre anses, cet objet comprend une glaçure irisée. La détérioration de la glaçure serait d’ailleurs caractéristique des productions de Raqqa.96
Fig. 47: Jarre datée du 13ème siècle, Raqqa, Syrie (figure issue de www.millon.com) 96
Base de données de Museums With No Frontiers, fiche descriptive d’un plat de Raqqa no. BC 33.18 du Glasgow Museum.
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Grâce au contact précieux de Monsieur Alastair Northedge, archéologue et historien des arts de l’Islam, Professeur d’Archéologie Islamique à l’Université Paris I, nous avons été mise en relation avec le Hearst Castle en Californie, où se trouve une jarre des plus semblables à celle étudiée. La Direction de ce palais, représentée par Madame Mary L. Levkoff, nous a très gentiment proposé de réaliser de nouvelles photographies97 précises des différentes faces de l’objet, et nous a communiqué des mesures exactes qui seront utiles pour la partie restauration de ce mémoire. Six jarres de ce type sont en réalité présentes dans leurs collections, mais l’une d’elles a particulièrement attiré notre attention ; elle porte le numéro d’inventaire 529-9-534. Elle fut achetée par le Hearst Castle le 12 mai 1921, aux Anderson Galleries à New York City, pour 240$. Le catalogue de vente de l’époque les datait du XIII-XIVème siècle, mentionnant une origine perse. Elle mesure 38,74 cm de hauteur, et la base comprend un diamètre de 12,7 cm, pour 1,9 cm de hauteur. La morphologie de la panse de cette jarre, du col, de la lèvre, sont quasiment identiques à celle que nous étudions. Les anses semblent légèrement moins arrondies, témoignant d’une pose des anses manuelle assez aléatoire et non calibrée, et donc de courbures uniques. La coloration de la glaçure est également très semblable, tout comme son altération* et la présence de résidus de glaçures parsemés sur les différentes faces.
Fig. 48 : Jarre perse no. 529-9-534 du 13-14ème siècle, Hearst Castle, Californie, ©Photograph by Victoria Garagliano/ ©Hearst Castle®/CA State Parks
La présence de cette photographie dans ce mémoire étant régie par un contrat signé avec la Direction du Hearst Castle (Cf. Hearst Castle® Photo Loan Agreement, en annexe II),
il est interdit de reproduire cette page.
97
Toutes les photographies transmises ont été réalisées par Madame Victoria Garagliano, photographe du Hearst Castle.
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Enfin, en guise de dernier exemple, la jarre 32.100.467 du Metropolitan Museum of Art, de New York, arrivée au musée en 1931. En pâte argileuse, elle présente une glaçure monochrome bleu turquoise très altérée, des résidus sont visibles uniquement sur certaines faces. On distingue également des galons de barbotine sur le haut de la panse. Sans plus d’explications, elle est datée du XII-XIIIème siècle, et indiquée de Raqqa, en Syrie. Elle mesure 50,8 cm de hauteur, soit plus grande que celle étudiée. Fig. 49 : Jarre 32.100.467 datée du 12-13ème siècle, Raqqa, Syrie, The Metropolitan Museum of Art, New York (Fig. ossue de la base de données en ligne)
C. Autres critères d’analyse 1. Etude de la pâte
D’après M. Alastair Northedge98, la pâte argileuse beige jaunâtre de la jarre de ce mémoire serait typique du sud de l'Iraq : de Bassorah ou de la région, « on ne trouve pas une pâte aussi jaune ailleurs99 ». Ces hypothèses semblent se confirmer avec les études de M.O. Rousset : « La glaçure monochrome turquoise, du type “partho-sassanide tardif”, à pâte jaune pâle, glaçure intérieure grise-noirâtre et extérieure turquoise, déjà présente dans les phases omeyyades, est représentée dans la phase IV [d’environ 840 à 962-966] par trois tessons de panse de jarre. Les analyses pétrographiques de Robert Mason ont montré que la grande majorité de ces jarres, que l’on retrouve jusqu’en Chine, était produite dans le sud de l’Iraq, dans la région de Basra100 ».
Guy Musculus, ingénieur de la céramique, confirmerait également ces propos. Selon lui, cette pâte grossière proviendrait d’Irak ; les pâtes argileuses d’Iran contenant beaucoup plus de silice.
Par ailleurs, dès le IXème siècle, la porcelaine chinoise arrive au Moyen-Orient grâce au développement du commerce à travers les routes de la soie. Les potiers arabes, cherchant à imiter cette porcelaine, mettent peu à peu au point une pâte blanche, poreuse, et peu plastique, très
Archéologue et historien des arts de l’Islam, Professeur d’Archéologie islamique à l’Université Paris 1. Courriel de M. Alastair Northedge, le 23/03/2015. 100 Al Rafidan, Volume XXXII, 2011, The Institute for Cultural Studies of Ancient Iraq Kokushikan, University, Tokyo, dans La céramique abbasside d’al-hadir, Marie-Odile Rousset, p. 221. 98 99
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siliceuse (entre 60 et 90% de silice)101, additionnée d’une faible quantité d’argile. Ces pâtes seront privilégiées dès le XIIème siècle. Cela renforce l’idée que la jarre étudiée ait été fabriquée avant le XIIème siècle.
2. Carte de répartition des jarres sassanido-islamiques
La carte de distribution des jarres de type « sassanido-islamiques » élaborée par Axelle Rougeulle102 témoigne bien de la complexité du travail de contextualisation, étant donné l’étendue des zones où ont été retrouvées ces jarres. Avec l’expansion du commerce et l’accroissement des échanges depuis les pays arabes, on retrouve ces jarres en Syrie, Irak, Iran, Arabie Saoudite, Yémen, Oman, mais également en Inde, sur les îles Comores ou encore en Chine.
La localisation des jarres est représentée par un point rouge afin de mettre en valeur cette production par rapport aux fours et bols également localisés.
Fig. 50 : Carte de distribution des jarres de type « sassanido-islamique » (Figure issue de : Hardy-Guilbert Claire et alii, Op. cit., p. 95)
Arianna – Musée suisse de la céramique et du verre, Dossier pédagogique terres d’islam, pp. 10, 46. Hardy-Guilbert Claire, Rougeulle Axelle, Renel Hélène, Picard Christophe, Kervran Monik,. Ports et commerce maritime Islamiques. Présentation du programme APIM (Atlas des ports et itinéraires maritimes du monde musulman), 2004, p. 95. 101 102
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3. Pieds non glaçurés
Un autre élément d’analyse est important : on constate qu’à partir du 12ème siècle, les pieds des jarres ne sont plus glaçurés103. Plusieurs exemples témoignent en effet de cette tendance :
Fig. 51 : Jarre à l’éléphant OA7825, 1113ème siècle, Iran du Nord, Musée du Louvre, achetée en 1925 (fig. issue de la base de données du Louvre)
Fig. 52 : Jarre no. 56.185.15, Syrie, Raqqa, ème 12-13 siècle, Metropolitan Museum, New York
Fig. 53 : Syrie, Raqqa ou Damas 13ème siècle, Sotheby’s (fig. issue de www.sothebys.com)
(fig. issue de la base de données du Met)
Sur la jarre étudiée, la glaçure, bien que très altérée, semble être présente jusqu’au bas du pied, ce qui pourrait laisser penser qu’elle soit datée avant le XIIème siècle.
Fig. 54 et 55 : Photographie d’une face du pied et schéma de localisation
103
Précision apportée par M. Alastair Northedge, courriel du 27/11/2014.
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D. Conclusions et proposition de contextualisation « La céramique que nous ont laissée les peuples de l’Orient musulman est d’une abondance et d’une variété surprenantes […]. Mais, dès qu’on cherche à savoir dans quelles régions, à quelles époques telles espèces de céramiques sont nées, on se heurte à des énigmes bien souvent impénétrables104 ». Gaston Migeon
Après toutes les recherches menées, les comparaisons avec d’autres objets similaires, et les avis de chercheurs et d’archéologues spécialisés en archéologie islamique, nous avons pu saisir la complexité du problème de datation des « céramiques islamiques », et davantage celui des objets exclus de leur contexte archéologique. De par les traditions de typologies perdurant depuis des siècles, cette jarre ne se rattache pas à un contexte précis, car ne se distingue pas d’une époque ou d’une région en particulier ; c’est un type de jarre développé depuis les traditions parthes, perdurant durant plusieurs dynasties du monde islamique. Toutefois, grâce aux similarités avec d’autres jarres datées, il est possible de préciser cette étude en concluant que cette jarre proviendrait d’Irak ou de Syrie, et qu’elle serait datée entre le VIIIème et le XIIème siècle – vraisemblablement dans la seconde partie de la période.
104
Gaston Migeon, Henri Jules Saladin, Arts d’Islam, Parkstone, 2009.
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III/. HISTOIRE PROPRE DE LA JARRE ETUDIÉE ET RELATIONS COMMERCIALES ENTRE ORIENT ET OCCIDENT S’intéresser davantage aux relations Orient-Occident autour du XIX-XXème siècle, ainsi qu’aux pratiques en matière d’archéologie et de préservation du patrimoine à cette époque, permettrait de comprendre davantage comment et pourquoi cette jarre islamique a pu arriver en France.
A. Recherches sur l’histoire de l’œuvre 1. Origine et arrivée probable en Europe au XIXème siècle
Au fil de nos recherches, nous avons eu l’occasion de discuter avec Monsieur Bonzom, propriétaire de la jarre, de l’origine probable de cet objet. Celui-ci nous expliquait à juste titre, que n’étant pas une pièce spectaculaire ni richement décorée, il était très probable qu’elle ait été ramenée il y a fort longtemps par des voyageurs qui parcouraient l’Orient, ou des gens en poste à l’étranger qui eux lui trouvaient un intérêt, une valeur artistique ou sentimentale (souvenir d’un séjour, d’un moment de vie, d’un site…)105. Les rapports aux Antiquités n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui, et la protection du patrimoine un sentiment assez étranger à ces voyageurs. Nombre de pièces majeures des collections de musées internationaux datent notamment de cette période. Par ailleurs, étant donné l’état de conservation de la jarre et sa restauration ancienne, on peut supposer qu’elle fut rapportée il y a de nombreuses années de son pays d’origine, et restaurée plus tard en France ou en Europe (les matériaux utilisés semblent correspondre à ceux utilisés en France jusqu’aux années 60.)
2. Acquisition par M. Bonzom, propriétaire actuel
L’acquisition de la jarre en 2012 par son propriétaire actuel, M. Thomas Bonzom, est l’étape la plus ancienne à laquelle nous pouvons remonter. Achetée lors d’une vente courante de succession (sans catalogue de vente donc) à l’Hôtel Drouot, voici ce que le propriétaire nous en dit : « Pour notre jarre, une fois sortie de son contexte, attribuée à des descendants lors des
105
Courriel de M. Thomas Bonzom, le 16/10/2014.
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différentes successions, du fait de sa modestie, est tombée dans l’oubli et s’est retrouvée vendue comme un vulgaire « pot émaillé bleu » pour une somme dérisoire106 ».
B. Les pratiques au Proche et Moyen-Orient concernant le patrimoine archéologique, autour du XIXème siècle
« Si beau soit-il, tout objet sorti du sol sans analyse archéologique n’est que le triste butin d’une histoire anéantie. Un mot isolé sans phrase ni syntaxe, tiré d’un récit à jamais perdu107 ».
1. Attrait de l’Occident pour l’art oriental au XIXème siècle
Au XIXème siècle, un courant artistique se développe : l’Orientalisme. Terme que l’on attribue généralement à la peinture, ce courant révèle bien l’intérêt des occidentaux pour l’art oriental, depuis les régions d’Afrique du Nord, jusqu’à l’Extrême-Orient et les régions de la Chine et du Japon, que ce soit en littérature, en musique, ou dans la peinture. Ce courant n’est pas représenté par un style bien précis, mais simplement par un goût pour ces cultures alors exotiques. On retrouve parmi ces « orientalistes », de nombreux artistes dont certains bien connus, tels que Ingres, Matisse ou Delacroix. On prête d’ailleurs à ce dernier la citation suivante : « Les plus beaux tableaux que j’aie vus sont certains tapis de Perse108 ». Ces artistes voyagent, réalisent des croquis, et à leur retour en Europe, composent leurs peintures. Les orientalistes s’intéressent à cet exotisme inconnu, aux scènes quotidiennes, aux combats, aux chasses, aux personnages, mais également aux bâtiments ou aux intérieurs. Fig. 56 : Adolf Seel, Dans l’Alhambra, 1886, Huile sur toile, 98 x 74 cm Düsseldorf, Stiftung Museum Kunst Palast Loc. cit. Laurent Flutsch, Didier Fontamnaz, Le pillage du patrimoine archéologique : Des razzias coloniales au marché de l’art, un désastre culturel, 2010, Editions Favre SA, Lausanne, p. 21. 108 Christine Peltre, Les arts de l’Islam – Itinéraire d’une redécouverte, Gallimard, 2006, p. 11. 106 107
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C’est aussi la différence de religion qui intéresse l’Occident. Les artistes dépeignent des scènes se rapportant à la religion de l’islam, comme par exemple ce tableau de Belly, Pèlerins allant à la Mecque, qui montre l’importance de l’islam dans ces cultures orientales.
Fig. 57 : Léon Belly, Pèlerins allant à la Mecque, 1861, huile sur toile, 1,61 x 2,42 m, Musée d’Orsay, Paris
Une multitude d’objets d’art émerveillent désormais l’Occident : tapis, bijoux, céramiques, cuivres. C’est tout d’abord pour l’approche historique ou scientifique que des collections d’art oriental ou islamique voient le jour, retraçant divers aspects de la vie des orientaux, leurs coutumes. Mais peu à peu, cet intérêt historique laisse place à un intérêt purement décoratif, et ces œuvres commencent à être appréciées pour leurs formes, leurs couleurs…
Christine Peltre parle des premiers objets d’art islamiques conservés dans les musées français ainsi : « Grâce aux legs, dons et achats répartis dans différentes institutions muséales, ces années marquent une accélération de l’enrichissement des collections nationales, à propos desquelles Lavoix remarquait en 1878 : “Epars ça et là, ces objets étaient entrés dans les musées, comme partout, ailleurs, par hasard. Paris en possède de très beaux, il est vrai, mais en très petit nombre” 109 ». Au Louvre par exemple, la section des « arts musulmans » est créée en 1893, et la première salle dédiée à cet art est ouverte au sein du département des Objets d’arts par Gaston Migeon en 1905.
109
Christine Peltre, Op. cit., p. 86.
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Cet attrait pour l’art oriental et pour les collections d’objets archéologiques est toujours vivant aujourd’hui. Cependant, il s’agit maintenant de sensibiliser et de mettre en garde les collectionneurs et futurs acheteurs : « Leurs acquisitions, qu’elles soient légales ou non, entretiennent un marché, confirment une demande, et donc encouragent le pillage du patrimoine 110».
2. Coutumes touristiques des voyageurs européens en Orient
Lors d’un entretien avec le propriétaire de la jarre étudiée, Monsieur T. Bonzom, celui-ci nous rappelait qu’à la fin du XIXème siècle, il était de bon ton chez l’aristocratie ou les gens aventureux, de parcourir la Turquie, l’Iran, l’Egypte… et de goûter aux charmes de l’Orient111. Beaucoup d’occidentaux ont ainsi rapporté de nombreux objets de leurs séjours, pratiquant parfois eux-mêmes ces fouilles. Les voyages en effet se multiplient, avec un goût de prestige pour les amateurs fortunés, mais aussi par désir de connaissance112. S’ajoute à cela l’apparition des collectionneurs et antiquaires. Après le déploiement des cabinets de curiosités au XVIème siècle, une catégorie d’érudits se spécialise dans ces collections d’objets antiques, en les classant, les comparant, les analysant113.
L’histoire même de la jarre étudiée, et les problématiques historiques auxquelles de ce fait, nous avons été confrontée, nous ont permis de nous intéresser davantage aux questions de protection du patrimoine archéologique. Nous avons pu réfléchir à l’origine même de cette jarre : est-elle le fruit d’un pillage ? Son acquisition était-elle légale ? Nous tenterons de comprendre le contexte de protection du patrimoine autour du XIX-XXème siècle, en ne pouvant bien entendu formuler que de simples hypothèses.
Laurent Flutsch, Didier Fontamnaz, Op. cit., p. 109. Courriel de M. Thomas Bonzom, le 16/10/2014. 112 Grégory Compagnon, Halte au pillage ! Editions Errance, 2010, p.55. 113 Laurent Flutsch, Didier Fontamnaz, Op. cit., pp. 81-82. 110 111
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3. Protection du patrimoine oriental et réglementations au XIX-XXème siècle114
« L'archéologie en tant que science apparaît dans les années 1880, auparavant les restes physiques étaient le plus souvent considérés comme des champs de ruines dans lesquels les gens se servaient sans vergogne pour les revendre aux antiquaires115 ».
Le premier texte à être adopté dans le droit français concernant la protection du patrimoine date du 30 mars 1887, loi relative à la conservation des monuments et objets d’art ayant un intérêt historique et artistique. Le Code du Patrimoine indique que « Le patrimoine s’étend, au sens du présent code, de l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique116 ». Une convention adoptée le 14 novembre 1970 par l’UNESCO, vient également lutter contre le trafic illégal des biens culturels, en interdisant l’importation, l’exportation, et le transfert de propriété illicite de biens culturels. Cette convention ne fut cependant ratifiée par la France qu’en 1997117. En 1995, la Convention d’Unidroit voit le jour, clarifie la situation sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, et définit la notion de protection en assurant la restitution des biens volés (art. 3, 4), et le retour des biens illicitement exportés (art. 5, 6, 7)118. En concentrant notre analyse sur les pays du Proche et Moyen-Orient, on constate que l’Irak a récemment subi, et subi encore aujourd’hui, des dommages importants. « En Irak, où le patrimoine historique était jalousement protégé sous Saddam Hussein, l’invasion angloaméricaine a entrainé le sac des musées et le pillage systématique des sites. […] Ensuite, les pillards à l’œuvre dans ces pays en guerre ne visent pas à s’approprier le butin, mais bien à le vendre sur le marché119 ». En avril 2003, le musée de Bagdad fut pillé avec l’arrivée des américains, et on porte à 15 000 objets le nombre d’œuvres d’art répertoriées qui y ont été dérobées. La maison de vente Christie’s elle-même présentait dans son catalogue plus d’une centaine d’objets irakiens, sans provenance. Comme le rappellent L. Flutsch et D. Fontannaz, les américains et anglo-saxons n’avaient à leur arrivée en Irak, pas encore signé la Convention de La Haye de 1954 qui réglemente la protection des sites et des musées – ils ne l’ont consentie qu’en 2008.
Pierre Amiet, Notes d’archéologie iranienne, La Revue du Louvre 6, 1969, pp. 325-338. Hartmut Böhme, al., Le sentiment des ruines, de l'Orient ancien aux Lumières : continuités…, 2007, pp. 223-236. 116 Article L1 du Code du Patrimoine, Dictionnaire comparé du droit du Patrimoine Culturel, CNRS, 2012, pp. 71-78. 117 Emmanuel Pierrat, Faut-il rendre les œuvres d’art ? CNRS Editions, 2011, p. 36. 118 Dictionnaire comparé du droit du Patrimoine Culturel, CNRS Editions, 2012, p. 816. 119 Laurent Flutsch, Didier Fontamnaz, op. cit., pp. 64-65. 114 115
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En réponse à ce saccage, le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies adopte le 22 mai 2003 une résolution exceptionnelle, imposant à tous les états de restituer les objets volés en Irak depuis 1990, et d’en interdire le commerce120. Au-delà du pillage du musée de Bagdad, environ 4000 sites archéologiques irakiens ont subi le même sort, bien qu’ils soient aujourd’hui placés sous protection militaire. Sur les 12 000 sites archéologiques répertoriés en Irak, 2 000 seraient déjà tombés aux mains des djihadistes (données du 11 mars 2015). Ce trafic rapporterait plus de 6 milliards de dollars121 (Cf. Annexe III :
La vie d’une œuvre volée, ©Artejournal122). Plusieurs listes rouges ont été publiées, afin de pouvoir identifier les biens pillés, et favoriser au mieux leur restitution. La première liste rouge d’urgence de l’ICOM, parue en septembre 2003, concernait la Syrie. 600 œuvres auraient par ce biais été retrouvées aujourd’hui, grâce notamment aux services de douanes et de polices internationales. Le 1er juin 2015, une nouvelle liste rouge est éditée concernant plus spécifiquement les biens iraquiens : « Les personnes ou institutions susceptibles de se porter acquéreurs de biens en provenance de Syrie ou d’Irak sont invitées à exercer la plus grande prudence quant à la provenance et à la documentation légale desdits objets123 ». Une expression intéressante par sa paradoxalité est utilisée par D. Flutsch : « la destruction du patrimoine, à but culturel124 ». Ces paroles font allusion aux spoliations du patrimoine, non pas à des fins lucratives, mais bien pour l’intérêt même porté à l’objet, à son ancienneté, et à l’art d’une autre culture. C’est d’ailleurs l’hypothèse que nous pouvons formuler pour la jarre étudiée. De nombreux objets de grands musées tels que le Louvre ou le British Museum, proviennent de ces campagnes de fouilles conduites par des institutions académiques ou muséales, privilégiant parfois l’esthétisme des beaux objets, à l’étude archéologique125.
Le cas de la législation des fouilles en Iraq et en Syrie Comme l’étude typochronologique des jarres partho-sassanido-islamiques a pu le
conclure, la jarre étudiée proviendrait d’Iraq ou de Syrie. Les premières fouilles méthodiques en
Emmanuel Pierrat, op. cit., p. 49. Source URL : http://info.arte.tv/fr/du-moyen-orient-leurope-un-vaste-trafic-doeuvres-dart. 122 Loc. cit. 123 Source URL : http://icom.museum/communiques-de-presse/communique-de-presse/article/liste-rougedurgence-des-biens-culturels-irakiens-en-peril-un-outil-de-licom-pour-combattre/L/2/. 124 Laurent Flutsch, Didier Fontamnaz, op. cit., p. 65. 125 Ibid. 120 121
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Iraq remontent à 1884, avec la promulgation d’une loi sur les antiquités126. En août 1921, une nouvelle loi limite la sortie des œuvres d’art d’Iraq : les musées ne peuvent désormais plus recevoir que des œuvres considérées comme des « doubles ». La loi syrienne, elle, stipule que tout objet trouvé sur le territoire depuis le 10 août 1977 appartient à l’Etat, et ne peut être vendu127.
►Malgré les incertitudes concernant sa provenance, la jarre que nous étudions ne semble pas faire partie des listes rouges de l’ICOM, et il est presque certain qu’elle ait été rapportée il y a bien plus longtemps, étant donné son état, et sa précédente restauration notamment. De plus, ayant été vendue comme simple « pot émaillé bleu » lors de sa vente récente à Drouot128, cela montre que cette jarre était largement tombée dans l’oubli, non appréciée à sa juste valeur historique, et non reconnue et vendue comme « céramique islamique ».
M.O. Rousset, L’archéologie islamique en Iraq – Bilan et perspectives, Institut Français de Damas, 1992, p. 20. Reportage « En quête d’actualité – Trafic d’antiquités, les filières interdites », diffusé le 27/01/2016 sur D8. 128 Courriel de M. Thomas Bonzom, le 16/10/2014. 126 127
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Conclusion de l’étude technologique et historique L’étude approfondie de cette œuvre et de ses matériaux constitutifs a pu apporter de nombreux éléments. Il s’agit donc d’une jarre en terre cuite argileuse, recouverte d’une glaçure alcaline bleue turquoise, à base d’oxyde de cuivre. D’abord façonné au tour, le corps de la jarre a ensuite été agrémenté de quatre anses collées à la barbotine, avant de subir une cuisson oxydante autour de 980°C. De contenance moyenne, et à ouverture moins large que la panse, cette jarre s’apparente aux jarres de stockage. Placées dans un intérieur, elles servaient à conserver des aliments ou des liquides. Sans décor autre que sa belle glaçure monochrome cependant très altérée, cette jarre est une céramique commune, à visée utilitaire.
L’étude typochronologique a permis de replacer cette jarre dans un contexte islamique ; elle pourrait provenir de Syrie ou d’Irak, et serait datée entre le VIIIème et le XIIème siècle, et plus vraisemblablement dans la seconde partie de la période donnée. Cette hypothèse n’est cependant pas certaine, en raison de la complexité de datation des céramiques islamiques, due aux traditions et influences communes à différentes ères et dynasties depuis les traditions partho-sassanides.
Plusieurs entretiens avec le propriétaire de l’œuvre nous ont permis de comprendre que retracer le parcours véritable de cette jarre serait impossible, en raison de la perte totale d’informations antérieures à la vente aux enchères à l’Hôtel Drouot en 2012 au cours de laquelle M. Bonzom a acquis l’objet. Cette jarre aurait vraisemblablement été rapportée autour du XIXème siècle par des voyageurs occidentaux, érudits ou amateurs d’art oriental, et transmise de génération en génération jusqu’à perdre sa valeur historique et archéologique, aux dépens d’une seule valeur esthétique. Nous avons tout de même souhaité émettre plusieurs hypothèses quant à son parcours propre, et par là même nous intéresser davantage aux pratiques archéologiques des pays du Proche et Moyen Orient autour du XIXème siècle.
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Seconde partie : Restauration de l’œuvre
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Introduction À la prise en charge de cette jarre en septembre 2014, son intérêt esthétique, historique,
et surtout technique, était pour nous primordial. Une ancienne restauration était visible, mais nous n’en distinguions pas encore son ampleur. Des éclats et des lignes de cassures jaunies laissaient penser à un simple collage et comblement de cassures. Au fur et à mesure de l’étude de l’œuvre, des tests réalisés, puis de la mise en œuvre des traitements, de nombreuses problématiques sont apparues, remettant en question des choix et mettant en exergue des questionnements déontologiques. Autant de défis à relever pour cette jarre, afin de lui rendre toute sa lisibilité, sa valeur historique, sa valeur esthétique, mais surtout afin d’assurer sa bonne conservation. La réalisation de nombreuses étapes de restauration était pour nous l’intérêt de l’œuvre de mémoire, concrétisant alors nos cinq années de formation. Par nos recherches bibliographiques, la prospection auprès de musées ou de collections, l’étude de précédents cas de restauration, nous souhaitions affiner nos connaissances et compétences en restauration de céramiques, et notamment de biens archéologiques. Ce travail de deux ans allait engendrer bien plus de questionnements - tous plus enrichissants les uns que les autres - que ce dont cette jarre ne laissait penser à sa découverte dans la galerie de Monsieur Bonzom.
Pour une meilleure compréhension de l’œuvre et de l’étude, la double page dépliable p. 40 présentant une photographie et le dessin archéologique de la jarre, peut être laissée déployée durant la lecture de cette partie restauration.
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Constat d’état
« Le restaurateur doit procéder à un examen minutieux du bien culturel et à l’élaboration d’un dossier approprié avant d’entreprendre un traitement129».
Objectif du constat d’état Le constat d’état sert à dresser un bilan de l’état de l’œuvre : recenser tout ce qui est visible sur l’œuvre et qui en détermine son état. Cela permet ensuite de dresser un diagnostic afin de comprendre la raison de ces éléments ou altérations*130, et enfin de proposer un protocole de restauration. Afin d’organiser au mieux notre propos, nous avons choisi d’étudier l’état de la jarre selon l’axe suivant : nous aborderons l’état de la surface, puis l’état structurel, ces termes étant définis au début de chaque partie. Le dessin archéologique ci-dessous (réduit ici mais disponible sur un volet A4 dépliable dans la partie historique à la page 38) permet de mieux visualiser les différents éléments composant l’œuvre.
Lèvre
I/. ÉTAT GÉNÉRAL DE LA JARRE
Col
Pour toutes les étapes d’observation et
Epaule
d’intervention sur l’œuvre, un support de travail a été conçu, afin que la jarre puisse reposer sur un coussin. Un conditionnement a également été conçu pour contenir la jarre durant tout le temps de son
Panse
prêt à l’école. Les explications concernant le support de travail et la boite de conservation sont disponibles en annexe (Cf. Annexe IV « Supports de Pied
travail et contenant »). Base
Fig. 58 : Dessin archéologique de la jarre étudiée 129 130
ICC, Code de déontologie et guide du praticien…, 2ème édition, 1989. Nicole Blondel, Céramique, Vocabulaire & Technique, 2014, p. 376.
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A. État général à l’œil nu La première observation générale, rapide, constitue un bilan initial. Ce premier examen nous permet de déceler une précédente restauration : un collage, des comblements, des retouches. L’ampleur de cette restauration n’est cependant pas évidente à l’œil nu, car certaines lignes de cassures sont cachées par une retouche, à la différence d’autres cassures visibles en raison d’un matériau de comblement ayant gonflé et donc plus visible. Dans un premier temps, c’est l’aspect esthétique de l’œuvre et de ses anciennes restaurations qui sont remis en question. L'état de la glaçure est aussi préoccupant, car celle-ci n'est plus présente que sur une seule face de la jarre, s'étant fragilisée et ayant connu d'importantes pertes.
A
B
C
D
Fig. 59, 60, 61, 62 : Visibilité des quatre faces de la jarre, état à la prise en charge
B. Les méthodes d'examen utilisées Chaque élément reflétant l’état de la jarre a été observé à œil nu pour être localisé sur la jarre, quantifié si possible, mesuré. Mais parfois, un simple examen visuel est loin d'être suffisant. Nous avons eu recours à différents instruments pour réaliser un constat d'état approfondi : un appareil photo Nikon D3100®, avec deux objectifs différents (un standard AF-S Nikkor® 18-105mm 1:3:5-5.6G et un objectif macro AF-S Micro Nikkor® 105mm 1:2:8). Une caméra électronique Digimicro 2.0 Mega Pixel USB a aussi été utilisée, avec un grossissement x200.
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La jarre a aussi été soumise à différentes lumières : la lumière du jour131, la lumière rasante* (apport latéral de lumière permettant de révéler les reliefs d’une surface grâce aux ombres portées), ou encore la lumière à ultra-violets*132 grâce à une lampe Waldmann 230 V à rayons UV, permettant de révéler l’étendue des repeints sur un objet.
II/. CONSTAT D’ÉTAT DE LA JARRE A. État de la surface L’état de surface concerne la paroi extérieure et intérieure de l’objet. Dans le cas de la jarre étudiée, la « surface » est représentée par la glaçure, présente partout mais irisée, très altérée sur la surface externe, et ayant perdu sa coloration sur la majeure partie de l’œuvre, laissant découvrir la pâte beige-grise sous-jacente. Nous séparerons donc dans notre étude, l’état de surface dévitrifiée, et l’état de la glaçure saine.
1. État de la surface dévitrifiée a) Empoussièrement général
Une couche de poussière est visible sur toute la surface de la jarre. Du sable et des petits cailloux sont aussi présents dans le fond de la jarre. Les parois internes de la jarre sont également très poussiéreuses.
Fig. 63 : Dépôt de sable dans le fond de la jarre et empoussièrement des parois
Dite aussi « lumière naturelle », c’est celle apportée par le soleil entrant dans une pièce. Certaines ampoules peuvent aussi posséder cette qualité de « lumière du jour ». 132 Rayons ultra-violets : permettent de détecter les éléments de surface sur un objet ayant subi une restauration. Les rayons ultra-violets sont des « rayons qui existent dans toute lumière, qui, dans le spectre solaire, se placent au delà du violet, et qui sont imperceptibles ou à peine perceptibles pour la rétine. » Le Littré. 131
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70 b) Altération et perte de glaçure
Une des principales altérations de surface concernant cette jarre est l’altération de la glaçure. Cette glaçure semble, comme expliqué dans la partie technique et historique, avoir été posée en deux couches : une première fine, et une seconde beaucoup plus épaisse, qui a d’ailleurs provoqué des coulures. On constate une importante perte de glaçure sur l’extérieur ; elle a peu à peu perdu sa couleur, s’est dévitrifiée, et a complètement disparu à certains endroits. Sur chacune des quatre faces présentées ci-dessous, nous avons délimité par un tracé rouge, les contours de la glaçure saine restante. A
B
C
D
Fig. 64, 65, 66, 67 : Délimitation de la glaçure toujours « saine » sur les quatre faces de la jarre
On remarque donc que la glaçure est toujours relativement présente sur la face A de la jarre, qu’elle demeure légèrement sur la face B, notamment sur le bas de la panse, mais qu’elle est ensuite très largement altérée. Elle est présente sur les autres faces seulement en taches disséminées sur le bas de la panse sur la face C, et uniquement sur une infime partie du col sur la face D. Les parois internes sont elles-aussi glaçurées. Cette glaçure est très encrassée, mais lorsque l’on passe un coton d’eau déminéralisée à sa surface, la poussière se dégage et la glaçure se révèle. Les concrétions sont pour l’instant trop importantes, elles masquent en grande partie la glaçure. On ne pourra donc indiquer l’état de la glaçure interne qu’après un premier nettoyage.
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71 c) Irisation* de la glaçure
Nous constatons que les restes de glaçure bleue sont auréolés de contours marron foncé, ce qui marque un contraste entre le bleu brillant de la glaçure et le grisbeige de la glaçure dévitrifiée. Ces auréoles sont visibles sur la photographie ci-contre. Entre ces résidus de glaçure, des zones beiges sont visibles ; c’est la pâte qui se retrouve presque à nue.
10 mm
Fig. 68 : Zones d’irisations avec auréoles
On voit à la surface de ces zones beiges des reflets brillants, appelés irisations. Ces zones d’irisation sont des « teintes parasites présentant les couleurs du spectre133 ». Ces phénomènes d’irisation sont largement présents sur les objets sortis de fouilles, et possédant une glaçure alcaline.
Fig. 69 : Détail d’une irisation avec caméra USB (zoom x 200)
d) Trous visibles en surface
Plusieurs trous sont visibles dans l’épaisseur de la pâte. Ces trous sont appelés « picots* » ou « trous d’épingle » : ce sont de minuscules trous, isolés ou en groupe, à la surface134. Dans le cas de cette jarre, les trous ont généralement un diamètre inférieur à un millimètre, et présentent une cavité obscure. Ils sont disséminés sur la jarre, au niveau surface ayant perdu la glaçure, et sont répartis de façon relativement hétérogène, sur la partie inférieure de la jarre.
133 134
Fig. 70 : Détail d’un échantillon de 2cm2 avec présence de 3 trous d’épingle dans la pâte, face C
Nicole Blondel, Op. Cit., p. 382. Nicole Blondel, Op. cit., p. 383.
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Nous avons relevé 25 trous d’épingle sur la face C de la jarre, et 51 sur la face D, qui correspondent aux deux faces où la glaçure très altérée a majoritairement disparu. Sur la face A, nous en avons compté 4, et 2 sur la face B. Ils sont illustrés par les photographies ci-dessous, où chaque point rouge représente un trou d’épingle. A
B
C
D
Fig. 71, 72, 73, 74 : Localisation en rouge des picots sur les faces A, B, C et D de la jarre
D’autres trous, plus gros, et de forme plus irrégulière, sont visibles sur la jarre. B. Bourgeois décrit sous le nom de « cratères d’altération » des « cavités de petites dimensions (diamètre : 2 mm ou moins), logées à la surface de la pâte céramique, sans ordre apparent. Certaines semblent vides ; d’autres sont remplies d’une matière blanche135 ». C’est le cas pour notre objet dont les cratères ne forment pas des cavités vides comme les picots vus précédemment, mais forment un cratère dont on voit le fond.
10 mm
Fig. 75 : Détail d’un cratère dans la pâte
Fig. 76 : Localisation sur la jarre du cratère présenté ci-contre
Brigitte Bourgeois, La conservation des céramiques archéologiques – étude comparée de trois sites chypriotes, Collection de la maison de l’Orient Méditerranéen n°18, p. 47. 135
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Le plus gros de ces cratères mesure 5 mm de longueur sur 3 mm de largeur, et le plus petit moins d’un millimètre de diamètre. Ils sont profonds d'un ou deux millimètres. Certains sont obstrués par des concrétions* marrons ou grises. Nous en comptons 5 sur la face A, 3 sur la face B, 3 sur la face C, et 9 sur la face D. Ils sont disséminés sur la partie inférieure de la panse.
e) Boursoufflure de la pâte
Au niveau de la panse de la jarre, une boursoufflure de pâte est visible. Malgré un comblement et une retouche présents au centre de cette surépaisseur, on distingue la forme d'un cercle, qui mesure environ 40 mm de diamètre. Cette boursoufflure s’est encrassée et noircie. Elle est en partie recouverte par une substance blanche qui s’effrite au scalpel, elle-même recouverte de peinture, débordant sur la pâte d’origine. Fig. 77 : Boursoufflure de la pâte vue en lumière rasante 2. État de la glaçure saine a) Dépôts à l’extérieur
Différents dépôts sont présents sur la surface de la jarre. Aussi appelé « concrétion », un dépôt est un « amas de matière homogène ou non, collé accidentellement à la surface de céramiques. Sa forme, son volume, sa couleur et sa dureté sont variables. Il est de nature organique ou minérale. Il est particulièrement fréquent sur les pièces qui ont été enfouies 136 ». Les concrétions de la jarre sont de couleur grise, blanchâtre, ou marron, et leur épaisseur et leur texture varient également. La plupart d’entre elles sont assez friables ; elles se retirent avec une lame de scalpel. Certaines forment simplement un dépôt plat à la surface de la glaçure, tandis que d’autres ont une surface plus irrégulière avec des amas allant jusqu’à 2 mm d’épaisseur. Ces dépôts sont localisés uniquement sur la partie où la glaçure est encore présente, et sur la partie inférieure de cette glaçure (Cf. photographies page suivante).
136
Nicole Blondel, Op. cit., p. 379.
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Fig. 78 : Concrétions marrons sur la surface de la glaçure
Fig. 79 : Concrétions avec grossissement x 200
Fig. 80 : En rouge, zone de la jarre où sont localisés les dépôts
b) Dépôts à l’intérieur
De nombreux dépôts sont aussi visibles à l’intérieur de la jarre. Ceux-ci se présentent sous forme de couches entre 0,5 et 2 mm d’épaisseur, réparties de façon hétérogène sur l’ensemble des parois internes, du fond jusqu’au col. Ces concrétions sont très friables au scalpel, elles se retirent en couche avec une lame de scalpel, mais ne sont pas solubles dans l’eau déminéralisée. Fig. 81 : Vue de l’intérieur de la jarre : délimitation x8 en rouge des zones d’encrassement
Nous avons observé un échantillon de ces concrétions à l’aide d’une loupe binoculaire de grossissement x8. On peut voir sur la photographie ci-contre que ces concrétions sont formées de boursoufflures et surépaisseurs en petites boules. Elles sont de couleur marron. Elles ont en fait le même aspect que les concrétions observées au microscope électronique sur la surface externe de la jarre.
Fig. 82: Détail à la loupe binoculaire x8 d’une concrétion de l’intérieur de la jarre
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75 c) Trous dans la glaçure
Comme dans la pâte, des trous sont aussi présents dans la glaçure. Leur cavité représente moins d’un millimètre de diamètre, et forme un creux noir. Certains de ces trous sont obstrués par une couche de poussière.
Fig. 83 : Détail de trous d’épingles dans la glaçure d) Retirements d’émail
D’autres cavités présentes dans la glaçure correspondent à des retirements d’émail. Certains de ces trous sont creux, et à l'aide du microscope électronique, on peut observer un vide noir à l'intérieur, comme sur la figure ci-contre. La glaçure forme un bourrelet arrondi tout autour de ces trous. Ceux-ci ont des diamètres variables entre 1 et 3 mm. Fig. 84 : Détail d'un retirement d’émail, observé avec la caméra USB (x200)
D'autres cratères présents également sur la glaçure sont obstrués par des concrétions blanches, grises, ou marrons. Ces concrétions sont difficilement friables au scalpel, elles sont plutôt dures. Ces cratères mesurent environ 2 mm sur 3 mm.
e) Trésaillage de la glaçure
Un trésaillage* de la glaçure est aussi visible sur les endroits où la glaçure turquoise est toujours présente. Il correspond à des « fentes linéaires, franches et nettes, perpendiculaires à la couche de revêtement, formant un réseau dans la glaçure et délimitant des fragments attachés au tesson137 ».
137
Nicole Blondel, Op. cit., p. 380.
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Fig. 85, 86 : Localisation et détail du trésaillage de la glaçure
Ces fissures* se répandent en réseau ; on distingue donc des parties de la jarre où les fissures sont plus nombreuses qu'à d'autres. Ce trésaillage est uniquement visible là où la glaçure est toujours saine et vitrifiée, mais surtout localisé là où la glaçure est la plus épaisse, c’est à dire sur le haut de la panse. La glaçure ne s'écaille pas. Certaines fissures sont visibles en profondeur de la glaçure mais ne créent pas d'ouverture à la surface. D’autres fissures cependant remontent jusqu’à la surface ; celles-ci sont de couleur beige ou marron, elles se sont encrassées, de la poussière s'étant incrustée dans ces micro-fissurations.
f) Micro-rayures
La glaçure de la jarre comprend aussi des microrayures. Elles sont visibles à l’œil nu, mais nous avons également pu les observer à l'aide de la caméra au grossissement 200.
Elles correspondent à une légère
abrasion de la couche supérieure vitrifiée de la glaçure. Elles sont localisées un peu partout sur la surface glaçurée de la jarre. Fig. 87 : Micro-rayures de la glaçure, grossissement x 200
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B. État structurel L’état structurel de la jarre concerne ce qui touche l’œuvre dans sa structure même, c'està-dire dans l’épaisseur de sa pâte, et non plus seulement en surface.
1. Éclats
Quatre éclats, petites pertes de matière, sont décelables sur des tessons de la jarre, au niveau du col et des anses. Mais beaucoup des cassures sont bouchées par un matériau de comblement débordant, et grossièrement repeint. Nous pouvons donc supposer que davantage d’éclats sont présents au niveau de ces cassures, mais nous ne pourrons confirmer cette hypothèse qu’après un premier nettoyage et la suppression des repeints et bouchages. L’éclat du col, en rouge, mesure 35 mm sur 9 mm. L'éclat que nous avons entouré en vert présente une particularité, car il est au niveau de la jointure entre un tesson d'origine et un tesson en plâtre*. Il mesure 8 mm de largeur sur 6 mm de hauteur. Deux éclats sont aussi présents sur deux des anses ; ils touchent la pâte sur une profondeur d'environ 3 mm. Le premier mesure 12 mm sur 9 mm, et le second 13 mm sur 11 mm.
Fig. 88, 89, 90, 91, 92 : Détails et localisation d'éclats sur la lèvre du col et sur trois anses
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78 2. Cassures
La jarre est brisée en plusieurs tessons, et comprend donc différentes lignes de cassures. Certaines sont cachées sous des bouchages et repeints. Dans le but de localiser parfaitement chacune d’entre elles, nous avons observé la jarre sous rayons ultra-violets. Grâce à l'observation sous lampe UV, à utiliser dans une pièce noire, tous les repeints, et donc les lignes de cassures repeintes, apparaissent en fluorescence. A
B
C
D
Fig. 93, 94, 95, 96 : Vue des 4 faces de la jarre sous lumière UV
Les lignes fluorescentes apparues ne révèlent en fait pas les lignes précises de cassures, mais les repeints qui ont été effectués sur ces cassures, en débordement. Pour une meilleure lisibilité, nous avons réalisé des schémas mettant en valeur les cassures en vert. Elles s’avèrent ici très larges car les tracés représentent les limites que nous voyons des bouchages, débordant sur la surface originelle. Nous ne pouvons donc pas savoir pour le moment si les tessons sont jointifs*, ou si des pertes de matière sont présentes au niveau des cassures. Nous comptons alors une trentaine de tessons. A
B
C
D
Fig. 97, 98, 99, 100 : Schémas représentant les cassures sur les 4 faces A, B, C et D de l’objet Louise Milan – Etude et restauration d’une jarre islamique – Ecole de Condé
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3. Lacunes
En l’état actuel, la forme est complète, mais les cassures ou lacunes sont recouvertes par un matériau de comblement et par de larges repeints les camouflant. Du fait des éclats présents dans les bouchages du col, nous supposons qu’une grande partie du col a été reconstituée, mais nous n’en voyons pas les délimitations, les repeints ayant dépassé sur les tessons d’origine de façon imperceptible. Grâce à l’observation sous lampe UV, nous pouvons distinguer plus facilement les parties que nous supposons être des comblements de lacunes, du fait de larges zones fluorescentes. Une anse entière apparait en fluorescence, ainsi que la moitié d’une autre. Nous avons localisé ces supposés « comblements », en rouge sur les dessins ci-dessous. A
B
C
D
Fig. 101, 102, 103, 104 : Schémas des faces A, B, C et D représentant les comblements supposés, et donc les lacunes
C. État des anciennes restaurations Si cet objet nous a été confié, c’est bien à cause d’un vieillissement et d’une altération de l’ancienne restauration, dont les matériaux désormais obsolètes, peuvent s’avérer nuisibles pour la jarre. Cette nécessité de nouvelle restauration semble donc à première vue, résulter plutôt d’un besoin esthétique, l’ancienne restauration entravant la lisibilité de la jarre. Ces anciennes restaurations ne sont pas considérées comme des altérations à proprement parlé, mais il est tout de même important de les étudier dans ce constat, car elles font partie de l’état
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actuel de la jarre. C’est bien l’obsolescence* même de ces anciennes restaurations qui causent aujourd'hui des risques pour la jarre.
1. Collage
Un collage des tessons a déjà été réalisé. Les cassures au niveau de la base et de la panse ont toutes été comblées à l’aide d’un matériau de bouchage. Il est pour l’instant impossible d’avoir accès aux tranches des tessons, nous ne pouvons donc pas identifier l’adhésif utilisé pour le collage. Au niveau de la lèvre du col, quelques résidus de colle sont visibles ; cette colle est blanche et se retire très facilement avec un scalpel. Cette colle blanche n’est visible qu’à cet endroit. Aucun des tessons ne bouge, et il n’y a qu’une seule zone de ressaut, présente au niveau de la lèvre de la jarre, où deux tessons sont collés entre eux, et ce bloc est fixé au reste du col.
Fig. 105 : Localisation sur la jarre, en rouge, des deux tessons avec ressauts
Fig. 106 : Deux tessons de la lèvre présentant des ressauts, entre la face A et B
2. Comblements
Tous les comblements, de lacunes et de cassures, n’ont pas le même aspect de surface. Leur texture apparait lisse sur la majorité de la jarre. Au niveau de la lèvre cependant, ils n’ont pas du tout la même texture que le reste des bouchages de la jarre. Sur la figure 109 de la page suivante, c'est-à-dire un échantillon au grossissement x200 du bouchage du pied, le matériau de comblement apparait lisse, posé de façon homogène. A contrario, sur la figure 110 représentant un échantillon au même grossissement d’un comblement du col, la surface apparaît très hétérogène, non lisse, avec des irrégularités de surface.
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Fig. 107, 108 : Localisation de deux bouchages dont l’aspect de surface est différent
Fig. 109, 110 : Détails des différences de texture de surface entre le bouchage du pied et les bouchages du col, grossissement x200 au microscope électronique
Plusieurs éclats sont visibles sur les comblements eux-mêmes, notamment au niveau de la lèvre du col, où deux larges éclats laissent découvrir le matériau de bouchage sous les repeints, ce matériau étant très blanc et relativement friable à la pointe du scalpel. L'éclat le plus important mesure 35 mm de longueur sur 17 mm de largeur. Le second éclat mesure 25 mm de largeur sur 9 mm de hauteur.
Fig. 111, 112, 113 : Localisation et détails des éclats au niveau des comblements de la lèvre, face B
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82 3. Repeints
Tous les comblements réalisés sur la jarre ont subi une retouche, qui s’apparente à une retouche illusionniste*. Mais cet effet « illusionniste » est altéré par les bouchages eux-mêmes, très visibles car irréguliers et en surépaisseur. Plusieurs teintes de retouche ont été posées, débordant largement sur la surface d’origine. Sur la photographie ci-dessous, sur laquelle est présentée la fluorescence des repeints de l’intérieur du col, nous distinguons sur la partie supérieure, une anse entièrement fluorescente, qui pourrait donc avoir été reconstituée.
Fig. 114 : Photographie sous lumière UV des repeints de l’intérieur du col
Fig. 115 : Localisation de l’anse reconstituée
Sur le comblement du pied, une couleur de fond assez homogène, beige-grisâtre, a été posée. Par-dessus, des petits points ont été réalisés, ils ont une forme plutôt régulière et ronde.
Fig. 116, 117 : Détail (zoom x200) et localisation de la retouche aux petits points sur le pied de la jarre
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Sur les comblements des cassures au niveau de la panse, et sur les comblements du col et des anses, la même méthode a été utilisée, mais ne donne pas les mêmes petits points. Ceux-ci sont beaucoup plus allongés. Ils sont placés de façon plus dense, ont été multipliés. Si certains repeints sont distinguables à l’œil nu, comme ceux des cassures, d'autres restent très difficilement discernables du reste de la jarre, comme certains repeints du col, ou encore des anses reconstituées.
Fig. 118, 119 : Détail et localisation de la retouche aux petits points sur la panse de la jarre
On constate aussi que toutes les cassures ont été comblées et repeintes. Une couleur jaunâtre a été appliquée sur les bouchages au niveau des parties où la glaçure avait disparu, laissant apparaitre la couleur de la pâte, ou bien sur les zones proches de concrétions ayant également cette couleur beige. Une couleur bleue a tenté d'imiter la glaçure sur les bouchages la recouvrant.
Fig. 120 : Retouche visible sur les bouchages des cassures, délimitation plus large en rouge de la ligne de cassure
4. Couche de matière grise sur l’intérieur de la jarre
En observant l’intérieur de la jarre, nous voyons aussi qu’une restauration est présente sur ces parois. Une couche de matière dure et grise, teintée dans la masse, a été posée au niveau de toutes les cassures. Ces couches ont une largeur comprise entre 1 et 3 cm, et une épaisseur variant de 0,5 à 3 mm. Certaines couches sont lisses, tandis que d’autres comportent de nombreux picots.
Elles sont aussi très Fig. 121 : Détail de couches de matière grise posées sur les cassures sur la surface interne
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encrassées. Lorsque l’on passe un coton d’eau déminéralisée sur ces couches grises, le coton se charge de la couleur grise, mais la matière elle-même ne semble pas se ramollir. Il en va de même avec un coton-tige d’eau chaude. Avec l’acétone cependant, la couleur ne se dépose pas sur le coton.
Cette substance est très cassante au scalpel, et se retire en couche à l’aide d’une lame de scalpel. En observant un de ces prélèvements au microscope électronique x200, on constate que cette substance grise comprend des petits points de couleur, et des traces de concrétions marrons. Fig. 122 : Détail au microscope électronique (x200) d’un prélèvement de matière grise
Un schéma récapitulatif a été réalisé pour illustrer les différentes étapes de restauration qui ont déjà été réalisées sur la jarre.
Fig. 123 : Schéma récapitulatif des différentes étapes de restauration présentes sur la jarre, face externe en haut, et face interne en bas
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III/. DIAGNOSTIC Le diagnostic, qui fait suite au constat d’état, est également une étape primordiale, car il permet de comprendre l’existence de chacun de ces défauts de fabrication et de ces altérations, d’estimer leur évolution. C’est après cette analyse que pourra être donnée la proposition de traitement, au regard des altérations à prendre en charge. Régis Bertholon138 indique à propos du diagnostic, qu’il permet de répondre à plusieurs questions : Que s’est-il produit ? Que risque-t-il de se produire ? Quelles sont les conséquences actuelles des altérations de l’objet ?
A. Histoire matérielle : étapes d'altération de la jarre 1. Les défauts de fabrication
Plusieurs éléments concernant l’état de la jarre sont en lien direct avec les matériaux constitutifs de l’objet. Dans le constat d’état, nous avons pu citer des défauts de fabrication engendrés lors de la création de l’œuvre. Nous les classerons ici de manière chronologique : façonnage, émaillage, cuisson. Façonnage : Parmi ces défauts de fabrication, nous avons cité les picots ou trous d’épingle. Ces petits trous correspondent à des bulles d’air dans la pâte, qui sont remontées jusqu'à la surface et ont éclaté à la cuisson. Elles laissent ainsi derrière elles un petit trou. Ces bulles d'air peuvent être dues à la préparation de la terre, étape durant laquelle de l'air a pu être intégré à la pâte. Les trous plus gros, que nous avons nommés "cratères", peuvent être dus à des incrustations dans la pâte, qui se sont délogés après la cuisson, laissant à leur place un creux dans la terre. Ces incrustations peuvent être des grains de sable, de chaux, ou d'autres minéraux. Une boursoufflure formée d’un cercle en surépaisseur est présente sur la panse de la jarre, entre les faces B et C. La partie historique, réalisée simultanément avec la partie restauration, nous a finalement permis de comprendre qu’il s’agissait d’un sceau, empreinte laissée dans la pâte par le potier avant la cuisson.
Restaurateur de mobilier métallique archéologique entre autres, dans « Méthodologie de la conservationrestauration d'un objet métallique - Diagnostic ». 138
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Emaillage : Des cratères sont aussi visibles dans la glaçure. Ceux-ci sont des retirements de l'émail, c'est à dire que lors de l'émaillage, une goutte d'eau, un grain de poussière139, ou toute autre substance posée sur la pâte a empêché la glaçure d’y adhérer. À la cuisson, l'émail s'est retiré, formant ce bourrelet autour d’un trou, qui s’est, avec le temps, encrassé voire obstrué.
Cuisson : Le trésaillage visible dans la glaçure, est du à un problème d’accord dilatométrique, c'est-à-dire à une différence de dilatation et de rétractation entre la pâte et la glaçure. La pâte s’étant rétractée moins fortement que la glaçure, cette dernière s’est resserrée et donc craquelée, c’est ce qu’on appelle le trésaillage. Il peut avoir lieu à la sortie du four ou bien plusieurs mois après140. Il s'aggrave également avec le temps, et peut entrainer une perte de la glaçure.
Fig. 124 : Schéma illustrant le trésaillage d’une glaçure
Cette perte de glaçure peut être due à une mauvaise application, à un défaut d’accord dilatométrique141, ou simplement à une importante fragilité du matériau vitrifié, qui s’est altéré avec le temps. En effet, comme nous l’avons étudié dans la partie technique et historique de ce mémoire, la glaçure alcaline présente une grande fragilité et une grande sensibilité à l’humidité. Rhodes écrit qu’« il est presque impossible de faire adhérer la glaçure alcaline au tesson sans trésaillage142 ».
Maurice Haussone, Technologie céramique générale – Faïences – Grès – Porcelaine, 1969, p. 247. Daniel Rhodes, Terres & glaçures - Les techniques de l’émaillage, Volume 2, 2006, p. 154. 141 Marie Berducou, Op. cit., p. 87. 142 Daniel Rhodes, Op. cit., p. 108. 139 140
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2. Les altérations dues à l’usage
L’étude historique nous a permis de déterminer que l’œuvre étudiée était une jarre de stockage, utilitaire donc. Ce contenant a dû être manipulé par différentes personnes, être entreposé au contact d'autres contenants, et subi des chocs et des variations thermohygrométriques importantes selon les lieux de conservation successifs ; des micro-fissurations ont pu apparaître sur la jarre. Durant l'utilisation de la jarre, des micro-rayures, en surface de glaçure (contrairement aux microfissurations qui sont, elles, en profondeur de glaçure) ont aussi été créées par la manipulation de la jarre. Ces rayures ont certainement été engendrées par des objets venus frotter la glaçure et la rayer. Les glaçures alcalines étant tendres, le risque de rayures est très important143. La glaçure a subi une dévitrification de sa matière, provoquée par l’enfouissement, et a progressivement perdu de son épaisseur et de sa couleur. Comme nous l’avons aussi remarqué, cette jarre présente de nombreuses cassures. Nous pouvons émettre l'hypothèse que la jarre ait été brisée durant son utilisation, par accident, ou en étant jetée après utilisation ou mise au rebus. Cependant, au vu des lignes de cassures qui semblent très jointive, il ne semblerait pas que la jarre ait été brisée avant son enfouissement, car les tessons auraient été corrodés, auraient subi des pertes de matière au niveau des tranches.
3. Les altérations engendrées par la conservation de la jarre
a) Acquisition au Moyen-Orient aux alentours du XIXème siècle Comme nous avons pu en émettre l’hypothèse lors de l’étude historique de l’objet, cette jarre a certainement due être achetée au Moyen-Orient au XIXème siècle par des Occidentaux. Avant cette acquisition, l’objet avait pu être découvert lors d’une fouille archéologique, avant d’être restauré, et ses tessons, alors enfouis sous terre, avaient pu être grandement altérés. Les concrétions sont apparues sur la pièce, ce qui est commun aux pièces enfouies sous terre. Ces concrétions ne sont pas solubles à l’éthanol ni à l’eau chaude, mais elles se retirent en partie au scalpel. Tous nos tests sont relayés dans des tableaux en annexe XVIII (p. 244). Des micro-rayures ont aussi pu être créées par du sable venu frotter sur la glaçure si la jarre a réellement été enfouie sous terre. Durant l’enfouissement probable de la jarre, la glaçure a aussi dû s’altérer, et perdre sa
143
Daniel Rhodes, Op. cit., p. 108.
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couleur, sa brillance, son épaisseur, jusqu’à laisser apparaître la pâte par endroits. Ce type de glaçure est composé principalement de fondants à base de soude et de potasse, qui sont solubles au contact de l’eau. Selon la fiche toxicologique de l’INRS144, la soude, ou hydroxyde de sodium NaOH, est soluble à l’eau et sensible aux alcools, dont l’éthanol par exemple. Elle ne l’est cependant pas à l’acétone. Charles Kiefer indique que « les verres ne contenant que des oxydes vitrifiants comme la silice et des oxydes fondants, sont malheureusement très altérables aux agents atmosphériques et à l’eau. Il est donc nécessaire d’ajouter dans les verres des oxydes stabilisants145 ». Les altérations de la glaçure sont en effet proches de celles du verre qui ont des constituants en commun comme la soude. Parmi ces altérations de la glaçure, sont présentes les irisations. J. Soustiel explique au sujet de ce phénomène que « [Les irisations] sont produites par une attaque chimique naturelle superficielle de la glaçure des objets enfouis. Les acides faibles existants dans la terre, en présence d’humidité, dissolvent les alcalins de la glaçure. La silice, qui ne peut être dissoute par l’eau, reste et apparait alors sous forme de petites plaquettes ou d’une pellicule lamellée qui dispersent la lumière et produisent l’irisation146 ».
Les étapes de cette altération de la glaçure peuvent être expliquées par le schéma suivant, qui nous a été présenté par Guy Musculus147.
Fig. 125 : Schéma de la corrosion de la glaçure de couleur turquoise riche en potassium et en sodium
Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Jean Soustiel, La céramique islamique, « Caractérisation des tessons … », par Charles Kiefer, p. 367. 146 Jean Soustiel, Op. cit, p. 387. 147Ingénieur de la céramique, professeur de théorie de la céramique à l’Ecole de Condé. 144 145
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C'est aussi lors d’un supposé enfouissement que la jarre aurait pu être imprégnée de sels solubles véhiculés dans la terre par l’eau148. Les sels remontant à la surface d’une terre cuite poreuse par le biais des microfissurations, une glaçure peut s'altérer de façon irréversible. M. Berducou explique ce phénomène : « Piégés dans les pores du matériau lors de l’évaporation de l’eau qui les véhicule, ils cristallisent en exerçant sur les parois une pression considérable. […] Leur formation peut soulever et fissurer les revêtements, engobes, et surtout glaçures149 ». Nous n’avons cependant observé aucune efflorescence* ni trace de sels sur la jarre. Aucun sel non-soluble, sous forme de concrétion, n’est visible non plus. Etant donné les variations hygrométriques qu’a subies l’objet en passant d’un milieu d’enfouissement à différents milieux de conservation, les éventuels sels solubles présents ont déjà pu partir. Pour s’assurer de la non-présence de sels, un test chimique a été réalisé, consistant à frotter légèrement la surface de la pièce à l'aide d'un coton imbibé d'eau déminéralisée, afin de voir si un blanchiment apparait. À l'œil nu, aucune réaction ne semble avoir eu lieu à la surface. Nous ne sommes donc à priori pas en présence de sels solubles. Des tests plus importants devront être réalisés, comme un test de conductivité de l'eau150 grâce à une compresse* posée sur la jarre. Ce test est détaillé en annexe XIX.
b) Héritage, successions, et vente en 2012 Après son arrivée en Occident, voire même en France, cette jarre a pu passer de mains en mains, se retrouver dans des intérieurs privés, des greniers, des caisses, subir de nouveaux chocs, éclats ou brisures, jusqu’à la vente aux enchères en 2012 à l’hôtel Drouot, à Paris. Lors de cette modeste vente dont il ne subsiste pas d’inventaire, la jarre fut proposée sous le nom de simple "pot émaillé bleu". C’est aussi à ce moment de la vie de la jarre que du sable et des cailloux ont pu être ajoutés dans le fond de l’objet, afin de lui assurer une meilleure stabilité en apportant un poids dans la partie inférieure.
Marie Berducou, op. cit., pp. 92-93. Loc. cit. 150 Ibid., p. 99. 148 149
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c) Acquisition par Monsieur Thomas Bonzom et conservation dans sa galerie Suite à son acquisition en 2012, M. Thomas Bonzom rapporte cette jarre dans les vitrines de sa collection d’art islamique, dans une galerie du Marché Serpette, à Saint-Ouen. La jarre a donc pu subir des variations thermiques et hygrométriques, la glaçure ayant pu s’altérer davantage. Elle a également, de ce fait, subi les conséquences d’une exposition presque permanente à la lumière, les variations thermo-hygrométriques de la galerie, les manipulations du propriétaire ou de potentiels acheteurs, ainsi que les frottements contre d’autres pièces. On peut expliquer ainsi la présence de concrétions* presque uniquement sur la partie inférieure de la glaçure et non plus sur la partie supérieure, qui a du être touchée et manipulée à cet endroit. Lors de cette période d'exposition dans la galerie, elle a aussi connu un empoussièrement important ; des amas de poussière se sont ainsi accumulés à l’intérieur des anses notamment.
4. Les modifications engendrées par l'ancienne restauration
Des comblements au plâtre ont été effectués sur toutes les cassures de la jarre, ainsi qu’au niveau des lacunes. Le plâtre se délite, comme nous l’avons constaté avec les éclats dans les comblements au plâtre présents sur la lèvre de la jarre. Ces comblements ont mal vieilli, ou bien le plâtre a été mal préparé ou mal appliqué, ce qui le rend aujourd’hui obsolète. L’intérieur de la jarre a aussi subi une restauration, avec des couches de matière grise posées au niveau des cassures, sur les parois internes. Cette substance grise est aussi friable que du plâtre, ce qui ferait penser à un enduit, posé en couches pour renforcer le collage sur les parois internes. D'importants repeints ont ensuite été réalisés sur ces comblements. Mais en souhaitant effectuer une retouche s'approchant de l'illusionnisme, la peinture a largement débordé sur les tessons d'origine. Elle perturbe tout d'abord la lisibilité de la jarre, et génère de fausses informations. Nous avons effectué quelques tests afin de connaitre la méthode la plus adaptée pour retirer ces repeints. Lorsque l'on frotte la surface d'une retouche à l'aide d'un coton imbibé d'eau déminéralisée, la peinture s'éclaircit mais ne se retire pas totalement. Par contre, le matériau de comblement sous-jacent, est largement fragilisé par l'eau perd sa dureté, et s'effrite ou se détache très facilement au scalpel ; il est donc très probable que ce soit du plâtre.
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Quand un coton imbibé d'acétone est passé sur la surface d'une retouche, la peinture s'élimine. Le plâtre utilisé pour le comblement se fragilise encore une fois, et se retire très facilement au scalpel, avec une texture de plâtre mou. La retouche ne semble pas sensible à l’éthanol, mais ce solvant, comme les autres, ramollit le plâtre. L’éthanol a l’avantage de s’évaporer rapidement et de ne pas apporter d’eau sur la pièce, dont la glaçure est très sensible à l’humidité. En posant une goutte d’eau déminéralisée sur une zone de repeint, on constate après cinq minutes que la goutte n’est pas absorbée. On peut supposer qu’une peinture à l’huile a été utilisée. En effet, l’huile étant hydrophobe, elle ne laisse pas traverser l’eau, et forme une couche imperméable. Comme nous l’avons vu précédemment, notre glaçure contient des éléments solubles à l’eau et à l’éthanol. Bien que la retouche ne soit pas principalement au contact de la glaçure, il est tout de même préférable d’éviter ces solvants qui, utilisés pour retirer les repeints, pourraient altérer davantage la glaçure. L’acétone semble donc être le solvant le plus adapté.
B. Risques encourus « Que ce soit dans son usage courant ou technique, le mot risque signifie tout simplement la "possibilité de perte" ». Michalski151 1. A court terme
Une mauvaise manipulation et l’exposition telle quelle de la jarre dans la galerie de son propriétaire sont les premiers risques encourus par l’objet. En effet, la mauvaise stabilité de la jarre rend ses manipulations risquées, l’objet pouvant basculer et se briser de nouveau. D’autre part, nous avons pu constater une dégradation de l’ancien matériau de comblement et de retouche. Cette altération des matériaux peut être nuisible à la jarre, car peut provoquer des nouveaux dépôts de plâtre qui se délite et s’effrite, ou accentuer le déséquilibre de la jarre via des
151
Stefan Michalski, « Préservations des collections » dans Comment gérer un musée…, UNESCO, 2006, p. 52.
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pertes de comblements. De plus, en présence d’humidité, il peut y avoir une réaction entre le plâtre et les ions de la pâte, engendrant une migration des sels du plâtre dans la pâte152.
2. À moyen et long terme
La jarre subit aussi un problème d’empoussièrement et de dépôts plus ou moins incrustés, à la surface de la pièce. Ils créent tout d’abord un problème de lisibilité, mais pourraient aussi engendrer le développement de micro-organismes ou de moisissures, néfastes à l’œuvre. Cette poussière exogène* pourrait aussi créer une abrasion au niveau de la glaçure, et donc des nouvelles micro-rayures. Le collage de la jarre, effectué il y a plusieurs années, pourrait également devenir obsolète, son pouvoir adhésif diminuer, et céder sous le poids de la jarre. Cette dernière pourrait se briser lors d’une mauvaise manipulation, surtout au niveau des anses dont la jonction reste fragile. Enfin, la glaçure étant instable à cause de ses matériaux constituants, très altérée, trésaillée, irisée, le fait de toucher à répétition la surface de la jarre pourrait aggraver cette perte de glaçure. La manipulation fréquente de l’œuvre dans la galerie par les acheteurs potentiels est donc nuisible. Grâce au constat d’état de la jarre, son diagnostic, et l’évaluation des risques encourus à court ou long terme, nous sommes à même d’affirmer qu’une nouvelle restauration de la jarre est nécessaire.
Un schéma récapitulatif du constat d’état et du diagnostic est présenté à la page suivante.
152
Suzann Buys, Victoria L. Oakley, The Conservation and Restoration of Ceramics, Butterworth-Heinemann, 1993, p. 123.
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ÉTAT DE LA JARRE CAUSES
Défauts de fabrication :
- Mauvaise préparation de la pâte - Incrustation de grains dans la pâte - Mauvaise préparation ou application de la glaçure, problèmes d’adhérence - Mauvaise cuisson
- Picots, cratères dans la pâte - Trous, trésaillage de la glaçure
Altérations générées par l’usage de la jarre - Altérations de la glaçure et micro-rayures - Cassures et lacunes
CAUSES
- Utilisation en atmosphère humide - Variations thermiques des lieux d’entrepôts - Mauvaise manipulation
Acquisition au Moyen-Orient aux alentours du 19ème siècle
Altérations engendrées par la conservation de la jarre - Micro-rayures - Imprégnation de sels ? - Perte de tessons ? - Dépôts et concrétions - Altération de la glaçure
CAUSES
- Humidité d’un enfouissement sous terre ? - Frottements du sable
Successions, vente en 2012, et acquisition par M. Bonzom
Altérations engendrées par le temps et l'ancienne restauration de la jarre - Empoussièrement - Eclats - Cassures - Collage - Comblements - Repeints débordants
CAUSES - Mauvaise conservation - Mauvaise manipulation - Variations thermo-hygrométriques - Obsolescence de la restauration
RISQUES ENCOURUS A COURT TERME
A LONG TERME
- Altération de la glaçure - Nuisibilité des anciens matériaux de restauration - Fragilisation de la stabilité de la jarre
- Aggravation de l’abrasion de la glaçure - Altération jusqu’à perte totale de la glaçure - Attaque des dépôts sur la jarre - Rupture de la jarre
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IV/ TESTS DE DURETÉ, PERMÉABILITÉ, ET SALINITÉ
Différents tests à réaliser sur la jarre permettront d’adapter au mieux les produits à utiliser, et les protocoles de traitements à établir.
A. Tests de dureté des matériaux La dureté des matériaux d’une céramique se détermine grâce à l’échelle de Mohs153. On peut ainsi qualifier leur dureté selon leur rayabilité à l’ongle, à la lame de scalpel, au verre. Nous avons testé la dureté de la pâte ainsi que la dureté de la glaçure, en choisissant pour chacun un endroit discret où effectuer les tests.
Fig. 126 : Echelle de dureté de Mohs (Figure issue de www.hosmalin-nicolas.com)
1. Dureté de la pâte En testant la résistance de la pâte à l’ongle, aucune rayure n’est visible, nous en déduisons donc que la pâte a une dureté supérieure à 2,5 sur l’échelle de Mohs. La pâte est cependant rayable avec une lame de scalpel, lorsqu’une certaine force est apportée. Lorsqu’une lame de scalpel effleure simplement la surface de la pâte, cette dernière n’est pas rayée. Cela signifie que la pâte de la jarre a une dureté d’environ 5,5. La lame de scalpel pourra donc être utilisée durant nos interventions, en prenant soin de ne pas apporter une force trop importante.
L’échelle de Mohs a été imaginée par Frédérique Mohs (1773-1839). Elle sert à qualifier la capacité des matériaux à résister à l’abrasion ou aux rayures. Elle s’étend du talc au diamant. 153
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2. Dureté de la glaçure Selon les mêmes tests progressifs effectués sur la glaçure, on constate que celle-ci n’est pas rayable à l’ongle. Lorsqu’une lame de scalpel effleure la glaçure, aucune trace n’est discernable, mais lorsqu’une certaine force est apportée, une très fine rayure peut apparaitre. Nous constatons donc que la glaçure possède également une dureté autour de 5,5.
B. Tests de perméabilité de la jarre Afin d’avoir une idée, bien qu’assez approximative, de la perméabilité des matériaux constitutifs de la jarre, nous avons utilisé une méthode empirique, consistant à poser une goutte d’eau déminéralisée sur la surface étudiée, à voir si celle-ci est absorbée, et en combien de temps. Il est considéré que la surface étudiée est très perméable si la goutte est absorbée en moins d’une minute. Si elle est absorbée en plus ou moins 5mn, la surface est relativement perméable. Si au bout de 15 mn la goutte n’est toujours pas absorbée, on en déduit que la surface est très peu perméable voire imperméable.
1. Perméabilité de la glaçure Ce test a été effectué tout d’abord sur la glaçure. La goutte déposée présente une forme convexe*, ou bombée, à la surface de la glaçure, signe de la tension superficielle de l’eau154. Au bout de 15 mn, la goutte d’eau n’est toujours pas absorbée. Nous en concluons donc que la glaçure saine est imperméable.
Fig. 127 : Goutte d’eau sur la glaçure saine après 15 mn
2. Perméabilité des parties dévitrifiées Nous
avons
également
posé
une
goutte
d’eau
déminéralisée sur une zone où la glaçure s’était dévitrifiée et avait presque totalement disparu. Au bout de 15 mn, cette goutte n’est toujours pas absorbée, mais on peut voir qu’une auréole s’est formée autour d’elle. Cela signifie que ces zones d’irisations
Fig. 128 : Goutte d’eau sur une zone de glaçure très altérée après 15 mn
Nathalie Palmade‐Le Dantec, André Picot, « La prévention du risque : le remplacement des solvants les plus toxiques par des solvants moins toxiques », 2010, p. 3. 154
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où la glaçure est très altérée, sont relativement imperméables, bien qu’une infime quantité d’eau puisse tout de même s’infiltrer dans la pâte.
3. Perméabilité de la pâte Nous avons aussi souhaité tester la perméabilité de la jarre sur une surface qui n’ait jamais reçu de glaçure, afin de connaitre la perméabilité de la pâte elle-même. Pour cela, nous avons sélectionné une zone sur le rebord de la base de la jarre, cette zone n’ayant jamais été glaçurée. En posant une petite goutte bien délimitée d’eau déminéralisée sur cette pâte nue, la goutte s’est immédiatement propagée et étalée en étant absorbée en moins de 30 secondes. Nous concluons donc que la pâte de la jarre est très perméable.
Fig. 129 : Etalement et absorption de la goutte sur la pâte nue
C. Mesure de salinité de la pièce
Comme évoqué dans le constat d’état, l’hypothèse de la présence de sels solubles dans la jarre a été émise. Pour vérifier cela, nous pouvons effectuer un test à l’aide d’un conductimètre. Ce test consiste à placer une compresse de coton imbibée d’eau déminéralisée sur la pâte de la jarre, et de la laisser s’imprégner des éventuels sels durant plusieurs heures. Le protocole du test et les résultats sont présentés en annexe XIX de ce mémoire ; nous avons pu conclure que la jarre ne présentait pas de sels solubles. La non-présence de sels peut s’expliquer en partie par la faible perméabilité de l’œuvre, dont la surface est protégée par la glaçure.
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D. Cahier des charges Le cahier des charges regroupe les contraintes et limites à prendre en compte pour les tests et la restauration de la jarre.
1. Sensibilité de l’œuvre Suite à nos examens concernant la dureté de la pâte et de la glaçure, nous avons constaté que ni la pâte ni la glaçure ne sont friables à l’ongle, elles ne seront donc pas abrasées par des frottements de cotons-tiges. Elles sont cependant rayables en cas d’abrasion accentuée du scalpel. En cas d’utilisation du scalpel, nous devrons donc limiter la force apportée afin qu’aucune rayure ne soit créée.
2. Produits utilisables Dans le diagnostic réalisé précédemment, nous avons vu qu’il serait adéquat d’éviter l’apport d’eau et d’éthanol, même si un contact dans un laps de temps réduit, n’aurait à priori pas d’incidence sur la détérioration de la glaçure. Nous souhaitons également utiliser des solvants les moins toxiques possible 155, et privilégier au maximum un nettoyage mécanique. Ceci dans une volonté d’apport de produits sains sur l’œuvre, mais également de produits les moins toxiques possible pour le restaurateur, comme préconisé dans les « critères de sélection des solvants » de Masschelein-Kleiner156, même si « il ne faut pas oublier que « solvant moins toxique » ne veut pas dire « non toxique157 ».
Nathalie Palmade‐Le Dantec, André Picot, Op. cit., pp. 5-14. Liliane Masschelein-Kleiner, Les solvants, Bruxelles, Institut Royal du Patrimoine Artistique, 1994, p. 104. 157 Nathalie Palmade‐Le Dantec, André Picot, Op. cit., p. 6. 155 156
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V/. PROPOSITION DE TRAITEMENT ET APPLICATION A. Les objectifs de la conservation-restauration Cette jarre appartient à un antiquaire spécialisé dans l’art islamique, Monsieur Thomas Bonzom, qui détient une galerie au marché Saint-Ouen (93). La jarre fait donc partie de sa collection depuis 2012, en attendant d’être revendue à un particulier. Plusieurs raisons nécessitaient donc une nouvelle restauration de cette jarre à glaçure bleue turquoise. La première est le choix de notre prêteur d’œuvre, antiquaire, qui souhaitait une nouvelle restauration, l’ancienne ayant très mal vieilli, jauni, des éclats étant visibles dans les anciens comblements. Cette précédente restauration devenait inesthétique, beaucoup trop apparente, entravant même la lisibilité de la pièce en apportant des informations erronées sur la jarre, pour un œil non expert. La deuxième raison, mais principale pour nous, restaurateurs, reste la pérennité de l’œuvre. En effet, le plâtre utilisé pour les comblements lors de l’ancienne restauration se délite, laissant apparaître de larges éclats sur la lèvre notamment. Les repeints se craquèlent également, s’effritent. Les multiples concrétions altèrent aussi la glaçure. Tout cela fragilise la pièce et peut porter atteinte à son intégrité. Enfin, la nouvelle restauration aura pour but de rendre à cette pièce sa valeur historique, mise en exergue par l’étude et les recherches réalisées.
B. Choix du type de restauration Le choix du type de restauration doit tenir compte de plusieurs critères :
le type d’objet en question ;
la volonté du propriétaire ;
l’appartenance ou non de l’objet à une collection d’œuvres déjà restaurées ;
la déontologie du métier de restaurateur.
Dans notre cas, cette jarre est un objet archéologique issu vraisemblablement de fouilles, témoin donc du passé. Elle possède une forme et une glaçure qui la rattachent à l’histoire d’une civilisation. Tous ces éléments doivent donc être clairement présentés aux yeux du lecteur.
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La valeur esthétique de cette jarre en fait aussi son intérêt, notamment pour les futurs acheteurs de la jarre. Nous souhaitons donc réaliser une restauration qui redonne sa stabilité à cette jarre, mais aussi sa lisibilité et son esthétisme. La restauration aura pour but de se fondre avec la pièce de loin pour ne pas attirer l’œil, mais devra pouvoir être discernable de près. Ceci dans la volonté que cet objet archéologique conserve les traces de son passé et ne trompe pas le spectateur, mais que la restauration reste discrète. Nous désirons par ailleurs réaliser une restauration réversible, dans le cas où les conditions futures de conservation de la jarre ne seraient pas adaptées malgré nos recommandations, et que les produits utilisés, bien que les plus pérennes possible, vieillissent à leur tour. Ces notions font d’ailleurs partie du code de déontologie du restaurateur158.
C. Chronologie des étapes du traitement 1. Nettoyage
Un des enjeux de la prise en charge de cet objet est de mettre un terme aux sources de dégradation actives sur la jarre. Ceci passe par un nettoyage minutieux et une suppression des concrétions de l’intérieur et de l’extérieur, qui altèrent la glaçure. Le nettoyage a donc deux fonctions :
Supprimer l’empoussièrement qui peut masquer la lisibilité de l’œuvre ;
Retirer les facteurs aggravants de l’altération de l’objet.
D’après la Terminologie de la conservation-restauration du patrimoine culturel matériel159, cette étape de suppression des dépôts nuisibles, ne constitue pas une étape de « restauration », mais se rapporte à la notion de « conservation curative ». Cette notion est définie comme suit : « Conservation curative – L’ensemble des actions directement entreprises sur un bien culturel (…) ayant pour objectif d’arrêter un processus actif de détérioration ou de les renforcer structurellement. […] Ces actions modifient parfois l’apparence des biens160 ».
Code de déontologie et guide du praticien…, deuxième édition, 1989, ICC. Article traduit de la version originale en anglais, résolution adoptée par les membres de l’ICOM-CC à l’occasion de la XVe conférence triennale, à New Delhi, 22-26 septembre 2008. 160 Loc. cit. 158 159
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2. Consolidation de la glaçure
La consolidation de la glaçure se rattache également à la conservation curative au sens établi par l’ICOM. La question de cette intervention s’est posée pour notre jarre, étant donné son degré de dégradation. Bien que la glaçure se soit fortement altérée, elle n’est pas pulvérulente, ne s’effrite pas, ne s’écaille pas. Elle ne se désolidarise pas non plus de la pâte sous-jacente, et il n’y a pas de différence de niveau entre les parties où la glaçure est encore saine, et les parties qui n’en ont plus. Une intervention de consolidation n’est donc pas nécessaire. Toutefois, des mesures à respecter seront indiquées pour la conservation future de la jarre, afin de limiter au mieux le risque de dégradation supplémentaire de la glaçure.
3. Dérestauration : suppression des matériaux de comblements et des repeints
Dans son article sur la notion de dé-restauration, Françoise Tollon, restauratrice, avance plusieurs questions quant à la dérestauration d’une œuvre. Elle indique entre autres, que « si la restauration présente une défaillance technique qui met l’œuvre en péril, il faut tenter d’enlever les matériaux qui provoquent les risques d’altération de l’œuvre et donc de dé-restaurer161 ». Tel est le cas pour cette jarre, car le matériau de comblement qui se délite et ne possède plus les propriétés de solidité et stabilité désirées ; il est souhaitable de les retirer. Une raison esthétique entre aussi en compte : les repeints ont jauni, gonflé, certains se craquèlent et se délitent. Les comblements comprennent plusieurs éclats visibles, notamment au niveau de la lèvre. Cela nuit à une bonne lisibilité de la jarre. Le collage comporte très peu de ressaut. Deux tessons, signalés dans le constat d’état, comportent un ressaut, mais ils semblent être entourés de plâtre ; ils seront retirés lors de la suppression des comblements. Sur le reste de la jarre, aucun des tessons ne bouge ; l’adhésif utilisé a conservé son pouvoir collant. Lorsque l’on tapote la jarre avec un doigt - test du tapping -, le son produit indique lui aussi un collage relativement homogène. Nous ne sommes cependant pas certaine à ce stade des opérations, qu’une seule et même colle ait été utilisée sur l’ensemble de la jarre (hypothèse de deux restaurations successives ?) .
161
Françoise Tollon, « Quelques questions sur la dé-restauration… », Paris, 1995, ARAAFU, p. 13.
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Si après suppression des matériaux de comblements et des repeints, le collage ne présente toujours aucun signe de fragilité, il sera laissé tel quel car un décollage des tessons s’avérerait inutile et pourrait fragiliser davantage la jarre, en créant des pertes de matière au niveau des tranches. M. Berducou indique en effet, que « lors du décollage des céramiques tendres et altérées, le film de colle se détache souvent en entrainant une pellicule de matière. Ceci est pratiquement inévitable et rend l’ajustement des tessons définitivement moins précis162 ». De plus, comme le dit Françoise Tollon, « la dé-restauration constitue un traumatisme pour l’œuvre »163, nous souhaitons donc nous limiter aux étapes de dé-restauration réellement nécessaires pour la solidité de l’œuvre et pour sa lisibilité.
4. Consolidation du collage
Si les tessons ne sont pas décollés, une consolidation du collage est tout de même souhaitable pour assurer la stabilité du collage dans le temps. Cette consolidation pourra se faire par infiltration à la seringue d’un adhésif dans les cassures. Durant cette étape, nous pourrons envisager de combler également les cassures avec un adhésif translucide et mat, afin que la poussière ne puisse pas s’y reloger plus tard.
5. Primaire*
Afin d’augmenter le côté réversible des comblements de lacunes, la pose d’un primaire sur les tranches des lacunes est nécessaire. Le primaire est un adhésif dilué, qui a pour fonction de boucher les pores de la pâte au niveau des tranches, afin que le matériau de comblement ne pénètre pas dans la pâte. Cette étape est importante précisément dans le cas de la jarre étudiée, dont la glaçure est sensible à l’humidité. Le film devra être posé en couche très fine afin que l’accroche entre le matériau de comblement et la pâte puisse avoir lieu correctement grâce à la rugosité de la pâte.
Marie Berducou, La conservation en archéologie, Méthodes et pratiques de la conservation-restauration des vestiges archéologiques, Editions Masson, 1990, p. 103. 163 Françoise Tollon, Quelques questions sur la dé-restauration, dans Restauration, dé-restauration, re-restauration..., Paris, 1995, ARAAFU, p. 13. 162
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6. Comblement des lacunes
Comme lors de la précédente restauration, une reconstitution des lacunes semble évidente pour l’équilibre de l’œuvre : le poids des quatre anses symétriques permettant de stabiliser la jarre, la reconstitution de celles manquantes est nécessaire. Outre cette notion d’équilibre de la jarre, il y a aussi une notion de typologie, la présence de quatre anses étant caractéristique pour l’objet ; leur reconstitution est donc essentielle. M. Berducou justifie cette nécessité de comblement des lacunes dans les cas suivants : « pour mettre en place des tessons peu ou pas jointifs, maintenus par le matériau de comblement ; pour consolider l’ensemble remonté, affaibli par ses manques ; pour améliorer la lecture de la forme d’un objet très lacunaire164 ». Ces trois cas de figure semblent se retrouver sur notre objet.
7. Retouche des comblements
Comme nous l’avons évoqué dans le choix du type de restauration, notre restauration a pour but de rester discrète et de s’intégrer au reste de la jarre, en atteignant « l’unité chromaticolumineuse des fragments réintégrés165 », tout en restant discernable de près. Une teinte légèrement plus claire pourra être adoptée, ou un traitement de surface distinct, afin que la distinction entre les parties reconstituées et les parties originelles soit faite. Un schéma récapitulatif plus détaillé des traitements est disponible en annexe XVII.
1. Nettoyage de la surface
2. Suppression
3. Consolidation
4. Comblement
5. Retouche
des repeints et comblements
du collage et pose d’un primaire
des éclats et lacunes
des comblements
Fig. 130 : Schéma récapitulatif des étapes de la proposition de traitement
164 165
Marie Berducou, Op. cit., p. 113. Cesare Brandi, Théorie de la restauration, Ed. Allia, 2011, p. 23.
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D. Choix des produits, méthodes d’application, et mise en œuvre 1. Nettoyage
Le nettoyage est une étape irréversible ; s’il est trop poussé, il peut entrainer l’abrasion de la glaçure ou de la pâte. S’il n’est pas assez minutieux, il peut laisser des salissures préjudiciables pour l’œuvre.
a) Empoussièrement ► Tests préliminaires
Le nettoyage général de surface a pour fonction de supprimer ou réduire l’épaisseur de la couche superficielle de poussière. Différents types de nettoyage peuvent être entrepris par le restaurateur : nettoyage mécanique (sans solvant), chimique (utilisation de solvants), ou couplé. Plusieurs tests ont été effectués pour un premier test mécanique, afin de choisir la méthode et les produits les plus adaptés. La poussière localisée dans le creux des anses comprend une épaisseur d’environ 1 mm. En passant un pinceau à poils souples, elle se retire.
Fig. 131, 132, 133 : Poussière dans le creux d’une anse, avant, pendant, et après suppression au pinceau
Pour l’intérieur de la jarre, après l’avoir vidée des cailloux et du sable présents dans le fond, un chiffon en microfibres légèrement humidifié pourra être passé sur les parois pour retirer la poussière. Une éponge synthétique à micropores très légèrement humidifiée permet aussi de capter la poussière sans détremper l’objet. Un nettoyage chimique pourrait ensuite être nécessaire pour les parties très empoussiérées sur lesquelles le pinceau aurait pu laisser une fine couche de
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poussière, ainsi que sur les parties encore glaçurées, afin de retirer la poussière qui s’est incrustée dans les microfissurations. Pour ce nettoyage chimique, nous avons choisi un solvant rentrant dans le cahier des charges de notre restauration. Etant donné que notre glaçure est sensible à l’eau et à l’éthanol, nous avons testé l’acétone pour éradiquer la poussière. Pour cela, nous avons frotté légèrement la surface à l’aide d’un coton imbibé d’acétone. Nous avons testé le creux d’une autre anse encore très empoussiérée, et également la surface glaçurée de la jarre. Ce test a été très probant pour le creux des anses, car le coton après frottement léger s’est révélé noirci, la poussière s’étant transférée dessus.
Pour les parties glaçurées, il n’y a pas de différence visible à l’œil nu entre avant et après passage d’un coton imbibé d’acétone, mais ce coton est légèrement jauni, ce qui prouve que de la poussière ou des dépôts graisseux ont été retirés.
► Mise en œuvre
Limites fixées à notre nettoyage :
Afin de ne pas réaliser un nettoyage trop poussé de la jarre, des limites sont à fixer. Nous souhaitons supprimer les éléments nuisibles à la jarre, tels que la poussière et les concrétions qui peuvent altérer la glaçure, mais ce nettoyage est à modérer car nous n’avons pas pour objectif de redonner à cette jarre de plusieurs centaines d’années, une apparence de jarre récente et en parfait état. Nous désirons ainsi laisser transparaitre son histoire et son ancienneté.
Suppression de l’empoussièrement externe
Le nettoyage mécanique prévu est effectué à l’aide d’un spalter* à poils doux. Nous avons pu retirer la poussière volatile qui se trouvait sur la surface externe. Pour le creux des anses, un pinceau plus fin a été utilisé, permettant d’atteindre ces endroits exigus. Suite à ce dépoussiérage mécanique, un nettoyage chimique a été exécuté sur l’œuvre. Pour cela, nous avons passé délicatement un coton imbibé d’acétone sur les parties glaçurées notamment, afin de retirer la poussière qui aurait pu pénétrer dans les microfissures, ou les poussières grasses déposées en surface.
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Sur les illustrations ci-dessous, le coton a permis d’éradiquer les crasses noires sous une anse.
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Fig. 134 : Crasses noires présentes sur la glaçure
Fig. 135 : Nettoyage des crasses noires jusqu’à la limite des repeints des cassures
Suppression de l’empoussièrement interne
Dans un premier temps, nous avons évacué tout le sable et les cailloux présents dans le fond de la jarre. Pour les parois internes, nous avons également utilisé un spalter à poils doux afin de décoller toutes les poussières volatiles. Nous avons ensuite utilisé un petit aspirateur manuel, utilisé pour les œuvres graphiques afin d’aspirer les moisissures. Nous avons ajouté à son extrémité une brosse douce permettant d’aspirer et en même temps d’effectuer un léger frottement à la surface pour décoller la poussière.
Fig. 136 : Quantité de sable et cailloux présents dans le fond de la jarre
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Fig. 137 : Petit aspirateur manuel, utilisé pour retirer les poussières volatiles
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Fig. 138 : Brosse à l’extrémité de l’aspirateur
Cet appareil nous a permis d’aspirer et de retenir dans son filtre la poussière de l’intérieur de la jarre, sans la laisser se redéposer ailleurs. Après avoir retiré une première couche de poussière, nous avons frotté légèrement les amas de terre et de poussière présents à l’intérieur à l’aide d’une brosse. Pour les amas plus durs, nous avons utilisé une spatule et une lame de scalpel afin de les décoller.
Fig. 139, 140 : Intérieur de la jarre, avant et après atténuation des amas de terre et poussière
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b) Suppression des dépôts et concrétions ►Tests préliminaires Bien qu’elles soient une trace de l’authenticité de l’œuvre, les concrétions présentes sur la glaçure forment un risque important et entravent la lisibilité. Des tests de solubilité des dépôts par nettoyage mécanique à l’aide d’un scalpel sont effectués. Les concrétions les plus petites et les plus fines sont friables au scalpel, et se retirent facilement lorsque l’on passe délicatement la lame de scalpel.
5 mm
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Fig. 141, 142 : Photographie de zones de concrétions avant et après suppression au scalpel
Certaines concrétions (une minorité) sont moins friables, et nécessitent d’être ramollies avant d’être retirées au scalpel. Plusieurs tests ont été réalisés afin de choisir la méthode la plus adaptée. Nous avons réalisé une compresse d’acétate de butyle166 - l’utilisation d’une compresse a l’avantage de maintenir en place une phase liquide, par une phase solide humidifiée. C’est grâce à la succion capillaire de ces compresses que la remontée et le retrait des salissures peut avoir lieu, facilités par l’évaporation du solvant. L’acétate de butyle est un liquide incolore et volatil. Il est miscible avec d’autres solvants comme l’éthanol et l’acétone notamment. Il s’évapore moins lentement que l’acétate d’éthyle et l’acétone, ce qui permet à la compresse d’avoir une réaction plus longue et plus progressive sur les concrétions. Nous avons donc posé une compresse de coton imbibé d’acétate de butyle sur une zone de concrétions, et nous avons attendu 5 mn. Après ce laps de temps, les concrétions sont légèrement ramollies, et leur suppression au scalpel est plus aisée.
166
Voir fiche toxicologique de l’INRS en annexe.
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►Mise en œuvre Les tests effectués précédemment nous ont permis de sélectionner la méthode la plus adaptée et la plus efficace au retrait de nos concrétions. A l’aide du scalpel, nous avons pu retirer une majorité des concrétions, friables. Pour les concrétions plus dures, nous avons utilisé les compresses d’acétate de butyle, appliquées sur la zone de concrétions durant 30 mn.
5 mm
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Fig. 143 : Concrétions sur la
glaçure
Fig. 144 : Compresse d’acétate de butyle posée sur les concrétions
5 mm
Fig. 145 : Retrait des concrétions avec compresse puis scalpel
Bilan nettoyage externe : Après nettoyage de la poussière de surface, et des différents dépôts et concrétions présents, nous pouvons distinguer une première différence avant et après nettoyage. Cette différence est en partie visible sur la face A, où la glaçure est la plus présente, et les concrétions également.
Un tableau récapitulatif des différents tests effectués pour le nettoyage ainsi que leur efficacité est disponible en annexe XVIII.
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110 2. Dérestauration
a) Suppression de la peinture débordante sur la pâte d'origine ► Tests préliminaires
Avant de retirer les repeints présents sur les comblements, il est nécessaire de retirer la peinture débordante située sur la pâte. Ces traces de peinture se retrouvent sur les pourtours de nombreuses cassures, sur toutes les faces de la jarre. Pour retirer cette peinture, nous choisissons de tester l’acétone. Un test est effectué en frottant de façon très localisée la surface de la pâte recouverte de peinture, avec un coton imbibé d’acétone. La peinture se retire ; ce test s’avère efficace.
10 mm
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Fig. 146, 147 : Suppression de la peinture débordante sur la pâte au niveau des cassures
► Mise en œuvre
Cette méthode a été appliquée sur tous les débordements de peinture présents sur la jarre.
Fig. 148, 149 : Avant et après suppression des débordements sur la pâte
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Fig. 150 : Détail de suppression avec un coton imbibé d’acétone
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b) Suppression des repeints sur les comblements ► Tests préliminaires
L’acétone est également testée pour retirer la peinture sur les comblements. Une zone discrète de la jarre est sélectionnée, au niveau d’une retouche sur le pied et frottée légèrement à l’aide d’un coton imbibé d’acétone. En moins de 5 secondes, la couche de peinture se solubilise et se retire. Cette méthode est donc très efficace.
10 mm
Fig. 151, 152 : Détail et localisation du test de suppression des repeints à l’acétone
D’autres solvants ont aussi été testés tels que l’acétate d’éthyle et de butyle, ou encore un gel d’acétone et KlucelG, mais ils se sont avérés beaucoup moins efficaces, voire pas du tout 167.
c)
Suppression des comblements
► Tests préliminaires
Lorsque nous avons effectué le test à l’acétone pour retirer les repeints, nous nous sommes aperçus que le comblement du dessous était en même temps ramolli par le solvant, et se retirait ensuite au scalpel. Nous avons tout de même testé de la même façon, l’acétate d’éthyle et de butyle. Mais les tests ont révélé que ces deux solvants ne solubilisaient pas le matériau de comblement, Fig. 153 : Suppression du plâtre du comblement au niveau d’une cassure 167
Voir tableau récapitulatif des tests en annexe XVIII.
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dans le même laps de temps que l’acétone. Dans le cas où certains bouchages ne seraient pas assez ramollis par l’acétone seule, nous utiliserons une solution eau et acétone à 50%, l’eau ramollissant le plâtre de façon plus efficace, mais son évaporation étant dans ce cas amplement accélérée par l’acétone. En retirant le comblement de plâtre au niveau d’une cassure, nous avons constaté que les deux tessons sous-jacents étaient parfaitement jointifs, et que très peu d’éclats étaient notables au niveau de cette cassure. ► Mise en œuvre Afin de toujours privilégier un nettoyage mécanique, nous avons pu supprimer une majorité des comblements à l’aide d’une lame de scalpel. Ces comblements étant très friables, ils se détachent par éclats. Cela était notamment réalisable pour les comblements les moins importants, c'est-à-dire ceux au niveau des cassures. Lorsque ces lignes de cassures furent dégagées du plâtre, nous avons passé un coton imbibé d’acétone pour retirer les derniers résidus présents sur la pâte. Cette méthode a aussi été utilisée pour le défaut de pâte que nous avions remarqué lors du constat d’état, et que nous avions supposé être un sceau.
15 mm
Fig. 154 : Avant suppression des bouchages et repeints
15 mm
Fig. 155 : Suppression au scalpel des bouchages
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Fig. 156 : Après suppression des bouchages et repeints
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Dans les cas où les repeints sur certaines lignes de cassures se fondaient trop avec le tesson d’origine, et que l’on ne pouvait pas connaître précisément les limites du bouchage, nous avons retiré dans un premier temps la couche de peinture. Le matériau de comblement é tant alors délimité, nous l’avons retiré facilement au scalpel, sans risque d’abraser la pâte.
10 mm
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Fig. 157, 158, 159 : Ligne de cassure avec comblement et repeint, suppression du repeint, suppression du comblement
Pour certains comblements, notamment pour les larges zones de plâtre, nous avons dû ramollir au préalable le plâtre, trop dur, afin de pouvoir le retirer ensuite au scalpel. Nous avons, dans ces cas là, frotté légèrement la surface à l’aide d’un coton imbibé du mélange eau et acétone à 50% ; cette solution s’est avérée très efficace.
Fig. 160, 161 : Avant et après suppression des repeints et comblements des cassures
Après suppression des repeints et des comblements de cassures, des traces blanches étaient toujours très visibles tout au long des lignes de cassures. Ces traces représentaient en fait les zones recouvertes par du plâtre. Après observation au microscope Fig. 162 : Détail au microscope électronique (x200) de résidus de plâtre Louise Milan – Etude et restauration d’une jarre islamique – Ecole de Condé
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électronique, nous avons constaté que d’infimes particules blanches étaient visibles. Nous en avons donc déduit que les traces blanches étaient dues à de petits résidus de plâtre qui avaient résisté au nettoyage des comblements.
Plusieurs tests ont été réalisés afin de pouvoir atténuer ces traces. Nous avons testé une solution de Décon 90168, agent nettoyant dilué à 5% dans un mélange eau et acétone à 50-50. L’acétone permettait une évaporation plus rapide de l’eau. Mais le Décon étant un produit basique (pH 13), son utilisation nécessitait ensuite trois rinçages à l’eau et risquait d’activer le processus de dégradation de la glaçure. Nous avons également testé l’eau chaude, le mélange eau froide et acétone ayant été utilisé lors de la suppression des comblements n’étant apparemment pas assez efficace. Après plusieurs passages de cotons imbibés d’eau chaude, cette méthode s’est avérée efficace. Afin que l’eau ne reste pas trop longtemps sur la pièce et ne s’infiltre pas, un bâtonnet de coton imbibé d’acétone est ensuite passé sur la même zone.
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Fig. 163, 164 : Avant et après atténuation des traces blanches le long des cassures
Après avoir atténué ces traces blanches, nous avons poursuivi notre dérestauration avec la suppression des bouchages des lacunes traversantes, c'est-à-dire ceux d’une surface plus importante. Nous avons commencé par le haut de la jarre : les bouchages des anses et ceux du col ont été supprimés, à l’aide du scalpel principalement. Nous avons gratté le plâtre friable au niveau des extrémités des lacunes, afin de créer des fentes entre la pâte d’origine, et le bouchage lui-même. Ainsi, lorsqu’un bouchage n’est plus en contact avec les tranches des tessons d’origine, il est facilement retiré. Sur la photographie de la page suivante, à gauche, nous avons représenté en jaune le tesson en plâtre, c'est-à-dire le bouchage, et en rouge les tessons originaux de la jarre. 168
Voir fiche technique en annexe.
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Le jour* présent entre les deux tessons est celui que nous avons créé à l’aide d’un scalpel, progressivement sur tous les contours du bouchage, afin de pouvoir le retirer. La photographie de droite présente la lacune* du col due à la suppression d’un important comblement.
Fig. 165 : Schématisation en jaune du tesson en plâtre, et en rouge des tessons originaux en terre
Fig. 166 : Lacune au niveau du col après suppression du comblement
Lorsque le plâtre de certains comblements n’était pas friable au scalpel, nous l’avons légèrement humidifié et ramolli à l’aide d’une compresse de coton imbibée de la solution à 50-50 eau déminéralisée et acétone.
Fig. 167 : Suppression du bouchage de l’anse
Fig. 168 : Localisation de l’anse, face A
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La suppression de certains comblements a engendré la désolidarisation de plusieurs tessons qui étaient intégrés à la jarre grâce aux comblements : un bloc de quatre tessons a été séparé du reste de l’œuvre. Les deux tessons de la partie supérieure de ce bloc, qui comportaient des ressauts, ont été décollés, à l’aide de coton-tiges imbibés d’acétone, et du scalpel.
Fig. 169, 170 : Avant et après désolidarisation des deux tessons à ressauts sur le bloc séparé
Suite à cette dérestauration, nous avons pu nous apercevoir que ce bloc de tessons n’appartenait pas à cette jarre. Tout d’abord, la coloration de la pâte s’avérait différente entre les tranches des tessons décollés (plus roses-orangés et donc plus ferrugineux), et les tranches du reste de la jarre (plus jaunes-beiges). L’épaisseur était aussi différente : 11 mm pour les premiers, et 7 mm pour les seconds.
Tessons désolidarisés Tranche de la jarre
Fig. 171 : Différence de coloration et d’épaisseur entre les tranches
En cherchant à repositionner ce groupe de tessons sur la jarre, aucune connexion ni courbure correcte n’a pu être trouvée conjointement entre le col et l’anse.
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Pour vérifier cette hypothèse de non-appartenance à cette jarre, des cercles de diamètres différents, utilisés en archéologie pour la typologie des pièces, ont été nécessaires. Comme on peut le voir sur les figures ci-dessous, le diamètre du col du reste de la jarre s’apparente au 4ème des cercles tracés, tandis que le col du groupe de tessons suit la courbure du 5ème cercle tracé. Leur courbure est donc différente.
Fig. 172 : Courbure du col de la jarre correspondant au 4ème cercle
Fig. 173 : Courbure du col des tessons séparés correspondant au 5ème cercle
Enfin, un cinquième tesson a été désolidarisé de l’ensemble lors de la suppression des comblements car il était entouré de plâtre. Après observation, ce tesson n’appartient pas non plus à la jarre car son épaisseur est plus fine que les parois de la jarre au niveau du col, mais surtout car les tranches présentent une coloration très jaune, au contraire de celles de la jarre plutôt beiges. Il n’appartient pas non plus au groupe de tessons précédent, il s’agit donc d’une troisième pièce.
Fig. 174 : Tesson décollé n’appartenant pas à la jarre
Par ailleurs, cette dérestauration a permis de mettre à jour certaines tranches présentant de la colle. Sur la tranche d’une anse, une couche épaisse de colle marron-verte a été révélée. Observée sous lumière UV, cette colle apparaît orange, ce qui l’apparente à une gomme laque169 : colle d’origine animale170, dont la couleur fonce considérablement au fur et à mesure des années.
169 170
Suzann Buys, Victoria L. Oakley, The Conservation and Restoration of Ceramics, Butterworth-Heinemann, 1993, p. 79. La gomme laque fut beaucoup utilisée en restauration à partir de la fin du 19ème siècle, et au début du 20ème.
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Fig. 175, 176 : Vue de la colle sur la tranche d’une anse, sous lumière naturelle et sous lumière UV
Une revue Techné portant sur « La science au service de l’histoire de l’art et des civilisations », indique que « la couleur de fluorescence orangée qu’émet la matière picturale moderne est caractéristique de l’emploi d’une résine gomme-laque171 ». Les auteurs parlent en effet de « certaines fluorescences [qui] ont une couleur très caractéristique qui « signe » d’emblée la nature des matériaux observés172 ». L’utilisation de ces rayons UV est très utile, car la terre originale d’une céramique n’émet pas de fluorescence sous UV, contrairement à certains adhésifs ou matériaux de retouche. En effet certains matériaux s’irradient avec une lumière de basse longueur d’onde et émettent une radiation lumineuse fluorescente, de différentes couleurs. La fluorescence orangée constatée sur la jarre indique que l’adhésif utilisé, à cet endroit de la jarre du moins, est bien une gomme laque. Cet adhésif fut très couramment utilisé pour des collages au XIXème siècle, voire même jusqu’au milieu du XXème.
Stephen Koob – restaurateur de verre173 –, indique que la gomme laque est une « résine naturelle produite par un insecte parasite (Coccus Lacca) [ou cochenille], et a été largement utilisée depuis l’antiquité comme adhésif, consolidant, et enduit de surface174 ». Il expose les avantages de
171
Techné n° 32, La science au service de l’histoire de l’art et des civilisations, Centre de recherche et de restauration des musées de France – CNRS – UMR 171, 2010, p. 72. 172 Loc. cit. 173 Stephen P. Koob est responsable de la préservation des collections au Corning Museum (N-Y) depuis 1998. 174 Adhésifs et consolidants, Institut International de Conservation des Œuvres historiques et artistiques, X ème Congrès International, Paris 2-7 septembre 1984, Editions française de communication, p. 106.
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cette colle, tels que la facilité à s’en procurer, la simplicité d’application, la solidité, les propriétés thermoplastiques. Elle est également appréciée pour sa solubilisation dans l’alcool175. Mais sa mauvaise stabilité dans le temps et sa trop grande solidité pour des matériaux faibles comme la terre cuite sont souvent remises en question. Plusieurs solvants ont été testés afin de supprimer ces résidus de colle. Généralement, les restaurateurs utilisent une solution d’acétone et d’éthanol à 50% pour solubiliser la gomme laque. Etant très résistante, l’ajout d’éthanol permet de renforcer le pouvoir des solvants. Nous avons donc testé cette méthode, qui s’est avérée efficace. À l’aide d’un coton-tige imbibé de notre solution, nous avons effectué quelques frottements sur la colle présente sur une tranche. L’épaisseur de la colle était d’ailleurs relativement importante. Après 30 secondes, l’adhésif était totalement solubilisé, avait migré sur le coton, et la tranche était libre de tout résidu de colle.
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Fig. 177, 178, 179 : Avant, pendant, et après suppression de la colle à l’acétone-éthanol puis acétone seule sur une tranche
Nous avons tout de même testé l’acétone seule afin de retirer cette colle. Selon le même procédé (coton imbibé de la solution choisie), nous avons pu obtenir le même résultat dans un laps de temps similaire. L’acétone seule a donc été préférée à l’utilisation de deux solvants (acétone et éthanol) sur la jarre, afin de rester cohérent avec notre volonté d’apporter le moins de produits possible sur l’œuvre. De plus, l’éthanol ayant une vitesse d’évaporation inférieure à l’acétone, son utilisation engendrerait une évaporation plus longue des solvants.
Bilan suppression des repeints et comblements externes : Les repeints ont pu être retirés de la jarre, au niveau des cassures, des comblements de lacunes, et même des repeints présents directement sur la terre cuite.
175
Jean Petit, Jacques Roire, Henri Valot, Encyclopédie de la peinture…, Tome II, Erec, 2001, pp. 353-357.
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Pour ce qui est des comblements, une anse entière en plâtre a été retirée, ainsi qu’une autre anse qui appartenait au bloc de tessons exogènes à la jarre. Une importante lacune est désormais à noter au niveau du col, elle représente environ les trois quarts du col. Une lacune est aussi visible sur le haut de la panse entre les faces D et A, une autre sur la moitié inférieure de la panse entre les faces B et C, et une troisième sur le bas de la panse.
Face A + tessons désolidarisés
Face B
Face C
Face D
Fig. 180, 181, 182, 183 : Photographies des 4 faces de la jarre après suppression des repeints et comblements
À ce stade de la dérestauration, la jarre possède 33 tessons collés, et 5 tessons désolidarisés de
l’ensemble.
d) Désolidarisation et nettoyage et de la base Les derniers bouchages présents sur la jarre se situaient sur tout le pourtour de la jonction entre la base et le reste de la jarre. En les supprimant, la base s’est désolidarisée du reste. On peut voir sur la photographie ci-dessous qu’une couche d’enduit la maintenait par l’intérieur.
Fig. 184 : Désolidarisation de la base avec le corps de la jarre Louise Milan – Etude et restauration d’une jarre islamique – Ecole de Condé
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Il a alors été possible de nettoyer correctement les tranches de la base, qui présentaient des résidus de colle, de plâtre, et d’enduit. Le nettoyage de la surface de cette base a révélé sur toute la surface, une fine couche de glaçure bleu turquoise très pâle. La photographie ci-dessous au milieu, présente la base de la jarre dont la moitié droite est nettoyée, contrairement à la moitié gauche. On remarque ainsi, grâce à l’eau et l’acétone pas encore totalement évaporées qui mettent en valeur la glaçure, un important réseau de trésaillage.
Fig. 185, 186, 187 : Avant, pendant et après nettoyage de la base
Le nettoyage a également révélé des traces rouges qui étaient auparavant recouvertes par la terre et la poussière. Ces traces rouges ne sont ni solubles à l’eau, ni à l’acétone, ni même friables au scalpel. Leur légère brillance fait penser à des dépôts vitrifiés. On suppose que ces traces remontent à la cuisson de la pièce. Des poussières volatiles de glaçure rouge d’un autre objet ont pu se déposer dans le fond de la jarre et se vitrifier. Il n’est donc pas possible de les retirer, mais elles ne sont en rien nuisibles à l’objet.
Fig. 188 : Traces rouges sur la face interne de la base Fig. 189 : Localisation des traces rouges sur la base
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Grâce à la désolidarisation de la base, nous avons pu nous rendre compte que ce tesson ne semblait pas non plus appartenir à la jarre. En effet, les parois de la base ont une épaisseur comprise entre 4 et 7 mm, tandis que les tessons du bas du corps de la jarre sont épais de 10 à 18 mm. Soit près de 15 mm de différence à certains endroits.
Fig. 190, 191 : Epaisseur des tessons du bas de la jarre, et de ceux de la base, à la même échelle (un carreau de la mire = 1cm)
Une réflexion poussée s’est alors engagée, prenant en compte les conseils avisés de nos différents professeurs, d’archéologues, de plusieurs restaurateurs, ainsi que les souhaits du propriétaire de l’œuvre. Différentes questions se posent à ce stade par rapport à la restauration à entreprendre176 concernant les deux groupes de tessons qui n’appartiennent pas à cette jarre ; à savoir la base et un groupe de tessons au niveau du col. La base et le reste de la jarre semblent bien être de la même production (même pâte bien que cuisson différente - la base semble plus réduite -, mêmes coloration et résidus de glaçure, même technique de fabrication au tour, mêmes traces de stries...). L’épaisseur varie nettement. Les tessons du col comprennent une coloration de pâte légèrement plus rose-orangée, l’épaisseur des tessons est assez différente du reste de la jarre. Pour éclairer notre choix, nous avons envisagé d’avoir recours à des analyses de thermoluminescence afin de voir si les périodes de fabrication étaient effectivement les mêmes entre ces différents tessons et le reste de la jarre, et à des analyses de microscopie, afin d’observer la texture des matériaux et de déterminer la composition chimique des pâtes et de la glaçure.
176
Françoise Reginster, « Restaurations anciennes, les garder ou les faire disparaître ? », ARAAFU, 2004, pp. 26-28.
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Plusieurs laboratoires ont été contactés. Malheureusement, les devis se sont révélés très élevés. Un exemplaire du devis du laboratoire Re.S.Artes177, s’élevant à 2 922€, est disponible à titre indicatif en annexe de ce mémoire. Nous avons cependant réalisé des photographies des tranches de la panse et de la base, à l’aide d’une caméra USB (zoom x200), qui ont pu mettre en évidence la différence de composition des pâtes.
Fig. 192 : Détail d’une tranche de la base, zoom x200 au microscope USB
Fig. 193 : Détail d’une tranche de la panse, zoom x200 au microscope USB
Il est fort probable que la zone de fouille où a été trouvée cette jarre comprenait plusieurs autres jarres très semblables, et que les différentes bases ou anses retrouvées aient été mélangées sans grande attention ; ou encore assimilées consciemment à un objet qui n’était pas le bon, afin de pouvoir reconstituer une forme entière. Cela est d’autant plus plausible, comme nous avons pu le voir dans la partie historique, que cette jarre était une céramique commune, donc certainement produite en masse. Ce genre de reconstitution s’est retrouvé maintes fois en restauration de céramiques islamiques : des tessons différents recomposent une pièce. La galeriste Corinne Kevorkian aborde cette question dans Le journal des Arts n°264, en réponse à la question d’une journaliste « Existe-il beaucoup de faux ? ». « Ce qui arrive le plus fréquemment, ce sont les recompositions. Les cols et les anses de certaines aiguières ou bouteilles peuvent provenir de pièces différentes. On s’en rend compte quand les formes de ces parties rapportées ne s’inscrivent pas de manière tout à fait harmonieuse ou cohérente avec le reste de la pièce178 ».
177Re.S.Artes 178
est un laboratoire scientifique dédié à l'analyse des objets d'art, du patrimoine culturel et archéologique. La céramique islamique à deux vitesses, Le journal des arts n° 264, du 7 au 20 septembre 2007.
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Ces reconstitutions sont relativement fréquentes pour les objets issus de fouilles assez anciennes, de la fin du XIXème par exemple, lorsque ces pratiques n’étaient pas encore réglementées. Cela est en partie dû au trafic de ces céramiques qui a longtemps eu lieu au MoyenOrient, voire encore aujourd’hui, où des pilleurs viennent se servir eux-mêmes sur les zones de fouilles, afin de revendre ces céramiques ou tessons recherchés.
Pour le groupe de tessons désolidarisés : Pour les tessons du col, comprenant une anse, il ne semble pas possible de les recoller.
Aucune position correcte ne peut être adoptée pour avoir un bon alignement de la courbure du col, et un bon alignement de l’anse, sans avoir besoin de recouvrir de plâtre une partie des tessons originaux. C’est d’ailleurs ce qui avait été effectué lors de l’ancienne restauration, afin de pouvoir palier aux écarts de niveau. Etant donné que ces tessons n’appartiennent pas à la jarre, et que de surcroit ils ne s’y adaptent pas bien, il est préférable de les retirer et de reconstituer cette partie manquante avec le reste de la lacune du col. Les tessons retirés seront recollés ensemble – un groupe de 4 et un tout seul - avec un mélange de Paraloïd®* B-44 et B-72 (75:25) dilués à 50% dans le solvant (acétate d’éthyle et acétone 50:50). Ils seront ensuite placés dans une boite et rendus au propriétaire avec la jarre restaurée.
Pour la base : Pour la base, les deux solutions qui s’offrent à nous sont de la recoller comme auparavant,
ou de reconstituer une nouvelle base, afin de respecter la morphologie et surtout l’épaisseur de la base d’origine. Il faut donc s’interroger sur les avantages et inconvénients de chacune de ces solutions, en englobant notamment les arguments déontologiques.
1. Première solution : recoller la base Aspects positifs : Le fait que tout le poids de la jarre repose sur une basse en terre cuite assurerait une plus grande solidité qu’un matériau de comblement. Cette base reste un véritable tesson, en terre cuite, et comporte même des résidus de glaçure bleu turquoise ; elle semble donc de la même production que la jarre étudiée. Le diamètre extérieur de la base correspond à celui du bas de la jarre. Cette base peut avoir été collée il y a plusieurs dizaines d’années, voire même à la
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sortie de la fouille ; elle représente donc une partie de l’histoire de l’objet. Si l’on replace cette restauration dans la réalité du métier, dans le cas d’une restauration facturée chez un professionnel, cette solution aurait certainement été choisie, notamment pour des raisons de coût. La confection d’une nouvelle base nécessite effectivement des matières premières, mais surtout un temps de travail bien supérieur à celui passé pour le collage du tesson de la base. Aspects négatifs : Ce tesson n’appartient pas à la jarre. Les tessons de la jarre sont plus épais que les tessons des parois remontant de la base, un écart d’épaisseur sera donc nettement perceptible à l’intérieur. Le diamètre interne du bas de la jarre ne correspond pas du tout au diamètre interne de la base. Des jours* seraient aussi visibles entre la base recollée et les tranches du corps de la jarre, car ces tessons ne sont pas du tout jointifs. Il faudrait donc réaliser des comblements pour consolider ces écarts. Cela représenterait surement une source de fragilité importante au niveau de la base, qui supporte pourtant tout le poids de l’objet. 2. Deuxième solution : reconstituer une nouvelle base Aspects positifs : Une nouvelle base pourrait être reconstituée, éventuellement à l’aide d’un moule réalisé sur la face externe de l’ancienne base – les dimensions externes étant correctes. Cette nouvelle base aurait l’avantage d’être parfaitement adaptée à l’épaisseur des tessons du corps de la jarre. Les parois de la nouvelle base étant plus épaisses que la base actuelle, cela apporterait plus de solidité. Un matériau adapté permettrait d’assurer une dureté proche de celle de la terre cuite. Au regard de la déontologie du métier de restaurateur, ce choix serait également plus adapté afin de ne pas reconstituer consciemment un objet avec plusieurs tessons d’objets différents. Aspects négatifs : Cela reviendrait à séparer la base du reste de la jarre. Celle-ci pourrait perdre de sa valeur à cause d’une augmentation de la surface reconstituée. ►► Après avoir étudié ces deux cas de figure, la deuxième solution reconstituer une nouvelle base - semble la plus adaptée, notamment d’un point de vue déontologie, et stabilité physique pour l’œuvre179. La reconstitution des parties manquantes se justifie par l’unité potentielle de l’œuvre, concept développé par Cesare Brandi180 :
179 180
Françoise Reginster, Op. cit., pp. 26-30. Cesare Brandi, Théorie de la restauration, trad. de l’italien par Monique Baccelli, Ed. Allia, 2011, pp. 19-26.
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126 « Si la « forme » de toute œuvre d’art singulière est indivisible, quand l’œuvre d’art apparait matériellement divisée, il faudra chercher à développer l’unité potentielle d’origine que chacun des fragments contient, proportionnellement à ce qui reste en eux de la forme originale181 ».
Dans le cas de la jarre étudiée, l’unité potentielle est présente dans la symétrie des anses, mais surtout dans l’amorce de chacune des deux anses manquantes, il n’y a donc pas de doute possible quant à leur présence initiale. La valeur rythmique recherchée par l’artiste est également mise en avant par Brandi, qui compare les différents éléments composant une œuvre, à des mots qu’un poète regrouperait en vers, et qui perdraient toute valeur s’ils en étaient extraits.
Fig. 194 : Amorce d’une anse originelle, entre les faces B et C
D’autres cas de restaurations semblables ont été consultés, afin de pouvoir appuyer nos choix sur des exemples concrets. Le mémoire de Périne Kaur182 a notamment été étudié ; cette étudiante s’est aperçue au cours du nettoyage de trois coupelles iraniennes, que des tessons de nombreuses pièces différentes avaient été recollés ensemble afin de reconstituer une seule coupelle. Ils n’avaient donc rien à voir les uns avec les autres. Après nettoyage et dérestauration, il a été impossible de recoller ces tessons, car ils étaient non-jointifs, et qu’il n’y aurait plus eu aucune lisibilité de la pièce. Les tessons ont été présentés dans des tiroirs, séparés. La restauratrice Giullia Barella183 a également rencontré ce problème sur un vase étrusque des Musées du Vatican. Les tessons n’appartenant pas à l’objet ont été retirés, et les lacunes reconstituées. Le mémoire de Carole Mougin fait également part de cette problématique, lors de la restauration d’une coupe au cavalier iranienne184 : différents fragments d’origines diverses ont été assemblés, pour créer un objet complet, un « faux ». C’est même la technique extrême du doublage qui est utilisée : des tessons sont positionnés en épaisseur sur un autre tesson. Des repeints recouvrent une grande partie de la pièce pour masquer ces falsifications. Carole Mougin cite Charles Vignier, marchand d’art du XXème siècle, qui énumérait en 1928 les
Ibid., pp. 22-23. Périne Kaur, Restauration et Conservation de Tessons de Céramiques d’Iran Oriental, Mémoire de fin d’étude, Ecole de Condé, 2005. 183 Diplômée de l’ICR de Rome, Giulia Barella travaille régulièrement pour des musées archéologiques en Irak. 184 Carole Mougin, Etude et restauration d'une Coupe au cavalier iranienne (XII e-XIIIe siècle) du Musée du Louvre, Mémoire de fin d’études, INP, 2005. 181 182
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différents trucages des faïences* persanes, et le moyen de les déceler185. Ces falsifications* peuvent aller de l’insertion d’un ou deux fragments au sein d’un objet presque complet, à l’assemblage total d’une multitude de fragments d’origines variées186. Ces « faux » tessons de céramique ont en effet l’avantage d’apporter une sonorité cohérente à l’objet au contraire du plâtre, et de ne pas forcément être décelés aux rayons X187. Le pied des céramiques falsifiées est d’ailleurs présenté comme l’élément le plus souvent exogène à l’œuvre. Concernant la chronologie des étapes de ce genre de reconstitutions, C. Mougin émet les hypothèses suivantes188 :
Le collage et l’assemblage de tessons seraient réalisés dans le pays d’origine, où un choix de tessons est disponible, pour pouvoir trouver celui correspondant le mieux à l’objet (forme, courbure, épaisseur, couleur, décor…) ;
Les comblements, généralement en plâtre, et les repeints, sont ensuite réalisés en Occident. J. Soustiel explique ces falsifications : « Toutes ces supercheries ont été favorisées par le
fait que la majorité des céramiques médiévales islamiques proviennent de fouilles et qu’elles doivent être « reconstituées » pour devenir présentables 189». Concernant les choix de restauration pour cette coupe iranienne, les repeints ont été supprimés, les parois dédoublées et les tessons décollés. Les tessons appartenant à un même objet sont recollés au Paraloïd®, « mais la reconstitution du faux n’est évidemment pas envisagée190 ». Des comblements ont été réalisés pour certains groupes de tessons destinés à être exposés. Une boite pouvant contenir tous les tessons a été créée afin de conserver l’histoire matérielle de l’œuvre. Plusieurs termes peuvent être employés à mauvais escient concernant ce type d’objets : contrefaçon*, fac-similé*, falsification*, faux*, reconstitution*… Chacune de ces nuances sont définies par Ségolène Bergeon-Langle. Celui le plus-adapté à la jarre serait peut-être falsification : retravailler un objet afin de le faire passer pour autre chose qu’il est191. Cette notion est cependant nuancée dans notre cas, car il s’agit de vrais tessons collés, et non pas d’un autre matériau se faisant passer pour de la céramique. Charles Vignier, in La revue des arts asiatiques, « Sur les trucages des faïences persanes », 1928. Carole Mougin, Op. cit., p. 18. 187 Loc. cit. 188 Ibid.., p. 21. 189 Jean Soustiel, Op. cit., p. 100. 190 Carole Mougin, Op. cit., p. 55. 191 Ségolène Bergeon-Langle, Georges Brunel, « Original et reproduction – questions de vocabulaire », Coré n°22, juillet 2009, pp. 3-7. 185 186
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Nous tenterons de proposer par notre restauration, une reconstitution, qui n’a pas pour résultat la résurrection de l’original, mais aboutit à la production d’un substitut. Cette reconstitution sera cette fois documentée, ce qui éloigne les risques de falsification.
e) Suppression des couches d’enduit à l’intérieur de la jarre Différents tests ont été réalisés afin de savoir si la suppression des couches d’enduit internes était possible en laissant la jarre telle quelle, c'est-à-dire collée.
► Tests préliminaires À l’aide d’une lampe frontale permettant d’éclairer correctement l’intérieur de la jarre,
nous constatons que l’enduit est très friable au scalpel, et part en couches. Nous en concluons qu’il n’est donc pas nécessaire de décoller tous les tessons de la jarre.
Fig. 195, 196 : Couche d’enduit de l’intérieur avant et après test de suppression au scalpel Fig. 197 : Eclats d’enduits
► Mise en œuvre Cette suppression ou atténuation, progressive et longue, a pu être réalisée au scalpel car les couches s’écaillaient relativement bien. Pour les couches très épaisses qui étaient plus résistantes, nous avons passé un bâtonnet de coton imbibé d’une solution eau et acétone (pour accélérer l’évaporation) à 50-50 afin de les ramollir.
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Cet important nettoyage a permis de révéler la glaçure turquoise, présente sur l’intégralité des parois internes.
Fig. 198 : Humidification d’une zone couverte d’enduit
Fig. 199, 200 : Vue de l’intérieur de la jarre, avant et après suppression des comblements et enduits
► Calcul de la surface de la jarre et de la surface totale manquante Nous avons souhaité calculer la surface totale de la jarre, afin de pouvoir, après suppression des anciens comblements, calculer la part lacunaire qui sera à reconstituer. Pour réaliser ce calcul, la jarre a été « découpée » en différentes formes géométriques, dont le schéma est disponible en annexe XV, retraçant de la façon la plus proche possible, sa forme réelle : six cylindres et deux parallélépipèdes rectangles ont été utilisés pour le calcul de la surface. Le dessin et les calculs sont disponibles en annexe. Bien entendu, cette méthode de calcul reste approximative et très empirique, car les mesures sont prises à la main, à l’aide de règle, équerre, et compas d’épaisseur. Ces calculs ont simplement pour but de donner un ordre de grandeur de la surface de la jarre : environ 2 480 cm2, soit 0,25 m2. Après nettoyage et dérestauration des bouchages et des tessons exogènes de la jarre, nous avons pu réaliser un nouveau calcul, permettant de nous rendre compte de la surface lacunaire de l’objet. Différents manques sont présents sur la jarre : une grande partie du col comprenant deux anses, trois lacunes triangulaires sur la panse, et une lacune triangulaire juste au dessus du pied.
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Fig. 201 202, 203 : Détail des trois lacunes du pied et de la panse
Fig. 204 : Schéma de la face D de la jarre pour localisation des lacunes
La surface manquante représentée par ces trois lacunes triangulaires est d’environ 4168,5 mm2. Pour l’importante zone lacunaire du col, nous avons estimé que sur un périmètre de col de 49 cm, seuls 18 cm étaient toujours présents ; cela correspond donc à un manque du col de 63%, soit 17496,17 mm2. D’après les calculs de la surface totale de la jarre, une anse correspondait à peu près à 15 200 mm2. Etant donné que deux anses sont manquantes, nous arrondissons à une surface lacunaire des anses de 30 400 mm2. La base qui a été mise de côté comprenait une surface de 8 659 mm2. La somme de ces parties lacunaires est donc de 4168,5 + 17496,17 + 30 400 + 8659 = 60 723,67 mm2. Tous ces calculs indiquent donc une surface totale de manques d’environ 60 724 mm2, soit 607 cm2, soit 0,06 m2. Cette surface correspond à environ 24% de surface lacunaire à reconstituer sur la jarre.
24% 76%
Surface lacunaire
Surface originale
Fig. 205 : Part de la surface lacunaire sur la surface totale de la jarre Louise Milan – Etude et restauration d’une jarre islamique – Ecole de Condé
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3. Collage
a)
Consolidation du collage Cahier des charges de l’adhésif :
Adhésif stable, réversible, compatible avec les matériaux d’origine ;
Résistant à une température d’au moins 50°C192 ;
Transparent et mat afin que les comblements n’entravent pas la lisibilité de l’objet par une brillance de toutes les lignes de cassures ;
Assez solide car la jarre a des parois épaisses, et elle est relativement lourde ;
Peu visqueux pour qu’il puisse correctement s’infiltrer dans les cassures, sachant que sa pénétration dans les pores de la pâte sera entravée par l’ancien adhésif déjà en place, et assez liquide pour pouvoir être infiltré à l’aide d’une fine seringue ;
Evaporation du solvant relativement lente afin que l’adhésif ait le temps de s’infiltrer. Protocole : Notre choix se porte sur le Paraloïd® B-44, qui a une température de transition
vitreuse (60°C) plus élevée que le B-72 (40°C), et une plus grande résistance mécanique. Pour limiter la vitesse d’évaporation du solvant, nous réaliserons un mélange à 50% d’acétone et d’acétate de butyle. Concernant la concentration en Paraloïd®, et donc son aspect liquide, le choix s’est porté sur 20% de Paraloïd® B-44 dans le solvant, afin d’avoir une faible viscosité pour que l’adhésif puisse correctement pénétrer dans les cassures. Plusieurs infiltrations sont nécessaires afin de garantir un collage efficace. Les pourcentages sont établis en poids (w : w)193.
Nous rajouterons à cet adhésif une charge*194, qui aura pour rôle de modifier l’apparence du produit fini, et dans notre cas, de le matifier. La charge doit être compatible avec son liant. Celle qui semble la plus adaptée est la silice colloïdale*195 ; elle permet de matifier un liant, tout en conservant une certaine translucidité.
L’œuvre sera exposée chez un particulier, où la température pourra s’avérer haute en été, voire en hiver à cause des radiateurs, ou à cause de lampes… 193 Sophie Genin, Etude comparative des Paraloid™ B-72 et B-44, purs ou en mélanges, adaptés au collage de la porcelaine et du verre, Mémoire de fin d’études, La Cambre, 2015, p. 34. 194 Une charge est une substance solide et non miscible, qui est dispersée dans le produit et non pas dissoute. 195 Stephen P. Koob, « The Use of Paraloïd B-72 as an Adhesive... », in Studies in Conservation 31, 1986, p. 9. 192
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►Tests préliminaires Des tests ont été réalisés concernant la concentration adhésif et charge. Après avoir préparé une certaine quantité de Paraloïd® B-44 dilué à 50% dans de l’acétone et de l’acétate de butyle (50-50), nous avons réparti ce mélange à parts égales, dans trois récipients. Dans le premier, nous avons ajouté 20% (en volume) de silice, dans le deuxième 50%, et dans le troisième 70%, afin d’obtenir des concentrations différentes. Une couche de chaque mélange a ensuite été versée dans des couvercles de pots de pellicules photos. Après séchage, ces échantillons ont pu être comparés.
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Fig. 206 : Tests de différentes concentrations Paraloïd® B44 et poudre de silice
Ces tests permettent de constater qu’un mélange à 70% de silice et 30% de Paraloïd® B44 dilué (n°4) est beaucoup trop chargé en silice, le gel formé est bien trop dur et hétérogène. L’échantillon n°3 à 50-50 de Paraloïd® B-44 et de silice ne s’avère pas assez transparent par rapport à ce qui est souhaité, il tend vers une trop grande opacité. Finalement, c’est le mélange n°1 à 20% de silice et 80% de Paraloïd® B-44 dilué qui est le plus concluant : après séchage, il reste transparent, tout en ayant gagné en matité. Nos échantillons ont cependant révélé de très nombreuses bulles au séchage, comme on peut le voir sur les échantillons précédents. Ces bulles n’étaient pas encore visibles lorsque nous avions rempli les couvercles de pellicule. L’acétate de butyle, plus pénétrant196, sera donc nécessaire pour ralentir l’évaporation du solvant et limiter cette formation de bulles, et nous mélangerons également la silice dans le solvant dans un premier temps, avant de rajouter le Paraloïd® B-44.
196
Liliane Masschelein-Kleiner, Op. cit., pp. 79-85.
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La concentration finale choisie est donc la suivante (en volume) : 2 parts de silice, 1,6 part de Paraloïd® B-44, 3,2 parts d’acétone, et 3,2 parts d’acétate de butyle. On obtient donc un mélange avec 20% de silice, dans une solution à 20% de Paraloïd® B-44 dilué dans les solvants. Préparation de la colle : selon la méthode Koob, décrite dans Conservation and care of glass 197
objects . Les parts sont multipliées par 2,5, et additionnées dans l’ordre suivant : 1. Mélanger 8 parts d’acétone avec 8 parts d’acétate de butyle, dans un bocal en verre ; 2. Ajouter 5 parts de silice, mélanger jusqu’à obtention d’une substance homogène ; 3. Dans une gaze, placer 4 parts de granulés de Paraloïd® B-44, et placer cette gaze en suspension dans le bocal de sorte qu’elle effleure très légèrement la surface du liquide. Cela permet à la résine de se dissoudre lentement dans le solvant, et évite ainsi la formation de bulles ; 4. Fermer le bocal hermétiquement.
►Mise en œuvre A l’aide d’une seringue, le mélange de Paraloïd® B-44, acétone/acétate de butyle et silice, est infiltré dans les cassures de la jarre. Trois infiltrations successives ont été faites, afin d’être sûre que le collage ait été correctement consolidé. Un nouveau test de tapping a par ailleurs démontré que la jarre avait retrouvé une meilleure sonorité.
Fig. 207 : Infiltration d’adhésif dans les cassures à l’aide d’une seringue
197
Stephen P. Koob, Conservation and care of glass objects, Archetype publications, 2009, p. 47.
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b) Pose d’un primaire La pose d’un primaire sur les tranches avant de réaliser les comblements empêchera le matériau de comblement de pénétrer dans la pâte par les pores. La réversibilité des comblements sera donc augmentée. ► Tests préliminaires Cahier des charges :
Bonne adhésion de l’adhésif choisi avec la pâte, compatibilité avec le matériau de comblement qui sera au contact du primaire ;
Stabilité de l’adhésif, réversibilité, et facilité de mise en œuvre ;
Pose du primaire en film très fin afin de ne pas lisser la surface et de conserver sa rugosité, nécessaire à la bonne adhérence* du matériau de comblement futur ;
Capacité d’évaporation relativement rapide du solvant afin que la résine ne pénètre pas en profondeur dans la pâte ; retrouvée dans l’acétone (évaporation de 2,1, comparée à celle de l’acétate de butyle par exemple, qui est de 12198. En effet, plus ce chiffre est élevé, plus l’évaporation du solvant est lente). Afin de rester en adéquation avec les étapes précédentes, le primaire sera réalisé au
Paraloïd® B-72, car cette couche ne nécessite pas une haute température de transition vitreuse, ni une grande solidité, propres au Paraloïd® B-44. Le B-72 sera dilué à 10 % dans l’acétone, pour obtenir une faible viscosité.
► Mise en œuvre Le primaire est posé grâce à un pinceau à poils souples, sur toutes les tranches qui seront en contact avec le matériau de comblement. Fig. 208 : Pose du primaire sur les tranches des lacunes
198
Tableau comparatif des solvants, mémoire de Cédrick Bordelais, Ecole de Condé, 2009, p. 86.
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4. Comblement
a)
Comblement des cassures et éclats Au vu des futures conditions de conservation de l’objet, chez un particulier, un
comblement des cassures est nécessaire, à la fois dans l’objectif d’une meilleure conservation, et dans un objectif esthétique ; ce comblement empêchera la poussière de s’y infiltrer, et consolidera davantage le collage. ► Tests préliminaires Afin de rester en adéquation avec les étapes précédentes, il est judicieux de combler les cassures, et notamment les éclats, à l’aide du même adhésif que celui utilisé pour la consolidation du collage : le Paraloïd® B-44. Afin d’obtenir un adhésif plus épais, il peut être intéressant d’ajouter de la pulpe de papier199 à notre mélange d’adhésif et de solvant.
Protocole : Mélange de 50% de Paraloïd® B-44 dilué dans 50% de solvant (solution d’acétone et d’acétate de butyle à parts égales, afin d’avoir une évaporation moins rapide du solvant et diminuer l’apparition de bulles). De la pulpe de papier sera délayée dans cette solution jusqu’à une texture assez pâteuse. La pulpe de papier permettra également de réduire le retrait après séchage. Pour chacun des éclats, des pigments secs (bleu de cæruleum, bleu outremer, terre verte) seront ajoutés afin d’obtenir une couleur de comblement relativement proche de la surface autour, en étant légèrement plus claire. Les lignes de cassures qui ne sont pas parfaitement jointives seront également comblées avec cette technique.
10 mm
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Fig. 209, 210 : Avant et après test de comblement d’un éclat dans une zone glaçurée
Appelée aussi pulpe de cellulose, présentée sous forme de petits amas de fibres blanches et inodores ; fiche technique disponible en annexe XIV. 199
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► Mise en œuvre Plusieurs couches successives sont nécessaires car un retrait est observé après séchage, malgré la concentration en adhésif. Après séchage, les éventuels débordements de colle sont retirés au scalpel, puis un coton imbibé d’acétone est passé très légèrement sur les comblements afin d’unifier la surface. Enfin, une dernière couche de finition est posée, à l’aide du même mélange d’adhésif, mais sans pulpe de papier cette fois. Cette texture lisse et fluide permet ainsi de s’approcher au mieux de la texture et de la brillance de la glaçure originelle entourant les éclats.
10 mm
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Fig. 211, 212 : Détail avant et après comblement d’éclats et de lignes de cassures, au niveau de la glaçure, face A
Pour les éclats se trouvant dans les parties où la glaçure n’est plus visible, nous avons utilisé le même mélange d’adhésif + solvant + pulpe de papier, auquel nous avons ajouté, selon les zones, des pigments secs blanc, ocre, jaune ivoire, ombre brûlée, et noir. Après avoir posé une première couche relativement épaisse, servant à combler les creux, nous avons apposé des petites touches beiges, marrons, ou ocres selon les endroits, afin d’estomper davantage les lignes de cassures.
Bilan comblements des éclats et cassures : Les éclats présents dans la glaçure qui attiraient l’œil, mais aussi ceux présents au niveau de la pâte, ont été estompés grâce aux comblements. De près, il est toujours possible de distinguer ces comblements, grâce à leur teinte légèrement plus claire et leur délimitation à la lacune ; mais de loin, une harmonie a pu être retrouvée.
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Malgré ces comblements, les cassures restaient toujours très visibles, en raison des traces blanches qui les bordaient. La question s’est alors posée de réaliser de légers points sur la terre cuite au niveau des traces blanches. Ces points se rapprochant des teintes foncées présentes sur la pâte, permettraient d’atténuer les traces. Après différents tests, nous avons trouvé le résultat très intéressant, d’autant plus que ces traces blanches n’appartenaient pas à l’œuvre à l’origine, mais avait été causées par une précédente restauration.
20 mm
Ces légers points ont été réalisés à l’aquarelle Daler-Rowney, afin d’avoir une réversibilité aisée à l’eau. Cela permet d’atténuer davantage les traces, sans pour autant dissimuler complètement les cassures (Cf. figures ci-contre).
20 mm
20 mm
20 mm
Fig. 213, 214: Trace blanche le long d’une cassure, avant, et après estompage à l’aquarelle
Les photographies ci-dessous montrent l’évolution des lignes de cassures sur les quatre
Après
Avant
faces. De loin, elles se fondent avec l’objet, mais de près, elles restent perceptibles.
Fig. 215 : Présentation des faces A, B, C, et D de la jarre, avant et après comblement des éclats et cassures
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b) Comblement des lacunes Comme justifié dans la proposition de traitement, les lacunes présentes au niveau du col, de la panse, et du pied de la jarre doivent être comblées. Outre le fait de lui redonner une stabilité, une lisibilité, et une valeur historique, cette jarre sera principalement appréciée pour des raisons esthétiques. Il n’est donc pas souhaitable de réaliser des retraits* dans nos comblements, car cette restauration n’a pas une visée didactique comme pour certains objets de musées par exemple. Même si l’on souhaite que la restitution des parties manquantes de la jarre puisse se distinguer, l’aspect discernable de cette restauration se trouvera dans la technique de retouche des comblements. Par ailleurs, Ève Bouyer200 parle du retrait comment n’étant « pas forcément synonyme de retrait visuel, car, sous différents types d'éclairages, les ombres et lumières créées par ce procédé peuvent attirer l'attention au point de distraire le spectateur des parties originales »201. Etant donné que la pièce est destinée à être achetée par un particulier, nous pouvons supposer qu’il ne se préoccupera pas forcément de l’éclairage qu’il fera subir à l’œuvre. Pour cette raison, nous souhaitons éviter cette mise en valeur des comblements qui comporteraient des ombres dues aux retraits.
1. Choix du matériau de comblement
Cahier des charges : Nous souhaitons utiliser un matériau de comblement réversible, qui puisse être retiré relativement facilement en cas de besoin de nouvelle restauration (élimination du bouchage sans risque pour l’œuvre, par exemple si la jarre tombe et se casse de nouveau, ou si les conditions de conservation ne sont pas respectées et qu’un vieillissement prématuré des matériaux de comblement a lieu). Le matériau choisi doit être compatible avec les matériaux originels, plusieurs critères sont donc à prendre en compte202 : la nature de la pâte (porosité et dureté notamment), la résistance mécanique de la céramique, et bien entendu le type de restauration choisi. La stabilité dans le temps doit aussi être prise en compte, tout comme le fait qu’il y ait possibilité de retouche sus-jacente, et que le produit ne soit pas toxique pour le restaurateur.
Ève Bouyer est diplômée en Histoire de l'art et Archéologie, et en Conservation-restauration de la céramique et du verre (ENSAV La Cambre). 201 Ève Bouyer, « Quelques pistes de réflexion sur la restauration perceptible des vases céramiques antiques », 2010, URL : http://ceroart.revues.org/1618. 202 D’après le cours sur le bouchage de Mme F. Vassallo, 2 ème année, Ecole de Condé. 200
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De nombreux matériaux de comblement peuvent être utilisés en restauration de céramique : le plâtre, le modostuc, le mastic polyester, la résine acrylique Paraloïd®… Etant donné l’importance de la lacune du col, un comblement grâce à un moule réalisé sur la seule partie restante du col devrait être répété un trop grand nombre de fois. Cela multiplierait les interventions sur la jarre et fragiliserait le comblement. Il est préférable de reconstituer le col grâce à un comblement réalisé directement sur la jarre, et surtout, formé d’un seul grand morceau. Deux solutions sont alors possibles : façonner ce comblement, à l’aide de plastiline, sur la jarre, puis le mouler et couler dans le moule un nouveau tesson en plâtre. Ou bien utiliser un autre matériau qui semble plus intéressant dans notre cas : les pâtes autodurcissantes, permettant de façonner le comblement directement sur la jarre, sans avoir besoin de le mouler ensuite, ni de le cuire. Outre le comblement du col, cette pâte pourrait aussi être utilisée pour les comblements de la panse, et de la base. Cette deuxième solution est envisagée, les pâtes étant plus faciles à modeler que la Plastiline®, beaucoup moins grasses, et le comblement serait directement réalisé sur la jarre sans avoir à être moulé. Propriétés requises pour le matériau de comblement : ♦ ne pas nécessiter de cuisson, donc être auto-durcissant ; ♦ avoir une dureté similaire à la terre cuite de la jarre, ou légèrement inférieure ; ♦ ne pas comprendre de retrait au séchage ; ♦ pouvoir recevoir une retouche sus-jacente. Afin de mener une étude approfondie de ce nouveau matériau de comblement et de ses propriétés, cette problématique a été choisie comme sujet technico-scientifique de mémoire : « Etude du comportement de pâtes minérales auto-durcissantes pour le comblement de lacunes d’objets en terre cuite ». La suite du projet de restauration s’appuie donc sur les expériences menées et les résultats obtenus, développés dans la partie scientifique (3ème partie, Cf. p. 159).
Au terme de cette étude, nous concluons que la pâte minérale auto-durcissante
Plastiroc Giotto de chez Fila possède les meilleures propriétés et est adaptée au comblement de lacunes. Ce produit sera donc utilisé pour les comblements de la jarre. Le choix de ce matériau encore peu connu en restauration, se justifie précisément par la particularité des comblements à modeler et par leur côté amovible. Ces comblements détachables ont d’ailleurs été préconisés par
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Stephan P. Koob pour les comblements de céramiques archéologiques203 : “It is also advantageous in that fills can be cast, removed, and taken away from the vessel for shaping and finishing, avoiding both plaster dust mess and exposing the vessel to physical and psychological trauma204”. En effet, la lacune du col sera constituée d’un seul tesson modelé, travaillé et retouché à part, puis collé, tout comme la base. Ils pourront alors être facilement retirés en cas de vieillissement inattendu du matériau. Cependant, les trois plus petites lacunes de la panse n’auront pas cet avantage d’être amovibles, car entourées de tessons collés. Nous préférons donc pour ces trois lacunes, utiliser un matériau plus connu et couramment utilisé en restauration. Il en sera de même pour la lacune triangulaire partant du pied, afin de terminer le diamètre pour que la reconstitution de la base soit plus aisée et formée d’un seul disque. Durant nos dernières années de stage en Italie205, nous avons utilisé exclusivement la Polyfilla pour le comblement de céramiques, aussi bien pour des objets archéologiques fragiles, que pour grandes et lourdes amphores* ou des plats en faïence du 17ème siècle. Ce produit est un plâtre synthétique, ou sulfate de calcium semi-hydraté, ne contenant pas de sels contrairement au plâtre206. La fiche technique, disponible en italien en annexe XII, indique comme composition du plâtre naturel et de la cellulose, une solubilité dans l’eau sans retrait au séchage, un pH entre 6,0 et 8,0, et une grande résistance après un temps de séchage de 90 minutes. C’est un produit qui a démontré sa stabilité depuis de nombreuses années.
2. Réalisation des moules et des comblements
Lacunes de la panse
Pour les comblements des lacunes de la panse, nous réaliserons des empreintes à l’aide de plaques de cire sur les parties internes de la panse. La Polyfilla sera préalablement teintée grâce aux pigments Laverdure - ocre jaune, terre de sienne brûlée, terre d’ombre brûlée, à raison de 1 g de pigments pour 20 g de poudre de Polyfilla, soit 5% de charges colorées -, pour obtenir une couleur de fond proche de celle de la pâte, dans les Stephen P. Koob, “Detachable plaster restorations for archaeological ceramics”, 1987, pp. 63–65. Stephen P. Koob, Tony Sigel, “Conservation and restoration under field conditions: Ceramics treatments at Sardis, Turkey”, in Objects Speciality Group Postprints, Volume 5, 1997, p.100. 205 La Polyfilla était le matériau de comblement utilisé lors de nos stages en Italie au Musée International des Céramiques (Faenza), au Laboratorio Florence Caillaud (Bologne), et au Laboratoire des Musées du Vatican. 206 Lou Cognard, Etude et traitement de conservation-restauration d’un plat d’apparat historié…, Mémoire de fin d’études, Ecole de Condé, 2014, p. 105. 203 204
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beige-orangés. Cela permettra qu’un éventuel choc sur la pièce révèle sous la retouche cette couleur semblable à la pâte, et non une Polyfilla blanche. Une fois teintée, la poudre sera additionnée d’eau, jusqu’à obtenir une texture de crème très épaisse. Le peu d’eau apportée par rapport à une préparation de plâtre augmente la dureté et la résistance du produit. Ce mélange sera appliqué dans quatre lacunes. La Polyfilla est travaillée au fur et à mesure du séchage, pour ne pas nécessiter de ponçage après.
► Mise en œuvre Les bords des lacunes sont protégés par du scotch Tesa, et les 4 lacunes évoquées précédemment sont comblées à la Polyfilla, sans retrait.
Fig. 216 : Lacune 1 entre les faces D et A
Fig. 217 : Lacune 2 face C
Fig. 218 : Lacune 3 face D
Fig. 219 : Lacune 4 face A
L’empreinte de sceau visible entre les faces B et C de la jarre, présente aussi des éclats importants qui altèrent sa lisibilité et celle de l’objet. Il est décidé de combler les éclats à la Polyfilla, et de poursuivre le contour circulaire du sceau en le suggérant par un léger bourrelet.
Fig. 220, 221 : Sceau avant et après comblement
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Une fine couche de protection au Paraloïd© B72 dilué à 2% dans l’acétone est ensuite posée sur les comblements afin de les renforcer et de les imperméabiliser avant la retouche.
Lacune du pied
Comme nous l’avons remarqué dans l’étude historique, différentes typologies de pieds sont présentes sur les jarres similaires celle étudiée. Certains sont droits, d’autres évasés vers l’extérieur, d’autres encore présentent un bourrelet…
Fig. 222 : Variété de profils de pieds des jarres étudiées dans la partie historique
Etant donné qu’il n’est pas possible de connaître avec certitude la forme du pied manquant de la jarre, nous le reconstituerons de la façon la plus simple possible, avec pour critère principale la stabilité de la jarre. Les tranches du bas de la jarre au niveau de la lacune sont préalablement recouvertes de Parafilm® afin que le comblement n’adhère pas à la jarre, tout en conservant l’empreinte des multiples aspérités de surface des tranches qui permettront de replacer et recoller parfaitement le comblement amovible. Un moule en silicone est réalisé sur la partie interne de la base désolidarisée, qui comprend les traces de stries du façonnage. La jarre sera maintenue à l’envers dans un sceau rempli de mousse (i.e le col vers le bas). L’empreinte en silicone sera positionnée et fixée par l’intérieur jusqu’au niveau où devrait arriver la base (Cf. schéma ci-dessous). La pâte auto-durcissante pourra alors être modelée sur ce support afin de reconstituer le pied de la jarre.
Tessons du bas de la jarre Empreinte en silicone Base reconstituée
Fig. 223 : Schéma de la reconstitution de la base
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Le silicone permet de réaliser un moule précis207 et relativement rigide lorsqu’il est assez épais. Pour le choix du silicone, nous avons consulté l’étude technico-scientifique de Carole Nebout208 (INP, 2013). Il existe deux grandes familles de silicones : les silicones liquides et les silicones en pâte. Le silicone en pâte est préféré dans notre cas au silicone liquide, pour sa mise en œuvre plus adaptée à notre objet. D’après cette étude concernant les silicones, il est mentionné que ceux-ci présentent une résistance au déchirement, une bonne résistance au vieillissement, une stabilité thermique, un faible retrait, une précision d’empreinte, et qu’ils ne nécessitent pas d’apport d’eau. Le silicone est un élastomère : c’est un matériau présentant une grande élasticité, supportant de grandes déformations sans se rompre. Parmi ces élastomères de silicone, on trouve les E.V.F (Elastomères Vulcanisant à Froid), ou R.T.V en anglais (Room Temperature Vulcanizing)209. Ceux-ci réticulent* à température ambiante, grâce au mélange de deux substances : la base et le catalyseur, pour obtenir une réaction de durcissement. Le fournisseur de matériaux de moulage Pascal Rosier210 nous a généreusement offert un kit de silicone RTV 3729201 en pâte211. Ce silicone blanc est préparé en ajoutant 1% de catalyseur rouge, puis malaxé jusqu’à obtention d’un rose homogène, et appliqué sur l’anse à mouler. Ces silicones peuvent laisser des dépôts graisseux ou des résidus de silicone, d’où le besoin d’une bonne protection de la surface d’origine : un film plastique alimentaire sera placé sur l’anse avant d’y appliquer le silicone (le Parafilm® n’étant pas adapté car une réaction chimique lors de la réticulation du silicone le faisait fondre). ► Mise en œuvre Une fois sèche, l’empreinte en silicone réalisée est fixée sur un socle maintenu sur un tube cartonné (Cf. fig. ci-contre), puis le tout est placé à l’intérieur de la jarre. Celle-ci est positionnée à l’envers, le moule en silicone fait alors office de support dans la lacune du pied. Fig. 224 : Système de maintien pour l’empreinte en silicone
Fig. 225 : Fond de la jarre vu du dessus et de l’extérieur
La fiche technique du silicone indique une prise d’empreinte au micron. Carole Nebout, Etude de l’impact du moulage au silicone sur les pâtes céramiques, Mémoire de fin d’études, INP, 2013, pp. 64-65. 209 Ibid., p. 61. 210 Site internet : http://www.pascalrosier.com/. 211 Fiche technique disponible en annexe XIV. 207 208
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La base est alors modelée à la main avec la pâte Giotto, en épousant les tranches du bas de la jarre (protégées par le film). Un niveau à bulles est utilisé pour s’assurer de la planitude de la base.
Au fur et à mesure du séchage, de la pâte peut être rajoutée en humidifiant légèrement la
zone, pour combler les éventuels retraits. La base est ensuite retirée de la jarre afin de terminer le séchage.
Fig. 226 : Tesson amovible de la base posé sur le fond de la jarre
Fig. 227 : Base reconstituée
Lacunes du col
La paroi du col sera reconstituée en une seule fois, le comblement en pâte auto-durcissante sera modelé directement sur la jarre. Un film de Parafilm® sera positionné sur les tranches du col afin d’empêcher l’adhérence de la pâte à la jarre. De cette façon, le comblement sera amovible, il pourra être retiré après séchage, afin d’être travaillé et poncé, hors de l’objet. Des profils en carton plastifié pourront aussi être placés à différents endroits du col pour vérifier la courbure.
Lacunes des anses
Après avoir reconstitué le col (mais avant son séchage), les deux anses manquantes seront rajoutées. Pour cela, un moule en silicone sera préalablement réalisé sur une anse restante de la jarre. De la pâte Giotto sera ensuite pressée dans le moule pour obtenir la courbure générale. Sans être laissées à sécher, les deux anses préparées en pâte seront rattachées au col par des hachures et de la pâte humidifiée (principe de la barbotine* chez le potier).
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► Mise en œuvre
Fig. 228 : Modelage du col
Fig. 229 : Vue de la jarre du dessus, avec le col reconstitué et les deux anses
Le col est d’abord modelé (Cf. fig. 228), puis les deux anses sont rattachées par des hachures. Le col et les deux anses forment alors un seul grand tesson, laissé à sécher sur la jarre pour éviter les déformations. Fig. 230 : Reconstitution du col et des anses après séchage
Après séchage, une fissure est apparue sur le comblement au niveau de la jonction entre une anse reconstituée et la paroi du col, sur la surface externe. Pour plus de sureté, il a été décidé de consolider cette fissure, grâce à des infiltrations successives de PVA diluée dans l’eau. La PVA, appelée aussi « colle blanche » ou « colle à bois », est un acétate de polyvinyle (résine vinylique). Elle est non toxique, et possède un pH neutre212. Avant de réaliser la retouche sur les comblements, il a été envisagé de poser une couche de protection afin d’imperméabiliser la surface. Des tests ont été effectués en appliquant un primaire de Paraloïd® B-44 dilué à 10% dans l’acétone, sur un échantillon sec de pâte Giotto, utilisée pour le comblement. Une goutte d’eau est ensuite posée sur la zone isolée par le primaire, et sur la zone de pâte nue.
212
Cours de 4ème année sur le collage, Cécile de Chillaz, 2016, pp. 5-6.
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Après 5 minutes, la goutte d’eau posée sur le comblement sans primaire est totalement absorbée (Cf. figure 231 ci-dessous), tandis que celle posée sur la zone avec primaire est restée telle quelle. Cette couche de primaire fonce la teinte du comblement, mais cela ne gêne pas pour la retouche ultérieure. Sans primaire
Avec primaire
Fig. 231 : Test de perméabilité du comblement, avec et sans primaire
5. Retouche
a) Objectifs La retouche consiste à mettre en teinte le comblement pour l’intégrer à la pièce de manière visuelle213. Comme nous l’avons évoqué dans la partie concernant le « choix du type de restauration », nous souhaitons que notre restauration reste visible de près, tout en étant discrète de loin en se fondant avec le reste de la jarre. L’aspect discernable de la restauration se trouvera dans la retouche.
b) Type de retouche Après discussion avec le propriétaire de la jarre, nous souhaitons réaliser une retouche légèrement plus claire que les teintes présentes sur la jarre. Afin d’obtenir une certaine homogénéité de l’œuvre, nous réaliserons une retouche aux petits points, technique très usitée pour la restauration des céramiques archéologiques. Cette méthode est inspirée du tratteggio (succession de traits, méthode mise au point vers 1945-50 à l’Institut
213
Cours de Florence Vassallo sur la retouche, 2ème année, Ecole de Condé.
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Central de Restauration par Laura et Paolo Mora avec Cesare Brandi)214 et du pointillisme (succession de points). « Le jugement ne peut être qu’individuel, la réintégration proposée devra être limitée et pratiquée de façon à être reconnaissable à première vue, sans documentation particulière, mais précisément comme une proposition qui se soumet au jugement critique d’autrui. C’est pourquoi, toute réintégration éventuelle, même minime, devra être facilement identifiable. C’est ainsi que nous avons élaboré, à l’Institut Central de Restauration de Rome, pour les peintures, la technique de tratteggio215 à l’aquarelle qui se différencie, sur le plan de la technique et de la matière, de la peinture intégrale216 ».
Cela permet l’intégration de la retouche de loin, et l’aspect discernable de près, en jouant sur la perception des couleurs par l’œil humain. Ce type de retouche consiste en la pose d’une couleur de fond sur les comblements, puis en la projection de petits points de peinture à l’aide d’une brosse à dent. Cette technique est souvent choisie pour la restauration d’objets archéologiques, car elle reste discernable en étant un ton plus clair, tout en se mêlant au reste de l’objet. Cette notion de retouche des comblements est aussi évoquée par Eve Bouyer : « On peut souligner le fait que pour bien des restaurateurs, les comblements doivent nécessairement être plus clairs que l'original (ou éventuellement de clarté semblable). Selon Suzan Buys et Victoria Oakley, des comblements plus foncés risquent de ressembler à des pertes de matière217. […] Il est aussi indispensable de préciser que les couleurs peuvent être rendues soit de manière tout à fait unie, soit à l'aide d'un procédé de modulation tel que la technique dite des « petits points ». Quelques auteurs218 semblent considérer que les petits points pourraient être à la céramique archéologique ce que le trattegio est à la peinture italienne. […] Ils sont peut-être particulièrement intéressants pour des objets très incomplets et/ou pour des objets dont les couleurs originales sont bigarrées ?219 ».
c) Choix des produits Concernant les produits de retouche, nous désirons utiliser une peinture réversible, stable, pérenne, et la moins toxique possible.
Magdalena Grenda, « Tratteggio retouch and its derivatives as an image reintegration solution in the process of restoration », 2010, URL : http://ceroart.revues.org/1700. 215 Note de l’auteur : « on matérialise les zones réintégrées par un système de hachures ». 216 Cesare Brandi, Op. cit., pp. 96-102. 217 Suzan Buys, Victoria Oakley, The Conservation and Restoration of Ceramics, Oxford, 1993, p. 140. 218 Giovanna Bandini, « About Chromatic Question of Lacunae in Decorated Ceramics », dans Couleur & temps : La couleur en conservation et restauration, Actes des journées d’étude de la SFIIC, Paris, 2006, pp. 97-103. 219 Ève Bouyer, « Quelques pistes de réflexion sur la restauration perceptible (…) », 2010. 214
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Les acryliques de la gamme Lascaux comprennent ces différentes propriétés. C’est une peinture réversible à l’acétone, mais diluable dans l’eau, donc non toxique. Ces acryliques existant sous 54 teintes sont souvent utilisées en restauration. Elles possèdent une « très forte pigmentation et une solidité à la lumière, une résistance au vieillissement et une absence de jaunissement220 ». Elles présenteraient également une faible différence de teinte avant et après séchage ce qui facilite la retouche, et seraient résistantes à l’eau. Leur texture relativement épaisse semble permettre la retouche envisagée.
d) Méthode d’application
Les comblements de la panse sont les seuls à ne pas être amovibles ; la retouche ne pourra donc pas être réalisée en dehors de l’objet. Pour la surface interne, une retouche à l’éponge synthétique à micropores, d’application plus aisée, sera effectuée afin de s’approcher de la texture et de l’aspect de la glaçure interne. Pour la surface externe, la petite lacune triangulaire localisée dans une zone de glaçure saine, sera retouchée avec la même méthode que pour les cassures : Paraloïd®, acétone-acétate de butyle, pulpe de papier et pigments donnant la tonalité turquoise. Une couleur de fond turquoise clair est au préalable posée pour ne pas avoir la tonalité beige du comblement en transparence. Les trois autres comblements à la Polyfilla (panse), et les deux en terre auto-durcissante (col et base), seront retouchés grâce à la méthode de petits points d’acryliques Lascaux projetés à la brosse à dents. Fig. 232 : Retouche des comblements
220
Source URL : http://lascaux.ch/pdf/fr/produkte/kuenstleracryl/Artist_franzoesisch.pdf
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e) Mise en œuvre
Retouche des lacunes de la panse
Fig. 233, 234: Lacune 1 comblée puis retouchée
Fig. 235, 236 : Lacune 2 comblée puis retouchée
Fig. 241, 242 : Empreinte du sceau comblée puis retouchée
Fig. 237, 238 : Lacune 3 comblée puis retouchée
Fig. 239, 240 : Lacune 4 comblée puis retouchée
Fig. 243 : Retouche interne des comblements de la panse
Fig. 244, 245 : Localisation de la lacune au niveau d’une anse entre les faces C et D, avant comblement et après comblement et retouche
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Retouche interne de la base
Fig. 246, 247: Base reconstituée, avant et après retouche de la face interne
Retouche interne du col
1
2
3
4
Fig. 248, 249, 250, 251 : Etapes de retouche aux petits points de la face interne du col reconstitué
Une couche de fond (2) à l’éponge est posée sur la face interne du comblement (1). Puis des petits points de différentes teintes sont projetés à la brosse à dents afin de se rapprocher de la teinte de la terre cuite blanc-beige-marron (3) visible à l’intérieur de la jarre. Comme des coulures sont présentes sur la partie restante de la face interne du col, nous avons réalisé des petits points dans les teintes turquoises (4) afin d’intégrer notre retouche au reste du col en réalisant une transition colorée, sans pour autant recréer des coulures délimitées.
6. Collage des comblements
a) Choix de l’adhésif Un primaire de Paraloïd® B-44 dilué à 10% dans l’acétone est ensuite posé sur les tranches de la base reconstituée, et sur les tranches de la jarre.
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Afin de rester en adéquation avec les étapes précédentes, nous choisissons de coller les deux tessons amovibles au Paraloïd®. Un mélange de Paraloïd® B-44 et de B-72 (75-25% w:w) est sélectionné, le B-44 étant choisi pour sa résistance mécanique, sa force adhésive, et sa température de transition vitreuse élevée, mais l’ajout de B-72 servira à apporter davantage de souplesse221. Ces grains de Paraloïd® sont dilués à hauteur de 50% dans un mélange d’acétone et d’acétate d’éthyle (90-10 w:w). L’acétate d’éthyle ralentit l’évaporation, permettant à l’adhésif de bien s’étaler sur la tranche. De plus, l’ajout d’acétate d’éthyle conférerait au film formé une force adhésive plus importante qu’avec l’acétone comme seul solvant222. Les proportions pour l’adhésif servant au collage sont donc : 7,5 g de Paraloïd® B-44 ; 2,5 g de Paraloïd® B-72 ; 9 g d’acétone et 1 g d’acétate d’éthyle.
b) Collage L’adhésif est appliqué par contact à l’aide d’un bâtonnet en bois, au centre de la tranche en une couche d’environ 1mm d’épaisseur, afin qu’il s’étale sur toute la largeur des deux tranches mises en contact. La base est ensuite positionnée correctement sous la jarre, le poids de l’œuvre permettant de renforcer l’ancrage mécanique par la pression exercée sur le joint de colle. Le collage est laissé à sécher 24 heures. Fig. 253 : Jarre avec les deux tessons reconstitués
La jonction entre la terre cuite de la jarre et les comblements collés est ensuite comblée à l’aide de très fins boudins de pâte Giotto appliqués sur les bords du comblement très légèrement humidifié. De cette façon, la jonction comblement-jarre n’est plus délimitée par un écart et le comblement apparait à niveau.
221 222
Sophie Genin, Op. cit., pp. 84-88. Ibid., p. 91.
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7. Suite de la retouche Le primaire de Paraloïd® B-44 à 10% dans l’acétone est ensuite appliqué sur les parois externes des comblements, avant de pouvoir effectuer la retouche externe.
Retouche externe de la base
La surface externe du comblement de la base fut retouchée grâce à la même méthode de petits points d’acrylique projetés à la brosse à dents. Différentes teintes ont permis d’intégrer la base au reste de l’objet, avec une dominance de beiges étant donné que le bas de la jarre originelle était assez clair par rapport à l’ensemble de l’objet.
Fig. 254 : Comblement de la base après retouche, vue entre les faces A et B
Retouche externe du col et des anses
Pour la retouche du col, plusieurs couches successives de petits points ont été appliquées, allant des beiges clairs au brun foncé, en passant par des teintes turquoises-vertes pour rappeler les restes de glaçure. Cette retouche s’est en fait avérée trop uniforme, ce qui renforçait exagérément l’aspect visible du comblement. Nous avons donc appliqué de nouvelles teintes dans les bruns foncés, en tamponnant à l’éponge cette fois, afin de créer des « taches » hétéroclites permettant de fondre davantage la retouche au reste de l’objet, tout en la laissant discernable de près.
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Fig. 255, 256, 257, 258 : Vue du col sous ses 4 faces après reconstitution et retouche
8. Vernis de protection
Choix du vernis : Le comblement de la base sera la zone en contact avec le support sur lequel sera posée la jarre. Il sera donc très sujet aux petits chocs et aux rayures dès que l’objet sera déplacé. Pour éviter tout éclat dans la retouche de la base, un vernis résistant doit être posé. Nous souhaitons cependant stable dans le temps et le moins toxique possible ; un vernis Polyuréthane bien que très résistant, est donc proscrit. Ayant été utilisée durant plusieurs étapes de la restauration de cette jarre, la gamme des Paraloïd® a été envisagée pour le vernis, afin de conserver une adéquation des produits. Le Paraloïd® B-67 semble correspondre aux propriétés recherchées pour un vernis. C’est le plus hydrophobe des Paraloïd® et il produit un film plus dur que les Paraloïd® B-72 et B-44. Il possède une température de transition vitreuse de 50°C.
Délimitation de la retouche
Outre la retouche de la base, ce vernis sera posé sur toutes les autres retouches afin de créer un film de protection. Par ailleurs, la surface de la jarre possédant une légère brillance – voire une grande brillance pour les zones de glaçure saine Fig. 259 : Différence de brillance/matité entre la jarre et la retouche Louise Milan – Etude et restauration d’une jarre islamique – Ecole de Condé
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(Cf. Fig. 254) –, ce vernis permettra d’intégrer davantage les comblements à l’objet en leur conférant également une légère brillance. Différentes proportions d’adhésif et de solvant ont été testées afin de faire varier la brillance :
Film à 10% de Paraloïd® B-67 dans l’acétone (1 g de B-67 pour 9 g d’acétone) ;
Film à 20% de Paraloïd® B-67 dans l’acétone (2 g de B-67 pour 8 g d’acétone).
Ces deux mélanges ont ensuite été posés sur un échantillon de pâte Giotto recouverte de petits points d’acrylique.
PB-67 à 20%
PB-67 à 10%
Fig. 260 : Brillance des vernis de Paraloïd® B-67 à 20 et 10% dans l’acétone
La brillance du film à 10% s’approche de la brillance générale de la jarre, au niveau des parties où la glaçure s’est dévitrifiée. Ce mélange est donc adéquat pour tous les comblements. Pour la base qui sera la zone la plus sujette aux frottements, deux couches de Paraloïd® B-67 à 10% dans l’acétone seront appliquées afin de renforcer la résistance mécanique du film.
► Mise en œuvre Le vernis a été appliqué sur tous les comblements à l’aide d’un pinceau plat. Lorsque certaines zones de retouche présentaient un rendu de surface trop brillant du fait d’une application hétérogène du vernis, un bâtonnet de coton saupoudré de silice colloïdale passé à la surface du vernis sec a permis d’atténuer la brillance en créant de micro-rayures non visibles à l’œil nu.
Les planches photographiques de la page suivante présentent les quatre faces de la jarre, avant nettoyage, après suppression des anciens comblements, après comblements et retouche des lacunes de la panse, et enfin après comblement et retouche du col et de la base (photos finales).
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Photographies finales après reconstitution de la base et du col
Après comblement des cassures et des lacunes de la panse
Après suppression des anciens comblements et repeints Avant restauration
Photographies des quatre faces de la jarre avant, pendant et après restauration A B C
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Conclusion Une observation attentive de la jarre nous a permis dans un premier temps de mieux comprendre l’état de cette jarre, et de déceler une partie des anciennes restaurations, les autres ayant été découvertes au fur et à mesure du nettoyage. Les rebondissements rencontrés au cours de la restauration de cette œuvre nous ont menée à davantage de réflexions et de recherches, notamment d’un point de vue déontologique. La volonté de ne pas dérestaurer totalement l’œuvre a permis de conserver l’aspect très jointif des tranches et éviter des pertes de matière supplémentaires. La découverte de tessons exogènes à la jarre a engendré des questionnements qui ont abouti au choix de les séparer de l’œuvre, en faisant primer la stabilité et l’authenticité de l’objet. Les produits utilisés ont été choisis pour leur pérennité et leur adéquation avec les matériaux constitutifs de l’œuvre. La pâte minérale Giotto, encore inconnue en restauration mais que nous avons choisi d’utiliser pour la reconstitution des deux parties amovibles, a été sélectionnée suite à plusieurs tests afin de s’assurer de sa concordance avec la terre cuite de la jarre. Elle permet ainsi d’assurer une stabilité à l’œuvre, reposant entièrement sur ce tesson. La retouche appliquée par projection de petits points de multiples teintes grâce à une brosse à dents, a permis de conserver une surface légèrement granuleuse, qui reprend l’hétérogénéité de la surface originelle, mais surtout permet d’intégrer visuellement les comblements. Ainsi, ils s’avèrent discrets de loin, tout en étant discernables de près. Les étapes de restauration mises en œuvre ont permis de reprendre une majorité des traitements envisageables pour une céramique et ainsi concrétiser nos cinq années de formation. Enfin, la prise en charge de cette jarre nous a apporté expérience et satisfaction, nous a enseigné la patience, la réflexion, et la documentation par rapport aux choix techniques et déontologiques d’une restauration.
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Conseils de manipulation et de conservation « Soins ultérieurs : le restaurateur doit indiquer au propriétaire du bien culturel les soins qui s’imposent à l’avenir, ce qui peut inclure les précautions à prendre en ce qui concerne le transport, la manutention, l’entreposage, l’exposition et l’entretien223 ».
Le métier de conservateur-restaurateur, outre le fait d’effectuer des traitements sur une œuvre, comprend aussi la notion de conservation préventive. Dans notre cas, il s’agira de donner des préconisations au propriétaire actuel, mais également au futur acheteur de cette jarre. Ces recommandations concernent la manipulation de la jarre, mais aussi sa conservation. Dans le guide de « Conservation préventive des collections »224, il est préconisé pour les céramiques des conditions d’humidité relative comprises idéalement entre 40% et 60%. La température doit se trouver autour de 20°C. La céramique, si elle est en bon état, est toutefois l’un des matériaux les moins sensibles, en partie car inorganique. Elle est généralement peu sensible à la lumière. Cette jarre comprend cependant différentes restaurations, et notamment des comblements et retouches. Ces zones sont donc plus sensibles que le matériau céramique, et nécessitent un apport de lumière non excessif. Il est recommandé de ne placer près de la jarre, ni source de lumière, ni source de chaleur.
Manipulation :
Avoir toujours les mains propres et sèches avant de toucher l’objet ;
Attention aux bijoux (bagues, bracelets) qui pourraient rayer la surface ;
Pour manipuler la jarre, la porter impérativement avec les deux mains, de part et d’autre de la panse. Ne jamais porter la jarre par ses anses ;
Ne pas créer de chocs, en particulier au niveau de la base, du col et des anses.
D’après le Code de déontologie et guide du praticien – à l’intention des personnes œuvrant dans le domaine de la conservation des biens culturels au Canada, deuxième édition, 1989, Institut International pour la Conservation – Groupe canadien. 224 Agnès Levillain, Philippe Markarian, Cécile Rat, La conservation préventive des collections : Fiches pratiques à l'usage des personnels des musées, 1er janvier 2002. 223
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Fig. 270 et 271 : Manipulations correctes et incorrectes de la jarre
Entretien :
Pour dépoussiérer la jarre, utiliser un chiffon en microfibres non humidifié et le passer très délicatement sur la surface ;
Ne pas apporter d’eau ni de solvant sur la jarre.
Exposition :
Respecter les préconisations de température, d’humidité, et d’exposition à la lumière, soit dans l’idéal aux alentours de 20-23°C, avec un taux d’humidité proche de 40%, et ne pas exposer la jarre en continue à la lumière ;
Si la jarre est posée sur un support, s’assurer qu’il soit parfaitement stable et non sujet aux vibrations et aux secousses.
Stockage :
En cas de stockage de la jarre, la ranger dans sa boite de conservation pour la protéger de la poussière, des vibrations et des chocs, grâce aux mousses qui l’entourent. Placer la boite dans un endroit sec.
Transport :
Possibilité de transporter la jarre dans sa boite de conservation, en prenant soin de porter la boite à deux mains et de la laisser toujours à la verticale.
Ces recommandations sont primordiales pour la bonne conservation de l’œuvre, car comme le disait Adrien Fedorovsky225, « la vraie formule de la conservation est de prévoir et de prévenir ».
225
Adrien Federovsky, La conservation et la restauration des objets ethnographiques…, Vernière, 1933.
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Troisième partie : Étude technicoscientifique
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Sujet d’étude : Étude du comportement de pâtes minérales auto-durcissantes pour le comblement d’objets en terre cuite
Résumé de l’étude technico-scientifique
Durant l’établissement du protocole de restauration de la jarre prise en charge pour ce mémoire, nous avons été confronté à des problématiques particulières de comblement de lacunes. Une partie du col, ainsi que la base, étaient à reconstituer. Des recherches concernant différents matériaux utilisables nous ont menées vers les pâtes minérales auto-durcissantes, permettant de modeler la forme souhaitée, sans avoir besoin de couler le produit dans un moule - il n’était en effet pas possible de réaliser une empreinte pour les parties à reconstituer. Cette étude vise donc à comparer les propriétés de trois pâtes minérales auto-durcissantes. Bien entendu, un matériau possède d’innombrables propriétés physico-chimiques qu’il n’était pas possible d’étudier dans la globalité en raison d’un manque de temps et de moyens. Les propriétés essentielles pour la réalisation d’un comblement de lacunes d’objets en terre cuite ont donc été sélectionnées : le temps de séchage, la rétraction, la dureté, la résistance aux chocs et la résistance mécanique à la rupture. Des tests empiriques supplémentaires ont été réalisés concernant la rayabilité, la résistance à l’humidité, ou encore la masse volumique. Les tests ont également été effectués sur des échantillons de plâtre, matériau couramment utilisé en restauration de céramique, pour servir de valeurs de référence. Les résultats des tests ont été rassemblés dans un tableau récapitulant les propriétés des quatre matériaux comparés et une notation a été établie afin de pouvoir rendre compte de la pâte la plus adéquate au comblement de lacunes.
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I/. PRÉSENTATION DE L’ÉTUDE A. Sources et intérêt du sujet 1. Intérêts et objectifs de l’étude
Au cours de la restauration de la jarre prise en charge, nous avons été confrontée à des problématiques de comblements particuliers. Les techniques de comblement habituelles ne semblaient pas convenir, nous avons donc envisagé d’autres matériaux, comme les pâtes autodurcissantes qui nous semblaient plus adaptées du fait de ses différentes propriétés que nous analyserons dans cette étude. Nous souhaitions en effet trouver un produit qui puisse se modeler et non se couler, utilisable pour une lacune importante, et qui sèche tout seul sans avoir besoin de cuisson. Mais en nous renseignant sur ces terres dites « auto-durcissantes », nous nous sommes rendue compte que différents types de terres, argiles, ou pâtes minérales auto-durcissantes étaient disponibles, mais manquant de descriptions techniques. Le principal inconvénient des argiles est le retrait. Notre choix se porte donc sur l’étude de « pâtes minérales auto-durcissantes » dont le retrait semble moindre. L’objectif de cette étude est donc de pouvoir présenter une pâte auto-durcissante adaptée au comblement de lacunes d’objets en terre cuite.
2. Sources concernant l’utilisation des pâtes minérales auto-durcissantes comme produit de comblement
a. État de l’art sur les comblements de céramiques Différents matériaux peuvent aujourd’hui être utilisés pour le comblement de lacunes, avec des natures chimiques variées : origine naturelle, synthétique, minérale, organique… Parmi eux, sont fréquemment utilisées les résines naturelles ou synthétiques (mastics polyesters, époxys…), mais également le plâtre, qui reste le plus courant de nos jours. Ces matériaux possèdent des propriétés intéressantes, mais qui ne correspondent pas forcément à celles requises pour tous types de lacunes ou d’objets.
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b. Quid des pâtes minérales auto-durcissantes en restauration de céramiques Malgré nos recherches au sein de bibliothèques spécialisées, de consultations des mémoires de l’Ecole de Condé, de l’Institut National du Patrimoine, de l’ENSAV La Cambre, de l’Instituto Centrale per il Restauro à Rome…, nous n’avons pas trouvé d’études comportant des comblements en terre auto-durcissante. Dans le mémoire de Béatrice Beillard226 (IFFROA227, 1983), sont mentionnées des reconstitutions en terre cuite. Ce principe est mis en avant, mais c’est finalement la difficulté de mise en œuvre qui est remise en question228. La lacune est comblée avec de la terre crue, dont la couleur après cuisson doit être semblable à l’objet original. Le tesson est ensuite cuit puis collé à la gomme laque, et les écarts laissés par le retrait à la cuisson sont comblés à l’aide de stuc de plâtre et de colle de peau. B. Beillard indique que ces tessons étaient ensuite enduits de plâtre et poncés jusqu’à ce que l’épaisseur soit adéquate (des déformations se créant bien souvent durant la cuisson). Elle évoque également cette technique comme étant citée par I.A. Khazanova229, pour la reconstitution de lacunes sur des vases grecs de collections soviétiques. Cette technique de reconstitution de tessons en argile cuite était toujours utilisée en Hongrie en 1999230. M. Berducou fait également référence à cette ancienne méthode de comblement, « peutêtre aussi une des plus admirables techniquement [qui] consiste à reboucher la céramique avec de la céramique231 ». Méthode employée au XIXème siècle, pour laquelle sont mis en avant les « tessons façonnés à la dimension exacte des manques, malgré les difficultés occasionnées par le retrait de l’argile employée au séchage et à la cuisson »232.
c. Enquête auprès de professionnels Afin d’avoir une première idée concernant ce type de matériau, nous avons réalisé une enquête auprès de professionnels, dans le but de recueillir leurs avis concernant ces terres autoBéatrice Beillard, Les matériaux de reconstitution adaptés à la restauration des céramiques, IFFROA, 1983. Institut Français de Restauration des Œuvres d’Art. 228 Béatrice Beillard, op. cit., p. 21. 229 I.A. Khazanova, Some problems concerning repeated restoration of antique painted vases, ICOM 78/21/3/1. 230 Noémie Walter, Les matériaux de comblement utilisés pour la restauration de céramiques, Mémoire de fin d’études, ENSAV La Cambre, 1999, p. 1. 231 Marie Berducou (dir), La conservation en archéologie, méthodes et pratiques de la conservation-restauration des vestiges archéologiques, Paris, Masson, 1990, p. 113. 232 Loc. cit. 226 227
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durcissantes. Notre enquête a été adressée principalement à des potiers ou fabricants de produits de poterie, que nous remercions pour leurs indications et suggestions. Voici des extraits de deux réponses nous paraissant les plus intéressantes pour l’avancée de notre étude :
Atelier Poterie Claire, Lourdes, potière formée au Japon : « Il m'est arrivé de m'amuser à
faire des modèles avec des terres auto-durcissantes très ordinaires qui ont donné de bons résultats, pas de réduction en séchant ».
M. Denis Lowe, Conseiller technique chez Sial233(Canada), au sujet de leur terre auto-
durcissante : « Notre terre est une faïence standard dans laquelle il y a un apport de pulpe de papier pour donner plus de corps et un agent durcisseur pour augmenter la résistance. […] Les créations demeurent fragiles […]. De plus, si elle est « remouillée », elle ramollira et se dégradera comme une argile qui n’a pas été cuite. […] Elle aura aussi du retrait au séchage (environ 12%) car elle va perdre son eau comme tout autre type d’argile ». Les deux avis semblent assez contradictoires, notamment sur le retrait au séchage. Nous souhaitons donc approfondir l’étude de ce produit.
3. Sélection des produits à étudier Une rapide étude de marché des produits existants a servi à en sélectionner quelques-uns pour l’étude. Parmi ceux envisagés, se trouvaient : la pâte Plastiroc Giotto, l’argile SiO2 Plus, l’argile Durci'Dur Solargil, la pâte DAS, l’argile sans cuisson Pébéo, la pâte Darwi, et l’argile 90F Plastisial. Certaines ont été écartées du fait de leur indisponibilité sur le marché français, de leur prix, ou de caractéristiques qui nous semblaient d’office non-adaptées. Les trois pâtes qui seront testées sont : * Plastiroc Giotto (fiche technique en annexe XI) * Argile SiO2 Plus (fiche technique en annexe XXII) * Pâte DAS (fiche technique en annexe XXI)
Un matériau de référence est nécessaire pour pouvoir comparer les propriétés de ces nouvelles pâtes, avec un produit couramment utilisé pour des comblements de céramique. 233
Groupe québécois fondé en 1982, fabricant d'argile, fournisseur de produits pour la poterie.
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Le produit choisit est le plâtre Molda 3M de chez Saint Gobain (fiche technique en annexe XXIII), utilisé à l’école.
B. Cahier des charges pour les comblements de céramiques : paramètres et détermination des propriétés souhaitées Différents paramètres sont à prendre en compte pour l’établissement d’un comblement de lacune sur un objet en terre cuite. Des critères « pratiques » sont dans un premier temps à considérer, même s’ils ne sont pas primordiaux : * toxicité ; * facilité de mise en œuvre ; * prix du matériau de comblement ; * disponibilité sur le marché. Nous détaillerons ci-dessous les propriétés intrinsèques nécessaires, soit les paramètres physiques ou mécaniques essentiels pour le matériau de comblement recherché.
1. Rétraction du matériau au séchage La rétraction est l’ « action de se retirer en se contractant; contraction entraînant un changement de volume »234. Le retrait au séchage d’un matériau correspond au volume d’eau évaporée contenue dans le matériau235, et donc des forces capillaires exercées entre les feuillets moléculaires236. De ce fait, moins il y a d’eau dans la composition, moins il y a de retrait. Le dégraissant, qui est souvent du sable, permet aussi de diminuer le retrait car il abaisse la viscosité de la pâte237. Souhaité : Le moins de retrait possible, afin que le comblement conserve la forme qui lui est donnée avant séchage. Un infime retrait résultant du séchage serait comblé par le joint de colle servant à faire adhérer le comblement aux tranches de la lacune de la jarre.
Dictionnaire du CNRTL. Marie Berducou (dir), La conservation en archéologie, méthodes et pratiques de la conservation-restauration des vestiges archéologiques, Paris, Masson, 1990, p. 82. 236 Etienne Guyon (dir), Matière et matériaux – de quoi est fait le monde ? Belin, 2010, p. 222. 237 Loc. cit. 234 235
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2. Dureté du matériau de comblement La dureté d’un matériau correspond à sa résistance à la pénétration. Souhaité : Dureté légèrement inférieure à la dureté de la terre cuite. Un test de dureté grâce à un pénétrateur sera réalisé, mais un premier test empirique permet de nous apporter déjà quelques indications de dureté des produits testés. L’échelle ordinale de Mohs238, présentée ci-contre, permet d’estimer la dureté des minéraux, de par leur capacité à être rayé par un autre minéral. La dureté donnée dans ce cas est donc une donnée relative, comprise sur une échelle de 1 à 10.
Fig. 272 : Les dix minéraux de l’échelle de Mohs (tableau issu de Wikipédia)
Les échantillons sont soumis à une faible rayure de l’ongle, puis d’une pièce en cuivre, puis d’un couteau, puis d’une lame de verre. Le minéral rayant le matériau testé indique le chiffre correspondant à sa dureté. Les quatre échantillons (Giotto, DAS, SiO2, Plâtre) ne sont rayables ni à l’ongle, ni avec une pièce métallique lorsqu’une très faible pression est appliquée. En revanche, une rayure est laissée par le passage d’une lame métallique. Cela semble correspondre à une dureté de 4 sur l’échelle de Mohs. Observée sous loupe, la rayure avec une lame ne semble pas de même profondeur pour chaque produit : elle paraît très superficielle sur SiO2, un peu moins sur Giotto, encore moins sur le plâtre, et enfin la rayure la plus profonde semble être celle de la pâte DAS.
3. Temps de séchage Le temps de séchage d’un matériau correspond au temps d’évaporation totale de l’eau contenue. Il est aussi fonction de la température et du taux d’humidité ambiants. Souhaité : Dans le cas d’un matériau de comblement pour la restauration de céramiques, il est souhaitable que le temps de séchage soit compris entre 2 heures et 24 heures environ.
238
L’échelle de Mohs est mise au point par le minéralogiste allemand Friedrich Mohs en 1812.
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4. Réversibilité « Se dit d'une transformation telle qu'il est possible de réaliser exactement la transformation inverse, tous les paramètres ayant à chaque étape les mêmes valeurs, que la transformation ait lieu dans l'un ou l'autre sens239 ». Souhaité : La déontologie de la restauration impose une réversibilité des produits utilisés.
5. Stabilité dans le temps C’est la « permanence d'une espèce chimique. La stabilité des matières plastiques dépend de la température [thermostabilité], de la lumière [photostabilité], des radiations ionisantes [radiostabilité] et des diverses agressions chimiques240 ». Souhaité : Les produits utilisés en restauration doivent être les plus stables possible et garder leurs propriétés initiales, c'est-à-dire ne pas jaunir, ne pas se ramollir, ne pas devenir cassant…
6. Masse volumique du matériau de comblement La masse volumique ρ d’un matériau correspond à sa masse par unité de volume. Elle influe sur la masse de l’objet, et donc sur sa stabilité. Souhaité : La masse volumique du matériau de comblement ne doit pas être supérieure à celle de du matériau composant l’objet. Elle doit être la plus proche possible de celui-ci, afin de garder une stabilité et une cohérence pour l’œuvre. Pour connaître la masse volumique de la terre cuite de la jarre, le volume d’un des tessons désolidarisé est calculé, en étant entouré de film transparent puis plongé dans un récipient d’eau. Le nouveau volume d’eau permet de déterminer celui occupé par le tesson : 25 mL, soit 25 cm 3. Un cube du même volume (5 x 5 x 1 cm) est ensuite confectionné avec chacune des trois pâtes, et avec le plâtre. Une fois secs, ces cubes sont pesés et la masse volumique est calculée : * Masse tesson de la jarre : 40,2 g ; Masse volumique ρ = 40,2 g / 25 cm3 = 1608 kg.m-3 * Masse cube pâte Giotto : 31,2 g ; ρ = 1248 kg.m-3 ; * Masse cube pâte DAS : 33,0 g ; ρ = 1322 kg.m-3 ; * Masse cube SiO2 : 35,3 g ; ρ = 1412 kg.m-3; * Masse cube plâtre : 35,7 g ; ρ = 1388 kg.m-3.
239 240
Dictionnaire Larousse. Dictionnaire Larousse.
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Voici les masses volumiques classées par ordre croissant : Giotto < DAS < Plâtre < SiO2 < Jarre Cette méthode reste empirique, car les mesures du volume sont prises avant séchage, et la masse est notée après séchage (il peut donc y avoir eu des retraits différents). Tous les produits testés ont une masse volumique inférieure à celle de la terre cuite de la jarre241, ce qui est optimal pour ne pas la déséquilibrer. De plus, les masses volumiques des trois pâtes minérales et celle du plâtre se trouvent dans le même ordre de grandeur (1300 kg.m-3 en moyenne).
7. Résistance à l’humidité Capacité d’un matériau à résister à l’action de l’humidité ou de l’eau. Souhaité : Le matériau de comblement doit être résistant à l’humidité, afin de ne pas être endommagé par un éventuel taux d’humidité ponctuellement plus important. On peut toutefois nuancer cette propriété car les matériaux de comblement utilisés de nos jours comme le plâtre, ne sont pas non plus totalement imperméables. Des vernis peuvent cependant être appliqués sur les pâtes une fois sèches afin d’augmenter cette résistance à l’humidité. Un test empirique est réalisé en plaçant un échantillon de pâte Giotto dans un récipient rempli d’eau. Après 7 jours d’immersion, la surface de l’échantillon est légèrement visqueuse, mais l’échantillon n’est ni désintégré ni déformé. La résistance à l’humidité est donc avérée.
8. Possibilité d’une retouche sus-jacente Bien souvent, le matériau de comblement est ensuite retouché à la peinture afin de l’intégrer de façon plus ou moins discrète au reste de l’objet. Souhaité : Dans notre cas, une couche de peinture acrylique sera appliquée sur le matériau de comblement, il doit donc y être réceptif.
241
La masse volumique de la terre cuite en général se trouve entre 1200 et 2200 kg.m -3 environ.
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C. Approche sur les matériaux 1. Propriétés des pâtes minérales auto-durcissantes La composition exacte des pâtes auto-durcissantes sélectionnées n’est pas connue, malgré nos demandes auprès des fabricants. Les fiches techniques exposent cependant les principaux composants : charges minérales, eau et liants d’origine végétale. Des recherches ont été effectuées concernant les charges minérales et liants végétaux existants. Cette étude est disponible en annexe XXIII de ce mémoire. Suite à ces premières recherches, nous avons souhaité analyser plus précisément les compositions des pâtes auto-durcissantes étudiées. Deux laboratoires ont gracieusement accepté de soutenir notre étude, pour l’identification des composants de ces pâtes : * Le laboratoire LETIAM242 pour l’identification des liants d’origine végétale ; * Le laboratoire du CEMES-CNRS243 pour l’identification des charges minérales.
a. LETIAM : liants végétaux Laboratoire d’Étude des Techniques et Instruments d'Analyse Moléculaire, situé dans les locaux de l’IUT d’Orsay (91). Différentes analyses présentées ci-dessous ont pu être réalisées sur nos échantillons de pâtes auto-durcissantes, par le Docteur Jean Bleton, ingénieur d’étude du laboratoire. Protocoles et mise en œuvre des tests : Appareils utilisés : Chromatographe en phase gazeuse capillaire (CPG) HP6890 (Agilent) qui permet de séparer les composés, couplé avec un spectromètre de masse (SM) de type quadripolaire HP5973 (Agilent), qui permet de les identifier244.
► La première analyse avait pour but d’étudier les composés volatils présents dans les échantillons, par micro-extraction sur phase solide (SPME). Les résultats ont montré la présence d’un chlorocrésol (produit généralement utilisé comme antibactérien) en quantité
Fig. 273 : Structure moléculaire d’un chlorocrésol
Site internet : http://www.iut-orsay.u-psud.fr/fr/laboratoires/letiam.html. Site internet : http://www.cemes.fr. 244 Laure Raffaëlly, Emmanuelle Pons, et al, « Caractérisation physico-chimique de laques de Mongolie du Ier siècle ap. J.-C. », ArcheoSciences 29, 2005, pp. 69-81. 242 243
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importante dans les pâtes Giotto et DAS, non présent dans la SiO2.
► La seconde analyse visait à détecter la présence de gomme végétale, après traitement de l’échantillon par méthanolyse acide et silylation*.
Préparation des échantillons pour la méthanolyse acide : « Dans une fiole jaugée de 25 ml refroidie par de la glace, 675 µl de chlorure d'acétyle (CH3COCl) sont ajoutés progressivement à 15 ml de méthanol (MeOH). Après retour à température ambiante, le niveau est amené jusqu'au trait de jauge par du méthanol245 ».
Protocole : « 5 mg de substance [les échantillons secs des pâtes à analyser sont broyés pour obtenir de la poudre, N.D.R] sont placés dans un flacon bouché de 2 ml en présence de 0,5 ml de réactif de méthanolyse et chauffés pendant 24 h à 80 °C à l'aide d'un bain d'huile. Après refroidissement et addition de 0,5 µl de pyridine (neutralisation de l'acide), l'excès de réactif est évaporé à sec sous courant d'azote »246. Cette première étape permet de dépolymériser la substance végétale. On procède ensuite à une silylation247 durant 2h à 80°C pour masquer les nombreux OH constitutifs des monosaccharides. Cette réaction permet d’augmenter la volatilité des monomères hydroxylés, et les spectres obtenus sont plus faciles à interpréter248. Les chromatogrammes réalisés par le Docteur J. Bleton sont présentés en annexe XXV. Ils correspondent à l’analyse des gommes (ou fibres végétales). On y observe que les quantités de monosaccharides détectées sont identiques pour Giotto et DAS. D’après J. Bleton, ces pâtes « semblent contenir une gomme végétale très riche en mannose et galactose. Il pourrait s'agir de différentes gommes (gomme Guar E412, gomme Tara E417, ou gomme de Caroube E410) qui servent dans l'agro-alimentaire comme agent de texture249 » ainsi que dans la fabrication du papier. Ces gommes sont d’origine végétale : la gomme Guar est un polysaccharide* provenant d’une légumineuse d’Inde (haricot), la gomme Tara provient de la graine du Caesalpinia spinosa (arbre d’Amérique du Sud), et la gomme de Caroube est extraite de la gousse du caroubier, légumineuse arbustive méditerranéenne. Ces gommes sont souvent utilisées comme épaississant, stabilisant, ou émulsifiant250.
Loc. cit. Loc. cit. 247 Helena Alves-Remy, « Réduction de la polarité des lipides en remplaçant les H actifs … », CNRS, 2004. 248 Jean Bleton, Alain Tchapla, « Apports des techniques de chromatographie en phase gazeuse …», GCA Paris-sud 11, LETIAM. 249 Courriel du Docteur Jean Bleton le 01/04/2016. 250 Source URL : http://www.les-additifs-alimentaires.com. 245 246
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J. Bleton indique aussi que la conclusion est plus difficile à tirer pour SiO 2, qui, comme le montre le chromatogramme, contient des quantités beaucoup plus faibles de sucres ; on observe « surtout du xylose et du glucose251 ». La méthode utilisée est très efficace pour dépolymériser les gommes végétales, mais de nombreuses fibres végétales résistent au traitement. ► Enfin, une troisième analyse servait à mettre en évidence la présence d’une résine (mastic, dammar…), par extraction au dichlorométhane suivie d’une silylation. J. Bleton a pu observer dans la pâte DAS, les marqueurs d’une résine de conifère (certainement du pin), bien qu’en faibles quantités. Le marqueur principal, l’acide déhydroabiétique (ADA)252 – acide résinique253 –, était présent mais à l’état de trace dans la pâte Giotto. Les liants d’origine végétale indiqués dans les fiches techniques des pâtes Giotto et DAS, semblent donc être une des gommes végétales sécrétées par différentes plantes, et utilisées dans l’agro-alimentaire. Cela atteste d’une non-toxicité du produit. SiO2 contient surtout une fibre végétale, comme indiqué dans la notice.
b. CEMES-CNRS : charges minérales Ce laboratoire situé à Toulouse (31), est le Centre d’Elaboration de Matériaux et d’Etudes Structurales, visant « à la fabrication, la compréhension, la modélisation et la manipulation de la matière à l’échelle atomique254 ». Reçue par Monsieur Philippe Sciau, responsable du pôle nanocaractérisation, le laboratoire du CEMES a pu nous aider concernant l’identification des charges minérales des pâtes étudiées. Appareils utilisés : Diffractomètre avec générateur à rayons X D8 Advance, utilisé pour les poudres. L’appareil - d’incertitude ±0.005° (2Thêta) - est relié à un ordinateur, sur lequel le logiciel Diffrac plus XRD Commander permet d’enregistrer les diffractogrammes. Fig. 274 : Diffractomètre du CEMES 251 Courriel 252
du Docteur Jean Bleton le 01/04/2016. R. Côté, C. Otis, « Étude de la biodégradation de l'acide déhydroabiétique par Bacillus psychrophilus », in Revue des sciences de l'eau / Journal of Water Science, Volume 2, 1989, pp. 313-324. 253 Acide terpénique non volatil présent dans les résines des plantes, il sert d’agent protecteur et de préservation du bois contre les agressions extérieures. Source URL : www.altermedoc.com. 254 Source URL : site internet du laboratoire.
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Préparation des échantillons : les échantillons secs sont broyés dans un mortier en agate jusqu’à obtention d’une poudre fine, placée ensuite dans un support en forme de disque d’environ 15 mm de diamètre, et 2 mm d’épaisseur. Le logiciel enregistre alors différents diffractogrammes, présentés en annexe XXVI et XVII (p. 253 et 254 de ce mémoire).
Analyse des diffractogrammes : L’identification des composés présents dans les poudres analysées se fait par comparaison du diffractogramme obtenu, avec de nombreux autres enregistrés dans une base de données255. Chaque pic de diffraction, apporte alors des éléments d’identification sur les éléments minéraux, chacun étant symbolisé par une couleur.
Résultats : Les diffractogrammes réalisés et étudiés par Monsieur P. Sciau montrent que les charges minérales principales présentes dans la SiO2 sont du quartz (silice cristallisée, pic rouge) et de la calcite (pic bleu). Il y a également des argiles (illite et kaolinite) ainsi que de l’hématite et du rutile en faible quantité. Les pâtes Giotto et DAS contiennent quant à elles du gypse*, du talc et certainement une phase de type clinochlore256 dans des proportions similaires.
Dans toutes ces pâtes auto-durcissantes, une certaine quantité d’eau est présente. L’eau permet de dissoudre les particules argileuses, du fait de son caractère polaire. C’est le solvant type des liants aqueux, comme les gommes257. Du fait de sa force de cohésion élevée, l’eau s’évapore plus lentement que de nombreux solvants258. Un test empirique est réalisé pour avoir une idée du pourcentage d’eau présent dans ces pâtes. Des échantillons de chaque produit sont mis à sécher, leur masse avant et après séchage est notée. Les échantillons Giotto ont perdu en moyenne 10,47 g, soit environ 28,43% de leur masse initiale (+/- 2%) ; Les échantillons de pâte DAS ont perdu en moyenne 9,54 g, soit 27,7% de leur masse
(+/- 2,2%) ;
Les échantillons SiO2 ont perdu en moyenne 7,84 g, soit 21,32% de leur masse initiale (+/- 4%) ; Enfin, les échantillons de plâtre Molda 3M ont perdu en moyenne 7,2 g après séchage, soit environ 26% de leur masse (+/- 4,8%).
Université du Maine - Faculté des Sciences, « La diffractométrie de poudres », pp. 1-3. « Minéral vert de la famille des chlorites, typiquement monoclinique, d'où son nom, le clinochlore est un aluminosilicate hydraté. (…) sa formule chimique peut s'écrire : (Mg,Al)3Mg3[Si3AlO10(OH)2](OH)6 », Encyclopædia Universalis. 257 François Perego, Dictionnaire des matériaux du peintre, Belin, 2005. 258 Cours de Florence Vassallo sur « l’eau », Ecole de Condé, 2ème année Céramique. 255 256
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D’autres composés volatils peuvent intervenir dans la phase d’évaporation, mais ces données apportent quand même une idée quant au pourcentage d’eau entrant dans la composition des pâtes : entre 21 et 28% environ. Ces chiffres posent toutefois question car en prenant l’exemple du plâtre que nous avons préparé nous-même, à hauteur de 36% d’eau pour 64% de poudre de plâtre, le chiffre cité plus haut de 26% de perte de masse après séchage ne semble pas concorder avec la quantité d’eau que nous avions versée (36%). Ces pâtes minérales auto-durcissantes sècheraient en quelques jours selon la température et l’humidité relative ambiantes, pour obtenir une dureté « similaire à la céramique », et « résistante aux chocs » (d’après les fiches techniques). Le retrait est variable selon les pâtes, mais surtout selon l’eau contenue ou apportée lors du façonnage, la rétraction étant engendrée par l’évaporation de l’eau lors du séchage.
2. Propriétés de l’argile L’argile a depuis toujours été liée à l’homme, comme nous le rapportent plusieurs grands mythes : Khnoum – dieu potier égyptien – façonne les hommes sur un tour, Yahvé modèle Adam dans la glaise259…
Qu’est ce que l’argile ? Les argiles sont des roches sédimentaires phylliteuses*, correspondant à la famille des aluminosilicates, dérivant bien souvent des roches feldspathiques260. Les argiles sont composées de silicium, d’aluminium, d’oxygène ; leur structure moléculaire correspond à un assemblage d’ions oxygène O2 et hydroxyde OH- chargés négativement, et d’ions métalliques chargés positivement261. La structure feuilletée est une des caractéristiques principales : ce sont des « phyllosilicates » hydratés262. Ces feuillets résultent de l’empilement des couches de silice (cristallisée sous forme de tétraèdres) et d’alumine (cristallisée sous forme d’octaèdres)263. Les feuillets sont séparés et tenus par des molécules d’eau ou des ions, formant une unité structurale. Ces unités forment elles-mêmes des particules argileuses264.
Etienne Guyon (dir), Matière et matériaux – de quoi est fait le monde ? Belin, 2010, p. 312. Jean Petit, et alii, Op. cit., p. 255. 261 Etienne Guyon (dir), Op. cit., p. 312. 262 Marie Berducou (dir), Op. cit., p. 82. 263 J.P. Giroud, A. Bottero, « Influence des propriétés physico-chimiques des argiles monominérales sur leur comportement mécanique », 1972, p. 107. 264 Abdelhadi El Hachmi, Argile et minéraux argileux, Mémoire de chimie fondamentale, 2013, p. 14. 259 260
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Les particules d’argiles sont légèrement électronégatives, et donc attirent l’eau. Du fait de ses propriétés colloïdales*, l’argile peut capter beaucoup d’eau (comme pour la barbotine : argile liquéfiée). Les principales argiles monominérales sont la kaolinite, l’halloysite, l’illite, la montmorillonite, la chlorite,
l’attapulgite
et
les
allophanes265,
caractérisées et différenciées par l’organisation de leurs feuillets et leurs liaisons266. Fig. 275 : Structure d’une argile montmorillonite
Avec l’évaporation de l’eau contenue dans l’argile, il peut y avoir lors du séchage ou de la cuisson, jusqu’à 20% de retrait267. On peut améliorer ces propriétés de plasticité ou de retrait au séchage par l’ajout de dégraissants, que l’on trouve sous forme d’os, de coquillages pilés, de céramique broyée, de sable, d’éléments végétaux268…
3. Propriétés du plâtre Le plâtre pris comme référence est celui utilisé à l’École de Condé pour de nombreux cas de restauration : le plâtre Molda 3M Normal, du fournisseur Formula Saint Gobain. C’est un plâtre semi-hydraté non formulé (composition CaSO4. 1/2H2O), produit à partir de gypse naturel de haute pureté269. Le gypse - roche sédimentaire de la famille des calcaires, composée de sulfate de calcium hydraté - est calciné et déshydraté afin d’obtenir des matières microcristallines, puis broyé afin d’obtenir des particules de poudre. Le bassin parisien concentre près de 70% des gisements français. Il est souvent choisi pour sa dureté légèrement inférieure à celle de la céramique, sa rapidité de séchage, sa mise en œuvre facile, sa texture lisse, sa fine granulométrie.
J.P. Giroud, A. Bottero, Op. cit., p. 106. Cours de Florence Vassallo, « Les argiles », Ecole de Condé, 2ème année Céramique. 267 Loc. cit. 268 Marie Berducou (dir)., La conservation en archéologie, méthodes et pratiques de la conservation-restauration des vestiges archéologiques, Paris, Milan, Barcelone, Masson, 1990, p. 83. 269 Cf. Fiche technique Plâtre Molda 3M en annexe. 265 266
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L’accrochage mécanique du plâtre est assuré par la formation d’une pellicule d’aiguilles cristallines de sulfate de calcium, pénétrant dans les pores de la céramique, où ils se cristallisent 270. La rayabilité du plâtre est élevée à cause du gypse. Sa dureté peut être améliorée avec l’ajout d’une charge comme la PVA. Le plâtre peut également être teinté avec des pigments, sans dépasser une addition de 35% de la masse, qui le fragiliserait excessivement271.
4. Avantages et inconvénients de l’utilisation d’une pâte minérale auto-durcissante Le plâtre est l’un des matériaux de comblement les plus utilisés aujourd’hui en restauration de céramique. Mais voyons les avantages ou inconvénients qu’aurait un comblement en pâte minérale auto-durcissante.
Avantages : possibilité de presser la pâte dans un moule, mais aussi de modeler à la main ; peut se travailler plusieurs jours si la terre est recouverte d’un linge humide ; sèche en quelques jours si laissé à l’air libre ; possibilité d’imperméabiliser le comblement une fois sec ; possibilité de retouche sus-jacente ; dureté similaire à la céramique selon certaines fiches techniques, solide, résistant, et ne se brisant pas lors d’une chute pour d’autres ; ne dégage pas de poussières volatiles ; masse volumique légèrement inférieure à celle de la céramique.
Inconvénients : possible rétraction au séchage, variable selon les pâtes ; possibilité de fissures lors du séchage ? rayabilité du matériau ? la composition exacte de ces pâtes n’est pas connue.
270 271
Noémie Walter, Les matériaux de comblement utilisés pour la restauration de céramiques, Mémoire ENSAV La Cambre, 1999, pp. 3-4. Noémie Walter, Op. cit., p. 3.
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II/. EXPÉRIMENTATIONS A. Standardisation des échantillons 1. Choix des matériaux Un tableau disponible en annexe XX résume les caractéristiques indiquées par les fiches techniques pour les trois pâtes auto-durcissantes à comparer, ainsi que pour le plâtre pris comme référence. Il donne entre autres la composition générale, le retrait, le temps de séchage, la résistance, la toxicité, le prix, la disponibilité… Mais ces informations étant insuffisantes et inégales, des tests viendront les compléter.
2. Formats des échantillons et protocole de fabrication
►
Echantillons en pâte : Une plaque de pâte auto-durcissante est préparée à l’aide
d’un rouleau. L’épaisseur doit être de 5 mm sur toute la plaque. Un emporte-pièce en acier inoxydable permet de découper de façon identique tous les échantillons ; les mesures exactes (contours internes de l’emporte-pièce) sont de 89,54 mm sur 34,86 mm (à 0,01 mm près). Sur 10 échantillons de chaque pâte, deux encoches sont ensuite réalisées au scalpel sur les bords à 10 mm de l’extrémité des échantillons, comme présenté sur le schéma ci-dessous, afin de pouvoir maintenir la ficelle lors du test de résistance mécanique.
89,54 mm
34,86 mm
encoches
Fig. 276 : Format des échantillons
► Echantillons en plâtre : Des moules sont créés en Plastiline® pour pouvoir y couler le plâtre. L’emporte-pièce permet d’évider 5 rectangles dans la plaque de Plastiline® de 1 cm d’épaisseur. Les mesures exactes des moules sont de 91,36 mm sur 36,91 mm (contours externes
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de l’emporte-pièce). Pour réaliser un échantillon de 5 mm d’épaisseur, il faut une quantité de plâtre liquide de 15 mL, l’équivalent d’un demi-pot de pellicule photo. Pour un mélange de texture idéale, les quantités sélectionnées par des tests préparatoires sont, pour un échantillon, 12,4 g d’eau et 21,4 g de poudre de plâtre (soit 36,69% d’eau pour 63,31% de plâtre). L’incertitude de la balance est de 0,1 g.
Fig. 277 : Moules en Plastiline®
3.
Matériel nécessaire pour les tests Plusieurs instruments sont nécessaires pour les expérimentations :
* Un chronomètre ;
* De la ficelle ;
* Un thermo-hygromètre ;
* Des billes dont la masse varie de 2 à 55 g ;
* Une balance à 0,1 g près ;
* Deux pinces à linge en bois ;
* Un pied à coulisse digital à 0,01 mm ;
* Une masse de 55 kg ;
* Un serre-joint ;
* Un tube en carton de 70 cm de long et 4
* Un bidon vide de contenance 50L ;
cm de diamètre ;
* Un seau de contenance 10L ;
* Une trappe ;
* Une éprouvette graduée (contenance 1L) ;
B. Mise en œuvre et résultats des tests Cinq tests sont proposés afin de connaître les propriétés principales de ces pâtes, et d’avoir des éléments de comparaison : temps de séchage, rétraction au séchage, dureté, résistance aux chocs, résistance mécanique à la rupture. D’autres tests, bien que très intéressants, n’ont pas pu être réalisés mais seront abordés dans la partie « perspectives de recherche » à la fin de ce chapitre.
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Pour chaque étude, un protocole expérimental est proposé et testé sur 10 échantillons d’une pâte. Différents calculs sont réalisés à partir des dix mesures, afin de préciser notre étude : la moyenne, la variance σ2*, l’écart-type σ*, et l’incertitude relative* - l’incertitude de mesure caractérisant la dispersion des mesurages autour de la valeur moyenne de ces mesurages272. Le protocole est validé si l’incertitude sur la mesure est inférieure à 10%. Pour des explications claires, les produits seront désignés par leur nom : Giotto, DAS,
SiO2, Plâtre. Les tableaux des mesures détaillées sont disponibles en annexe de ce mémoire. Certains tests n’étant pas invasifs, des échantillons pourront être utilisés pour plusieurs tests. Sont donc nécessaires a minima : * 30 échantillons de Giotto ; * 15 échantillons de DAS ; * 15 échantillons de SiO2 ; * 15 échantillons de plâtre ; => soit 75 échantillons
► Pour davantage de sécurité, des échantillons supplémentaires seront préparés afin de pouvoir éliminer certains résultats qui seraient déficients, et garder ainsi une marge de manœuvre.
272
Frédéric Taillade, Notions de métrologie, 3ème cycle, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, 2005, p. 16.
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1. Etude du temps de séchage
1.1. Détermination d’un protocole standard reproductible et validation Protocole du test : Les échantillons préparés sont pesés toutes les heures (balance à 0,1 g près). L’échantillon est considéré sec à partir du moment où sa masse cesse de diminuer. Le temps de séchage moyen du matériau est donné en h.cm-3. La température et l’hygrométrie ambiantes sont importantes car elles influent grandement sur le temps de séchage. Pour tous les échantillons fabriqués, la température présente dans l’atelier était d’environ 21°C (+/- 2°C), pour un taux d’humidité autour de 43% (+/- 4%). Validation du protocole expérimental : Les temps de séchage de 10 échantillons de la pâte GIOTTO ont été mesurés. Le tableau ci-dessous indique la durée de séchage de chaque échantillon ; un tableau en annexe XXV indique les masses des échantillons heure par heure. On constate sur le graphique ci-dessous que le séchage semble optimal à partir de 60 heures ; la masse des échantillons décroit jusqu’à ce point puis se stabilise. Une moyenne est obtenue à partir des temps de séchage des 10 échantillons ; les données d’écart-type et d’incertitudes sont inscrites dans le tableau ci-dessous.
Ech.1
Ech.2
Ech.3
Ech.4
Ech.5
Ech.6
Ech.7
Ech.8
Ech.9
Ech.10
60
60
70
70
60
70
60
60
71
60
Moyenne
64,1
Ecart-type σ
5,3 h 3,4 h
Ecart-type à la moyenne à 95% Incertitude relative
5,2%
Fig. 278 : Graphique du temps de séchage de la pâte Giotto
Le détail du calcul est donné pour cette première série d’échantillons. Les formules utilisées étant les mêmes pour les différents tests, le détail ne sera pas redonné à chaque fois.
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Moyenne m = (60 + 60 + 70 + 70 + 60 + 70 + 60 + 60 + 71 + 60) / n = 641 / 10 = 64,1 h ; Variance σ2 = [(60 - m)^2 + (70 - m)^2 + …. + (60 - m)^2] / n – 1 = 641/4 = 28,1 h2 ; Ecart-type √σ2 = √28,1 = 5,3 h ; Ecart-type à la moyenne à 95% = (2 x √σ2 ) / √n = 2 x 5,3 / √10 = 3,4 h ; Incertitude relative = Ecart-type à la moyenne à 95% / m = 0,052 = 5,2%. Les échantillons273 mesurant environ 15 cm3, un temps de séchage moyen de 64 heures donne environ 41 heures pour 10 cm3, soit environ 4,1 h.cm-3, soit 4 heures et 6 minutes. ► L’incertitude relative étant de 5,2%, le protocole est validé. Les échantillons de pâte Giotto ont perdu en moyenne 7,84 g après séchage, pour une masse initiale moyenne de 36,83 g. Ils ont donc perdu environ 21% de leur masse.
1.2. Mesures et présentation des résultats Les 5 échantillons de DAS mis à sécher révèlent un temps moyen de séchage de 69,2 heures, avec une incertitude relative de 0,57%. Moyenne
Ech.1
Ech.2
Ech.3
Ech.4
Ech.5
69
69
69
69
70
69,2 h 0,45 h Ecart type à la 0,4 h Ecart type
moyenne à 95% Incertitude relative
0,57%
Rapporté à l’unité h.cm-3, la pâte DAS comprend d’après nos tests un temps de séchage de 4,61 h.cm-3, soit 4 heures et 37 minutes.
Pour la terre SIO2, le temps de séchage moyen est de 57 heures, avec une valeur vraie dans un intervalle de confiance à 95%, entre 54,39 et 59,61 heures. On obtient donc un temps de séchage d’environ 3,8 h.cm-3, soit 3 heures et 48 minutes. Moyenne
Ech.1
Ech.2
Ech.3
Ech.4
Ech.5
58
59
59
57
52
273
57 h 2,91 h Ecart type à la 2,61 h Ecart type
moyenne à 95% Incertitude relative
4,57%
Volume d’un échantillon = 5 x 89,54 x 34,86 mm = 15,6 cm3.
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Partie scientifique
180
Le temps de séchage de 5 échantillons de PLÂTRE a été mesuré. Voici les valeurs obtenues :
Ech.1
Ech.2
Ech.3
Ech.4
Ech.5
24
27
26
29
28
Moyenne Ecart-type Ecart-type à la moyenne à 95% Incertitude relative
26,8 h 1,92 1,72 6,41%
Le temps moyen de séchage obtenu pour les échantillons de plâtre est de 26,8 heures, soit environ 27 heures, la valeur vraie se situant entre 25,08 et 28,52 heures. L’incertitude relative est de 6,41%. Si pour un échantillon de 15 cm3, le temps de séchage est d’environ 26,8 heures, alors on conclue que le temps de séchage du plâtre Molda 3M Normal est d’environ 1,79 h.cm-3, soit 1 heure et 47 minutes.
1.3. Interprétation des résultats et différenciation Temps de séchage Giotto
DAS
SiO2
Plâtre
4,1 h.cm-3
4,61 h.cm-3
3,8 h.cm-3
1,79 h.cm-3
Pour des échantillons d’environ 15 cm3, les temps de séchage varient de 39 heures en moyenne pour le plâtre, à 69 heures pour la pâte DAS. L’ordre croissant des temps de séchage est donc le suivant :
Plâtre < SiO2 < Giotto < DAS.
On constate que le plâtre met donc 2,6 fois moins de temps à sécher que la pâte DAS. Bien entendu, ces valeurs dépendent grandement de l’ambiance thermo-hygrométrique. La rapidité de séchage du plâtre est avantageuse pour des comblements de lacunes peu importantes, et où les étapes de restauration doivent s’enchainer. La lenteur au séchage des pâtes minérales permet a contrario de travailler plus longtemps le comblement, pour des lacunes plus importantes, ou en trois dimensions comme dans le cas de la jarre étudiée.
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De plus, en laissant l’objet près d’une source de chaleur ou dans un courant d’air, le séchage des pâtes minérales peut être accéléré.
Test de Student Pour s’assurer de la différenciation entre les produits, nous effectuons le test de Student,
permettant de vérifier que deux distributions soient significativement différentes. Effectuée avec Excel, cette formule permet d’estimer la probabilité d’obtenir par hasard des distributions différentes. Ce calcul a été fait pour chaque couple de produits, les résultats étant regroupés dans le tableau ci-dessous. On parle de différenciation significative en dessous de 5% de risque de valeurs différentes par hasard.
Giotto DAS SiO2 Plâtre
Giotto -
DAS 1,4E-02 -
SiO2 5,4E-03 6,1E-04 -
Plâtre 9,0E-11 3,4E-07 2,8E-07 -
Fig. 279 : Test de Student pour la différenciation des temps de séchage
Dans le tableau ci-dessus, le test de Student donne une probabilité de 1,4 % pour que les distributions DAS et Giotto soient différentes par hasard. Il y a donc seulement 1,4% de risque que les deux produits aient en fait le même temps de séchage. On peut alors rejeter l’hypothèse que les deux distributions soient identiques, et que le séchage soit le même. C’est d’ailleurs le risque le plus grand pour nos résultats, alors qu’il est très acceptable. Les autres produits ont encore moins de risque d’être différents par hasard (3,42.10 -5 % entre DAS et le plâtre), ce qui signifie que nous pouvons attester d’une différenciation certaine concernant les temps de séchage des quatre produits testés.
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182
2.
2.1.
Etude de la rétraction au séchage
Détermination d’un protocole standard reproductible et validation Protocole expérimental : Dix échantillons de chaque pâte sont découpés à l’emporte-pièce.
Après séchage complet des échantillons, la longueur de chacun d’entre eux est mesurée à l’aide d’un pied à coulisse digital (à 0,01 mm). La longueur initiale exacte des échantillons est de 89,54 mm. Les calculs sont réalisés sur la longueur uniquement, afin d’avoir une marge plus grande et donc une meilleure précision dans les mesures et pouvoir rendre compte ou non d’un retrait au séchage. Validation du protocole expérimental : La longueur de 10 échantillons en pâte Giotto est mesurée après séchage total. Voici les mesures obtenues : Giotto
Avant séchage (en mm)
Après séchage (en mm)
Echant. 1 Echant. 3 Echant. 4 Echant. 6
Perte (en %)
2,25 2,28 1,2 1,22 1,36 1,52 1,08 1,46 1,42 1,47
2,01 2,55 1,34 1,36 1,52 1,7 1,21 1,63 1,59 1,64
87,29 87,26 88,34 88,32 88,18 88,02 88,46 88,08 88,12 88,07
Echant. 2
Echant. 5
Perte (en mm)
89,54
Echant. 7 Echant. 8 Echant. 9 Echant. 10
Avec une moyenne de 1,34 mm, deux mesures de 2,25 et 2,28 mm semblent éloignées. Pour savoir si une mesure peut être écartée car n’appartenant pas à l’intervalle, on utilise la formule suivante :
x - (3σ / √n) ≤
x ≤ x + (3σ / √n)
Nous obtenons un résultat pour x + (3σ / √n) = 1,5 ; x étant supérieur à ce nombre dans les deux cas, ces deux mesures peuvent être écartées ; elles témoignent certainement d’une erreur de mise en œuvre (moule imprécis, mauvais mélange engendrant un plus grand retrait), ou d’une erreur de mesure avec le pied à coulisse.
relative est de 8,2%, le protocole est validé.
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
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On note une rétraction moyenne de 1,34 mm, soit 1,49%, avec une valeur vraie à 95% entre 1,12 et 1,56 mm. L’incertitude
1,34 mm 0,16 mm 0,11 mm
8,2%
Partie scientifique
183
2.2. Mesures et présentation des résultats DAS
Avant séchage
Echant. 1 Echant. 2 Echant. 3 Echant. 4 Echant. 5 Echant. 6
89,54
Echant. 7 Echant. 8 Echant. 9 Echant. 10
Après séchage 87,87 87,37 88,25 88,02 87,73 87,62 87,89 87,79 87,44 87,52
Perte en mm
Perte en %
1,67 2,17 1,29 1,52 1,81 1,92 1,65 1,75 2,1 2,02
1,87 2,42 1,44 1,7 2,02 2,14 1,84 1,95 2,35 2,26
Pour les échantillons en pâte DAS, on observe après séchage un retrait moyen de 1,79 mm, soit 1,99%. Pour une longueur avant séchage de 89,54 mm, la valeur vraie après séchage se trouve dans un intervalle de confiance de 95% entre 89,37 et 89,71.
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
1,79 mm 0,27 mm 0,17 mm 9,6%
Les 10 échantillons de SIO2 présentent un retrait moyen de 4,46 mm, soit 4,98%, avec des échantillons allant de 4,02 à 6,04% de retrait. SiO2
Avant séchage
Echant. 1 Echant. 2 Echant. 3 Echant. 4 Echant. 5 Echant. 6 Echant. 7 Echant. 8 Echant. 9 Echant. 10
89,54
Après séchage
Perte en mm
Perte en %
84,13 85,94 85,33 85,89 84,55 85,79 84,43 85,4 85,02 84,36
5,41 3,6 4,21 3,65 4,99 3,75 5,11 4,14 4,52 5,18
6,04 4,02 4,7 4,08 5,57 4,19 5,71 4,62 5,04 5,79
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Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude
4,46 mm 0,68 mm 0,43 mm 9,6%
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184
La longueur de 10 échantillons de PLÂTRE a été mesurée après séchage total. Le tableau ci-dessous montre de façon générale un gonflement des échantillons, en moyenne de 0,98 mm, soit 1,07%.
Plâtre
Avant séchage
Echant. 1 Echant. 2 Echant. 3 Echant. 4 Echant. 5 Echant. 6
91,57
Echant. 7 Echant. 8 Echant. 9 Echant. 10
Après séchage
Gain en mm
Gain en %
93,58 91,98 93,32 92,12 92,27 92,47 91,97 93,19 92,77 91,86
2,01 0,41 1,75 0,55 0,7 0,9 0,4 1,62 1,2 0,29
2,19 0,44 1,91 0,6 0,76 0,98 0,43 1,77 1,31 0,31
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
0,98 mm 0,62 mm 0,39 mm 40,2%
Malgré une incertitude relative de 40,2% ce qui semble très important à première vue, la valeur vraie du gonflement se situe dans un intervalle de confiance à 95% entre 91,96 et 93,92 mm après séchage, soit un gonflement entre 0,4 et 2,5%. Cette erreur est importante car les valeurs se situent entre 0,29 et 1,75 mm, néanmoins cela correspond à un gonflement inférieur à 2,5%, qui est lui acceptable pour notre étude. De plus, ce matériau est pris seulement comme référence et non pas comme produit potentiellement sélectionnable à l’issue de nos tests. Ce gonflement, bien qu’il soit minime, vient donc conforter notre idée de ne pas utiliser le plâtre. La comparaison des résultats des quatre produits à la page suivante, permettra de confirmer ou non que cette erreur élevée
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2.3. Interprétation des résultats et différenciation
Fig. 1 : Histogramme de la rétraction au séchage des 4 produits testés Fig. 280 : Histogramme de la rétraction au séchage des 4 produits testés
Grâce à l’histogramme ci-dessus, nous constatons que les pâtes Giotto, DAS, et SiO2 se rétractent en moyenne entre 1,49% et 4,98%, contrairement au plâtre qui gonfle légèrement (+ 1,07%).
Test de Student Pour préciser ce test, comme pour les précédents, nous réalisons le test de Student, afin de s’assurer de différences significatives entre les produits testés.
Giotto DAS SiO2 Plâtre
Giotto -
DAS 0,056% -
SiO2 5,7E-08 9,4E-08 -
Plâtre 6,3E-11 2,7E-03 8,8E-10 -
Fig. 281 : Test de Student pour la différenciation de la rétraction séchage
Prenons en exemple la rétraction après séchage des séries Giotto et DAS.
Le test de Student donne une probabilité de 0,056% pour que les deux distributions soient différentes par hasard. Il y a donc seulement 0,06% (6.10-4) de risque que les deux produits aient en fait le même retrait. On peut donc rejeter l’hypothèse que les deux distributions sont identiques, et que le retrait soit le même. Les résultats du test de Student entre les autres produits sont encore plus faibles, ce qui atteste d’une différenciation certaine entre les produits quatre testés.
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3.
Etude de la dureté
3.1.
Détermination d’un protocole standard répétable et validation
Le test de dureté mesure la résistance à la pénétration. Plusieurs tests existent, comme ceux de Brinell, Rockwell ou de Vickers, selon les matériaux à tester. Pour chacun d’eux, un pénétrateur (bille, diamant pyramidal…) est appliqué sur le matériau à tester, avec une charge F. La dureté est alors proportionnelle au quotient de la force F, par l'aire S de la surface déformée par le pénétrateur sur le matériau274. Malgré nos recherches, nous n’avons pas pu avoir accès à un instrument scientifique tel qu’un duromètre. Un test plus empirique a donc été mis en place.
Protocole expérimental : Le pénétrateur est une bille en acier de 8,3g, et de diamètre 12,70 mm. Elle est posée sur l’échantillon à tester, et une masse de 55 kg est appliquée dessus durant trois secondes. Le diamètre de l’empreinte laissée est mesuré avec un pied à coulisse digital, précis à 0,01 mm, sous lampe grossissante.
Fig. 282 : Schéma du test de résistance à la pénétration Fig. 283 : Mesure de l’empreinte à travers la lampe grossissante
274
Source URL : http://materiaux.ecam.fr/materiel/essaismecaniques/Essaismeca.html.
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Validation du protocole expérimental : Le test est réalisé sur 10 échantillons de pâte GIOTTO. Voici les diamètres des empreintes : Diamètres des empreintes laissées par la bille (en mm) - Giotto 6,77
6,29
6,03
6,44
6,28
6,35
6,37
Sur 10 échantillons, on obtient une empreinte d’un diamètre de 6,34 mm en moyenne, la valeur vraie se trouvant entre 6,22 et 6,46 mm. L’erreur relative est de 1,95% ; le protocole est validé.
3.2.
6,15
6,42
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
6,27
6,34 mm 0,19 mm 0,12 mm 1,95%
Mesures et présentation des résultats Le même test est réalisé sur 5 échantillons de la pâte DAS. Les valeurs obtenues sont les suivantes :
Diamètres des empreintes laissées par la bille (en mm) - DAS 6,77
7,04
6,74
6,85
6,99
Le diamètre moyen des empreintes se situe à 6,88 mm, la valeur vraie étant entre 6,76 et 7 mm.
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
6,88 mm 0,13 mm 0,12 mm 1,72%
Pour les échantillons de terre SIO2, les valeurs obtenues sont les suivantes :
Diamètres des empreintes laissées par la bille (en mm) – SiO2 5,84
5,58
5,83
6,03
6,09
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
5,87 mm 0,20 mm 0,18 mm 3,1%
Le diamètre moyen des empreintes est de 5,87 mm, avec une valeur vraie entre 5,69 et 6,05 mm.
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Enfin, pour les échantillons de PLÂTRE, le test n’a pas pu être réalisé car les échantillons se sont tous brisés dès la pose de la masse de 55 kg. Cela démontre une dureté bien inférieure.
3.3.
Interprétation des résultats et différenciation D’après les résultats précédents, illustrés par le schéma ci-contre, le diamètre moyen des
empreintes laissées par la même bille soumise à la même force, se trouve entre 5,87 et 6,88 mm. On peut d’ailleurs noter que les intervalles de valeurs vraies ne se juxtaposent pas.
Le diamètre de
ces empreintes peut témoigner d’un enfoncement différent selon les échantillons, et donc d’une différence dans la résistance à la pénétration. Les duretés des matériaux peuvent d’après ce test, être Fig. 284 : Comparaison des diamètres des empreintes
classées dans l’ordre suivant, du plus tendre au plus dur : DAS < Giotto < SiO2
Fig. 1 : Empreintes de la bille sur les trois matériaux (ici DAS, SiO2, Giotto)
Cet ordre est justement celui émis en hypothèse lors du test empirique de dureté avec l’échelle de Mohs. Afin de s’assurer d’une différenciation certaine entre les matériaux, nous avons réalisé le test de Student, récapitulé dans le tableau ci-dessous : Giotto Giotto DAS SiO2 -
DAS 4,8E-05 -
SiO2 2,8E-03 3,5E-05 -
Fig. 285 : Test de Student pour la différenciation de dureté
Il y a par exemple 0,28% de chance que la dureté de la pâte Giotto et celle de SiO2 soient en fait similaires, ce qui est très faible (les autres valeurs étant encore plus faibles). La différenciation de la dureté entre les trois matériaux testés est donc confirmée.
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4.
Etude de la résistance aux chocs Une sollicitation par choc est l’application de forces extérieures avec des variations brusques275.
4.1. Détermination d’un protocole standard répétable et validation Support en bois
Tube carton
Protocole expérimental : Une bille est lâchée dans
Pâte Giotto
un tube en carton de 4 cm de diamètre, muni d’une trappe (afin d’éviter les erreurs dues à un lâcher avec projection donnant une vitesse initiale), à 70 cm au-dessus de l’échantillon. Celui-ci est maintenu à 12 mm du sol, posé sur deux pinces à linge en bois (cela permettra de négliger les erreurs d’absorption du choc par le sol). Fig. 286 : Schématisation 3D du test
► La donnée variable est celle de la masse de la bille : on note quelle masse de bille permet de rompre chaque échantillon (toutes les données sont disponibles en annexe XXVI).
Validation du protocole expérimental : Le test est effectué sur 10 échantillons de la pâte GIOTTO. Différentes masses de billes sont testées : 2,2g / 2,3 / 2,5 / 4,6g / 5,8g / 8,2g / 19,2g / 21g / 23g / 33,9 / 54,9g / 55,7g. Un tableau présenté en annexe indique les différentes masses testées pour chaque échantillon jusqu’à rupture.
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
275
44,6 g 11,4 g 8,1 g 18,1%
Giotto
Masse bille (en g)
Echantillon 1 Echantillon 2 Echantillon 3 Echantillon 4 Echantillon 5 Echantillon 6 Echantillon 7 Echantillon 8 Echantillon 9 Echantillon 10
55,7 54,9 33,9 54,9 55,7 33,9 23 23 33,9 33,9
Cours de Mécanique de l’INSA Rouen - MECA3 - Année 2012-2013 : « Résistance des Matériaux », p. 17.
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Le tableau précédent révèle des mesures variables selon les échantillons, les masses des billes permettant de briser les échantillons de pâte Giotto allant de 23 g à 55,7 g. Deux mesures sont écartées car trop éloignées des autres : 23g. Cela est vérifié par la formule citée précédemment : x - (3σ / √n)
≤
x
≤
x + (3σ / √n), qui donne 32,5≤ x ≤ 56,7.
X étant égal à 23, il est n’est pas compris dans l’intervalle et peut être écarté. Cela semble démontrer une variabilité des échantillons qui devraient être identiques. La valeur vraie de la masse de la bille qui rompt l’échantillon se situerait dans un intervalle de confiance à 95% entre 36,5 et 52,7 g. Malgré l’incertitude relative s’élevant à 18%, nous décidons de conserver ces mesures révélant la réalité du matériau et du test. Les erreurs concernant ce test seront précisées à la fin de l’étude dans une partie concernant les limites du protocole (Cf. p. 199). Le matériau de référence étant le plâtre, nous comparerons les mesures de résistance aux chocs de la pâte Giotto, à celle du plâtre. S’il y a bien différenciation entre les deux matériaux, et que les ordres de grandeur sont sensiblement différents, ces mesures seront conservées car exploitables, et témoignant des limites du protocole dans la fabrication des échantillons notamment.
4.2. Mesures et présentation des résultats
Le test de résistance aux chocs a été réalisé sur 5 échantillons de PLÂTRE. Les données ci-dessous révèlent une masse moyenne nécessaire à la rupture de l’échantillon de plâtre de 2,42 g. Ces masses sont sensiblement différentes de celles nécessaires pour l’échantillon de pâte Giotto (44,6 g en moyenne). L’incertitude relative est cette fois de 4%, ce qui révèle une plus grande similarité des échantillons de plâtre. Plâtre
Masse bille (en g)
Echant. 1 Echant. 2 Echant. 3 Echant. 4 Echant. 5
2,3 2,3 2,5 2,5 2,5
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
2,42 g 0,1 g 0,1 g 4%
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Les 5 échantillons de pâtes DAS testés, donnent en moyenne une masse de 18,9 g pour rompre l’échantillon. Avec un écart-type de 0,49 dans un intervalle de confiance à 95%, la valeur vraie se trouve entre 18,41 et 19,39 g. DAS
Echant. 1 Echant. 2 Echant. 3 Echant. 4 Echant. 5
Masse bille (en g) 18,3 19,3 18,3 19,3 19,3
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
18,9 g 0,55 g 0,49 g 2,59%
Pour les échantillons de terre SIO2, le poids moyen nécessaire à la rupture est de 18,64 g. Des masses croissantes étaient testées, de 8,8g à 20g. 4 échantillons sur 5 ont été cassés avec la bille de 18,3 g, et un avec celle de 20 g (les paliers étant relativement proches : 17 – 18,3 – 19,3 – 20 g.
SiO2
Masse bille (en g)
Echant. 1 Echant. 2 Echant. 3 Echant. 4 Echant. 5
18,3 18,3 18,3 20 18,3
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
18,64 g 0,76 g 0,68 g 3,64%
L’incertitude relative est de 3,64%, et la valeur vraie se situe entre 17,96 et 19,32 g.
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4.3. Interprétation des résultats et différenciation
Résistance aux chocs (masse de la bille nécessaire à la rupture) Giotto
DAS
SiO2
Plâtre
44,6 g
18,9
18,64
2,42 g
Le tableau précédent récapitule la masse de bille nécessaire pour rompre les échantillons. Ceux en plâtre sont brisés avec une bille de 2,42 g en moyenne, tandis qu’il faut une bille de 44,6 g pour rompre les échantillons de Giotto ; ce dernier est donc 18 fois plus résistant. Les échantillons DAS et SiO2 sont brisés avec des billes de 18,9 g et 18,64 g en moyenne, ce qui semble trop proche pour attester d’une différenciation.
Le test de Student permet de visualiser ces différenciations selon les produits : Giotto Giotto DAS SiO2 Plâtre
-
DAS 3,8E-04 -
SiO2 3,5E-05 0,55 -
Plâtre 1,6E-05 1,2E-07 7,6E-07 -
Fig. 287 : Test de Student pour la différenciation de résistance aux chocs
En effet, la différenciation entre les produits DAS et SiO2 est de 55%, ce qui est très élevé. Cela signifie qu’il y a 55% de risques que les séries soient différentes par hasard, et donc 55% de risque qu’elles soient en fait identiques. On ne peut donc pas parler de résistances aux chocs différentes entre les produits DAS et SiO2.
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Etude de la résistance mécanique à la rupture
5.1. Détermination d’un protocole standard répétable et validation La résistance mécanique à la rupture correspond à l’aptitude à la déformation d’un matériau soumis à une force. Ce test a donc pour but de déterminer le seuil de rupture. Echantillon
Protocole expérimental : L’échantillon est maintenu à la moitié de sa longueur sur un plan de travail, par un serre-joint. A l’autre extrémité, une ficelle est glissée dans les encoches à 1 cm du bord, et au bout est accroché un bidon vide. De l’eau est versée graduellement et à vitesse constante (à raison d’environ 1L en 30 secondes soit 2 L.mn-1) à l’aide d’une éprouvette de contenance 1L, jusqu’à rupture de l’échantillon. La quantité d’eau versée est convertie en une masse (en kg). Le seuil de rupture correspondant à la masse maximale soutenue par l’éprouvette au moment de la rupture est donné (englobant le poids du système ficelle + bidon vide = 869,5 g).
Bidon
Eprouvette
Fig. 288 : Schématisation 3D du test
Validation du protocole expérimental : Sur 10 échantillons testés pour la pâte GIOTTO, la masse moyenne nécessaire à la rupture est de 6,02 kg, avec un écart-type à 95% de 0,33 kg. L’incertitude relative étant de 5,4%, le protocole est validé.
Giotto
Masse (en kg)
Echant. 1 Echant. 2 Echant. 3 Echant. 4 Echant. 5 Echant. 6 Echant. 7 Echant. 8 Echant. 9 Echant. 10
6,87 6,43 6,49 5,97 5,77 6,17 5,87 4,97 5,87 5,77
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
6,02 kg 0,52 kg 0,33 kg 5,4%
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5.2. Mesures et présentation des résultats
Pour la terre SIO2, la masse moyenne nécessaire à la rupture de l’échantillon est de 1,77kg, avec un écart-type à 95% de +/- 0,15 kg. SiO2
Masse (en kg)
Echantillon 1 Echantillon 2 Echantillon 3 Echantillon 4 Echantillon 5
1,519 1,969 1,869 1,809 1,679
Moyenne
1,77 kg 0,17 kg 0,15 kg
Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
8,8%
Pour la pâte DAS, les 5 échantillons se rompent respectivement avec les masses suivantes : DAS
Masse (en kg)
Echantillon 1 Echantillon 2 Echantillon 3 Echantillon 4 Echantillon 5
6,139 5,479 4,699 5,869 4,779
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
5,39 kg 0,64 kg 0,57 kg 10,6%
La masse moyenne nécessaire à la rupture est de 5,39 kg, avec une valeur vraie dans un intervalle de confiance à 95% entre 4,82 et 5,96 kg.
Sur les 5 échantillons de PLÂTRE testés, la masse moyenne nécessaire à la rupture est de 2,1 kg. La valeur vraie à 95% se situe entre 1,94 et 2,26 kg. Plâtre
Masse (en kg)
Echant. 1 Echant. 2 Echant. 3 Echant. 4 Echant. 5
1,979 2,179 2,079 2,359 1,91
Moyenne Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
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2,10 kg 0,18 kg 0,16 kg 7,5%
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5.3. Interprétation des résultats et différenciation
Selon le matériau testé, la masse nécessaire à la rupture des échantillons varie entre 1,77kg et 6,02 kg, ce qui représente un quotient de près de 3,5. Par rapport à leur résistance à la rupture, les quatre matériaux testés peuvent être classés ainsi (du moins résistant au plus résistant) : SiO2 < Plâtre < DAS < Giotto. Cependant, les barres d’erreur présentes sur l’histogramme ci-dessous mettent en évidence un intervalle commun de la valeur vraie pour les pâtes Giotto et DAS. Deux couples de résistances sont formés : Giotto et DAS présentent le même ordre de grandeur, bien différent de la résistance constatée pour SiO2 et le plâtre qui sont aussi relativement proches conjointement.
Fig. 289 : Histogramme de la masse nécessaire à la rupture des échantillons pour les 4 produits
Le test de Student a encore une fois été réalisé pour illustrer la différenciation dans la résistance à la rupture des différents produits : Giotto Giotto DAS SiO2 Plâtre -
DAS 1,0E-01 -
SiO2 1,7E-11 1,1E-04 -
Plâtre 4,4E-11 1,7E-04 1,7E-02 -
Fig. 290 : Test de Student pour la différenciation de résistance mécanique à la rupture
On constate un résultat élevé sur la différenciation entre les séries Giotto et DAS. Il y a en effet 10% de risques que ces séries soient différentes par hasard, autrement dit 10% de risques que ces séries soient en fait les mêmes. La différence de résistance à la rupture pour les
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produits Giotto et DAS n’est donc pas avérée. On peut considérer qu’elles sont de même ordre, mais cependant bien différenciée de la résistance de la terre SiO2 et du plâtre.
6. Observations supplémentaires Un test supplémentaire a été réalisé afin de connaître le comportement des échantillons, concernant leur déformation au séchage. Pour cela, des échantillons de format identique à ceux utilisés précédemment, ont été placés sur une bouteille en verre, afin d’en adopter la courbure.
Ils ont été séchés durant 3 jours, au terme desquels nous avons constaté une déformation évidente pour l’un d’entre eux : l’échantillon de SiO2 s’était recourbé, contrairement aux échantillons DAS et Giotto. Sur la photographie ci-dessous, cette déformation est bien visible. Cela signifie que la terre SiO2 se déforme au séchage, et ne conservera pas la courbure donnée pour la reconstitution* du col, ce qui est un élément majeur du comblement. Ce produit ne semble donc pas adapté au comblement de lacunes. Pâte DAS conservant parfaitement la courbure de la bouteille
Terre SiO2 déformée après séchage
Fig. 291 : Déformation au séchage
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7.
Résumé des propriétés par produit et système d’évaluation Le tableau de la page suivante récapitule les propriétés et résultats des tests pour chacun
des quatre produits testés. Un système de notation est utilisé afin de révéler le matériau le plus adéquat suite aux tests pour notre utilisation en restauration, c'est-à-dire celui avec les meilleurs résultats quant aux propriétés recherchées. Le plâtre ne rentre pas dans la notation car il sert seulement de valeurs de référence, et ne fait pas partie des matériaux sélectionnables. Les trois produits Giotto, DAS et SiO2 se partagent pour chaque propriété les notes de 1, 2 et 3 (1 étant la meilleure note). Les propriétés les plus importantes ont un coefficient de 2 : la rétraction au séchage, la résistance aux chocs, et à la résistance à la rupture (il y a donc partage des notes 2, 4, et 6 pour ces trois paramètres). ► Le produit obtenant le moins de point est considéré comme le plus optimal.
Après comptabilisation des points de chaque produit : la pâte Giotto obtient 15 points ; la pâte DAS : 23 points ; la terre SiO2 : 22 points.
C’est donc la pâte Giotto qui regroupe les propriétés les plus adaptées à la réalisation de nos comblements, notamment pour sa faible rétraction au séchage (1,5%), sa résistance aux chocs et sa résistance à la rupture, tests pour lesquels elle a obtenu les meilleurs résultats. Sa dureté est également très intéressante bien qu’elle ait obtenu la seconde note. On peut d’ailleurs remarquer que la pâte Giotto n’a obtenu la moins bonne note pour aucun des tests.
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Comparaison des résultats Giotto
DAS
SiO2
Plâtre
1248 kg.m-3
1322 kg.m-3
1412 kg.m-3
1388 kg.m-3
3
2
1
4,1 h.cm-3
4,61 h.cm-3
3,8 h.cm-3
2
3
1
- 1,49%
- 1,99 %
- 4,97%
2
4
6
4 profondeur moyenne
4 la plus profonde
4 peu profonde
2
3
1
6,3 mm
6,9 mm
5,9 mm
2
3
1
44,6 g
18,9 g
18,64 g
2
4
6
6,02 kg
5,39 kg
1,77 kg
Notation
2
4
6
Total des points
15
23
22
Masse volumique (terre cuite jarre = 1608 kg.m-3) Notation Temps de séchage
Notation Rétraction au séchage Notation Rayabilité (échelle de Mohs) Notation Dureté
1,79 h.cm-3
+ 1,07%
4 (entre Giotto et SiO2)
-
(diamètre empreinte bille) Notation Résistance aux chocs (masse bille
2,42 g
nécessaire pour rupture) Notation Résistance à la rupture
2,1 kg
(masse nécessaire)
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III/. SOURCES D’ERREURS ET LIMITES DES PROTOCOLES A. Évaluation du protocole et erreurs Lors d’expériences, différentes erreurs peuvent apparaitre et fausser les résultats. L’erreur est la différence entre la valeur mesurée x et la valeur vraie X276. Elles se regroupent sous deux types : les erreurs systématiques, et les erreurs aléatoires. Nous les présentons ici selon leur cause.
Erreurs de mise en œuvre
Imprécision des mesures, les paliers de masses nécessaires à la rupture des échantillons sont trop espacés. Des erreurs dues à la fabrication manuelle des échantillons : l’épaisseur n’est pas exactement de 6 mm sur toute la longueur de l’échantillon. ►Cette source d’erreur semble être la cause principale de notre incertitude de la pâte Giotto lors du test de résistance aux chocs (18%). Les échantillons d’un même produit (Giotto) présentant des résistances disparates, alors que le protocole identique semble vérifié pour les autres produits qui présentent eux de faibles erreurs. Cela révèle que les échantillons de Giotto présentent de trop grandes différences dues à leur préparation (désorganisation des feuillets, présence de bulles d’air, variation de l’épaisseur…). Les échantillons sont pesés seulement toutes les heures et non pas toutes les minutes ce qui pourrait réduire l’erreur ; Possibilité d’un mauvais mélange du plâtre, ou réparti de façon non homogène entre le premier et le dernier moule, possibilité de micro-bulles pouvant fausser les propriétés ?
Erreurs humaines
Erreurs de lâché de la bille pas toujours parfaitement dans un axe vertical, ce qui peut engendrer des frottements dans le tube en carton, influencer la zone de choc et les forces appliquées. Ces erreurs de lâché tendent cependant à être réduites grâce à la trappe Fig. 292 : Système de trappe pour le lâché de la bille
276
F.-X. Bally, J.-M. Berroir, « Incertitudes expérimentales », Ecole Normale Supérieure, 2008, p. 4.
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installée au sommet du tube. Celle-ci est à moitié ouverte pour retenir la bille en équilibre dans le trou, et éviter ainsi d’autres erreurs dues à la vitesse d’ouverture de la trappe et l’impulsion donnée à la bille.
Influences de divers paramètres
Conditions thermo-hygrométriques légèrement différentes d’un jour à l’autre dans l’atelier, ce qui a pu influencer les temps de séchage. Nous avons cependant tenté de réduire ces variations en réalisant tout les tests dans une période de temps limitée ; Pression atmosphérique variable selon la teneur en vapeur d’eau présente dans l’atelier.
B. Améliorations envisageables
Améliorations de fabrication des échantillons
Plutôt que de découper seulement quelques échantillons dans une plaque de pâte préparée, puis de renouveler la préparation plusieurs fois, réaliser une seule grande plaque dans laquelle puissent être découpés tous les échantillons nécessaires. Cela apportera une homogénéité de préparation de la pâte au niveau de l’orientation des feuillets par exemple, ainsi qu’une homogénéité d’épaisseur.
Améliorations de mise en œuvre des protocoles
Dans l’idéal, le test de dureté pourrait être réalisé avec un duromètre, appareil normalisé qui apporterait plus de précisions aux mesures. Davantage de billes de masses différentes auraient pu être nécessaires pour multiplier les paliers et ainsi avoir des résultats plus précis.
Améliorations des prises de mesure
Les prises de mesure de la durée de séchage des échantillons pourraient être effectuées toutes les demi-heures afin d’avoir des résultats plus précis. L’idéal serait une balance reliée à un système informatique permettant la réalisation d’un graphique de la masse en temps réel et en continu.
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VI/. CONCLUSION ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE A. Conclusion de l’étude L’étude des propriétés de trois pâtes minérales auto-durcissantes, comparées à celles du plâtre, a permis de sélectionner l’une d’entre elles pour une utilisation comme produit de comblement de lacunes sur des objets en terre cuite. Le test de temps de séchage a mis en évidence une durée de séchage relativement longue de ces pâtes, comparée à celle du plâtre utilisé couramment (2,6 fois plus long pour la pâte DAS que pour le plâtre par exemple). Ce temps de séchage pourrait être accéléré par l’utilisation d’un sèche-cheveux ou par l’exposition de l’objet près d’une source de chaleur ou d’un courant d’air. Le test de rétraction au séchage a révélé un retrait entre 1,49% et 4,98% pour les pâtes Giotto, DAS et SiO2. Une rétraction de 4,98% peut s’avérer trop élevée pour l’utilisation que nous souhaitons en faire ; en revanche un retrait de 1,49% pour la pâte Giotto est acceptable. Le plâtre quant à lui, a démontré un gonflement de 1,07% environ, ce qui n’est pas optimal non plus pour des lacunes encastrées au milieu d’autres tessons. Le test de dureté a permis d’attester d’une dureté des trois pâtes minérales autodurcissantes bien supérieure à celle du plâtre. La masse appliquée sur chacune des trois pâtes engendrait des empreintes mesurables, tandis que l’échantillon de plâtre se brisait immédiatement avec une masse identique, sans laisser d’empreinte. La masse volumique de ces pâtes s’avère légèrement inférieure à celle de la terre cuite bien que restant dans le même ordre de grandeur, ce qui est optimal pour assurer l’équilibre de l’objet. Le test de résistance aux chocs donne des masses nécessaires à la rupture sensiblement différentes selon les produits testés. A titre d’exemple, la pâte Giotto est d’après ce test 18 fois plus résistante aux chocs que le plâtre, et 2 fois plus résistante que les pâtes DAS et SiO 2 qui semblent, elles, posséder une résistance aux chocs similaire. Enfin, la résistance mécanique à la rupture détermine deux couples de matériaux aux propriétés similaires : les pâtes Giotto et DAS, se brisant avec des masses de 6,02kg et 5,39kg, et la pâte SiO2 et le plâtre se brisant avec des masses de 1,77kg et 2,10kg. Ces deux derniers produits semblent donc trop peu résistants. Au vu des expériences menées et des résultats présentés, nous avons pu conclure qu’une pâte minérale auto-durcissante semblait plus adéquate que les deux autres pour des comblements
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de lacunes d’objets en terre cuite. Il s’agit de la pâte Plastiroc Giotto, qui possède les meilleurs résultats pour les propriétés les plus importantes : une faible rétraction au séchage, une grande résistance aux chocs, et une importante résistance à la rupture. Sa dureté et donc sa rayabilité ne sont pas les plus optimales mais restent tout à fait convenables. Le temps de séchage de cette pâte est par contre beaucoup plus long que celui du plâtre, et aura certainement besoin d’être accéléré pour des restaurations avec de courts délais.
B. Perspectives des recherches Les perspectives de recherche énoncées ci-dessous ont été envisagées, malheureusement le temps imparti pour la réalisation de ce sujet technico-scientifique, et les moyens à disposition, ont eu raison de tests supplémentaires. Nous souhaiterions poursuivre cette étude pour compléter les tests et répandre ou du moins prôner l’utilisation de ce produit en restauration de céramiques.
1.
Tests de vieillissement Des tests de vieillissement auraient pu compléter notre étude pour s’assurer d’une stabilité
du produit. Il s’agirait de placer des échantillons dans une chambre vieillissante (lumière, hygrométrie, température) durant quelques semaines, et réaliser de nouveau les mêmes tests. La comparaison des résultats de dureté, résistance aux chocs et à la rupture, avant et après vieillissement, permettrait d’estimer davantage le comportement de ces pâtes dans le temps. 2.
Fabrication d’une pâte artisanale La composition de ces pâtes a été présentée : charges minérales (argile, quartz…..), liants
d’origine végétale (gomme Guar, gomme de Caroube…), et eau. On pourrait donc réaliser nousmême cette pâte, à l’aide de poudre d’argile, d’une gomme telle que la gomme arabique par exemple, et d’eau, en testant différents pourcentages selon les besoins. Dans le cas d’un retrait trop important de cette pâte artisanale, un dégraissant tel que du sable pourrait être ajouté pour limiter le retrait qui serait le principal inconvénient de cette pâte « artisanale ». 3.
Tests d’adhérence à la céramique Dans le cas où ces comblements ne devraient pas être amovibles, mais devraient adhérer
directement à la pâte, des tests d’adhérence de la pâte à la céramique pourraient être intéressants. Il faudrait alors étudier les réseaux de capillarité de ces pâtes, la porosité, et l’adhérence à un autre matériau poreux.
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Conclusion générale L’étude et la restauration de cette jarre islamique nous a permis d’aborder des thématiques et problématiques variées. Ce travail de recherches sur deux ans a été riche en découvertes, en rencontres et en réflexions. L’étude historique tout d’abord, a été l’occasion de s’imprégner d’un domaine qui nous intéressait particulièrement : le monde islamique. En concentrant notre étude sur une culture, une période restreinte de quelques siècles, et une région du monde, nous avons pu appréhender les influences, similitudes et variations de la céramique islamique au fil des dynasties. L’étude typochronologique axée sur les jarres dites « partho-sassanides », a permis de replacer la jarre étudiée dans son contexte spatio-temporel de création : la région de l’Irak ou de la Syrie, entre le VIIIème et le XIIème siècle. N’appartenant pas à une dynastie particulière ou à un atelier de potier précis, ces jarres ont été le fruit d’une influence depuis les Parthes, ce qui ne permet pas une datation plus précise. La typologie nous a fait comprendre que cette jarre était une céramique commune, servant à conserver des aliments. La restauration de cette jarre a connu des rebondissements et suscité de nombreuses réflexions déontologiques, et de mise en œuvre. Le diagnostic établit à la suite du constat d’état, a permis de comprendre l’origine des altérations et le parcours vraisemblablement subi par l’œuvre depuis sa création (dont une période d’enfouissement). Au cours du nettoyage de l’œuvre, nous nous sommes aperçue que plusieurs tessons étaient exogènes à la jarre, mais appartenaient à une autre céramique de même typologie. Notre choix a été de retirer ces tessons (dont une anse et la base), afin de ne pas falsifier l’objet, et de reconstituer les lacunes avec un matériau qui assurera une stabilité. Ce projet de mémoire nous a permis de réaliser un plan d’action sur plusieurs mois, de mettre en œuvre une grande partie des étapes de restauration que peut nécessiter une céramique, et d’ainsi concrétiser un certain nombre de traitements acquis tout au long de notre formation. Cela nous a aussi permis de mener des réflexions engendrant des choix que nous sentions les plus en adéquation avec la déontologie du métier de restaurateur, en affinant notre professionnalisme. En parallèle de la restauration, la problématique de comblement des lacunes a suscité le besoin de tester un nouveau matériau de comblement, plus adapté à notre cas de restauration : les pâtes minérales auto-durcissantes. Nous avons confronté les propriétés de trois de ces pâtes, comparées aux propriétés du plâtre pris comme matériau de référence. Les notions de temps de séchage, de rétraction, de dureté, résistance aux chocs ou résistance à la rupture ont été testées
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par des protocoles reproductibles. Malgré les limites de nos expériences, une pâte s’est avérée optimale de par sa grande résistance aux chocs et à la rupture, et son faible retrait au séchage. Il s’agit de la pâte Plastiroc Giotto, qui a donc été sélectionnée pour les comblements de lacunes de la jarre. Cependant, en l’absence de recul suffisant sur ce nouveau matériau, les comblements réalisés sont amovibles ; ils ont été réalisés à part puis collés sur la jarre, ce qui permet de les retirer aisément en cas de vieillissement non attendu du matériau. Ces expériences ont représenté l’opportunité de mener à bien un projet scientifique, en partant de problématiques que nous avions rencontré personnellement. L’étude technico-scientifique a été un challenge que nous nous sommes lancée afin d’adapter un nouveau matériau à nos besoins de restauration. Au terme de ces deux ans de recherches, de travail pratique, et de stages, nous avons acquis davantage de réflexion et de confiance dans les choix de restauration que nous pouvons rencontrer et dans les traitements à entreprendre. Les expériences professionnelles vécues au cours de ces deux ans nous ont également confortée dans notre projet professionnel de travailler en milieu muséal.
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Infographie récapitulative
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Bibliographie Partie historique * Ouvrages de référence (atlas, dictionnaires, encyclopédies) CORNU, Marie, FROMAGEAU, Jérôme, WALLAERT, Catherine, Dictionnaire comparé du droit du Patrimoine Culturel, CNRS Editions, 2012, 1023 p. GIRARD, Jacques, Dictionnaire des termes d’art et d’archéologie, Klincksieck, 2006, 784 p. SELLIER, J., SELLIER, A., Atlas des peuples d’Orient : Moyen-Orient, Caucase, Asie Centrale, Paris, La Découverte, 2002, 210 p. * Ouvrages ANNA (D’), André, GARCIA, Dominique, et al., La Céramique - La Poterie du Néolithique aux temps modernes, Editions France, 2014, 336 p. BALFET, Hélène, FAUVET BERTHELOT, M.F, MONZON, Susana, Lexique et typologie des poteries – pour la normalisation de la description des poteries, Presses du CNRS, 1989, 148 p. BERNUS-TAYLOR, Marthe, L’art en terres d’Islam, Livre 1, Ecole du Louvre, Paris, 1988, 192 p. BERTHIER, Sophie, D'HONT, Olivier, GEYER, Bernard, Le peuplement rural de la moyenne vallée de l'Euphrate à l'époque islamique (VIIème s.- début XXème s.). Contribution française à l'archéologie syrienne 1969-1989, IFAPO, Damas, 1989. BÖHME, Hartmut, RAPP, Christof, RÖSSLER, Wolfgang, SCHNAPP, Alain, et al., Übersetzung und Transformation [Le sentiment des ruines, de l'Orient ancien aux Lumières : continuités et transformations], 2007, 549 p. BOUQUILLON, Anne, MATOÏAN, Valérie, La céramique argileuse à glaçure du site de Ras ShamraOugarit (Syrie), Syria 76, 1999. CAUBET, Annie, PIERRAT-BONNEFOIS, Geneviève, Faïences de l’Antiquité - De l’Egypte à l’Iran ; Musée du Louvre Editions, 2005, 206 p. CHASSEL, Jean-Luc (dir), Sceaux et usages de sceaux – Images de la Champagne médiévale, Somogy Editions d’art, 2003, 168 p. COLBECK, John, La poterie : Technique du tournage, Editions Dessain et Tolra, 1981, 153 p. COMPAGNON, Grégory, Halte au pillage !, Editions Errance, 2010, 445 p. CURATOLA, Giovanni (dir), FOREST, Jean-Daniel, et al, L’art en Mésopotamie, 2006, 279 p. FLUTSCH, Laurent, FONTAMNAZ, Didier, Le pillage du patrimoine archéologique : Des razzias coloniales au marché de l’art, un désastre culturel, Editions Favre SA, Lausanne, 2010, 212 p.
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* Thèses ou mémoires MOUGIN, Carine, Étude et restauration d’une Coupe au cavalier iranienne (XIIè-XIIIè siècle) du musée du Louvre. Élaboration d’un guide à l’usage des restaurateurs de céramiques afin d’optimiser leur demande auprès des laboratoires d’analyses, INP, 2005. NEBOUT, Carole, Beauté du soir, Conservation-restauration d’une céramique de type Cizhou, Chine, dynastie des Song (Xè/XIIIè siècles), Musée Cernuschi, Musée des Arts de l’Asie de la ville de Paris – Impact du moulage au silicone sur les pâtes céramiques, INP, 2010. * Publications de musées AMIET, Pierre, « Notes d’archéologie iranienne – A propos de quelques acquisitions récentes du Musée du Louvre », in La Revue du Louvre, 6, 1968. AUBE, Sandra (dir.), et al., « Céramiques islamiques du Musée des Tissus de Lyon, Mondes iranien et ottoman », 2014, 94 p. CASSAN, Maryvonne, VENDE-LOBERT, Géraldine, La céramique islamique, Musée National Adrien Dubouché, Limoges, 2002. FRIZOT, Michel (dir), « Arts de l’islam – chefs d’œuvres de la collection Khalili », Institut du Monde Arabe, Hazan, 2009, 400 p. RICKEL (DE), Hélène, et al, Dossier pédagogique terres d’islam, Ariana – Musée suisse de la céramique et du verre, 2014. SHISHKINA, G.V., PAVCHINSKAJA, L.V., Terres secrètes de Samarcande. Céramiques du VIIIe au XIIIe siècle, Institut du Monde Arabe, Musée de Normandie, Musée des Augustins, Exposition, 1993.
* Sources audiovisuelles Reportage « En quête d’actualité – Trafic d’antiquités, les filières interdites », diffusé le 27/01/2016 sur D8.
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Partie scientifique
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Partie restauration * Ouvrages BERDUCOU, Marie-Claire (dir), La conservation en archéologie, méthodes et pratiques de la conservationrestauration des vestiges archéologiques, Paris, Milan, Barcelone, Masson, 1990, 469 p. BLONDEL, Nicole, Céramique, Vocabulaire & Technique, Patrimoine Editions du Monument, 2014, 429 p. BRANDI, Cesare, Théorie de la restauration, Paris, Monum-Editions du patrimoine, 2001, 134 p. HAUSSONNE, Maurice, Technologie Céramique Générale – Faïences – Grès – Porcelaines, Volume II, J.-B. Baillere & fils-editeurs, 1969, 523 p. KOOB, Stephen P., Conservation and care of glass objects, Archetype Publications, The Corning Museum of Glass, 2006, 158 p. MASSCHELEIN‐KLEINER, Liliane, Les solvants, Bruxelles, Institut Royal du Patrimoine Artistique, 1994, 131 p. RHODES, Daniel, Terres et glaçures : les techniques de l'émaillage, Volumes I et II, Editions Dessain et Tolra, 1999, 223 p. SOUSTIEL, Jean, La céramique islamique – Guide du connaisseur, Office du Livre, 1990, 427 p. VAN LITH, Jean-Paul, Céramique, dictionnaire encyclopédique, Paris, Editions de l’Amateur, 2000, 465 p. BUYS, Suzann, OAKLEY, Victoria, The Conservation and Restoration of Ceramics, Butterworth-Heinemann, 1993, 243 p. Institut International pour la Conservation – Groupe canadien, Code de déontologie et guide du praticien – à l’intention des personnes œuvrant dans le domaine de la conservation des biens culturels au Canada, deuxième édition, 1989, 17 p. * Articles BANDINI Giovanna, « About Chromatic Question of Lacunae in Decorated Ceramics », in Couleur & temps : La couleur en conservation et restauration, Actes des journées d’étude de la SFIIC, Paris, 2006. BERDUCOU, Marie-Claire, « La restauration : quels choix ? « Dérestauration », restaurationrestitution », Techné, C2RMF, 2001. BERGEON-LANGLE, Ségolène, « Lisibilité et réintégration » in Visibilité de la restauration, lisibilité de l’œuvre, Actes de colloque, Paris, 13-15 juin 2002, ARAAFU, 2002. BERTHIER, Sophie, BECHTEL, F., RAFFAILLAC-DESFOSSE, C., SCHVOERER, M., « Altération et irisation de céramiques glaçurées de l'Islam médiéval (Tell Guftan, Syrie) », in Proceedings of the European Meeting on Ancient Ceramics, Department de Cultura, Barcelona, 1995. BOURGEOIS, Brigitte, « La conservation des céramiques archéologiques : étude comparée de trois sites chypriotes », in Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen n° 18, série archéologique, 10, Lyon-Paris, 1987.
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Partie scientifique
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Partie technico-scientifique * Ouvrages BERDUCOU, Marie-Claire (dir), La conservation en archéologie, méthodes et pratiques de la conservationrestauration des vestiges archéologiques, Paris, Milan, Barcelone, Masson, 1990, 469 p. GUYON, Étienne (dir), Matière et matériaux – de quoi est fait le monde ? Belin, 2010, 335 p. PEREGO, François, Dictionnaire des matériaux du peintre, Belin, 2005, 895 p. PETIT, Jean, ROIRE, Jacques, VALOT, Henri, Encyclopédie de la peinture – Formuler, fabriquer, appliquer, Tomes I, II et II, Erec, 2001, 1350 p.
* Articles BLANPAIN, Hélène, « Le moulage pour la reconstitution des lacunes en restauration de la céramique et du verre », CeROArt [En ligne], | 2012, mis en ligne le 19 juin 2012, consulté le 12 janvier 2016. URL : https://ceroart.revues.org/2676 BECHOUX, Viviane, « Utilisation des mousses et des pâtes syntactiques pour combler les lacunes des poteries archéologiques », CeROArt [En ligne], | 2008, mis en ligne le 09 octobre 2003, consulté le 03 février 2016. URL : https://ceroart.revues.org/657 GIROUD, Jean-Pierre, BOTTERO, Alain, « Influence des propriétés physico-chimiques des argiles monominérales sur leur comportement mécanique », in Bulletin de Liaison, Laboratoires des Ponts et Chaussées, n° 62, nov.- déc. 1983. KHAZANOVA, I.-A., « Some problems concerning repeated restoration of antique painted vases », ICOM, 1978. RAFFAËLLY, Laure, PONS, Emmanuelle, LACOUDRE, Noël, BLETON, Jean, VO DUY, Sung, TCHAPLA, Alain, « Caractérisation physico-chimique de laques de Mongolie du Ier siècle après J.-C. », ArcheoSciences 29, 2005. COTE, R., OTIS, C., « Étude de la biodégradation de l'acide déhydroabiétique par Bacillus psychrophilus », in Revue des sciences de l'eau / Journal of Water Science, Volume 2, 1989.
* Mémoires BEGON, Isabelle, Le comblement des lacunes des céramiques fines gallo-romaines à l’aide de pâtes syntactiques, Travail de fin d’étude, 3ème COA, Ecole supérieure des Arts de Saint-Luc, Liège, 2004. BEILLARD, Béatrice, Les matériaux de reconstitution adaptés à la restauration des céramiques, IFFROA, 1983. CHASSAGNY, Audrey, Variations chromatiques lors du mélange pigment-liant, Mémoire de fin d’études, Ecole de Condé, 2013.
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Partie scientifique
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Lexique -
A
-
ACICULAIRE : En forme de pointe très-fine comme celle d’une aiguille. ADHÉRENCE : Résistance que présentent des corps solides, assemblés par leur interface, aux forces qui
tendent à les séparer
ALTÉRATION : Les altérations sont des modifications de l’éclat, de la couleur, de l’homogénéité ou de la
forme du tesson et/ou des couches de revêtement d’une pièce céramique. Elle se produit pendant son utilisation ou après son abandon, à l’air libre ou dans un milieu d’enfouissement (eau ou terre). AMPHORE : Vase antique en terre cuite muni de deux anses.
-
B -
BARBOTINE : Mélange fluide d’eau et d’argile, et éventuellement d’autres matériaux céramiques (craie,
sable, feldspath…) servant à assembler deux éléments de pâte ensemble. -
C
-
CASSURE : Rupture d’une pièce de céramique en plusieurs fragments. CÉRAMIQUE : Terme générique désignant des objets à base d’argile soumise à l’épreuve du feu : terre
cuite, faïence, grès, porcelaine…
CHARGE : Une charge est une substance solide et non miscible, qui est dispersée dans le produit et non pas dissoute. COEFFICIENT DE DILATATION : Rapport entre les grandeurs d’un échantillon mesuré aux
températures précisées entre 0° et 800°C, exprimé en 10-7.
COL : Partie rétrécie en haut de l’objet, juste avant l’orifice supérieur. Il se situe au-dessus de la panse. COLLOÏDAL : Substance constituée de fines particules portant chacune une charge électrique de même
signe en suspension dans un milieu, ne traversant pas les ultrafiltres et réfléchissant les rayons lumineux quand le milieu de suspension est liquide.
COLORANTS : Oxydes métalliques employées comme colorants, et des pigments. Les colorants peuvent soit
teinter une glaçure, soit être disposée sous une glaçure translucide, soit être cuits sur une glaçure.
COLOMBIN : Boudin de terre de diamètre plus ou moins fin, que l’on pose l’un au-dessus de l’autre, pour
façonner des céramiques sans utiliser le tour. Striés et barbotinés, on place les boudins les uns sur les autres, puis on assemble les étages par pression. COMPRESSE : Pièce de gaze hydrophile, ou de coton, utilisée pour appliquer de l’acétone, sensée faire
migrer la colle ou les concrétions dans ses fibres.
CONCRÉTION : Terme qui définit la formation d’un édifice ionique insoluble à la surface d’une matière poreuse. CONDUCTIVITÉ : Capacité d’une solution à faire passer du courant. CONTREFAÇON : Exemplaires obtenus à partir d’un modèle qui n’est pas le modèle original mais sa
copie. Le contrefacteur s’approprie indument l’invention d’un autre.
COPOLYMÈRE : Composé formé de macromolécules renfermant des motifs monomères différents.
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Partie scientifique
216 CUISSON OXYDANTE : Cuisson dans un four où l’atmosphère (composition des gaz de combustion) est
riche en oxygène. CUISSON RÉDUCTRICE : Cuisson dans un four où l’atmosphère est riche en monoxyde de carbone suite à une combustion incomplète et enfumée -
E
-
EAU DEMINÉRALISÉE : Désigne l'eau qui ne contient plus d'ions minéraux dissous. ÉCART-TYPE : Sert à mesurer la dispersion, ou l'étalement, d'un ensemble de valeurs autour de leur
moyenne (racine carrée de la variance).
ÉCLAT : Fragment provenant d'un corps dur. EFFLORESCENCE : Transformation, sous l'influence de la température ou de l'état hygrométrique de
l'air, d'un sel cristallisé en un produit pulvérulent par perte de son eau de cristallisation.
ÉMAIL : Désigne toute glaçure stannifère, c'est-à-dire toute glaçure blanche opaque à l’oxyde d’étain. EXOGÈNE : Qui provient de l’extérieur.
-
F
-
FAC-SIMILÉ : Reproduction qui offre au regard toutes les caractéristiques de l’œuvre reproduite,
jusqu’aux altérations éventuelles.
FAÏENCE : Terre argileuse recouverte d’un émail stannifère contenant de l’étain, cuite à environ 900°C, la
rendant imperméable.
FALSIFICATION : Objet retravaillé afin de la faire passer pour autre chose que ce qu’il est. FAUX : Aucun objet n’est faux en lui-même, ce qui est faux, c’est l’idée qu’on s’en fait ou qu’on en
donne : objet qui passe pour autre chose que ce qu’il est. FISSURE : Fente étroite, petite ouverture longitudinale.
-
G
-
GIRELLE : Dessus horizontal du tour à potier sur lequel on pose la masse d'argile à façonner. GLAÇURE : Enduit vitrifiable, transparent, composé de silice, incolore ou coloré par des oxydes, que l’on
applique sur une poterie pour la rendre imperméable et plus ou moins brillante. GLOBULAIRE : Qui a la forme d'un globe.
GYPSE : Minéral essentiellement constitué de sulfate de calcium à l'état cristallin (Ca SO2.2H2O).
-
I
-
INCERTITUDE RELATIVE : Représente l'importance de l'erreur par rapport à la grandeur mesurée.
Elle s'exprime en général en %.
IRISATION : Propriété optique que possèdent certains corps de décomposer la lumière en produisant à
leur surface diverses couleurs du spectre lumineux.
-
J
-
JARRE : Grand vase, généralement en poterie, à panse et ouverture larges, servant de récipient pour les
liquides ou les aliments.
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217 JOINTIF : Se dit de deux éléments parfaitement en contact par leurs bords, ou leurs tranches en l’occurrence. JOUR : Espace entre deux tessons dont les tranches ne sont plus totalement jointives.
-
L
-
LACUNE : Fragment ou un élément manquant d’une céramique. LÈVRE : Extrémité du col limitant une ouverture. LUMIÈRE RASANTE : Apport latéral de lumière permettant de révéler les reliefs d’une surface grâce aux
ombres portées.
-
O
-
OBSOLESCENCE : Évolution tendant à rendre (quelque chose) périmé. OVOÏDE : Dont la forme se rapproche de celle d'un œuf.
-
P
-
PANSE : Partie principale d’un récipient, limitée d’une part par l’encolure, et d’autre part par la base. PARALOÏD® : Résine acrylique en granulés, mélangée avec un solvant de type acétone pour devenir un adhésif. PHYLLITEUX : Qualifie ce qui ressemble, s'apparente ou se compose de minéraux de la sous-classe des
phyllosilicates. Vient du grec phullon (feuille) ; qui a la forme d’une feuille.
PICOT : Minuscule trou, isolé ou en groupe, à la surface d’une céramique. PLÂTRE : Matériau obtenu par la calcination partielle du gypse et qui, réduit en poudre et délayé dans
l'eau, est utilisé en restauration, notamment pour les comblements.
POLYSACCHARIDE : Sucres complexes constitués par la polymérisation d’oses (monosaccharides).
-
R
-
RECONSTITUTION : N’a pas pour résultat la résurrection de l’original, mais aboutit à la production d’un
substitut.
RÉTICULATION : Passage d'un polymère d'un état où les macromolécules sont indépendantes à un état
où elles sont reliées par des liaisons chimiques.
RETOUCHE ILLUSIONNISTE : Type de retouche ayant pour but de ne pas être discernable à l’œil nu. RETOUCHE ARCHÉOLOGIQUE : Retouche didactique permettant de restituer une certaine lisibilité à
l’œuvre, mais qui reste parfaitement discernable à l’œil nu.
RETRAIT : Fait de subir une diminution de volume ; cette diminution elle-même. RESSAUT : Saillie ou renfoncement dans le plan de la surface de la céramique. Différence de niveau. RESTAURATION : Toutes les mesures prises pour modifier la structure et les matériaux constitutifs d’un
bien culturel, dans le but de représenter un état antérieur connu. La restauration a comme objectif de révéler les caractéristiques culturelles essentielles d’un bien culturel, elle se fonde sur le respect des matériaux d’origine et s’appuie sur des renseignements précis au sujet de l’état antérieur. RÉVERSIBILITÉ : Qualité d’une intervention qui permet sa reprise ultérieure sans dommage pour l’objet. RHÉOLOGIE : Science qui étudie les rapports entre la viscosité, la plasticité, et l’élasticité de la matière.
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Partie scientifique
218 S
-
-
SELS SOLUBLES : Conservent une grande solubilité dans l’eau. SELS INSOLUBLES : Beaucoup plus durs, on ne peut les éliminer avec de l’eau. SILICE : Composé organique que l’on retrouve dans de nombreux minéraux, dont le quartz. SILYLATION : Réduit la polarité des lipides en remplaçant les H actifs par des groupements triméthylsilyl
ou tert-butyl-diméthyl-silyl.
STANNIFÈRE : Qui contient de l’étain.
T
-
-
TEMPÉRATURE DE TRANSITION VITREUSE : Changement d'état du polymère ou du matériau
composite polymérisé, sous l'action de la température, et entraînant des variations importantes de ses propriétés mécaniques.
TERPÈNE : Classe d'hydrocarbures, produits par de nombreuses plantes, en particulier les conifères.
Les polyterpènes ont plus de 8 unités pentacarbonnées ramifiées (comme le caoutchouc). TERRE CUITE : Argile modelée, séchée, et cuite aux environs de 900-950°C.
TERRE VERNISSÉE : Poterie recouverte totalement ou partiellement d’une glaçure composée de sels de
plomb. A la cuisson, elle se vitrifie en une fine couche transparente, brillante et étanche. TESSON : Fragment de céramique qui laisse voir ses composants.
TRÉSAILLURES : Défaut de la glaçure résultant d’un manque d’accord entre les coefficients de dilatation
de la pâte et de la glaçure. Cette dernière, ayant un coefficient de dilatation plus élevé, se rétracte lors du refroidissement (retrait de cuisson), et présente des fissures. TROU D’ÉPINGLE : Voir « picot ».
-
V
-
VARIANTE : Mesure servant à caractériser la dispersion d’une distribution ou d’un échantillon ; c’est la
moyenne des carrés des écarts par rapport à la moyenne. VISCOSITÉ : Résistance d’un liquide à l’écoulement.
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219 PARTIE HISTORIQUE :
ANNEXES
I.
Tableau des dynasties islamiques ;
II. Agreement Hearst Castle ; III. Infographie trafic d’œuvres d’art ; PARTIE RESTAURATION : IV. Support de travail et contenant Fiches techniques : V. Acétate de butyle ; VI. Acétate d’éthyle ; VII. Acétone ; VIII. Paraloïd® B-44 ; IX. Paraloïd® B-67 ; X. Paraloïd® B-72 ; XI. Pâte minérale Plastiroc Giotto; XII. Polyfilla ; XIII. Pulpe de papier ; XIV. Silicone RTV en pâte; XV. Volume lacunaire de la jarre ; XVI. Devis analyses thermoluminescence ; XVII. Proposition de traitement ;
Annexes
XVIII. Tableau récapitulatif des tests de nettoyage ; XIX. Test de salinité ; PARTIE SCIENTIFIQUE : XX. Tableau données techniques des pâtes ; XXI. Fiche technique DAS ; XXII. Fiche technique SiO2-PLUS ; XXIII. Fiche technique plâtre Molda 3M ; XXIV. Etude de la composition des pâtes minérales auto-durcissantes ; XXV. Chromatogrammes d’analyse des gommes ou fibres végétales ; XXVI. Diffractogrammes de mise en évidence des charges minérales dans la pâte SiO2 ; XXVII. Diffractogrammes de mise en évidence des charges minérales dans les pâtes DAS et Giotto ; XXVIII. Calculs moyennes/erreurs temps de séchage ; XXIX. Données temps de séchage (en heures) ; XXX. Résultats tests résistance aux chocs ; XXXI. Calculs des moyennes et erreurs de résistance aux chocs.
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220 ANNEXE I
Tableau simplifié des dynasties du VIIe au XIIIe siècle dans les pays arabes évoqués dans l’étude historique
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221
ANNEXE II
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ANNEXE III
Source URL : http://info.arte.tv/fr/du-moyen-orient-leurope-un-vaste-trafic-doeuvres-dart
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ANNEXE IV : Support de travail et contenant
I/. Support de travail La confection d’un support de travail est l’une des premières étapes lors de la prise en charge d’un objet. Il servira à maintenir l’œuvre durant son étude, et ensuite sa restauration. Ce support a pour but d’assurer une protection et une sécurité pour l’œuvre posée sur le plan de travail. Il doit être pratique, facile à manipuler, relativement léger, être dans une matière neutre et adaptée à l’objet d’étude. Il doit aussi être compatible avec les produits de restauration qui seront susceptibles d’être en contact avec lui. Avant toute intervention sur la jarre, une longue observation sera nécessaire ; nous avons donc confectionné un support de travail permettant d’étudier l’objet dans sa structure actuelle. Ce support sera conçu en tenant compte des dimensions de l’objet d’étude. La jarre mesure donc 38 cm de hauteur, et son diamètre maximal est de 27,5 cm.
Fig. 9 : Dessin et mesures de la jarre
Un coussin a donc été fabriqué, afin de pouvoir poser la jarre à l’horizontal, sur un support dans lequel elle puisse légèrement s’enfoncer, afin de ne pas être en contact direct avec la table de travail. Ce coussin a été confectionné avec un tissu de coton qui a été cousu en rectangle, de dimensions 40 cm sur 60 cm, afin de laisser une certaine marge tout autour de la jarre une fois que celle-ci serait posée.
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Le rectangle de tissus a été remplis avec de la bourre277, afin d’avoir une certaine épaisseur. Cette matière ayant l’avantage d’être très souple, la jarre pourra s’enfoncer légèrement dans son coussin afin d’être calée. Elle ne risquera donc pas de rouler. Une housse a également été fabriquée, en papier Tyvek®278, de grammage 43 g/m2. Ce papier a l’avantage d’être neutre, et recommandé pour la conservation d’œuvres d’art. Ce matériau possède par ailleurs plusieurs propriétés très avantageuses comme le fait d’être indéchirable, non-abrasif, mais également résistant à l’eau, imputrescible, et anti-bactérien. En cas de salissure de la housse lors des étapes de restauration par exemple, celle-ci pourra facilement être changée.
Fig. 293, 294 : Photographie et schéma de la jarre maintenue sur son coussin
II/. Stockage de la pièce La boite de stockage permet de conserver l’œuvre dans les locaux de l’école, pendant toute la durée de l’étude et de la restauration, c'est-à-dire 26 mois. Cette boite doit assurer la sécurité de la pièce, être stable, solide, neutre, et permettre une manipulation relativement aisée. Pour l’instant, une seule boite semble nécessaire, pouvant contenir la jarre déjà recollée. Cette boite devra donc pouvoir comporter la pièce, debout. Le propriétaire de cette œuvre, M. Thomas Bonzom, a pu se procurer une « caisse musée », c'est-àdire le type de caisse utilisé pour le stockage de pièces dans les réserves d’un musée. Cette caisse a été fabriquée par l’entreprise Crown Fine Arts, spécialisée dans l’emballage et le transport des œuvres d’art. 277 278
Fibres en polyester souples permettant de conserver le gonflant d’un coussin. Type de papier possédant une structure en fibres non tissées en polyéthylène.
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Nous avons donc utilisé cette boite, créée avec des planches de bois contreplaqué de 15 mm d’épaisseur. Cette caisse ne présentait cependant pas d’ouverture car toutes les faces étaient vissées. Nous avons donc créé une porte afin que la manipulation et le rangement de la jarre soit plus pratiques. Cette porte a été réalisée grâce à deux charnières placées sur une arrête de la boite, la porte se fermant de l’autre côté par un loquet. Un cadenas peut également être ajouté à ce loquet pour plus de sureté. L’ouverture a été voulue faciale et non pas par le dessus, car il est recommandé lors d’une manipulation, de soutenir la jarre par la partie inférieure de la panse, une main de chaque côté. Dans le cas d’une ouverture de la boite par le dessus, il aurait fallu sortir la jarre en la prenant par le col, trop fragile du fait de ses nombreuses restaurations à ce niveau. La boite du propriétaire comprenait aussi sur chaque paroi, une couche de 30 mm d’épaisseur de mousse polyuréthane279. Nous avons remplacé sur deux côtés cette couche par une épaisseur plus fine, de moins de 10 mm, afin que la jarre ne touche pas les bords. Ces couches sont en mousse polyéthylène280, matériau recommandé pour la
conservation
d’œuvres d’art, dans le guide de « Conservation préventive des collections »281, pour son inertie chimique et sa durabilité. Chaque plaque de mousse a été recouverte d’une couche de papier Tyvek®, et ces plaques de mousse ont été fixées à chaque paroi de la boite, avec du scotch double face. Nous avons aussi créé un socle dans la boite afin que la jarre, déjà déséquilibrée par sa mauvaise verticalité, conserve une bonne stabilité. Ce socle consiste en un cercle évidé, ajusté au diamètre de la base de la jarre, profond de l’épaisseur de la mousse c'est-à-dire de 30 mm. Une autre plaque de mousse plus fine (10 mm) a été placée sous le cercle évidé afin que la jarre repose sur cette fine couche de mousse et non pas sur le bois de la caisse. Fig. 295 : Jarre maintenue dans la boite D’après la fiche technique disponible en annexe, la mousse polyuréthane est « mono composante, auto-expansible, adhésive, isolante, étanche et non toxique, permettant toutes opérations d'isolation thermique et acoustique ». 280 D’après la fiche technique disponible en annexe, « la plaque de mousse de polyéthylène (…) est une mousse à cellules fermées solide et résiliente de faible densité (…). Elle est idéale en tant que composante dans les produits nécessitant une capacité d'absorption des chocs, d'atténuation des vibrations, d'isolation et de flottaison. 281 D’après La conservation préventive des collections – Fiches pratiques à l’usage des personnels des musées, réalisé en 2002. 279
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Cette boite pourra aussi servir de boite de conservation pour le propriétaire. Un schéma en 3D a été réalisé grâce au logiciel Google SketchUp, afin de bien visualiser le fonctionnement de la boite et du socle.
Fig. 296 : Représentation 3D de la boite de stockage
Au fur et à mesure de l’évolution de la restauration, certains tessons ont été désolidarisés du reste de la jarre. Ces tessons devaient donc être conservés eux aussi dans une boite. Nous avons choisi une petite boite en plastique de la marque Kristal qui conserverait cinq tessons (dont deux étaient collés ensemble). Cette boite de 16,5 cm de largeur sur 19 cm de longueur, avec une hauteur de 9,5 cm se ferme par un couvercle. Des plaques de mousse polyéthylène, recouvertes de papier Tyvek®, ont été placées sur toutes les parois de la boite. Une couche de mousse a été placée au milieu de la boite afin de séparer d’un côté les trois tessons décollés, et de l’autre le bloc de deux tessons collés.
Fig. 297 : Représentation 3D de la boite de conservation pour les tessons exogènes
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ANNEXE V
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ANNEXE VI
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ANNEXE VII
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ANNEXE VIII
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ANNEXE IX
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ANNEXE X
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ANNEXE XI
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ANNEXE XII
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ANNEXE XIII
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ANNEXE XIV
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ANNEXE XV : Calcul de la surface de la jarre Les formules utilisées sont les suivantes :
d Surface d’un cylindre : 2π d/2 x h
h l2
Surface d’un parallépipède : (2 x L1 x l1) + (2 x L2 x l2)
Aire d’un cercle : A = π r2
L2 l1 L1
= 27 771,7 mm2 = 6 954 mm2
= 8 117,84 mm2
avec d=130mm et h=68mm
= 8 246,68 mm2 = 109 845,79 mm2
= 49 762,83 mm2
= 28 683,74 mm2
+ Aire base = π r
2
=8 659,01 mm2
Fig. 298 : Dessin de la jarre avec schématisation de formes géométriques pour le calcul de sa surface ► Selon ces calculs, nous obtenons une surface totale de la jarre de 248 041 mm2, soit 2 480 cm2, soit environ 0,25 m2.
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ANNEXE XVI : Devis d’analyses de thermoluminescence
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ANNEXE XVII : Proposition de traitement
Méthode :
* Spalter * pinceau fin * coton-tige d’acétone * mini-aspirateur
Nettoyage de la poussière
Nettoyage des dépôts et concrétions externes et internes
Méthode :
* scalpel * compresse d’acétate de butyle
Méthode : * scalpel * coton-tige * acétone
Suppression des repeints
Méthode :
Suppression des comblements
* scalpel * coton-tige * eau et acétone
Méthode :
* scalpel * coton-tige * eau et acétone
Suppression des couches d’enduits à l’intérieur
Méthode :
Consolidation du collage
Méthode :
* pinceau fin * Paraloïd® B-72, acétone
Méthode :
* silicone RTV * Parafilm® * pâte auto-durcissante * Polyfilla * pigments * collage des comblements au Paraloïd® B-72 et B-44
* seringue * Paraloïd® B-44, acétone, acétate de butyle, silice
Pose d’un primaire
Méthode :
Comblements des éclats et cassures
* spatule * Paraloïd® B-44, acétone, acétate de butyle, pulpe de papier, pigments
Comblements des lacunes
Retouche des comblements
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Méthode : * acryliques Lascaux * brosse à dents * vernis au Paraloïd® B-67 dans l’acétone
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ANNEXE XVIII : Tableau récapitulatif tests de nettoyage et dérestauration
Temps
Efficace
immédiat immédiat immédiat
1 1 1
DEPOUSSIERAGE PINCEAU ACETONE ASPIRATEUR
SUPPRESSION DES DEPOTS ET CONCRETIONS SCALPEL
Temps
Efficace
immédiat 30 sec
1
10 mn
1 1 (ramollit puis scalpel)
SUPPRESSION DES BOUCHAGES
Temps
Efficace
SCALPEL
immédiat 5mn
1 1 (ramollit puis scalpel)
5 sec 30 sec
1 (puis scalpel)
ACETATE DE BUTYLE ACETATE D'ETHYLE ACETONE + KLUCELG 85/15%
30 sec 3 mn
1 (ramollit puis scalpel)
SUPPRESSION DES REPEINTS
Temps
Efficace
ACETONE
30 sec 30 sec
1
ACETONE-ETHANOL 50/50% ACETONE
1
Moyennement efficace
Pas efficace
1
30 sec 3mn
SUPPRESSION GOMME LAQUE
Pas efficace
1
10 mn
ACETONE + KLUCELG 85/15%
Moyennement efficace
1
ACETONE + KLUCELG 75/25%
ACETATE DE BUTYLE ACETATE D'ETHYLE
Pas efficace
1
15 mn
ACETONE COTON
Moyennement efficace
10 mn
ACETATE DE BUTYLE
ACETONE COMPRESSE
Pas efficace
1 (ramollit puis scalpel)
ACETONE ACETONE + KLUCELG 85/15% ACETONE + KLUCELG 75/25%
Moyennement efficace
1 (moins bien) 1 (ramollit et se retire au scalpel) Efficace 1 1
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Pas efficace
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243
ANNEXE XIX : Test de salinité Où effectuer ce test ? Etant donné que notre glaçure est sensible à l’eau, il n’est pas possible de placer cette compresse d’eau déminéralisée sur l’une des faces externes ou internes de la jarre, qui comprend de la glaçure soit saine, soit altérée mais qui risquerait de se dégrader davantage. Nous devons donc choisir une zone non glaçurée. La seule zone correspondant à ce critère est la base de la jarre. Nous avons donc placé une compresse de coton imbibée d’eau déminéralisée sur la base de la jarre, et nous l’avons laissée toute une après-midi et une nuit, soit environ 17h. Si des sels sont présents dans la pâte de la jarre, ceux-ci migreront dans la compresse. Le mécanisme de ces compresses est expliqué par le schéma
Fig. 299 : Compresse sur la base de la jarre
ci-dessous, issu d’un article d’Elsa Bourguignon sur le dessalement des matériaux poreux282.
Fig. 300 : Principe de fonctionnement de la méthode des compresses. Thèse de E. Bourguignon, p. 53.
Une fois la compresse totalement sèche (afin que toute l’eau s’évapore et que seuls les éventuels sels restent), nous l’avons placée dans un récipient contenant de l’eau déminéralisée, pour pouvoir mesurer la conductivité*. La conductivité de l’eau déminéralisée283 est de 7 μS/cm. La compresse est baignée dans l’eau, et mélangée pour y dégager les éventuels sels. Une nouvelle mesure est prise au conductimètre : affichant toujours un résultat de 7 μS/cm (Cf. figure ci-contre).
Fig. 301 : Conductimètre dans l’eau déminéralisée avec la compresse
Nous pouvons donc conclure qu’il n’y a pas de sels présents dans cette jarre.
Elsa Bourguignon, Dessalement de matériaux poreux modèles par la méthode des compresses, Thèse de l’Ecole des Ponts ParisTech, 2009, p. 53. 283 Ibid., p. 128. 282
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ANNEXE XX
Données techniques
*Informations issues des fiches techniques ou des sites des fournisseurs*
Composition
Retrait
Pâte Plastiroc Giotto
Pâte DAS
Pâte minérale : eau, charges minérales, liants d’origine végétale
Pâte minérale : eau, charges minérales, liants végétaux.
Sans retrait
Séchage
Argile autodurcissante SiO2
Plâtre Molda 3M Normal
Argiles naturelles, eau, fibres naturelles de cellulose, agents plastifiants chimiques ?
Gypse* calciné CaSO4 1/2H2O
+ l’argile contient d’eau, + elle se rétracte. Possibilité de réduire le retrait en la faisant légèrement sécher avant de la travailler
Expansion linéaire de 0,19%
24h/cm
2 à 5 jours en température ambiante (peut être accéléré à quelques heures)
Fin de prise 39 mn
Sans retrait
Peinture
Gouache, acrylique, feutre
Peinture à l’eau, acrylique, vernis
Tous types de peinture, vernis
Couleurs disponibles
Blanc, terracotta
Blanc, terracotta
Gris, blanc, terracotta, ocre, vert, bleu, noir
Résistance / dureté
Objets solides et résistants
Objets solides et résistants
Facile à lisser
Texture homogène, facile à travailler, les morceaux humidifiés se soudent entre eux sans ajout de colle
Texture / lissage
Grande dureté, similaire à la céramique cuite
Blanc
Brinell 24MPa Shore D 50
Excellente plasticité, texture douce et fine
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245 Aucune apparition de fissures
Fissuration
Odeur et toxicité
Prix et fournisseurs
Autre
Ne sent pas et non toxique
6,90€/kg chez Rougier&Plé, 4,99€/kg chez Cultura, 3,57€ kg chez Passage Clouté, 6,30€ le kg chez Adam. ►2 kg offerts par Adam Montmartre Après utilisation, recouvrir la pâte d'un film plastique et la placer dans un récipient hermétique à l'abri de l'humidité et de la lumière.
4,39€ le kg chez Passage clouté, ou 5,40€ le kg chez Truffaut en ligne
5,65€ pour 1,5 kg chez Boesner
Formula Saint Gobain
Pétrir l’argile avant le travail
Stockage en milieu sec, à l’abri de l’humidité
► 2kg offerts par Omyacolor
Déjà utilisée par les restaurateurs du Vatican pour des comblements
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ANNEXE XXI
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ANNEXE XXII
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248
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249
ANNEXE XXIII
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ANNEXE XXIV : Etude de la composition des pâtes minérales auto-durcissantes Comme nous l’avons évoqué dans la partie scientifique de ce mémoire, les seuls composants connus pour les pâtes minérales auto-durcissantes que nous étudions, sont : charges minérales, eau et liants d’origine végétale. Nous nous sommes intéressée davantage aux différentes charges minérales et liants végétaux pouvant entrer dans la composition, afin entre autres, d’avoir une idée sur le vieillissement des matériaux. L’étude qui suit est donc une présentation des charges et liants végétaux existants, afin d’émettre des hypothèses sur ceux contenus dans les produits étudiés. ► Une charge est une substance solide, non-miscible, introduite dans un mélange pour améliorer certaines propriétés. Les charges minérales peuvent être la poudre d’argile, de marbre, le sable, le talc... ► Le liant est une substance servant à agglomérer les autres composants d'une matière, c’est donc une substance filmogène qui fixe les charges entre elles284. Les liants végétaux peuvent être l’huile de lin ou de noix, la gomme Dammar, la gomme arabique, l’œuf, la cire… Une fois durcis, les liants sont non volatils, mais leur comportement à la chaleur est variable, tout comme leur tenue à la lumière285. La solubilité des liants est aussi variable, ils se classent en différentes catégories : les liants hydrosolubles, les liants solubles dans les liants polaires mais insolubles dans l’eau, et les liants hydrophobes286. Le liant végétal en question pourrait être la résine Dammar. Cette résine naturelle a été étudiée en 2014287, pour les cas de restauration de peintures. Elle provient de la sécrétion d’un arbre (famille des conifères diptérocarpés), répandu dans les îles indonésiennes, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Cette résine fut introduite en Europe au XIXème siècle ; son emploi pour les vernis de peintures est mentionné pour la première fois par Lucanus en 1829288. La résine Dammar que l’on trouve sous forme de granulés transparents, jaune clair, est constituée de terpènes* ou polyterpènes*, dont 6 sont tétracycliques, et 3 pentacycliques289. Les composants principaux seraient le diptérocarpol, l’acide dammarènolique, et l’acide ursonique290.
Fig. 302 : Granulés de résine Dammar, figure issue du site www.geant-beaux-arts.fr
Le vieillissement d’un matériau peut avoir plusieurs conséquences, parmi lesquelles un vieillissement oxydatif, thermique, chimique, biologique291... Les résines naturelles Dammar ont l’avantage d’avoir un très faible indice d’acidité, une solubilité dans des solvants organiques, et un moindre jaunissement. Dans notre cas, même si un jaunissement apparait, la perception de la couleur du comblement ne sera pas entravée grâce à la retouche sus-jacente. Il convient cependant de noter sa faible dureté et un risque de micro-fissuration292, bien que cette résine soit connue pour être la plus stable des résines naturelles. Francois Perego, Op. cit., p. 453. Ibid., p. 454. 286 Loc. cit. 287 Nicolas Villard, Etude colorimétrique et brillancemétrique comparative de trois vernis employés en restauration, Mémoire de fin d’études, Ecole de Condé, 2014, pp. 143-168. 288 Mathieu Thoury. Identification non-destructive des vernis des œuvres d’art par fluorescence UV, Université Pierre et Marie Curie - Paris VI, 2006, p.9. 289 Jean Petit, Jacques Roire, Henri Valot, Encyclopédie de la peinture…, Tome II, Erec, 2001, pp. 179-191. 290 Francois Perego, Op. cit., p. 254. 291 Jean Petit, et alii., Op. cit., Tome III, p. 415. 292 Nicolas Villard, Loc. cit., p. 150. 284 285
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251 La résine Dammar est insoluble dans l’eau, se dissout très bien dans l’alcool bouillant, dans l’alcool, et dans l’éther. Les restaurateurs de peinture la solubilisent dans l’essence de térébenthine ou dans le White Spirit. Son point de ramollissement se trouve entre 40 et 60°C selon les variétés, et son point de fusion est entre 105 et 190°C293. Le liant végétal de ces pâtes auto-durcissantes pourrait aussi être une gomme arabique. Découverte par les européens au XVème siècle, elle était utilisée déjà par les Egyptiens : elle aurait servi dès 2650 avant J.-C., sous le nom de kami294, à la cohésion des bandages de momies295. Cette gomme est d’origine végétale, c’est la sève solidifiée de l’acacia, essentiellement celui du Sénégal (plus de 100 000 tonnes produites par an au Sénégal296), même si près de 900 espèces sont susceptibles d’en fournir 297. C’est un glucide naturel se présentant sous forme de mélanges de sels de potassium, magnésium, et calcium, entièrement soluble dans l'eau et insoluble dans l'alcool298. C’est un produit neutre, ou très légèrement acide299. On la trouve aujourd’hui dans toutes les peintures gouaches et aquarelles, elle serait la plus ancienne et la plus connue300. Elle est commercialisée en poudre ou en cristaux, de couleur jaune-blanchâtre voire brunâtre, et est inodore. Des tests de vieillissement ont été réalisés par une étudiante de l’Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc à Liège301, concluant que cette gomme arabique se dégradait peu avec le temps. Sa structure chimique macromolécule polysaccaridique fortement ramifiée302 est stable, surtout à la lumière, ce qui limite sa dégradation. Elle ne peut s’altérer qu’en milieu acide et oxydant – à cause des protéines dues à son origine végétale303. Une conservation dans les conditions hygrométriques optimales, empêche la prolifération de micro-organismes : « la gomme arabique peut traverser des siècles sans perdre sa réversibilité »304. La gomme adragante est aussi un liant d’origine végétale, provenant d’arbrisseaux épineux (fabacées)305 de différentes espèces, répandus en Asie Mineure, Syrie, Liban, Irak, Turquie, Grèce, … La gomme s’accumule naturellement dans les tiges, et est extraite grâce à une incision libérant une substance visqueuse 306. Cette gomme est principalement composée de polysaccharides : 20 à 30% de tragacanthine, 60 à 70% de bassorine, 1 à 3% d’amidon, 1 à 4% de cellulose, 3 à 4% de composés minéraux (cendres), 2 à 3% d’acides volatils. Elle contient aussi 12 à 15% d’eau307. La gomme adragante est connue sous forme de morceaux translucides à opaques, insolubles dans les solvants organiques, et absorbe jusqu’à 50 fois son poids d’eau pour former un gel308. Elle est utilisée en restauration de peinture sous forme de vernis.
François Perego, Op. cit., p. 255. Jean Petit, et alii., Op. cit., Tome I, p. 252. 295 Source URL : http://www.alterafrica.com/gomme-arabique.htm. 296 Jean Petit, et alii, Op. cit., Tome II, p. 349. 297 Ibid, p. 252. 298 Source URL : http://www.alterafrica.com/gomme-arabique.htm. 299 Jean Petit, Jacques Roire, Henri Valot, Des liants et des couleurs…, Erec, 1997, p. 131. 300 Jean Petit, et alii, Op. cit., p. 252. 301 Cecilia Duminuco, « Étude et analyses des dégradations du manuscrit de Nizet », CeROArt, 2014. 302 Jean Petit, et alii, Op. cit., p. 252. 303 Guylaine Ruard, Restauration/dérestauration en peinture murale…, Université Pierre Mendès France, 2007. 304 Loc. cit. 305 François Perego, Op. cit., p. 332. 306 Loc. cit. 307 Ibid., p. 333. 308 Ibid., p. 334. 293 294
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252
ANNEXE XXV : Chromatogrammes d’analyse des gommes ou fibres végétales
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253
ANNEXE XXVI : Diffractogrammes de mise en évidence des charges minérales dans la pâte Si02
Si02
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254
ANNEXE XXVII : Diffractogrammes de mise en évidence des charges minérales dans les pâtes DAS et Giotto
Giotto
DAS
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255
ANNEXE XXVIII : Calculs des moyennes et erreurs pour les temps de séchage
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256
ANNEXE XXIX : Données temps de séchage (en heures)
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257
ANNEXE XXX : Données test de résistance aux chocs
Résistance aux chocs de la pâte Giotto (poids de la bille nécessaire à la rupture en grammes) Giotto
4,6
2,2
5,8
8,2
19,2
21
23
33,9
54,9
55,7
cassé à (poids)
x
x
x x x x x x x x x x
x x x x x x cassé cassé x x
x x cassé x x cassé
x cassé
cassé
55,7 54,9 33,9 54,9 55,7 33,9 23 23 33,9 33,9
Echantillon 1 Echantillon 2 Echantillon 3 Echantillon 4 Echantillon 5 Echantillon 6 Echantillon 7 Echantillon 8 Echantillon 9 Echantillon 10
cassé x
cassé
cassé cassé
Résistance aux chocs de la pâte DAS (poids de la bille nécessaire à la rupture en grammes) DAS Echantillon 1 Echantillon 2 Echantillon 3 Echantillon 4
15 x x x x
17 x x x x
18,3 casse x casse x
19,3 casse casse
casse à 18,3 19,3 18,3 19,3
Echantillon 5
x
x
x
casse
19,3
Résistance aux chocs de la pâte SiO2 (poids de la bille nécessaire à la rupture en grammes) Si02 Echantillon 1 Echantillon 2 Echantillon 3
8,8 x x
15 x x
17 x x x
18,3 cassé cassé cassé
19,3
20
casse à 18,3 18,3 18,3
Echantillon 4
x
x
x
x
x
cassé
20
Echantillon 5
x
x
x
cassé
18,3
Résistance aux chocs du plâtre Molda 3M (poids de la bille nécessaire à la rupture en grammes) Plâtre Echantillon 1 Echantillon 2 Echantillon 3 Echantillon 4 Echantillon 5
2,2 x x x x x
2,3 cassé cassé x x x
2,5
cassé cassé cassé
Louise Milan – Etude et restauration d’une jarre islamique – Ecole de Condé
– Promotion 2016
258
ANNEXE XXXI : Calculs des moyennes et erreurs de résistance aux chocs
Moyenne GIOTTO Variance Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
Moyenne SIO2 Variance Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
44,6 130,9 11,4 8,1 18,1%
18,6 0,6 0,8 0,9 3,6%
Moyenne DAS Variance Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
Moyenne Variance Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative
Louise Milan – Etude et restauration d’une jarre islamique – Ecole de Condé
18,9 0,3 0,5 0,5 2,6%
2,4 0,01 0,1 0,1 4%
– Promotion 2016