ECOLES DE CONDE Formation Restaurateur du Patrimoine - Niveau II
MEMOIRE DE FIN D’ETUDES Conservation Restauration Papier
Plan de la forêt de Montauban-de-Bretagne : Conservation-Restauration d’un plan topographique datant de la seconde moitié du XVIIIe siècle Sujet technico-scientifique : étude sur l’efficacité du cyclododécane en tant que fixatif temporaire de la technique graphique sur les documents papiers
Sonia OZANNE Spécialité Papier Promotion 2011
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Page de remerciements Tout au long de ces deux années passées à travailler sur ce mémoire, de nombreuses personnes m’ont apporté leur soutien et leur concours, je tenais donc à les remercier chaleureusement. Tout d’abord, je voulais remercier Mme Ontrup, la propriétaire de l’œuvre, ainsi que Gabriela Lamy, pour m’avoir accordé leur confiance, et pour m’avoir donné la possibilité de travailler sur un document aussi intéressant. Je voulais aussi les remercier de m’avoir offert l’hospitalité au sein du château de Montauban-de-Bretagne à maintes reprises et pour leur aide dans mes recherches. Mes remerciements vont vers mes professeurs de l’école de Condé, qui m’ont suivie tout au long de ces deux années et m’ont transmis leurs connaissances et répondu à toutes mes questions. Je tenais aussi à remercier Mr Nouaille, professeur de restauration peinture à l’école de Condé pour ses conseils et Pierre Froissac, menuisier, pour la fabrication du châssis. Cette restauration n’aurait pas été possible sans les conseils avisés de mes maîtres de stages ; c’est donc pour cette raison que je tiens tout particulièrement à remercier Alain Roger, chef des travaux d’arts du Département de restauration des Grands formats à la BnF, ainsi que son équipe ; Cédric Lelièvre, restaurateur privé, Mireille Porterie et Michelle Rome ; et enfin Karin Scheper, responsable de l’atelier de restauration de la Bibliothèque Universitaire de Leyde, et son équipe. Grâce à ce mémoire, j’ai eu la chance de rencontrer un certain nombre de professionnels spécialisés dans différents domaines qui ont eu la gentillesse de m’accorder de leur temps et de m’aider dans mes recherches. Merci à André Corre, archéologue, qui m’a initiée à la prospection de terrain au cœur même de la forêt de Montauban, à Philippe Guigon, historien, qui m’a emmené en avion pour un survol de la forêt, Jérôme Buridant, professeur et historien des forêts pour ses explications précieuses, Gaël Mesnage, bibliothécaire au département des Cartes et Plans de la BnF, pour son assistance dans la documentation. Bien évidemment, mes remerciements vont à tous les élèves de Condé ayant eu la bonté de m’aider à la manipulation du plan, qui sans eux n’aurait pas été possible, en particulier, merci à Véronique, Sandy, Sophie, et Barbara. Bien sûr je remercie mes parents et ma famille, pour leur soutien mais surtout pour m’avoir donné la possibilité de réaliser ces études, et enfin, Mathias et Adrien pour leur patience et leur relecture. 3
FICHE D’IDENTIFICATION
Titre ou désignation de l’œuvre : « Plan de la Forest de Mautauban » Sujet technico-scientifique : Etude sur l’efficacité du cyclododécane en tant que fixatif temporaire de la technique graphique sur les documents papiers .
Nature du document Document topographique
Renseignements relatifs à l’objet Nom de l’auteur : inconnu Epoque : deuxième moitié du XVIIIème siècle. Provenance de l’objet : Fonds du Château de Montauban de Bretagne (Ille-et-Vilaine). Dimensions : Avec la toile : L. 190cm ; H. 113cm. Sans la toile : H. 93cm; L. 183cm. Inscription(s) particulière(s) : titre figurant sur le plan, centré : «Plan de la Forest de Mautauban/ [Offer]t A son Altesse Serenissime Monseigneur le Prince de Gemenée/ Duc de Montbazon Pair de France Comte de Mautauban/ …marquées les pièces de terres rivraine(s) qui règlent ses limites…et …ceux des particuliers qui les possèdent…/elle contient…de Bretagne… cordes de pourtour, ou cinq…un dixième, et 1151 journal 9/4 de journal 4 cordes de…seigneurie.. ; de la dite forest… ». Nature de l’objet
Description – représentation : Au centre figure la forêt de Montauban-de-Bretagne entourée de ses terres et celles voisines. Sous la forêt figure le château de Montauban. Une légende indique à qui la carte était destinée : les Rohan Guéméné, propriétaire du domaine, ainsi qu’un texte décrivant la superficie de la forêt et sa composition. A droite de la légende est dessiné le blason des Rohan caractérisé par les 9 macles d’or et à gauche, la rose de vents indiquant le soleil au nord-ouest. Matériaux constitutifs : Papier chiffon vergé marouflé sur toile de lin. Technique(s) : Encres brunes, tracés à la plume et au pinceau et aquarelles de couleur. Montage : Le plan est un assemblage de 12 feuilles raboutées sur une largeur de 8mm. Des papiers de renforts ont été collés au dos du plan, l’ensemble est marouflé sur une toile de lin. 4
Photographie avant interventions
Photographie après interventions
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SOMMAIRE :
Page de remerciements ............................................................................................... 3 FICHE D’IDENTIFICATION .................................................................................... 4 Avant-propos ............................................................................................................ 11 Résumé introductif général ...................................................................................... 12 Introduction générale ................................................................................................ 14 ETUDE HISTORIQUE .......................................................................................................... 16 Introduction .............................................................................................................. 17 I.Première partie : étude historique ..................................................................................... 18 A.Les propriétaires du domaine de Montauban-de-Bretagne .......................................... 18 1.Localisation et histoire du château de Montauban-de-Bretagne .............................. 18 2.Origine des Rohan Guéméné..................................................................................... 19 3.Etude des différents titres .......................................................................................... 19 a.Prince de Guéméné ................................................................................................ 19 b.Duc de Montbazon ................................................................................................ 20 c.Pair de France ........................................................................................................ 20 d.Comte de Montauban ............................................................................................ 20 4.Etude du blason ......................................................................................................... 20 B.Les propriétaires au moment de l’élaboration du plan : éléments de datation ............. 21 1.Généalogie des Rohan Guéméné au XVIIIème siècle .............................................. 22 2.La faillite des Rohan Guéméné ................................................................................. 22 3.Les possibles destinataires ........................................................................................ 22 C.Les possessions des Rohan Guéméné ........................................................................... 23 1.L’aveu d’Anne de Rohan ........................................................................................... 23 2.Les différents domaines............................................................................................. 23 3.Le domaine direct ...................................................................................................... 24 II.Deuxième partie : étude iconographique ......................................................................... 25 A.La fonctionnalité du plan seigneurial .......................................................................... 25 1.Avant le cadastre, le plan terrier ................................................................................ 25 2.La « réaction féodale » .............................................................................................. 27 3.Description des éléments iconographiques ............................................................... 28 B.La carte en tant que plan de propriété ........................................................................... 29 1.Etude du sous-titre ..................................................................................................... 29 2.Les éléments topographiques .................................................................................... 30 a.La forêt .................................................................................................................. 30 b.Les châteaux .......................................................................................................... 30 c.Les villages ............................................................................................................ 31 d.Les routes .............................................................................................................. 32 e.Les parcelles cultivées ........................................................................................... 33 C.La carte en tant que plan de gestion ............................................................................. 34 1.Analyse de la seconde partie du sous-titre : les unités locales .................................. 34 2.L’aménagement de la forêt ........................................................................................ 35 a.Les délimitations ................................................................................................... 35 b.Le lettrage des parcelles ........................................................................................ 37 3.Les documents de renfort : le rôle économique de la forêt ....................................... 38 a.Des documents d’adjudication............................................................................... 39 b.Un vocabulaire spécifique ..................................................................................... 40 c.L’existence d’un plan figuratif............................................................................... 41 4.Une gestion rationnelle de la forêt ............................................................................ 42 III.Troisième partie : étude stylistique.................................................................................. 43 6
A.Le concepteur du plan : l’arpenteur .............................................................................. 43 B.Les étapes de réalisation ............................................................................................... 44 1.Relevé au sol ............................................................................................................. 44 2.Calculs d’angles ........................................................................................................ 45 3.Un plan d’une grande précision ................................................................................ 47 4.Le dessin élaboré à l’atelier ....................................................................................... 48 C.La codification topographique ...................................................................................... 49 1.Une composition soignée .......................................................................................... 49 2.L’utilisation de la couleur et le dessin ....................................................................... 50 3.Une représentation traditionnelle .............................................................................. 51 4.Un langage systématique ........................................................................................... 54 5.Une représentation moderne...................................................................................... 54 6.Une synthèse ............................................................................................................. 55 D.Hypothèses sur les étapes d’utilisation ......................................................................... 56 1.Un grand format ........................................................................................................ 56 2.Modes de conditionnement possibles ........................................................................ 57 3.Anciennes réparations ............................................................................................... 58 4.Hypothèses ................................................................................................................ 58 5.Une carte utile et précieuse ....................................................................................... 58 Conclusion ................................................................................................................ 60 PARTIE RESTAURATION .................................................................................................... 62 Introduction .............................................................................................................. 63 I.Constat d’état ..................................................................................................................... 64 A.Identification des matériaux ......................................................................................... 64 1.Identification du papier ............................................................................................. 64 a.Nature de la fibre et de l’encollage ........................................................................ 64 b.Relevé des filigranes ............................................................................................. 66 2.Identification de la technique graphique ................................................................... 68 3.Identification des éléments composant le montage ................................................... 68 B.Description des altérations............................................................................................ 71 1.Altération du support ................................................................................................. 71 a-Altérations de surface ............................................................................................ 71 b-Taches et auréoles ................................................................................................. 72 c-Déformations, plis et déchirures ........................................................................... 73 d-Lacunes ................................................................................................................. 74 2.Altérations de la technique graphique ....................................................................... 76 a-Atténuations du tracé ............................................................................................. 76 b-Brunissement et aspect de la technique graphique.............................................. 77 3.Altérations du montage ............................................................................................. 79 a-Décollement .......................................................................................................... 79 b-Anciennes réparations et état de la toile ............................................................... 80 II.Diagnostic ......................................................................................................................... 81 A.Explications des altérations .......................................................................................... 81 1.L’abandon du plan sous les combles du château ....................................................... 81 2.Les attaques biologiques ........................................................................................... 81 a-Les rongeurs et les insectes ................................................................................... 81 b-Les moisissures ..................................................................................................... 82 3.Altérations liées à la technique graphique ................................................................. 84 a-La couleur verte de la forêt ................................................................................... 84 b-Les encres brunes : encres métallogalliques ......................................................... 85 7
c-Affadissement et perte de la technique graphique ................................................ 86 4.Altérations liées au montage ..................................................................................... 87 5.Récapitulatif .............................................................................................................. 88 B.Objectifs de la restauration ........................................................................................... 88 III.Propositions de traitements ............................................................................................. 89 A.Tests préalables avant intervention ............................................................................... 89 1.Test du pH du papier et des encres ............................................................................ 89 2.Test de solubilité des couleurs et des encres ............................................................. 90 B.Propositions de traitements ........................................................................................... 91 1.Désentoilage .............................................................................................................. 91 2.Dépoussiérage ........................................................................................................... 91 3.Nettoyage du document et retrait des papiers de renfort ........................................... 92 4.Consolidations et renfort du document ..................................................................... 92 5.Retouche .................................................................................................................... 93 6.Montage ..................................................................................................................... 94 IV.Déroulement de l’intervention ......................................................................................... 95 A.Interventions à sec ........................................................................................................ 95 1.Désentoilage .............................................................................................................. 95 2.Dépoussiérage ........................................................................................................... 96 3.Gommage .................................................................................................................. 97 B.Intervention par voie humide ........................................................................................ 99 1.Décollement des documents de renfort ..................................................................... 99 2.Nettoyage aqueux et première remise à plat ........................................................... 103 C.Consolidation .............................................................................................................. 104 1.Premier doublage ..................................................................................................... 104 2.Second doublage ..................................................................................................... 105 3.Comblement des lacunes ......................................................................................... 109 D.Réencollage ................................................................................................................ 111 E.Retouche ..................................................................................................................... 112 F.Restauration des documents de renfort et des défaits.................................................. 116 1.Doublage et mise à plat des papiers de renfort et des défaits .................................. 116 2.Conditionnement des défaits et des papiers de renfort ........................................... 118 G.La conservation .......................................................................................................... 120 1.Fabrication du châssis de conservation et montage ................................................ 120 2.Transport de l’œuvre et recommandations de conservation .................................... 127 Conclusion .............................................................................................................. 128 PARTIE SCIENTIFIQUE .................................................................................................... 129 Introduction ............................................................................................................ 130 I.Protocole .......................................................................................................................... 132 A.Fabrication des échantillons ....................................................................................... 132 1.Choix des papiers .................................................................................................... 132 2.Choix de la technique graphique et mode d’application ......................................... 133 B.Modes d’application du cyclododécane ..................................................................... 133 C.Méthode d’évaluation ................................................................................................. 135 1.Fabrication d’une boite pour les prises photographiques ........................................ 135 2.Utilisation de l’histogramme ................................................................................... 136 3.Tests de la fiabilité du système photographique ...................................................... 137 II.Expériences ..................................................................................................................... 139 A.Papier Canson ............................................................................................................. 139 1.Echantillons témoin ................................................................................................. 139 8
a-Observation visuelle ............................................................................................ 139 b-Résultats et discussions : ..................................................................................... 140 2.Application du cyclododécane sur les deux faces plus tranches ............................. 142 a-Observation visuelle ............................................................................................ 142 b-Résultats et discussion ........................................................................................ 142 3.Application une face ................................................................................................ 144 a-Observation visuelle ............................................................................................ 144 b-Résultats et discussion ........................................................................................ 145 4.Deux faces sur le tracé, application large ................................................................ 147 a-Observation visuelle ............................................................................................ 147 b-Résultats et discussion ........................................................................................ 147 5.Deux faces, sur le tracé application fine ................................................................ 149 a-Observation visuelle ............................................................................................ 149 b-Résultats et discussion ........................................................................................ 150 B.Papier non encollé : le papier buvard ......................................................................... 152 1.Test témoin .............................................................................................................. 152 a-Observation visuelle ............................................................................................ 152 b-Résultats et discussion ........................................................................................ 153 2.Test avec application de cyclododécane sur les deux faces et tranches .................. 155 a-Observation visuelle ............................................................................................ 155 b-Résultats et discussion ........................................................................................ 156 3.Deux faces et tranches, avec application plus apport de chaleur supplémentaire ... 159 a-Observation visuelle ............................................................................................ 159 b-Résultats et discussion ........................................................................................ 159 4.Application large sur le tracé recto-verso avec apport de chaleur supplémentaire . 161 a-Observation visuelle ............................................................................................ 161 b-Résultats et discussion ........................................................................................ 162 III.Synthèse de l’expérimentation ....................................................................................... 164 Conclusion .............................................................................................................. 167 Conclusion générale ............................................................................................... 168 Bibliographie .......................................................................................................... 169 Table des illustrations ............................................................................................. 176 Annexes : ................................................................................................................ 182
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Avant-propos C’est lorsque la propriétaire de cette œuvre eut l’idée de la faire restaurer dans le cadre d’un projet de mémoire à l’Ecole de Condé que j’ai eu l’opportunité de me proposer pour ce travail. Pour moi, le choix de ce document en tant qu’objet de mémoire a été motivé par plusieurs facteurs. La première raison est qu’il s’agit d’un document topographique. De ce fait, il a la particularité d’être à mi-chemin entre un document historique, scientifique, et artistique : il apporte en effet une connaissance concernant un lieu à une époque donnée ; en outre il est la résultante de l’application des principes d’une science, la cartographie ; enfin, les techniques de sa réalisation sont celles du monde artistique, et en font un objet esthétique. Il apparaissait donc particulièrement intéressant de travailler sur un objet ayant des dimensions multiples, et ce d’autant plus que, découvert fortuitement dans une période récente, le document présentait au départ peu d’informations visibles, le rendant assez énigmatique. Le rendre à nouveau consultable contribuait aussi à la valorisation du patrimoine local, s’inscrivant ainsi dans le travail déjà réalisé par ses propriétaires, ce qui était très motivant. Travailler pour un particulier correspondait aussi à une mise en situation intéressante, permettant d’avoir un aperçu du métier de restaurateur face à des attentes spécifiques. Enfin, l’état de conservation très dégradé du document, ainsi que son grand format, présentait un défi en termes de restauration, qui permettait de mettre en pratique les enseignements appris au cours de la formation à l’école de Condé et des stages et rencontres effectués avec des professionnels, mais aussi de découvrir de nouvelles techniques et se confronter aux types de choix auxquels un restaurateur doit faire face. La restauration s’est inscrite suivant deux problématiques : la nécessité de sauver l’œuvre de manière à ce qu’elle puisse de nouveau être consultée et exposée, et le respect de son intégrité. Toute intervention de restauration entraîne une modification, quelle qu’elle soit, de la nature de l’objet. Cependant, le cas présent correspondait à une intervention de sauvetage. Aussi, un choix interventionniste, en l’occurrence indispensable, a été effectué pour cette restauration, tout en ayant la volonté de limiter au strict nécessaire les interventions en question.
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Résumé introductif général Le document sujet de l’étude historique et de la restauration est une carte topographique de la forêt de Montauban-de-Bretagne, datant du XVIIIème siècle. D’un format d’environ un mètre sur deux, elle était dans un état très dégradé. L’étude historique, qui s’est attachée à en éclaircir la nature et l’objet, a permis de comprendre que cette carte était destinée au seigneur local, issu de la famille Rohan-Guéméné, l’une des plus prestigieuses de la noblesse bretonne, et qu’elle représente l’ensemble des propriétés de cette famille dans la région. Avant la création du cadastre national en 1807, les plans correspondaient en effet à des initiatives locales, et au XVIIIème siècle leur multiplication s’explique aussi bien par les avancées scientifiques en matière de cartographie que par la volonté de la noblesse de faire rétablir ses droits et prérogatives anciens sur ses terres, notamment dans un but financier. Il s’agit en effet d’un plan de propriété doublé d’un plan de gestion de la forêt, qui par son contenu en bois devait jouer un rôle économique important pour les Rohan-Guéméné. Ceci est confirmé par le contenu de documents trouvés au dos du plan (lui servant de renfort), qui décrit une annonce de mise aux enchères du bois de la forêt en 1767. La carte est ainsi une bonne illustration de la gestion rigoureuse des forêts à cette époque. Enfin, sa fabrication était l’œuvre de l’arpenteur, métier qui prenait une dimension véritablement scientifique à cette époque. Son travail ici s’avère d’une grande précision. Ses choix de représentation topographique illustrent la double nature de la carte, principalement objet utilitaire, mais aussi objet esthétique. Un des derniers plans seigneuriaux, annonçant cependant, par sa rigueur, le cadastre à venir, ce document est le reflet de son époque.
De par son format et son état très dégradé, la restauration de la carte impliquait une opération de sauvetage. Un constat d’état détaillé a permis d’identifier des altérations nombreuses et variées. En ce qui concerne les altérations du support papier, on a d’abord observé une surface abrasée par la présence de poussière sur tout le document, des traces d’ancienne colle, diverses taches et auréoles, ainsi que de nombreux plis et déchirures, et des lacunes importantes, en particulier sur les parties latérales et sur tout le bas du plan. Ces dommages de surface ont entraîné une atténuation parfois très importante de la technique graphique, rendant ainsi beaucoup 11
d’informations illisibles. On a aussi observé un brunissement de cette même technique. Enfin, un décollement entre les différentes strates de papier a été constaté. La première explication de ces altérations tient au long abandon du document sous un tas de gravats. Les attaques biologiques, qu’elles soient le fait d’insectes et de rongeurs, ou des moisissures dont l’apparition a été favorisée par la poussière et l’humidité, ont été les plus néfastes. Cette même humidité est aussi à l’origine de l’oxydation des encres qui a provoqué l’affadissement de la technique graphique, et son brunissement. Le montage initial, très dégradé, ne remplissait plus son rôle. A la suite de tests, une intervention a été envisagée, l’objectif étant de trouver un juste milieu entre le sauvetage de l’œuvre et le respect de son intégrité. On a d’abord procédé à un désentoilage, un dépoussiérage, et un gommage, puis, en limitant au maximum l’apport humide, à un décollement des papiers de renfort et à un nettoyage et une remise à plat. Un premier doublage permettant sa manipulation a été suivi d’un second, suivant la technique du fond tendu, et d’un rentoilage. Enfin, après un réencollage et un travail de mise au ton destiné à rendre au document sa lisibilité, on a procédé à la fabrication d’un châssis à tension continue permettant sa bonne conservation dans le temps. La restauration, qui s’est souvent confrontée à des choix difficiles, a finalement tenu sa promesse de sauvetage. Enfin, la partie scientifique s’est attachée à vérifier l’efficacité du cyclododécane en tant que fixatif temporaire d’une technique graphique lors d’un traitement aqueux par immersion. Pour ce faire, le protocole mis en place a consisté en la fabrication d’échantillons et à la réalisation d’un système de prise photographique. Pour ne pas se contenter de l’observation visuelle, des histogrammes représentant les pixels des photographies, classés selon leurs valeurs allant du noir au blanc ont été utilisés et étudiés, permettant une objectivation des résultats. Ensuite, les expériences ont été effectuées sur des échantillons, en faisant varier d’une part le type de papier, et d’autre part le mode d’application du cyclododécane. Finalement, on a procédé à une synthèse des résultats, pour arriver à une meilleure connaissance de la manière dont le cyclododécane peut être utilisé en restauration.
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Introduction générale Ce présent mémoire porte sur l’étude et la restauration d’un plan topographique privé, intitulé Plan de la Forest de Mautauban, datant du XVIIIème siècle, et provenant du château de Montauban-de-Bretagne, en Ille-et-Vilaine. Il s’articulera en trois parties. La première se focalisera sur l’aspect historique de l’œuvre sujet de notre étude, afin de tenter d’apporter des réponses concernant ses origines, sa nature et son utilisation. Cette partie s’attachera à remettre le document dans le contexte historique de son époque, puis à étudier les éléments le composant afin de mieux appréhender les objectifs ayant motivé sa conception ainsi que la manière dont il pouvait être utilisé au XVIIIème siècle, et enfin à préciser de quelle manière il était conçu. La seconde partie sera axée sur le sauvetage de l’œuvre. Elle s’appuiera sur une étude technique, puis sur la description des altérations subies, ainsi que les causes probables qui ont amené l’œuvre à son état actuel. Ensuite, cette partie continuera par l’explication des choix de restauration en fonction des objectifs poursuivis, puis décrira les interventions effectuées sur le plan. Enfin, la troisième partie de ce mémoire concernera l’étude scientifique, dont le choix s’est porté sur l’efficacité d’un fixatif temporaire, le cyclododécane, dans le cadre d’interventions par voie humide des documents à technique graphique sensible à l’eau. Elle se déroulera suivant une série d’expériences. Le choix de ce sujet, bien que n’ayant pas de rapport direct avec l’œuvre, a été motivé par des questionnements rencontrés au cours de son examen.
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ETUDE HISTORIQUE
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Introduction Ce document, mis au jour en 1987 dans les combles du château de Montauban-deBretagne, par la famille Ontrup, actuelle propriétaire du château, représente une véritable découverte historique pour le lieu concerné. Il s’agit d’un plan de la forêt de Montauban datant du XVIIIème siècle, époque à laquelle les terres en question faisaient partie des possessions des Rohan-Guéméné, une des plus anciennes et des plus puissantes familles nobles de Bretagne. De par le caractère unique du document et les informations qu’il fournit quant à l’Histoire locale, sa restauration s’inscrit aujourd’hui pour les propriétaires du château dans une démarche de valorisation de ce patrimoine. Trouvé dans un état assez délabré sous un tas de gravats, sans équivalent véritable, ce document présente la particularité d’offrir très peu d’informations immédiates ou certaines en raison de son état lacunaire. Il n’est ainsi pas daté avec précision, sa nature n’est pas explicitée, pas plus que son utilité. Si des recherches ont bien sûr pu permettre d’échafauder des théories souvent simplement logiques et semble-t-il solides sur ces points, ces dites théories garderont en tout état de cause un caractère très spéculatif, et resteront donc susceptibles d’ajustements ou de corrections possibles dans le futur. On aura donc comme objectif, dans cette première partie, d’éclaircir la nature à priori obscure de ce document, et de l’inscrire dans un contexte historique, en utilisant, directement ou indirectement, tout ce qu’il est susceptible de nous apprendre, afin d’arriver, par déductions et recoupements, à le connaître le mieux possible. Du fait des particularités ici rencontrées, cette partie historique sera sur bien des points semblable à un travail d’enquête. Dans un premier temps, on s’intéressera au contexte historique général, notamment à travers l’histoire de la famille du destinataire du document à l’époque de sa création, ce qui nous aidera à mieux comprendre les raisons de son existence et son utilité possible. Ensuite, on s’intéressera plus spécifiquement à la nature du document lui-même, à savoir ce qu’il représente exactement, les informations qu’il contient et ce qu’elles signifient, mais aussi où il s’inscrit dans la typologie historique des plans et cartes, ce qui nous permettra d’approfondir les questions qui se posent à son sujet et d’apporter des réponses possibles. Enfin, on se focalisera sur l’aspect technique de sa réalisation, notamment dans ses spécificités liées à l’époque de sa conception, afin de mieux appréhender le type et la qualité du travail en question.
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I.
Première partie : étude historique A. Les propriétaires du domaine de Montauban-de-Bretagne L'élément le plus immédiat dont nous disposons au sujet de ce document est son titre : Plan de la Forêt de Mautauban, suivi d'un sous-titre : Offert à son Altesse Sérénissime Monseigneur le Prince de Guéméné, Duc de Montbazon, Pair de France, Comte de Mautauban. (fig.1)
Figure 1 : détail du titre du plan de la forêt de Montauban-de-Bretagne.
1. Localisation et histoire du château de Montauban-de-Bretagne
Située dans le nord du département de l'Illeet-Vilaine, la forêt de Montauban est le lieu d'une ancienne carrière de calcaire coquiller exploitée autrefois par les Gallo-Romains, ce qui explique son origine étymologique (Montem Albanum : "colline blanche")1. Le château, qui daterait (dans sa première mouture) du XIIème siècle, fut le premier à prendre ce nom, suivi au XIVème siècle Figure 2 : photo aérienne du château de Montaubanpar la commune avoisinante de Saint-Eloi, depuis
de-Bretagne. (Photo de l’auteur).
nommée Montauban-de-Bretagne2. C'est également à l'occasion de l'érection de ce château que les seigneurs locaux (issus de la baronnie de Montfort) prennent le nom de Montauban.
1 2
http://www.infobretagne.com/montauban-de-bretagne.htm, site consulté le 17 décembre 2009. Idem
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Parmi ces seigneurs, Guillaume de Montauban, à l'origine de la construction du château actuel, en 14303. (fig.2)
2. Origine des Rohan Guéméné En 1443, Marie de Montauban épouse Louis Ier de Rohan, Sire de Guéméné. Leur fils ainé Louis II de Rohan devient seigneur de Montauban. Dès lors les Rohan-Guéméné règnent sur Montauban jusqu'à la fin de l'Ancien Régime4. La Maison de Rohan, illustre famille princière, était l'une des plus puissantes du Duché de Bretagne, et marqua même l'Histoire de France. Les Rohan, descendants des vicomtes de Porhoët (Josselin de Porhoët participa à la bataille d'Hastings en 1066 aux côtés de Guillaume le Conquérant) furent alliés plusieurs fois à la famille ducale bretonne5.
3. Etude des différents titres Comme le titre du document nous l'indique, le plan aurait été réalisé pour le propriétaire des lieux ("offert à"), le Seigneur de Montauban, héritier des Rohan-Guéméné à l'époque de sa réalisation. Son nom n'est pas précisé ici, seuls ses titres de noblesse sont spécifiés. Nous allons maintenant nous attarder sur chacun de ces titres, leurs origines et leurs significations.
a. Prince de Guéméné Le fief de Guéméné, dans le Morbihan, fut acheté par les Rohan en 1377, puis érigé en seigneurie par Charles IX en 1570, qui donna à cette occasion, par lettres patentes, ce titre à Louis VI de Rohan-Guéméné (1540-1611). L'acquisition de ce fief est à l'origine de la création de la branche Rohan-Guéméné au sein de la Maison de Rohan. Tous les aînés Rohan descendants de Louis VI, notamment ceux contemporains du document, possédaient ce titre6.
3
MAUNY, Michel (de). Le château et les seigneurs de Montauban-de-Bretagne, chez l’auteur, 1969, p.10, 51. Plus précisément jusqu’à la faillite de la famille en 1782. 5 http://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_de_Rohan, site consulté le 24 janvier 2009. 6 MARTIN, Georges. Histoire et généalogie de la maison de Rohan., chez l’auteur, 1998, p.14. 4
17
b. Duc de Montbazon D'abord érigé en comté en 1547 par Henri II, puis en duché-pairie par Henri III en 1588, et confirmé par Henri IV en 1594, le duché de Montbazon est une ancienne seigneurie de Touraine. Il s'agit du titre le plus élevé attribué ici, à l'ainé de la famille de Rohan-Guéméné vivant à ce moment-là7.
c. Pair de France Ce titre apparaît lorsque Montbazon est érigé en duché-pairie (1588), soit au même moment que le titre de Duc de Montbazon. Autrefois d'une importance fondamentale dans l'établissement de la succession royale, le titre de Pair de France n'est plus que cérémoniel à cette époque. Il n'était cependant attribué qu'aux nobles les plus importants du Royaume8.
d. Comte de Montauban Le titre seigneurial régional, dont on a vu précédemment qu'il était devenu l'apanage des Rohan-Guéméné au milieu du XVème siècle.
4. Etude du blason A droite du titre, on distingue un blason rehaussé à l'aquarelle. Les éléments le composant, comme nous allons le voir, nous apportent des informations supplémentaires quant à l'identité des propriétaires et leurs titres que nous venons de mentionner. (fig.3) Au centre, un médaillon ovale orné, à l'intérieur duquel se trouvent neuf losanges d'or sur fond rouge. Il s'agit du symbole habituel des armoiries des Rohan : de gueules à neuf mâcles d'or
9
, 'de gueules' signifiant, dans le langage
Figure 3 : détail du blason du plan représentant les armoiries des Rohan au 7 centre du médaillon. Idem, p.14. 8 http://fr.wikipedia.org/wiki/Pairie_de_France, site consulté le 24 janvier 2009. 9 MARTIN. Op. Cit. p.15.
18
héraldique, le fond rouge, et 'mâcles' correspondant aux losanges. La forme du médaillon correspond à l'écu ovale, qui serait d'origine italienne10. Le médaillon est situé à l'intérieur d'un manteau d'hermine moucheté plein symbolisant la Bretagne. L'ensemble est surmonté d'une couronne dorée à cinq branches, chacune des branches ayant la forme de fleurs à trois pétales. Dans son soubassement, la couronne est incrustée de pierres alternativement de formes rondes et losangées. On distingue la trace d'un bonnet audessus de la couronne. Comme on peut le constater (fig.4), il s'agit exactement de la représentation héraldique d'une couronne ducale, le bonnet symbolisant la pairie. Un temps limités au nombre de douze, les Pairs de France étaient probablement les grands électeurs du successeur du roi parmi les princes potentiels sous la monarchie franque
11
, ce qui
expliquerait l'utilisation de la couronne princière.
Figure 4 : représentation héraldique d’une couronne ducale, rehaussée du bonnet de la pairie. (Sources : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pairie_de_ France).
B. Les propriétaires au moment de l’élaboration du plan : éléments de datation Nous venons de le voir, certains éléments de datation ont commencé à apparaître. La dénomination de Duc de Montbazon et de Pair de France indique avec certitude que le document date d'après 1588. D'autre part l'utilisation de terminologies seigneuriales A Son Altesse Sérénissime (...) indique une époque qui ne peut aller au-delà de la fin de l'Ancien Régime. Comme nous le verrons par la suite, la présence de documents accolés au dos du plan en guise de papier de renfort et datant de 1767 12 , ainsi que plusieurs éléments de type iconographique, permettent d'affiner la datation comme se situant au cours du XVIIIème siècle.
10
MEDORI, Henri. Comment créer son blason. Vichy : AEDIS, 2001 Cf. note 8. 12 Les documents ont été à leur tour restaurés et conservés en tant que défaits, voir partie restauration p.114-117. 11
19
1. Généalogie des Rohan Guéméné au XVIIIème siècle Trois seigneurs successifs ont possédé, chacun en son temps, l'ensemble des titres mentionnés sur le plan au XVIIIème siècle : Hercule II Mériadec de Rohan-Guéméné (16881757), son fils Jules-Hercule Mériadec de Rohan-Guéméné (1726-1800), et Henri-LouisMarie de Rohan-Guéméné (1745-1809), fils du précédent. Le premier disposa des trois titres de 1725 à sa mort en 1757, le second de 1757 à 1788, année de sa démission, et le troisième à partir de 178813.
2. La faillite des Rohan Guéméné Ce dernier, Henri-Louis-Marie, d'après les éléments biographiques dont on dispose à son sujet, vivait principalement à Paris auprès de sa femme qui était la gouvernante des enfants du roi, et il resta surtout dans les souvenirs pour ses fêtes fastueuses14. Sachant cela, outre le fait qu'il n'hérita des titres déjà mentionnés qu'à la veille de la Révolution, il semble très improbable que ce document lui était destiné. Mais surtout, à cause de son grand train de vie, il fut le responsable de la faillite spectaculaire (33 millions de livres de dettes) qui frappa la famille en 1782 et qui fit grand bruit à l'époque15. Ladite faillite provoqua finalement le rachat par le roi de la majeure partie de la dette auprès des créanciers, ainsi que la mise sous tutelle des biens, mais aussi obligea Henri Louis Marie à se démettre de ses charges 16. On peut dès lors penser, de manière quasi-certaine, qu'Henri-Louis-Marie n'était pas le destinataire de ce plan.
3. Les possibles destinataires Son père et son grand-père restent les deux possibles destinataires (et commanditaires) du plan. Il est impossible de savoir lequel avec certitude. Le nom du destinataire spécifique a une importance relative, il suffit de savoir qu’il s’agit de la famille Rohan-Guéméné, et de quiconque au sein de celle-ci était en charge de l’administration du domaine à ce moment-là. De plus, il est probable, comme nous le verrons d'ailleurs plus tard dans l’étude
13
LEVANTAL Christophe, Ducs et Pairs et duchés-pairies laïques à l’époque moderne (1519-1790), Paris Maisoneuve et Larose, 1996 p.770.Voir arbre généalogique en annexe p.182. 14 MAUNY, Op. cit. p.71-73. 15 Op. cit. p. 72. Elle était alors appelée la « sérénissime » banqueroute par le marquis de Villette. 16 Dans l’Arrêt du conseil d’état du Roi du 31 août 1786, document imprimé provenant du fond privé d’archive du château de Montauban.
20
iconographique et technique, que ce plan ait été utilisé sur plusieurs décennies, et même peutêtre sur les deux règnes successifs. On sait seulement, grâce à la présence des papiers de renforts, datés, que le document était au moins encore utilisé en 1767 ou après. La faillite familiale ayant provoqué la vente des terres concernées ici sous la Révolution (ces terres n’étant du coup pas considérées biens d’émigrés)17, il n’aurait pas pu être adressé aux Rohan-Guéméné après celle-ci. On en déduit donc aussi qu’il date d’avant cette période.
C. Les possessions des Rohan Guéméné 1. L’aveu d’Anne de Rohan Les Rohan-Guéméné étaient l'une des principales familles nobles de Bretagne. Leurs possessions et leurs prérogatives étaient vastes dans la région. On en trouve la description détaillée à la lecture d'un aveu fait au roi en 1681 par Anne de Rohan (veuve du prince de Guéméné)18.
2. Les différents domaines Classiquement pour un domaine seigneurial, ces possessions y sont classées en trois types 19:
Le domaine direct, soit la partie du domaine dont le seigneur se réserve la propriété et la jouissance immédiate, et où il fait encore valoir des prérogatives héritées du régime féodal.
Le fief direct, soit les pièces louées à des fermiers (« tenanciers »), lesquels devaient en échange verser des redevances et parfois aussi aider à l’exploitation du domaine direct (les « corvées »).
L’arrière-fief, soit les terres allouées aux vassaux nobles du seigneur, en échange d’obligations perpétuelles (dont le service militaire, l’ « ost »). Le vassal pouvait luimême avoir des tenanciers.
17
Archives du château de Montauban. MAUNY, Op. cit. p 25 19 LA BORDERIE (A. de). Origines de la seigneurie de Montauban et de ses seigneurs. Dans Bulletin et mémoires de la société archéologique d’Ille-et-Vilaine, tome XXVII, 1898, p.255-279. 18
21
3. Le domaine direct Pour ce qui est du domaine direct, outre le château de Montauban, l’aveu mentionne notamment la chapelle voisine, la ville de Montauban, quelques autres villages, ainsi que l'ensemble de la forêt, décrite avec précision en termes de contenance en bois 20 . Sont également décrits les droits de la famille (en particulier les rentes dues par les tenanciers) sur l’ensemble du fief, qui comprenait neuf paroisses. Au total, le domaine de Montauban, bien qu’inférieur aux plus puissantes baronnies bretonnes, faisait figure de grande seigneurie. Malgré le caractère lacunaire du document, sujet de notre étude, nous pouvons y observer une correspondance avec les éléments décrits dans cet aveu. Il semble donc probable que la fonction originelle de ce plan était lié à l'établissement de ces droits sur les terres concernées. Comme nous allons le voir à présent dans la deuxième partie de cette étude, il s'agissait certainement pour les Rohan-Guéméné d'obtenir une vision globale et précise de l'ensemble du domaine afin de déterminer exactement leurs ressources et prérogatives économiques.
20
Voir dans l’extrait de l’aveu de 1681 en annexes p.183-184.
22
II.
Deuxième partie : étude iconographique A. La fonctionnalité du plan seigneurial Sous le régime seigneurial, le seigneur est propriétaire de terres et de droits qui correspondent en particulier à la perception de différents types de redevances et taxes. Déterminer, avec le plus de précision possible, l’étendue et la nature des possessions d’un seigneur, revêt du coup une grande importance pour permettre la gestion et l’administration de ces biens, et aussi la répartition de la contribution foncière et fiscale. Ce qui nécessite notamment l’établissement de plans. Le titre nous l'indique : nous avons ici affaire à un plan seigneurial de forêt. Essayons de situer et de définir plus précisément le document en question.
1. Avant le cadastre, le plan terrier Deux types de définitions peuvent nous intéresser dans ce but : celle du cadastre, et celle du plan terrier. L’idée du cadastre, ensemble d’opérations destinées à déterminer la quantité et la qualité des propriétés foncières d’un pays, remonte à la plus haute Antiquité21. Le terme de cadastre est employé depuis le Moyen Age. Dans le but d’obtenir un système fiscal cohérent et régulier, plusieurs rois de France envisagèrent la création d’un cadastre régulier, mais se heurtèrent à des difficultés tant techniques que financières. La demande d’un véritable cadastre, pour mettre fin aux
injustices fiscales,
durera jusqu’à la Révolution, et ce n’est qu’après celle-ci, au début du Premier Empire, qu’il sera finalement institué, en 1807 : c’est le cadastre dit «napoléonien », unique et centralisé,
Figure 5 : Plan terrier manuscrit de Salles-d'Angles - PoitouCharentes de 1785. (Sources : www.Loeb-Laroque.com)
21
GRINEVALD, Paul-Marie. Histoire économique et financière de la France, le cadastre : guide des sources, 2007.
23
ancêtre direct du cadastre actuel. C’est le premier véritable cadastre en France22. Avant cette date, et donc notamment à la période à laquelle le document qui nous intéresse a été réalisé, toute tentative d’établissement de registre fiscal ou de plan correspondait à des initiatives locales de seigneurs régionaux (fig.5). N’étant pas soumis à des obligations définies par l’Etat, de tels documents varient énormément en termes de types et de qualités. Il s’agira principalement dans un premier temps de registres, qu’on appellera « censiers » ou « terriers », dont la mise à jour sera souvent longtemps négligée23. L’établissement de plans coûtant très cher, et étant difficile à réaliser techniquement, beaucoup de seigneurs peu fortunés semblent s’en être passés, et, surtout avant le XVIème siècle, on ne trouvera pas forcément de plans accompagnant les terriers24. Par la suite quelques plans commencent à apparaître, au début souvent très sommaires, peu rigoureux, et pas toujours explicites. Il n'est pas surprenant, dès lors, que les plans de la région antérieurs au cadastre soient rares : nous disposons bien de la Carte Générale de France de Cassini
25
Bretagne,
couvrant qui
est
évidemment d’une
la
précision
suffisante pour distinguer la forêt et le château de Montauban (fig.6). Mais sinon nous ne connaissons que peu de cartes représentant la localité avant 183526.
Les
plans
dits
« terriers »
sont
Figure 6 : détail de la section n°128 de la Carte générale de Cassini de Thury, levée entre 1782 et 1785 montrant la forêt de Montauban-de-Bretagne. (Sources : BnF, cotes GE FF18595 (128)).
spécifiques au régime seigneurial. Ils sont le fait d'un seigneur et servent un intérêt qui leur est propre : la gestion du domaine. Ils sont donc restreints à un domaine spécifique, et suivront les règles caractéristiques et traditionnelles du dit domaine. Cependant, un plan terrier désigne spécifiquement un plan associé à un terrier, or ici nous ne disposons pas de terrier, et rien n'indique qu'il en existait un accompagnant le plan. On parlera donc plutôt simplement de « plan seigneurial », soit un plan conçu à l'initiative d'un 22
MORNE, Pascale (Dir.), BODIN, Dominique, CHEREL, Michel, et al. Ages et Usage du Cadastre. Rennes : Service éducatif des Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2002, p.8 23 Direction des Archives de France, Espace français vision et aménagement, XVIe XIXe siècle, sept 1987 ; collaboration des éd. Quillet, 192p. 24 Idem 25 Carte générale de la France. 128, [Dinan]. N° 128. Feuille 175/ [établie sous la direction de César-François Cassini de Thury] www.gallica.bnf.fr, consulté le 4 septembre 2010. 26 Date à laquelle le cadastre couvrit la région de Montauban. L’ensemble des communes d’Ille-et-Vilaine sera couvert par le cadastre napoléonien entre 1808 et 1850.
24
seigneur. Nous pouvons émettre l'hypothèse que son utilité était sans doute proche de celle que pouvait avoir un plan terrier. Pour ce qui est des caractéristiques particulières du domaine seigneurial concerné, il s'agit ici principalement d'une forêt : on a donc affaire au genre particulier du plan de forêt. Comme nous le verrons par la suite, ce plan est d'une qualité de réalisation plutôt élevée, son coût fut certainement important et témoigne d’une volonté de la part des Rohan-Guéméné d’obtenir une carte précise et claire. En fait, dans la période précédant immédiatement le cadastre, des plans d'une telle qualité sont fréquents27.
2. La « réaction féodale » Depuis le Moyen Age les terres étaient de plus en plus morcelées en parcelles innombrables et en mutation permanente. Beaucoup de tenanciers étaient devenus les propriétaires effectifs de leurs terrains, et d’une manière générale la perception des redevances était devenue beaucoup plus difficile en l’absence de documents rigoureux et à jour. On assista alors au cours du XVIIIème siècle et jusqu’à la veille de la Révolution, à ce que l’on nomma la « réaction féodale »28, soit un mouvement qui avait pour but de rétablir les droits seigneuriaux anciens, et qui se traduisit par une volonté de gestion beaucoup plus rigoureuse des domaines, via notamment l’emploi de feudistes (juristes du droit féodal), pour mettre à jour les terriers, et d’arpenteurs, pour mesurer les terres de manière plus scientifique et rigoureuse. De nombreux seigneurs, en somme, anticipaient de peu la création du cadastre, à ceci près qu’ils le faisaient uniquement en rapport à leurs intérêts personnels29. Au vu de sa qualité, il est possible que le document que nous étudions s’inscrive dans ce contexte historique particulier.
27
DINET, Dominique, article « Cartes », dans Dictionnaire de l’Ancien Régime, BELY, Lucien (dir.), Paris, PUF, 1996, p.209-212. 28 GALLET, Jean, article « Seigneurie », dans Dictionnaire de l’Ancien Régime, BELY, Lucien (dir.), Paris, PUF, 1996, p. 1152. 29 MEYER, Jean. La noblesse bretonne au XVIIIe siècle. Paris, éd. Flammarion, 1972 ; BASTIER, Jean. La féodalité au siècle des Lumières dans la région de Toulouse (1730-1790), Paris, Bibliothèque Nationale, Commission d’Histoire économique et sociale de la Révolution Française, 1975.
25
3. Description des éléments iconographiques Nous avons ici affaire à un document dont l'état matériel est très dégradé et lacunaire. En particulier, la zone inférieure est manquante sur plusieurs centimètres, et le plan est également dégradé sur chacun de ses côtés. Ce qui est conservé est cependant suffisant pour procéder à une description des principaux éléments constitutifs du plan. Tout d'abord une bordure noire, à trois traits, lacunaire, qui encadre le plan. Un titre, centré, dans la partie supérieure, en trois parties, hiérarchisé par sa typographie. Dans la partie basse, de chaque côté, la trace, aujourd'hui illisible, de ce qui devait être la légende du plan. Le dessin de la forêt, sujet principal. Autour, la représentation de chemins, routes, bâtiments, et parcelles cultivées. Enfin, encadrant le titre, une rose des vents à gauche, et le blason des Rohan-Guéméné à droite. En partant de ces éléments, le document peut être envisagé comme ayant deux types de fonctions : il est à la fois un plan de propriété et un plan de gestion.
Rose des vents
Forêt
Titre
Légendes
Blason
Partie manquante du plan
Figure 7 : schématisation des différents éléments constitutifs du plan.
26
B. La carte en tant que plan de propriété
1. Etude du sous-titre
Tout d'abord, ce document correspond à un plan des terres et domaines des RohanGuéméné dans la région de Montauban. A ce sujet, il est intéressant de considérer le début du sous-titre en lettres minuscules. (fig.8)
Figure 8 : détail du sous-titre
Cette première partie du sous-titre est lacunaire, cependant on distingue en particulier deux extraits : (...) marquées les pièces de terres rivraine(s) qui règlent ses limites (...) et (...) ceux des particuliers qui les possèdent (...), ainsi que quelques autres mots. Comme on le voit, il est impossible de reconstituer la phrase entière, et donc d'en connaître le sens avec certitude. Ces éléments semblent cependant indiquer un rapport avec une surface, une propriété délimitée, et une référence à des locataires de terres agricoles. Nous pouvons supposer que cette phrase, qui devait servir à définir l'objectif poursuivi dans ce plan, décrivait les délimitations, peut-être du domaine seigneurial, peut-être de la forêt elle-même, et aussi notamment les parcelles occupées par des locataires. De tels éléments semblent effectivement pouvoir être mis en rapport avec un concept de propriété.
27
2. Les éléments topographiques Considérons maintenant les éléments topographiques représentés. a. La forêt C'est l'élément central autour duquel le plan est construit. Sa représentation est très en détails, nous verrons par la suite à quoi ceux-ci peuvent correspondre. (fig.9)
Figure 9 : détail montrant le dessin de la forêt de Montauban.
b. Les châteaux En premier lieu, le château de Montauban, soit l'élément de base classique d'un plan seigneurial. Situé au sud de la forêt, vers le centre du plan, sa représentation est suffisamment précise pour permettre de constater quelles parties du château actuel existaient déjà à l'époque.
Figure 10 : détail du château de Montauban représenté au centre du plan.
28
Figure 11 : détail du château du Lou-du-Lac représenté sur la partie droite du plan.
Deux autres châteaux sont représentés, notamment le château du Lou-du-Lac, à l'est de la forêt. (fig.11) c. Les villages Parmi les autres bâtiments que l'on peut distinguer, sont représentés des églises, un cimetière, et des habitations qui correspondent aux villages avoisinants : Gras-Buisson, vers le centre de la carte, Montreuil et le Haut Timbre, près de la forêt, le Bas-Jual, ...etc. (fig.12)
La ville de Montauban devait elle être représentée dans la partie basse manquante du plan.
Figure 12 : détail du plan montrant le village de Saint Mervon situé au nord de la forêt.
29
Route de Brest à Paris
Ville de Montauban
Château de Montauban
Figure 13 : extrait du cadastre napoléonien de 1835 (Archives départementales d’Ille-et-Vilaine).
d. Les routes Leurs noms sont indiqués sur la carte. Une des plus importantes, la route de Saint Brieuc, traverse le plan en diagonale dans sa partie gauche (fig.14) (elle figure d'ailleurs toujours sur le cadastre napoléonien sous le nom de Grand route de Brest à Paris, fig.13). D'autres routes et chemins, dont l'allée du château, bien visible, sont bordés par des arbres. Plusieurs d'entre elles traversent la forêt. Château de Montauban
Route de Saint Brieuc
Figure 14 : détail de la route principale de Saint Brieuc et du château de Montauban.
30
e. Les parcelles cultivées Elles encerclent et délimitent la forêt, ce qui nous renvoie vers ce qu'on a pu lire dans la première partie du sous-titre. Dépassant les 200, elles sont numérotées individuellement (fig.15). Comme nous l'avons vu, la légende est largement manquante et ce qu'il en reste est presque illisible. On peut émettre l'hypothèse qu'y figurait l'explication de ces numéros, numéros qui par ailleurs devaient renvoyer à d'autres documents 30. Quelques rares éléments que l’on peut distinguer dans la légende, comme nous le verrons par la suite, vont d’ailleurs dans ce sens.
Figure 15 : détail du plan représentant une route traversant la forêt ainsi que les parcelles numérotées qui la bordent.
Nous venons de voir précédemment que la correspondance est claire entre la liste des possessions des Rohan-Guéméné dans la région et les éléments topographiques représentés sur le plan. Nous avons bien affaire à un plan seigneurial, c’est-à-dire un plan limité à la représentation des possessions d’un seigneur particulier. La première utilité d’un tel document, pour les Rohan-Guéméné, devait donc être d’établir, avec la précision que permettaient les avancées scientifiques récentes, un plan de leur propriété. C’est la première définition que nous pouvons donner à ce document : un plan qui matérialise une propriété particulière et la sépare clairement des propriétés voisines.
30
Les cartes étaient généralement accompagnées de « répertoire des plan » ou étaient notés les numéros et noms des parcelles, leur nature, le nom des chef-lieux et des propriétaires ainsi que de « l’application des titres au plan » (Brunel et al, 1998, p.456).
31
C. La carte en tant que plan de gestion La principale caractéristique de la propriété décrite ici est qu’elle est constituée principalement d’une forêt, ainsi que l’indique le titre principal.
1. Analyse de la seconde partie du sous-titre : les unités locales La seconde partie du sous-titre est tout autant lacunaire que la première. On peut cependant la déchiffrer en partie. On lit : Elle contient…de Bretagne, puis plus loin : cordes de pourtour, ou cinq…un dixième, et 1151 journal 9/4 de journal 4 cordes de… . Par la suite on distingue notamment seigneurie ainsi que (…) de ladite forêt.
Figure 16 : détails de la seconde partie du sous-titre avec les deux termes : journal et cordes.
La première remarque que l’on peut faire est que cette seconde partie semble se référer à la forêt de Montauban. Le mot forêt lui-même apparaît, et on peut supposer que l’extrait « elle contient » se réfère à elle. Apparaît également un vocabulaire particulier avec les mots ‘cordes’ et ‘journal’, accompagnés de nombres et de fractions numériques. (fig.16) Sous l’Ancien Régime, le journal était l’unité de superficie la plus répandue. Cela correspondait à une quantité d’une surface exploitée (terre labourée, pré, bois…) qu’un homme ou une charrue pouvait travailler en une journée31. Le mot corde fait référence à la corde de bois, unité de mesure du bois déterminée par la longueur d’une corde entourant les morceaux de bois coupés à une longueur donnée32.
31
SABOT, Thierry. Les poids et mesures sous l’Ancien Régime. 2000, www.histoire-genealogie.com, site consulté le 30 avril 2010. 32 Idem
32
A cette époque, on avait souvent affaire à des unités de mesure locales, et c’est certainement aussi le cas ici, cette idée étant renforcée par la présence de l’extrait (…) de Bretagne. L’utilisation du mètre comme unité de mesure ne devient obligatoire qu’en 183733. Avant cette date, il n’y avait que des unités de mesure locales, ce qui nécessite aujourd’hui l’emploi d’une table de conversion. L’échelle, quoique manquante, a pu être reconstituée : 1/448534. Là aussi, ce type de mesure, sans rapport avec l’échelle correspondant à des mesures dites d’ordonnance (mesures royales pour les Eaux et Forêts), correspondrait à une initiative locale. Ces divers éléments, mesures du contenu d’une forêt, introduisent l’idée de gestion économique de la forêt, gestion spécifiquement seigneuriale, c’est-à-dire soumise à des règles purement locales.
2. L’aménagement de la forêt La représentation de la forêt sur le plan n’est pas anodine : elle est au contraire très précise, et la décrire et l’expliquer nécessite un vocabulaire technique spécifique à la gestion des forêts.
a. Les délimitations Les modes de gestion et d’aménagement de la forêt sont imposés à partir du XVIIème siècle : à la suite d’une ordonnance royale des Eaux et Forêts de 1669, les forêts devront être délimitées clairement35. Ces limites sont ensuite matérialisées sur le terrain par des bornes, puis par des fossés de propriété, d’1m60 de profondeur36. Plus tard, au XVIIIème siècle, les forêts devront être divisées en parcelles, les limites desquelles seront indiquées par des fossés de séparation du même type que ceux délimitant la forêt37.
33
La loi de du 4 juillet 1837 va permettre l’adoption exclusive du système métrique décimal.www.metrologiefrancaise.fr, site consulté le 30 avril 2010. 34 GUIGON, Philippe, LECROCQ Raymond, TURGIS Dominique. Les châteaux retrouvés du Lou-du-Lac. Extrait du bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, tome CVII, 2003, p.37. 35 DUVAL, Michel. En Bretagne : forêts seigneuriales et droits d’usage (XVIe-XVIIe siècles). Dans Annales. Economies, Sociétés, Civilisations. Volume 8, n°4, 1953, p.488. 36 Propos recueillis auprès de Jérôme BURIDANT, historien et maître de conférences à l’Université de Reims lors de sa conférence sur la Gestion sylvicole, cynégétique et paysages forestiers, XVIe-XVIIIe siècle, le 23 mars 2010 à l’Ecole nationale supérieure d’Architecture de Versailles. 37 Idem
33
On ne trouve pas de représentation de bornes sur le plan. Par contre, on distingue clairement trois fossés de séparation ainsi que des routes qui permettent de délimiter la forêt et les parcelles qui la composent. Ces fossés sont représentés sur la carte par des traits bruns, et légendés : fossé de séparation (fig.17).
Figure 17 : détail du plan de la forêt montrant un fossé de séparation
Une prospection récente sur le terrain a permis l’observation de ces fossés à la forme asymétrique particulière, qui existent encore aujourd’hui (fig.18). La présence de tels fossés, caractéristique du XVIIIème siècle, est un élément de datation important38.
Figure 18 : photo prise dans la forêt de Montauban montrant un ancien fossé de séparation. (Photo de l’auteur).
38
Idem, BURIDANT, 2010.
34
b. Le lettrage des parcelles Nous notons que ces fossés ont divisé la forêt en parcelles, chaque parcelle étant indiquée par une lettre majuscule rouge allant de A à R (se lisant de gauche à droite) (fig.19). Il s’agit d’un système de classement qui permettra la gestion du contenu de la forêt. Nous remarquons aussi la présence de lettres minuscules rouges, inscrites juste à l’extérieur de la forêt. La légende, largement manquante, conserve la trace de ces lettres rouges (majuscules et minuscules), mais ne nous permet pas d’en connaître la signification. On dispose cependant d’un élément concernant une lettre majuscule, qui est le mot « office » associé à la lettre E, élément sur lequel nous reviendrons par la suite (fig.20).
Figure19: détail du plan de la forêt : le lettrage en rouge (K) et (e).
Figure 20: vue de la légende avec la lettre majuscule E et le mot Office.
Elément unique sur la carte, une ligne noire est légendée ligne de coupe ou de séparation. Elle est tracée au milieu d’une des parcelles, la parcelle Q (fig.21). Cette ligne semble avoir été tracée a posteriori, car elle sépare une parcelle déjà nommée antérieurement, et renomme les deux parcelles nouvellement créées en S et T (soit les deux lettres à la suite, dans l’ordre alphabétique, des lettres utilisées précédemment pour nommer les parcelles). Ces deux lettres sont cette fois-ci écrites en brun.
35
Figure 21 : vue de la parcelle Q légendée : ligne de coupe de la séparation établie dans la ditte office ; a : lettre S ; b : lettre T
a
b
Un tel élément témoigne d’une évolution dans la gestion de la forêt après la création du plan, celui-ci étant modifié pour être mis à jour en temps voulu. Là encore, la fonction du document en tant que plan de gestion apparaît.
3. Les documents de renfort : le rôle économique de la forêt Nous avons donc pu observer précédemment un vocabulaire se rattachant à la gestion forestière : unités de surfaces, fossés de séparation, …etc. Maintenant il s’agit de savoir plus en détail de quelle manière était gérée la forêt de Montauban.
Accolés au plan et servant de papiers de renfort, ont été également découverts des documents datant de 1767. Initialement détériorés, et bien que conservant encore un caractère lacunaire, la restauration a permis d’en reconstituer le contenu, lequel concerne précisément l’administration de la forêt de Montauban à la date de 1767 (y figurent des termes tels que bois et forêts du comté de Montauban ), soit à une époque contemporaine de celle de la création du plan. Cette reconstitution du texte a permis de constater qu’il s’agit de plusieurs exemplaires d’un même document. (fig.22) 36
« Ceux qui voudront faire valoir la première coupe de bois taillis, et baliveaux anciens et nouveaux de la forest de Montauban en Bretagne appartenant à son altesse Monseigneur le Prince de Rohan, la ditte coupe contenant environ quatre-vingt quatre journaux soixante cordes à savoir la partie ou office de Fautegaret marquée R du plan figuratif de la forest contenant 44 journaux quarante cordes de la partie ou office du labour marquée Q dans le même plan contenant quarante journaux 20 cordes sont avertis de se trouver le mercredy dix huit novembre de la présente année 1767 en l’audience de la maitrise particulière des eaux bois et forests du conté de Montauban où l’adjudication s’en fera à éteinte de chandelle et au plus offrant et dernier à la diligence de Mr le procureur fiscal de la ditte juridiction par monsieur le … particulier en présence et au consentement de monsieur de la Vrillière du bois conseil de la ditte altesse Monseigneur le Prince de Rohan conformément aux conditions et plan figuratif déposé au greffe de la ditte juridiction de la maitrise particulière de Montauban par le dit Sieur procureur fiscal. Ce fera le même jour et de la même manière adjudication de vingt gros … d’arbres anciens chesnes et hestres plantés dans le pasty au levant du château de Montauban marqués du marteau de la même seigneurie. » Figure 22 : transcription du texte des documents de renfort.
a. Des documents d’adjudication Ces documents nous seront donc d’une grande utilité. Les renseignements qu’on y trouve sont les suivants. Ainsi que l’indique l’expression, présente sur les documents, d’adjudication…à éteinte de chandelle…au plus offrant et dernier, ces termes signifiant un type de mise aux enchères courant sous l’Ancien Régime, ces documents servaient en effet d’actes de publication d’adjudication de la vente de bois de coupe de la forêt, c’est-à-dire d’annonce de mise aux enchères publique de ce bois. Plus précisément, le texte repris sur chaque document nous apprend que cette mise aux enchères s’effectuait sous l’autorité de la maîtrise des Eaux, Bois et Forêts du comté de Montauban, que les seigneurs locaux y seraient représentés (par un dénommé Monsieur de la Vrillière), et que les parties (ou « offices ») mises en vente, décrites
37
en détails en termes de contenances en bois, portait le nom d’offices de « Fautegaret » et du « labour ». Nous disposons, ci-joint, d’un document plus tardif (1828-1829), du même type, c’est-àdire l’annonce publique d’une vente aux enchères de bois de coupe39. Ces documents étaient courants, souvent fabriqués, comme dans le cas présent, en plusieurs exemplaires. Ceci laisse à penser qu’ils n’avaient pas de valeur propre particulière, ce qui expliquerait qu’ils aient pu être utilisés comme simples papiers de renfort.
b. Un vocabulaire spécifique Plusieurs éléments de vocabulaire spécifiques liés à la gestion de la forêt à cette époque apparaissent dans ces documents adjoints. Ainsi, le terme coupe de bois induit clairement une notion de transaction commerciale : on parle de bois de coupe quand il s’agit de le vendre40. L’expression marqués du marteau est quant à elle une référence à la manière dont étaient marqués, au XVIIème et au XVIIIème siècle, soit les arbres qui délimitaient les parcelles, soit les arbres réservés ou à abattre en vue d’une vente future41 (le cas le plus probable ici). Cette expression est réservée dans le cas présent aux chênes et hêtres situés près du château luimême. Le mot baliveau définit les arbres réservés lors de la coupe d’un taillis afin qu’il puisse devenir arbre de haute futaie (un taillis est un bois composé de branches de petit calibre, que l’on taille ou que l’on utilise souvent comme bois de chauffe ; futaie vient du mot fût, qui désigne le tronc de l’arbre)42, l’expression baliveaux anciens et nouveaux étant une indication précise de la manière dont était géré le bois de la forêt43. Il s'agit ici d'une gestion, typique pour l'époque, particulièrement artificielle d'une forêt : les types de bois décrits ici correspondent à des rotations purement décidées par l'homme, pour des raisons économiques, le but étant de créer des types d'arbres à des fins d'utilisations différentes en sélectionnant également les essences pour obtenir un bois de la qualité voulue
39
Voir en annexe p.189, Archives privées. Propos recueillis auprès de Jérôme Buridant. 41 On utilisait le marteau avant qu’apparaisse le système de marquage par bornes ; or ici on ne trouve pas de bornes, ce qui explique l’utilisation de marteaux. 42 GADANT et al. L’atlas des forêts de France. Paris, éd. Jean-Pierre de Monza, 2002, p.146-147 43 Idem p. 148. 40
38
et répondre à une demande spécifique. Ainsi nous voyons dans le cas présent que la forêt était gérée en taillis sous futaie44. (fig.23)
Futaie
A=Age du taillis Baliveau Age=A
Bi-ancien Age=4A
Moderne Age=2A
Ancien Age=3A
Figure 23 : schéma d’un taillis sous futaie. (Dessin d’après un schéma de Bruno Grange).
c. L’existence d’un plan figuratif Sur les documents on retrouve également mentionnée deux fois l’expression plan figuratif, et même une fois plan figuratif déposé au greffe de la maîtrise particulière des Eaux Bois et Forêts. D’autres documents de même nature 45 (adjudication de vente de bois), et qui concernent aussi la forêt de Montauban (mais légèrement plus récents puisque datant de la période de la Révolution), font également mention d’un plan figuratif. Ces documents nous apprennent donc l’existence d’un plan figuratif dont l’utilité est liée à la gestion économique de la forêt, en l’occurrence à une vente de bois. D’autre part, il est mentionné sur les documents que les parties de la forêt mises en vente étaient marquées par des lettres (R et probablement Q). Nous remarquons bien sûr la concordance avec les lettres de marquage de parcelles de forêt présentes sur le plan objet de notre étude. Ces éléments nous permettent de supposer fortement que le document dont nous disposons est le même que celui décrit ici, ou un autre exemplaire s’il en existait plusieurs. Celui mentionné ici avait à l’époque, ainsi que nous l’indique le texte des documents de renfort, été déposé au greffe de la maîtrise particulière de Montauban.
44
Conduite des taillis sous futaies : La conduite de ces peuplements est assez simple. Il s'agit de procéder à une coupe presque rase du taillis tous les 20 à 30 ans. (…) Cette durée, appelée rotation, varie principalement en fonction des essences composant le peuplement, de la station, et du diamètre des arbres que l'on veut exploiter. Tous les autres arbres seront coupés et commercialisés. On réservera aussi des brins de taillis (futaie sur souche) ou on procèdera à une plantation de grands plants (âge inférieur et problèmes de concurrence avec le taillis)(…) www.bruno.grange.free.fr, site consulté le 18 juillet 2011. 45 Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, cote : 5B 346-350.
39
4. Une gestion rationnelle de la forêt Ces documents adjoints nous auront donc permis, à travers notamment l’utilisation d’un vocabulaire spécifique, de comprendre comment la forêt de Montauban était gérée au XVIIIème siècle : le bois qui la composait était destiné à la vente, que ce soit sous forme de bois de chauffage (taillis) ou de bois de construction (baliveaux anciens). Ce bois était vendu aux enchères : on sait par exemple que les Forges de Paimpont faisaient partie des acquéreurs46. La forêt jouait donc un rôle essentiellement économique pour ses propriétaires. Autrefois espaces sans maîtres, les forêts étaient devenus depuis le Moyen-âge des lieux organisés rationnellement : la création du département des Eaux et Forêts en 1318, puis la réforme de 1669 qui crée un code forestier, font des forêts des lieux véritablement réglementés, où la propriété est respectée, et la production forestière pérennisée47. Grâce à cette rationalisation de l’espace forestier, pour les Rohan-Guéméné la forêt de Montauban était devenue une véritable source de revenus, probablement importante. Ces documents, ainsi que le plan, nous montre aussi que nous sommes face à un type de gestion classique pour l'époque : loin d'une forêt qui se développerait naturellement, nous avons ici l'exemple flagrant d'un espace artificiel contrôlé par la main de l'homme à des fins purement économiques. Comme nous l’avons vu, tout semble indiquer que le plan dont nous disposons servait notamment à accompagner la vente du bois. Il s’agissait, ainsi qu’il est mentionné dans les documents adjoints, d’un plan figuratif, c’est-à-dire un plan illustrant la composition en parcelles du bois qui allait être vendu. Nous sommes donc en présence d’un document dont la fonction principale n’est pas esthétique, mais bien utilitaire. L’importance économique de la forêt pour les propriétaires justifiait l’investissement dans la création d’un tel plan, et induisait aussi une qualité de plan suffisamment élevée. Comme nous allons le voir maintenant, afin d’obtenir de tels critères de qualité, des procédés techniques particuliers s’imposaient.
46 47
D’après les propriétaires actuels du plan. http://www.forges-de-paimpont.eu, site consulté le 03 mars 2011. DUVAL Op.cit, p.487.
40
III.
Troisième partie : étude stylistique A. Le concepteur du plan : l’arpenteur L’opération de mesure des terres nécessite un personnel qualifié. L’arpenteur est celui qui mesure les dimensions réelles d’un terrain, et qui les reporte éventuellement sur un plan à une échelle donnée. Si la fonction d’arpenteur existe depuis l’Antiquité, sous l’Ancien Régime celui-ci est encore plus un artisan qu’un géomètre ou un ingénieur : sa formation scientifique est limitée 48 . Souvent issu d’un milieu modeste, l’arpenteur était cependant un homme important (d’autant plus que les arpenteurs sont peu nombreux) : de son travail dépendaient de nombreux enjeux financiers ou juridiques49. Depuis un édit royal de 1575, la création d’un office d’arpenteur dépend d’ailleurs directement du Roi 50 . Au sein de la profession, l’arpenteur des Eaux et Forêts occupe une fonction spécifique : il est le seul habilité à mesurer les terres appartenant à l’aristocratie
51
. Chaque localité dispose d’un petit nombre
d’arpenteurs, chacun parcourant la campagne environnant le bourg où il a été affecté (on peut d'ailleurs remarquer l'orthographe inhabituelle de Montauban (« Mautauban ») dans le titre du document, ce qui pourrait indiquer aussi bien une faute, l’orthographe n’étant pas vraiment fixée sous l’Ancien Régime, qu'une méconnaissance de la localité, qui s'expliquerait par la provenance relativement lointaine de l'arpenteur) 52 .
Chaque arpenteur aura donc des
méthodes liées à des traditions régionales, notamment en termes d’échelles et de techniques de mesure. L’arpent, unité de mesure de surface (dont l’étymologie signifie la distance de portée d’une flèche) à l’origine du mot arpenteur, peut ainsi sous l’Ancien Régime voir sa valeur varier selon les régions : il représente entre 34 et 51 ares53. Les XVIIème et XVIIIème siècles sont marqués par la progression des idéaux rationalistes, et donc logiquement par la multiplication de l’établissement et l’usage de nombreux nouveaux plans54. Dès lors, au cours de cette période, et surtout à partir de l’ordonnance de 1702 qui 48
MIGNOT, Yorick. L‘utilisation du plan en justice au XVIIIe siècle, Annales de Bretagne et des Payes de l’Ouest (en ligne), 114-1, 2007, mis en ligne le 02 mars 2010, http://abpo.revues.org/591, consulté le 10 avril 2010. 49 Idem 50 Arch. dép. de la Sarthe, B 1, Recueil d’édits royaux sur la fonction d’arpenteur. 51 TOUZERY, Mireille, article « Arpenteur », dans Dictionnaire de l’Ancien Régime, BELY, Lucien (dir.), Paris, PUF, 1996, p.86. 52 MIGNOT Op.cit. p.8 53 http://www.histoire-genealogie.com/spip.php?article396, site consulté le 23 janvier 2011. 54 DINET, Dominique, article « Cartes », dans Dictionnaire de l’Ancien Régime, BELY, Lucien (dir.), Paris, PUF, 1996, p.211.
41
crée la fonction d’arpenteur-géomètre (ou arpenteur-juré), le métier commence à revêtir un caractère beaucoup plus sérieux et scientifique : disposant d’une formation désormais plus solide (maîtrise), quoique sommaire, dans les domaines scientifiques et techniques, l’arpenteur-juré est capable d’établir des plans de qualité (il est aussi habilité à le faire, ce que tous les arpenteurs n’étaient pas auparavant), et il utilisera donc, à la période qui nous intéresse, un mélange de techniques véritablement scientifiques et de méthodes plus anciennes ou héritées de traditions locales55.
B. Les étapes de réalisation Travaillant souvent en binômes, les arpenteurs sollicités ici ont donc dû dans en premier temps se rendre sur les lieux, où ils logeront quelques temps, et où ils effectueront une reconnaissance des éléments de base : quels sont les propriétaires et les occupants des terres concernées, quelle est la nature de la mission qui leur a été confiée (ici l’établissement d’un plan, mais parfois aussi le règlement de litiges), quelle sera leur rémunération. Ils établissent un procès-verbal résumant ces éléments. On ne dispose d’aucun détail quant au travail des arpenteurs pour le document qui nous intéresse, mais on peut se référer, par exemple, à un texte détaillé décrivant le travail d’arpenteurs contemporains dans la Sarthe qui eux aussi étaient missionnés pour effectuer un plan56.
1. Relevé au sol Ensuite ils procèdent au travail de mesure proprement dit. Ils utiliseront peut-être des méthodes régionales auxquelles ils sont habitués, et d’autre part pourront parfois devoir gérer des habitudes purement locales qu’ils devront prendre en compte57. Ici, par exemple, on a vu que la forêt avait été à un moment délimitée par un système de marquage au marteau (antérieur au système de bornage), il est possible que les arpenteurs aient dû se heurter à une telle particularité. Cependant, l’arpenteur a à sa disposition un certain nombre d’outils professionnels qui lui permettront d’effectuer un travail de précision.
55
TOUZERY, Mireille, Op.cit.p 86. MIGNOT, Op.Cit. p.10. 57 Ibid. p 11. 56
42
La plupart du temps, il utilisera notamment des jalons au sol, diversement colorés, une équerre d’arpenteur, une boussole forestière, une perche, une planchette, et une chaîne d’arpenteur (fig.24, 25 et 26)58.
Figure 24 : chaîne d’arpenteur (sources : http://le compendium.pagespersoorange.fr).
2. Calculs d’angles Pour effectuer les mesures des terrains il ne s’agit pas de se contenter de mesures au sol, il faut aussi utiliser des calculs d’angles qui compléteront l’utilisation des instruments. Ces calculs permettront d’une part un travail plus précis scientifiquement, et d’autre part la configuration du terrain oblige souvent l’arpenteur à y recourir : la topographie particulière des lieux le confrontera immanquablement, par exemple, à des dénivelés ou à des zones difficilement accessibles59.
Figure 25 : planche extraite de l’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Volume 37, de Denis Diderot, Jean le Rond d'Alembert montrant les différents instruments de l’arpenteur ainsi que les modes de relevés du terrain par trigonométrie.
58
PUISSANT, Louis. Traité de Topographie, d’arpentage, et de nivellement. Paris, Mme V. Courcier, 1820, p.205-213. 59 LACROIX, M. Nouveau manuel complet d’arpentage. Paris, Librairie encyclopédique de Roret, 1873, p. 2344 ; PUISSANT, Op.cit. p. 319-392.
43
Ainsi, quand le terrain est de forme irrégulière, l’arpenteur divisera la zone en question en des formes géométriques simples dont la superficie sera plus facile à calculer, la somme de ces superficies simples correspondant au bout du compte à la superficie totale à calculer. Quand une partie du terrain est inaccessible, il mesurera une figure géométrique simple similaire sur la partie accessible60.
Figure 26 : deuxième planche tirée de l’encyclopédie de Diderot montrant les instruments de l’arpenteur.
Pour résumer, dans un premier temps l’arpenteur effectuera un travail de bornage des lieux, soit à partir de bornes existantes, soit à partir de bornes qu’il placera lui-même. Ensuite il mesurera les terrains en traçant une ligne droite grâce à sa chaine. Puis en formant un polygone dont il mesurera les angles avec son équerre, il en déduira par calcul la superficie de la totalité du terrain concerné61.
Il lui faudra pour ce faire posséder des notions basiques de trigonométrie, ce qui nécessite une formation adéquate. On remarquera qu’à l’approche de la création du cadastre, l’élaboration d’un plan prend un caractère véritablement scientifique, ce qui implique que les arpenteurs commencent à acquérir des connaissances théoriques : ils ne sont certes pas des ingénieurs, mais bien des techniciens qui commencent à se rapprocher petit à petit du métier de géomètre62.
60
Ibid., PUISSANT, p.319-392. VASSEROT. Traité élémentaire du bornage. Paris, Librairie encyclopédique de Roret, 1873, p. 317-347. 62 TOUZERY, Op.cit., p.86. 61
44
3. Un plan d’une grande précision A l’époque qui concerne le document sujet de notre étude, la technique d’arpentage n’est pas encore uniformisée, et les plans datant de cette période sont de qualité variable en fonction du degré de rigueur technique des arpenteurs locaux. Une prospection sur le terrain a permis de constater qu’un fossé semblable aux fossés de séparation visible sur la carte du XVIIIème siècle entourait la forêt 63 (fig.27). A partir de cette constatation, on peut supposer que ce fossé est d’origine et délimite encore les contours actuels de la forêt. Aussi, cela permettrait de se faire une idée de la qualité du plan de la forêt de Montauban en le comparant à des plans actuels ainsi qu’à des images satellite64.
Figure 27 : photo du fossé entourant la forêt de Montauban-de-Bretagne. (Photo prise par l’auteur).
Grâce à un logiciel informatique65, il est simple de tracer les contours de la forêt (sur une carte actuelle et celle de l’époque) et de les superposer (fig.28). Malgré les marges d’erreur liées à divers facteurs (conditions physiques du plan ancien, réaménagement de la forêt au cours du temps, manque de précision de l’outil de mesure…), on constate une similitude évidente lors de cette superposition entre le dessin ancien de la forêt et le tracé actuel. On remarque cependant un léger décalage aux deux extrémités de la forêt.
63
Prospection réalisée avec André Corre, archéologue. Google Earth, voir video en annexe sur cdRom. 65 Adobe Photoshop CS5. 64
45
Cela indiquerait que le ou les arpenteurs en charge du plan aient eu recours aux techniques décrites précédemment : ce plan étant d’une très bonne précision, il s’inscrit clairement dans une démarche de rigueur scientifique liée à son époque.
Figure 28 : schéma montrant la superposition des contours de la forêt de Montauban-de-Bretagne sur une carte actuelle et celle du XVIIIe siècle.
4. Le dessin élaboré à l’atelier Lors de sa mission sur le terrain, il est évident que l’arpenteur ne peut emporter avec lui tout son matériel de dessin, d’autant plus que le plan à réaliser est d’un format imposant66. Sur les lieux, il se contentera donc d’effectuer des mesures, et probablement s’aidera de notes et de brouillons. Mais le travail véritable du dessin se fera dans son atelier. L’examen approfondi du plan a révélé la présence d’un trait de crayon à papier tracé à la règle, qui montre bien que l’arpenteur procéda dans un premier temps à un dessin de construction avant de poser la couleur et de tracer les contours à l’encre. On appelle cette opération canevas ou châssis 67. Mais avant de procéder au dessin, du fait du choix de l’échelle, l’arpenteur est face à une obligation d’obtenir un format de grande dimension. Ne disposant pas au départ de feuilles d’un tel format (en l’occurrence plus d’un mètre sur deux), il devra rabouter (coller les feuilles entre elles sur une largeur d’environ un centimètre) plusieurs papiers de format plus petit. L’observation sur table lumineuse a permis de découvrir à plusieurs reprises le même 66 67
MIGNOT. Op.cit. p. 8. DAINVILLE (de), François. Le Langage des Géographes. Paris, Picard, 1964, p.57.
46
filigrane IHS 68 , qui correspond au format de papier « Jésus », dont les dimensions correspondent à celles des feuilles de petit format69 (fig.29). C’est à ce moment que l’arpenteur procède au dessin lui-même. Comme nous allons le voir, la représentation des éléments figurés correspond à une codification particulière à l’époque.
Figure 29 : photo prise dur table lumineuse montrant l’un des filigranes IHS des papiers raboutés.
C. La codification topographique 1. Une composition soignée Le plan est délimité par une bordure noire à trois traits (hiérarchisés par épaisseur) de manière à cadrer le sujet représenté. Ce procédé est courant dans l’élaboration des cartes et plans, on le retrouve utilisé très fréquemment70 (fig.30). Ici la bordure encadre le sujet principal du plan, à savoir la forêt. La composition à l’intérieur de ce cadre est en effet centrée autour du dessin de la forêt. Audessus et au centre se trouve le titre. Placés symétriquement de chaque côté du titre, le blason
Figure 30 : plan de la forêt de Pacy et d’Hécourt de 1757, montrant le plan entouré d’une bordure noire. (Sources : Archives Nationales, cote : 273 AP 528).
(à droite), et la rose des vents (à gauche). La légende se trouve dans la partie inférieure de la carte, inscrite dans un cartouche symétrique (voir figure 7).
68
Voir partie restauration, p.64-65. Le format « Petit nom de Jésus » est : 408X297 mm. GAUDRIAUT, Raymond. Filigranes et autres caractéristiques des papiers fabriqués en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, CNRS éditions J. Telford, 1995, p.137. 70 DAINVILLE, Op.cit., p. 62-64. 69
47
Cette composition témoigne d’une volonté de lisibilité et de clarté, les éléments étant bien hiérarchisés et placés de manière symétrique, le sujet principal bien centré.
Une volonté esthétique est
également manifeste à travers le soin apporté aux divers éléments de la carte, on le remarque par exemple en observant le dessin de la rose des vents (fig.31). Cette dimension esthétique montre bien que nous avons affaire à un document de valeur pour les propriétaires,
qui
eux-mêmes
étaient
des
gens
Figure 31 : détail du plan montrant la rose des vents.
importants qui avaient investi dans sa conception, et qui avaient manifestement pour objectif de l’exposer. On peut remarquer cependant une simplicité dans la composition : il n’y a pas d’élément superflu, pas de décoration ni cartouche ornementé, seuls les éléments indispensables à la lecture et à sa compréhension sont ici représentés.
2. L’utilisation de la couleur et le dessin
Figure 32 : détail du plan du Front de Fortification réalisé pour l’Artillerie de Strasbourg. Les bâtiments sont représentés en rouge. (1755)
Figure 33 : détail de la Carte Topographique de la partie occidentale du Ban de Berg. (1716) (Sources : www.Loeb-Laroque.com)
Nous remarquons une palette de couleurs assez sommaire, mais cependant suffisante pour permettre la représentation lisible des divers éléments de la carte. La couleur verte permet de représenter la forêt et la végétation, le rouge est utilisé pour les bâtiments et le lettrage des parcelles, un lavis de sanguines pour les routes et les bordures, et enfin le noir pour le dessin 48
du contour des éléments, et le marron pour les écritures. Les couleurs ont été réalisées à l’aquarelle et les écritures à l’encre noire et brune. Il s'agit d'un type de représentation classique pour un plan de cette époque71 : cela peut être comparé à d'autres plans qui lui sont contemporains, comme le détail du plan dont le titre est : Plan du Front de Fortification construit à l’école Militaire établie pour l’Artillerie à Strasbourg et des attaques de ce front projettées pour l’instruction de cette école pendant la campagne 175572 (fig.32) ou de la carte topographique de la partie occidentale du Ban de Berg réalisée en 1716 (fig.33)73, qui tous deux utilisent les mêmes couleurs pour les mêmes éléments (le rouge pour les bâtiments par exemple) ... Cette codification des couleurs permettra donc une familiarité au moment de la lecture ainsi qu'une facile lisibilité. On remarquera cependant au vu du petit nombre de couleurs utilisées que le ou les auteurs ne cherchent pas à faire des fantaisies superflues : leur plan reste avant tout utilitaire. Une telle dichotomie entre des volontés utilitaire pour une part et de lisibilité (voire d'esthétisme) pour une autre part, se retrouve dans les divers aspects de représentation des éléments de la carte.
3. Une représentation traditionnelle D’abord, des choix de cartographie traditionnelle, où l'on cherchait avant tout, par l'utilisation du langage pictural, à obtenir un résultat qui ressemble à la réalité du terrain (fig.35 et 36). Ainsi, on remarque des effets de relief rendus par un dessin d'ombrage accompagnant divers éléments, ombrage orienté comme si la lumière venait du nord tel qu'il est indiqué par la rose des vents (fig.34). Figure 34 : détail des arbres situés dans la cour du château de Montauban : l’ombre portée des arbres est orientée Nord-Est. 71
DAINVILLE, Op.cit., p.329-334. Ce plan constitué d’un assemblage de plusieurs feuilles et faisant plusieurs mètres de long est conservé à la BnF au département des Cartes et Plans. Les photographies ont été prises au cours d’un stage à l’atelier de restauration. 73 METILLON, Jacques. Carte Topographique de la partie occidentale du Ban de Berg, de la seigneurie d'Hinguesange appartenant à Messire Bleicard Comte d'Helmestat (1716). 433x675mm. Plan terrier finement aquarellé à l'époque figurant une propriété située en Moselle, près de la ville de Vallerange. La carte dressée en 1716, est signée par Jacques Metillon Géomètre et arpenteur. 72
49
Cette manière de faire datait du XVIIème siècle74. Les ombres sont ainsi dessinées de manière systématique et sommaire. On retrouve cet ombrage dans la représentation des routes via une bordure en lavis brun sur l'un des côtés (fig.37). Pour ce qui est des chemins forestiers (qui servent à parceller la forêt), ce relief est rendu par l'utilisation d'un trait noir à l'encre plus appuyé sur un côté, et par un lavis gris longeant la bordure (fig.38). La même technique est utilisée pour la végétation dans la forêt : une touche de lavis en plus du dessin, qui accentue l'effet de relief, et donne une impression de volume et de densité. Enfin, pour ce qui est des arbres à l'extérieur de la forêt, on remarque (là où c'est encore visible) que le geste du tracé du dessin, fermé par un trait d'un côté, ouvert de l'autre, donne là aussi un effet de volume (fig.39). On retrouve même représentée l'ombre portée des arbres se situant dans la cour du château. Le dessin lui-même des éléments est effectué à la main, ce qui suggère un tracé relativement hétérogène. Ce procédé représente peut-être l'aspect le plus archaïque du document.
Figure 35 : Détail du Plan de fontaine Villiers Vérifié Conforme au procès Verbal Du 31 aoust 1651. On remarque la représentation des bâtiments en élévation. (Sources : www.Loeb-Laroque.com)
74
DAINVILLE, Op.cit., p.52.
Figure 36 : détail du plan du Front de Fortification réalisé pour l’Artillerie de Strasbourg (1755) : le dessin des arbres et des champs y apparait très réaliste.
50
Figure 37 : détail du plan montrant un chemin avec son ombre portée, donnant du relief au dessin.
Figure 38 : détail du plan montrant un chemin forestier ombré.
Figure 39 : détail des arbres situés à l’extérieur de la forêt.
51
4. Un langage systématique Ensuite, on remarque une représentation de type schématique d'un certain nombre d'éléments, qui seront donc différenciés par le dessin tout en étant figurés de façon systématique. On a affaire à une amorce de codification suivant un langage de type géographique 75 , c'est-à-dire qui tend vers une représentation plus abstraite : nous sommes ici en effet à mi-chemin entre le dessin et l'abstraction. On retrouve cette manière de procéder notamment dans la systématisation du dessin des arbres,
Figure 40 : détail du dessin des arbres de la forêt : le trait est fluide et systématique.
des routes, et des bâtiments autres qu'églises et châteaux : même si ces éléments sont dessinés à la main, le trait est rapide, sommaire, et toujours de même nature (fig.40).
5. Une représentation moderne Enfin, pour une partie de sa représentation topographique, le plan correspond véritablement aux notions de cartographie moderne : il est par plusieurs aspects un plan vraiment géographique. Ainsi, on remarque que les châteaux et les églises, plutôt que d'être représentés en élévation comme c'était souvent le cas dans les plans sous l'Ancien Régime76, sont ici figurés de manière purement architecturale, c'est-à-dire en plan (fig.41). Par exemple, le château de Montauban tel qu'il est représenté sur la carte, nous permet de distinguer avec précision les diverses parties qui le constituent : on distingue très bien ses douves (qui devaient d'ailleurs être colorées en bleu, ainsi qu'on peut le supposer au vu d'une légère trace grisâtre), ses différents bâtiments (tourelles ou donjons), sa passerelle d'entrée située entre deux portes,
Figure 41 : détail du plan montrant l’église de Montreuil représentée en plan
sa cour principale, ...etc. (fig.42). On distingue aussi plusieurs bâtiments dans l'immédiate proximité du château, dont une chapelle (ainsi 75 76
BERTHAUT, la carte de France, 1750-1898, Paris, 1898, t. I, p. 137 ; DAINVILLE, op.cit., introduction p. XI. DAINVILLE, Op.cit., p.328.
52
qu'indiqué sur la carte), disparue aujourd'hui, mais dont ce document, grâce à sa grande précision, pourrait permettre de localiser les ruines aujourd'hui.
Chapelle
Figure 42 : détail du château de Montauban.
On observe d'une manière générale une grande précision dans le dessin, une volonté manifeste de capter l'observation de la manière la plus rigoureuse possible, tout en conservant une sobriété dans le geste, une volonté d'éviter tout esthétisme superflu. Ce type de manière d'opérer et de considérer le travail de cartographie est d'une grande modernité et s'inscrit dans l'esprit de rigueur scientifique et de simplification lié à cette époque qui précède de peu l'apparition du cadastre77. Par sa précision le plan peut être comparé avec le premier cadastre de la région. (Voir figure 13).
6. Une synthèse Au total ce document fait la synthèse des informations voulues par les commanditaires et propriétaires des lieux. Ainsi que c'était la tradition jusqu'alors, le plan est lisible et compréhensible, il y a une volonté de figurer les éléments qui le composent de manière à être immédiatement visible. Cet aspect pictural sert en quelque sorte de légende sur le plan luimême : une légende annexe n'est pas nécessaire pour le comprendre. Le soin apporté à la composition et dans le traitement du dessin fait à la main, témoigne d'une volonté de présenter un document esthétique : il devra en effet servir de document officiel qui sera exposé.
77
DAINVILLE. Op.cit., p.49.
53
Cependant, ce plan est avant tout réalisé comme un document utilitaire et bénéficie pour ce faire de certaines évolutions techniques de son époque : il est clair que les arpenteurs qui l'ont réalisé avaient bénéficié d'une formation plus solide que la plupart de leurs prédécesseurs des siècles précédents. On a affaire à un plan qui annonce la cartographie moderne. Le résultat est un mélange de l'utilisation d'outils archaïques, réminiscences de types traditionnels de représentation, et de principes géographiques modernes. A ce titre, le document sujet de notre étude est un bon témoin du type de plan que l'on pouvait trouver dans l'époque précédant immédiatement le cadastre.
D. Hypothèses sur les étapes d’utilisation Nous ne disposons pas de documents écrits qui expliciterait les demandes du commanditaire auprès du concepteur du plan, ainsi que la manière dont le plan fut ensuite utilisé par ses propriétaires. Nous en sommes réduits à des hypothèses sur ce sujet. Cependant, une étude en détail de la carte peut nous permettre d’en déduire un certain nombre de suppositions : la nature de la carte, ses altérations, les éléments ajoutés ultérieurement sont tous susceptibles de nous apprendre quelque chose et de nous permettre au bout du compte d’échafauder une théorie quant aux différentes étapes d’utilisation que le plan a traversé.
1. Un grand format La première remarque que nous pouvons faire concerne la taille de la carte : il s’agit d’un grand format. Décider de commander une carte d’un tel format, peu pratique notamment à transporter, induit sans doute que les propriétaires avaient l’intention de l’exposer. Mais surtout, un tel format était imposé par l'échelle choisie, échelle qui elle-même était imposée par la volonté pratique d'obtenir un document suffisamment détaillé. D’autre part la carte est doublée sur toile, ce qui était courant, surtout pour les documents d’une telle taille.
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2. Modes de conditionnement possibles A l’époque un plan de ce type pouvait être conservé de trois manières différentes : il pouvait être plié, roulé, ou exposé à plat. La piste du document roulé peut, a priori, être abandonnée : on ne retrouve pas sur la carte les traces de plis caractéristiques d’une telle opération78. Pour ce qui est de l’hypothèse du document plié, nous pouvons remarquer que les cartes de l’époque qui étaient destinées à être conservées ainsi pouvaient être prédécoupées au moment de leur conception, puis doublées sur une toile, celle-ci permettant un pliage plus aisé, celle-ci facilitant l'usage (à la manière des guides Michelin par exemple). La toile servait ainsi de charnière. C’est le cas, par exemple, de la carte de Cassini, comme on peut le voir ici (fig.43). Pour ce qui est du document sujet de notre étude, le
Figure 43 : détail de la carte de Cassini montrant la toile servant de charnière pour son pliage (Sources : BnF, cotes GE FF-18595 (128)).
papier n'a pas été découpé mais rabouté et le dessin réalisé par-dessus. Cependant on observe un réseau de plis, que l'on retrouve aussi sur les papiers de renforts, prouvant que le document a été à un moment donné conservé plié79. Or, nous avons remarqué, lors de sa restauration, que la toile de doublage ne conserve pas de trace de ces plis. Aussi, nous en déduisons que l'utilisation finale du document, une fois doublé, n'était pas d'être conservé plié. Enfin, la présence du doublage sur toile, ainsi que la trace de clous (présence de trous rouillés) sur la partie supérieure du document (toile et papier) ainsi que sur la toile dans la partie inférieure montre que le document fut présenté sur des baguettes en bois80. Au total, nous pouvons semble-t-il conclure à une présentation à la verticale du document, non roulé, sur toile, et sur baguettes en bois.
78
CAULIEZ, Nelly. Restauration et conservation de la Pompe Funèbre de l’Archiduc Albert Jacques Franquart et Cornelius Galle 1623. Mémoire, 2002-2003, p. 104- 105. 79 Voir partie restauration, dans le constat d’état p.71. 80 Idem.
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3. Anciennes réparations Nous pouvons aussi apprendre des éléments rajoutés à la carte, ainsi que des traces d’altérations ou de réparations qu’elle présente. Comme nous l’avons vu précédemment, des papiers disposés en bandes horizontales étaient collés au dos du document et servaient de papiers de renfort. Par dessus ces papiers de renfort ont été collés d'autres morceaux de papier pour semble-t-il consolider l'ensemble sur plusieurs endroits. De la même façon, des traces de réparations sommaires apparaissent sur la toile.
4. Hypothèses Au vu de ces divers éléments, nous pouvons émettre les hypothèses suivantes : nous avons affaire à un document qui fut réalisé initialement sans doublage. La présence de plis s’explique peut-être par les impératifs de transport au moment de sa livraison à son commanditaire : rappelons en effet que les arpenteurs ne concevaient pas les cartes sur place, mais plutôt dans leur atelier, lequel atelier était, pour le cas qui nous intéresse ici, probablement situé à bonne distance de Montauban-de-Bretagne. Bien évidemment, transporter un document d’une telle taille était plus facile si celui-ci était plié. Il est probable que le document ait été renforcé dans l'atelier de l'arpenteur avec les papiers de renfort, puis transporté, puis utilisé ainsi par ses propriétaires pendant quelques temps. Par la suite des dégradations ont nécessité des réparations sommaires par l’ajout de nouveaux petits papiers de renfort, et enfin l’ensemble a été doublé sur toile, dans le but clair de l’exposer à la verticale, laquelle toile fut elle aussi plus tard quelque peu endommagée, ce qui entraîna des réparations.
5. Une carte utile et précieuse Au final ces éléments confirment la dualité de la nature de cette carte de la forêt de Montauban : les traces de multiples réparations et « rafistolages » démontrent que ses propriétaires la considéraient comme suffisamment utile pour ressentir le besoin de l’entretenir correctement sur une période probablement assez longue. La rigueur et le soin 56
général apporté à sa conception, l’emploi d’arpenteurs qualifiés, le coût probablement important d’une telle commande, confirment le caractère prioritairement utilitaire de la carte, tout en induisant son caractère unique et donc précieux. C’est à ce titre qu’elle devait aussi présenter un aspect esthétique : comme l’indiquaient déjà son format imposant et son dessin effectué à la main, nous avons maintenant la confirmation qu’elle fut, en son temps, exposée. Document d’abord destiné à être utile et pratique, cette carte devait aussi être montrée et vue.
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Conclusion Grâce à cette mise en perspective dans un contexte historique de la carte de la forêt de Montauban, nous avons pu nous faire une idée assez claire quant à son origine et sa fonction, et aussi établir une estimation de datation. Même en l’absence de preuves tangibles, un faisceau d’éléments de diverses natures indique que nous avons affaire à un document situé, d’un point de vue tant historique que technique, à la croisée des chemins. La prestigieuse famille des Rohan-Guéméné, commanditaire de la carte, régnait ainsi sur la région depuis des siècles, et cherchait sans doute, à travers l’établissement de ce plan de sa propriété, à l’instar de beaucoup de familles seigneuriales au XVIIIème siècle, à rétablir ses prérogatives anciennes issues de l’époque féodale, dans un but principalement financier. La carte, sans doute coûteuse, joua donc surtout un rôle utilitaire pour les Rohan, et il leur fut manifestement utile sur une période de probablement plusieurs décennies, peut-être même pendant le règne de plusieurs comtes de Montauban successifs. En effet, les traces de réparations, d’époque, montrent que le document a eu le temps d’être endommagé avant d’être abandonné. D’autre part, le dessin rajouté de séparation d’une parcelle en deux, avec nouvelles lettres de marquage correspondantes, est également une indication probable de durée entre sa commande et sa dernière utilisation. Il s’agit donc d’un plan seigneurial, comme il s’en est conçu beaucoup dans les décennies précédant la Révolution de 1789. Mais il s’agissait en l’occurrence des derniers du genre. Les Rohan-Guéméné vivaient leurs dernières années en tant que seigneurs de la région, et ce pas uniquement à cause de la faillite qui allait les frapper. La motivation à la base de leur initiative de faire commander ce plan allait en effet contre le cours de l’histoire, et si la demande de l’établissement de cartes provenait aussi des tenanciers et paysans, elle correspondait cette fois à un souci de justice accompagnant l’abolition des privilèges anciens, et avait un caractère universel. A partir de 1807 un cadastre national fut enfin établi, et dès ce moment les cartes servant d’outils notamment économiques deviennent la prérogative de l’Etat.
Ce que nous apprend également ce plan est la manière dont était gérée la forêt. Il nous enseigne ainsi que la forêt n'était aucunement autogérée ou laissée à l'abandon mais était au contraire soumise à une organisation rationnelle, de la main de l'homme. Ce que révèle ce document reflète la manière dont étaient gérées les forêts à l'époque.
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Ainsi que le montrent les papiers de renfort, la forêt correspondait, par son contenu en bois, à des ressources régulières et importantes pour ses propriétaires, qui en profitèrent peutêtre même jusqu'après leur faillite. Le coût d'un tel plan était donc un véritable investissement : ce coût devait être ainsi largement amorti, d'autant qu'il fut, comme on l'a vu utilisé, sur une période relativement longue.
La manière même dont fut fabriquée la carte correspond à une sorte de passerelle entre tradition et modernité. Si nous n’avons pas encore tout à fait affaire à la grande rigueur du plan cadastral, la précision d’une telle carte témoigne déjà de l’utilisation de techniques scientifiques (comme le calcul par triangulation) qui permirent d’effectuer un travail cartographique de qualité. Mais si les Rohan-Guéméné ont sans doute voulu, comme beaucoup de leurs contemporains, profiter de ces avancées pour obtenir un plan susceptible de leur être très utile, il s’agissait aussi pour eux de faire établir ce qu’ils considéraient être un document traditionnel et de prestige personnel. D’où la subsistance d’un type de représentation topographique esthétique : c’est une carte qui doit être lisible, agréable à l’œil, qui doit ‘donner à voir’. La présence simultanée de ces éléments ne laisse pas de doute important quant à l’époque de la fabrication du document. Il est en effet un témoin exact de la période historique à laquelle il appartient, à la fin d’un Régime et à la veille d’un nouveau, à la fin d’une tradition et anticipant déjà le début d’une modernité. Finalement, à la simple lecture de cette carte, on apprend beaucoup sur une période particulière, paradoxale et troublée, de l’Histoire de France. Bien que caractéristique de son époque, ce document présente, comme nous l’avons vu au début de cette étude, un caractère unique pour la région : malgré l’existence d’un imposant fonds de la famille Rohan-Guéméné, aucune autre carte de la forêt de Montauban à cette époque n’a pu être trouvée. Nous avons pourtant vu que ce type de plan était généralement établi en deux exemplaires, l’un allant au département des Eaux et Forêts. Or, il s’avère qu’en 2009 a eu lieu en Bretagne une vente de documents d’archives locaux et de cartes anciennes, dont, d’après le procès-verbal, une carte de la forêt de Montauban. Il serait très intéressant d’en retrouver la trace afin de vérifier s’il s’agit effectivement de la même, ou d’une autre. Ce caractère unique justifie ainsi sa restauration, dont le but sera de permettre la sauvegarde des informations que le document contient, mais aussi lui redonner sa fonction d'objet d'exposition. 59
PARTIE RESTAURATION
60
Introduction Comme nous l’avons vu, le document fut retrouvé sous les combles du château par les actuels propriétaires, en l’année 1987, sous un tas de gravats. Le plan, d’environ un mètre sur deux de dimensions, était dans un état de dégradation très avancé. Il fut donc conservé à plat sur une table de fortune, jusqu’à son arrivée à l’école de Condé en octobre 2009. Pour permettre son transport, il était maintenu entre deux planches de contreplaqué : en effet il ne pouvait être manipulé sans que son état s’aggrave. La propriétaire avait rangé soigneusement, dans une boite, des morceaux de la carte détachés du reste, dans l’espoir qu’ils puissent être replacés au sein du document. Cette restauration devait ainsi représenter un véritable défi, tant par l’ampleur des dégradations que par le format imposant du document. En conséquence, l’état physique de l’objet, comme nous allons le constater, impliquait une intervention de sauvetage. La restauration trouve ici sa justification : sans intervention, le document serait voué à disparaître.
Dans cette perspective, il est important de connaître tous les aspects de ce document. Pour cela, une première étape consiste, à travers la mise en place d’analyses et d’observations, à établir un constat d’état détaillé, incluant l’identification des éléments constitutifs de l’objet, ainsi que ses dégradations. Cette étape est indispensable afin d’effectuer un diagnostic, qui lui a pour objectif d’expliquer, ou du moins émettre des hypothèses afin de comprendre les raisons qui ont pu entrainer de telles altérations, et leurs conséquences en termes de risques encourus. Cet examen va nous permettre d’établir les objectifs des interventions. Plusieurs propositions de traitements pourront alors être envisagées afin de répondre à ces objectifs, tout en ayant conscience qu’au cours de la restauration certaines pourront être modifiées en fonction des problèmes rencontrés. On procèdera enfin à la description des interventions effectuées, puis du conditionnement permettant la garantie de sa bonne préservation dans le temps.
61
I.
Constat d’état A. Identification des matériaux Le document est un plan topographique illustrant une forêt, dont l’origine de la création daterait de la deuxième moitié du XVIIIème siècle, comme nous l’avons vu dans la partie historique. Ce plan se présente sous la forme d’un assemblage de papiers raboutés ensemble, dont les dimensions approximatives sont presque d’un mètre sur deux, le tout étant collé sur une toile. Le dessin est réalisé à l’encre brune et à l’aquarelle. (fig.1)
Figure 1 : vue du plan dans son ensemble.
1. Identification du papier a. Nature de la fibre et de l’encollage Afin de mieux connaitre la nature du papier, il était important d’identifier les fibres qui ont servi à sa fabrication, de même que le type d’encollage qui a été utilisé. Pour ce faire, plusieurs tests et observations ont été réalisés.
62
Un premier test, avec un réactif coloré, permet de connaître la nature des fibres 81. En effet, le colorant de Herzberg ou chloriodure de zinc donne une teinte rouge « lie de vin » en présence de pâte de chiffons, jaune en présence de ligno-cellulose ou bleu-violet en présence de pâte chimique. Un échantillon d’1 mm environ a été prélevé et immergé dans une goutte du réactif. En raison de sa taille réduite, l’échantillon est observé sous microscope afin de constater s’il y a ou non coloration. Une coloration lie de vin a été observée, indiquant la présence de pâte de chiffons.
0,05mm
0,10mm
Figure 2 : photographies microscope : a- (grossissement X10) fibre prélevée sur le document montrant les fibrilles. b- (grossissement X40) : détail de la même fibre montrant les stries.
Au XVIIème et XVIIIème siècle, les papiers étaient effectivement en général fabriqués à base de pâte à chiffons selon une procédure manuelle (« à la cuve »). Les fibres de chiffons étaient alors principalement constituées de lin, de chanvre ou de coton82. Ceci a été confirmé par l’observation au microscope d’une fibre prélevée et sa comparaison avec d’autres fibres figurant dans la littérature spécialisée, ce qui a permis de voir des similitudes avec les fibres de lin et de chanvre : on observe ainsi des fibrilles qui se détachent de la fibre, ainsi que des stries, et le bout de la fibre est aplati. Il est difficile cependant de savoir s’il s’agit bien de lin, ou de chanvre (fig. 2). Pour connaître la nature de l’encollage du document, un test a été réalisé permettant de révéler la présence de protéines grâce à un réactif : la ninhydrine (plus de l’éthanol dénaturé et de l’acide acétique)83. Un échantillon a été prélevé et mis dans un tube à essai. Ensuite, une goutte du réactif a d’abord été mise en contact avec l’échantillon jusqu’à absorption totale, puis chauffée. Au bout de quelques minutes on a pu observer une coloration rouge-violine 81
LIENARDY Anne, VAN DAMME. Philippe. Inter Folia : Manuel de conservation et de restauration du papier. Bruxelles : Institut royal du patrimoine artistique, 1989, p. 29. 82 GAUDRIAULT Raymond. Filigranes et autres caractéristiques des papiers fabriqués en France aux XVIIe et XVIIIe siècles. Paris : CNRS éditions, 1995, p. 36. 83 BARTHEZ Julien, TP IFROA. Identification par spot tests de l’encollage des papiers. 14 janvier 2002, p.4.
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indiquant que l’encollage est de nature protéinique. En effet, au XVIIIème siècle, en Occident, on utilisait des colles à base de déchets d’origine animale, afin d’obtenir de la gélatine 84(fig.3).
Figure 3 : photo montrant le test de l’encollage à la ninhydrine, à gauche : l’échantillon chauffé, à droite : obtention de la coloration rouge violine.
En somme, le papier utilisé est un papier occidental vergé, de fabrication manuelle, à base de pâte de chiffons à fibres de lin ou de chanvre, avec un encollage à la gélatine. Les vergeures sont fines et serrées (25mm pour 20 vergeures). Le papier d’œuvre, de couleur blanc crème, a une épaisseur d’environ 0,30mm en moyenne85 .
b. Relevé des filigranes L’observation sur table lumineuse a permis de découvrir la présence de cinq filigranes, tous représentant le même motif86. Quatre d’entre eux sont situés dans la partie inférieure du document, un dans la partie supérieure. Leurs relevés sur papier calque 87 a permis l’identification du motif : il s’agit du monogramme « IHS », avec les trois lettres majuscules surmontées d’une croix latine et d’un cœur percé de trois clous, le tout à l’intérieur d’un cercle. Le fait que l’on retrouve le même motif sur les différents papiers raboutés pourrait indiquer que l’arpenteur s’était servi de papiers provenant d’un même lot (fig.4). 84
GAUDRIAULT, Op.cit. p. 37. Mesures prises avec un micromètre à cadran. 86 Après le retrait de la toile. 87 Voir en annexes les autres relevés p.191-196. 85
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Figure 4 : relevé de deux filigranes sur papier calque.
Le monogramme IHS, qui est un symbole des Jésuites88, est une abréviation du nom grec de Jésus, où le I et le H sont les premières, et le S la dernière lettre du nom IH-SOUS (fig.5). L’utilisation de ce monogramme comme filigrane dans la fabrication papetière remonte au milieu du XVème siècle89. Il fut en particulier très utilisé au cours du XVIIème et XVIIIème siècle. Il identifierait le papier dit « Jésus », qui correspond à un type spécifique de format, dont on distingue trois sortes : « Grand Jésus » (702x527mm), « le Petit Nom de Jésus » (408x297mm), et « Petit Jésus » (358x257mm). En l’occurrence, d’après des comparaisons effectuées avec un filigrane datant de 1765, il s’agirait ici plutôt d’un format « Grand Jésus » (fig.6).
Figure 5 : monogramme IHS, symbole des Jésuites (sources : www.jesuites.com)
88 89
Figure 6 : Marque d’un échantillon de papier appelé Grand Jésus, fourni en 1765 par I. Louvrier, dans la généralité de Caen, dont le format est de 690X570mm.
http://www.jesuites.com/histoire/ihs/index.html, consulté en ligne le 12 octobre 2010. GAUDRIAULT, Op.cit. p. 137.
65
2. Identification de la technique graphique Le plan a été réalisé à la main, à l’aide d’encre et d’aquarelle. On peut distinguer le tracé à l’encre noire, utilisé pour le dessin des éléments figurés (contours, arbres, chemins, bâtiments, etc.), et d’autre part la pose des couleurs, à l’aquarelle, appliquée au pinceau selon la technique du lavis : principalement un camaïeu de verts, pour la végétation, mais aussi du gris, pour le relief, du jaune et du rouge, pour le blason… Les éléments écrits sont quant à eux réalisés à la plume, principalement à l’encre brune, comme le titre, le nom des routes et des chemins, et les numéros des parcelles cultivées (voir p.82-84 pour l’identification de l’encre brune). Une couleur rouge, plus épaisse, probablement de l’aquarelle, a été utilisée pour le lettrage des parcelles de la forêt, ainsi que pour rehausser les bâtiments (fig.7).
Figure 7 : détails des différentes couleurs utilisées sur le plan (de gauche à droite) : la bordure noire, la lettre A située dans la première parcelle de la forêt, un chemin forestier avec la végétation représentée en vert, la couronne jaune du blason, un détail du titre écrit à l’encre brune.
3. Identification des éléments composant le montage L’identification des divers éléments du montage nous permet d’émettre des hypothèses quant à la manière dont il a été effectué, ce que l’on tachera de décrire, étape par étape. Le document est un assemblage régulier de 12 feuilles, dans le sens de la hauteur, dont les dimensions varient de 45 à 50 cm, pour la longueur, et de 32 à 34cm, pour la largeur, raboutées entre elles sur une largeur de 8mm environ, collées sur une toile, et formant un
Figure 8 : photo prise sur table lumineuse montrant un détail des papiers raboutés (à gauche) et vue par transparence d’un papier de renfort.
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ensemble dont les dimensions (sans la toile) sont : H. 93cm; L. 183cm (fig.8).
1
7
2
3
4
5
8
9
10
11
Raboutage des feuilles
Documents de renforts subsistants
6
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Emplacement originel des bandes de renfort
Figure 9 : schéma du montage au verso du plan composé de 12 feuilles raboutées, avec l’emplacement des papiers de renfort encore existants.
Le désentoilage, que nous verrons plus en détail lors de la partie restauration, a permis d’avoir accès au verso du document, et de constater que celui-ci avait été renforcé par des papiers manuscrits. Ces papiers sont collés par bandes horizontales, superposés les uns aux autres. De ces bandes de renfort, au nombre de quatre, ne subsistent que quelques fragments de papiers manuscrits et non manuscrits (fig. 9).
On observe une couche épaisse de colle, encore visible sur certaines parties du document, formant des surépaisseurs dures et cassantes, de couleur brun-transparent. On peut supposer que cette colle avait été appliquée sur l’ensemble, au pinceau (on distingue encore les traces d’application), pour l’entoilage, après que les papiers de renfort aient été assemblés sur le dos du plan (fig.10).
Figure 10 : détail de la colle de montage entre les papiers de renfort et le papier d’œuvre.
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Des prélèvements ont été réalisés dans le but d’identifier la colle en question. Pour cela, nous avons réalisé le même test que pour l’encollage, c’est-à-dire le test à la ninhydrine. Les résultats du test ont permis de constater que la colle utilisée était d’origine protéinique, probablement de la colle de peau.
Le document, une fois renforcé par ces bandes de papier, a donc été entoilé. Les premières observations montrent que le tissage de la toile est relativement fort et lâche, qu’il s’agit d’une armure toile90 dont le nombre de fils au centimètre dans le sens de chaîne est de 14 pour 16 dans le sens de trame. Il pourrait s’agir d’une toile de lin. Des observations au microscope ont permis d’établir des similitudes avec une fibre de lin témoin, notamment la présence de genoux, caractéristique de ce végétal (fig.11).
a
b
Genoux
5 mm _________
0,05mm
Figure 11 : a- détail de la toile montrant le tissage en armure toile, b- photo sous microscope d’un fil prélevé de la toile du montage. On remarque les genoux caractéristiques du lin.
Les dimensions de la toile sont : H.113cm; L.190cm environ, mais ce format n’est probablement pas d’origine. Effectivement, la toile est découpée de façon irrégulière, sur les bords latéraux. On note également que la toile est plus large que le plan dans la partie inférieure, ce qui démontre qu’une partie du document est manquante (voir fig. 1). La toile de support, cousue en son milieu sur toute la longueur, présente, aussi bien dans sa partie inférieure que supérieure, une vingtaine de trous auréolés91, certainement la trace de clous rouillés. Cela indiquerait que le document avait été fixé sur des portants en bois, ou sur un châssis en vue d’être consulté à la verticale.
90
L'armure toile est obtenue en soulevant alternativement les fils pairs et les fils impairs de la chaîne, pour laisser le passage au fil de trame (duite). Les tissus obtenus n'ont ni envers ni endroit. 91 Voir partie description des altérations p. 73.
68
B. Description des altérations 1. Altération du support a- Altérations de surface L’altération la plus immédiatement visible est un empoussièrement important, qui recouvre l’ensemble du document. On retrouve cette poussière entre chaque couche de papier, incrustée aussi bien entre la toile et le papier qu’entre les papiers de renfort et le papier d’œuvre. Il s’agit de particules de tailles et d’aspects variables, allant de la poudre de brique rouge aux morceaux d’ardoise bleue, mais aussi d’insectes morts et de plumes (fig. 12).
Figure 12 : exemple d’accumulation de poussière et de résidus entre la toile et le papier d’œuvre.
On note la présence de quelques traces blanches en relief visibles sur la surface du plan, correspondant certainement à des excréments d’oiseaux (fig.13). Des traces de colle sont visibles et recouvrent tout le dos du document. On peut voir les traces de pinceau ayant servi à appliquer la colle de peau. Des résidus de cette même colle apparaissent également entre les papiers de renfort et le papier d’œuvre (fig.14). On constate des épidermures sur l’ensemble de la surface du plan. Au niveau de ces abrasions, le papier apparait plus clair, et est plus fin et extrêmement fragilisé (fig.15).
Figure 13 : résidus de colle
Figure14 : résidus blancs
Figure 15 : épidermures
69
b- Taches et auréoles Le papier d’œuvre, dont la couleur d’origine est devenue, au cours du temps, légèrement grisâtre, est également constellé de taches et d’auréoles de différents types (voir annexe p.). On peut observer la présence de taches sur l’ensemble du document, en particulier sur le bord inférieur droit, taches qui ne sont pas de surface, mais au contraire très profondes et ayant pénétré le document jusqu’à apparaître à son verso. Elles sont par contre absentes à l’endroit du dessin de la forêt. Ces taches, de formes et d’aspects divers, vont de taches larges de couleur gris-brun légèrement rosé, à des taches grises plus petites, légèrement pulvérulentes, et diffusées sur presque tout l’ensemble du document, et à des taches noires de taille encore plus réduite, visibles au verso (fig.16). b
c
a
Figure 16 : a- taches grises situées sur l’ensemble du document, b- taches située sur la partie droite du plan et continuant sur la toile, c- détail du verso du plan montrant de petites taches noires.
Cependant, ces taches sont surtout concentrées sur la partie droite du plan (notamment au niveau du dessin du blason), où le papier est devenu beaucoup plus mou et fragile, et se délite facilement. Plusieurs auréoles jaunâtres sont visibles sur le plan dont l’une au niveau de la partie supérieure gauche. Ces auréoles, de formes larges ou allongées, prennent un aspect fluorescent sous lumière UV. Il pourrait s’agir de traces d’urine (fig.17).
a
b
Figure 17 : a- photo en lumière visible d’une trace jaune située entre la rose des vents et le titre du plan, b- photo en lumière UV mettant en évidence une autre auréole jaune ici ressortant fluorescente.
70
c- Déformations, plis et déchirures L’œuvre a été observée en lumière rasante, ce qui a permis de mettre en relief les déformations ainsi que les réseaux de plis du document (fig.18).
Figure 18 : photo du plan prise en lumière rasante montrant les réseaux de plis ainsi que les déformations.
Plis réguliers
On
observe
un
aspect
général
froissé,
correspondant à un réseau de plis irréguliers, mais également un réseau plus marqué formant un quadrillage constitué d’un pli horizontal et de 7 plis verticaux ne correspondant pas aux zones des raboutages des feuilles (fig.19). On remarque que le réseau de plis irréguliers a provoqué des microfissures du papier, dont certaines se sont transformées en déchirures. D’autres déchirures, plus importantes, sont présentes au niveau des plis, à leurs intersections et à
Figure19 : détail du plan en lumière rasante montrant l’aspect froissé du papier.
leurs terminaisons. Une de ces déchirures, au centre du plan, le sépare en deux parties distinctes.
71
Dans les zones les plus fragiles, comme les bordures de l’œuvre et autour des lacunes, des micro-déchirures sont aussi visibles (fig.20).
a c b d Figure 20 : les déchirures : a- détail d’une déchirure au niveau des bords du plan, bmicrofissures du papier, c- déchirure centrale.
c
d- Lacunes L’autre type d’altération que l’on remarque immédiatement est le caractère très lacunaire du document. En particulier, chaque partie latérale du plan présente des lacunes très importantes, de même que la partie inférieure, totalement manquante. De nombreux morceaux se sont désolidarisés de l’œuvre, correspondant soit au plan, soit aux papiers de renfort. Ces morceaux, qui étaient éparpillés autour du plan, ont été conservés dans une boite par la propriétaire (fig.21).
Figure 21 : photo des morceaux détachés.
72
L’ensemble est parcellé de trous de différentes tailles et de différentes natures. Par exemple, au centre du plan, on peut observer l’une des lacunes les plus importantes, de 13cm x 22cm environ, et qui ne correspond pas à l’un des morceaux rassemblés. D’autres trous, bordés de traces de rouille, sont visibles sur le bord supérieur, correspondant aux trous de clous. Enfin, des petits trous, d’un millimètre de diamètre, et formant des « galeries », sont principalement localisés dans la partie inférieure droite, et une série de petits trous, donnant au papier un aspect dentelé, situés sur le bord gauche inférieur (fig.22).
a
b
c
1cm d
e
Figure 22 : divers trous : a- trou de rouille situé dans la partie droite du plan, b- trou de rouille situé dans la partie supérieure du plan, c- lacune située au centre du plan (13X22cm), d- galerie causée par les insectes, e- trous causés par les insectes donnant un aspect dentelé au papier (partie inférieure gauche du plan).
73
2. Altérations de la technique graphique a- Atténuations du tracé Les abrasions ont provoqué une perte de la technique graphique,
rendant
certaines
informations
illisibles,
notamment sur la partie inférieure, au niveau de la légende, où on ne distingue presque plus les écritures (fig.23). D’une manière générale, nous pouvons observer une assez forte atténuation du tracé des différentes écritures, principalement dans la périphérie du document mais aussi certains éléments du plan, comme le blason ou le dessin de la forêt, ont été relativement bien conservés. Ces atténuations sont de différents degrés : là où le tracé est le plus fin (comme par exemple au niveau des Figure 23 : détail de la légende montrant dernières lignes du titre), ou encore à l’endroit où le papier
l’atténuation du tracé causé notamment par les abrasions.
a été le plus endommagé (comme par exemple au niveau de la légende), les écritures sont devenues presque illisibles (fig.24). Par contre, la technique graphique vers le centre de la carte, correspondant donc au dessin de la forêt, a été beaucoup mieux conservée.
Figure 24 : détail du titre montrant l’atténuation des écritures.
Une atténuation générale des couleurs est visible. Certaines couleurs ont peut-être même disparu : on peut notamment émettre l’hypothèse que la trace grisâtre observable au niveau du dessin des douves du château témoignerait de l’existence de l’utilisation originelle d’une couleur bleue pour représenter l’eau (fig.25).
74
Les couleurs se sont également atténuées, allant même jusqu’à disparaître, au niveau de la pointe est de la forêt, où seule la trace du dessin est encore perceptible (fig.26).
Figure 25 : détail du château montrant les douves dont la couleur bleue aurait probablement disparu avec le temps.
Figure 26 : détail de la forêt montrant la perte de la technique graphique (zones blanches).
b- Brunissement et aspect de la technique graphique D’autre part, l’encre des papiers de renfort s’est transférée au centre du document, y créant une trace brunâtre. Sous lumière UV, ce brunissement apparait d’autant plus foncé. Parallèlement, toujours sous lumière UV, apparaît un halo (inexistant à la lumière visible) autour du tracé brun, aussi bien sur les papiers de renfort, que la carte (par exemple au niveau du titre) (fig.27). L’observation sous compte-fils montre que l’encre est plus épaisse et apparait légèrement brillante et micro-fissurée. L’aspect de l’encre rouge du lettrage de la forêt, est quant à lui légèrement pulvérulent (fig.28).
b a
Figure 27: photo prise sous lumière UV montrant à gauche le transfert des encres des papiers de renfort sur le plan et à droite, les halos visibles autour du dessin des arbres (ici sous forme de petites taches noires)
Figure 28 : microfissures de l’encre
5mm 75
Enfin, lors de l’examen du verso de l’œuvre et après le retrait de la toile (voir interventions p.91), nous avons pu observer la migration de la couleur verte à travers le papier, correspondant au dessin de la forêt (fig.29). Au recto du plan, la couleur verte est légèrement de teinte brune, et apparaît noire sous lumière UV (fig.30).
Figure 29 : détail du plan recto et verso montrant la couleur verte de la forêt ayant traversé le papier.
Figure 30 : photo montrant un détail de la forêt : le vert apparaît noir sous lumière UV.
76
3. Altérations du montage a- Décollement Comme nous l’avons vu, l’assemblage de l’ensemble présente des problèmes de décollement, visible dans toutes ses strates. On observe premièrement un décollement des papiers raboutés, visible à certains endroits, notamment au niveau de la partie inférieure droite. Un décollement au niveau des papiers de renfort, dont certains se sont totalement détachés du document, est aussi perceptible. Et enfin, une perte d’adhérence presque totale entre le papier et la toile est à noter (fig.31).
Décollement des feuilles raboutées
Figures 31: décollement des papiers raboutés (en haut) et des papiers de renfort (en bas).
77
b- Anciennes réparations et état de la toile Après désentoilage, nous avons pu observer une bande de renfort supplémentaire au centre du document, au verso, ainsi que plusieurs morceaux de papier également collés au dos, ayant servi à d’anciennes réparations. L’état de la toile montre que celle-ci est déchirée et lacunaire. Les bords latéraux sont déchirés de manière très irrégulière, et on note la présence d’un trou à l’endroit où le papier est également manquant, dans la partie centrale basse du plan. Enfin, des taches gris-marron sont visibles au niveau du coin inférieur droit (fig.32).
VERSO
1
7
a
2
8
3
9
Anciennes réparations
4
5
10
11
6
12 22
b
Figure 32 : schéma du verso du plan après le désentoilage illustrant l’emplacement des bandes de renfort (en vert) et des anciennes réparations (en rouge), les numéros correspondent aux feuilles raboutées; a et b : détail de deux papiers de consolidations collés au dos du plan.
78
II.
Diagnostic A. Explications des altérations 1. L’abandon du plan sous les combles du château Nous sommes en présence d’un document très dégradé. L’usure du temps ne l’explique pas entièrement. En effet, les conditions dans lesquelles il fut retrouvé étaient exceptionnellement mauvaises : le plan, retrouvé par hasard sous les combles, était resté abandonné sur une longue période. Un papier journal datant de 1935 recouvrait le plan lorsqu’il a été découvert en 1987, montrant que depuis cette date l’œuvre était restée sous les combles du château. Depuis une vingtaine d’années, il était resté intouché, jusqu’à son arrivée à l’école.
Au moment de la découverte du plan, il était situé sous un tas de gravats. Une visite au château a permis de découvrir que dans les années 1960, le toit du château qui s’était effondré, provoquant un éboulement, avait alors été rénové92. Cet abandon du document, sous un tas de gravats, pendant les décennies suivantes, est à l’origine des dégradations les plus importantes rencontrées ici, et a induit toute un enchainement d’altérations diverses liée à des processus physico-chimiques et mécaniques, que nous allons maintenant détailler.
2. Les attaques biologiques a- Les rongeurs et les insectes Le contact avec les gravats et les particules de poussière qui s’étaient infiltrées entre chaque couche, a provoqué des déformations, des frottements, et des abrasions sur la surface du papier. La propriétaire du document mentionne la présence de nids de souris dans le tas de gravats au moment de la mise au jour. En effet, des auréoles jaunes ont pu être identifiées comme étant probablement des traces d’urine laissées par ces rongeurs. 92
D’après les actuels propriétaires du château.
79
L’aspect lacunaire le plus important du plan est certainement lié à la présence de ces mêmes rongeurs. Au niveau de la lacune principale, on observe que les bords présentent un aspect dentelé, dont on peut supposer qu’il est la marque des dents des rongeurs. De plus, on note que la toile a aussi été attaquée en ce même endroit, ainsi que sur les bords latéraux : or, les souris, bien que ne dévorant pas le papier lui-même, ont l’habitude de l’utiliser pour la fabrication de leurs nids93. Cette hypothèse est renforcée par la présence de petits morceaux de la carte éparpillés là où ces nids se situaient. Mais les rongeurs n’étaient pas les seuls responsables des dégradations d’ordre biologiques rencontrées ici : on a retrouvé en effet la trace de dommages occasionnés aussi bien par des oiseaux, des insectes, ainsi que par des micro-organismes. Les résidus blanchâtres que l’on a décrits précédemment, correspondent à des excréments d’oiseau, altérant superficiellement la surface du papier. La présence d’insectes est attestée par l’existence de trous dans le papier formant des galeries94. De plus, on a retrouvé plusieurs insectes morts dans la poussière qui recouvrait le document. Dans le coin inférieur gauche, l’aspect dentelé du papier pourrait aussi s’expliquer par cette infestation.
b- Les moisissures L’observation des différentes taches, et en particulier le fait que ces taches soient diffusées sur l’ensemble du document, et en profondeur, laissent à penser qu’il s’agit d’une attaque de micro-organismes. Afin de déterminer leur nature, et de savoir si leur activité perdure encore, des analyses en laboratoires par prélèvement ont été réalisées sur ces taches, et ont permis de confirmer que des moisissures en étaient la cause95. Mises en milieu de culture en laboratoire, ces moisissures se sont alors développées, ce qui a démontré que les spores étaient encore actives96.
Les moisissures ont besoin de certaines conditions pour favoriser leur développement, et 93
http://www.unesco.org/webworld/ramp/html/r8820f/r8820f05.htm, site consulté le 27 novembre 2010. LEVILLAIN Agnès, MARKARIAN Philippe, RAT Cécile et al. La conservation préventive des collections : Fiches pratiques à l’usage des personnels des musées. Dijon : OCIM, Musées des Techniques et Cultures comtoises, 2002, p.20. 95 Analyses réalisées par le laboratoire Chamblain, Melun. Voir résultats en annexes p.197-198. Deux prélèvements ont été effectués sur deux types de taches différentes, dont l’un a montré un développement de moisissures. 96 Famille des Dermatophyte de culture lente, probable Cladosporium. http://mycotacrcc.mnhn.fr/site/genreDetail.php?num=10&n=Cladosporium, site consulté le 07 janvier 2009. 94
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la contamination va s’effectuer dans des conditions climatiques et environnementales particulières97. En premier lieu, la poussière, dont on a vu qu’elle recouvrait l’ensemble du document, va jouer un rôle déterminant dans cette contamination, puisqu’elle peut contenir des spores qui vont se développer sur le substrat (fig.33). Elle va aussi jouer un rôle de véhicule organique qui favorisera les attaques biologiques, du fait qu’elle contient d’autres éléments qui serviront de nourriture aux moisissures98. Le facteur humidité est le plus important, car il va provoquer la germination des moisissures, par l’infiltration de la poussière contenant ses spores à l’intérieur du réseau fibreux du papier, favorisant
Figure 33 : cycle de développement des moisissures montrant l’alternance des différentes phases d’activité lors du développement d’une contamination (sources : Roquebert, les moisissures contaminant les biens culturels : biologie et diversité, p. 73).
la contamination en profondeur. Dans le cas présent ici, il est très probable, au vu du lieu concerné (sous les combles) et de l’effondrement du toit, que le document ait dû subir, sur une longue période, un environnement humide capté par cette poussière, et s’infiltrant, par capillarité dans le papier, drainant celle-ci avec elle. Les attaques de moisissures vont provoquer des modifications physiques et chimiques sur le papier. La dégradation chimique se caractérise par la destruction du substrat, occasionné par la formation des enzymes de ces micro-organismes et par des sécrétions colorées (taches grises). Ces taches montrent la colonisation des moisissures sur le substrat. Le substrat ici attaqué est de nature protéinique (colle de peau, encollage à la gélatine). Aussi, la colle de peau ayant servi pour le montage du plan a été attaquée par les enzymes pour être ensuite digérée par les moisissures. La perte de la colle a provoqué des décollements du montage et favorisé les dégradations physiques (tensions, déchirures, lacunes,…) ainsi que la perte de l’encollage qui a affaibli le papier, le rendant plus fin, sans cohérence, mou et fragile à certains endroits. Les moisissures ont aussi provoqué des altérations visuelles comme les taches et auréoles empêchant la bonne lisibilité du document.
97
ROQUEBERT Marie-France. Moisissures contaminant les biens culturels : Biologie et diversité. Dans les contaminants biologiques des biens culturels. Paris, Muséum national d’histoire naturelle et Editions scientifiques et médicales Elsevier, 2002, p.71-87. 98 Idem, p.76.
81
3. Altérations liées à la technique graphique a- La couleur verte de la forêt On retrouve au verso la trace de ces mêmes taches de moisissures, de couleur grise, qui ont traversé le support du papier. Cependant, on remarque très nettement que la zone correspondant au dessin de la forêt, dont la couleur verte a imprégné le verso, n’a pas été touchée par les moisissures. On note aussi un phénomène de brunissement de la couleur verte utilisée dans le dessin de la forêt. Ce brunissement a migré latéralement, vers le pourtour du dessin de la forêt, mais également transversalement à travers le papier. Lorsque l’on observe le verso du document, on voit très nettement que la couleur a traversé le papier. Il est possible que le pigment vert utilisé ici contienne du sulfate de cuivre99, ce qui pourrait expliquer ce brunissement. Lors de l’étude d’un autre cas de figure, présentant le même type de constat, la présence de pigment de cuivre utilisé pour la fabrication de la couleur verte a permis d’expliquer qu’il s’agissait d’une oxydation 100 . Là aussi, les moisissures ne s’étaient pas attaquées à cette couleur, peut-être à cause de ce pigment de cuivre qui serait immune à ces moisissures (fig.34). .
Figure 34 : vue entière du verso du plan sans la toile montrant les taches de moisissures tout autour du transfère de la
99
MEYER Fabienne, NEUMANN Anke. “Recombinant Proteins: A new material for the chemical stabilization of copper pigment corrosion on paper?” Restaurator, Germany, 2009, vol.30, p.96-97. 100 Etude, restauration et remise en place in situ d’un papier peint panoramique « les Vues d’Italie » dans une maison en Normandie. www.inp.fr/index.php/.../13_PapiersPeints_CHARBEY_PARANT.pdf. Site consulté le 3 février 2010.
82
b- Les encres brunes : encres métallogalliques Au centre de l’œuvre est visible une large bande horizontale brune au sujet de laquelle une observation à la lumière UV a révélé qu’il s’agissait d’un transfert des écritures des manuscrits collés au dos du plan en guise de papiers de renfort. Aussi, l’examen sous lumière UV a révélé un halo autour des écritures, à la fois sur les documents de renfort et sur le plan lui-même. Ce halo montrerait une migration latérale de l’encre dans le papier, l’humidité permettant cette migration. Sous lumière UV les encres ressortent d’autant plus noires : un trou auréolé de rouille ressort ici totalement noir (fig35). Il pourrait s’agir d’une encre métallogallique101.
Figure 35 : photo prise sous lumière UV montrant le trou de rouille situé dans la partie droite du plan.
Afin de vérifier cette hypothèse, un test de reconnaissance des encres ferrogalliques a été effectué. Pour cela a été utilisé le papier indicateur « bathophénanthroline » qui permet de détecter les ions ferriques libres présents dans le papier 102. Le test consiste à appliquer le papier indicateur préalablement humidifié avec de l’eau déminéralisée, sur une petite zone encrée et observer s’il y a une coloration rouge, ce qui indiquerait la présence d’ions ferriques. Le test étant négatif, un second test a été effectué, consistant à immerger le papier indicateur précédent dans une solution d’acide ascorbique (vitamine C). En cas de présence d’ions 101
REISSLAND B. , HOFENK DE GRAAF J. Condition rating for paper objects with iron gall ink , dans ICN information, 2000, n° 1, p. 1-4. 102 Voir annexe p.199, ce test a été développé par l’Institut de l’Héritage néerlandais (ICN) et commercialisé chez « Preservation Equipment Limited »en Angleterre et chez « Atlantis » en France.
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ferreux (Fe3+), l’acide ascorbique transforme ceux-ci en ions ferriques (Fe²+)103. Ce fut bien le cas ici, le test a donc permis de révéler la présence d’ions ferreux. L’encre utilisée ici serait bien une encre ferrogallique (fig.36).
Figure 36 : test de reconnaissance des encres ferrogalliques avec le papier indicateur bathophénanthroline à gauche et coloration rouge du test après immersion dans une solution d’acide ascorbique.
c- Affadissement et perte de la technique graphique Les encres ferrogalliques n’ont pas provoqué d’altérations visibles mais ont changé de couleur et se sont affadies au cours du temps probablement à cause d’une exposition du plan à la lumière à une certaine époque. Selon une étude 104 servant à déterminer le degré de corrosion des encres ferrogalliques, on se situerait ici à un degré 2 (voire 3) sur une échelle de 7. Cependant, les observations ont permis de constater que les encres avaient migré dans le papier, provoquant des halos visibles en lumière UV. L’encollage à la gélatine aurait pu jouer un rôle protecteur en empêchant la catalyse d’oxydation des encres par les ions ferriques et ferreux en les gainant d’une enveloppe isolante105. L’observation visuelle de l’encre a permis de constater que son liant est très brillant, et présente une certaine épaisseur. On en déduirait que le liant (probablement de la gomme arabique106), en quantité importante, aurait formé une pellicule sur le tracé, qui au cours du temps serait devenue plus cassante et aurait provoqué des micro-craquelures. Une mauvaise adhérence de cette encre a ainsi provoqué à quelques endroits la perte du tracé, contribuant à 103
www.preservationequipment.com/Iron Gall Ink Test Paper, référence 539-3000, site consulté le 9 décembre 2010. REISSLAND B. OP. CIT P. 2. 105 POTTHAST A., HENNIGES U., BANIK G., «Iron gall ink-induced corrosion of cellulose: aging, degradation and stabilization. Part 1 : model paper studies» , dans Cellulose 15, 2008, p. 854. 106 PENDERS N.J.M., HAVERMANS J.G.A. «Preventive conservation related to iron-gall ink deterioration», dans Care and Conservation of Manuscripts 6, Copenhague, 2000, p.18. 104
84
une perte de lisibilité. L’atténuation de la technique graphique s’explique aussi par un apport humide sur le papier, atténuant le tracé et affadissant les couleurs, rendant les informations difficiles à lire. La couleur rouge posée en couche plus épaisse pourrait être de la gouache, mélange de pigments en plus grande quantité que pour l’aquarelle, avec de la gomme arabique ainsi qu’une charge a montré une forte sensibilité au solvant eau lors des tests de réactivité des encres et couleurs aux solvants eau et alcool (voir p.86).
4. Altérations liées au montage Enfin, l’observation en lumière rasante a permis de révéler tout un réseau de plis, régulier et irrégulier, pouvant s’expliquer à la fois par un type de montage et une utilisation répétée tous deux nuisibles à sa bonne conservation. Les papiers de renfort ont provoqué de nombreuses déformations et tensions dans le papier d’œuvre : la superposition de différentes épaisseurs, effectuée non uniformément, a créé, sous l’action de l’humidité, des variations dimensionnelles parfois contradictoires, donnant naissance à ces déformations et déchirures. Ces déformations ont aussi été occasionnées par l’action de l’humidité sur deux matériaux aux comportements contradictoires : le papier se dilatant et la toile se contractant lorsqu’ils sont humides. On peut ajouter que ces déformations elles aussi empêchent une bonne lecture du document. D’autre part, nous avons vu précédemment que le document avait probablement été conservé plié, pour des raisons pratiques, du fait de son grand format (voir partie historique p.54 à 57). Les plis occasionnés ont alors provoqué l’usure du papier, ce qui à la longue s’est traduit par des déchirures. Enfin, la probable exposition du plan à la verticale aura provoqué des altérations liées au poids de l’œuvre, celle-ci étant d’un format imposant.
85
5. Récapitulatif Finalement, les facteurs qui ont causé les dommages les plus importants sur ce document sont liés à son abandon, laissant le plan à la merci de conditions environnementales extrêmement mauvaises. Nous avons vu que le document a été soumis à diverses attaques biologiques, lesquelles ont été les plus néfastes, en particulier les moisissures, dont l’apparition a été favorisée par une humidité et un empoussièrement très importants. Les encres, bien qu’étant de nature ferrogalliques, n’ont eu qu’un impact faiblement visible sur la dégradation du papier se traduisant par un léger brunissement tout autour de la forêt. Par contre, l’apport d’humidité constant sur une longue période a provoqué l’affadissement de la technique graphique. Enfin, l’état du papier s’est trouvé affaibli par ces multiples attaques, ainsi que du fait d’un montage dégradé qui ne remplissait plus son rôle de renforcement, mais qui au contraire contribuait à sa dégradation.
B. Objectifs de la restauration Le constat d’état ainsi que le diagnostic montrent que le document présente des dommages mécaniques et physico-chimiques très importants, et que sans une intervention curative et préventive, il serait voué à disparaître. Comme nous l’avons vu, du fait de son format et de son état, le document ne peut plus être manipulé sans créer de nouvelles pertes matérielles. Aussi, un des premiers objectifs sera de permettre à nouveau sa manipulation en redonnant au document une cohérence structurelle par un renforcement du papier. Les altérations de surface ont rendu le document difficile à lire. Un second objectif sera donc de redonner au document sa lisibilité afin de préserver les informations qu’il contient, et de lui permettre d’être à nouveau étudié et consulté. Il s’agira donc de rendre au document sa nature utilitaire, mais aussi lui redonner ses qualités esthétiques afin qu’il puisse à nouveau être exposé. Pour répondre à ces objectifs, il faudra d’abord s’assurer que les altérations actives puissent être stabilisées. Or, nous avons vu que les moisissures analysées présentaient un risque de réactivation dans des conditions atmosphériques favorables. Aussi, l’intervention devra avant tout prendre en compte ce risque, à la fois pendant le traitement, et lors de l’élaboration du conditionnement final. 86
III.
Propositions de traitements A. Tests préalables avant intervention Avant d’envisager toute intervention sur le document, des tests sont indispensables pour s’assurer de la nécessité et de la faisabilité de tel ou tel type de traitement.
1. Test du pH du papier et des encres Ce premier test permet de mesurer l’acidité du papier et de la technique graphique, afin de savoir si un éventuel traitement de désacidification serait à envisager, l’acidité pouvant être un des facteurs de dégradation du papier107. Le test a été réalisé à l’aide d’un pHmètre à électrodes de surface108. Plusieurs mesures ont été effectuées sur le document et sur les morceaux détachés du plan pour Figure 37 : test de la mesure du pH sur un morceau détaché établir une moyenne. Le principe est de
du plan.
déposer une goutte d’eau sur la surface du papier, et de mesurer le pH de la goutte avec l’électrode, aussi le risque de formation d’auréoles a été limité par un nombre de mesures réduit à six (fig.37). La moyenne obtenue du pH du papier est de 6,44 ± 0,04. Le pH des encres ferrogalliques a aussi mesuré, et la moyenne obtenue est de 5,94 ± 0,03 Ces résultats indiquent donc que le pH à la fois du papier et des encres est peu acide, et ne justifie pas un traitement de désacidification.
107
La présence d’encres ferrogalliques pourrait induire une acidité de cette encre liée à sa nature (des ions H + se forment au cours de la fabrication de l’encre mais aussi sont causés par l’addition de substances comme le vinaigre). Il pourrait alors se produire une réaction d’hydrolyse acide néfaste pour la cellulose. NEEVEL, J.G., MENSCH, C.T.J., The behaviour of iron and sulphuric acid during iron-gall ink corrosion , dans ICOM 12th triennial meeting Lyon 29 August- 03 September 1999 Preprints Vol II, 1999, pp. 528-533 108 Marque : CyberScan pH510 Eutech Instruments.
87
2. Test de solubilité des couleurs et des encres
Ce test, préliminaire au traitement, permet de vérifier la stabilité de la technique graphique aux différents solvants utilisés en restauration lors de traitements aqueux. Pour cela deux solvants ont été testés : l’eau et l’éthanol. Le principe consiste à déposer une goutte de ces solvants sur le médium, et d’appliquer ensuite un buvard sur la goutte. On observe alors visuellement s’il y a ou non transfert de la technique
Figure 38 : résultat positif au test de la goutte avec le solvant éthanol sur la technique graphique rouge
sur le buvard (fig.38).
Eau
éthanol
Eau50% /éthanol 50%
Eau 30%/ éthanol 70%
Encre noire (bordure)
-
-
-
-
Encre ferrogallique (écritures)
-
-
-
-
Couleur verte (forêt)
+
-
-
-
couleur rouge (lettrage)
+
+
+
+
Couleur jaune (blason)
+
-
+-
-
Figure 39 : tableau récapitulatif des résultats des tests de solubilité des encres et des couleurs.
Ce test a permis de constater que les encres n’étaient pas sensibles aux solvants eau et éthanol. Les couleurs vertes et jaunes étaient légèrement sensibles à l’eau, mais peu au mélange eau-éthanol. La couleur rouge, quant à elle, s’était révélée sensible aux deux solvants (fig. 38-39). Aussi, lors de la restauration, on prendra soin de contrôler l’apport humide (nécessaire dans les différents traitements que l’on envisagera) sur les couleurs sensibles. 88
B. Propositions de traitements Les choix dictant la restauration seront motivés par différents facteurs. En premier lieu, il s’agit d’une œuvre privée destinée à être exposée dans le château de Montauban, selon la volonté des propriétaires. Compte tenu de ce caractère privé, la restauration devra aussi rester dans des limites raisonnables en termes de coût. D’autre part, le format, de grande dimension, ainsi que son état avancé de dégradation, implique des opérations de renforcement de l’œuvre qui ne pourront se limiter à une simple consolidation. En particulier, le grand format implique une approche du traitement qui prendra en compte cette particularité.
1. Désentoilage Cette étape donne la possibilité d’avoir accès au dos, ce qui permettra le traitement du document. La toile sera conservée par les propriétaires suivant leur demande. Cette intervention sera réalisée à sec, mécaniquement dans la mesure du possible.
2. Dépoussiérage Cette étape est l’une des plus essentielles du traitement, puisqu’elle consiste à éliminer au maximum la poussière qui à la fois abrase la surface, nuit à la lisibilité, mais surtout est source de contamination, puisqu’elle contient de spores de moisissures. Une telle opération doit être effectuée avec délicatesse, en raison de l’état de fragilité du papier. L’élimination des particules de poussière doit être effectuée recto-verso, et entre les couches de papier, en minimisant le plus possible la manipulation du document.
Ce
dépoussiérage sera effectué par aspiration, à l’aide d’un aspirateur à filtre à particules. Il pourra être suivi par un gommage doux localisé en fonction de l’état de fragilité du papier puis par l’aspiration des particules de gommes.
89
3. Nettoyage du document et retrait des papiers de renfort Le nettoyage du document pourra en premier lieu s’effectuer à sec afin d’éliminer les traces de colles épaisses et les traces d’excréments. Il s’agira ensuite de contrôler l’apport d’humidité lors des interventions suivantes pour minimiser les risques que peut comporter un traitement aqueux sur un document moisi avec une
technique graphique sensible et d’un tel format. Il ne sera donc pas envisagé un
nettoyage complet du papier d’œuvre, c’est-à-dire l’élimination des taches et auréoles au recto, dans la mesure où un tel traitement pourrait provoquer sur la technique graphique une atténuation encore plus grande qu’elle ne l’est actuellement. Aussi, le travail de nettoyage s’effectuera au dos de l’œuvre, par l’utilisation de solvants (choisis à la suite de tests prenant en compte la résistance de la technique graphique) afin d’éliminer autant que possible les résidus de colle restants. En parallèle de cette étape, les documents de renfort manuscrits, ainsi que les anciennes réparations, seront décollés mécaniquement et/ou à l’aide de ces mêmes cataplasmes, dans le but de les conserver en défaits pour les besoins futurs des recherches sur l’histoire du document. Ceux-ci seront restaurés puis conditionnés dans des pochettes transparentes puis conservés dans une boite fabriquée à cet effet. Concernant le montage même du plan, les papiers ne seront pas désassemblés pour ne pas altérer encore plus le dessin qui a été réalisé après raboutage des papiers. L’œuvre sera donc au maximum restaurée dans son format d’origine limitant ainsi les interventions.
4. Consolidations et renfort du document Un premier doublage avec un papier japonais fin et une colle semi-cellulosique épaisse sera effectué au dos. Ce doublage permettra de manipuler le plan sans risque de perte de papier et d’obtenir une première consolidation. Le document pourra ensuite être retourné puis traité par le devant ce qui permettra le contrôle de la technique graphique lors des étapes suivantes.
Un second doublage avec un papier japonais plus épais est envisagé pour permettre le renforcement du plan. Deux méthodes de doublage sont proposées ici pour le renforcement d’un document de grand format : un doublage sans toile, et un doublage avec toile. La première méthode, moins 90
interventionniste que la seconde, consiste à encoller le document sur un assemblage de papiers (dont l’épaisseur est inférieure à celle du papier d’œuvre). Ces superpositions se positionnent à l’endroit des plis et déchirures les plus importants. Ce doublage est effectué selon la technique du fond tendu. Des marges laissées plus grandes tout autour du document permettent de monter l’ensemble sur un châssis entoilé ou un panneau de conservation (polycarbonate ou alvéolé). Ainsi, le seul apport humide provient de la colle d’amidon épaisse, et permet d’aplanir les déformations du plan. Mais cette technique est plus fragile que la seconde méthode puisque seul le papier de doublage supporte le poids du document. La seconde méthode consiste à renforcer le document par un doublage uniforme (c’est-àdire en employant un morceau de papier légèrement plus grand que le format du plan), et de procéder par un rentoilage avec de la colle d’amidon épaisse. Ce second doublage sert aussi de papier barrière, empêchant d’imprimer la trame de la toile sur le document papier. Cette technique est plus solide que la première dans la mesure où deux couches de matériaux sont ajoutées au document. L’autre avantage de cette technique est que l’on obtient un apport humide plus important qui peut favoriser l’aplanissement du papier d’œuvre. La première technique étant plus minimaliste, nous avons donc fait le choix de la privilégier. Suite à ce doublage, les lacunes seront comblées par la réalisation et la pose de pièces de réintégrations utilisant un papier similaire au papier d’origine. Les plus petites lacunes seront comblées par de la pâte à papier. Le document sera ensuite réencollé pour renforcer le papier détérioré principalement par les moisissures et permettre la retouche des pièces de comblement.
5. Retouche La retouche doit servir à la lisibilité sans dénaturer l’aspect originel du document. Elle doit se faire discrète, permettant de rendre la restauration moins intrusive. On procèdera donc à une mise au ton des pièces de réintégration ainsi que des zones du papier d’œuvre où ont pu être observées les altérations de surface les plus importantes et qui nuisent à la bonne compréhension du plan. Cette retouche n’est possible que dans la mesure où une couche protectrice apportée par un réencollage aura été posée préalablement pour recouvrir la surface du papier d’œuvre.
91
6. Montage Une fois l’œuvre restaurée, elle sera montée sur un support permettant sa présentation à la verticale. Le conditionnement est l’une des étapes les plus importantes puisqu’elle garantit la pérennité de l’œuvre dans le temps. Le conditionnement sera donc réalisé en prenant en compte à la fois le format et les conditions climatiques de l’endroit dans lequel le document sera conservé par la suite. Le montage devra répondre à plusieurs critères : -
Le châssis doit palier aux variations dimensionnelles du document par un système de châssis à tension continue,
-
Il devra filtrer les rayons UV par une protection de surface, qui pourra être un verre ou un plexiglas,
-
Il devra empêcher la poussière de s’accumuler à nouveau sur le plan, par une protection par le devant et par le derrière de l’œuvre,
-
Il devra maintenir une hygrométrie et une température la plus constante possible car se sont les variations de température et d’humidité relative qui sont les plus dangereuses pour l’œuvre,
-
Il devra permettre son exposition en prenant en compte l’aspect esthétique du document.
92
IV.
Déroulement de l’intervention A. Interventions à sec 1. Désentoilage Avant de procéder au désentoilage lui-même, un premier dépoussiérage sommaire a été réalisé sur le recto en vue d’éliminer un maximum de débris, à l’aide d’un pinceau-brosse souple. La surface a ensuite été protégée par un intissé, puis l’œuvre a été retournée, à l’aide de tierces personnes, en la maintenant entre les deux planches de contreplaqué ayant servi à son transport, en prenant soin de maintenir l’ensemble solidaire, par des élastiques. Le retrait de la toile a été facilité par la perte d’adhérence causée par les moisissures : la toile n’adhérant plus au papier, le désentoilage a pu être effectué à sec, en faisant rouler la toile sur elle-même. Le pli central ayant occasionné une déchirure, le document se présentait en deux parties à la suite du désentoilage (fig.40).
Figure 40 : a et b- désentoilage du plan, c- verso du plan après le désentoilage.
93
2. Dépoussiérage Afin de ne pas frotter la surface du papier, ce qui aurait pu l’abraser encore plus et faire pénétrer la poussière en profondeur, favorisant le risque de contamination par les moisissures, le choix a été fait d’utiliser un aspirateur à filtre à particules 109. Ce type d’aspirateur permet d’éliminer les particules les plus fines sans les disperser à nouveau dans l’atmosphère110. Cette étape a été répétée plusieurs fois, au recto et au verso, en procédant de la même façon pour la manipulation de l’œuvre que lors du désentoilage. Le dépoussiérage a systématiquement été effectué entre les plis du document, et, lorsque l’accès était possible, entre les papiers de renfort et le papier d’œuvre. Nous avons pris soin de contrôler l’aspiration afin de ne pas détériorer le papier déjà fortement fragilisé. Les morceaux détachés ont eux aussi été dépoussiérés, puisqu’ils seront par la suite replacés au sein du plan (fig.41).
Figure 41 : en haut : aspiration de la poussière à l’aide d’un aspirateur à filtre à particules, en bas : amas de poussières et de résidus qui s’étaient accumulés entre la toile et le document.
109
Aspirateur Muntz 555 HEPA, réf. M555 Stoul Conservation. Anne, FAUCHEUX Marc, « Dépoussiérage-mode d’emploi », Actualités de la conservation BnF ; juillet 1997, n° 4 ; LECLERC Brigitte, « Quelques notions de base sur les caractéristiques des particules solides », Actualités de la conservation BnF ; octobre 1997, n° 5. 110 MARTEYN
94
3. Gommage On a complété ce dépoussiérage par un gommage doux localisé, d’abord au recto, sur les parties les moins fragiles. Pour cela, nous avons utilisé de la gomme vinylique en poudre111. Cette gomme est appliquée par des mouvements circulaires, du bout des doigts, permettant un gommage précis aux endroits où il n’y avait pas de technique graphique (fig.42). Le travail a été divisé en plusieurs zones. Pour chaque zone, le gommage était suivi par l’aspiration des particules de gomme salies. Pendant ce traitement au recto, on a procédé à l’élimination des résidus de surface (taches blanches, taches d’excréments), à l’aide d’une gomme plastique PVC de marque Staedtler Mars Plastic (fig.43), et d’une gomme crayon (de la même marque) pour les zones où le travail demandait plus de minutie, et à l’aide d’un scalpel pour les résidus de colle. Ce gommage a permis d’obtenir un premier résultat satisfaisant, le document apparaissant moins sombre, permettant ainsi une meilleure lisibilité du dessin.
Figure 42 : gommage du verso du plan avec de la gomme en poudre.
111
Voir fiche technique en annexe p.206.
95
Figure 43 : élimination des résidus blancs avec une gomme blanche avant, pendant et après traitement.
Avant d’entreprendre les étapes suivantes, qui s’effectueront sur le verso, et pour minimiser la manipulation, un panneau en polycarbonate du format du document a été préparé en vue de servir de support de travail. L’avantage de ce panneau consistait à pouvoir observer le document par transparence en s’en servant comme table lumineuse, permettant d’observer les filigranes, les superpositions de papier et les zones épidermées. Une fois l’œuvre retournée, le gommage a été poursuivi au verso, de la même manière.
96
B. Intervention par voie humide 1. Décollement des documents de renfort L’objectif de cette opération n’était pas seulement de retirer les documents de renfort pour accéder au papier d’œuvre, mais aussi de les préserver. Ces papiers de renfort étaient collés face écrite contre le dos du plan, empêchant donc leur lecture, ce qui compliquait d’autant plus l’opération.
La méthode employée devait donner des résultats les plus efficaces par rapport à ce problème, mais aussi minimiser l’apport d’humidité pour préserver le dessin du plan. Une première opération a consisté à décoller au maximum à sec les papiers de renfort quand cela était possible, pour limiter les zones à traiter par voie humide. Il existe plusieurs méthodes d’humidification dans le but de séparer ces papiers de renfort au papier d’œuvre, considérées comme douces, c'est-à-dire sans procéder par une humidification directe (immersion, vaporisation), comme par exemples : l’humidification au Gore-Tex®, la chambre d’humidification, l’utilisation de buvards humides, ou les cataplasmes d’argiles synthétiques et de gels. Le choix ici a été de privilégier des techniques n’entrainant pas un apport humide trop long ou trop important, pour une humidification plus contrôlée. Par exemple, la chambre d’humidification entraîne des conditions favorables à la réactivation des moisissures (espace clos avec une humidité relative et une température élevée ainsi que le problème du grand format), et ne convenait donc pas dans le cas présent. Selon une étude portée sur
la
comparaison de cataplasmes pour le dédoublage de documents collés à l’amidon, réalisée par Marthe Desroches parue en 2008 dans Support/Tracé 112 , les compresses de Gore-Tex® notamment, transmettaient un apport en eau diffus et nécessitaient un temps de contact très long.
112
DESROCHES Marthe. « Etude comparative de cataplasmes pour le dédoublage de documents collés à l’amidon ». Support/Tracé, Paris, 2008, n° 8, p.141-144.
97
Le but était de ramollir la colle de peau sans que l’humidité atteigne la couche de papier d’œuvre. Il fallait donc que l’humidité puisse traverser les deux premières couches (papiers de renfort et colle), et s’arrêter à la dernière (le papier d’œuvre). Le choix s’est porté sur l’utilisation d’un gel. Un gel est une dispersion colloïdale d’un état liquide dans un état solide, le liquide est emprisonné dans un réseau tridimensionnel dont les particules colloïdales sont fixées les une aux autres. Un gel est un corps poreux dont la propriété permet de diffuser dans sa masse une substance à l’état dispersé comme dans un liquide 113 . Dans le domaine de la restauration, les gels sont utilisés pour apporter de l’humidité sur un support par diffusion. Les gels servent à augmenter le temps de rétention d’un solvant afin de contrôler sa profondeur de pénétration en limitant l’action de capillarité du support. Ils ont aussi la propriété de ralentir l’évaporation du solvant, accentuant alors l’efficacité de celui-ci 114 . Un gel à base de produits cellulosiques comme le gel de méthylcellulose (Tylose MH300) pourrait être utilisé dans le cas présent sous forme de cataplasme, celui-ci ayant un haut pouvoir de rétention d’eau.
Selon la même étude réalisée par Marthe Desroches, la Tylose® apportait une humidité trop importante sous une concentration à 6% mais que le temps de dédoublage était suffisamment rapide. Deux concentrations de gel de méthylcellulose115 ont donc été testées pour déterminer leur efficacité une à 6% et l’autre à 9%.
Il en a été conclu que cette méthode qui permettait de ramollir la colle de peau le plus rapidement, sans que l’humidité atteigne la couche du papier contenant la technique graphique, était le gel de méthylcellulose concentré à 9% (fig.44).
Non tissé
Figure 44: schéma du cataplasme de gel et de l’action de l’humidité passant à travers les couches de papier de renfort et de colle.
113
DELCROIX Gilbert, HAVEL Marc. Phénomènes physiques et peinture artistique. Puteaux, Erec, 1988, p.175. STULIK Dusan, MILLER David, KHANJIAN Herant et al. Solvent Gels for the Cleaning of works of Art: The residue question. Los Angeles, The Getty Conservation Institute, 2004, p. 6-7. 115 Voir fiche technique en annexe p.203. 114
98
Le panneau de polycarbonate a ici joué le rôle de table lumineuse permettant de voir par transparence les différentes couches composant le document (en positionnant une lampe sous le panneau à l’endroit désiré). La visibilité des superpositions était ainsi accrue, ce qui a facilité l’opération de retrait des papiers de renfort. L’opération a consisté à appliquer, sur les papiers de renfort, par-dessus un non tissé116, le gel de méthylcellulose. Afin de mieux contrôler l’apport d’humidité ainsi que le temps de pose du gel, l’opération a été effectuée par petites zones. Le gel a été appliqué en couches épaisses, chaque zone étant d’une surface d’environ 5 cm². Après un délai de trois minutes environ, l’humidité a pénétré suffisamment à travers le papier de renfort pour atteindre la couche de colle et la ramollir. L’intissé et le gel sont alors retirés, puis, à l’aide d’une spatule en téflon et d’un scalpel, les papiers de renfort sont décollés. Pendant cette opération de retrait, une autre zone est humidifiée de la même façon, et ainsi de suite (fig.45).
a
b Figure 45 : a- pose du gel de méthyle sur l’intissé à l’aide s’une spatule, b- décollement des papiers de renfort.
116
L’intissé sert alors de barrière, limitant la présence de résidus de gel sur le papier.
99
Ce traitement a donc permis de limiter l’apport humide tout en préservant les documents de renfort, qui ont pu tous être retirés sans créer d’altération visible sur la technique graphique.
Figure 46 : les papiers de renfort une fois décollés.
100
2. Nettoyage aqueux et première remise à plat Après le retrait des documents de renfort, a été effectué un nettoyage local des résidus de colle au dos du plan. Cette étape est essentielle au vu des opérations de doublage futures. En effet, pour obtenir une meilleure adhérence avec le papier de doublage, il faut éliminer au maximum les résidus de colle ancienne qui font obstacle à cette adhérence et redonner de la souplesse à la carte. A l’aide d’un coton imbibé d’un mélange eau (30%) et éthanol (70%)117, les résidus de colle ont donc été frottés en effectuant de légers mouvements circulaires. Le traitement a permis d’enlever ces résidus, sans pour autant parvenir à les éliminer entièrement (fig.47). A la suite de cette opération, chaque zone traitée a été mise à sécher sous poids (avec non tissé et buvard), ce qui a permis d’obtenir une première mise à plat.
Figure 47: nettoyage à l’aide d’un coton imbibé d’éthanol et eau.
117
Ce mélange limite l’apport en eau et favorise la rapidité d’évaporation du solvant.
101
C. Consolidation 1. Premier doublage Disposant d’un document en deux parties distinctes depuis le désentoilage, ce premier doublage a été réalisé séparément pour chaque partie. Ce doublage s’effectue par le dos, avec un assemblage de papiers japonais fins (6 g/m²), appliqués en dominos (c’est-à-dire en les plaçant les uns à coté des autres, légèrement superposés sur quelques millimètres et en alternant le sens des fibres). Cette technique permet d’homogénéiser les mouvements des fibres du papier pour minimiser les risques de tensions. On a appliqué au pinceau sur chaque carré une préparation d’Hydroxypropylcellulose (Klucel G) dilué à 5% dans de l’éthanol, pour les coller au papier d’œuvre. Le choix de cette colle a été dicté par la volonté de contrôler l’apport humide, l’éthanol permettant une évaporation et un séchage plus rapide. La technique de doublage en dominos a également été privilégiée car elle permettait, en procédant progressivement, carré par carré (chacun étant séché sous poids au fur et à mesure), de doubler un document au format imposant tout en utilisant une colle qui s’évapore rapidement, avec comme avantage que la mise sous poids immédiate permet d’assurer une meilleure adhérence (fig.48). Après un séchage sous planche (entre non tissé et buvards) de l’ensemble qui a duré deux jours, il fut facile de manipuler et de retourner chacune des deux parties sans perte additionnelle de morceaux du plan.
Figure 48 : premier doublage en domino avec un papier japonais 6g/m².
A la suite de ce doublage, nous en avons profité pour replacer les morceaux de la carte qui avaient été détachés. 102
2. Second doublage Suite au premier doublage, il en a été réalisé un second, pour permettre le renfort et l’assemblage des deux parties séparées. Pour ce doublage, nous avons opté pour la technique du fond tendu, inspirée de la méthode du fond collé
118
, qui donne l’avantage
d’intervenir en ayant accès à la face de l’œuvre, et donc aide à mieux contrôler les conséquences de ce traitement sur la technique graphique. Il a l’autre
Figure 49 : préparation de la table pour le fond tendu : pose de la méthylcellulose.
avantage de permettre un séchage faisant à la fois office de remise de plat : le papier, en séchant, va en effet avoir tendance à se tendre119. Pour procéder à ce fond tendu, nous avons pris soin de travailler sur une surface plane, sans défauts. Nous avons ensuite appliqué de la méthylcellulose120 épaisse à 4% (fig.49), puis posé une toile polyester, cette toile ayant la propriété de ne pas varier dimensionnellement sous l’action de l’humidité (fig.50). La toile a été positionnée de manière à la tendre sans former de plis, Figure 50 : pose de la toile polyester sur le plan de travail encollé. en évacuant manuellement les bulles d’air pouvant se trouver emprisonnées sous elle. La toile a été de nouveau encollée avec la méthylcellulose, puis huit feuilles de papier japonais Kozo
17
g/m²,
préalablement
humidifiées
par
pulvérisation, ont été placées sur ce voile en les superposant sur une largeur de 2 cm. Cette surépaisseur a été placée au niveau des plis et déchirures les plus importants du document (fig.51). De la colle épaisse d’amidon de blé a ensuite été
Figure 51: pose des papiers de doublage préalablement humidifiés
118
LEINARDY Anne. Interaction entre la théorie et a pratique en restauration du papier : le doublage des œuvres de grand format. Thèse, 2000.p. 51- 52. 119 Idem, p. 51. 120 La méthylcellulose permet de coller la toile à la table et le papier de doublage à la toile tout en permettant un décollement plus aisé après séchage, cette colle ayant un pouvoir collant moins important que la colle d’amidon.
103
préparée et appliquée au pinceau sur les papiers de doublage, en prenant soin d’encoller entre les superpositions. L’utilisation de cette colle épaisse a évité ainsi un apport trop important d’humidité, et a permis, par sa viscosité, de faciliter l’aplanissement des déformations du document doublé. Avec l’aide d’une tierce personne, les deux parties du document ont alors été positionnées, l’une après l’autre, sur le doublage (fig.52). L’humidité de la colle a pénétré le papier, qui en conséquence s’est allongé. Les plis ont alors été « défroissés » à la main en partant du centre vers les bords.
Figure 52 : pose des deux morceaux du plan.
Ensuite, nous avons utilisé une spatule en téflon, une brosse Nadébaké traditionnelle et un rouleau que nous avons appliqué sur le plan, à travers un intissé et un buvard, afin d’éliminer les bulles d’air et de le faire adhérer au doublage, en prenant soin de vérifier qu’il n’y avait pas de transfert de la technique graphique (fig.53).
Figure 53 : application du plan à l’aide d’une spatule en téflon.
Une superposition composée d’un intissé, de plusieurs buvards, et d’une couverture en feutre, a ensuite été posée sur le document, pour permettre un séchage lent de l’ensemble. Le document doublé devait donc, dans ces conditions, sécher pendant plusieurs semaines avant d’être enlevé de son fond tendu, en prenant soin de changer les buvards régulièrement (fig.54).
Figure 54 : séchage sous buvards (à gauche) et couverture en feutre (à droite).
104
Au cours du séchage, il a été constaté qu’une des anciennes déchirures s’était légèrement ré-ouverte sur le côté gauche du plan. De plus, ce doublage n’adhérait pas suffisamment et présentait des zones de décollement, principalement au niveau des superpositions. Aussi, il en a été conclu que ce doublage avait été inadapté compte tenu de la fragilité extrême du papier d’œuvre. La consolidation localisée, qu’auraient dû apporter les superpositions aux endroits les plus fragiles, n’avait pas été suffisante, ces superpositions ayant créé des tensions du fait d’une surépaisseur de papier à ces mêmes endroits. Finalement, la décision a été prise de démonter l’œuvre de son fond tendu, et d’opter pour le doublage renforcé par un rentoilage tel que décrit précédemment lors des propositions de traitements (voir p.89-90).
Le second doublage a donc été décollé mécaniquement à sec, montrant au passage sa faible adhérence. Le premier doublage a pu être conservé ce qui a permis la manipulation du document. Une toile de coton au grain fin et serré a été décatie, pour le rentoilage 121. Ce choix a été motivé par les éléments suivants : la finesse du grain permettait d’éviter un relief trop prononcé qui aurait pu se répercuter sur le document d’œuvre, même avec l’intermédiaire d’un papier barrière ; la toile était cependant assez épaisse pour contribuer efficacement à la solidité du renforcement ; et enfin la couleur blanc-crème ne participait pas à l’assombrissement du document, contrairement aux toiles de lin écrues.
La toile est décatie, pour limiter ses variations dimensionnelles. En effet, une toile étant tissée, lors de son humidification va se rétracter alors que le papier va quant à lui avoir un comportement inverse et se détendre. Le décatissage va donc limiter ces variations par l’élimination des produits hydrophiles de la toile et en augmentant la distance entre les fils de chaine pour diminuer sa capacité de rétractation122. Il faut savoir que le papier va donc avoir un comportement dominant sur la toile au niveau des variations dimensionnelles123. Celles-ci resteront de toute façon dans une certaine mesure inévitables, mais peuvent être compensées par un montage sur un châssis avec un système amovible adapté.
121
Fournisseurs Le Géant des Beaux-Arts (Paris), toile brute en coton Milano 150g/m² vendue en rouleau de 1,60x10m réf. 25151. 122 LIENARDY Op.cit. p. 64 123 Le papier étant un matériau hygroscopique, celui-ci variera dimensionnellement selon les différences hygrométriques du lieu dans lequel il sera conservé.
105
Après avoir fixé la toile sur la planche de travail en l’agrafant sur les bords, de la colle d’amidon épaisse a été appliquée sur l’ensemble en grande quantité. Ensuite, nous avons posé un papier japonais 65 g/m² sur toute la longueur de la toile ainsi encollée, que l’on a appliqué avec une raclette pour éliminer les bulles d’air et le surplus de colle. Ce papier japonais servira de papier barrière protégeant le papier d’œuvre de la toile : il protège en absorbant le relief, lisse la surface, protège la filtration de l’air et de la poussière par le dos de la toile, et fait tampon aux éventuels produits de dégradation de la toile vers l’œuvre. Un autre de ses intérêts est d’obtenir un renfort sur la totalité du plan sans créer de surépaisseur : c’est pour cela que le choix d’un seul morceau de papier a été privilégié. Enfin, la présence de ce papier augmente les possibilités de réversibilité du montage124. De nouveau de la colle d’amidon épaisse a été appliquée, et les deux morceaux du document ont été posés de la même manière que précédemment. Les étapes suivantes sont les mêmes que pour la première méthode de doublage (fig.55).
Schéma de l’entoilage Document Klucel G 1ier doublage Japon 6g/m² Colle d’amidon épaisse ème 2 doublage Japon 65g/m² Colle d’amidon épaisse Toile Planche
Figure 55 : schéma de l’entoilage montrant les différents éléments le constituant.
124
BEAUVAIS Lydia, LE PRAT André, article : « Un carton de Le Brun reconstitué : La figure de l’Afrique pour l’Escalier des Ambassadeurs à Versailles » dans Revue du Louvre n°4, Paris, 1995, p.67-69.
106
Le séchage s’est effectué plus lentement que la première fois en raison de l’humidité accrue par l’apport plus important de colle. Aucun changement de la technique graphique n’a été constaté. Le rentoilage a permis, en éliminant totalement les plis et déformations, d’obtenir un meilleur aspect de surface que le précédent doublage (fig.56). Cette fois-ci, aucun décollement n’a été constaté. L’œuvre a été laissée à sécher pendant une semaine, à la suite de quoi nous avons procédé aux étapes suivantes sans la démonter de son support.
Figure 56 : séchage du document rentoilé.
3. Comblement des lacunes Après la première semaine de séchage, les lacunes ont été comblées manuellement en utilisant un papier vergé couleur crème 75 g/m² fabriqué par le moulin Ruscombe 125 . Ce papier a été choisi pour plusieurs raisons : c’est un papier fait main, au pH neutre, composé de fibres de coton et de lin, compatible avec les travaux de restauration. Certaines des lacunes étant de taille très importante, en conséquence des pièces de réintégration allaient être particulièrement visibles : il fallait donc que le papier ait des caractéristiques se rapprochant le plus possible de celles du papier d’œuvre, aussi bien en termes d’épaisseur, de souplesse, que d’aspect général visuel (les vergeures et pontuseaux du papier devaient être similaires à celles du papier d’œuvre). Il fallait aussi que le papier soit suffisamment résistant pour permettre une consolidation efficace.
125
http://www.ruscombepaper.com/, site consulté le 27 juin 2010.
107
Pour les lacunes les plus grandes, le papier a été humidifié au préalable, puis l’empreinte de la lacune a été relevée au crayon sur un calque. Le papier de comblement a été posé sur le tracé du calque et, avec la pointe de la lame d’un scalpel, les bords ont été découpés. La pièce a ensuite été encollée à la colle d’amidon, positionnée sur la lacune, puis, à travers un intissé, une légère pression a été exercée avec un plioir en téflon afin de faire adhérer la pièce. Enfin la zone a été mise à sécher sous intissé, buvard, et poids (fig.57).
a
Figure 57 : réalisation des pièces de comblement des lacunes ; a- prise de l’empreinte sur calque, bdécoupe de la pièce.
b
Pour les zones de taille intermédiaire, la lacune est directement encollée, et un morceau de papier de comblement, de taille légèrement supérieure à celle de la lacune, préalablement humidifié, est appliqué dessus. Après séchage, les bords, qui n’ont pas été encollés, sont ébarbés à l’aide d’un scalpel pour obtenir une pièce bord à bord. Enfin, les trous les plus petits ont été comblés à l’aide de pâte à papier fabriquée à base de colle d’amidon et de fibres broyées du même papier Ruscombe. Cette pâte est ensuite insérée avec une spatule dans les trous et fentes pour les « colmater » (fig.58).
a
b
Figure 58 : a- exemple de petite pièce de comblement avec les bords légèrement supérieurs aux bords de la lacune, b- fabrication de pâte à papier pour les trous les plus petits.
108
Figure 59 : vue d’ensemble du plan après la réintégration des lacunes.
D. Réencollage L’opération de réencollage est nécessaire ici pour deux raisons. Suite aux dégradations causées par les moisissures, le papier présentait un aspect beaucoup trop poreux et avait perdu son encollage sur les zones touchées. De plus, cela permettait d’apporter une couche de protection en vue des retouches, ce qui assurait une plus grande réversibilité, bien que celle-ci ne puisse jamais être totale126. Le choix de la colle s’est porté vers une solution de méthylcellulose à 1% d’une viscosité suffisante pour empêcher le frottement du pinceau lors de son application sur la technique graphique, ainsi qu’un apport humide direct trop important, mais assez liquide pour obtenir un film homogène. D’autre part, la méthylcellulose est moins susceptible d’être attaquée par les moisissures qu’une colle organique 127 (par exemple la gélatine, qui de plus doit s’appliquer très liquide et tiède, ce qui aurait pu poser un problème au vu du grand format). Elle a en outre été préférée à la colle Klucel G car cette dernière présentait un aspect brillant
126
POULSSON Tina Grette, Retouching of Art on paper, Archetype publication, Londres, 2008. ROBERT L., FELLER , MYRON H. et al. Evaluation of Cellulose Ethers for Conservation. Getty Conservation Institute, 1990. http://www.getty.edu/conservation/publications/pdf_publications/ethers.pdf. 127
109
sur la surface du papier128.
Figure 60 : le plan une fois encollé à la méthylcellulose.
La méthylcellulose a été appliquée délicatement avec un pinceau doux, puis le document a été séché pendant une semaine avant de procéder à la retouche (fig.60).
E. Retouche Il a été décidé d’atténuer la visibilité des pièces de réintégration par une mise au ton. En effet, celles-ci étaient très nombreuses et occupaient une surface totale suffisamment importante pour altérer la lisibilité de l’ensemble. Cependant, il a été décidé de ne pas recréer le dessin sur les zones perdues, mais simplement d’apporter un soin à l’harmonisation du plan. Afin d’obtenir un résultat discret et homogène, nous avons utilisé la technique de l’aérographe pour les plus grandes pièces de réintégration. Ce choix a été motivé par l’absence de traces laissées sur le papier par ce type de technique (par opposition à l’utilisation d’un pinceau), et surtout parce que l’aérographe129, avec lequel on obtient des couleurs uniformes et des dégradés, permettait d’effectuer une mise au ton progressive susceptible, dans le cas présent, de faire en sorte que les pièces de réintégration se « fondent » le mieux possible au sein du document, ce qui correspondait à l’objectif poursuivi ici. L’aquarelle a été choisie pour la mise au ton, en optant pour une teinte proche de la couleur moyenne du papier d’œuvre. 128
Des tests ont été réalisés sur des échantillons de papiers similaires au papier d’œuvre (époque, aspect, épaisseur) avec ces deux colles. 129 L’aérographe permet aussi de ne pas toucher directement le papier lors de la retouche et de ne pas éliminer l’encollage.
110
Le plan a été protégé avec un cache au moment de l’utilisation de l’aérographe pour ne pas tacher le papier. La couleur est appliquée par des mouvements de va-et-vient (fig.61).
Figure 61 : mise au ton des pièces de réintégration à l’aérographe.
Pour les comblements les plus petits, et notamment pour les zones comblées à la pâte à papier, la retouche s’est faite au pinceau, ce qui permettait un travail de précision. Enfin, nous avons opté pour la réalisation d’une retouche semi-directe, c’est-à-dire que grâce à la couche isolante de méthylcellulose, la retouche n’était pas effectuée directement sur le papier d’origine. Cette couche augmente la réversibilité de la retouche, en réduisant l’absorption de la technique par les fibres130. Ainsi, la bordure noire a été prolongée dans la partie supérieure sur les pièces de réintégration, et légèrement sur le coin supérieur droit, pour ne pas déséquilibrer l’ensemble. Egalement, l’extrémité droite du dessin de la forêt a été légèrement mise au ton de manière à l’inclure à nouveau dans le reste du dessin. Enfin, il a été décidé de repasser légèrement les lettres en rouge ainsi que le titre, de manière à ce qu’ils puissent être à nouveau complètement lisibles (fig.62).
a
b
Figure 62 : a- prolongement de la bordure noire sur la pièce de réintégration, b- remise au ton de la dernière parcelle de la forêt
130
Ibid, POULSSON.
111
La retouche a grandement contribué à rendre au document son homogénéité, sa lisibilité et sa valeur esthétique, ce qui est conforme à sa nature première d’objet utilitaire et d’exposition.
Figure 63 : restauration avant et après du trou auréolé de rouille. Les bords de la lacune ont légèrement été grattés pour faire adhérer la pièce de réintégration.
Figure 64 : détail de l’avant et de l’après restauration du titre
Figure 65: détail de la partie Est de la forêt avant et après restauration.
112
Figure 66 : avant et après restauration de la rose des vents.
Figure 67 : avant et après restauration de la légende en bas à droite du plan.
Figure 68 : lettre A avant retouche et après retouche
113
F. Restauration des documents de renfort et des défaits
1. Doublage et mise à plat des papiers de renfort et des défaits Après le retrait au verso des documents de renfort, ceux-ci ont été traités en vue d’améliorer leur lisibilité. Du fait de la présence d’encres ferrogalliques, le traitement choisi a été de doubler ces papiers avec de la gélatine 131 , permettant de ralentir le processus d’oxydation lié à ce type d’encre132. Pour cela a été utilisée une gélatine diluée dans l’eau à 2%, appliquée tiède, et un papier japonais fin 6 g/m² (fig. 66). Des tests de doublage avaient été réalisés lors d’un stage dans l’atelier de Cédric Lelièvre et avaient révélé que ce pourcentage donnait les résultats les plus satisfaisants.
Figure 66 : doublage sur table aspirante des défaits et des papiers de renfort.
Les papiers de renfort sont positionnés sur un intissé face recto contre une table aspirante. Ils sont ensuite humidifiés par vaporisation. Le surplus d’eau est aspiré pendant une seconde. Le papier de doublage est posé dessus, puis on applique la colle tiède au pinceau, de nouveau on procède à une aspiration pendant une seconde, puis on fait adhérer, à travers un intissé, avec un plioir en téflon. Ce procédé permet, par l’utilisation de l’aspiration couplée à un
131
La gélatine utilisée est de type B, mélange 50% : bloom 83 et 273 diluée à 2% dans l’eau. Distribuée par GMW (Allemagne). 132 BANIK G., KOLBE G., WOUTERS J. « Analytical procedures to evaluate conservation treatments of iron gall ink corrosion », La conservation à l’ère du numérique, Acte des quatrièmes journées internationals d’études de l’ARSAG, ARSAG, Paris, 2002, p.205-217
114
essuyage, d’optimiser l’adhérence du papier de doublage, et la pénétration de la gélatine dans le papier d’œuvre sans le détremper. Puis, les papiers de renfort ont été mis à sécher sur des claies, et enfin mis sous poids entre buvard, intissé, et planche pour les aplanir.
Figure 67 : exemple de papier de renfort avant et après restauration
Après ces interventions et le doublage des documents de renforts, ceux-ci étaient devenus beaucoup plus lisibles et manipulables, il a donc été possible à ce moment là de rassembler certains d’entre eux : en effet, la découpe du papier ainsi que la continuité des textes permettaient de reconstituer partiellement certaine des pages qui avaient été découpées pour en faire des bandes de renfort ou simplement détériorés au cours du temps. Une page en particulier a pu être reconstituée presque complètement et ainsi permettre le déchiffrage du texte, pratiquement en entier.
Figure 68 : exemple de documents rassemblés et reconstituant partiellement une page manuscrite.
115
2. Conditionnement des défaits et des papiers de renfort Cette page reconstituée a permis de connaitre le format initial des documents originaux, qui étaient alors des documents juridiques133. Afin de respecter ce format, il a été décidé de choisir un conditionnement de ces documents dans des pochettes en polyester 134 , chaque pochette contenant une partie de page reconstituée quand cela était possible, ou quand il s’agissait de morceaux de documents isolés, le morceau seul situé à son emplacement supposé dans une page type. En effet, comme cela avait été démontré dans la partie historique, ces documents sont les restes de plusieurs pages identiques. Le choix de les conditionner dans des pochettes non reliées implique une absence d’ordre ou d’un quelconque classement des documents concernés et permet ainsi à d’éventuels chercheurs de les manipuler à l’avenir. Ces pochettes sont ouvertes sur deux cotés ce qui évite la création d’un microclimat et permet d’accéder facilement au document. Préalablement, les documents sont montés sur une feuille 135 en papier permanent 90g/m² avec des onglets de papier japonais 10g/m² collés à la colle d’amidon de blé. Le format de la pochette est ensuite redécoupé au format 30cm x 40cm correspondant au format légèrement plus large d’une page type.
Figure 69 : exemple d’une pochette de conditionnement des documents de renfort.
133
Voir partie historique p. 35. Pochettes en Mélinex 400 40x50cm, chimiquement neutre de chez Stouls, voir fiche technique en annexes 135 Voir fiche technique en annexe p.201. 134
116
Les défaits correspondant aux anciennes réparations sont conditionnées de la même façon.
Figure 70 : conditionnement des défaits et des documents de renfort dans des pochettes polyester.
Enfin, a été réalisée une chemise à rabats en toile, sur mesure, afin de rassembler les pochettes en polyester. Le matériau utilisé pour fabriquer les plats est un carton de montage neutre 2,4 mm/1601 couleur crème136. Trois rabats en carte sans acide et avec une réserve alcaline, 0,6mm permettent de maintenir les pochettes. Les plats intérieurs sont protégés par du papier permanent collés avec un mélange d’Evacon ®137 et de méthylcellulose diluée à 6% dans l’eau. Ce mélange permet de retarder le séchage de la colle et de mener à bien l’encollage. La chemise se referme à l’aide deux lanières en coton.
Figure 71 : photos montrant la chemise en toile permettant de conditionner les pochettes en polyester.
136
Voir fiche technique en annexe p.208 Emulsion de copolymères pH neutre. Colle blanche liquide de type E-VA, voir fiche technique en annexe p.207 137
117
G. La conservation 1. Fabrication du châssis de conservation et montage Suivant la volonté de ses propriétaires, l’œuvre sera continuellement exposée, à la verticale, au sein du château. Elle ne sera donc pas conservée dans des conditions idéales, comme elle le serait par exemple dans un musée (que cela soit en termes de personnels, de moyens financiers, de matériels de conservation, ou de conditions générales, en particulier climatiques). De plus, du fait de son grand format, l’œuvre ne sera pas facilement manipulable. Ces éléments ont donc dû être pris en compte dans la fabrication du châssis. Il s’agissait de trouver un compromis entre les impératifs de conservation et d’exposition, et d’obtenir au bout du compte un châssis qui ne nécessite, une fois exposé, qu’un minimum de manipulation et de travail de conservation. Il a été décidé d’opter pour un châssis à tension continue inspiré par les châssis doubleface et auto-tenseurs fabriqués par Chassitech™ 138(spécialiste de la fabrication des châssis pour les institutions et musées). Un tel châssis est suffisamment flexible pour accompagner les mouvements du document, et ainsi assurer une bonne conservation à terme sans nécessité d’interventions. Les risques de déformations liées à l’humidité sont ainsi limités.
Figure 72 : Vue en coupe d’un modèle double-face de Chassitech™à gauche et schéma du système auto-tenseur à droite. (sources : http://www.chassitech.com/chassisaentoiler/index.html)
138
« (…) Les châssis avec tapée périmétrique mobile. Ces châssis sont directement dérivés des châssis flottants réglables comme par exemple les Châssis Flottants Chassitech™. Ils ont en commun d'utiliser un châssis à structure fixe - garante de rigidité - et des tapées mobiles généralement en bois sur laquelle la toile est fixée de manière traditionnelle. La structure fixe peut être en bois ou en aluminium si une garantie supplémentaire de stabilité est recherchée. La liaison entre les tapées mobiles et la structure fixe se fait préférentiellement à l'aide de guidages mécaniques. Le déplacement de la tapée mobile est obtenu à l'aide de ressorts de compression dont la mise en charge peut être obtenue -selon les techniques- avant (Horst DE 2000, Del Zotto IT 1989) ou après la fixation de la toile. Chassitech fabrique des châssis flottants auto-tenseurs suivant l'une ou l'autre des techniques en fonction de l'œuvre et les conditions d'exposition.(…) ». Extrait de la fiche descriptive des châssis auto-tenseurs de Chassitech™. http://www.chassitech.com/chassisaentoiler/index.html, site consulté le 26 juillet 2011.
118
Ce châssis agit également comme une sorte de caisson climatique, ce qui permettra d’assurer au mieux la stabilité des conditions de conservation, éviter le plus possible les pics climatiques, et ainsi limiter de nombreux risques en s’approchant des conditions idéales. Il a en outre été fait en sorte que des aérations soient pratiquées dans son dos, afin de permettre la circulation de l’air tout en évitant celle de la poussière ou des insectes. Le système a également été conçu pour permettre d’avoir un accès visible au dos du document, par l’utilisation d’un matériau transparent, et donc ainsi permettre de contrôler l’état du document. Les matériaux de fabrication ont été choisis chimiquement neutres, afin d’éviter les risques de corrosion et d’éventuels transferts de produits chimiques. Le châssis servira d’autre part de cadre à l’ensemble, et des impératifs esthétiques liés à sa fonction d’objet d’exposition ont donc dû être pris en compte. Compte tenu du grand format de l’œuvre, l’ensemble composé de l’encadrement et du châssis devait inévitablement peser un poids assez important. Un soin a donc été apporté à limiter au maximum ce poids, grâce au choix de matériaux légers. Enfin, le châssis devait être protégé au mieux de tous les risques inhérents à ce type de document (déformations, risques hygrométriques), en particulier en évitant de reproduire les conditions qui avaient favorisé la contamination par les moisissures, dont nous avons vu qu’elles pouvaient se réactiver.
6 1 7
8
5
10
3 13 4
14 2 12
9
11
1. Ressort à compression 2. vis 3. Tasseau en bois où est aménagée une zone vide servant de guidage pour le système vis-ressort 4. Châssis fixe en aluminium 5. Cadre 6. Clou de fixation du cache 7. Tasseau en bois 8. Plexiglas 9. Papier de doublage 10. Œuvre 11. Toile agrafée sur le châssis flottant 12. Trous d’aération 13. Châssis flottant 14. Panneau en polycarbonate
Figure 73 : schéma du système de châssis fixe à tension continue réalisé pour le plan de Montauban.
119
SCHEMAS DU SYSTEME DE TENSION CONTINUE Mouvement n°1 : la toile se rétracte
Tension de la toile
Lorsque la toile est tendue sous l’action de l’humidité ambiante, le châssis flottant tire sur le système vis-ressort à compression. Celui-ci se compresse, permettant d’accompagner les mouvements de la toile et lui évite une tension trop forte. La tension s’autorégule ainsi naturellement. Mouvement n°2 : la toile se détend
Relâchement de la toile
A l’inverse, lorsque la toile se détend, le ressort à compression se relâche. De la même manière que lorsque la toile se rétracte, il
accompagne son mouvement, lui
permettant de se tendre à nouveau.
Figure 74 : schémas explicatifs du fonctionnement du système auto régulateur du châssis à tension continue
120
Nous avons procédé à la fabrication de baguettes en bois 139, indépendantes les unes des autres, sur lesquelles la toile140 (et non le document) a été agrafée par les quatre côtés (fig.74).
Figure 74 : montage du plan sur les baguettes mobiles
Ces baguettes ont été glissées dans une armature en aluminium (qui constitue le châssis fixe) à l’intérieur de laquelle du bois est inséré pour permettre de creuser les emplacements du système vis-ressort et de renforcer le châssis (d’autant plus que cela évite d’employer un bois dense et réduit donc le coût de fabrication). Le choix de l’aluminium a été dicté par la volonté d’utiliser un matériau léger qui assurait cependant une bonne rigidité (fig.75).
Figure 75 : (à gauche) fermeture d’un des côtés du châssis fixe en aluminium : la partie inférieure s’ouvre par un système de vis, de manière à rendre l’ensemble démontable. (à droite) vue du système toile-châssis flottant monté à l’intérieur du châssis fixe.
139 140
Le bois utilisé pour la réalisation des baguettes est du bois sec de sapin. Une marge de 4cm a été laissée tout autour du document.
121
Les baguettes ont donc été fixées au châssis grâce à des vis et des ressorts à compression, qui permettent la flexibilité du montage : la tension de l’œuvre est ainsi contrôlée, ce dispositif assurant qu’elle ne soit jamais ni trop grande ni trop faible. Ce système de châssis à double face permet d’éviter un blocage sous l’effet d’une traction provenant d’un seul côté : la tension est au contraire constamment appliquée sur toutes les faces (fig.76).
Figure 76 : (à gauche) vis et ressort à compression en inox, (à droite) photo montrant le système visressort à l’intérieur du châssis fixe.
Le châssis, à l’intérieur duquel peut bouger l’œuvre, a été fermé par le devant et par le derrière. Au dos il est maintenu par un panneau de polycarbonate141 cannelé d’une épaisseur de5mm dans lequel ont été aménagées des micros ouvertures, espacées d’un centimètre, à l’aide d’une épingle, permettant à l’air de circuler sans que la poussière ne s’infiltre et évitant la condensation. L’aération se fait aussi par les trous aménagés pour les vis et les ressorts. Aussi, l’œuvre n’est pas en contact avec le châssis, un espace suffisant est aménagé de manière à ce que le document soit « pris en sandwich ». Il a également été décidé de choisir ce panneau de polycarbonate transparent, pour permettre la visibilité de l’œuvre, et suffisamment léger, là encore pour diminuer le poids de l’ensemble (fig.77).
Figure 77 : (à gauche) fermeture des bords du panneau de polycarbonate cannelé avec du ruban adhésif micro perforé pour empêcher l’infiltration des insectes et la poussière tout en permettant la circulation de l’air ; (à droite) vue de l’arrière du châssis après la fixation du panneau de polycarbonate. 141
Fiche technique en annexe p.210.
122
Sur le châssis en aluminium ont été vissées d’autres baguettes en bois préteintées au brou de noix qui non seulement permettent de renforcer la structure et d’éviter au châssis de vriller, mais aussi de pouvoir recevoir le panneau en plexiglas ; de plus elles donnent à l’ensemble un caractère esthétique puisque qu’elles font office d’encadrement. Un dénivelé est crée pour intégrer le plexiglas (fig.78).
Figure 78 : détail du dénivelé aménagé dans le cadre en bois, pour recevoir le panneau de plexiglas
Par le devant le système a été fermé par un panneau en plexiglas d’une épaisseur de 4mm, traité anti-UV, posé sur le châssis. Le matériau plexiglas a été préféré au verre car il a l’avantage d’être plus léger que ce dernier, et de présenter moins de risques en cas de chocs. Il présente certes l’inconvénient de se dilater avec la température contrairement au verre, et aussi de présenter des problèmes électrostatiques susceptibles de favoriser l’accumulation de la poussière sur sa surface, mais il présentait cependant les qualités les plus adaptées au cas présent, notamment en termes de coût. Des fines baguettes viennent fixer le plexiglas grâce à l’insertion de petites tiges métalliques. La fixation est ainsi rendue invisible (fig.79).
Figure 79 : fixation des tasseaux de bois servant à maintenir le panneau de plexiglas sur le châssis
123
Figure 80 : recto de l’œuvre dans son châssis
Figure 81 : verso de l’œuvre dans son châssis
124
2. Transport de l’œuvre et recommandations de conservation Etant donné le volume et le poids final de l’ensemble il ne pourra pas être déplacé sans l’aide de deux personnes. Pour son transport, il faudra donc prendre un soin particulier à sa protection, par un emballage soigné empêchant tout risque de chocs, et surtout faire en sorte qu’il reste en position verticale pendant le trajet, bien maintenu par des attaches solides et des cales, ainsi que par des protections de types matériaux de rembourrage (mousses, textiles...).
Cet encadrement est conçu pour une présentation à la verticale, étant donné que le châssis ne possède pas de traverses pour permettre un allégement de l’ensemble et une visibilité par l’arrière. En effet, une présentation à plat finirait par déformer le plexiglas en créant une « cuvette » en son centre. Il faudra donc installer, dans la salle où il sera exposé, des cimaises au mur pour l’accrocher. Un système d’accroche est prévu au dos du châssis afin d’installer un câble métallique pour permettre cette opération. Il est déconseillé de laisser le châssis au sol pendant une trop longue période, pour éviter aux insectes rampants de venir attaquer le bois, ou en cas d’inondation. La pièce dans laquelle l’œuvre doit être exposée se situe dans la partie habitable du château et est notamment chauffée pendant l’hiver, les pics de températures sont donc moins importants durant l’année par rapport à une pièce non chauffée. Le châssis a été conçu pour permettre la création d’un environnement stable à l’intérieur du système en évitant l’infiltration de l’humidité par une circulation d’air. Cependant, il faudra évidemment prendre soin d’éviter que l’ensemble soit soumis à une humidité trop importante, peut être par la mise en place d’humidificateurs, si l’on constate des indices correspondant à ce type de problèmes (fuite, auréoles sur les murs, condensation…). De la même façon, le plexiglas a été choisi traité anti-UV, mais il faudra tout de même éviter l’exposition directe à la lumière du jour, notamment en ne situant pas l’œuvre devant une fenêtre.
Enfin, étant donnée le caractère électrostatique du panneau de plexiglas, un dépoussiérage régulier de sa surface, à l’aide d’un chiffon microfibre, est conseillé. On pourra également nettoyer d’éventuelles traces de doigts à l’aide d’eau froide légèrement savonneuse 142 . Recouvrir le châssis d’un tissu, quand l’œuvre n’est pas consultée, offrirait même une meilleure protection à long terme contre la déposition de poussière. 142
D’après les recommandations du fabriquant.
125
Conclusion La restauration a finalement tenu sa promesse de sauvetage, malgré des difficultés rencontrées en cours d’intervention. Dans cette étude, nous nous sommes d’abord attachés à évaluer les problèmes que présentait le document, à cibler ses altérations les plus importantes, afin de procéder à une restauration, qui a permis de lui redonner son intégrité, par le renfort du papier, de stabiliser les problèmes aussi bien mécaniques que ceux liés aux altérations biologiques, et enfin de lui rendre sa lisibilité. Les documents de renfort, collés au dos du plan, ont également pu être sauvegardés par une restauration, et ainsi avec eux les informations importantes qu’ils contenaient. Face aux difficultés importantes liées à un format imposant, et à l’état de dégradation général avancé, les choix de traitement n’ont pas été simples à effectuer. Au bout du compte ces choix auront été dictés par les problématiques spécifiquement liées au document, et ont souvent dû être remis en cause les types d’interventions habituelles en restauration. On a ainsi par exemple opté pour une retouche sur le document lui-même (par l’intermédiaire d’une couche protectrice), mais cette retouche était justifiée en ce qu’elle permettait à nouveau la lecture des informations du plan. Cette retouche a été conçue de manière à augmenter sa réversibilité, bien que toute intervention ne soit jamais totalement réversible. D’une manière générale, un compromis a constamment dû être trouvé entre la volonté de sauver le plan et de faire en sorte qu’il soit à nouveau consulté, ce qui impliquait une restauration relativement interventionniste, et celle de limiter au maximum la modification en profondeur du document induite par cet acte de restauration. On aura donc tâché de trouver un entre-deux entre le bien de l’œuvre elle-même, et le rôle qu’elle était destinée à jouer à nouveau dans le futur, à savoir un objet d’exposition et d’étude historique. Enfin, cette restauration a abouti à la réalisation d’un châssis spécifique qui permettra la conservation dans le temps du document, sans que celui ait besoin d’être manipulé, assurant sa protection face aux diverses difficultés auxquelles il pourrait être confronté, sachant qu’il sera exposé dans un endroit où ses conditions de conservation ne seront pas forcément faciles à contrôler. Les conseils reçus lors de divers stages, notamment à la BnF, ainsi que la rencontre de restaurateurs confirmés, ont été d’une grande assistance pour la résolution des problèmes. C’est grâce à eux que la restauration a pu être menée à bien.
126
PARTIE SCIENTIFIQUE Étude sur l’efficacité du cyclododécane en tant que fixatif temporaire de la technique graphique sur les documents papiers.
127
Introduction Dans le domaine de la restauration du support papier, le nettoyage par traitement aqueux occupe une place importante. Ce type de traitement peut avoir de multiples objectifs, qui peuvent être liés à des processus de désacidification du papier, d’élimination de résidus (taches, anciens adhésifs de montage), ou de retrait d’agents chimiques introduits lors de traitements précédents (comme pour un traitement aux enzymes par exemple). Il peut aussi redonner une cohérence structurelle au papier, par la création de nouveaux liens d’hydrogène entre les fibres143. Ces traitements de nettoyage aqueux s’avèrent donc souvent nécessaires. Leur mise en œuvre peut cependant être complexe, car, en fonction de ses propriétés, un papier peut présenter différentes réactions lors d’un traitement aqueux, notamment en termes de capacités d’absorption144. Il en est de même pour les différents types de médias présents sur le papier, qui peuvent plus ou moins être solubilisés, et éventuellement victimes d’altérations liées à ce traitement. Le papier et le médium formant un tout, les réactions sur le papier auront automatiquement des conséquences sur le médium. Concernant les techniques graphiques sensibles, deux phénomènes peuvent être rencontrés : une atténuation du tracé, et une dispersion de la technique à travers le papier. Face à cette problématique, l’emploi d’un fixatif temporaire, permettant la protection d’une technique graphique sensible lors de traitements aqueux, peut s’avérer intéressant pour le restaurateur. Parmi ces fixatifs, le cyclododécane, qui fut introduit dans le domaine de la Conservation-Restauration en 1995145, sera ici le sujet de notre étude. Le cyclododécane146, dont la formule chimique est C12H24, est un hydrocarbure saturé alicyclique d’une très grande stabilité chimique. Etant un composé non polaire, il a la caractéristique d’être hydrophobe, et se solubilise dans des solvants non polaires. Il se présente sous un état solide, sa température de fusion étant de 61°C. Il se sublime à température ambiante, en raison de sa pression de vapeur à 20°C : il passe donc directement de l’état solide à l’état gazeux147.
143
BANIK Gerhard, BRÜCKLE Irene. Paper and Water. A guide for Conservators. Oxford, ButterworthHeinemann, 2011, p.261. 144 Idem, p.265 145 ROWE Sophie, ROZEIK Christina. «The uses of cyclododecane in conservation ». Reviews in Conservation, IIC, n°9, 2008, p.17. 146 Voir fiche technique du cyclododécane p.213. 147 http://ceroart.revues.org/1593, Le processus de sublimation du cyclododécane, Stefanie Bruhin. Site consulté le 14 juin 2011.
128
Aussi, toutes ces caractéristiques font du cyclododécane un produit intéressant en restauration : il est hydrophobe, et pourrait donc être utilisé comme protection lors d’un traitement aqueux ; il peut s’appliquer sous deux formes, soit en fusion, soit en solution saturée dans un solvant apolaire, formant ainsi un film protecteur sur la technique graphique ; enfin, de par sa capacité de sublimation, il s’éliminerait du support par lui-même sans aucune autre intervention. Cependant, les études qui ont été réalisées sur le cyclododécane dans le cadre de traitements aqueux des supports papier restent au stade expérimental148. Il ne s’agit pas ici de procéder à une étude exhaustive du comportement du cyclododécane en fonction de tous les paramètres rencontrés lors des études qui ont été réalisées précédemment (temps de sublimation, dissolution dans des solvants apolaires, …). Le choix effectué ici a été de faire varier aussi bien les modes d’application du cyclododécane que les caractéristiques du papier (en termes d’aspects de surface et d’encollage). L’objectif poursuivi sera de vérifier l’efficacité du cyclododécane en tant que fixatif temporaire de la technique graphique lors d’un traitement aqueux par immersion et, par l’observation des phénomènes rencontrés, de tenter de comprendre et d’expliquer les mécanismes à l’œuvre lors de ces phénomènes. Dans un premier temps, on détaillera le protocole mis en œuvre lors de cette expérimentation, puis nous présenterons ses résultats commentés, pour enfin en faire la synthèse.
148
ROWE, Op. cit.p.28.
129
I.
Protocole A. Fabrication des échantillons 1. Choix des papiers Nous avons d’abord procédé à la fabrication d’échantillons de carrés de papier (de dimensions 5cm x 5cm) de deux natures opposées : un papier non encollé, d’aspect de surface granuleux, et un papier très encollé, d’aspect de surface lisse. Pour cela, des pré-tests ont été effectués sur différents types de papiers pour déterminer la vitesse de pénétration d’un liquide, ce qui permet d’évaluer si l’encollage de chaque papier est plus ou moins important. Il s’agit d’appliquer une goutte d’eau sur la surface et de chronométrer le temps que met cette goutte à pénétrer dans le papier. Plus le temps de pénétration de la goutte est court, moins le papier est encollé.
Type de papiers testés
Aspect de surface
Temps d’absorption de la goutte d’eau en secondes
papier Canson dessin technique 160g/m²
lisse
+ 300 s
papier buvard 250g/m²
rugueux
0s
Papier Canson « c » à grain 180g/m²
rugueux
+300s
Papier photo professionnel micro application 260g/m² lisse
45s
Papier Canson Montval aquarelle 300g/m²
rugueux
+300s
Papier Canson recyclé 90g/m²
lisse
237s
Figure 1 : tableau des tests de l’encollage des différents papiers
Le choix s’est donc porté sur un papier buvard 149 250g/m², et sur un papier Canson150 dessin technique 160g/m², ces deux papiers ayant les caractéristiques les plus opposées en terme d’aspect de surface et d’encollage, parmi tous ceux testés.
149
Buvard 100% coton, sans encollage ni azurant optique. Voir fiche technique en annexe p.205. Selon le site du fabricant, l’encollage serait à base de gélatine. http://fr.canson.com/papier-dinspirationdepuis-1557/la-fabrication-du-papier, site consulté le 12 mai 2011. 150
130
2. Choix de la technique graphique et mode d’application
Différents types d’encres ont également été testés afin de déterminer laquelle était la plus soluble lors d’un traitement aqueux par immersion. L’encre choisie est une encre noire aquarelle « Colorex » de la marque Pébéo. Deux modes d’application ont été choisis dans le but d’observer si la largeur du trait avait une influence sur les résultats. Aussi, afin d’obtenir des échantillons similaires, nous avons effectué les tracés de manière standardisée : dans les deux sens des fibres du papier, horizontalement et verticalement, formant une croix à l’aide d’une plume « Automatic Pen »151. Une largeur de trait de 5,0 mm est utilisée
a
b
Figure 2 : les échantillons : papier Canson, tracé large, b- papier buvard, tracé fin.
pour le papier le plus encollé, tandis qu’une largeur de trait de 1,5 mm est utilisée pour celui non encollé dans le but d’obtenir un tracé large et un tracé fin que nous pourrons comparer par la suite. Sur le buvard, l’encre pénètre directement dans le papier, alors qu’elle reste plus en surface sur le papier encollé.
B. Modes d’application du cyclododécane Le choix a été fait d’appliquer du cyclododécane en fusion, chauffé au bain-marie, à une température d’environ 60C°. Le cyclododécane est appliqué sur une plaque de verre, à l’aide de pinceaux de largeurs variables (en fonction de la largeur d’application souhaitée). La quantité et le mode d’application du cyclododécane varieront au cours des tests.
Figure 3 : les échantillons recouverts de cyclododécane en fusion
151
Voir fiche technique en annexe p.206.
131
Dans un premier temps on appliquera le produit pour recouvrir l’ensemble de l’échantillon sur ses deux faces et sur ses tranches, puis on réduira progressivement cette application :
(Pour chaque type de papier) -
10 échantillons-témoins (sans application de cyclododécane), afin d’observer le résultat d’une immersion sans protection et qui serviront d’élément de comparaison pour les échantillons traités,
-
10 échantillons recouverts entièrement, sur les deux faces, de cyclododécane,
-
10 échantillons recouverts entièrement, sur la face recto, de cyclododécane,
-
10 échantillons avec une application de cyclododécane large sur le tracé (3 fois la largeur du tracé), recto-verso,
-
10 échantillons avec une application de cyclododécane fine sur le tracé (1,5 fois la largeur du tracé), recto-verso,
-
10 échantillons avec une application de cyclododécane large sur le tracé (3 fois la largeur du tracé), recto,
-
10 échantillons avec une application de cyclododécane fine sur le tracé (1,5 fois la largeur du tracé), recto.
Répéter chaque expérience permet de rendre ses résultats plus fiables, ce qui justifie l’utilisation de 10 échantillons pour chaque test. Tous les échantillons sont ensuite immergés dans de l’eau froide sur un intissé. La durée des bains a été de 15 minutes. Cette durée a été choisie car elle a permis d’obtenir des résultats visibles d’effacement de la technique graphique sur les échantillons-témoins. Les échantillons sont ensuite séchés à l’air libre sur intissé et buvard.
Figure 4 : mise en immersion des échantillons
132
C. Méthode d’évaluation 1. Fabrication d’une boite pour les prises photographiques L’objectif est de déterminer si l’on observe, sur chaque échantillon, un changement de la technique graphique, c’est-àdire une atténuation et/ou une migration de l’encre à travers le papier. Dans le cas d’une atténuation, une conséquence observable sera la perte de tonalité de l’encre. Dans le cas d’une migration, on pourra observer un halo autour du tracé (migration latérale), et/ou l’apparition de la technique graphique au verso du papier (migration transversale). Là aussi, la migration entraînera une perte de tonalité de l’encre au recto du papier. Figure 5 : la boite noire pour les prises photographiques
Afin
de
permettre une évaluation et une comparaison des résultats, une prise photographique des échantillons est nécessaire. Pour obtenir une standardisation de ces prises photographiques (c’est-à-dire dans les mêmes conditions de prises de vue et d’éclairage), une boite noire a été fabriquée. Son procédé consiste à insérer,
par
le
biais
d’une
tablette,
l’échantillon à l’intérieur de la boite. En face de l’échantillon est positionné l’appareil photographique préalablement programmé, et au-dessus une ouverture est aménagée, permettant de placer l’éclairage152. Figure 6 : schémas du système de prise photographique des échantillons (dessins de l’auteur)
152
L’éclairage choisit est une ampoule « led » lumière du jour, donnant un éclairage constant sans apport de chaleur. L’intérieur de la boite est blanche ce qui permet à la lumière de se diffuser. Un tissu opaque noir est posé sur le système, empêchant le passage des sources lumineuses extérieures.
133
2. Utilisation de l’histogramme Chaque échantillon est photographié avant et après traitement. Pour la prise des photographies après traitement, il faudra attendre la sublimation totale du cyclododécane. Afin d’obtenir des données numériques permettant une observation objective puis une comparaison des résultats, nous avons choisi d’utiliser l’histogramme de chaque photographie obtenue, par le biais d’un logiciel de traitement photographique153. L’histogramme permet de donner le nombre de pixels présents dans la photographie d’un échantillon, en classant ces pixels en fonction de leur tonalité154. Ci-dessous, un histogramme-type d’un échantillon avant traitement montre deux pics de pixels, l’un pour une valeur de tonalité sombre correspondant au tracé en croix à l’encre noire, l’autre pour une valeur de tonalité claire correspondant au blanc du papier.
Moyenne : Moyenne des intensités de couleur de l'intervalle pour le canal considéré. Dev Std : Déviation standard. Donne une idée sur l'homogénéité de la distribution des valeurs de l'intervalle Médiane : C'est, par exemple, la valeur du cinquantième pic dans un intervalle de 100 pics. Pixels : Nombre de pixels dans le calque actif ou la sélection. Compte : Nombre de pixels dans un pic (quand vous cliquez sur l'histogramme) ou dans l'intervalle. Pourcentage : Rapport du nombre de pixels de l'intervalle sur le nombre total de pixels du calque actif ou de la sélection155. Figure 8 : exemple d’un histogramme et définitions des termes. 153
Logiciel Gimp version 2.7.11. http://www.photonumerique.biz/pdf/Histogramme.pdf , site consulté le 25 janvier 2010. 155 http://docs.gimp.org/fr/gimp-histogram-dialog.html, site consulté le 24 mai 2011. 154
134
3. Tests de la fiabilité du système photographique L’instrument de mesure a été testé en vue d’établir sa précision. Il s’agit de photographier dix fois un même échantillon dans le système boite, puis de comparer les histogrammes obtenus, en extrayant le nombre de pixels présents sur un intervalle défini au préalable. Sur un ensemble de valeurs de tonalité allant de 0 (correspondant à la valeur noire) à 255 (correspondant à la valeur blanche), l’intervalle choisi ici correspond à l’échelle de valeurs allant de 0 à 50, c’est-à-dire l’intervalle comprenant les pixels les plus sombres de la photographie.
Intervalle allant de 0 à 50 pixels
Figure 9 : les pixels compris dans un intervalle choisi allant de 0 à 50 (zone en bleue).
135
Pour déterminer la fiabilité de l’instrument, on calcule son incertitude absolue et relative. Test de fiabilité de l’instrument Photo du
Nombre de pixels dans l’intervalle 0-50
même échantillon
1
1620008
_
2
1619894
1619894
3
1619546
1619546
4
1619374
1619374
5
1619314
1619314
6
1618761
_
7
1618979
1618979
8
1619509
1619509
9
1619448
1619448
10
1618977
1618977
MOYENNE
1619380
Ecart-type
283
IA
915
IR
0,056%
Figure 10 : tableau du calcul de la valeur absolue et relative du système de mesure
On obtient une incertitude absolue du système de mesure de 915 pixels, une incertitude relative de 0,056%, ce qui signifie que toutes les mesures de nombres de pixels qui seront effectués lors des tests auront au départ une marge d’erreur de 0,056%. Par la suite, on calculera également l’incertitude absolue et relative pour chacun des tests effectués.
136
II.
Expériences A. Papier Canson 1. Echantillons témoin a- Observation visuelle Après immersion on observe un éclaircissement très net du tracé autour duquel on n’observe pas d’apparition de halo, mais par contre une très légère pénétration de l’encre dans le papier, ce qui est visible au verso.
Figure 11 : échantillon avant et après immersion
Ceci est confirmé sur les histogrammes avant et après traitement : on constate un déplacement de la totalité du pic de pixels sombres vers le pic initial de pixels clairs. A la fin de l’expérience, la quasi-totalité des pixels de la photographie se retrouvent dans la zone correspondant au blanc du papier.
Figure 12 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement
137
Recenser le nombre de pixels de valeur sombre ainsi déplacés vers des valeurs plus claires permet de vérifier objectivement cette observation. Le tableau 1 (voir page suivante) illustre l’expérience réalisée avec les échantillons témoins sans cyclododécane, avant et après traitement. Les 4 échantillons dont les résultats de données avant traitement étaient les plus extrêmes ont été volontairement écartés.
b- Résultats et discussions : Les résultats obtenus dans le tableau 1 montrent que sur les 6 échantillons retenus, le pourcentage des pixels noirs déplacés est de quasiment 100%. Ceci confirme l’observation visuelle. Le papier étant encollé, l’encre était plus déposée sur sa surface et moins à l’intérieur du réseau fibreux. L’encollage a donc favorisé la perte de la technique graphique dans l’eau du lavage, et limité son infiltration à travers le papier156.
Figure 13 : schéma montrant la microstructure du papier (beige) et l’encollage de surface (marron) en contact avec de l’eau, a- sans encollage, b- avec un encollage de surface (BANIK p. 147)
156
BANIK Op.cit., p.146.
138
Tableau 1 :
TEMOIN Type de
CANSON
papier Echant illons pixels
Avant immersion
Après immersion
Nb pixels noirs Avant
sélection Après
sélection
Nombre
pixels % de pixels noirs
noirs déplacés
déplacés
1564051
1564037
99,99
1566620
_
_
_
3
1565505
1565505
1565505
100,00
4
1560564
1560564
1560527
99,99
5
1565299
1565299
1565280
99,99
6
1541844
_
_
_
7
1568181
_
_
_
8
1561979
1561979
1561979
100,00
9
1561405
1561405
1561405
100,00
10
1558961
_
_
_
1561440,9
1563133,83
1563122,17
7083,18205
1918,25098
1921,86718
IA
26337
4941
4978
1R
1,68%
0,31%
0,31%
des échantillons
des échantillons
1
1564051
2
moyen ne Ecarttype
99,99
139
2. Application du cyclododécane sur les deux faces plus tranches Les échantillons ont été recouverts de cyclododécane en fusion à l’aide d’un pinceau large, sur une plaque en verre, sur les deux faces et sur les tranches. Puis, ils ont immédiatement été immergés dans l’eau froide pendant 15 minutes et mis à sécher à l’air libre. Aucune déformation visible des échantillons n’a été constatée après immersion. a- Observation visuelle Il n’y a aucun changement apparent de la technique graphique après immersion, autant sur la face recto que sur la face verso.
Figure 14 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement
Les histogrammes montrent la persistance des pics de pixels, noirs et blancs, avant et après traitement.
b- Résultats et discussion Les résultats du tableau 2 (voir page suivante) montrent un déplacement très léger des pixels noirs (3,20%), non observable à l’œil nu, mais qui reste négligeable (notamment par rapport à l’incertitude relative de 1,94%). Il n’y a donc pas eu d’atténuation ni de dispersion significatives de la technique graphique. Ici, l’application totale du cyclododécane sur l’ensemble des faces des échantillons a permis l’imperméabilisation du papier et de la technique graphique. Ceci confirme l’efficacité du cyclododécane en tant que produit imperméable.
140
Tableau 2 : Application du cyclododécane sur les deux faces (plus tranches) de l’échantillon Type de
CANSON
papier Echant illons pixels
Avant immersion
Après immersion
Nb pixels noirs
Nombre
Avant
sélection Après
sélection noirs
pixels non
% de pixels noirs non déplacés
des échantillons
des échantillons
déplacés
1
1478756
1478756
1431193
96,78
2
1478122
1478122
1421007
96,13
3
1460988
1460988
1418698
97,10
4
1482310
_
_
_
5
1430955
_
_
_
6
1462544
1462544
1437928
98,31
7
1465937
1465937
1425541
97,24
8
1456327
_
_
_
9
1495958
_
_
_
10
1481004
1481004
1410279
95,22
1469290,1
1471225,17
1424107,67
17172,1161
8246,5375
8882,27313
IA
65003
20016
27649
1R
4,42%
1,36%
1,94%
moyen ne Ecarttype
96,80
141
3. Application une face a- Observation visuelle Après immersion, on constate sur tous les échantillons un éclaircissement du tracé accompagné d’une dispersion de l’encre dans le papier, se traduisant par l’apparition, sur le recto, à la fois de rides et d’un halo autour du tracé, et, sur le verso, par l’apparition très nette de la technique graphique. Il est aussi intéressant de noter que les échantillons présentaient un aspect « bombé » après immersion. L’observation visuelle, avec grossissement, montre aussi très clairement que la couche de cyclododécane s’est fissurée.
Figure 15 : échantillon recto et verso après immersion avec protection du cyclododécane sur une face.
Sur les histogrammes, on observe que le pic de pixels noirs s’est déplacé vers la droite, et s’est également aplani, comme étalé sur une zone plus large de pixels, vers le centre.
Figure 16 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement
142
b- Résultats et discussion Sur le tableau 3 (voir page suivante), on constate un déplacement de presque la totalité des pixels noirs (97,51%). L’histogramme nous a cependant montré que ces pixels s’étaient déplacés vers une zone intermédiaire, plus claire, mais pas autant que le blanc du papier. Il y a effectivement eu diffusion, à travers le papier, de la technique graphique. Le papier, au contact de l’eau, n’ayant que sa face verso découverte, aurait donc absorbé l’eau par cette face, de manière à gonfler ses fibres et à varier dimensionnellement. De plus, l’eau a pu atteindre la technique graphique en pénétrant par le verso, ce qui expliquerait l’apparition du tracé sur cette face.
La face recto a quant à elle été protégée par le cyclododécane. De par sa structure moléculaire, le cyclododécane forme une couche non élastique et imperméable, qui ne suivra pas les déformations du papier157. Quand le papier va se détendre, le cyclododécane va donc se craqueler, ce qui va rendre la surface protégée perméable à l’humidité. Deux phénomènes se produisent : le papier s’est détendu, mais d’une seule face, ce qui explique la forme incurvée des échantillons. Cette déformation va provoquer des craquelures de la couche de cyclododécane, qui vont permettre l’infiltration de l’eau et la solubilisation de la technique graphique. Celle-ci suit alors le chemin des craquelures, en laissant la trace sur le papier, et enfin part dans l’eau du lavage. Ces phénomènes expliqueraient le léger éclaircissement observé sur le tracé, ainsi que l’apparition des rides sur le papier.
Appliquer du cyclododécane sur la technique graphique sur une seule face n’assure donc pas la protection de celle-ci. Il a donc été décidé de ne pas poursuivre
les
expériences
en
appliquant
le
cyclododécane sur une face seulement.
Figure 17 : l’échantillon incurvé après immersion
157
MUNOZ-VINAS Salvador. «A Dual-Layer Technique for the Application of a Fixative on Water-Sensitive Media on Paper». Restaurator, Germany, 2007, n°28, p.80.
143
Tableau 3 : Application du cyclododécane sur une face de l’échantillon
Type de
CANSON
papier Echant illons pixels
Avant immersion
Après immersion
Nb pixels noirs Avant
sélection Après
sélection
Nombre
pixels % de pixels noirs
noirs déplacés
déplacés
_
_
_
1522814
1522814
1474463
96,82
3
1518400
1518400
1488117
98,00
4
1523100
1523100
1468537
96,41
5
1524331
1524331
1499875
98,39
6
1498370
1498370
1458185
97,31
7
1536511
_
_
_
8
1470054
_
_
_
9
1506961
1506961
1478811
98,13
10
1543145
_
_
_
1514144,7
1515662,67
1477998
20325,7309
9694,01719
13392,9084
IA
73091
25961
41690
1R
4,82%
1,71%
2,82%
des échantillons
des échantillons
1
1497761
2
moyen ne Ecarttype
97,51
144
4. Deux faces sur le tracé, application large a- Observation visuelle Comme pour l’application sur l’ensemble des deux faces, nous n’observons pas ici, après traitement, de changement de la technique graphique (fig.18). Les histogrammes montrent en effet la persistance des deux pics noirs et blancs avant et après immersion.
Figure 18 : échantillon avant et après immersion
b- Résultats et discussion Le tableau 4 (voir page suivante) confirme qu’il n’y a pas eu de déplacement significatif des pixels noirs (0,62% en moyenne). L’eau n’a pas atteint la technique graphique. L’application du cyclododécane sur le tracé, en couches larges sur les deux faces, a rendu la zone imperméable à l’humidité.
145
Tableau 4 :
Application large du cyclododécane sur le tracé (recto verso) Type de
CANSON
papier Echant illons pixels
Avant immersion
Après immersion
Nb pixels noirs
Nombre
Avant
sélection Après
sélection noirs
pixels non
% de pixels noirs non déplacés
des échantillons
des échantillons
déplacés
1
1492267
1492267
1477202
98,99
2
1492058
1492058
1490996
99,92
3
1499801
1499801
1472651
98,19
4
1482016
1482016
1476390
99,62
5
1519432
_
_
_
6
1461248
_
_
_
7
1490112
1490112
1485137
99,66
8
1471881
1471881
1470904
99,93
9
1501962
_
_
_
10
1432436
_
_
_
1484321,3
1488022,5
1478880
23075,174
8888,43985
7040,12673
IA
86996
27920
20092
1R
5,86%
1,35%
1,13%
moyen ne Ecarttype
99,38
146
5. Deux faces, sur le tracé application fine a- Observation visuelle Après immersion, on observe un léger éclaircissement du tracé, mais surtout l’apparition de craquelures, avec traces noires dans ces craquelures, autour du tracé, mais s’arrêtant au bord de la couche de cyclododécane. On observe également que la zone qui avait été protégée par le cyclododécane autour du tracé est plus claire que le reste du papier sans technique (les quatre carrés blancs sont plus foncés qu’avant immersion). On observe aussi l’apparition de la technique au verso.
Figure 19 : échantillon traité sur les deux faces en application fine recto et verso après immersion
Les histogrammes montrent que le pic de pixels noirs s’est déplacé vers la droite, formant un nouveau pic plus compact dans la zone des gris moyens.
Figure 20 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement
147
b- Résultats et discussion Sur le tableau 5 (voir page suivante), on observe qu’une moyenne de 99,66 % des pixels noirs s’est déplacée. Cependant, les histogrammes montrent que le pic de pixels noirs s’est déplacé vers le gris sans rejoindre la zone des pixels blancs, ce qui semble indiquer qu’il s’est produit avant tout un phénomène de dispersion de l’encre. Les craquelures au niveau du trait vertical du tracé suivent le sens de déformation du papier (papier machine). Deux forces s’opposent, l’une provenant des zones non protégées par le cyclododécane (forces de déformation liées à l’absorption d’eau), et l’autre provenant des zones protégées (forces de contraction liées à la présence de la couche de cyclododécane)158. Les zones non protégées couvrant une superficie plus importante, les forces de déformation ont été dominantes, ce qui a causé des craquelures sur la couche de
Figure 21 : l’échantillon après immersion présente des déformations dans les zones non protégées au cyclododécane
cyclododécane, celui-ci étant non élastique. L’eau pénétrant par ces craquelures, entraîne la technique graphique avec elle, en suivant leur réseau, et par capillarité, la technique se diffuse à travers le papier, créant donc un assombrissement des zones non protégées, ainsi que l’apparition du tracé au verso. L’existence de zones blanches correspondant à l’endroit où le papier était protégé par le cyclododécane démontre que celui-ci avait rendu la zone imperméable. La dispersion de l’encre s’est donc effectuée uniquement par les craquelures : les zones couvertes de cyclododécane non craquelées sont restées parfaitement imperméables. En conclusion, une protection recto-verso en application fine ne suffit pas à protéger de l’eau la technique graphique lors d’un traitement par immersion.
158
DELCROIX Gilbert, HAVEL Marc. Phénomènes physiques et peinture artistique. Puteaux, Erec, 1988, p. 244-245.
148
Tableau 5 :
Application fine du cyclododécane sur le tracé (recto verso) Type de papier Echantil lons pixels
CANSON
Avant immersion
Après immersion
Nb pixels noirs Avant sélection Après
sélection
Nombre
pixels % de pixels noirs
noirs déplacés
déplacés
1502585
1496835
99,61
1486697
_
_
_
3
1501624
1501624
1494722
99,54
4
1508829
_
_
_
5
1514352
_
_
_
6
1505208
1505208
1502185
99,80
7
1516315
1516315
1509740
99,56
8
1507608
1507608
1502498
99,66
9
1495711
1495711
1492335
99,77
10
1484528
_
_
_
1502345,7
1504841,83
1499719,17
10120,0787
6301,3117
5802,8062
IA
29824
20604
17405
1R
1,98%
1,37%
1,16%
des échantillons
des échantillons
1
1502585
2
moyenn e Ecarttype
99,66
149
B. Papier non encollé : le papier buvard 1. Test témoin a- Observation visuelle Les dix échantillons ont été immergés dans l’eau pendant 15 minutes, puis séchés à l’air libre. Les photographies de ces échantillons, avant et après traitement, montrent un changement observable à l’œil nu de la technique graphique. On observe à la fois un éclaircissement et une dispersion de l’encre dans le papier, se traduisant par la formation d’un halo autour du tracé et l’apparition de la technique graphique au verso.
a
b
Figure 22 : échantillon avant traitement recto et verso
c
d
Figure 23 : échantillon après traitement recto et verso
150
Ces phénomènes combinés se traduisent sur les histogrammes par un déplacement du pic de pixels de la tonalité la plus sombre vers la zone de valeurs correspondant au blanc du papier.
Figure 24 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement
b- Résultats et discussion On constate sur le tableau 6 (voir page suivante), un déplacement de la quasi-totalité des pixels qui avant traitement étaient situés dans l’intervalle de tonalité sombre allant d’une valeur de 0 à 50. Ce déplacement s’est produit sur la totalité des échantillons. Le papier buvard étant un papier très hydrophile, a absorbé l’eau par capillarité, cette eau ayant provoqué la solubilisation de la technique graphique, à la fois dans l’eau, mais aussi à travers le réseau fibreux du papier, ce qui explique son apparition jusqu’au dos de celui-ci.
151
Tableau 6 :
TEMOIN Type de papier
BUVARD Avant immersion
pixels N° d’échan
Après immersion
Nb pixels noirs Avant sélection Après
sélection
Nombre
pixels % de pixels noirs
noirs déplacés
déplacés
299252
299169
99,97
311170
_
_
_
3
294934
294934
294762
99,94
4
285218
285218
285191
99,99
5
263222
_
_
_
6
295378
295378
295374
99,99
7
288739
288739
288677
99,97
8
292379
292379
292320
99,97
9
276259
_
_
_
10
306836
_
_
_
291339
292650
292582
99,97
13374
4597
4580
IA
47948
14034
13978
1R
16,46%
4,80%
4,78%
des échantillons
des échantillons
1
299252
2
tillons
Moyenn e Ecarttype
152
2. Test avec application de cyclododécane sur les deux faces et tranches a- Observation visuelle L’observation visuelle des échantillons après traitement permet de constater que l’expérience, qui a consisté à recouvrir entièrement l’échantillon sur ses deux faces de cyclododécane, a résulté en un changement notable de la technique graphique. On peut voir que sur tous les échantillons, le tracé a migré latéralement et transversalement, s’accompagnant d’un éclaircissement généralisé. Le tracé en croix est visible au verso du papier.
Figure 25 : échantillon avant traitement, recto et verso
Figure 26 : échantillon après traitement recto et verso
153
L’histogramme de chaque échantillon montre un déplacement du pic de pixels foncés vers le centre, formant après traitement un ensemble de pixels d’une tonalité proche.
Figure 27 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement
b- Résultats et discussion Le tableau 7 (voir p. 156) montre très clairement le déplacement de pixels vers le centre de l’histogramme : 98,95% d’entre eux en moyenne se sont déplacés, contre 99,97% lors de l’expérience témoin. On observe globalement le même type de phénomènes que lors de l’expérience témoin. Avant immersion, il a été constaté que la couche de cyclododécane s’était micro-fissurée, ce qui explique l’infiltration du solvant eau. L’eau a pénétré dans le papier par ces microcraquelures, solubilisant la technique graphique, et provoquant des halos autour du tracé. Puis, entrainant avec elle l’encre solubilisée, elle est ressortie par ces interstices, laissant la trace du réseau craquelé sur le papier, et faisant apparaître le tracé au verso.
a
b
Figure 28 : a- microcraquelures de la couche de cyclododécane avant immersion, b- accentuation de ces microcraquelures après immersion
154
Contrairement au papier Canson technique utilisé précédemment, le papier buvard possède une surface rugueuse. Il est possible que du fait d’une méthode d’application du cyclododécane inadaptée à ce type de surface de papier, la couche du fixatif ait formé une pellicule hétérogène, avec des micro-zones non protégées, ne lui permettant pas de jouer son rôle. Une prise photographique des échantillons avant immersion, avec un grossissement suffisant, a permis l’observation de microfissures, expliquant ainsi que la technique graphique ait été solubilisée au moment de l’immersion (fig.28 a). Le papier buvard n’étant pas encollé, ces microfissures ont suffi à ce que l’eau pénètre à l’intérieur par capillarité, faisant gonfler le réseau fibreux et agrandissant de ce fait ces craquelures. Cette méthode d’application ne semblant pas compatible avec ce type de papier, il a été décidé de modifier le protocole d’application. La même expérience a donc à nouveau été réalisée, en appliquant une première couche recto-verso de cyclododécane, pour combler les interstices de la surface du papier. Ensuite, on a fait chauffer l’échantillon sur une plaque métallique de manière à faire fondre le cyclododécane afin que celui-ci pénètre en profondeur dans le papier. Puis une nouvelle couche de cyclododécane en fusion a été appliquée rectoverso. De cette manière, l’échantillon était totalement recouvert.
Figure 29 : l’échantillon est placé sur une plaque chauffée en vue de faire fondre et de faire pénétrer le cyclododécane dans le papier
155
Tableau 7 : Application du cyclododécane sur les deux faces et tranches de l’échantillon
Type de
BUVARD
papier Avant immersion pixels
Après immersion
Nb pixels noirs
Echant Avant
sélection Après
sélection
Nombre
pixels % de pixels noirs
noirs déplacés
déplacés
_
_
_
322532
322532
317808
98,53
3
332650
_
_
4
322458
322458
321501
99,70
5
318802
318802
318447
99,88
6
303476
303476
298415
98,33
7
302075
302075
301701
99 ,87
8
308920
308920
302966
98,07
9
325531
_
_
_
10
297180
_
_
_
312439,3
313043,833
310139,667
13134,6068
8570,03564
9282,91814
IA
41881
20457
20032
1R
13,40%
6,53%
6,45%
illons
des échantillons
des échantillons
1
290769
2
moyen ne Ecarttype
98,95
156
3. Deux faces et tranches, avec application plus apport de chaleur supplémentaire a- Observation visuelle Aucun changement de la technique graphique n’a cette fois-ci été observé. Les histogrammes confirment la persistance des deux pics de pixels après traitement, celui de valeur sombre et celui de valeur claire.
b- Résultats et discussion Les résultats du tableau 8 (voir page suivante) confirment qu’il n’y a pas eu de déplacement significatif des pixels noirs (2,58 % en moyenne). Cette double application ainsi qu’un apport de chaleur supplémentaire, permettant de faire fondre le produit pour qu’il pénètre en profondeur, est la méthode la plus efficace pour ce type de papier. Il s’agit maintenant de vérifier si l’on peut appliquer cette méthode en réduisant la protection au niveau du tracé. On choisit de faire l’expérience en effectuant une application large de cyclododécane sur le tracé, celle-ci ayant été un succès avec le papier Canson.
157
Tableau 8 :
Deux faces et tranches, avec application plus apport de chaleur supplémentaire Type de
BUVARD
papier
pixels
Avant immersion
Après immersion
Nb pixels noirs
Nombre
Echant Avant
sélection Après
sélection noirs
pixels non
% de pixels noirs non déplacés
illons
des échantillons
des échantillons
déplacés
1
380523
_
_
_
_
_
_
327575
321121
98,03
2 3
296797 327575
4
340925
340925
327205
95,98
5
322716
322716
316117
97,95
6
329999
329999
323029
97,88
7
397961
_
_
_
8
297649
_
_
_
9
325922
325922
317773
97,49
10
344383
344383
334752
97,20
336445
331920
323332
30506
7954
6236
IA
83726
21667
18135
1R
24 ,89
6,52
5,61
moyen ne Ecarttype
97,42
158
4. Application large sur le tracé recto-verso avec apport de chaleur supplémentaire a- Observation visuelle L’expérience a été effectuée de la même manière que pour l’expérience précédente, mais avec un apport de chaleur supplémentaire localisé au niveau du tracé, à l’aide d’une spatule chauffante 159 . Après immersion, on observe à la fois un éclaircissement du tracé et l’apparition d’un léger halo.
Figure 30 : échantillon avant et après traitement au cyclododécane sur les deux faces en application large
Figure 31 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement
Les histogrammes montrent que le pic de pixels noirs s’est décalé vers le centre du graphique, formant une pointe de pixels de valeurs proches.
159
L’utilisation de la spatule chauffante permet un apport de chaleur plus précis et plus contrôlé sur la zone du tracé.
159
b- Résultats et discussion Les résultats du tableau 9 (voir page suivante) montrent un déplacement de la quasitotalité des pixels noirs (98,78% en moyenne), ce qui confirme l’impression visuelle. On en déduit que lorsque l’on réduit la zone d’application du cyclododécane au niveau du tracé, laissant ainsi des zones du papier non couvertes, la technique graphique est insuffisamment protégée. Ceci impliquerait que lorsqu’un papier non encollé n’est pas totalement recouvert de cyclododécane, l’eau pénètre malgré tout jusqu’à la technique graphique. L’imperméabilité du produit n’est pas remise en question, le mode d’application non plus puisqu’il s’était avéré efficace lors de l’expérience précédente. Il est possible que la quantité de produit, lors d’une application réduite autour du tracé, soit insuffisante.
160
Tableau 9 :
Application large sur le tracé recto-verso avec apport de chaleur supplémentaire Type de
BUVARD
papier Avant immersion pixels
Après immersion
Nb pixels noirs
Echant Avant
sélection Après
sélection
Nombre
pixels % de pixels noirs
noirs déplacés
déplacés
370022
366159
98,96
366814
366814
362150
98,73
3
372605
_
_
_
4
369660
369660
363886
98,44
5
368421
368421
363654
98,71
6
370206
370206
366332
98,95
7
364721
_
_
_
8
368844
368844
364835
98,91
9
370240
_
_
_
10
365312
_
_
_
368684
368994
364502
2313
1159
1462
IA
7884
3392
4182
1R
2,14
0,92
1,15
illons
des échantillons
des échantillons
1
370022
2
moyen ne Ecarttype
98,78
161
III.
Synthèse de l’expérimentation Les expériences sont ici résumées dans ce graphique, qui recense les déplacements de pixels de valeur sombre vers les valeurs claires après immersion, pour chaque expérience, et pour chaque papier.
99,99 99,97 100
Résultats des expériences 98,95
99,66
97,51
98,78
90
80
% de pixels noirs déplacés
70
60
50 Canson Buvard
40
30
20
10 3,2
0,62
2,58
0 Témoin
Application Application Application Application Application Application complète 1 face large fine complète + large + chaleur chaleur
Figure 32 : Tableau récapitulant les moyennes de pixels noirs déplacés, pour chaque mode d’application et pour chaque papier (0% correspondant à une expérience conclue sans altération de la technique graphique après immersion)
162
Ce tableau montre, pour chaque expérience donnée, la moyenne des pixels noirs déplacés. On constate que lorsque l’expérience se conclut par un déplacement des pixels noirs, il s’agit d’un déplacement de presque 100% d’entre eux. A l’inverse, lorsque l’expérience montre qu’il n’y a pas de déplacement des pixels noirs, ce déplacement ne dépasse pas 4%, ce qui est insignifiant notamment par rapport à la marge d’erreur. Ces résultats suffisent donc à chaque fois à indiquer une expérience qui a été concluante quant à l’efficacité du cyclododécane, ou une expérience qui ne l’a pas été. Ici on a fait varier l’application du cyclododécane en diminuant progressivement la quantité au cours des expériences, lesquelles ont été réalisées sur deux papiers présentant des caractéristiques différentes. Quand il s’avérait que le cyclododécane ne jouait pas son rôle de fixatif, l’expérience n’était pas poursuivie en ce sens. Pour ce qui est du papier Canson Technique, les expériences nous ont permis de constater que lorsque le cyclododécane était appliqué sur toutes les faces de l’échantillon, ou lorsqu’il recouvrait le tracé en application large (3 fois la taille du tracé), la technique graphique n’était pas altérée. A l’inverse, lorsqu’on laissait une zone du papier découverte à l’endroit du tracé (application sur une seule face), ou lorsque le cyclododécane recouvrait le tracé seulement en application fine (1,5 fois le tracé), on observait une dégradation significative de la technique graphique. Dans le premier cas, le phénomène observé est que l’eau pénètre dans le papier par la face non couverte, dilatant les fibres et faisant craquer la couche de cyclododécane non élastique. Dans le second cas, les zones de papier non protégées étaient proportionnellement plus grandes que les zones protégées par le cyclododécane, le même phénomène se produisant et entraînant des craquelures par lesquelles l’eau s’infiltrait. Pour ce qui est du papier buvard, l’application complète du cyclododécane n’a pas empêché l’infiltration de l’eau vers la technique graphique, ceci s’expliquant par la présence d’un réseau de micro-craquelures dans le cyclododécane après application. Ceci montre que la méthode d’application ne convenait pas pour ce type de papier, celui-ci ayant une surface rugueuse qui empêchait une application homogène, favorisant l’apparition de microcraquelures. De plus, l’absence d’encollage favorisait une absorption de l’eau plus rapide à travers ces microfissures, ce qui les accentuait. Après avoir changé de méthode d’application pour obtenir une meilleure pénétration du produit dans le papier (en le faisant fondre par un apport de chaleur supplémentaire), l’expérience d’application complète s’est avérée cette fois-ci concluante. Mais lorsque l’on a voulu diminuer la zone de protection, laissant donc des zones de papier découvertes, on a 163
observé une dégradation de la technique graphique. Ceci pourrait être dû à une quantité insuffisante de cyclododécane par rapport à la surface de papier découverte.
Toutes ces observations peuvent être résumées en plusieurs points :
-
Le cyclododécane doit gainer la technique graphique sur toutes ses faces.
Par
conséquent une application sur une seule face du papier sera insuffisante. De plus, pour un papier non encollé, la pénétration du produit dans le papier sera indispensable. Par conséquent, faire fondre à nouveau le cyclododécane directement sur le papier par un apport de chaleur supplémentaire améliorera son efficacité.
-
La proportion entre la surface de zone couverte par le cyclododécane et la surface non couverte devra être prise en compte : en effet, le cyclododécane n’étant pas élastique, des craquelures risquent de se former, permettant l’infiltration de l’eau. Par exemple, les expériences sur le papier Canson ont montré qu’une application sur le tracé couvrant trois fois sa largeur était suffisante, mais qu’une application sur le tracé ne couvrant qu’une fois et demie sa largeur ne l’était pas.
-
La quantité d’encollage du papier influe sur l’efficacité du cyclododécane en tant que fixatif temporaire, du fait des vitesses variables d’infiltration de l’eau. Un encollage important agit comme une seconde protection à une infiltration d’eau.
-
La nature de la surface du papier, plus ou moins lisse ou granuleuse, joue également un rôle, une surface granuleuse favorisant l’apparition de craquelures au moment de l’application.
-
La largeur du tracé ne semble pas être un facteur déterminant par rapport aux autres éléments mentionnés. Ainsi, les expériences sur le papier buvard montrent que le fait que le tracé soit fin n’a pas empêché d’observer une dispersion importante de l’encre dans le papier lorsque celle-ci était en contact avec l’eau.
164
Conclusion Les expériences menées dans cette partie ont voulu vérifier, selon certains paramètres définis, l’efficacité du cyclododécane en tant que fixatif temporaire sur des techniques graphiques sensibles lors d’un type de traitement aqueux (par immersion, d’une durée de 15 minutes) utilisé en restauration papier. Cette étude s’est basée sur des expériences déjà existantes, dont les articles les décrivant montrent que ce produit reste à l’état expérimental. On a voulu comprendre, à travers un protocole expérimental, quels pouvaient être les comportements du papier, de la technique graphique, et du cyclododécane, lors d’une immersion. Pour ce faire, nous avons fait varier plusieurs paramètres pour obtenir des schémas extrêmes de comportements, comme l’utilisation de papiers opposés par nature. Nous avons également fait varier les modes d’application du cyclododécane, allant d’une protection complète des échantillons jusqu’à une diminution de cette application se concentrant uniquement à la zone du tracé. Un système de prises de mesures photographiques permettant d’obtenir des données objectives, grâce notamment aux nombres de pixels des histogrammes de chaque photographie, avant et après traitement, a été utilisé pour comparer les résultats. Au final, les expériences ont montré que pour ces types de papiers, la protection de cyclododécane était efficace dans certaines conditions, faisant intervenir les caractéristiques physiques de ce produit, ainsi que celles des papiers (encollage, aspect de surface, capacité d’absorption et de dilatation, élasticité). En effet, le comportement du cyclododécane diffère de celui du papier du fait que n’étant pas élastique, il ne suit pas les mouvements du papier lorsque celui-ci est mouillé. Aussi, ces résultats ne concernant qu’un nombre défini de paramètres, ces expériences pourraient utilement être poursuivies, par exemple par l’utilisation d’autres types de papiers (plus ou moins encollés, plus ou moins épais, plus ou moins granuleux, …etc.) ou par différents modes de traitements aqueux (Gore-Tex®, vaporisation…etc.). L’utilisation du cyclododécane en restauration reste problématique puisque son comportement peu fiable implique un protocole d’application spécifique qui n’est pas forcément en concordance avec les cas rencontrés lors d’une restauration donnée sur des documents particuliers (besoin éventuel d’un apport supplémentaire de chaleur, besoin de recouvrir les deux faces, hétérogénéité des papiers, etc.). L’utilisation du cyclododécane dans un traitement de restauration reste donc à considérer avec circonspection.
165
Conclusion générale Le présent mémoire a permis de mettre en lumière les aspects a priori obscurs du document qui a été l’objet de cette étude, et de lui rendre, par des interventions de restauration, une condition qui devrait à nouveau permettre son utilisation. Ainsi, grâce à l’étude historique, des recherches ont permis d’éclaircir la nature et la fonction de ce plan, de comprendre son intérêt pour l’Histoire locale, et de ce fait mettre en avant sa valeur, justifiant ainsi la volonté de la préserver. Ces recherches compte tenu de peu d’informations immédiates présentes sur le document (du fait de son état dégradé), se sont avérées très intéressantes, et ont constitué une expérience très enrichissante. La restauration du plan a montré des problématiques liées aux spécificités d’un grand format. Son état de dégradation impliquait en outre des traitements et des choix parfois difficiles à mettre en œuvre, mais cependant nécessaires dans le cas présent. Grâce à ces interventions, le document a retrouvé son statut bivalent d’objet à la fois utilitaire et d’exposition, et pourra de nouveau revenir dans son lieu d’origine, au château de Montaubande-Bretagne. Enfin, la troisième partie de ce mémoire, qui concernait une étude scientifique, s’est focalisée sur un produit susceptible de protéger les techniques graphiques lors de traitements aqueux : le cyclododécane. La relative nouveauté de ce produit dans le domaine de la restauration conduit à le considérer avec prudence, aussi il a semblé intéressant de procéder, via un protocole simple, à des expériences le concernant, afin de mieux comprendre les mécanismes mis à l’œuvre lors de son utilisation, et ainsi de mettre à l’épreuve son efficacité. Cette étude ouvre le champ à des investigations qui pourraient la compléter.
166
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173
Table des illustrations (Quand la source n’est pas précisée, les illustrations et photographies sont de l’auteur). Illustration s de la partie historique : Figure 1 : détail du titre du plan de la forêt de Montauban-de-Bretagne. ............................... 16 Figure 2 : photo aérienne du château de Montauban-de-Bretagne. (Photo de l’auteur). ........ 16 Figure 3 : détail du blason du plan représentant les armoiries des Rohan au centre du médaillon. ................................................................................................................................. 18 Figure 4 : représentation héraldique d’une couronne ducale, rehaussée du bonnet de la pairie. (Sources : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pairie_de_France). ...................................................... 19 Figure 5 : Plan terrier manuscrit de Salles-d'Angles - Poitou-Charentes de 1785. (Sources : www.Loeb-Laroque.com) ........................................................................................................ 23 Figure 6 : détail de la section n°128 de la Carte générale de Cassini de Thury, levée entre 1782 et 1785 montrant la forêt de Montauban-de-Bretagne. (Sources : BnF, cotes GE FF18595 (128)). ............................................................................................................................ 24 Figure 7 : schématisation des différents éléments constitutifs du plan. .................................. 26 Figure 8 : détail du sous-titre................................................................................................... 27 Figure 9 : détail montrant le dessin de la forêt de Montauban. ............................................... 28 Figure 10 : détail du château de Montauban représenté au centre du plan. ............................ 28 Figure 11 : détail du château du Lou-du-Lac représenté sur la partie droite du plan. ............. 29 Figure 12 : détail du plan montrant le village de Saint Mervon situé au nord de la forêt. ...... 29 Figure 13 : extrait du cadastre napoléonien de 1835 (Archives départementales d’Ille-etVilaine). .................................................................................................................................... 30 Figure 14 : détail de la route principale de Saint Brieuc et du château de Montauban. .......... 30 Figure 15 : détail du plan représentant une route traversant la forêt ainsi que les parcelles numérotées qui la bordent. ....................................................................................................... 31 Figure 16 : détails de la seconde partie du sous-titre avec les deux termes : journal et cordes. .................................................................................................................................................. 32 Figure 17 : détail du plan de la forêt montrant un fossé de séparation .................................... 34 Figure 18 : photo prise dans la forêt de Montauban montrant un ancien fossé de séparation. (Photo de l’auteur). ................................................................................................................... 34 Figure19: détail du plan de la forêt : le lettrage en rouge (K) et (e). ....................................... 35 Figure 20: vue de la légende avec la lettre majuscule E et le mot Office. ............................... 35 Figure 21 : vue de la parcelle Q légendée : ligne de coupe de la séparation établie dans la ditte office ; a : lettre S ; b : lettre T ......................................................................................... 36 Figure 22 : transcription du texte des documents de renfort. .................................................. 37 Figure 23 : schéma d’un taillis sous futaie. (Dessin d’après un schéma de Bruno Grange). .. 39 Figure 24 : chaîne d’arpenteur (sources : http://le compendium.pagesperso-orange.fr). ........ 43 Figure 25 : planche extraite de l’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Volume 37, de Denis Diderot, Jean le Rond d'Alembert montrant les différents instruments de l’arpenteur ainsi que les modes de relevés du terrain par trigonométrie. ........................................................................................................................... 43 Figure 26 : deuxième planche tirée de l’encyclopédie de Diderot montrant les instruments de l’arpenteur. ................................................................................................................................ 44 Figure 27 : photo du fossé entourant la forêt de Montauban-de-Bretagne. (Photo prise par l’auteur). ................................................................................................................................... 45 Figure 28 : schéma montrant la superposition des contours de la forêt de Montauban-deBretagne sur une carte actuelle et celle du XVIIIe siècle. ....................................................... 46 174
Figure 29 : photo prise dur table lumineuse montrant l’un des filigranes IHS des papiers raboutés. ................................................................................................................................... 47 Figure 30 : plan de la forêt de Pacy et d’Hécourt de 1757, montrant le plan entouré d’une bordure noire. (Sources : Archives Nationales, cote : 273 AP 528). ........................................ 47 Figure 31 : détail du plan montrant la rose des vents. ............................................................. 48 Figure 33 : détail de la Carte Topographique de la partie occidentale du Ban de Berg. (1716) (Sources : www.Loeb-Laroque.com) ....................................................................................... 48 Figure 32 : détail du plan du Front de Fortification réalisé pour l’Artillerie de Strasbourg. Les bâtiments sont représentés en rouge. (1755) ............................................................................ 48 Figure 34 : détail des arbres situés dans la cour du château de Montauban : l’ombre portée des arbres est orientée Nord-Est. .............................................................................................. 49 Figure 35 : Détail du Plan de fontaine Villiers Vérifié Conforme au procès Verbal Du 31 aoust 1651. On remarque la représentation des bâtiments en élévation. (Sources : www.LoebLaroque.com) ........................................................................................................................... 50 Figure 36 : détail du plan du Front de Fortification réalisé pour l’Artillerie de Strasbourg (1755) : le dessin des arbres et des champs y apparait très réaliste.......................................... 50 Figure 38 : détail du plan montrant un chemin forestier ombré. ............................................. 51 Figure 37 : détail du plan montrant un chemin avec son ombre portée, donnant du relief au dessin. ....................................................................................................................................... 51 Figure 39 : détail des arbres situés à l’extérieur de la forêt. .................................................... 51 Figure 40 : détail du dessin des arbres de la forêt : le trait est fluide et systématique. ........... 52 Figure 41 : détail du plan montrant l’église de Montreuil représentée en plan ....................... 52 Figure 42 : détail du château de Montauban. .......................................................................... 53 Figure 43 : détail de la carte de Cassini montrant la toile servant de charnière pour son pliage (Sources : BnF, cotes GE FF-18595 (128)). ............................................................................. 55
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Illustrations de la partie restauration: Figure 1 : vue du plan dans son ensemble. .............................................................................. 62 Figure 2 : photographies microscope : a- (grossissement X10) fibre prélevée sur le document montrant les fibrilles. b- (grossissement X40) : détail de la même fibre montrant les stries. .. 63 Figure 3 : photo montrant le test de l’encollage à la ninhydrine, à gauche : l’échantillon chauffé, à droite : obtention de la coloration rouge violine...................................................... 64 Figure 4 : relevé de deux filigranes sur papier calque............................................................. 65 Figure 6 : Marque d’un échantillon de papier appelé Grand Jésus, fourni en 1765 par I. Louvrier, dans la généralité de Caen, dont le format est de 690X570mm. .............................. 65 Figure 5 : monogramme IHS, symbole des Jésuites (sources : www.jesuites.com) ............... 65 Figure 7 : détails des différentes couleurs utilisées sur le plan (de gauche à droite) : la bordure noire, la lettre A située dans la première parcelle de la forêt, un chemin forestier avec la végétation représentée en vert, la couronne jaune du blason, un détail du titre écrit à l’encre brune. ........................................................................................................................................ 66 Figure 8 : photo prise sur table lumineuse montrant un détail des papiers raboutés (à gauche) et vue par transparence d’un papier de renfort. ........................................................................ 66 Figure 9 : schéma du montage au verso du plan composé de 12 feuilles raboutées, avec l’emplacement des papiers de renfort encore existants. ........................................................... 67 Figure 10 : détail de la colle de montage entre les papiers de renfort et le papier d’œuvre. .. 67 Figure 11 : a- détail de la toile montrant le tissage en armure toile, b- photo sous microscope d’un fil prélevé de la toile du montage. On remarque les genoux caractéristiques du lin. ...... 68 Figure 12 : exemple d’accumulation de poussière et de résidus entre la toile et le papier d’œuvre..................................................................................................................................... 69 Figure 15 : épidermures........................................................................................................... 69 Figure 13 : résidus de colle ..................................................................................................... 69 Figure14 : résidus blancs ......................................................................................................... 69 Figure 16 : a- taches grises situées sur l’ensemble du document, b- taches située sur la partie droite du plan et continuant sur la toile, c- détail du verso du plan montrant de petites taches noires. ....................................................................................................................................... 70 Figure 17 : a- photo en lumière visible d’une trace jaune située entre la rose des vents et le titre du plan, b- photo en lumière UV mettant en évidence une autre auréole jaune ici ressortant fluorescente. ............................................................................................................. 70 Figure 18 : photo du plan prise en lumière rasante montrant les réseaux de plis ainsi que les déformations. ............................................................................................................................ 71 Figure19 : détail du plan en lumière rasante montrant l’aspect froissé du papier. .................. 71 Figure 20 : les déchirures : a- détail d’une déchirure au niveau des bords du plan, bmicrofissures du papier, c- déchirure centrale. ......................................................................... 72 Figure 21 : photo des morceaux détachés. .............................................................................. 72 Figure 22 : divers trous : a- trou de rouille situé dans la partie droite du plan, b- trou de rouille situé dans la partie supérieure du plan, c- lacune située au centre du plan (13X22cm), d- galerie causée par les insectes, e- trous causés par les insectes donnant un aspect dentelé au papier (partie inférieure gauche du plan). ............................................................... 73 Figure 24 : détail du titre montrant l’atténuation des écritures. .............................................. 74 Figure 23 : détail de la légende montrant l’atténuation du tracé causé notamment par les abrasions. .................................................................................................................................. 74 Figure 26 : détail de la forêt montrant la perte de la technique graphique (zones blanches). . 75 Figure 25 : détail du château montrant les douves dont la couleur bleue aurait probablement disparu avec le temps. .............................................................................................................. 75 Figure 28 : microfissures de l’encre ........................................................................................ 75 176
Figure 27: photo prise sous lumière UV montrant à gauche le transfert des encres des papiers de renfort sur le plan et à droite, les halos visibles autour du dessin des arbres (ici sous forme de petites taches noires) ............................................................................................................ 75 Figure 30 : photo montrant un détail de la forêt : le vert apparaît noir sous lumière UV........ 76 Figure 29 : détail du plan recto et verso montrant la couleur verte de la forêt ayant traversé le papier. ....................................................................................................................................... 76 Figures 31: décollement des papiers raboutés (en haut) et des papiers de renfort (en bas). ... 77 Figure 32 : schéma du verso du plan après le désentoilage illustrant l’emplacement des bandes de renfort (en vert) et des anciennes réparations (en rouge), les numéros correspondent aux feuilles raboutées; a et b : détail de deux papiers de consolidations collés au dos du plan. .................................................................................................................................................. 78 Figure 33 : cycle de développement des moisissures montrant l’alternance des différentes phases d’activité lors du développement d’une contamination (sources : Roquebert, les moisissures contaminant les biens culturels : biologie et diversité, p. 73). ............................. 81 Figure 34 : vue entière du verso du plan sans la toile montrant les taches de moisissures tout autour du transfère de la ........................................................................................................... 82 Figure 35 : photo prise sous lumière UV montrant le trou de rouille situé dans la partie droite du plan. ..................................................................................................................................... 83 Figure 36 : test de reconnaissance des encres ferrogalliques avec le papier indicateur bathophénanthroline à gauche et coloration rouge du test après immersion dans une solution d’acide ascorbique. ................................................................................................................... 84 Figure 37 : test de la mesure du pH sur un morceau détaché du plan. .................................... 87 Figure 38 : résultat positif au test de la goutte avec le solvant éthanol sur la technique graphique rouge ........................................................................................................................ 88 Figure 39 : tableau récapitulatif des résultats des tests de solubilité des encres et des couleurs. .................................................................................................................................................. 88 Figure 40 : a et b- désentoilage du plan, c- verso du plan après le désentoilage. ................... 93 Figure 41 : en haut : aspiration de la poussière à l’aide d’un aspirateur à filtre à particules, en bas : amas de poussières et de résidus qui s’étaient accumulés entre la toile et le document. . 94 Figure 42 : gommage du verso du plan avec de la gomme en poudre. ................................... 95 Figure 43 : élimination des résidus blancs avec une gomme blanche avant, pendant et après traitement. ................................................................................................................................. 96 Figure 44: schéma du cataplasme de gel et de l’action de l’humidité passant à travers les couches de papier de renfort et de colle. ................................................................................. 98 Figure 45 : a- pose du gel de méthyle sur l’intissé à l’aide s’une spatule, b- décollement des papiers de renfort. ..................................................................................................................... 99 Figure 46 : les papiers de renfort une fois décollés. .............................................................. 100 Figure 47: nettoyage à l’aide d’un coton imbibé d’éthanol et eau. ....................................... 101 Figure 48 : premier doublage en domino avec un papier japonais 6g/m². ............................ 102 Figure 49 : préparation de la table pour le fond tendu : pose de la méthylcellulose. ............ 103 Figure 50 : pose de la toile polyester sur le plan de travail encollé. ..................................... 103 Figure 51: pose des papiers de doublage préalablement humidifiés ..................................... 103 Figure 52 : pose des deux morceaux du plan. ....................................................................... 104 Figure 53 : application du plan à l’aide d’une spatule en téflon. .......................................... 104 Figure 54 : séchage sous buvards (à gauche) et couverture en feutre (à droite). .................. 104 Figure 55 : schéma de l’entoilage montrant les différents éléments le constituant. .............. 106 Figure 56 : séchage du document rentoilé. ............................................................................ 107 Figure 57 : réalisation des pièces de comblement des lacunes ; a- prise de l’empreinte sur calque, b- découpe de la pièce. .............................................................................................. 108 Figure 58 : a- exemple de petite pièce de comblement avec les bords légèrement supérieurs 177
aux bords de la lacune, b- fabrication de pâte à papier pour les trous les plus petits. ........... 108 Figure 59 : vue d’ensemble du plan après la réintégration des lacunes. ............................... 109 Figure 60 : le plan une fois encollé à la méthylcellulose. ..................................................... 110 Figure 61 : mise au ton des pièces de réintégration à l’aérographe. ..................................... 111 Figure 62 : a- prolongement de la bordure noire sur la pièce de réintégration, b- remise au ton de la dernière parcelle de la forêt ........................................................................................... 111 Figure 63 : restauration avant et après du trou auréolé de rouille. Les bords de la lacune ont légèrement été grattés pour faire adhérer la pièce de réintégration. ....................................... 112 Figure 64 : détail de l’avant et de l’après restauration du titre .............................................. 112 Figure 65: détail de la partie Est de la forêt avant et après restauration. .............................. 112 Figure 66 : avant et après restauration de la rose des vents. ................................................. 113 Figure 67 : avant et après restauration de la légende en bas à droite du plan. ...................... 113 Figure 68 : lettre A avant retouche et après retouche ............................................................. 113 Figure 66 : doublage sur table aspirante des défaits et des papiers de renfort. ..................... 114 Figure 68 : exemple de documents rassemblés et reconstituant partiellement une page manuscrite. ............................................................................................................................. 115 Figure 67 : exemple de papier de renfort avant et après restauration .................................... 115 Figure 69 : exemple d’une pochette de conditionnement des documents de renfort. ........... 117 Figure 70 : conditionnement des défaits et des documents de renfort dans des pochettes polyester. ................................................................................................................................ 117 Figure 71 : photos montrant la chemise en toile permettant de conditionner les pochettes en polyester. ................................................................................................................................ 118 Figure 72 : Vue en coupe d’un modèle double-face de Chassitech™à gauche et schéma du système auto-tenseur à droite. (sources : http://www.chassitech.com/chassisaentoiler/index.html)....................................................... 119 Figure 73 : schéma du système de châssis fixe à tension continue réalisé pour le plan de Montauban. ............................................................................................................................. 120 Figure 74 : schémas explicatifs du fonctionnement du système auto régulateur du châssis à tension continue...................................................................................................................... 121 Figure 75 : (à gauche) fermeture d’un des côtés du châssis fixe en aluminium : la partie inférieure s’ouvre par un système de vis, de manière à rendre l’ensemble démontable. (à droite) vue du système toile-châssis flottant monté à l’intérieur du châssis fixe. .................. 122 Figure 74 : montage du plan sur les baguettes mobiles......................................................... 122 Figure 76 : (à gauche) vis et ressort à compression en inox, (à droite) photo montrant le système vis-ressort à l’intérieur du châssis fixe. .................................................................... 123 Figure 77 : fermeture des bords du panneau de polycarbonate cannelé avec du ruban adhésif micro perforé pour empêcher l’infiltration des insectes et la poussière tout en permettant la circulation de l’air. (à droite) vuede l’arrière du châssis après la fixation du panneau de polycarbonate. ........................................................................................................................ 123 Figure 78 : détail du dénivelé aménagé dans le cadre en bois, pour recevoir le panneau de plexiglas ................................................................................................................................. 124 Figure 79 : fixation des tasseaux de bois servant à maintenir le panneau de plexiglas sur le châssis..................................................................................................................................... 124 Figure 80 : recto de l’œuvre dans son châssis ....................................................................... 125 Figure 81 : verso de l’œuvre dans son châssis ...................................................................... 125
178
Illustration de la partie scientifique: Figure 1 : tableau des tests de l’encollage des différents papiers ......................................... 131 Figure 2 : les échantillons : papier Canson, tracé large, b- papier buvard, tracé fin. ............ 132 Figure 3 : les échantillons recouverts de cyclododécane en fusion ....................................... 132 Figure 4 : mise en immersion des échantillons ..................................................................... 133 Figure 5 : la boite noire pour les prises photographiques ..................................................... 134 Figure 6 : schémas du système de prise photographique des échantillons (dessins de l’auteur) ................................................................................................................................................ 134 Figure 8 : exemple d’un histogramme et définitions des termes. .......................................... 135 Figure 9 : les pixels compris dans un intervalle (zone en bleue). ......................................... 136 Figure 10 : tableau du calcul de la valeur absolue et relative du système de mesure ........... 137 Figure 11 : échantillon avant et après immersion .................................................................. 138 Figure 12 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement .............. 138 Figure 13 : schéma montrant la microstructure du papier (beige) et l’encollage de surface (marron) en contact avec de l’eau, a- sans encollage, b- avec un encollage de surface (BANIK p. 147)..................................................................................................................................... 139 Figure 14 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement .............. 141 Figure 15 : échantillon recto et verso après immersion avec protection du cyclododécane sur une face. ................................................................................................................................. 143 Figure 16 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement .............. 143 Figure 17 : l’échantillon incurvé après immersion ................................................................ 144 Figure 18 : échantillon avant et après immersion ................................................................. 146 Figure 19 : échantillon traité sur les deux faces en application fine recto et verso après immersion ............................................................................................................................... 148 Figure 20 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement .............. 148 Figure 21 : l’échantillon après immersion présente des déformations dans les zones non protégées au cyclododécane ................................................................................................... 149 Figure 22 : échantillon avant traitement recto et verso ......................................................... 151 Figure 23 : échantillon après traitement recto et verso ......................................................... 151 Figure 24 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement .............. 152 Figure 25 : échantillon avant traitement, recto et verso ........................................................ 154 Figure 26 : échantillon après traitement recto et verso.......................................................... 154 Figure 27 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement .............. 155 Figure 28 : a- microcraquelures de la couche de cyclododécane avant immersion, baccentuation de ces microcraquelures après immersion ........................................................ 155 Figure 29 : l’échantillon est placé sur une plaque chauffée en vue de faire fondre et de faire pénétrer le cyclododécane dans le papier ............................................................................... 156 Figure 30 : échantillon avant et après traitement au cyclododécane sur les deux faces en application large ..................................................................................................................... 160 Figure 31 : exemple des histogrammes d’un échantillon avant et après traitement .............. 160 Figure 32 : Tableau récapitulant les moyennes de pixels noirs déplacés, pour chaque mode d’application et pour chaque papier (0% correspondant à une expérience conclue sans altération de la technique graphique après immersion) .......................................................... 163
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Annexes : 1. Arbre généalogique des Rohan Guéméné…………………………………..
p.182
2. Extrait de l’Aveu d’Anne de Rohan………………………………………...
p.183
3. Description du château de Montauban par Jérôme Cucarull…………….
p.185
4. Plan du château de Montauban par Louis de la Borderie………………..
p.186
5. Extrait du Cadastre napoléonien de Montauban de Bretagne……………
p.187
6. Plan de la forêt de Montauban (Office national des forêts)………………..
p.188
7. Acte de vente du bois de coupe……………………………………………….
p.189
8. Schémas récapitulatifs des taches et auréoles………………………………
p.190
9. Relevés des filigranes…………………………………………………………
p.191
10. Résultat des analyses microbiennes………………………………………..
p.197
11. Mode d’emploi du spot test bathophénanthroline………………………….
p.199
12. Fiches techniques des produits utilisés……………………………………..
p.201
Pochettes transparentes polyester …………………………………………………….
p.201
Klucel G………………………………………………………………………………
p.202
Tylose ………………………………………………………………………………….. p.203 Papier japonais en rouleau…………………………………………………………….
p.204
Buvard sans acide……………………………………………………………………...
p.205
Plume Automatic Pen………………………………………………………………….
p.206
Colle d'amidon de blé………………………………………………………………….
p.206
Gomme PVC en poudre………………………………………………………………
p.206
Colle Evacon R vinylique……………………………………………………………..
p.207
Carton de montage……………………………………………………………………
p.209
Fiche technique du panneau en polycarbonate………………………………………...
p.210
Fiche technique du cyclododécane……………………………………………………
p.213
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1. Arbre généalogique des Rohan Guéméné
181
2. Extrait de l’aveu fait au roi, le 26 mars 1681, par Anne Rohan, veuve du prince de Guéméné, concernant le domaine direct et les droits généraux des Rohan-Guéméné :
Le Domaine « En la paroisse de Saint-Eloy de Montauban : Le château de Montauban, situé en la paroisse de Saint-Eloy ; donjon, lac, quatre douves à l’entour, boulevarts, chesnettes, première, seconde et troisième court, pont-levis, le tout contenant 6 ou 7 journaux de terre. Item, une chapelle, à l’issue de la basse-court, avec ses droits de dixmes et privilèges y accoustumés, pour laquelle est deut par chacune sepmaine trois messes qui se disent en l’église paroissiale dudit Montauban, à cause que ladite chapelle est ruinée depuis longtemps. Item les jardins dudit lieu, contenant environ 2 journaux de terre dont le concierge a accoustumé de jouïr. Plus le colombier, situé près de la métaierie du chasteau. Davantage, les métaieries de la Porte (près ledit château), _ du Mesnil, _ de la Ville-Nicolas, _ de la Hionnaie, _ la Grand’Prée de Montauban, autrement le pré de la Rivière, entre le chasteau et la ville dud. Montauban. Item, le ville de Montauban, cohue, cep. Post à collier, marché ordinaire au jour du mercredi, avec la foire du jour St Martin et autres foire, quinzaine après, appelée la petite foirette ; et autres foires tous les jours St Michel et le mardy d’après le jour Ste Catherine, avec les coustumes dûes et attribuées auxd. foires. La justice patibulaire à quatre posts et deux estages, située et élevée de tout temps à un emplacement appelée la Pescherie. Plus l’exercice de la juridiction dud. lieu au jour du mercredy et autres jours, comme les cas occurent, par les officiers de madite dame, tant de la juridiction de sa baronnie que des officiers de sa cour des eaux, bois et forests, en son auditoire et forteresse de prisons en lad. ville, appelé led. lieu le petit Chastelet, connaissance de tous délits et punitions de tous cas, sauf les renvois et appellations. Plus madite dame a droit de patronage et présentation au bénéfice et cure de Montauban et au prieuré de Monstreul près la forest de Montauban (duquel droit elle n’est plus en possession), avec les chappelles de S. Maurice et de Lanneloup en la paroisse dud. Montauban : ès quelles, ni en l’église de Montauban, il n’y a personne qui ait enfeu prohibitif ni chapelles, armes ni armoiries que celle de mad. dame, si ce n’est par sa permission ou souffrance. Plus, a droit et privilège de contraindre ses sujets et autres habitants de la forest de les faire assister aux chasses, pour tendre raiz, les charroyer, mener et ramener à son chasteau, et faire les huées, lorsqu’il lui vient à plaisir. Item, la forest de Montauban, qui consiste en bois de haute futaie à l’étendue de 421 journaux de terre ou environ, et 1.800 journaux de taillis aux deux bouts de lad. haute futaie appelés Clarahel, la grande laye de la Haie Morin, Sus Bouhal, la Saudraye, sur la ville Durand, et Monstruel, et en général, tout le pourpris des taillis dud. lieu, avec les taillis à l’autre bout de lad. grande forest, Sur la Guiguenaie, le Pas-Botté, le Pas aux Charettes, la brosse appelée la Brosse de Callou, avec leurs lizières et chevauchées, droit de suite de bois dérobé et tout privilège qui appartient à forest réformée, à l’instar de celles du Roy. Item, la Haye dud. Montauban, bois et accens d’icelle, située le long du grand chemin qui conduit de Montauban à Bedesq, laquelle commence à l’issue et sortie dud. Montauban et finit au Chastaignier Dreuslin. Item, la coutume et trespas de St Eloy, dans la ville et paroisse dud. Montauban, et le trespas 182
du Pas aux Charettes. Les moulins de Chaillou et estang d’iceux. Les perrières de Chaillou, vallée et pasturage à l’entour de l’estang dud. lieu. Le moulin près de la ville de Montauban, au bout de la vieiile chaussée vers la Maladrie, avec les estangs, réservoirs et biez d’icellui, et deux estangs près de Monstreul qui bordent la forest dud. Montauban. Une masse de moulin à vent près de l’Essart et le village de Couascurel. Item, les landes et les communs qui sont en lad. paroisse de Montauban et aux paroisses de St Uniac, le Boisgervilly, Quédillac, Le Loup, La Chapelle du Loup, Yrodouër, St Mervon, avec les noës de Quémen. »
Droits généraux : « Item, mad. dame a privilège immémorial d’avoir un forestier en la forest franc de fouage, lequel s’appelle franc forestier, avec un sergent franc de fouage en la paroisse de Montauban, qui est le sergent de la Verge noble ; autre sergent franc en la paroisse de St Uniac ; autre franc en la paroisse de Boisgervilly, autre en celle du Lou, autre en la Chapelle du Lou, autre en Yrodouer, autre en Landujan, autre en Quédillac. Outre, celui qui est seigneur d’un bailliage appelé la Jehannaye, situé en la paroisse de Bedesq, tient de mad. dame à privilège d’avoir un sergent franc de fouage en lad. paroisse de Bedesq, lequel bailliage appartient à l’escuyer Guy de la Lande sieur du Lou. Plus, mad. dame a l’autorité et superintendance en l’assemblée de Quédillac qui est au jour de la Magdeleine, et le lendemain par ses officiers peut faire tenir sa cour, mesurer et estalonner les vaisseaux, et avoir les amendes sur les forfaicts, laquelle assemblée se tenait austrefois au jour Saint-Sauveur. Autre pareil privilège en l’assemblée de S. Uniac, qui se tient les jours et festes de S. Uniac et de S. Pierre. Autre pareil privilège en l’assemblée et foire du Lou, aux jours de S. Laurans et S. Barthelemy. Et mad. dame a en touts les paroisses cy-dessus déclarées droit de post armoyé de ses armes comme dame supérieure en icelles ; _ a droit de ban et estanche, tout ferme droict et debvoir de rachat ès dites paroisses, de police sur toutes marchandises et de bouteillage sur tous breuvages ; duquel droit de ban et estanche mad. dame n’est plus en possession. Mad. dame a officiers en sa baronnie, comme sénéchal, alloué, lieutenant, procureur fiscal, greffier et autres avec les gaiges leurs deubs et attribués ; elle a un maistre particulier des eaux bois et forests en sad. baronnie, un procureur de lad. cour des eaux et forests, _ un vendeur en icelle, _ un greffier qui rapporte tous exploits de lad. cour des eaux et forests. A droit et privilège pour elle et ses subjets de ne plaider à Rennes, fors à l’endroit de sa menée, et peut retirer ses hommes en sa cour. »
183
3. Description du château de Montauban par Jérôme Cucarull
184
4. Plan du château de Montauban par Louis de la Borderie
185
5.
Extrait du Cadastre napolĂŠonien de Montauban de Bretagne
186
6. Plan de la forĂŞt de Montauban (Office national des forĂŞts)
187
7. Acte de vente du bois de coupe
188
8. Schémas récapitulatifs des taches et auréoles
Légende :
Taches de moisissures
Auréoles jaunes
Brunissement
Taches de rouille
189
9. RelevĂŠ des filigranes
4
3
1
2
5
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filigrane n°1
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filigrane n° 2
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Filigrane n°3
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Filigrane n°4
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Filigrane n°5
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10.RÊsultat des analyses microbiennes n°1
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RÊsultat des analyses microbiennes n°2
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11. Mode d’emploi du spot test bathophÊnanthroline
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12. Fiches techniques des produits utilisĂŠs
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Fourniseur Atlantis France
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