ECOLE DE CONDE Département Conservation-Restauration Spécialité peinture de chevalet MEMOIRE DE FIN D’ETUDES Objet de l'étude : Étude et Conservation-Restauration de l’Intervention des Sabines, un fragment de mobilier décoratif successivement remanié Sujet technico-scientifique : Comparaison de la perception visuelle entre restaurateurs de peintures et experts en tableaux
Mots clés : Transposition bois sur toile – Marouflage – Support inerte – Lisibilité - Perception visuelle – Cognition – Expertise – Mobilier décoratif – Mode néogothique XIXe - Authenticité
Mémoire présenté et soutenu publiquement par : Soazig MALIET Mastère II- Promotion 2016
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REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier la famille Ambroselli pour la confiance qu’ils m’ont témoignée en me confiant ce tableau. Merci à mes enseignants : Monsieur Nouaille, Madame Szyc, Monsieur Crinel, Monsieur Ollier et Madame Wolff-Bacha. Merci à Karinne Simonneau-Minet pour son aide aux recherches sur les cassoni. Merci à tous les experts et restaurateurs qui m’ont fait confiance et qui se sont prêtés à mon expérience scientifique. Merci à mes maîtres de stage de m’avoir permis de travailler à leurs côtés et de bénéficier de leur riche expérience : Monsieur Scarpelli, Madame Brans, Madame de Ségogne. Merci à tout le personnel administratif de l’école de Condé. Merci à toutes mes camarades de promotion pour ces cinq riches et merveilleuses années passées ensemble. Merci à toutes ces personnes que je ne saurais énumérer et qui m’ont permis de mener à bien ce projet.
Merci à Guillaume, soutien et coéquipier de chaque instant.
Soazig Maliet
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
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RÉSUMÉ INTRODUCTIF L’œuvre étudiée et restaurée dans le cadre de ce mémoire se présente comme un panneau mesurant 48 cm de hauteur par 61 cm de largeur et 2,2 cm d’épaisseur. Elle nous a été prêtée par un propriétaire privé parisien, en tant que panneau du XVIe siècle. Elle était extrêmement lacunaire, et lourdement repeinte. Ce chaos rendait la lisibilité difficile. Ce panneau semblait avoir une histoire aussi complexe qu’intéressante. C’est le début d’une aventure qui s’est déroulée pendant deux ans dans le cadre d’un travail pluridisciplinaire. L’intégralité des différents axes de recherches autour de ce tableau vous sont présentés dans ce mémoire. Tout d’abord, une recherche historique sur le parcours de l’œuvre et la scène représentée a été menée. Son auteur et son époque précise de réalisation n’étaient pas connus. Le sujet représenté était difficilement identifiable, en raison des nombreux éléments présents, additionnés de repeints et de lacunes importantes. Lors des recherches menées, notre objet d’étude a pu être rapproché des fragments de panneaux frontaux de coffres matrimoniaux de la Renaissance italienne. Le sujet est vraisemblablement l’Intervention des Sabines, épisode de l’histoire de Rome représentée ici comme une scène de la Renaissance. Nous avons également étudié comment, au XIXe et début du XXe siècle, ces objets de la Renaissance ont été très convoités, voire remaniés, engendrant ainsi des œuvres hybrides, au croisement de ces deux époques. Confrontée à l’écueil de l’authenticité, nous avons approfondi cette question que nous n’avions pas eu l’occasion d’étudier auparavant. La disparité des avis de professionnels, restaurateurs et experts, sur la datation et la mise en œuvre de l’objet de notre étude, fut très perturbante, remettant à chaque fois en cause nos analyses sur l’histoire matérielle de l’objet. La notion d’expertise a été approfondie dans notre étude technico-scientifique. Une étude comparative a été menée sur la perception visuelle entre restaurateurs de peintures et experts en tableaux. Elle fut élaborée à l’aide de l’oculométrie cognitive, méthode de mesure du parcours visuel. La différence significative de perception qui a été mesurée s’est expliquée par l’automatisation de la perception selon les tâches que les professionnels ont l’habitude de réaliser, le nombre d’images stockées en mémoire-long-terme et le nombre de cas similaires rencontrés. Le résultat de cette étude souligne la complémentarité de ces deux professions : ce que les restaurateurs peuvent apporter à l’expertise par l’identification des restaurations, et ce que les experts, par leurs réflexes visuels, peuvent à apporter aux restaurateurs pour l’étude des œuvres.
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La dernière partie de ce mémoire est consacrée à l’étude et au travail de conservation-restauration. En premier lieu, les matériaux constitutifs sont examinés, puis les altérations et anciennes restaurations sont étudiées. Cette étude permet d’établir un diagnostic des causes de dégradations ainsi qu’un cahier des charges pour les traitements de conservation-restauration. Ceux-ci ne sont envisagés que s’ils sont nécessités par les altérations de l’objet. Le support en aggloméré a été allégé et l’œuvre a été marouflée sur un support inerte en alvéolé d’aluminium et fibres de verre, après avoir réalisé une couche d’intervention en balsa. Les nombreux repeints ont été retirés, afin de restituer la lisibilité et la cohérence de la couche picturale. En raison du caractère fortement lacunaire de l’œuvre, le choix s’est porté sur une réintégration lisible . L’étude et la restauration de cet objet ont soulevé beaucoup de questions et de difficultés sur l’objet en lui-même, en particulier sur son histoire matérielle. Or la compréhension de sa mise en œuvre et des restaurations antérieures est essentielle pour l’étude de l’œuvre et la décision d’interventions de conservation-restauration adaptées. Ainsi, plusieurs fois durant ces deux ans, l’examen des matériaux, le constat d’état et la proposition de traitement ont été révisés en fonction de nouvelles données. Il fut difficile de faire entrer cette réalité historique et physique complexe qu’était cet objet dans le cahier des charges d’un travail scolaire. Ce travail fut une excellente école de la remise en question, de l’apprentissage et de l’observation en permanence, qualités indispensables au conservateur-restaurateur, au même titre que la capacité de résilience dont il doit faire preuve.
ABSTRACT The artwork studied and restored in this memory thesis is a panel measuring 48cm high, 61 cm wide and 2,2cm thick. A private Parisian owner lent it me, presenting it as a XVIth century panel. It was really lacunary, and heavily repainted. This panel seemed to be steeped in a complex, but interesting history. It’s the beginning of an two years long adventure, in a multidisciplinary work setting. The wholeness of the different approaches of research are exposed in this memory thesis. First of all, an historical study on the path of the artwork and the represented scene has been lead. Its author and its precise era weren’t known. The represented subject was difficult to identify, because of many present compnents, added with repaintings and many lacks. During researches, the object of study was brought closer to frontal panels of marriage chest or italian Renaissance. The subject is likely the Sabine intervention, a Roman history scene
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represented as a Renaissance scene. Also I studied how, in the XIXth and in the beginning of the XXth centuries, these items had been coveted, and also reshuffled, to the point of creating new artworks. I was faced with pitfall of authenticity and dealed with this question in depth, which wasn’t studied during techning. The disparate aspect of opinions of professionals, restorers and experts, on dating and application about this objet of study were really disturbing, reconsidering each time my analysis about its material history. I dealed this notion of expertise in depth in the technical-scientific study. I drew a comparative study on visual perception between painting restorers and picture experts thanks to eyetracking, method of measure of visual path. The significant difference which was measured is explained by automation of perception, according to that these professional are used to do, the number of images stored in long-term memory, and the number of similar cases met. What results this study is the complementarity between these two professions : what restorers can bring to expertise, identifying restorations and and what experts’ visual reflexes can bring to artwork study to restorers. The last part of this memory thesis is the study and the work conservation-restoration. Firstly, constituent materials are examined, then degradations and former restorations are studied. This study enables to set up a diagnosis of degradation grounds and specifications pour conservation-restoration treatment. These are considered only if they’re required by the state of degradation of the object. The particleboard has been lighten and the artwork has been sticked on an inert support of metallic alveolus and fibreglass, after having realized a balsa interleaf. The numerous repaintings have been removed, in order to give back lisibility and coherence to the pictural layer. Because of the strongly lacunary aspect of the artwork, I chose a legible reintegration. The study and the restoration of this item raised a lot of questions and difficulties on the item itself, particulary on its material history. Yet the understanding of its application and former restorations is absolutely necessary to study the artwork and to decide adapted interventions of conservation-restoration. Thus, several times during these two years, the examination of matérials, the condition report, and the treatment proposal have been revised looked according to new elements. It was difficult to let this complex historical and physical reality which was this item into specifications of a schoolwork. It was an excellent school of re-assessment, learning process and observation permanently, necessary skills to conservator-restorer, as resilience abiliy he must be fitted with .
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Fig.1 : L’Intervention des SabinesVue de la face avant restauration
Fig.2 : L’Intervention des SabinesVue du revers avant restauration
Thème
L’Intervention des Sabines
Auteur
Anonyme, école Florentine, Ombrienne ou Ferraraise
Date
Fin XVe– reprises XIXe
Technique
Or et tempera sur bois, transposé sur toile de lin et marouflée sur panneau de particules agglomérées plaqué double face
Cadre
Baguettes de bois de 2,2 mm x 6 mm
Dimensions (en cm)
47,9 x 60,9 x 2,2 cm (2,4cm après restauration)
Lieu de conservation
Domicile d’un particulier
Description générale
Support de marouflage inadapté aux objets culturels, falsification, importants repeints, perte de lisibilité
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SOMMAIRE REMERCIEMENTS......................................................................................... 2 RÉSUMÉ INTRODUCTIF................................................................................ 3 FICHE D’IDENTIFICATION............................................................................. 6 SOMMAIRE..................................................................................................... 7 AVANT-PROPOS............................................................................................ 10 INTRODUCTION GÉNÉRALE........................................................................ 10 ÉTUDE HISTORIQUE..................................................................................... 11 INTRODUCTION........................................................................................................ 12
I. PROVENANCE............................................................................................ 13 A. Vente par la maison Boisgirard en 2011.......................................................... 13 B. Allégement des repeints par un restaurateur................................................... 14 C. Vente Christie’s Londres 1948........................................................................ 14 D. De Pyro........................................................................................................... 15
II. ANALYSE DE LA REPRÉSENTATION....................................................... 17 A. Description de la scène................................................................................... 17 B. Analyse du sujet.............................................................................................. 23
III. ANALYSE PLASTIQUE.............................................................................. 29 A. Composition..................................................................................................... 29 B. Dessin.............................................................................................................. 34 C. Technique picturale......................................................................................... 35 D. Attribution a une école..................................................................................... 36 E. Format............................................................................................................. 36 F. Objet d’origine : panneau ou fragment de mobilier décoratif ?....................... 36 G. Les cassoni.................................................................................................... 48
IV. OBJET CONVENANT AU GOÛT, OBJET EXPOSE AUX REMANIEMENTS.42 A. Interventions sur les cassoni........................................................................... 43 B. Les goûts et les modes.................................................................................... 44 C. L’authenticité en question................................................................................ 52 CONCLUSION GÉNÉRALE HISTOIRE DE L’ART................................................... 56
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ÉTUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE :COMPARAISON DE LA PERCEPTION VISUELLE ENTRE EXPERTS EN TABLEAUX ET RESTAURATEURS DE PEINTURES............................................................................................................ 57 INTRODUCTION........................................................................................................ 58
I. Les restaurateurs de peintures et les experts en tableaux........................... 59 A. Définition des deux professions....................................................................... 59 B. La notion d’expertise en sciences cognitives.................................................. 61
II. La perception visuelle.................................................................................. 63 A. Définition.......................................................................................................... 63 B. La perception visuelle dans l’art et son étude................................................. 65 C. Une méthode de mesure pour la perception visuelle : l’oculométrie cognitive..... 67
III. Mise en place de l’expérience. ..................................................................... 69 A. Hypothèses de départ..................................................................................... 69 B. Environnement pour le déroulement de l’expérience...................................... 69 C. Support de l’expérience : l’intervention des Sabines....................................... 70 D. Instrument de mesure oculométrique.............................................................. 71 E. L’interprétation de l’image par les sujets......................................................... 73 F. Les sujets choisis............................................................................................ 73
IV. Protocole de l’expérience........................................................................... 75 A. Introduction à l’expérience............................................................................... 75 B. Mesures oculométriques................................................................................. 77 C. Questionnaire ................................................................................................. 78 D. Debriefing........................................................................................................ 79 E. Causes d’erreurs de mesure........................................................................... 79
V. Analyse des résultats. ................................................................................. 79 A. Résultats des mesures oculométriques........................................................... 80 B. Réponses au questionnaire............................................................................. 90 C. Analyse du débriefing...................................................................................... 96 CONCLUSION DE L’ÉTUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE....................................... 100
CONSERVATION-RESTAURATION............................................................... 103 INTRODUCTION........................................................................................................ 104
I. Analyse des matériaux constitutifs................................................................ 105 A. Support............................................................................................................ 106 B. Encollage......................................................................................................... 113
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C. Préparation...................................................................................................... 114 D. Fragments de feuilles métalliques................................................................... 114 E. Dessin.............................................................................................................. 116 F. Couche colorée............................................................................................... 116
II. Constat d’état.............................................................................................. 121 A. Altérations des matériaux constitutifs.............................................................. 121 B. Anciennes restaurations.................................................................................. 126 C. Etat de conservation des anciennes restaurations.......................................... 147 D. Altérations de l’état de surface dues aux interventions sur le support............ 149
III. Diagnostic................................................................................................... 153 A. Couche picturale.............................................................................................. 153 B. Support........................................................................................................... 155 BILAN GÉNÉRAL DE L’HISTOIRE MATÉRIELLE................................................. 159
IV. Proposition de traitement............................................................................ 161 A. Nécessité d’intervention.................................................................................. 161 B. Urgence d’intervention..................................................................................... 162 C. Niveau d’intervention....................................................................................... 162 D. Cahier des charges......................................................................................... 163 E. Proposition de traitement................................................................................. 163
V. Rapport de restauration. ............................................................................. 181 A. Support............................................................................................................ 181 B. Couche picturale.............................................................................................. 189 CONCLUSION DE LA CONSERVATION-RESTAURATION..................................... 208 EPILOGUE................................................................................................................ 210 CONCLUSION GÉNÉRALE...................................................................................... 211 BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................... 213 TABLE DES ILLUSTRATIONS.................................................................................. 221 ANNEXES.................................................................................................................. 228
Histoire de l’art............................................................................................... 228 Sujet Technico Scientifique ............................................................................. 235 Conservation-Restauration............................................................................... 247
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AVANT-PROPOS Le mémoire de fin d’études est l’occasion de l’analyse approfondie d’un tableau. Nous étions à la recherche d’une œuvre peinte, nécessitant des interventions sur le support et la couche picturale, et qui pourrait être le sujet d’une étude historique intéressante. Nous nous sommes adressée à une famille d’artistes et de collectionneurs qui nous a proposé ce tableau. Ce panneau très altéré, qui semblait lourd de son passé, nous a immédiatement interpellée. Cet objet d’étude nous a été prêté comme un panneau de bois peint a tempera, dont les repeints avaient été presque tous retirés par une restauration récente. Cette intervention aurait alors permis de découvrir un véritable panneau caché sous les importants repeints présents lors de la vente. Ce sujet d’étude était donc une récente découverte à approfondir : il y avait une enquête à mener en histoire de l’art et une problématique intéressante de réintégration de ces nombreuses lacunes. Mais les examens des matériaux révéleront une réalité matérielle bien plus complexe, ce qui ajoutera de la difficulté aux choix de restauration.
INTRODUCTION GÉNÉRALE Ce mémoire se divise en trois parties qui sont les trois angles complémentaires de l’étude et de la restauration de cet objet. La première partie sera consacrée à l’étude de l’histoire de l’œuvre. Il s’agit de remonter à la source afin de retracer son parcours, puis d’élaborer une étude formelle. Elle consistera en l’identification de la scène représentée, la recherche de l’époque et d’une école de création, puis la définition du contexte dans lequel cet objet a été créé. Elle sera suivie de l’étude des remaniements subis par cet objet, et du contexte culturel qui les a provoqués. La seconde partie prolongera les investigations sur l’authenticité. Un projet technico-scientifique sur la notion de l’expertise des tableaux visera à comparer la perception visuelle entre restaurateurs de peintures et experts en tableaux à l’aide de l’oculométrie cognitive. La dernière partie sera consacrée à la conservation-restauration : une étude technologique des matériaux sera suivie d’un constat des altérations, afin d’établir un diagnostic et d’élaborer une proposition de traitement appropriée à la nécessité d’intervention de l’objet. Ce mémoire est la partie émergée de l’iceberg. Celui de deux ans d’investigations autour d’un objet complexe qui a nécessité une constante remise en question et sur l’objet lui-même et sur les interventions de conservation-restauration.
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TUDE HISTORIQUE
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Étude historique
INTRODUCTION L’étude historique de cet objet était nécessitée par le besoin de retracer le parcours de ce tableau complexe, de comprendre le sujet représenté, difficilement intelligible, et de cerner les raisons des remaniements qu’il a subis. La difficulté résidait dans le manque d’éléments sur l’histoire et le parcours de cette œuvre. Puisqu’elle n’appartient pas à un musée, aucune fiche d’inventaire ou document ne pouvait aider à retrouver ses précédents propriétaires et lieux de conservation. Lorsque le tableau nous a été confié, son propriétaire nous a donné quelques informations : il l’a acquis en 2011 à l’hôtel des ventes de Drouot puis l’a confié à un restaurateur, car il soupçonnait la présence de nombreux repeints. Les sociétés de ventes publiques volontaires n’ont pas le droit de communiquer le nom des vendeurs. Les seules informations dont nous disposions sur le passé de l’œuvre étaient celles qui étaient mentionnées sur le catalogue de vente de celle-ci. L’enquête démarrait. Il était primordial d’identifier le sujet représenté. Lors d’une première observation, il semble que les personnages portent des costumes de la Renaissance et qu’il s’agit d’une scène de bataille. Mais qui se bat contre qui ? Que raconte cette scène ? Pourquoi ce format ? Une recherche sur les batailles au XVe siècle peintes sur panneau devait être menée. Il était intéressant également de pouvoir rattacher ce panneau à une école et une datation grâce aux éléments présents : dessin, palette, sujet représenté. Beaucoup de documentations et de spécialistes de ce type de représentations ont été consultés. La disparité des avis de ces spécialistes rendit la recherche ardue. Celle de dégager une opinion la plus objective et la plus proche possible de la réalité de l’objet d’étude, parmi les approches théoriques d’historiens d’art, avec notre formation à la fois théorique et technologique de conservateur-restaurateur. Enfin, le long voyage que cet objet a parcouru dans le temps ainsi que les rebondissements qui l’ont accompagné devaient être étudiés. L’étude du contexte de création devait être poursuivie par celle du contexte de circulation de cet objet. Cette recherche était nécessaire puisque l’état de conservation de l’objet démontre une perte de sa signification au cours du temps.
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Étude historique
I.
PROVENANCE
Le panneau qui est l’objet de cette étude nous a été prêté par un propriétaire privé parisien. Afin de mieux comprendre son histoire matérielle, quelques recherches ont été menées dans le but de retracer son parcours. Les seules données à notre disposition étaient les informations mentionnées dans le catalogue de la vente où le propriétaire avait acquis ce panneau.
A.
Vente par la maison Boisgirard en 2011
Le propriétaire de l’objet a acheté ce dernier le 19 octobre 2011 lors d’une vente aux enchères publiques organisée par la maison Boisgirard-Antonini à l’hôtel des ventes de Drouot dans le 9e arrondissement de Paris (voir le catalogue en annexe p.228).
Fig.3 : Photographie du catalogue de vente, Boisgirard et Antonini 19 octobre 2011, vente de meubles et objets d’art, lot n°1 : Dans le goût de l’école italienne de la fin du XVe siècle « Scène de martyre »
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Étude historique
Cette œuvre était présentée dans le premier lot (voir Fig.3), dans la partie de la vente consacrée aux dessins et tableaux anciens. Le lot était annoté comme suit :
« 1*
Dans le goût de l’école italienne de la fin du XVe siècle
« Scène de martyre »
Huile sur panneau replaqué (importantes restaurations)
48 x 61 cm
1 500 / 2 000 €
Provenance :
- Vente Christie’s Londres, 19 mars 1948, lot n°24
- Collection privée1»
L’expert qui a rédigé le catalogue de vente avait ainsi décrit l’œuvre : « dans le goût de2» . Cela signifiait qu’il n’y avait aucune garantie que le panneau soit du XVe siècle mais qu’il pouvait s’agir d’un faux, d’une copie ou d’une imitation dans le style de la fin du XVe siècle.
B.
allégement des repeints par un restaurateur
Le propriétaire l’a alors confié à un restaurateur qui a retiré de nombreux repeints. Le restaurateur s’arrêta alors dans son travail, pensant qu’il s’agissait d’un véritable panneau datant de la Renaissance et qu’il était nécessaire d’effectuer des recherches avant de poursuivre son travail. C’est à ce moment que cette œuvre nous a été confiée.
C.
Vente Christie’s Londres 1948
Afin de comprendre l’histoire matérielle et le parcours de cette œuvre, il semblait intéressant de remonter à la source. A l’aide des informations mentionnées sur le catalogue de vente de 2011, nous avons recherché le catalogue de cette vente antérieure de 1948 afin de savoir dans quel état de conservation, quel format et sous quelle attribution il avait été vendu.
1
BOISGIRARD-ANTONINI, Meubles et objets d’art, mercredi 19 octobre 2011, Paris Drouot Richelieu
2 Décret n°81-255 du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d’œuvres d’art et d’objets de collection : Article 7 : « Les expressions «dans le goût de», «style», «manière de», «genre de», «d’après», «façon de», ne confèrent aucune garantie particulière d’identité d’artiste, de date de l’œuvre, ou d’école [*authenticité - ancienneté*]. »
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Étude historique
Cet ancien catalogue a été retrouvé3, ainsi que la mention de l’objet de notre étude, mais au lot n°133 et non au lot n°24 (voir Fig. 4), comme il était indiqué sur le catalogue de Boisgirard de la vente postérieure de 2011.
Fig.4 : Extrait de Christie, Manson & Woods, Old Pictures, 19 mars 1948, Londres, p.14
L’artiste mentionné est Roberti (probablement Ercole de Roberti (environ 1450-1496)). Il n’y a pas d’illustration mais les dimensions, exprimées en pouces, correspondent aux dimensions actuelles4. L’œuvre est désignée comme « une scène de bataille ». Nous ne savons donc pas dans quel état de conservation il se trouvait lors de cette vente, quel était son support ni s’il était déjà repeint à cette époque. Mais il est certain que son format était identique, qu’il était présenté comme un panneau et qu’il n’était pas encadré. Un nom est écrit à droite de façon manuscrite: « De Pyro 5» . On retrouve ce même nom inscrit à droite de deux autres tableaux italiens dans cette même vente : un Titien et un Guardi (voir annexe p.229).Il est probable qu’il s’agisse d’un nom d’acheteur, qui s’intéressait particulièrement à l’art italien.
D.
De Pyro
Sur le site « Search Ancestry », outil anglais de recherche généalogique, des archives d’annuaires téléphoniques « British Phone Books » sont mis à disposition par « Telephone Directories6» . Un certain George de Pyro est répertorié dans ces archives. Il est indiqué comme résidant à Londres entre 1880 et 1946 (voir annexe p.229-230). Deux autres sites de généalogie « Find my past » et « Free BMD » mentionnent George de Pyro, né en 1867 et décédé en 1967 à Londres7.
3
CHRISTIE, MANSON & WOODS, Old Pictures, 19 mars 1948, Londres (voir annexe p.228)
4
1 pouce = 2,54cm, soit 19x24 pouces = 48,26 x 60,96 cm
5 Ce même nom a été retrouvé à côté de ce lot sur trois exemplaires différents de ce même document consulté dans différentes bibliothèques. Le caractère répétitif de l’apparition de ce patronyme nous a poussée à entamer des recherches, pensant qu’il s’agissait peut-être du nom de l’acheteur. 6
http://search.ancestry.co.uk/ consulté le 15 11 2014
7
http://search.findmypast.co.uk/ onsulté le 15 11 2014 http://www.freebmd.org.uk/ onsulté le 15 11 2014 voir annexes p.229-230
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Étude historique
Nous pouvons conclure qu’un certain George de Pyro a vécu à Londres à l’époque de la vente. De plus, des résultats d’autres ventes aux enchères publiques mentionnent, dans la provenance de ces œuvres, la collection de George de Pyro :
•
Attribué à Jean-Baptiste-Henri Deshays de Colville (1729-1765) L’enlèvement
d’Europe8,
•
Domenico Riccio, dit Brusasorci (env. 1516-1567) Portrait de femme 9,
•
Ricci, Jacob et Rebecca10,
•
Attribué à Bernardo Parenzano (1437-1531), Adoration des Mages11,
•
Richard Cosway, Mrs Sheridan as St Cecilia12.
Par ailleurs, des articles ont été retrouvés, narrant un George de Pyro artiste et collectionneur (articles en annexe). Il a peint aux Etats-Unis (1906-07) et en Australie (à partir de 1907) avant d’émigrer à Londres. Un article de journal de 1929 rapporte que l’artiste George de Pyro résidant à Londres a acheté un tableau qui a été par la suite attribué à van Dyck13 (annexe p.?) Si aucune photographie ou élément sur l’état antérieur de conservation du tableau n’ont été retrouvés, nous avons pu néanmoins situer l’objet dans son contexte de circulation sur le marché de l’art. Il a au minimum appartenu à un collectionneur d’art italien, artiste de son état. Même si ces éléments ne donnent pas de réponse exacte sur sa provenance, ils seront à prendre en compte dans la compréhension de son histoire matérielle. Après avoir retracé le parcours historique de cette œuvre, nous allons à présent analyser la scène représentée.
8 Christie’s Sale 8986 Old Master Paintings, 15 october 1998, New York, Park Avenue. Lot 38 : Attributed to Jean-Baptiste-Henri Deshays de Colville (1729-1765), The Rape of Europa Provenance : Christie’s Londres, March 5, 1954, lot 63, as Kauffmann (16 gns. to de Pyro) 9 Christie’s Sale 5012 Old Master Pictures, 9 juillet 1993, London, King Street. Lot 71 : Domenico Riccio, dit Brusasorci (env. 1516-1567), Portrait of a woman. Provenance : Christie’s , 14 march 1947, lot 64, as Veronese (50 gns. to de Pyro) 10 Art Prices Current, Wm. Dawson & Sons Limited, 1922, p. 297 : 6418 Ricci, Jacob and Rebecca (de Pyro) 212 £, 6d. 11 Attributed to Bernardo Parenzano (1437-1531), Adoration des Mages. Provenance : Christie’s Sale Cholmondelay and Other Collections, July 14, 1922, lot 42 (to de Pyro, £304.10). 12 HIGHFILL, Philip H, BURNIM, KALMAN A, et al. A biographical dictionary of actors, actresses, musicians, dancers, managers & other stage personnel in London, 1660 - 1800 , 1991, p.332 13
http://newspaperarchive.com/
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Étude historique
II.
ANALYSE DE LA REPRÉSENTATION
Le sujet semble très narratif. Or les nombreux personnages et éléments lui confèrent une certaine confusion. L’ analyse de cette représentation débutera par une description des éléments présents. Des comparaisons seront amorcées en se basant sur des représentations similaires et des textes tirés de la littérature afin d’identifier le sujet représenté.
A.
Description de la scène
La scène se déroule à l’extérieur. Devant un bâtiment, deux groupes de soldats arrivent par la gauche et la droite. Ils s’avancent vers le centre, où se trouvent des femmes avec des enfants. Au premier étage du bâtiment, des femmes observent la scène de leurs balcon et fenêtres. Derrière l’édifice central, on distingue un paysage nautique. Nous allons à présent détailler les groupes de personnages en trois parties, du premier au dernier plan (voir Fig. 5). Puis nous étudierons les autres éléments iconographiques.
Fig.5 : Distinction des trois plans pour la description de l’œuvre
1. Groupes de personnages : situation dans l’espace, mouvement et habillement a. Premier plan : les fantassins, les femmes et leurs enfants
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Étude historique
Fig.6 : Premier plan de description de l’œuvre
i. Situation et mouvement des personnages dans l’espace A dextre, deux femmes font signe à un archer qui s’avance vers elles. Dans la partie centrale, deux soldats font face à quatre autres. Sur ces six personnages, trois regardent vers le sol, légèrement derrière eux, et les trois autres observent le groupe qui leur est opposé. Au milieu de ces deux groupes, un soldat est allongé, alors que les fantassins derrière lui pointent leurs piques vers son dos. A senestre, deux archers se penchent, prêts à agir, dans la direction du soldat à terre. A l’angle inférieur senestre, un personnage voûté semble porter une faux dans sa main droite; il n’est pas orienté vers la bataille et ne se place pas dans une position belligérante.
ii. Habillement des personnages Les soldats (archers et fantassins) du premier plan sont tous vêtus de la même façon : le haut
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du corps est revêtu d’un pourpoint14, veste s’ouvrant par devant15. Leurs jambes arborent des haut-de-chausses (ou trousses) et des chausses-parties16, et ils sont coiffés d’une cervelière17. Dans la trouée spatiale entre les deux groupes de soldats qui s’opposent, deux femmes tiennent un enfant dans les bras, et une autre tient le sien par la main. Ces femmes sont revêtues de robes longues qui marquent leur taille et leurs hanches.
b.
Second plan : les cavaliers
Fig.7 : Second plan de description de l’œuvre
i. Situation et mouvement des personnages dans l’espace Trois groupes de cavaliers peuvent être distingués : un groupe au centre où les chevaux s’entremêlent. L’un venant de gauche et l’autre de droite, ils s’avancent vers le centre. Le cavalier
14 http://fr.wikipedia.org/wiki/Pourpoint : Vêtement masculin couvrant le haut du corps du cou à la ceinture .au Moyen Age et à la Renaissance. Se porte avec des chausses. A été inspiré par le vêtement qui protégeait l’armure. Il était rempli au niveau du torse pour donner du volume http://netia59a.ac-lille.fr/douaicuincy/IMG/pdf/Dossier_Vetements_et_Costumes.pdf : Au XVe siècle, les pourpoints des hommes raccourcissent et se portent avec des chausses ajustées 15 BOUCHER, F, Histoire du Costume en occident, Paris Flammarion 1965, nouvelle édition novembre 1996, p.171 : Le costume ouvert par devant (caractéristique du costume moderne) est une innovation orientale qui s’installe en Italie à la Renaissance, dans les cours des « seigneuries », foyers de luxe, dont le climat est favorable aux innovations. 16 http://www.armae.com/blog/petite-histoire-de-la-culotte-et-du-sans-culotte.html consulté le 25 04 2015 Les haut de chausses apparaissent à la fin du moyen-âge, fermant en quelque sorte la partie restant ouverte dans les chausses. Ces haut de chausses seront portés avec des chausses moulantes, à partir de la fin du moyen-âge et surtout au XVIe siècle à la fin, chausses désigne haut de chausses http://www.chevaliers-et-troubadours.com/dictionnaire_general/#canigou : Les chausses-parties avaient les deux jambes de couleurs différentes pour marquer l’appartenance à une famille ou à une maison comme les blasons. BOUCHER, F., op. cit., p .171 : petit vêtement court et ajusté, chausses collantes. 17 Coiffe de plaques de fer recouvrant le haut du crâne comme une calotte. Ce type de couvre-chef apparaît au bas Moyen-Age
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à l’extrémité dextre souffle dans une trompe ornée d’un drapeau tandis que celui qui se tient devant lui porte un fanion qui représente le même symbole. A senestre, deux des trois cavaliers tiennent des piques et celui au centre brandit un drapeau. A l’arrière-plan entre le groupe senestre et le groupe central, trois fantassins armés d’épée dans leur main droite et de boucliers dans l’autre semblent se diriger vers une cible. Ces trois soldats sont comme une décomposition du mouvement, du plus penché au plus droit.
ii. Habillement des personnages et caractéristiques des chevaux Les cavaliers sont vêtus d’armures en cuir et de chausses-parties, et ils sont coiffés d’un casque. Les fantassins portent des pourpoints et des chausses-parties comme ceux du premier plan. En revanche, leur casque est semblable à celui des cavaliers. Les chevaux dont la robe est de teinte orangée sont des alezans, et les autres sont gris.
c.
Le bâtiment et l’arrière-plan
Fig.8 : Arrière-plan plan de description de l’œuvre
i. Situation et mouvement des personnages dans l’espace Un bâtiment se dresse au centre de cette composition. Au premier étage de l’édifice se trouve un balcon central, où l’on aperçoit quatre femmes. L’une se démarque de ce groupe, plus massive. Une autre à sa droite est tournée vers elle,
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une troisième à sa gauche regarde la scène qui se déroule en contrebas ; celle à l’extrémité gauche fait signe aux personnages qui se trouvent en bas. De part et d’autre de ce balcon ainsi que sur l’autre façade, visible en perspective, se penchent des femmes aux fenêtres faisant signe de la main droite, face à elles. Derrière ce bâtiment se dessine un paysage nautique, maritime ou fluvial. A ces abords se trouve un relief escarpé et orné de végétation. Dans la partie senestre, trois nefs se suivent.
ii. Habillement des personnages Hormis le personnage central du balcon, les femmes sont habillées de robes avec des manches à crevés18 et portent des coiffes. Le personnage central a les cheveux lâchés et est habillé d’une robe ample. Il porte une couronne, de même que le personnage à sa gauche.
2. Autres éléments iconographiques a.
Navires
Les trois nefs qui naviguent à l’arrière-plan (voir Fig.8) sont des caraques19 à deux mâts. Ces bateaux étaient très employés au XVe et XVIe siècles.
b.
Aigle
Le symbole représenté sur le drapeau de la trompe et sur la bannière est l’aigle (voir Fig. 9). Il s’agit d’un certain type d’aigle en héraldique, l’aigle éployée ainsi décrite20 : « le corps érigé, les ailes ouvertes
Fig.9 : Aigle représenté sur la trompe et le drapeau
18 BOUCHER, F., op. cit,. annexe p. 463 : « Crevés : Détail typique d’une mode empruntée à l’Allemagne à la fin du XVe siècle, les crevés sont de petites ouvertures faites dans l’étoffe par lesquelles on laissait voir la doublure, de couleur et souvent d’étoffe différentes. » BOUCHER, F., op. cit. p.171 : innovation dans la mode féminine à cette époque. 19 http://fr.wikipedia.org/wiki/Caraque consulté le 13 04 2015 . Grand navire, de la fin du Moyen Age, caractérisé par sa coque arrondie et ses deux hauts châteaux avant et arrière. Elles servaient de façon assez indifférenciée, au commerce ou à la guerre. 20
« Aigle » s’emploie au féminin en héraldique
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et étendues des deux côtés, la tête de profil, les pattes écartées, la queue descendante verticalement. Aux temps chevaleresques, l’aigle avait toujours les ailes abaissées ; aujourd’hui elle les porte levées et dirigées vers le chef de l’écu.21» L’aigle est associé depuis la plus haute Antiquité aux victoires militaires. Il est donc cohérent de trouver ce symbole dans une scène de bataille. Ce symbole est assez générique et représente l’empire. Il a été utilisé pour représenter l’Empire romain, mais aussi le Saint Empire romain germanique qui se voulait la palingénésie de l’Empire romain d’occident.
c.
Architecture
Le bâtiment représenté (voir Fig.8) est assez générique, il ne donne pas d’indication précise sur le lieu. Il laisse cependant penser à une architecture méditerranéenne de style Renaissance. On peut le diviser en deux parties : le rez-de-chaussée est une loggia. L’étage est fermé, mais les fenêtres suivent la même ouverture que la celle-ci, avec un balcon au centre. Des tapis sont sortis aux fenêtres.
Nous pouvons dire que la scène est mouvementée. Les personnages sont nombreux
et difficiles à identifier. Dans la partie inférieure, trente-et-un personnages sont en mouvement ainsi que huit chevaux dans un espace pictural réduit, ce qui accentue le chaos visuel. Dans cette scène, les personnages ne sont jamais isolés, ils sont toujours par groupe de deux ou trois, hommes ou femmes. La scène est belliqueuse sans distinguer de camp. Les vêtements et armures donnent des informations sur l’époque, mais la distinction de clan n’est pas évidente, ce qui demeure troublant pour une scène de bataille. Nous pouvons seulement distinguer deux catégories de soldats : les fantassins qui portent cervelière et chausses, les cavaliers qui portent casque et chausses. La scène est chaotique et le mouvement de la bataille n’est pas évident. Les personnages semblent comme «en suspension». De plus, des femmes et des enfants occupent une place non négligeable dans la représentation. La scène se situe devant un palais isolé, proche d’un milieu nautique et aux abords de reliefs.
21
http://www.genealogie.com/
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B.
Analyse du sujet
Grâce aux éléments que nous connaissons à présent, nous allons tenter de décrypter la scène représentée.
1. La scène représentée Les personnages semblent être en costumes du XVe siècle. Cependant, un élément peut laisser penser qu’il s’agit d’une scène de l’histoire de Rome : l’aigle éployée. Même si ce symbole a été utilisé pour représenter l’empire, comme le Saint-Empire Romain Germanique, il s’agit d’un des nombreux éléments, qui seront étudiés par la suite, qui convergent vers la même hypothèse d’un épisode de l’histoire de Rome représenté comme une scène de la Renaissance. Un autre élément rend cette représentation très particulière : femmes et enfants occupent une place importante dans cette scène de bataille. Une femme en particulier est mise en avant, au centre du balcon, ce qui peut laisser croire qu’il s’agit de la protagoniste. Les scènes de bataille dans lesquelles se trouvent des femmes et des enfants sont en général l’apanage d’épisodes précis, les plus connus étant l’enlèvement des Sabines ou le massacre des Innocents. Dans ces représentations, hommes et femmes sont généralement entremêlés ; or, sur l’objet de notre étude, ils sont regroupés par deux ou trois. De plus, les femmes et les enfants ne semblent pas menacés. Au contraire, certaines femmes tiennent un enfant dans leurs bras ou par la main (voir Fig. 11), d’autres vont même au-devant des soldats en leur faisant signe (voir Fig. 10). Les femmes au balcon et aux fenêtres (voir Fig. 12) regardent sereinement la scène, ce qui étaye l’hypothèse que, non seulement elles ne sont pas en péril, mais qu’elles sont les protagonistes de la scène.
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Fig.11 : Deux femmes tiennent un enfant dans leurs bras et une tient sont enfant par la main - Détail de la scène de combat
Fig.10 : Deux femmes viennent au-devant d’un soldat Détail de la scène de combat
Fig.12 : Femmes au balcon et aux fenêtres - Détail de la scène de combat
Les hommes, quant à eux, sont en position belligérante sans réellement se battre. On ne distingue pas qui est l’ennemi de qui. La scène semble être un instant suspendu dans le chaos. Un épisode de l’histoire de Rome rapporté par Plutarque et par Tite-Live réunit tous ces éléments : l’intervention des Sabines pour supplier Romains et Sabins de cesser les combats. Ce passage se situe après l’enlèvement des Sabines, après que les Romains ont épousé cellesci et qu’elles leur ont donné des enfants22. Elles assistent au spectacle de leurs maris qui se battent contre leurs pères et leurs frères. Ce dilemme cornélien les pousse à intervenir sur 22 BASKINS, C. , Cassone painting, humanism, and gender in early modern Italy, Cambridge University Press, 1998, p.103-104 : A partir du XVè siècle, les représentations des enlèvements des Sabines sont supplantées par le développement de l’image de la femme Sabine pacificatrice dans la peinture domestique toscane.
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le champ de bataille afin de supplier les hommes de cesser les combats23. Elles prennent à témoin leurs enfants, désormais Romains, qui devront combattre leurs propres pères et frères Sabins. Cette représentation aurait été inspirée par ces textes :
•
Tome 1 des Vies de Plutarque :
Là, comme les adversaires se préparaient à recommencer le combat, ils furent arrêtés par un spectacle étonnant et au-delà de toute expression. On vit les filles des Sabins qui avaient été enlevées accourir de tous côtés, en criant et en hurlant, et, comme si elles étaient possédées par un dieu, se précipiter au milieu des armes et des morts vers leurs maris et leurs pères, les unes avec de petits enfants dans les bras, les autres avec leurs cheveux épars sur le visage, et toutes appelant des noms les plus tendres, tantôt les Sabins, tantôt les Romains. Les deux partis en furent touchés et s’écartèrent pour les laisser pénétrer entre leurs formations de combat.24
•
Livre I, chapitre 13 dans l’Histoire Romaine selon Tite-Live :
Alors, les mêmes Sabines, dont l’enlèvement avait allumé la guerre, surmontent, dans leur désespoir, la timidité naturelle à leur sexe, se jettent intrépidement, les cheveux épars et les vêtements en désordre, entre les deux armées et au travers d’une grêle de traits : elles arrêtent les hostilités, enchaînent la fureur, (2) et s’adressant tantôt à leurs pères, tantôt à leurs époux, elles les conjurent de ne point se souiller du sang sacré pour eux, d’un beau-père ou d’un gendre, de ne point imprimer les stigmates du parricide au front des enfants qu’elles ont déjà conçus, de leurs fils à eux et de leurs petits-fils. (3) «Si cette parenté, dont nous sommes les liens, si nos mariages vous sont odieux, tournez contre nous votre colère : nous la source de cette guerre, nous la cause des blessures et du massacre de nos époux et de nos pères, Nous aimons mieux périr que de vivre sans vous, veuves ou orphelines.25 23 BASKINS,C., op.cit. p.116-117 : « : Tite-Live dote Hersilie d’une logique binaire qui met l’accent sur la détérioration des liens familiaux – époux et pères vont être tués – et convainquant les deux partis belligérants de faire la paix. Le mariage a été forcé pour Hersilie, mais sa rhétorique, selon Tite-Live, lie maintenant un autre couple non consentant, Romulus et Tatius. L’éventuel co-gouvernement de Rome par Romulus et le roi Sabin est prédit et autorisé par les mariages d’abord fait entre les sabines kidnappées et les soldats romains. Les ennemis deviennent des parents, les rivaux deviennent des alliés, les hors-la-loi deviennent la belle famille. Les inversions structurelles du conte sur les origines de la ville révèlent prophétiquement les futures appropriations de Rome. Dans l’historiographie de Tite-Live, ils préfigurent la capacité de la nation à absorber et unifier les peuples hétérogènes […] La caractéristique structurelle du mariage comme un lien entre deux lignages est accentué par l’intrigue et par le discours des Sabines, d’après les textes anciens. Quand elle compare sa situation comme épouse forcée et comme fille, par exemple, le discours d’Hersilie dans le latin de Plutarque forme un élégant chiasme : « Qu’appellerons-nous le pire, la séduction des Romains ou la compassion des Sabins ? » 24
PLUTARQUE, Vies, Tome, I Thésée-Romulus, Lycurgue-Numa, Paris, 1964, p.83 §19
25
TITE-LIVE, Histoire romaine, Livre I chapitre 13
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Nous avons jugé recevable l’hypothèse que la scène représentée soit issue de ces textes. Il semble correspondre à l’action qui se déroule et nous éclaire sur les mouvements des personnages. En effet, cela explique qu’il n’y ait pas de camp distinct parmi les belligérants, et que les femmes, accompagnées de leurs enfants, soient les protagonistes au cœur d’une scène de combat. Cette hypothèse sera étayée par l’analyse plastique, et en particulier par l’étude de l’objet dont notre œuvre de mémoire est issu. Ainsi, nous citerons désormais l’objet de notre étude sous la dénomination L’Intervention des Sabines pour la suite de ce travail.
2. Comparaisons avec d’autres représentations semblables Il n’est pas rare au XVe siècle de représenter des scènes de l’histoire de Rome inspirées par ces textes comme des scènes contemporaines de la création de l’objet. Nous allons tenter de comparer l’iconographie de l’objet de notre étude avec d’autres iconographies similaires. Le choix de recherche est ciblé sur une certaine catégorie de panneaux, qui sera développée dans l’analyse de l’objet.
a.
Les groupes de femmes
La réconciliation des Romains et des Sabins, conservé à Philadelphie, est une scène de quelques instants ultérieure au sujet présumé de l’objet de notre étude. La position centrale des femmes qui tiennent leur enfant dans les bras et par la main dans La réconciliation des Romains et des Sabins conservé à Philadelphie (voir Fig. 13) rappelle le groupe de femmes sur l’Intervention des Sabines (voir Fig. 14).
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Fig.13 : détail de La réconciliation des Romains et des Sabins,1480, Jacopo del Sellaio (1442-1493), tempera et or sur peuplier, 60,3x 170,8 cm, Philadelphia Museum of Art, Philadelphie
b.
Fig.14 : Détail de l’Intervention des Sabines
Figure d’Hersilie
Hersilie réconciliant Romains et Sabins (conservé au Musée National de la Renaissance à Ecouen) représente la scène qui suit l’intervention des Sabines : la paix entre Romains et Sabins conclue par Hersilie. Sur ce panneau d’Ecouen, la femme massive au centre du balcon (voir Fig. 15) est identifiée comme étant Hersilie26, l’épouse de Romulus. Elle peut être comparée à la femme au centre du balcon de l’objet d’étude (voir Fig. 16) . « Comme Hersilie est peinte sous les traits d’une veuve ou d’une matrone, l’accent est plutôt mis sur son rôle de femme mûre, sage conseillère.27». En effet, elle se distingue des femmes, vraisemblablement plus jeunes et plus menues, qui l’entourent28. Cette femme massive serait alors le personnage principal de la scène représentée. Elle serait
26 BASKINS, C., op. cit., p.113 : Hersilie réconciliant Romains et Sabins (Ecouen) : la femme au centre, couronnée comme une reine, suggère une identification avec Hersilie après son mariage avec Romulus BASKINS, C., ibidem p.104 : Hersilie est l’épouse de Romulus selon Tite-Live, mais Plutarque n’en n’est pas certain. 27
SIMONNEAU, K., Les Cassoni peints du Musée National de la Renaissance, Paris, 2010, p.47
28
Denys d’Halicarnasse décrit Hersilie comme une matrone sabine
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l’instigatrice de cette intervention au milieu du champ de bataille, et donc la pacificatrice qui réconcilie les deux clans ennemis29.
Fig.15 : détail de Hersilie réconciliant Romains et Sabins, attribué à Giovanni di Ser Giovanni (dit Lo Scheggia) (1406-1480), tempera et or sur bois, 0,435 x 1,233 m, Musée national de la Renaissance, Ecouen
Fig.16 : Détail de l’Intervention des Sabines
3. Un sujet constant dans l’histoire de l’art Nous nous trouvons ici dans un contexte particulier de la représentation d’un épisode de la Rome Antique comme une scène contemporaine. Ce sujet sera souvent repris par les artistes et largement diffusé par la gravure (voir Fig. 17). On pourrait citer l’Enlèvement des Sabines de Poussin ou le célèbre tableau de David, Fig.17 : Giovanni Battista Fontana (ca 1524 – 1587), « Sur les instances d’Hersilie, la paix est conclue avec les Sabins», 1573, Autriche, gravure et eau-forte 13,5 x 17,3, Philadelphia Museum of Art, Philadelphie.
l’Intervention des Sabines, un des joyaux du musée du Louvre. Hersilie y sépare les deux clans de façon spectaculaire.
Grâce aux nombreux éléments présents sur le panneau, un sujet, l’intervention des Sabines, 29 BASKINS, C., op. cit., p.117 Le point central focalisé et la symétrie bilatérale de la composition est l’homologue visuel de la rhétorique de l’unification employée par Tite-Live et Plutarque
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a pu être identifié à l’aide de comparaisons formelles avec des représentations similaires et à la lumière de textes de la littérature antique qui relatent cette épisode. Nous allons à présent procéder à l’analyse plastique de l’Intervention des Sabines.
III. ANALYSE PLASTIQUE
Après avoir identifié le sujet représenté, place est faite à l’analyse plastique. Cette étude développera la représentation formelle de la scène : composition, dessin, palette de l’artiste. Elle sera poursuivie par une description générale de l’objet de fonction dont il semble être issu. Enfin, le sujet sera relu à la lumière de cette hypothèse de fragment d’objet mobilier.
A.
Composition 1. Composition de l’Intervention des Sabines
La composition de la scène va être à présent exposée, en la détaillant et en la comparant à des œuvres similaires. Toutefois, il est important de garder à l’esprit que l’objet n’est pas dans son format d’origine. En effet, des personnages sont coupés à dextre et à senestre, ce qui laisse penser que le panneau original était plus large. Ce redimensionnement sera développé dans l’étude des remaniements (voir p.42).
a.
Deux registres distincts
La composition se divise en deux registres (voir Fig. 18), créant de fait un contraste saisissant :
• La partie inférieure, très dyna-
mique, où se concentre le mouvement.
• La partie supérieure, très sta-
tique. Fig.18 : Division de la scène en deux registres
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Deux groupes latéraux de belligérants (soldats et fantassins) s’avancent vers le centre, entremêlés. Les femmes et les enfants accroissent ce chaos. La confusion du mouvement règne au centre de la composition. Trente-et un personnages et huit chevaux se distinguent dans la partie inférieure, cloisonnés dans un espace relativement limité. Le mouvement du regard passe d’un groupe à l’autre, s’accélère au rythme des verticales des jambes des soldats. Progressivement le regard s’élève jusqu’au bâtiment et aux femmes présentes au balcon.
b.
Trois perspectives différentes
La perspective du bâtiment ne correspond pas à celle du paysage. De surcroît, la scène du registre inférieur est construite de manière frontale, s’opposant ainsi à ces deux différentes perspectives précédemment citées.
i. La scène du registre inférieur
Ligne de fuite
Fig.19 : Schéma des lignes de fuite de la scène du registre inférieur
Il est difficile de déterminer les lignes de perspective pour cette scène du registre inférieur. Pour la comparer aux autres perspectives de la scène, on peut considérer qu’elle est construite selon un point de fuite frontal PF (voir Fig. 19).
ii. Le bâtiment
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Ligne de fuite
Fig.20 : Schéma des lignes de fuite du bâtiment
Le bâtiment est construit selon une perspective à deux points de fuite PF1 et PF2 (voir Fig. 20) ; elle est relativement maladroite.
iii. Le paysage nautique
Ligne d’horizon
Fig.21 : Schéma des lignes de fuite du bâtiment
Le paysage nautique est construit selon une perspective à point de fuite central PF (voir Fig. 21). Le chaos de cette scène mouvementée est accentué par la construction des différents plans avec différentes perspectives. Cette incohérence perturbe la composition générale de l’Intervention des Sabines.
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2. Comparaisons avec d’autres représentations En comparant l’objet de notre étude avec le panneau d’Ecouen (voir Fig. 22), nous retrouvons une scène qui se déroule devant un bâtiment, une composition tripartite avec Hersilie au centre sur un balcon, entourée de ses suivantes. Un autre panneau du même artiste conservé au Statens Museum for Kunst à Copenhague représente cette même scène, en reprenant la même symétrie.
Fig.22 : Attribué à Giovanni di Ser Giovanni (dit Lo Scheggia) (1406-1480), Hersilie réconciliant Romains et Sabins, tempera et or sur bois, 0,435 x 1,233 m, Musée national de la Renaissance, Ecouen
Nous pouvons observer, dans le panneau de Philadelphie (voir Fig. 23), un traitement des personnages et des chevaux, un paysage bordé d’un relief à l’arrière-plan, qui sont similaires à l’Intervention des Sabines.
Fig.23 : Jacopo del Sellaio (1442-1493), La réconciliation des Romains et des Sabins, 1480, tempera et or sur peuplier, 60,3x 170,8 cm, Philadelphia Museum of Art, Philadelphie.
La composition de l’objet de notre étude rappelle également les compositions habituelles des massacres des Innocents (voir Fig. 24) :
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Fig.24 : Anonyme, Massacre des Innocents, dessin, Ferrare, début XVIe, British Museum, Londres
Il en va de même pour le panneau de Philadelphie30 (voir Fig. 24) :
Fig.25 : Détail de La réconciliation des Romains et des Sabins, Jacopo del Sellaio (1442-1493),1480, tempera et or sur peuplier, 60,3x 170,8 cm, Philadelphia Museum of Art, Philadelphie
30 BASKINS, C., op.cit., p.120 : Le panneau de Philadelphie a « clairement été modelé sur les modèles de scènes de « Massacres des Innocents ».
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La conception des panneaux comme l’Intervention des Sabines ou les panneaux d’Ecouen (voir Fig. 22) et de Philadelphie (voir Fig. 23), est réalisée par des peintres qui s’appuient sur des patrons-types, des modèles, des dessins et des calques31. Il est donc possible qu’un calque d’un massacre des Innocents ait été utilisé afin de réaliser l’Intervention des Sabines. Cette similitude peut expliquer le fait que l’Intervention des Sabines ait été vendu en 2011 sous l’intitulé : «Scène de Martyre ».
B.
Dessin
Le dessin est très visible, ce qui confère à la représentation un aspect très graphique. Très expressif, il suggère les mouvements des silhouettes (voir Fig. 26 et 27). Sur ce type de panneaux, les analyses montrent qu’ils étaient réalisés à l’encre32.
Fig.26 : Silhouettes des soldats - Détail de l’Intervention des Sabines
Fig.27 : Silhouettes des soldats- Détail de l’Intervention des Sabines
31 SIMONNEAU, K., «Les coffres de mariage», in Les Cassoni peints du Musée National de la Renaissance, Paris, 2010, p. 13 32 BENOIT, C., «Étude au laboratoire d’un panneau de cassone, Combat de cavalerie sous les murs de Troie», in Les Cassoni peints du Musée National de la Renaissance, Paris, 2010, p.81
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Le traitement pictural de ces panneaux diffère de la peinture de chevalet. La caractère narratif des figures accentue l’aspect historié de la représentation. Un visage de femme de l’Intervention des Sabines, probablement le mieux conservé (voir Fig. 28), peut être rapproché d’un autre, représenté sur un panneau de l’école ombrienne de la fin du XVe siècle (voir Fig. 29).
C.
Fig.28 : Visage de femme-Détail de l’Intervention des Sabines
Fig.29 : Détail de Les Adieux d’Achille et Briséis, école ombrienne, fin du XVè siècle, tempera sur bois, 31,4 x 63,3 x 0,10 cm, Musée National de la Renaissance, Ecouen
Technique picturale 1. Le liant
Les couleurs sont claires, transparentes et fraîches. L’usage d’une technique à la détrempe (probablement la tempera à l’œuf) leur donne un aspect aquarellé. Des aplats de couleurs sont réalisés, avec des rehauts clairs pour réaliser les reflets (voir Fig. 26). Les drapés sont exécutés avec légèreté et transparence. La mise en œuvre de cette technique aqueuse au pinceau permet des contours nets ainsi que des dégradés.
2. La palette La palette utilisée comprend des couleurs pures : malachite, cinabre, carmin, terre d’ombre naturelle, ocre jaune, terre de sienne brûlée ainsi que quelques demi-teintes gris-bleu. La dominante principale est la teinte ocre. Les teintes pures sont typiques de l’école florentine, les demi-teintes sont typiques des écoles du nord de l’Italie. L’étude de la palette n’est pas suffisante pour rattacher l’Intervention des Sabines à une école.
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D.
Attribution a une école
En plus de l’utilisation de teintes pures, les chausses-parties bicolores sont typiques de Florence, ainsi que les fronts hauts et les profils des personnages. Cependant, le dessin et l’usage des demi-teintes sont typiques du nord de l’Italie. Rappelons que l’Intervention des Sabines avait été attribué à Roberti lors de la vente de 1948, et que ce dernier était peintre de l’école de Ferrare. Le dessin anonyme du Massacre des innocents (voir Fig. 24) qui rappelle la composition de l’Intervention des Sabines est également de Ferrare. Toutefois, le visage des Adieux d’Achille et Briséis, (voir Fig. 29) qui a été rapproché de l’Intervention des Sabines est de l’école ombrienne, au centre de l’Italie, ce qui infirme les deux précédentes hypothèses. Le sujet représenté laisse penser qu’il a été réalisé après 1470, cela sera explicité dans la partie sur l’explication sociologique du sujet (voir p.39-40). Avec les comparaisons effectuées, nous pouvons penser qu’il a été réalisé en Italie à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle, vers 1480-1500. Il peut avoir été réalisé par un artiste toscan, d’Ombrie ou de Ferrare, ou bien par un artiste qui a parcouru plusieurs villes ou a subi les influences de différents ateliers.
E.
Format
La partie supérieure du bâtiment, ainsi que les personnages à dextre et senestre, sont coupés. Il n’était pas d’usage à l’époque de la conception du panneau de couper des éléments, encore moins des personnages. Le panneau n’est vraisemblablement pas présenté dans ses dimensions originales.
F. Objet d’origine : panneau ou fragment de mobilier décoratif ? Durant nos recherches sur les scènes de bataille dans la peinture de chevalet, rien ne semblait similaire, ni en terme de traitement, ni en terme de format, à l’objet de notre étude. Les investigations ont alors été élargies au mobilier décoratif. Roger-Henri Marijnissen (1923 - ) insiste sur le fait que certains objets que nous considérons aujourd’hui comme des tableaux ont été des objets à vocation bien précise :
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Étude historique
Rappelons-nous que les tableaux avaient jadis une fonction. […] Nombreuses sont les œuvres d’art qui ont exercé une fonction bien précise, fonction qui détermina d’ailleurs leur conception. […] Sont à considérer également comme fonction les destinations déterminées ou spécifiques (tableaux faisant partie d’une série, d’un ensemble décoratif, comme les dessus de porte). Transformée ou mutilée, provenant d’un ensemble dispersé, l’œuvre se présente parfois sous une forme énigmatique, méconnaissable. Sa fonction initiale peut-être déduite en l’occurrence : - de mat
son
format
(original)
et
des
prédelles,
à
oblong
de la
sa forme
forme
spécifique.
profilée
des
Songeons
panneaux
de
au
for-
retables.
- du sujet. [..] - des témoins matériels. Des traces de charnières ou des profils transformés trahissent une fonction antérieure comme panneau (ou volet) d’un retable.33
Le format, l’aspect historié de la représentation, les similitudes de traitement avec les panneaux de cassoni, nous ont poussée à entamer des recherches dans ce domaine. Ces coffres matrimoniaux pouvaient être peints, ou décorés de stucs dorés. Entre le XIVe et le XVe siècle, les décors se simplifient et les décors peints sont privilégiés34. Les scènes représentées sur ces panneaux sont presque toujours des sujets profanes35. Les représentations sont didactiques. Les dimensions de l’Intervention des Sabines correspondent à un panneau frontal de cassone coupé. En effet, ceux-ci mesurent approximativement 45x120 cm. L’objet de notre étude mesure 48x61cm. Il s’agirait donc d’une moitié de panneau frontal. Nous pouvons donc imaginer qu’il y avait une autre scène ou la suite de l’épisode représenté sur la partie manquante du panneau. Les raisons et le contexte de ces transformations de cassoni seront ultérieurement développés dans une partie qui leur sera consacrée (voir p.42). De plus, l’ancienne attribution à Roberti étaye cette hypothèse, car ce dernier fut un peintre de cassoni de l’école de Ferrare.
33 MARIJNISSEN, R.H., Tableaux. Authentiques, maquillés, faux. L’expertise des tableaux et les méthodes de laboratoire, Bruxelles, 1985, p.55 34 HARGOUS, U., L’art d’imiter : images de la Renaissance italienne au Musée d’art et d’histoire : falsifications, manipulations, pastiches, Catalogue d’exposition du 14 mars au 28 septembre 1997, Musée d’Art et d’Histoire de Genève, Genève, Département des affaires culturelles, 1997 p.119 35 FISCHER, E. L’art d’imiter : images de la Renaissance italienne au Musée d’art et d’histoire : falsifications, manipulations, pastiches, Catalogue d’exposition du 14 mars au 28 septembre 1997, Musée d’Art et d’Histoire de Genève, Genève, Département des affaires culturelles, 1997, p.110-111
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G.
Les cassoni 1. L’objet mobilier
Les cassoni sont des coffres commandés à l’occasion des mariages de familles aisées. Ils sont habituellement fabriqués par paires et servent à transporter le trousseau de la mariée36. Ces objets faisaient partie de l’ameublement, les armoires d’aujourd’hui n’existant pas à cette époque. Fig.30 : Titien (ca 1488-1576), Vénus d’Urbino, 1534, huile sur toile, 119x 125 cm, Galerie des Offices, Florence
Sur ce célèbre tableau de Titien (voir Fig. 30), nous apercevons, à l’arrière-plan à droite, deux femmes cherchant des étoffes dans un de ces coffres.
2. Représentations sur les frontons Leurs programmes iconographiques étaient choisis avec un soin tout particulier. Les représentations sont variées : « dès le XVe siècle, peintres et commanditaires, généralement des marchands aisés ou des patriciens cultivés, privilégient des légendes en rapport avec le mariage ou l’histoire familiale. De ce fait, les coffres de mariage […] présentent une iconographie novatrice pour l’époque, parfois unique.37»
36 KLAPISCH-ZUBER, C., La Maison et le nom. Stratégies et rituels dans l’Italie de la Renaissance, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, p.189, note 18 DESWARTE-ROSA, S. « Les coffres de mariage et les plateaux d’accouchée à Florence : archive, ethnologie, iconographie » in A travers l’image. Lecture iconographique et sens de l’œuvre. Actes du séminaire C.N.R.S,, Paris, 1994, p.113 37
SIMONNEAU, K., op. cit., p.16
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Fig.31 : Cassone avec scène de tournoi, environ 1455-65, Florence, bois doré, 38,1 x 130,2 cm, National Gallery, Londres
«Des scènes mythologiques, historiques ou bibliques sont peintes sur le panneau de façade38». Au XIVe siècle, la mariée était conduite en cortège jusqu’à la demeure de son époux : c’est le domumductio. Les coffres contenant le trousseau étaient portés au vu de tous39 ; les sujets représentés visaient alors à glorifier la cité et la famille. Directement portés dans la chambre de l’épouse à partir de 1470, les coffres ne sont désormais plus exhibés lors du cortège nuptial. L’iconographie évolue. Les représentations deviennent plus didactiques, avec pour objectif d’instruire les jeunes mariées en leur montrant des exemples de femmes vertueuses, qui influencent bien leurs maris40.
3. Lecture sociologique du sujet : représentation de l’histoire de Rome sur le mobilier matrimonial a. Représentation d’un sujet antique comme une scène contemporaine : la réappropriation de la mythologie Les riches familles des cités-états du nord et du centre de la péninsule italienne se veulent 38
SIMONNEAU, K., ibidem, p.10
39
SIMONNEAU, K., ibidem, p.12
40
KLAPISCH-ZUBER, C., op.cit., p.309-322
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les héritiers de la Rome antique. Elles cherchent à s’attribuer la mythologie romaine pour légitimer leur autorité et asseoir leur influence vis-à-vis des familles des cités concurrentes par la création artistique41. Cette réappropriation de la mythologie se traduit par la représentation des épisodes de l’Antiquité en habits contemporains.
b. Représenter l’épouse modèle ou la femme garante de l’équilibre social Comme nous l’avons précédemment mentionné, après 1470, les coffres ne sont plus exposés au public. Ils sont menés directement dans la chambre à coucher au moment des noces. L’iconographie évolue et on y représente des femmes mûres, symboles des épouses modèles, afin que les jeunes mariées s’en inspirent42. En tant qu’héritières de la Rome antique43, les femmes sont ainsi garantes de l’équilibre social44 . Cette «récupération» de la mythologie possède donc une fonction sociologique précise45. Le recours à la mythologie vise également à fournir une exégèse morale dont le couple doit tirer profit : l’écueil de la vanité (Narcisse46), la force du rapimento (Europe 47)48. «Une lecture approfondie des peintures de cassone révèle la manipulation de l’histoire des Sabins, au service de la politique familiale contemporaine de l’idéologie du genre.49». En effet, la représentation de cette femme héroïque et pacificatrice est en contradiction avec le rôle 41
BASKINS, C., op. cit., p.107
42 BASKINS, C., ibidem, p.109 : Vraisemblablement, alors, la mariée est encouragée à regarder ces exemples non pas comme des victimes stoïques mais plutôt comme des bonnes mères qui donnent des enfants pour lier les tribus en guerre. 43 BASKINS, C., ibidem, p.111 : Altieri positionne l’enlèvement des Sabines comme le point de départ de toutes les coutumes de mariage. 44 BASKINS, C., ibidem, p. 107 : Bruni se fait l’écho de ce sentiment, déclarant que « la première communauté est celle d’un homme et de sa femme de qui, une fois multipliés, forment la république. » Dans son éloge à Florence, Bruni construit la généalogie florentine de façon à ce que ses citoyens soient issus de la race de Romulus ; ainsi l’enlèvement des Sabines devient une part de la complexe préhistoire de Florence. 45 RICE, R.A., Cassoni in America : an investigation of three major themes, 1971, Mémoire Master Histoire de l’art, Université de Denton, Texas , 1971, p.50 46 Narcisse : http://www.universalis.fr/encyclopedie/narcisse-mythologie/ : «Jeune homme de la mythologie grecque, doué d’une grande beauté. Dans Les Métamorphoses d’Ovide, [...] il surprit son reflet dans l’eau et en tomba amoureux.» 47 Europe : http://www.universalis.fr/encyclopedie/europe-mythologie/ Jeune femme des Métamorphoses d’Ovide. «Zeus, séduit par sa beauté un jour qu’elle jouait sur la plage de Sidon, [...] revêtit l’aspect d’un taureau, [...] Sa beauté et sa douceur semblaient telles que la jeune fille, surmontant son appréhension, s’approcha de lui et suspendit des guirlandes de fleurs à ses cornes ; puis elle monta sur le dos de l’animal qui n’attendait que ce moment pour l’entraîner, agrippée de la main droite à une de ses cornes, vers le grand large. 48
Communication orale de Karine Simonneau
49
BASKINS, C., ibidem, p.126
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réel de la femme dans la vie publique à cette époque50. Son rôle est structurant dans la société italienne. Elle gère la maison, s’occupe de l’éducation des enfants51, mais ne joue pas de rôle sur la scène publique. D’ailleurs ces représentations de femmes héroïques qui exercent des actions politiques exemplaires seront limitées à la fin du XVe siècle, ne correspondant pas aux conventions sociales qui régulaient la vie domestique 52.
4. Un objet à la tradition pérenne La tradition des coffres de mariage va perdurer durant des siècles en Italie, et dans les pays anglo-saxons (Allemagne, Angleterre, Etats-Unis, Australie) et ce jusqu’au XXè siècle. Cet objet populaire de l’ameublement fait partie du quotidien des foyers, constitue l’apanage d’une jeune mariée comblée (voir Fig. 32). Ils sont appelés « Hope chest » ou « Cedar chest » dans le sud et l’ouest des Etats-Unis, « Bottom drawer » au Royaume-Uni et « Glory Box» en Australie53.
Fig.32 : Publicité de Lane Chest, 1942, USA
Ces objets ont souvent eu une histoire matérielle particulière. Leur statut d’objet d’usage et le goût pour leur l’époque de réalisation ont été la cause de nombreux remaniements.
50
BASKINS, C., ibidem, P.126
51
Communication orale de Karine Simonneau
52
BASKINS, C., op. cit., p.127
53 KINGSTON, B., Beverley, My Wife, My Daughter and Poor Mary Ann - Women and Work in Australia, Melbourne 1977, p.102
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IV. OBJET CONVENANT AU GOÛT, OBJET EXPOSE AUX REMANIEMENTS
Comme nous l’avons vu précédemment, L’Intervention des Sabines est plusieurs fois passé en vente aux enchères, dont une à Londres juste après la seconde guerre mondiale. Or une recrudescence de faux et d’imitations a eu lieu en Angleterre à cette époque54.Son état de conservation montre qu’il a également été très remanié. Ces interventions effectuées sur l’objet peuvent avoir été motivées par différents facteurs. Cette partie a pour but de développer les raisons qui ont poussé les mains, entre lesquelles il s’est trouvé, à le remanier :
•
Il s’agit d’un objet d’usage. De ce fait, il n’a pas reçu autant de respect et d’at-
tention qu’une peinture de chevalet. Il a été usé du fait de son utilisation en tant que meuble, de sa position au sol qui l’a exposée aux agressions. Détérioré rapidement, il a nécessité l’intervention humaine pour rester un objet d’art .
•
Cet objet sied au goût. Les modes et les sensibilités l’ont successivement réin-
terprété, au point de le dénaturer.
•
Il est plus lucratif et plus commode de vendre deux panneaux plutôt qu’un
coffre détérioré avec le temps. Etant donné qu’il est aujourd’hui présenté comme un panneau, le sens sociologique de cet objet n’a probablement pas été mesuré depuis son démantèlement. La signification d’objet matrimonial a donc malheureusement été perdue au cours de son histoire matérielle. Une recherche sur ces remaniements semblait nécessaire afin de comprendre l’histoire matérielle du panneau et la signification actuelle, qu’ils lui ont de ce fait imposé. Afin de comprendre dans leur globalité les remaniements subis par les cassoni, ces interventions seront étudiées à travers trois principaux angles : les différents types d’interventions subies d’abord, le contexte culturel qui a provoqué un tel engouement pour ce type de représentations ensuite. Pour finir, la notion d’authenticité et la position de l’objet de notre étude sur cette question seront abordées.
54
Communication orale d’un chercheur en histoire de l’art.
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A.
Interventions sur les cassoni 1. Interventions en raison de leur état de conservation
Afin de comprendre leur histoire matérielle, il est important de replacer ces coffres dans le contexte de conservation dans lequel ils se trouvaient. Posés au sol, ils subissaient de nombreux chocs, rayures, éraflures, coups de clés (lorsque la clé du coffre était insérée dans la serrure, les autres clés du jeu provoquaient des chocs contre le panneau)55. Ellen Callmann (1926-2002) explique également que certains panneaux étaient complètement ou partiellement repeints, du fait du mauvais état de conservation de leur couche picturale. En effet, il était plus rapide et facile de repeindre l’objet en entier plutôt que de reprendre une myriade de petites lacunes et griffures. L’auteure cite des cas similaires au nôtre, comme La Générosité de Scipion (de l’atelier d’Apollonio di Giovanni, conservé à l’Art Institute of Chicago). Il a été restauré par Lawrence J.Majewsky en 1963. Il fut mis à jour- et ce fut le cas pour plusieurs autres panneaux de cassone - que la peinture avait été repeinte comme un livre pour enfant. La composition demeurait inchangée et chaque personnage, arbre et bâtiment subsistait, mais la nouvelle surface apparaissait plus fraîche et les couleurs étonnamment différentes56.
2. Interventions à but lucratif Malgré leur état de conservation souvent critique, ils furent rapidement convoités comme objets de collection. Giorgio Vasari (1511-1574) en témoigne déjà dans ses écrits57.Cette dichotomie a entraîné de nombreuses restaurations abusives, dans le but de les vendre le mieux possible. Il est rare que ces coffres aient été conservés intacts. Les remaniements de cassoni ont été effectués selon la sensibilité des collectionneurs, et la destination finale imaginée par ceux-ci.
55 CALLMANN, E., ,”William Blundell Spence ans the Transformation of Renaissance Cassoni » in The Burlington Magazine, Londres 1999, p.341 : « Early renaissance cassoni were subject to the same damage as other panel-paintings as well as to other types unique to them. Pictures at floor level suffered from scuffs, scratches and dents. [..] » 56
CALLMANN, E., op.cit., p.347
57 VASARI, G. Le vite de’Più eccelenti Architetti, pittori, e scultori italiani, di nuova dal Medesimo riviste e Ampliate, e l’aggiunta delle Vite de’vivi, e de morti dall’anno 1550 infino al 1567, Giunti, 1568, Paris, Bibliothèque Nationale de France, Rés. K 737-739 1568, p. 256-262.
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Les panneaux frontaux de cassone ont souvent été coupés en deux car plusieurs scènes étaient représentées sur chaque fronton. Cela permettait de les revendre plus avantageusement : Les pratiques spéculatives des « antiquaires » n’ont pas été étrangères à ce phénomène de démantèlement : il était en effet plus lucratif de proposer plusieurs petits panneaux « de l’école d’Ucello » plutôt qu’un meuble encombrant dont le prix de vente était moindre.58
A la lumière de ces éléments, il est fort probable, du fait de ses dimensions et de sa composition, que l’objet de notre étude ait été coupé. En effet, couper des personnages ne faisait pas partie des usages picturaux de l’époque de création. Le format de L’Intervention des Sabines laisse d’ailleurs penser qu’il s’agit d’une moitié de panneau frontal de cassone. Les parties supérieure et inférieure peuvent également avoir été coupées. Les bords très rectilignes dans l’épaisseur (voir Partie anciennes restaurations p.140) laissent supposer un redimensionnement en vue d’une insertion dans une boiserie.
B.
Les goûts et les modes
1. Contexte et formation du goût au XIXe siècle dans les pays anglo-saxons Comme dans tout phénomène de mode, de nombreux paramètres59 culturels, sociaux et économiques ont provoqué un engouement pour l’art du début de la Renaissance italienne, notamment dans les pays anglo-saxons. Pour comprendre la création d’une œuvre, la compréhension du contexte culturel est capitale afin de saisir l’intention créatrice. Il en va de même pour l’étude des goûts et des modes. Federico Zeri (1921-1998) l’explique ainsi : Pour comprendre de telles œuvres, il est nécessaire d’avoir une connaissance profonde du moment historique et social qui les a produites. Il est inutile de passer du temps à étudier les
58 SIMONNEAU, K. op. cit., p.15 CALLMANN, E., op.cit., p. 345-345 : « De ce fait, ils ont été transformés, découpés, parfois plusieurs panneaux d’origines différentes ont été assemblés pour former un nouveau coffre. » 59 ADDINGTON SYMONDS, J., cité par HASKELL, F., La norme et le caprice, Redécouvertes en art : aspects du goût et de la collection en France et en Angleterre, 1789-1914, traduction Robert Fohr, Paris, Flammarion, 1986, p.115 « Le goût est si capricieux, ou plutôt les conditions qui le déterminent sont si complexes.»
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styles, les œuvres, les vies des artistes, si l’on n’a pas une connaissance très précise de ce qu’étaient à l’époque la société, les évènements historiques, l’économie, la religion. Je dirais même que plus nous connaissons en profondeur la littérature, la cuisine, la production d’étoffes ou de meubles dans une époque donnée, et plus il est facile de comprendre les œuvres d’art. Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Ce n’est rien d’autre qu’un aspect de l’expression d’une époque ; peut-être le plus durable, peut-être le plus singulier, peut-être le plus complexe. Mais n’oubliez pas que c’est toujours une production culturelle.60
La situation politique en Europe à la fin du XVIIIe siècle créa un terreau propice à des changements dans le goût artistique. En effet, les révolutions européennes ont mené aux confiscations dans les congrégations religieuses de l’Ancien Régime, et la conquête de l’Italie par Napoléon et les pillages qui l’ont accompagnée ont contribué à la dispersion des objets. Les érudits et les peintres anglais opérèrent un retour aux sources et trouvent dans ces peintres Primitifs le silence et l’équilibre parfaits61, la raison à l’état pur. Ce phénomène de mode est d’autant plus paradoxal que ce sont les pays qui connaissaient le plus grand essor industriel à l’époque qui se sont révélés les plus friands de ce type d’œuvres62. Autour de 1900, l’engouement s’est renforcé en faveur du mobilier de la Renaissance. L’aspect profane des représentations sur les panneaux de cassoni a d’autant plus suscité l’intérêt des collectionneurs63. L’exemple a été donné par les grandes collections privées de mobilier : la collection du Sommerard qui a constitué celle du Musée du Cluny, à l’instar de la collection Carrand qui a constitué celle du Bargello64. Des ouvrages ont aussi probablement contribué à diffuser cette mode : La casa fiorentina e i suoi arredi nei secoli XIVe e XVe d’Attilio Schiaparelli (Florence, 1908), Italienische Hausmöbel de W.Bode (1920) et Wohnkultur und Möbel der italianischen Renaissance de Frida Schottmüller (1921). Et le plus important est l’ouvrage de
60 ZERI, F. Qu’est-ce qu’un faux ? et autres conversations sur l’art, traduction Maël Renouard, Paris, Ed. Manuel Payot, 2013, p.37 61 WACKENRODER, W.H, 1797, cité par HASKELL, F, op. cit., p.172-173 : «Les galeries d’art devraient être des temples ou, avec une humilité paisible et recueillie, et dans une solitude propice a l’élévation des cœurs, il nous serait donne d’admirer dans les grands artistes les plus hautes d’entre les créatures mortelles.» 62 HASKELL, F, ibidem, p.98 : « L’art médiéval appartenait à « un monde et un temps révolus. Dans le fracas et l’agitation de la vie citadine, au cœur d’un art et d’une époque totalement matériels et mécaniques, il est salutaire et réparateur de se retourner vers des hommes et des temps qui ont si peu de point communs avec nous. » HASKELL, F, ibidem, p.99 : : « Au milieu du vacarme des chemins de fer, du brouhaha des conflits politiques et des échos discordants des controverses théologiques, il est vraiment reposant de s’écarter quelque temps de la réalité présente et, caressés par la brise du Midi, de rechercher, parmi les palais de marbre et les galeries des cloîtres, les traces des temps révolus et des esprits supérieurs, passés maintenant aux réalités solennelles de l’éternité ». 63
MOENCH, E., COSTAMAGNA , P., Ibidem, p.195
64
HARGOUS, U., op.cit., p.119
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Paul Schubring : Cassoni, Truhen und Truhenbilder der italianischen Frührenaissance (Leipzig, 1923) qui reste encore aujourd’hui un ouvrage de référence en la matière. Il se voulait un catalogue exhaustif de tous les panneaux de cassoni connus à l’époque, et en recense des centaines.65
2. Collectionnisme a. De la formation du goût à la formation de la collection La formation du goût, ainsi que le contexte économique et culturel de l’époque, a abouti à la constitution de nombreuses collections privées. Les plus connues étant celle du marquis Campana (1808-1880), de William Spence (1815-1900), et en France d’Edmond Du Sommerard (1817-1885), ou des époux Jacquemart-André. Les aristocrates ambitionnaient de posséder leur propre collection d’objets d’art, ce qui fut rendu possible par l’essor du marché de l’art et la circulation des œuvres qu’il entraîna66. Ce phénomène s’est élargi aux nouveaux amateurs d’art, à savoir la bourgeoisie qui s’enrichissait grâce à l’industrie florissante. Ces nouvelles fortunes étaient à l’affût de cette dernière mode, apanage d’une classe cultivée67. Comme dans tout phénomène économique, cette évolution du goût ouvrit une brèche dans laquelle les antiquaires et marchands se sont engouffrés68. La croissance de la demande a engendré une création de l’offre. Les œuvres toujours plus nombreuses circulaient désormais sur le marché de l’art. Les anti-
65
HARGOUS, U., ibidem, p.120
66 HASKELL, F, op. cit., p.56 : « L’effet produit par la vente d’Orléans (…) fut éblouissant (…) . Que les membres de la haute et de la petite noblesse puissent décorer leurs demeures dans le même style que les patriciens de Rome, de Venise, de Gênes auxquels ils avaient rendu visite durant leur « Grand Tour » aurait semblé inimaginable une dizaine d’années plus tôt seulement. Tout à coup cela devenait possible, et presque facile pour peu qu’on eût de l’argent – et l’appétit vint en mangeant. Des nuées d’argent, de marchands, d’artistes ratés et d’aventuriers de tout poil fondirent sur l’Italie comme une nuée de vautours pour tirer pâture de l’aristocratie locale.» 67 SIMONNEAU,K. op. cit., p.13 -14 :«Certains cassoni restèrent aux mains de grandes familles aristocratiques ; d’autres entrèrent sur le marché de l’art et passèrent aux mains d’amateurs fortunés […], de connaisseurs […], ou de courtiers, tel que William Spence (1815-1900). D’autres encore recherchèrent ces coffres pour recréer des ambiances médiévales. Le marquis Campana en est un bon exemple. « Cet engouement pour la vie quotidienne, relayé par les constructions de Viollet-le-Duc […] trouve un écho raffiné dans les ensembles hétéroclites de grands amateurs parisiens tels que Cernuschi, Jacquemart-André ou les lords anglais Robinson, Ashburnam ou Crawford. » 68 HASKELL, F, op. cit., p.44 : « Il convient d’ailleurs de souligner dès maintenant que le commerce joue dans les évènements qui nous intéressent un rôle bien plus important qu’on ne l’admet d’ordinaire »
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quaires et amateurs d’art vont alors les transformer, les présenter autrement, et au final, les détourner de leur fonction première. Leur circulation fut alors facilitée en tant que tableau seul, plutôt qu’en élément mobilier, pouvant ainsi se vendre au meilleur prix. Les retables sont alors démontés afin de vendre des Vierges à l’Enfant et des portraits de saints dans un joli encadrement. Les œuvres sont parfois dépecées ou mutilées. Certains tableaux sont maquillés pour doper les ventes69, tantôt pour édulcorer, tantôt pour camoufler des usures70. Les musées ont également joué un rôle dans cette diffusion des œuvres de la Renaissance. L’acquisition de pièces dans leurs collections permanentes et les expositions consacrées à ce sujet y ont contribué. Parmi elles : la célèbre exposition des Primitifs français à Paris71 (Palais du Louvre -Pavillon de Marsan- et à la Bibliothèque nationale) en 1904 ou l’exposition consacrée aux meubles anciens qui présente le cassone Adimari (voir Fig.33) comme le «perfect ideal» au Métropolitan Museum of Art de New-York en 191772.
Fig.33 : Giovanni di Ser Giovanni (dit Lo Scheggia) (1406-1480), Cassone Adimari, ca 1450, tempera sur bois, 88,5×303 cm, Galleria dell’Accademia, Florence
b.
Le «cabinet de gothicités73»
Les amateurs d’art italien de cette époque collectionnaient volontiers les cassoni, admirés comme «le plus grand trésor de tout le mobilier italien de cette époque.74». «These charming
69 MOENCH, E., COSTAMAGNA , P., «Le cabinet de gothicités» in Primitifs italiens, le vrai, le faux, la fortune critique, catalogue d’exposition (29 juin-1er octobre 2012), Musée Fech d’Ajaccio, Silviana Editoriale, Ajaccio 2012, p.193 70
MOENCH, E., COSTAMAGNA , P. , Ibidem, p.194
71
MOENCH, E., COSTAMAGNA , P. , Ibidem, p.200
72
FISCHER, E. op.cit., p.113
73 Expression empruntée à Pierre Henri Révoil, peintre et collectionneur lyonnais (1776-1842) citée par MOENCH, E., COSTAMAGNA , P., op. cit., p.192 74
ODOM, W.M, A History of Italian Furniture, New York 1918-1919, cité par GREGORI, 1990, p.13
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decorative pieces»75 incarnent alors «des objets qui ouvrent, par excellence, une fenêtre sur les mœurs et la vie privée si fascinante de la société florentine du Quattrocento.76» A cette époque rythmée par le romantisme et la mélancolie, nostalgie de l’ancien temps, on pense que les meubles en apprennent bien plus sur la vie à l’époque que la documentation en histoire de l’art77.
i. « La nostalgie du bon vieux temps78» Cette nostalgie et ce goût pour l’art du Quattrocento sont très liés au Romantisme79. Des collectionneurs reconstituent des intérieurs d’inspiration gothique et Renaissance. Elia Volpi, un marchand qui restaure et meuble le Palazzo Davanzati en 1910 à Florence80, relance cette mode au début du XXe siècle et devient un exemple à imiter81. Rusconi évoque ainsi cet intérieur : On peut encore aujourd’hui revivre les temps passés, on peut encore goûter la poésie d’une vie ancienne, (…) caché(e) sous la platitude de la vie contemporaine. [..] Nous pouvons pénétrer dans sa maison, vivre sa vie. Est-ce un rêve ou un miracle ? (…) La belle façade du Palazzo Davanzati évoquait déjà, à elle seule, tout un temps héroïque et somptueux, si lointain de nous en Fig.34 : Jules Marie Auguste Leroux (1871- 1954), Au musée de Cluny, 114 x 64 cm, Paris, Musée national du Moyen-Age
75
RANKIN, 1906, p.288
76
FISCHER, E. op. cit., p.112
77
RUSCONI, 1911, P.18
78 Référence au titre du livre de François Pupil, « Le style troubadour ou la Nostalgie du bon vieux temps », Presses Universitaires de Nancy, 1985 79 MOENCH, E., COSTAMAGNA , P , op. cit., p.198 « Le Romantisme est né, indissociable de la nostalgie que l’art gothique provoquait. » ZERI, F., op. cit. , p. 136 « Il y a un rapport entre littérature et peinture. Tout est toujours lié.» 80
SWARENSKI, 1943, p.152
81
BODE, 1920, .2
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Étude historique
réalité et si proche de nous dans notre esprit 82.
Jules Marie Auguste Leroux a illustré ce « mythe du spectateur solitaire que l’étude des œuvres du passé plonge dans une sorte de rêverie contemplative. 83» (voir Fig.34)
ii. Les nouveaux Médicis Aux États-Unis, une classe nouvelle se développe à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Alors que le pays s’industrialise, de grandes fortunes se constituent et des collectionneurs s’improvisent. C’est l’ère des propriétaires de chemin de fer, des grands banquiers (Morgan, Andrew Carnegie), des fortunes dans l’acier (Frick) qui seront les mécènes d’institutions culturelles et sociales. L’industrialisation est suivie de près par un foisonnement culturel et artistique : c’est ce qu’on appelle la Renaissance américaine, qu’on situe entre 1876 et 1917, en référence à la Renaissance italienne, que ces amateurs, intellectuels et artistes, redécouvrent vers 185084. Dans les années 1880, les grandes fortunes s’identifient aux Medicis et les artistes aux grands maîtres de la Renaissance85. Berenson (1865-1959), célèbre historien et critique d’art, pense que cette renaissance américaine s’enfante de la Renaissance italienne qui avait foi en la science et le progrès : ces collectionneurs se posent alors en héritier de cette tradition des grandes familles du Quattrocento. Par exemple, Jacob-Adolphe Holzer (1858-1938) illustre ce genre de collectionneurs. Né en Suisse, il émigre aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle et y fait fortune. Il se constitue une collection dont une copie du cassone Adimari86 (voir Fig. 32).
c. Un écueil du collectionnisme : les problèmes d’authenticité Un danger du collectionnisme apparaît alors : la falsification. En effet, les intérêt financiers
82
RUSCONI, 1911, p.2, 4 et 11
83
MOENCH, E., COSTAMAGNA , P , op. cit.,P.200
84 MAURO, N. «Jacob-Adolphe Holzer (1858-1938)» in L’art d’imiter : images de la Renaissance italienne au Musée d’art et d’histoire : falsifications, manipulations, pastiches, , Catalogue d’exposition du 14 mars au 28 septembre 1997, Musée d’Art et d’Histoire de Genève, Genève, Département des affaires culturelles, 1997 p.310 85
MAURO, N. idem
86
FISCHER, E. op. cit., p.113
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Étude historique
des marchands ouvre la voie à la circulation de faux87. L’œuvre d’art a alors une valeur en tant qu’objet, et non plus pour l’image qu’elle représente. L’amateurisme des objets d’art ouvre une voie dans laquelle s’engouffrent les marchands. Le profit pécuniaire constitue alors un second enjeu, d’autant que les nouvelles classes fortunées sont un public facile à duper88. La recherche de création d’ambiance par la mise en scène d’objets, motivée par des élans de Romantisme, ne se préoccupe pas de la véracité historique de ceux-ci. En effet, en 1904, The Studio, an illustrated magazine of fine and applied art, a publié un article expliquant comment reproduire des cassoni (notamment ceux du Victoria and Albert Museum) avec un vieux coffre, des clous et un peu de sens artistique. Dans ces colonnes, on lit aussi que des copies sont abordables «à un prix défiant toute concurrence et qui produisent autant d’effet que des originaux89. Beaucoup d’imitations, parfaitement assumées par les collectionneurs, entrent alors sur le marché, et la connaissance matérielle précise de ces objets se perd. Cette dérive mérite d’être approfondie, car l’Intervention des Sabines a été vendu à Drouot en 2011 sous la dénomination : « Dans le goût de l’école italienne de la fin du XVe siècle. » De plus, des experts et historiens d’art consultés, lors de l’étude de l’Intervention des Sabines, se sont montrés très réservés quant à son authenticité. Ils trouvaient que la matière ne correspondait pas à une œuvre du XVe siècle, et que le dessin n’était pas assez précis. Ce dernier a été jugé trop « romantique ». Selon eux, les épais traits noirs lui conféraient un aspect trop exubérant, plus typique du XIXe siècle (voir Fig. 35). L’aspect lisse et l’absence de support bois ont été autant d’éléments qui ont poussé de nombreux spécialistes à juger avec certitude que l’Intervention des Sabines était un faux. Les scènes de bataille difficilement identifiables, comme la représentation de l’objet de notre étude, ont parfois été vues comme « fantaisistes». Le chaos présent perturbe également l’observateur. Cela peut également conduire à des réserves sur l’authenticité, à l’instar de ce faux coffre évoqué par Elizabeth Fischer : 87 MOENCH, E., COSTAMAGNA , P., op. cit., p.199 : « La porte était ouverte aux faux de masse, (…), mais que l’on trouve régulièrement vendus comme tels dans les salles de vente, des plus petites études provinciales aux grandes maisons anglo-saxonnes, et chez les brocanteurs et antiquaires qui ne cherchent pas à masquer la réalité de l’objet. » 88 BAZIN, G, Le faux en art », Encyclopædia Universalis : « Le faux en art est une conséquence de l’amateurisme, qui, tant en Orient qu’en Occident, apparaît aux époques où l’œuvre d’art est considérée comme un objet spécifique, valable en tant que tel, dépouillé de sa finalité religieuse ou profane. Sur un marché restreint aux possibilités de la création individuelle, une demande croissante provoque des offres fallacieuses, d’autant plus nombreuses que l’accession à la fortune de nouvelles classes de possédants crée un public facile à abuser. 89
FISCHER, E. op. cit., p114
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Étude historique
Fig.35 : Détails de la couche picturale de l’Intervention des Sabines
Un grand nombre de personnages gravitent autour des protagonistes principaux, sans fonction apparente, placés là pour remplir la composition. C’est un défilé de stéréotypes trecentesques parsemé d’incohérences et d’imprécisions. […] Du reste, la facture des personnages n’a aucune finesse – on en distingue souvent à peine les traits – offrant un contraste frappant avec le traitement minutieux et raffiné des détails propre à ces coffres durant toute la Renaissance.90
La différence de traitement pictural entre la partie supérieure et inférieure leur apparaissait comme un assemblage de deux peintures différentes, pour réaliser un pastiche. Enfin, le non-respect de la perspective a tantôt été perçu comme une maladresse, tantôt comme une preuve de falsification. C’est donc une question qui mérite d’être soulevée, car les facteurs de risque de remaniements sont nombreux pour l’objet de notre étude :
•
il s’agit d’un objet sujet aux goût, et donc exposé aux falsifications
•
il a circulé dans ce contexte évoqué du marché de l’art. Il est passé en vente
aux enchères au moins deux fois, dont une à Londres au milieu du XXe siècle.
•
sa matérialité est très particulière (cette notion sera développée dans la partie
sur la technologie de l’objet). Du moins, nous pouvons dire qu’il y a, au moment de cette étude formelle, très peu de matériaux anciens visibles, et à l’inverse de nombreux matériaux récents visibles. L’authenticité entraîne, dans le cas de l’Intervention des Sabines, des retombées conséquentes tant pour son histoire, que pour sa signification culturelle et sa matérialité. Le développement de cette question est alors apparu indispensable. 90
FISCHER, E. op. cit., p.112
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C.
L’authenticité en question
Les questions d’authenticité sont très délicates. L’affirmation ou non de l’authenticité d’un objet est le point de convergence entre de très nombreux paramètres, le croisement de nombreux points de vue : théorique, technologique, scientifique. Cette notion ne peut pas être abordée sans côtoyer l’aspect technique, puisque l’analyse des matériaux, confrontée à celle de l’image, aide à déceler les supercheries. Les questions strictement techniques ne seront pas abordées dans cette partie. Elles seront développées en profondeur lors de l’étude technologique et lors de l’analyse de l’histoire matérielle de l’Intervention des Sabines, dans la partie consacrée à la restauration. Seules les investigations théoriques et l’articulation de la pensée seront développées ici. Nous nous intéresserons donc à la notion d’authenticité, de falsification, et les différentes formes que cette dernière peut revêtir.
1. Qu’est-ce que la notion d’authenticité ? Les notions d’authenticité et de falsification sont avant tout des jugements que l’on porte sur des objets, selon l’intention de la personne qui les a créés et mis sur le marché91. Or les types de falsifications sont aussi nombreuses que les objets eux-mêmes, et nul ne peut tout connaître92. Il est difficile de trancher sur ces questions, à moins d’avoir des faits concrets. Quand bien même on aurait des résultats d’analyses entre les mains qui révélerait objectivement un anachronisme, l’affirmation d’une falsification résiderait toujours dans la conscience qui la formule. « Dans le jugement de falsification, on établit l’inadéquation du sujet à son concept et l’objet lui-même est déclaré faux.93» A l’inverse, l’authenticité est donc le jugement de valeur par lequel on considère que le sujet et la matérialité sont en adéquation avec le concept de l’œuvre. Soit un panneau qui représente une Madonne, telle qu’on les représentait au Quattrocento italien. Le spectateur pense qu’il s’agit d’une œuvre du Quattrocento italien et est fasciné par cette œuvre qui a traversé six cent ans d’histoire. Une analyse de pigment révèle qu’elle date, en réalité, du XIXe siècle. Ce spectateur se sent trahi, et la déclare fausse. Elle est donc automatiquement dépréciée parce qu’elle n’est pas ce qu’elle représente en apparence. Imaginons dans l’absolu que dans vingt siècles, le Quattrocento italien soit totalement oublié et
91
BRANDI, C. Théorie de la restauration, Traduction Colette Deroche, 2007, Paris, p.91
92 MARIJNISSEN, R.H., op. cit., p.11 « Après tout, notre savoir est-il jamais autre chose qu’un degré d’ignorance ? Il convient de s’en souvenir.» 93
BRANDI, C., op. cit., p.91
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qu’il ne reste que ces imitations : elles seraient alors considérées comme de très belles Madonnes du lointain et charmant XIXe siècle . « Disons-nous bien que nous regardons le passé à travers des lunettes colorées 94». La teinte de nos lunettes n’est pas la teinte des lunettes de nos prédécesseurs ni de celles qu’auront nos successeurs.
2. Qu’est-ce qu’un faux ? Le terme « faux » s’emploie souvent lorsqu’un objet ne correspond pas aux critères véhiculés par l’image représentée et le message communiqué. Mais cet emploi n’est-il pas parfois générique ? Intéressons-nous aux notions juridiques afin de ne pas commettre d’imprécisions dans les termes employés. Le droit français désigne la contrefaçon est ces termes : Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi.95
Et le faux artistique : Sont punis […] ceux qui auront apposé ou fait apparaître frauduleusement un nom usurpé sur une œuvre de peinture, de sculpture, de dessin, de gravure et de musique ; ceux qui, sur les mêmes œuvres, auront frauduleusement et dans le but de tromper l’acheteur sur la personnalité de l’auteur, imité sa signature ou un signe adopté par lui.96
Du point de vue juridique, une œuvre n’est fausse que si elle a été mise en œuvre dans le but de tromper. Le faux est un faux de quelque chose de vrai. On a voulu imiter, souvent pour une raison lucrative, une œuvre authentique convoitée et c’est grâce à l’observation ou à des moyens techniques poussés, qu’on pourra déceler un anachronisme, qui révélera objectivement la supercherie. Mais le contexte de création et l’intention demeurent le point de départ de la réflexion. Sans cela, il n’y a pas de faux. L’intervention des Sabines ne semble pas comporter ces critères de falsification. Il n’y a pas de matériaux artificiellement vieillis ou d’autres éléments qui pourraient laisser penser à une volonté de duper un acheteur. Mais il y a quelque chose d’incohérent dans l’image. 94
MARIJNISSEN, R.H., op,. cit., p.17
95
Article L335-3 Code de la propriété intellectuelle
96
Loi du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique , version consolidée au 04 février 2015
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Pourquoi cet objet a-t-il été jugé faux à plusieurs reprises ? La notion de falsification est plus complexe que « le vrai » ou « le faux », et l’Intervention des Sabines est probablement situé dans des subtilités. L’étude technologique viendra plus tard compléter cette étude théorique. Les nuances à apporter à la notion d’authenticité et des formes annexes de falsification vont être exposées.
3. Une notion à nuancer L’esprit humain a besoin de certitudes, il veut savoir. Ainsi, lorsqu’un objet complexe lui est exposé, il veut une réponse, claire. Mais la réalité matérielle de certains objets est plus complexe que l’intransigeance de notre perception : Entre les œuvres absolument authentiques et celles qui doivent être qualifiées de fausses, il y a un vaste clavier de nuances. [...] Le problème est bien plus nuancé que le choix entre le blanc et le noir.97
N’est-ce pas un piège, un pot-pourri dans lequel on met les incohérences et les choses que notre esprit ne comprend pas ? Lorsque l’œuvre d’art ne répond pas aux critères d’authenticité qu’on lui impose, on la relègue parmi celles dont on ne veut pas s’occuper. La réalité matérielle d’un tableau qui traversé 500 ans, différents contextes historiques, politiques, culturels, artistiques est si complexe qu’il est difficile de le ranger dans une case98.
4. Faux artistique, Faux historique
a.
Une forme particulière de falsification
Sans être des « vrais faux », c’est-à-dire avec une volonté de tromper l’acheteur, des interventions qui ont provoqué une « refonte» de l’œuvre peuvent être associés à une certaine forme de falsification. Cesare Brandi (1906-1988) considère ces restaurations comme faux artistiques et comme faux historiques, car elles ont cherché à annuler le moment historique entre la création de l’œuvre et la restauration. Elles ont réinterprété l’image de façon fantaisiste au
97
MARIJNISSEN, R.H., op,. cit. p.17
98 MARIJNISSEN, R.H., ibidem p.35 : « quinze catégories d’authenticité. Est-il besoin de souligner que ce sont des visions de l’esprit et non quinze casiers pour y ranger la réalité ? Une réalité combien complexe ! Plusieurs de ces quinze catégories ne se laissent d’ailleurs pas délimiter»
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point de ne pas retranscrire le message voulu par l’artiste99.
b.
Réinterprétations falsificatrices
Ces coffres, comme bien d’autres objets, ont été exposés à ces réinterprétations, au niveau du support comme de la couche picturale. Il arrive donc que l’on considère une œuvre comme fausse alors qu’il s’agit d’une intervention abusive de restauration en vue de mieux la vendre : Quelquefois, « faux » est seulement une façon de parler. Il y eu, surtout en France mais aussi en Italie à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe, des antiquaires qui ont voulu embellir les tableaux qui passaient entre leurs mains.100
Ainsi, au XXe siècle, beaucoup de tableaux très altérés ont été complètement repeints : on les appelle «panneaux réutilisés» ou «panneaux de réemploi»101. L’Intervention des Sabines se situe vraisemblablement dans ce contexte. Il est vrai que les doutes sur son authenticité sont fondés, mais la matière picturale lisse et le dessin jugé exubérant ne sont pas systématiques : d’une zone à l’autre, il y a plus ou moins de matière picturale caractéristique d’un support de bois ancien, et plus ou moins de repeints récents. L’Intervention des Sabines a probablement été « restauré » « sur un mode anecdotique et sentimental qui suppose un rapide coup d’œil sur les « primitifs » (… ), [symbole de la] restauration romantique d’une civilisation chevaleresque102.
5. Perception de l’œuvre remaniée Si l’œuvre est dénaturée au point que ni son support ni sa couche picturale ne montrent de signes d’authenticité, elle peut alors être perçue comme un faux103. Il est alors difficile de percevoir le dessin et la matière originaux, ce qui peut amener l’observateur à le condamner 99
BRANDI, C., op,. cit. p. 49
100
ZERI,F., op,. cit., p.111
101 RAVAUD, E, BENOIT, C., « Authenticité et falsification à l’épreuve du laboratoire » in Le vrai, le faux , la fortune critique, catalogue d’exposition (29 juin-1er octobre 2012), Musée Fech d’Ajaccio, Silviana Editoriale, Ajaccio 2012, p.64 : « La réutilisation de supports anciens est assez fréquente et s’est accrue au XXè siècle. Souvent, l’œuvre d’origine est un tableau ancien dont la couche picturale est très altérée ou donc la représentation est sans valeur marchande. Lors du réemploi, l’ancienne couche picturale est grattée ou directement repeinte.» 102 103 RAVAUD, E., BENOIT, C., op. cit. p.64 : « Le repeint complet est un cas assez rarement rencontré, où l’approche visuelle peut conduire à un diagnostic de faux tableau. Ces modifications correspondent soit à des pratiques de remise à neuf de tableaux (…) ou à des repeints de goût pour adapter l’œuvre à des changements de style»
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comme faux. Se soulève alors l’importance du discernement de ces interventions de restauration, afin de ne pas confondre le faux avec le tableau remanié et maquillé.
CONCLUSION GÉNÉRALE HISTOIRE DE L’ART Les investigations menées en histoire de l’art avaient de multiples objectifs : retracer l’histoire matérielle du panneau, identifier son sujet, le rattacher à une école et supposer une datation. L’étude a été fructueuse car l’analyse de son parcours a permis de le situer à Londres en 1948. Le sujet représenté a été identifié comme l’intervention des Sabines. Son contexte de création a pu être situé dans le nord ou le centre de l’Italie à la fin du XVe siècle. En plus des objectifs fixés au départ, notre étude a permis d’approfondir notre connaissance du mobilier décoratif, ainsi que la notion très intéressante de l’authenticité. Son iconographie et sa plastique particulières s’expliquent par le caractère historié du mobilier qu’elle ornait probablement. Ces recherches nous ont fait élargir nos investigations pour s’aventurer dans le décryptage de la signification sociologique de ces objets. Puis l’attrait qu’ont suscité les œuvres de cette époque nous entraîna à explorer ce bouillonnement culturel du XIXe et du début du XXe siècle, en particulier chez les Anglo-saxons. L’étude menée sur l’épineuse question de l’authenticité et sur les remaniements subis par certaines œuvres, datant de la Renaissance, nous a fait mûrir sur l’histoire matérielle parfois mouvementée de ces objets. La particularité de cette œuvre réside dans le fait que son époque de création se situe à cheval entre deux périodes de l’histoire : sa conception en tant que panneau frontal de cassone au XVe siècle, et son remaniement au XIXe pour des raisons de mode. L’actuel panneau de chevalet est une œuvre hybride, résultat de cette double historicité. L’Intervention des Sabines est un témoin historique qui a survécu à différentes époques, différentes modes, qu’il a traversées. L’étude technologique des matériaux, dans la partie conservation-restauration, viendra compléter cette étude théorique et étayer les preuves de son authenticité. La notion d’expertise, de réflexes d’interprétation différant d’une personne à l’autre, selon la profession ou les expériences passées, sont autant de questions qui nous ont captivée durant ce travail. C’est pourquoi nous avons choisi de les approfondir dans notre étude technico-scientifique.
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E
TUDE TECHNICOSCIENTIFIQUE :
COMPARAISON DE LA PERCEPTION VISUELLE ENTRE EXPERTS EN TABLEAUX ET RESTAURATEURS DE PEINTURES
« Le critique, le peintre, le collectionneur, le marchand : en différentes combinaisons ces quatre figures alimentent les trames d’un bon nombre de narrations qui ont pour objet les intrigues de l’art. 1 »
1 NATALE, Mauro, «Des experts et des œuvres», in Primitifs italiens, le vrai, le faux, la fortune critique, Ajaccio, 2012, p.17
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INTRODUCTION Lors des recherches et investigations menées sur l’authenticité de l’intervention des Sabines, nous avons été amenée à rencontrer des experts. Les problématiques de restauration de cet objet sont également épineuses, ce qui nous a menée à demander des avis à des restaurateurs. La perception de l’image de cette œuvre complexe a suscité des réactions très disparates de la part de ces professionnels : les avis au sujet de l’époque ou sur l’histoire matérielle de l’œuvre qui nous ont alors été communiqués étaient très différents. Certains étaient sûrs qu’il s’agissait d’un véritable panneau du XVIe siècle, d’autres qu’il s’agissait d’un faux du XIXe. Selon leur profession, ils ne regardaient pas les mêmes choses. Leurs sensibilités étaient également différentes. En effet, l’œuvre d’art est un objet complexe, que l’on peut voir sous de multiples angles. Restaurateurs et experts ne la regardent pas de la même façon. Est-ce évident ? Oui. Et non. L’expert regarde la technique, le restaurateur aussi. L’expert regarde les altérations afin de déterminer son degré de dégradation et ainsi pouvoir l’estimer, le restaurateur regarde son état de conservation. Est-ce la même chose ? L’expert regarde la technique, le restaurateur regarde la touche de l’artiste. Nommons-nous les choses différemment ? Voyons-nous les mêmes éléments dans le tableau mais en les regardant différemment ? Est-ce que, lorsqu’un expert ou un restaurateur voit un indice d’authenticité ou de falsification, ferme-t-il sa perception aux autres témoins matériels ? Ces questions ont été autant de ressorts qui nous ont poussée à réaliser une étude sur la perception visuelle entre les restaurateurs de peintures et les experts en tableaux. Nous avons donc cherché une méthode de mesure et de comparaison de cette différence de perception entre un groupe d’experts et un groupe de restaurateurs. Nous commencerons par étudier ces deux professions, puis étudierons les notions de perception visuelle et d’expertise inhérente à chacune des professions. Ensuite, nous mettrons en place une expérience afin de mesurer la perception visuelle chez des professionnels divisés en deux groupes, les experts et les restaurateurs. Puis nous analyserons les résultats, essayerons de relever les tendances de perception visuelle. Nous essayerons de comprendre les tendances de réflexes perceptifs chez les professionnels en les replaçant dans leur cadre de travail et en étudiant la littérature sur le sujet en sciences cognitives.
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Sujet technico - scientifique
I.
Les restaurateurs de peintures et les experts en tableaux
Qu’est-ce qu’un restaurateur? Qu’est-ce qu’un expert ? Est-ce si simple de classer les personnes et les professionnels dans des cases prédéfinies ? Intéressons-nous en détail à ces deux métiers :
A.
Définition des deux professions 1. Le restaurateur
Lorsqu’un restaurateur examine une œuvre, il la regarde, observe la pâte de l’artiste, la matière, essaye de détecter d’anciennes restaurations. Le code d’éthique et de formation de l’ECCO (Confédération Européenne des Organisations de Conservateurs-Restaurateurs) précise : Le conservateur-restaurateur contribue à la compréhension des biens culturels dans le respect de leur signification esthétique et historique et de leur intégrité physique. […] L’examen diagnostique consiste à déterminer les matériaux constitutifs et l’état de conservation du bien culturel, à identifier ses altérations, leur nature et leur étendue.1
Sa vocation première étant de conserver avant même de restaurer, il se doit d’avoir une très bonne connaissance des biens culturels. Aucun diplôme n’est requis pour restaurer un tableau qui n’appartient pas à un musée. Beaucoup de restaurateurs se sont formés en atelier, et ont acquis leur démarche, affiné leur œil et acquis leur savoir-faire par la pratique. En général, ces professionnels sont considérés comme des techniciens des œuvres. Ils peuvent choisir le statut professionnel d’artisan ou bien de profession libérale. Ils travaillent pour une clientèle privée, ou bien sont prestataires des musées, monuments historiques ou autre collectivité publique.
1
I- Rôle du conservateur-restaurateur http://www.eccoeu.org/
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2. L’expert Dans le langage courant, un expert est une personne possédant des connaissances précises dans un domaine particulier. Nous pouvons trouver deux définitions dans un dictionnaire généraliste : « Qui connaît très bien quelque chose par la pratique », « Qui témoigne de cette compétence ; habile, exercé »2. Ces deux définitions insistent sur le fait, qu’outre la connaissance, un expert témoigne de son expérience et est reconnu dans son domaine. Dans le code déontologique élaboré par la CEDEA (Confédération Européenne Des Experts D’Art), la mission de l’expert est ainsi décrite : L’expert d’art est un spécialiste susceptible de : -déterminer tion
de
la l’objet
nature, d’art
ou
l’origine de
collection
et
l’époque soumise
à
de son
fabricajugement
;
- détecter les altérations les transformations et réparations subies éventuellement par cet objet ; - déterminer les valeurs de cet objet : valeur de négociation (ventes publiques ou ventes amiables) et valeur de remplacement.3
Aucun diplôme n’est non plus requis pour être expert dans le domaine de l’art. Les experts sont soit généralistes (peinture ancienne, mobilier par exemple), soit spécialistes (un artiste particulier). Ils exercent soit en tant qu’indépendants, soit en collaboration avec des maisons de vente. Ils peuvent être experts judiciaires (auprès cour de cassation ou de la cour d’appel). «Expertiser» une œuvre d’art consiste à indiquer les caractéristiques, l’époque, le style, l’époque, l’auteur. Un important dénominateur commun à ces deux professions est le postulat que le professionnel s’améliore avec le temps. C’est l’expérience qui prime. Le nom, et la personne sont des notions importantes. Dans ces deux métiers, l’expérience est mise en avant4. Un restaurateur ou un expert s’améliorent-ils avec le temps ? Probablement. L’expert acquiert-il son « œil d’expert » au fil des années ? Certainement. Le restaurateur acquiert-il un œil d’expert au fil des années ? Peut-être. Ces deux professions qui ont des appellations et des missions bien distinctes sont pourtant appelées à souvent collaborer ensemble, notamment lors de ventes aux enchères,. Leurs approches sont différentes, et pourtant il y a des similitudes. 2
Dictionnaire Larousse, édition en ligne, 2015
3
Cours de Maître Douzou, Droit de l’expertise, 2014.
4 CHANGEUX, JP, p.319 : Les capacités du cerveau du connaisseur varient en fonction de son talent et de son expérience qui «se manifestent par des traces neuronales et synaptiques distinctes».
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Sujet technico - scientifique
Dans ces deux corps de métier, les personnes utilisent avant tout leurs yeux pour regarder un tableau. Cependant, nous avons conscience que les autres sources sensorielles d’information (le toucher, l’audition) ne sont pas à négliger.
B.
La notion d’expertise en sciences cognitives
La notion d’expertise va à présent être développée dans le domaine des sciences cognitives. Il s’agit de l’expertise en tant que l’activité d’un expert en tableaux, mais également dans le cadre de l’activité du restaurateur, qui développe une autre forme d’expertise.
1. Définition Dans l’étude de la cognition, on considère quelqu’un expert à partir de 10 000 heures de pratique d’une discipline, soit une activité exercée 5 heures par jour pendant 6 ans5. En sciences cognitives, l’expertise est définie par la «capacité d’appréciation et activité qui reposent sur une maîtrise de compétences hors du commun dans un domaine particulier6 de connaissances.» Il y a des experts dans tous les domaines, « il est néanmoins possible de dégager des caractéristiques communes à l’expertise, tant au niveau de la description des compétences, qu’au niveau de l’architecture cognitive et fonctionnelle sous-jacente7. Ainsi, quel que soit le domaine, l’expertise s’acquiert progressivement, après de nombreuses années d’étude et de pratique.8»
2. Mécanismes cognitifs L’expertise est le résultat de mécanismes cognitifs particuliers. Ces mécanismes se mettent en place au niveau de la perception tout d’abord, puis de la mémoire et de la résolution de problèmes. Au fur et à mesure de la pratique, ces mécanismes
5 La littérature sur cette notion se base sur des expériences qui ont été menées sur des joueurs d’échecs. C’est une discipline qui a une configuration intéressante et significative pour réaliser des expériences sur le sujet. 6 « L’expertise n’est que faiblement reliée à « l’intelligence générale ». Par exemple, on n’observe pas de supériorité des capacités perceptives, mnésiques ou anticipatoires des experts au jeu d’échecs, sauf dans leur domaine d’expertise.» 7 ERICSSON, K.A., The road to excellence: The acquisition of expert performance in the arts and sciences, sports, and games, Hillsdale, 1996, 8 MARMECHE, E. «Expert» (définition) dans THIEBERGEN, G, Dictionnaire des sciences cognitives, Paris, 2002, p.128-129
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cognitifs s’automatisent9. Le support de ces processus est avant tout la mémoire long-terme qui stocke des connaissances spécifiques dans un domaine, permettant avec le temps de résoudre des questions de plus en plus rapidement selon que cette situation est plus ou moins familière10. Ainsi, on retrouve toujours au centre de l’analyse cognitive de l’expertise les structures de connaissances spécifiques qui sont organisées en mémoire à long terme. Ces compétences découlent de l’organisation de très nombreuses connaissances spécifiques en mémoire long-terme. Celles-ci permettent à l’expert de repérer très rapidement les points-clés de situations et de restreindre considérablement l’espace-problème à envisager.11
Le caractère spécifique des domaines d’expertise sollicite la capacité de sélectivité de la perception du sujet, qui a une capacité de traitement limitée à un dom aine.12 Le nombre d’années nécessaires pour être reconnu dans ces deux métiers s’explique probablement par l’expérience qui est requise, c’est-à-dire le nombre de cas rencontrés et de problèmes résolus. Cette expérience se traduit en sciences cognitives par les données stockées dans la mémoire long-terme de ces personnes. Ce lien entre l’expertise et la mémoire long-terme est probablement une explication au fait que les restaurateurs et experts consultés jugeaient l’image qui leur était soumise par rapport aux cas qu’ils avaient rencontrés par le passé. En revanche, la sélectivité et les automatismes, quoique nécessaires à la pratique de l’expertise, peuvent représenter un risque d’erreur. En effet, une personne qui a l’habitude de juger systématiquement un type de situation voudra
appliquer
son
raisonnement
à
toute
situation
qui
lui
semble
similaire.
Après avoir évoqué la notion d’expertise, nous allons nous intéresser à la notion de la perception visuelle, qui sera ensuite spécifiquement étudiée chez les professionnels. 9 MARMECHE, E., op.cit. p.128-129 : « Elle est liée, à la fois au développement de processus perceptifs, mnésiques et de résolutions de problèmes, spécifiques au domaine de connaissances, et, parallèlement, au développement d’automatismes » 10 MARMECHE, E., op.cit. p.128-129 idem « De plus, avec l’expertise, des processus automatiques se mettent en place. Les temps de décision peuvent alors être extrêmement courts pour le traitement de situations familières.» 11
MARMECHE, E., op.cit., p.128-129
12
THIEBERGEN, G, «Attention» (définition), op.cit., p.39
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II.
La perception visuelle
A.
Définition
La perception visuelle ou oculaire est le résultat de notre analyse de l’environnement spatio-temporel par le sens de la vue. •
Le sens de la vue est la réception des rayonnements lumineux par l’œil, qui transmet
ces informations au cerveau, permettant la formation d’une image. •
La perception visuelle fait intervenir des mécanismes de cognition, en reliant les
images aux mécanismes de connaissance, et notamment de la mémoire.
1. Système sensoriel L’œil est l’organe qui reçoit les rayonnements lumineux (voir Fig.36) , et le nerf optique envoie l’information au cerveau (voir Fig. 37). La formation d’image se fait donc dans le cerveau, et plus précisément dans le cortex visuel qui analyse et synthétise les informations collectées en termes de forme, de couleur, de texture, de relief.
Fig.36 : Dessin schématique de l’oeil
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Fig.37 : Dessin schématique du parcours de l’information visuelle
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La perception visuelle est rendue possible par le sens de la vue, au moyen de l’œil, qui comprend deux systèmes différents : -
Le système de la rétine périphérique qui permet de voir 90 images comprimées par
secondes, d’un angle d’environ 180° avec une résolution basse. Il sert à comprimer l’impression globale de la situation. «Les fibres issues de la rétine se distribuent dans plusieurs zones cérébrales pour constituer autant de sous-systèmes.13 » -
Le système fovéal qui donne la possibilité d‘examiner des points d’environ 2 degrés
d’angle trois-quatre fois par seconde. Ce système est très lent, mais avec une excellente résolution et un bon rendu des couleurs. Le mouvement de balayage du champ d’observation exercé par la fovée permet l’acquisition de données là où elles sont le plus nécessaires14 (voir Fig. 38).
Fig.38 : D’après Yarbus - Mouvement de balayage de l’œil - deux premières secondes Complément fovéal à travers des six premières fixations (après des chiffres de Yarbus, 1967)
Ces deux systèmes relient le monde avec sa représentation intérieure, ils forment le système d’identification.
13
THIEBERGEN, G , op. cit.,p.301
14
https://fr.wikipedia.org/wiki/Perspective_(perception_visuelle)
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2.
Cognition et perception
Le cerveau interprète les informations qui lui sont envoyées via le système rétinien, selon ses expériences passées. La mémoire n’est jamais vierge. La cognition se définit alors comme l’ensemble des activités mentales et des processus qui se rapportent à la connaissance et à la fonction qui la réalise15. La perception visuelle se traduit donc par le phénomène physio-psychologique et culturel qui relie l’action du vivant au monde et à l’environnement par l’intermédiaire des sens et des idéologies individuelles et collectives. Elle est chez l’homme directement liée aux mécanismes de cognition. Elle est considérée en tant que processus de recueil et de traitement de l’information sensorielle ou sensible : la réaction du sujet à une stimulation extérieure qui se manifeste par un phénomène chimique, neurologique au niveau des organes des sens et au niveau du système nerveux central. Nous pouvons distinguer la vue (système sensoriel) et la perception visuelle (système cognitif).
B.
La perception visuelle dans l’art et son étude 1. Perception visuelle et œuvre d’art
La vue est le sens le plus sollicité dans le rapport de l’homme à l’œuvre peinte. C’est le moyen de la transmission de l’œuvre au spectateur, rencontre étant une des grandes raisons de vivre de l’œuvre d’art selon Kandinsky (1866-1944)16. La profession d’expert ou de restaurateur repose donc essentiellement sur la perception visuelle17 . Lorsqu’un expert ou un restaurateur regarde un tableau, il ne se limite pas à l’intervention de son système sensoriel. Son système cognitif particulier, propre à l’espèce humaine, et doté de curiosité, le pousse à vouloir com-
15
http://www.cours-de-psychologie.fr/cognitive/
16
KANDINSKY, W, Du Spirituel dans l’Art et dans la peinture en particulier, Paris, Denoël, 1989, Chapitre 1
17 BURCKHARD, J., 1882, cité par MAURO, N., op.cit. p.19 : : « L’artisanat de l’œil(…) constitue la meilleure protection contre les impostures.[…] La variété des situations matérielles, des fonctions et des statuts des œuvres (…) constitue un excellent encouragement à réactiver le regard et à ré-affiner l’acuité de l’œil. » « La reconnaissance de l’authenticité d’une œuvre d’art est liée à la crédibilité de l’attribution et à la compétence du connaisseur : à la fiabilité, donc, des outils d’une discipline historique basée en grande partie sur l’empirisme de la connaissance et sur les qualités d’analyse visuelle des individus qui la pratiquent »
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prendre le tableau18. Ernst Gombrich (1909-2001) disait que «le connaisseur réitère en pensée la prouesse imaginative de l’artiste». En effet, ce dernier tente de recréer la chronologie de la conception de l’œuvre, du dessin préparatoire, à l’application des couleurs, jusqu’aux glacis. Et de trouver par là des indices qui authentifieraient la main d’un artiste ou, à l’inverse, s’ils sont absents, émettre l’hypothèse d’une copie19. Une série d’étapes de reconnaissance intervient, qui associe processus conscients et non conscients [..] Il y a confrontation de l’image perçue avec le stock d’images emmagasinées dans la tête de l’observateur et qui y sont déposées sous forme de traces stables non conscientes. Il y a là exercice de mémoire spontanée ou rappel volontaire, de mise en évidence de ressemblances (ou différences) entre ce que l’on a sous les yeux et ce que l’on a déjà vu. [...] La conception d’ensemble, l’exécution des détails (...) répondent-ils à ce que l’on attend du maître évoqué? 20
2. Etat des connaissances Cette notion de perception visuelle de l’œuvre d’art fait l’objet de nombreux écrits en histoire de l’art, mais peu d’études scientifiques ont été réalisées sur ces phénomènes. En effet, la littérature en histoire de l’art traite en nombre des représentations ; la littérature en conservation-restauration disserte sur les matériaux, les techniques, mais peu d’études ont été réalisées sur cette question de la perception visuelle. En effet, des études sont réalisées sur des données physiques, comme sur la tenue dans le temps d’une gamme de pigments de retouche. En revanche, le rapport entre l’œuvre restaurée et sa perception par le spectateur est rarement évoquée. Toutefois, Brandi évoque la perception de l’image lorsqu’il parle de la réintégration des lacunes. Ces dernières années, des conservateurs-restaurateurs se sont intéressés à cette question de la perception visuelle des tableaux : Amaël Rivoal sur la perception d’une œuvre lacunaire21, ou Grazia Nicozia sur l’incidence visuelle du vernis oxydé et de son retrait sur une œuvre22. L’explication de cette la rareté des études sur cette question de 18 CHANGEUX, J.P, «Physiologie autobiographique du collectionneur» in Connoisseurship, l’œil, la raison et l’instrument, p.314, 2014, Paris 19
CHANGEUX, J.P, , op.cit,, p.314
20
idem
21 RIVOAL, A. L’oculométrie cognitive : perception visuelle de l’image et outil d’aide à la prise de décision quant aux choix de réintégration, Mémoire de fin d’études, Institut National du Patrimoine, département des conservateurs-restaurateurs, 2012. 22 GRAZIA, N., « Le vernis des apparences », CeROArt [En ligne], 5 | 2010, mis en ligne le 14 avril 2010, consulté le 09 mars 2016. URL : http://ceroart.revues.org/1483
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la perception visuelle réside probablement dans la difficulté de mesurer un phénomène, qui est, par essence, subjectif, puisqu’il dépend des facultés cognitives. Cependant, des études de neuroscience cognitives sont réalisées sur la notion d’expertise, réalisant «des mesures objectives des processus subjectifs»23. Si la perception est par essence subjective, elle peut désormais se mesurer. Et si la perception de nombreux sujets est quantifiée, une étude statistique peut être réalisée, selon de nombreux paramètres (âge, sexe, profession, expérience, connaissance a priori).
C. Une méthode de mesure pour la perception visuelle : l’oculométrie cognitive 1. L’oculométrie : méthode de mesure L’oculométrie est une méthode de mesure d’enregistrement du regard : une caméra infrarouge repère en temps réel la position de l’œil d’un observateur. Des mesures spatiales et temporelles sont réalisées en relevant les points de fixations et le nombre de fixations sur une image24. L’oculométrie est très utilisée dans les domaines du webmarketing, du neuromarketing afin d’étudier les comportements des consommateurs, ou bien pour évaluer l’ergonomie des sites internet.25 . Cette méthode de mesure sert également à des études sur la lecture. L’oculométrie cognitive est donc la mesure des parcours de l’œil, couplée à a connaissance des mécanismes cognitifs. Alfred Yarbus (1914-1986), psychologue russe est le premier à avoir analysé les trajectoires oculaires de sujets. Il effectue des mesures et pose des questions aux sujets. Puis des graphiques sont réalisés en fonction du parcours de leur regard26 (voir Fig. 39). 23 DEHAENE, S., CHANGEUX, J.P, «Experimental and Theorical Approaches to Conscious Processing», Neuron, 70, 2011, p.200-227 24 Baccino, T. Dictionnaire des sciences cognitives p.100-101 : « L’oculométrie cognitive, qui est la technique d’enregistrement des mouvements des yeux qui consiste à repérer en temps réel la position du regard au moyen d’un détecteur optique ou d’une caméra vidéo qui sont calés sur le reflet émis par le rayon infrarouge envoyé sur la cornée oculaire. Ce dispositif couplé à un système informatique échantillonne régulièrement la position spatiale de l’œil (fixations) qui témoignent des traitements cognitifs et les sauts d’une fixation à l’autre (saccades) davantage sous le contrôle de la perception et des mécanismes oculomoteurs. Les fixations et les saccades représentent les éléments fondamentaux de l’étude oculométrique à partir desquels sont calculées plusieurs mesures spatiales et temporelles du déplacement du regard : les mesures spatiales sont des distances saccadiques, des localisations où le tracé des zones inspectées par le regard (scanpath), les mesures temporelles concernent les durées des fixations globales ou locales (limitées à une information précise) » 25
http://www.definitions-webmarketing.com/Definition-Eye-tracking
26
Yarbus,Eye movement and vision, 1967 p.174
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Fig.39 : Graphiques réalisés à partir du parcours oculaires de sujet soumis à des questions sur une image : Le visiteur inattendu, d’Ilya Repine
2. Mesurer la perception ? La perception se décompose en deux temps : l’œil reçoit des rayonnements lumineux, le nerf optique mène les informations vers le cortex visuel, qui traite les données reçues. Ces phénomènes ne peuvent être mesurés physiquement en soi. En revanche, les mouvements des yeux sont tangibles, et l’interprétation des données visuelles par le cerveau peut être communiquée par le sujet a posteriori. Afin de recueillir l’interprétation effectuée par le sujet, des questions sur sa perception peuvent lui être posées. Ce qui nous intéresse pour notre étude est donc la possibilité de pouvoir mesurer le parcours du regard chez des sujets, puis de les relier à la connaissance de la personne et à sa profession.
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III. Mise en place de l’expérience
A présent que nous avons trouvé une méthode pour mesurer la perception visuelle de sujets, nous pouvons mettre en place une expérimentation. Nous allons émettre des hypothèses sur la différence de perception visuelle entre les experts et les restaurateurs, grâce aux investigations théoriques effectuées. Cette étude sera une comparaison de résultats entre deux groupes de sujets classés par profession. Ce sera donc une étude statistique. En plus de l’erreur inhérente à toute mesure et donc à toute expérimentation, notre expérience consiste à comparer un phénomène par essence subjectif ; elle génère une seconde erreur, due à la liberté humaine. Afin que l’étude soit scientifiquement valable, il faudra que cette expérience se déroule dans des conditions similaires pour en assurer la répétabilité.
A.
Hypothèses de départ
L’étude consistera à déterminer si les experts et les restaurateurs observent les mêmes zones lorsqu’ils regardent un tableau, ou s’ils regardent des zones différentes. S’ils regardent les mêmes zones, nous essayerons de déterminer s’ils les interprètent différemment. S’ils voient les mêmes zones (système sensoriel), nous essayerons de déterminer s’ils les observent différemment (système cognitif). Nous essayerons aussi de déterminer si le nombre d’années d’expérience rend un expert ou un restaurateur plus apte à trouver la réponse juste, si l’expertise augmente ou non avec le nombre d’années d’expérience. Il sera intéressant de voir si la spécialité de l’expert ou du restaurateur, donc le nombre d’informations en rapport avec notre objet d’étude stockés dans sa mémoire-long terme, sa connaissance a priori, sa sensibilité, le milieu dans lequel il travaille (s’il a été ou non sensibilité aux problèmes d’authenticité), détermine la réponse qu’il va donner.
B.
Environnement pour le déroulement de l’expérience
Pour que l’expérience soit répétable, il faut que les sujets soient dans des conditions identiques.
•
Même support de l’expérience (image d’observation)
•
Même pièce
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•
Même disposition du matériel
•
Même luminosité
•
Mêmes explications
•
Même timing (temps d’observation, de questionnaire)
C.
Support de l’expérience : l’intervention des Sabines
Afin que les résultats des mesures de perception visuelle chez les différents professionnels soient comparables, il faut que les mesures du parcours de leur regard soient réalisés sur l’observation d’une même image. Etant donné que l’objet de notre étude divise experts et restaurateurs, il nous a semblé intéressant de l’utiliser comme support pour l’expérience.
1. Œuvre ou image de l’œuvre ? Afin de mesurer la perception visuelles des professionnels dans toutes ses dimensions, l’idéal eut été que les sujets puissent regarder physiquement l’objet, le retourner, changer d’angle de vue, etc... Cependant il est indispensable, pour la prise de mesures, que le sujet ne bouge pas. Pour cette raison, entre autres, le choix s’est porté sur une image de l’Intervention des Sabines (voir Fig. 40) et non sur le tableau lui-même pour de nombreuses raisons : •
L’œuvre est très plane
•
Le support n’est pas visible (dans toutes ses dimensions)
•
Cela évite à l’observateur que son regard se disperse.
•
Pour la répétabilité de l’expérience, il faut que ce soit la même image. Nous aurions
donc été obligée d’interrompre les interventions de restauration entre les prises de mesure •
Il était complexe de sortir l’œuvre de l’école.
Nous avons conscience que l’image ne vaut pas le tableau, surtout pour un restaurateur ou un expert pour qui la matérialité de l’œuvre est très importante. En effet, les professionnels de ces deux disciplines apprécient de pouvoir observer le support, la matière et les empâtements d’un tableau. Mais nous avons choisi comme axe d’étude la confrontation du regard de ces deux catégories de professionnels à une image très complexe. L’image qui est le support de l’expérience est une photographie en haute définition de l’Intervention des Sabines après la première phase de retrait des repeints.
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Fig.40 : Image de l’Intervention des Sabines - Support de l’expérience
2. Support de l’image L’image est diffusée sur un écran haute définition de marque Sony® de taille 40’’. Les proportions sont respectées et l’échelle est légèrement supérieure à 1.
D.
Instrument de mesure oculométrique
Les mesures de la perception visuelle des sujets sont effectuées par un instrument de mesure oculométrique couplé à un système informatique. Ce dispositif est développé par SMIVision ™(Senso Motoric Instrucments)27.
1. L’oculomètre L’oculomètre est le modèle RED 500 de SMI™. Il se présente comme une barre horizontale 27
http://www.smivision.com/
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dotée d’une caméra infrarouge qui détecte le parcours du regard (voir Fig. 41). La longueur d’onde infrarouge est utilisée car la pupille est davantage en contraste avec l’iris, ce qui permet de mieux détecter les mouvements de la pupille. La fréquence de mesure choisie pour le parcours visuel est de 250 Hz, ce qui signifie que 250 mesures de la position du regard du sujet sont réalisées chaque seconde, ce qui équivaut à une mesure de la position du regard du sujet toutes les 4 millisecondes. L’image de l’Intervention des Sabines est
Fig.41 : Oculomètre : RED 500 SMI™
convertie en graphique. La position du regard du sujet est une coordonnée (x dans le sens des abscisses, y dans le sens des ordonnées). Les données issues des mesures oculométriques sont des nombres de fixations et des durées de fixations sur des zones de l’image. Le temps d’observation de l’image par le sujet, et donc de mesures oculométriques, est de 2 minutes. Cette durée est choisie car elle laisse à l’observateur un temps suffisant pour observer les nombreux éléments présents sur l’image. Il n’y a pas de durée-type pour une expertise, qui puisse nous servir de référence pour notre expérience. Le temps qu’un expert ou un restaurateur prend pour observer un objet d’art est très variable en fonction de l’objet.
2. Le traitement informatique L’appareil de mesure est contrôlé par un ordinateur doté du logiciel SMI Experiment Center™. Il permet à l’expérimentateur de calibrer l’oculomètre pour chaque sujet, de suivre en temps réel le parcours du regard effectué par le sujet, et d’enregistrer les données. Le système informatique est utilisé après l’expérience pour traiter les données, à savoir les nombres de fixations et les durées de fixations dans chaque zone de l’image. Des zones d’intérêt devront être sélectionnées dans l’image. Ce sont les zones où les nombres et durées de fixations seront étudiées. Elles seront donc choisies en fonction des hypothèses qui ont été formulées sur la perception visuelle des experts et des restaurateurs. Il s’agira de zones-clés comme les craquelures, les lacunes, les repeints, qui sont autant d’éléments capitaux pour le jugement de ces professionnels sur un objet. Cette décision de sélectionner des zones est capitale, car les nombres et durées de fixations dans ces zones servira à comparer la perception visuelle entre les deux groupes de professionnels. Cependant ce choix est un risque, car ces zones seront de taille inégale. De plus, un sujet peut observer différents éléments dans une même zone.
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E.
L’interprétation de l’image par les sujets
Comme nous l’avons précédemment mentionné, deux professionnels peuvent regarder une zone de l’image de l’intervention des Sabines (système sensoriel) sans interpréter cette donnée visuelle de la même manière (système cognitif). Il nous semble important, à l’issue des mesures oculométriques, de questionner les sujets sur l’image qu’ils ont observée, afin de recueillir leurs interprétations. Nous procéderons de deux manières : un questionnaire et un débriefing.
1. Questionnaire Le questionnaire portera sur les différents aspects de l’image de l’intervention des Sabines qui divisent experts et restaurateurs. Les sujets pourront répondre par différentes propositions qui leur seront soumises, avec une échelle de certitude. Cela permettra ensuite de comparer les réponses des sujets et éventuellement d’établir des corrélations entre le parcours visuel et les réponses d’un sujet.
2. Débriefing Il nous semble intéressant que le sujet , à la fin de l’expérience, puisse s’exprimer librement sur l’image. Cela lui permet de livrer une interprétations de son analyse sur la matérialité et l’époque de réalisation de l’intervention des Sabines, et éventuellement son jugement sur l’authenticité.
F. Les sujets choisis Il est important de bien choisir les sujets qui vont participer à l’expérience afin d’avoir des mesures comparables et significatives. Pour que l’expérience soit valable, il est nécessaire que les sujets n’aient jamais vu l’Intervention des Sabines. Cette restriction est nécessaire afin de pouvoir réellement comparer la perception visuelle des restaurateurs et des experts qui examinent une œuvre pour la première fois, et l’analysent visuellement pour en déterminer l’époque, les matériaux, et portent un jugement sur son authenticité. Cette contrainte exclue d’emblée les professeurs de l’école et les professionnels auxquels nous nous sommes déjà adressée. Seuls des professionnels reconnus seront sélectionnés, et qui ont sensiblement le même
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nombre d’années d’expérience. Pour que l’étude statistique soit significative, il faut un nombre suffisant de sujets. Plus le nombre de sujets est important, plus l’étude est scientifiquement valable. Cependant, ces milieux professionnels ont de faibles effectifs. Nous nous sommes fixés le nombre de 10 sujet par groupe de professionnels, soit 20 sujets au total. Nous avons sollicité les professionnels par téléphone, en leur exposant notre projet scientifique. La plupart ont été surpris qu’une étude soit réalisée sur ce sujet, mais curieux de notre démarche. Très peu de nos interlocuteurs ont refusé de participer à l’étude. Il a été difficile de solliciter la participation de certains experts, réticents à l’idée que leur regard d’expert soit soumis à une expérience scientifique, et d’autant plus réticents à l’idée d’être comparés à leurs confrères. Solliciter les restaurateurs a été plus aisé, ces professionnels étant plus sensibilisés aux études scientifiques.
1. Les experts Nous avons fait appel à des experts en tableaux référencés dans les différents catalogues de syndicats d’experts : UFE (Union Française des Experts), CNES (Chambre Nationale des Experts Spécialisés en objets d’art et de collection), CNE (Compagnie Nationale des Experts en œuvres d’art). Cette affiliation constitue une garantie de la qualité d’expertise de ces professionnels. Nous avons choisi des profils variés : experts en tableaux anciens, en tableaux XIXe-XXe, ainsi que des experts qui sont également marchands. Les experts choisis ont au moins 20 ans d’expérience ; puis à la fin de l’expérience, nous avons choisi de solliciter des experts qui avaient un peu moins d’expérience afin de déterminer si le nombre d’années d’expertise avaient ou non une réelle influence sur la perception.
2. Les restaurateurs Les restaurateurs qui ont participé à l’expérience étaient pour la plupart spécialisés en couche picturale. Afin de procéder à des comparaisons, des restaurateurs aux profil plus variés ont été également sollicités afin de procéder à des comparaisons : deux restaurateurs experts
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auprès de la cour d’appel de Paris, et un restaurateur marchand de tableaux. Les informations sur les professionnels sont des données précieuses pour l’analyse des résultats. En effet, le nombre d’années d’expérience, la spécialité, une autre profession complémentaire influent sur ces mesures. Elles seront récoltées auprès des sujets avant l’expérimentation et se trouvent dans un tableau en annexe p.235. Les sujets recrutés pour l’expérience sont ainsi répartis :
•
8 experts
•
10 restaurateurs
•
2 restaurateurs qui ont une profession complémentaire.
La moyenne d’âge dans l’ensemble des deux catégories de professionnels est d’une cinquantaine d’année, et la moyenne de leurs expériences professionnelles est de 25 ans environ. La répartition des sexes est égale chez les experts, mais très inégale chez les restaurateurs (16% d’homme contre 83% de femmes).
IV. Protocole de l’expérience
Après avoir mis en place les différents principes de l’expérience, nous allons en dérouler le protocole.
A.
Introduction à l’expérience
• Le sujet entre dans la salle et s’assoit sur une chaise située face à l’oculo
mètre.
• Les informations sur le profil du sujet sont enregistrées (les données sont
consignées dans un tableau en annexe p.235.
• Le matériel lui est présenté, ainsi que le protocole de l’expérience qui va se
dérouler.
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Fig.42 : Photographie de la salle de l’expérience
1 2
ZONE DE L’EXPÉRIENCE
60 cm
Ecran de diffusion de l’image
Oculomètre
Observateur
3
ZONE DE L’EXPERIMENTATEUR Ordinateur de contrôle SMI Experiment Center™
Fig.43 : Schéma de l’organisation spatiale de l’expérience
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B.
Mesures oculométriques
Le sujet est assis à 60 cm de l’oculomètre, face à l’écran. Son champ de vision ne doit pas sortir de l’écran. Pour maintenir une distance constante, des marques au sol indiquent la position de la chaise à respecter. L’oculomètre a un dispositif rotatif pour adapter l’inclinaison en fonction de la hauteur des yeux du sujet (en fonction de sa taille).
1. Calibrage de l’appareil de mesure Afin que l’oculomètre suive précisément le regard du sujet, l’appareil de mesure est calibré sur le regard de ce dernier. Pour cela, le sujet doit fixer un cercle qui se déplace en 9 points sur l’écran. Par le logiciel de contrôle, l’expérimentateur peut apprécier la précision avec laquelle le calibrage est effectué et recommencer s’il n’est pas satisfaisant.
2. Observation de l’image par le sujet et mesures oculométriques L’image apparaît sur l’écran et est visible pendant deux minutes (soit 120 000 millisecondes) par le sujet.
Fig.44 : Détection de la pupille par la caméra infrarouge
Celui-ci peut l’observer librement (1) et le parcours de son regard est tracé par la caméra infrarouge de l’oculomètre (2) et enregistré sur l’ordinateur (3) (voir fig.43). Le sujet n’est pas sollicité et ne s’exprime pas verbalement sur ce qu’il voit.
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Fig.45 : Schéma des fixations et des saccades
Les fixations sont représentées par les points et les saccades par les traits (voir Fig. 45). Après les deux minutes d’observation de l’image, cette dernière disparaît de l’écran. Le sujet est alors invité à l’étape suivante de l’expérience.
C.
Questionnaire
A l’issue de l’observation de l’image, un questionnaire est soumis aux sujets. Le sujet quitte sa place et est invité à s’asseoir à un bureau situé derrière lui. Le questionnaire proposé porte sur différentes thématiques : • Le type d’objet • La matérialité de l’objet : technique, support, époque de réalisation • L’authenticité de l’objet • La scène représentée Le questionnaire intégral se trouve en annexe p.237.
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Plusieurs propositions sont émises et le sujet y répond sous forme d’une échelle de certitude. Un espace supplémentaire est prévu pour d’autres suggestions de la part des sujets.
D.
Débriefing
Le sujet est invité à revenir face à l’écran. L’image lui est à nouveau soumise, mais cette fois sans mesure oculométrique. Le sujet exprime son ressenti, ses réactions verbales lors de cette seconde perception de l’image sont enregistrées. Ils se sont souvent exprimés en premier lieu sur le questionnaire auquel ils avaient répondu.
E.
Causes d’erreur de mesure
La mesure est la comparaison d’une réalité physique avec une unité prise comme référence. Toute mesure d’une réalité physique comporte donc une incertitude. Dans le cas de notre étude, l’incertitude liée à la liberté humaine s’ajoute à la certitude inhérente à toute mesure. Les deux causes d’erreur sont donc : - L’incertitude de l’appareil se trouve dans sa fiche technique : 4ms+0,5ms. L’incertitude relative est donc de 1,60%. - L’incertitude due à la variabilité intra-sujets et inter-sujets. Cette étude est statistique et son niveau de risque doit être inférieur à 5%. Il est généralement admis que des données statistiques sont considérées comme fiables si elles répondent à la loi dite normale (courbe de Gauss) qui régit la plupart des comportements humains, dont les mouvements oculaires. La principale cause d’erreur dans l’ensemble de cette étude est la subjectivité, notamment pour l’interprétation du questionnaire et du débriefing. Elle l’est également dans l’étude des données oculométriques, puisque les zones d’intérêt ont été choisies selon des critères par essence subjectifs, qu’elles sont inégales en dimensions, que certaines se superposent et que différents éléments peuvent être observés dans chaque zone.
V.
Analyse des résultats
Les résultats à analyser seront de différentes natures : mesures oculométriques, comparaisons aux réponses d’un questionnaire, analyse de données orales.
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A.
Résultats des mesures oculométriques
Les mesures oculométriques sont des nombres et des durées de fixations (en millisecondes) sur l’image de l’Intervention des Sabines. Afin de comparer la perception visuelle entre les deux groupes de sujets, des zones d’intérêt sont sélectionnées afin de savoir quelles sont les éléments sur lesquels se focalisent les professionnels, afin de savoir s’ils se focalisent ou non sur les mêmes.
1. Les zones d’intérêt Les zones d’intérêt, appelées AOI (Areas Of Interest), sont sélectionnées sur l’image de l’Intervention des Sabines (voir Fig.46). Il s’agit de sélectionner sur l’image les éléments clés qui poussent restaurateurs et experts à émettre un jugement sur un objet, selon les hypothèses émises sur la perception visuelle des experts et des restaurateurs.
Fig.46 : Zones d’intérêt (AOI) sélectionnées sur l’Intervention des Sabines
Elles sont classées en quatre groupes (voir Fig. 46) : • Authentique
(rectangles
noirs)
:
dessin
original,
frisures
bois,
visages authentiques • Altérations (rectangles oranges): grande lacune 1, grande lacune 2, grande
lacune 3, grande lacune 4
• Repeints (rectangles jaunes): repeint femmes, repeint cheval, repeint fond • Personnages (rectangles verts) : personnage principal 1, personnage
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principal 2, personnage principal 3
Seules les nombres et durées de fixations enregistrées dans ces zones seront traitées. L’addition de ces zones représente 30% de l’image au total. Certaines AOI se superposent, mais les AOI superposées appartiennent au même groupe.
2. Traitement des données Les données oculométriques (nombres et durées de fixations) sont traitées informatiquement avec le logiciel SMI Be Gaze™, puis classées sur un tableau dans Microsoft Excel™ afin de pouvoir les traiter. Compte tenu du nombre de sujets et d’AOI, les données chiffrés des durées et sommes de fixations sont nombreuses. Les sommes des durées de fixations sur chaque AOI se trouvent en annexe p.241. Nous choisirons des angles d’étude pour cibler quelles données sont les plus intéressants à interpréter. Lors de l’interprétation des résultats, nous les nommerons ainsi : «AOI ....» et les groupes de professionnels : «groupe experts» et «groupe restaurateurs».
Nombre de Fixation
Étiquettes de colonnes
Étiquettes de lignes
alteration
authentique
personnage
repeint
Total général
Expert
20
359
108
26
513
P01
2
39
10
4
55
P03
5
46
9
1
61
27
26
6
59
45
25
1
74
53
11
4
68
P11 P12
3
P13 P16
2
60
7
1
70
P17
2
51
15
7
75
P18
6
38
5
2
51
52
400
119
62
633
P02
1
11
1
4
17
P04
3
21
10
3
37
P05
3
36
7
4
50
P06
9
59
10
4
82
P07
19
14
1
34
P08
14
21
13
48
31
10
51
14
14
79
restaurateur
P09
5
P14
46
P15
5
46
14
8
73
P19
11
43
10
4
68
P20
3
32
5
5
45
P21
12
37
3
2
54
72
759
227
88
1146
Total général
Fig.47 : Nombre de fixations par sujet sur les groupes d’ AOI
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3. Interprétation des données
a.
Comparaison des résultats par groupe d’AOI
dans le groupe experts et le groupe restaurateurs Le premier tableau de résultats (voir Fig.47) présente les nombres de fixations de chaque sujet pour chaque groupe d’AOI. Le nombre de fixations sur le groupe d’AOI altérations, c’està-dire sur les lacunes, est sensiblement plus élevé dans le groupe restaurateurs que dans le groupe experts. Nous avons voulu approfondir cette différence en continuant l’étude des nombres et durées de fixations des groupes d’AOI par les deux groupes de professionnels. Avec le logiciel Statistica™, des courbes statistiques sont établies sur les nombres de fixations des groupes d’AOI par les deux groupes de professionnels : Current effect: F(3, 54)=3,1741, p=,03136
50 45 40 35
DV_1
30 25 20 15 10 5 0 -5
alterationNb
authentiqueNb
personnageNb
repeintNb
AOIS
Expert Restaurateur
Fig.48 : Nombre de fixations du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les groupes d’AOI
Sur cette courbe statistique (voir Fig.48), nous pouvons voir que le nombre de fixations sur le groupe AOI authentique est supérieur dans le groupe expert que dans le groupe restaurateurs.
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Cette différence est intéressante, et pour la confirmer nous allons recouper le nombre de fixations avec les durées de fixations, car ces données peuvent être différentes. Nous réalisons alors une seconde courbe statistique avec, cette fois, les durées moyennes de fixations du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les groupes d’AOI : Current effect: F(3, 36)=3,5044, p=,02501 14000 12000 10000
DV_1
8000 6000 4000 2000 0 -2000
alterationDF
authentiqueDF
personnageDF
repeintDF
AOIS
Expert Restaurateur
Fig.49 : Durées moyennes de fixations (ms) du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les groupes d’AOI
Sur cette courbe statistique (voir Fig.49) , nous pouvons voir les durées moyennes de fixations du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les groupes d’AOI. Nous retrouvons la même différence d’observation entre le groupe experts et le groupe restaurateurs sur le groupe AOI authentique. Nous pouvons alors émettre l’hypothèse que les experts observent davantage les zones «saines» d’un tableau alors que les restaurateurs observent davantage les zones «malades». Il est possible qu’un certain systématisme s’installe dans leur perception visuelle. Ainsi, ils prendraient l’habitude de regarder les problèmes qu’ils ont l’habitude de traiter : les altérations pour les restaurateurs, les zones d’authenticité pour les experts.
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b.
Détail des AOI dans le groupe experts et le
groupe restaurateurs Afin de détailler cette première interprétation des données sur l’observation par le groupe experts et le groupe restaurateurs des groupes d’AOI, nous allons détailler les AOI du groupe AOI authentique, groupe AOI personnage et groupe AOI altération.
i. AOI authentique Dessin original (ms) Frisures bois (ms)
Visages authentiques (ms)
Expert
7627
1791
2531
Restaurateur
4342
886
1745
Fig.50 : Durées moyennes de fixations du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les AOI du groupe AOI authentique
9000 8000 7000 6000 5000 4000 3000 2000 1000 0 Dessin original
Frisures bois Expert
Visages authentiques
Restaurateur
Fig.51 : Graphique des durées moyennes de fixations (ms) du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les AOI du groupe AOI authentique
Le nombre de fixations pour l’AOI dessin original est sensiblement plus important dans le groupe experts que dans le groupe restaurateurs. Il en va de même pour l’AOI visages authentiques et l’AOI frisures bois, mais la différence est moins marquée.
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ii. AOI personnage Personnage principal 1 (ms) Personnage principal 2 (ms) Personnage principal 3 (ms)
Expert
1808
2437
1187
Restaurateur
416
1905
1029
Fig.52 : Durées moyennes de fixations (ms) du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les AOI du groupe AOI personnage
Titre du graphique
3000 2500 2000 1500 1000 500 0 Personnage principal 1
Personnage principal 2 Expert
Personnage principal 3
Restaurateur
Fig.54 : Graphique des durées moyennes de fixations (ms) du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les AOI du groupe AOI personnage
Les durées de fixations sont plus élevées dans le groupe experts que dans le groupe restaurateurs, notamment dans l’AOI personnage principal 1. Il est néanmoins possible que les experts aient regardé davantage AOI personnage principal 1 car elle se trouvait dans la partie supérieure qui est moins altérée que les zones où se trouvent AOI personnage principal 2 et AOI personnage principal 3.
iii. AOI repeint Repeint cheval (ms)
Repeint femme (ms)
Repeint fond (ms)
Expert
303
878
329
Restaurateur
1027
845
569
Fig.53 : Durées moyennes de fixations (ms) du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les AOI du groupe AOI repeint
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Titre du graphique 1200 1000 800 600 400 200 0 Repeint cheval
Repeint femme Expert
Repeint fond
Restaurateur
Fig.55 : Graphique des durées moyennes de fixations (ms) du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les AOI du groupe AOI repeint
Le nombre de fixations est plus important pour le groupe restaurateurs que pour le groupe experts dans l’AOI repeint fond, mais surtout dans l’AOI repeint cheval qui se trouve dans une zone très altérée. Cela corrobore le fait que le groupe restaurateurs a davantage observé les parties altérées que les parties originales.
iv. AOI altération (lacunes)
Grande lacune 1 (ms)
Grande lacune 2 (ms)
Grande lacune 3 (ms)
Grande lacune 4 (ms)
Expert
602
678
411
365
Restaurateur
1262
520
535
191
Fig.56 : Durée moyenne de fixations (ms)du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les AOI du groupe AOI altération
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1400 1200 1000 800 600 400 200 0 Grande lacune 1
Grande lacune 2 Expert
Grande lacune 3
Grande lacune 4
Restaurateur
Fig.57 : Graphique des durées moyennes de fixations (ms) du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les AOI du groupe AOI altération
Les durées de fixations sont sensiblement plus importantes pour le groupe restaurateurs que le groupe experts dans l’AOI grande lacune1 uniquement. Hypothèses sur l’interprétation des nombres et durées de fixations du groupe experts et du groupe restaurateurs sur les groupes d’AOI : Le groupe restaurateurs a visiblement des réflexes de perception sur les lacunes et les repeints, au détriment des personnages et des parties originales. Ce phénomène peut s’expliquer par la notion des images opératives, étudiées par Ochanine (1907-1978). Ce chercheur russe a étudié la relation entre la perception visuelle d’objets par des sujets et les actions que ces sujets réalisent sur ces objets. Ses travaux ont conclu que l’image d’un objet sur lequel le sujet a l’habitude d’agir est déformée dans la conscience de ce sujet. L’image cognitive remplit la fonction d’instrument de connaissance. En revanche, l’image opérative forme un ensemble informationnel spécialisé dont le contenu et la structure dépendent des tâches qui constituent une action concrète sur un objet.28
28
BAILLY, B., 2004
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Le sujet trie les informations lorsqu’il perçoit l’image, laisse de côté les parties sur lesquelles il n’agit pas et accentue les parties sur lesquelles il agit29. Il y a plusieurs sortes d’images opératives. Celles qui nous intéressent davantage sont les images effectrices30. Dans la conscience du sujet, elles sont le reflet de l’action projetée sur l’objet31. Selon l’objectif de l’opérateur, les images opératives varient. La formation d’images opératives dans la conscience des sujets du groupe restaurateurs explique probablement le nombre important et les durées importantes de fixations dans le groupe AOI altération et le groupe AOI repeint.
c.
Comparaison détaillée par sujet et zone d’inté-
rêt Nous allons à présent analyser les sommes des durées de fixations des sujets sur les AOI et comparer ces données entre les sujets (nommés Px) appartenant au même groupe de professionnels. Le tableau de ces données se trouve en annexe p.241.
i. Les sujets qui ont une profession
Groupe AOI authentique : • 2 experts (P16 et P17) ont beaucoup observé AOI dessin original. • 3 experts (P01, P13 et P16) ont beaucoup observé AOI frisures bois. • 2 experts (P13 et P18) ont observé AOI visages authentiques. • 1 expert généraliste en tableaux, dessin, sculpture du XVIIe au XIXe (P12) a observé AOI frisures bois, AOI visages authentiques et AOI personnage principal 1.
29 SPERANDIO, L’ergonomie du travail mental, ed. Masson, Paris, 1984 : «L’aspect cognitif tend à collectionner le plus d’informations possibles sur l’objet [...] alors que l’aspect opératif (rôle régulateur) ne reflète que les aspects utiles des objets» 30
OCHANINE D.A., KOSLOV, V., «L’image opérative effectrice» in Question de Psychologie, 3 1971, p1
31 SPERANDIO, op.cit., 1984
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Groupe AOI personnage : • 1 expert XIXe (P13) a moins observé l’AOI personnage principal 1 qu’un
expert en tableaux anciens (P01).
1 expert en archéologie, dessin et art italien (P11) et 1 expert généraliste en
•
tableaux, dessin, sculpture du XVIIe au XIXe (P12) ont davantage observé
l’AOI personnage principal 1 qu’un expert en tableaux anciens (P01).
Groupe AOI repeint :
•
1 restaurateur (P09) n’a pas regardé les repeints.
Groupe AOI altération (lacunes): •
Groupe experts :
• 2 experts (P 11 et P13) n’ont pas observé les AOI altération. • 2 experts (P12 et P16) ont observé deux AOI altération sur les quatre
présentes sur l’image.
• 1 expert ( P17) a observé une AOI altération (AOI grande lacune 4) sur les quatre •
présentes sur l’image.
Groupe restaurateurs :
• 2 restaurateurs (P08 et P14) n’ont pas observé les AOI altération. • 2 restaurateurs (P02 et P20) ont observé une AOI altération sur les quatre
présentes sur l’image.
ii. Les sujets qui ont plusieurs professions
•
1 restaurateur et expert auprès de la cour d’appel (P06) :
Ce sujet a beaucoup observé le groupe AOI authentique. Il a davantage observé AOI dessin original que certains sujets du groupe experts. Il y a une différence significative par rapport aux autres sujets du groupe restaurateurs dont il se démarque.
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Ce sujet a le plus observé AOI personnage principal 1. Il se rapproche de la moyenne du groupe experts que du groupe restaurateurs pour le nombre de fixations dans cette AOI. Le fait d’être expert auprès de la cour d’appel lui donne un regard d’expert plus qu’un regard de restaurateur.
•
1 restaurateur et marchand de tableaux (P 05) :
Le parcours visuel de ce sujet se rapproche de l’observation des sujets du groupe restaurateurs sur l’observation du groupe AOI authentique. Le fait d’être marchand de tableaux ne lui a pas donné un regard d’expert. Il ne faut donc pas confondre un expert et un marchand qui n’auront pas le même regard sur un objet culturel. Il a plus observé AOI personnage principal 1 et a moins observé le groupe AOI repeint. Le fait d’être marchand et d’estimer des tableaux a peut-être modulé cette systématisation de la perception visuelle des restaurateurs sur les altérations. Certains sujets sont dans la moyenne d’observation des AOI par les sujets, mais c’est leur interprétation qui les démarque, probablement par l’interprétation a posteriori des zones observées.
B.
Réponses au questionnaire
Le questionnaire était l’étape suivant les mesures oculométriques. L’interprétation des réponses au questionnaire est donc la suite logique de l’analyse des résultats oculométriques. L’analyse de ces réponses viendra étayer ou infirmer les hypothèses émises lors de l’analyse des données d’eye-tracking. Les résultats peuvent diverger de l’eye-tracking pour deux raisons :
•
Ce n’est pas parce que les sujets regardent une zone qu’ils l’interprètent. Ils la
perçoivent. (système sensoriel). La question de l’interprétation ne vient qu’ensuite lorsqu’ils sont sollicités par le questionnaire et le débriefing. Toutefois, ces personnes dotées d’expertise dans leurs domaines ont probablement un avis (système cognitif) lorsqu’elles regardent ces zones.
•
Le questionnaire et les réponses proposées les obligent à un avis d’interpréta-
tion. Les sujets peuvent alors remettre leur perception en question.
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1. Traitement des réponses au questionnaire Les réponses au questionnaires sont classées dans un tableau sur Microsoft Excel® (en annexe p.242).
2. Interprétation des résultats a.
Le type d’objet et l’époque de réalisation
Le groupe restaurateurs a moins identifié un tableau que le groupe experts. Le groupe restaurateurs a quelque peu davantage identifié une peinture murale que le groupe experts. Peutêtre l’aspect très lacunaire de l’intervention des Sabines a davantage évoqué une peinture murale aux restaurateurs. Ainsi, l’habitude d’une certaine configuration d’altérations influerait sur leur identification des objets. Le groupe experts a davantage identifié un panneau ou un fragment de mobilier décoratif par rapport au groupe restaurateurs. Le groupe experts a autant identifié une œuvre XVe qu’une œuvre XVIe, alors que le groupe restaurateurs a davantage identifié une œuvre XVIe.
b.
Le matérialité de l’objet
Le groupe experts a identifié à 88% une tempera et à 88% une œuvre sur bois. Avec les autres possibilités de matériaux qui étaient proposées, ils sont 62,5% à avoir identifié une tempera sur bois. Le groupe restaurateurs a identifié à 58% une tempera et à 75% une œuvre sur bois. Pourtant, ils sont 58,33% à avoir identifié une tempera sur bois. Cela signifie probablement que, dans l’esprit d’un restaurateur, une tempera est obligatoirement sur bois, tandis qu’un expert a évoqué une tempera sur toile. Un expert envisage peutêtre davantage d’associations de matériaux qu’un restaurateur.
c.
L’authenticité de l’objet
Le groupe experts a davantage identifié des restaurations que le groupe restaurateurs, alors
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que le groupe restaurateurs a davantage identifié de réinterprétations que le groupe experts. Cela veut peut-être dire qu’un expert, lorsqu’il voit un élément non original, le juge comme une « restauration » alors que le restaurateur a qui connaît les interventions de restauration peut juger d’une intervention abusive et l’identifier comme une «réinterprétation». Le groupe restaurateurs a davantage opté pour une copie « dans le goût de », contrairement au groupe experts qui a davantage identifié une «imitation». Aucun sujet du groupe restaurateurs n’a identifié de «faux» alors que certains sujets du groupe experts l’ont identifié en tant que tel. Les experts sont davantage amenés à apporter un jugement de valeur comme le «faux». Les restaurateurs sont moins sensibilisés à ces questions d’authenticité et voient l’objet comme «dans le goût de» sans porter de jugement de valeur.
d.
La scène représentée
Aucun sujet du groupe experts et du groupe restaurateurs n’a identifié que la scène se passait dans la Rome antique. Une proportion quasi-équivalente (environ un tiers) du groupe experts et du groupe restaurateurs ont placé cette scène au Moyen Age. 50% du groupe experts l’ont identifiée à la Haute-Renaissance alors que 50% du groupe restaurateurs l’ont identifiée à la Renaissance. 38% du groupe experts et 33% du groupe restaurateurs ont identifié le personnage principal comme la femme au balcon. Ceci vient infirmer l’hypothèse, formulée à l’issue de l’eye-tracking, que les restaurateurs avaient moins bien identifié le personnage principal que les experts. 25% du groupe experts ont identifié la femme seule au centre comme le personnage principal. Une proportion quasi-équivalente du groupe experts et du groupe restaurateurs ont identifié l’homme à terre dans la partie inférieure de l’objet comme le personnage principal. La scène a autant été perçue par le groupe experts que le groupe restaurateurs comme une scène de martyre ou massacre des Innocents (les sujets ont souvent confondu un soldat qui pointait son épée, muni de son bouclier, par un soldat tuant un enfant – voir debriefing). Le groupe experts a identifié une scène de bataille à égale proportion qu’une scène de martyre ou massacre des innocents, sans identifier de bataille précise. Le groupe restaurateurs l’a davantage identifiée comme une scène de bataille. 50% du groupe restaurateurs l’ont perçue comme l’intervention des Sabines, scène présumée de l’objet, tandis qu’aucun expert ne l’a identifiée comme telle.
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3. Corrélations entre les réponses au questionnaire et les données de l’eye-tracking Nous avons tenté d’établir des corrélations entre les réponses au questionnaire et les mesures oculométriques. Pour cela, il fallait classer les réponses des sujets selon leur véracité. Les réponses ont été classées sur une échelle de 0 à 1 :
• 0 : n’a pas trouvé la bonne réponse
• 0,5 : sur la bonne voie
• 1 : bonne réponse
Puis nous avons établi des groupes de réponses aux questions :
• type d’œuvre
• époque d’exécution
• technique d’exécution
• support
• authenticité
• époque à laquelle se déroule la scène
• personnages
• sujet représenté
Ces groupes de réponses ont été reliés aux groupes de zones d’intérêt (voir tableau en annexe p.245 ). Avec le logiciel Statistica™, des corrélations ont été réalisées entre ces groupes de réponses auxquelles les sujets ont bien ou mal répondu et les nombres et durées de fixations dans les groupes d’AOI. Le coefficient de corrélation est une mesure de relation linéaire entre deux variables quantitatives. Ces variables sont :
•
x : les mesures oculométriques. Elles sont consignées dans les colonnes des
tableaux de corrélation.
y : les réponses au questionnaire. Elles sont consignées dans les lignes des
•
tableaux de corrélation.
La valeur du coefficient de corrélation se situe entre - 1.0 (corrélation maximale négative) et + 1.0 (corrélation maximale positive). Une valeur du coefficient de corrélation près de 0 est une indication de l’absence de liaison linéaire entre les variables. Seuls les résultats dont l’erreur relative est inférieure à 5% ont été exprimés.
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a. Y
X
Réponses au questionnaire
Ensemble des groupes de professionnels
Nombres de fixations
Durées de fixations
AOI altération
AOI authentique
AOI personnage
AOI repeint
AOI altération
AOI authentique
AOI personnage
AOI repeint
Type d’œuvre
0,146
-0,009
0,046
-0,014
0,215
0,174
0,068
-0,008
Epoque d’exécution
0,600
0,080
-0,135
0,177
0,484
-0,107
-0,350
0,141
Technique d’exécution
-0,349
0,268
-0,010
0,068
-0,355
0,163
-0,165
-0,091
Support
0,378
0,536
0,404
-0,235
0,283
0,443
0,340
-0,318
Authenticité
0,363
0,128
-0,178
0,405
0,574
0,060
-0,249
0,551
Epoque de représentation
0,147
-0,202
-0,334
-0,067
0,082
-0,140
-0,331
-0,081
Personnages
0,227
-0,064
0,154
0,132
0,051
-0,252
-0,099
0,088
Sujet
-0,076
-0,266
-0,370
0,012
-0,164
-0,304
-0,335
0,067
Fig.58 : Coefficients de corrélation entre les réponses au questionnaires et les nombres et durées de fixations pour le groupe experts et le groupe restaurateurs
Plus les participants ont fixé le groupe AOI altérations, moins d’erreurs aux questionnaires ont été réalisées sur l’époque d’exécution. Le groupe AOI altérations correspond aux lacunes qui sont principalement horizontales et évoque souvent un panneau de bois aux observateurs. Plus les participants ont fixé le groupe AOI altérations, moins d’erreurs aux questionnaire ont été réalisées sur l’authenticité de l’objet. L’identification des altérations aiderait donc à juger cette objet comme très altéré et non comme un faux. Plus les participants ont fixé le groupe AOI repeint, moins d’erreurs aux questionnaire ont été réalisées sur l’authenticité de l’objet. En effet, la détection des repeints a probablement aidé les professionnels à émettre le constat d’un objet très remanié mais qui n’est pas un faux. Plus les participants ont fixé le groupe AOI authentique, moins d’erreurs aux questionnaire ont été réalisées sur l’identification du support. Les sujets qui ont observé les frisures ont pu déterminer qu’elles avaient été provoquées par les mouvements du support bois.
b.
Distinction des groupes de professionnels
i. Le groupe experts
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Y
X
Réponses au questionnaire
Nombres de fixations
Durées de fixations
AOI altération
AOI authentique
AOI personnage
AOI repeint
Epoque d’exécution
0,542
-0,710
-0,554
0,196
Technique d’exécution
-0,093
0,210
-0,763
Support
-0,295
0,190
Authenticité
-0,373
-0,450
Epoque de représentation
0,074
Personnages Sujet
AOI altération
AOI authentique
AOI personnage
AOI repeint
0,157
-0,957
-0,687
0,189
-0,034
-0,449
-0,342
-0,745
-0,091
0,195
-0,586
-0,201
0,387
0,342
-0,597
-0,123
0,270
-0,511
-0,177
-0,197
0,184
-0,379
-0,248
-0,053
-0,231
-0,476
-0,316
-0,057
0,466
-0,030
-0,191
-0,337
0,219
-0,426
-0,203
-0,255
0,000
0,541
-0,542
-0,395
0,068
0,196
-0,332
-0,465
Type d’œuvre
Fig.59 : Coefficients de corrélation entre les réponses au questionnaires et les nombres et durées de fixations pour le groupe experts
Le groupe experts n’a donné aucune corrélation.
ii. Le groupe restaurateurs : Y
X
Réponses au questionnaire
Nombres de fixations
Durées de fixations
AOI altération
AOI authentique
AOI personnage
AOI repeint
AOI altération
AOI authentique
AOI personnage
AOI repeint
Type d’œuvre
0,018
0,182
0,358
-0,264
0,118
0,458
0,721
-0,245
Epoque d’exécution
0,699
0,668
0,702
0,000
0,657
0,603
0,703
-0,045
Technique d’exécution
-0,292
0,063
0,512
0,630
-0,172
0,133
0,094
0,282
Support
0,579
0,684
0,691
-0,027
0,455
0,509
0,632
-0,230
Authenticité
0,280
0,615
0,117
0,308
0,657
0,523
0,133
0,492
Epoque de représentation
0,183
-0,138
-0,486
-0,138
0,214
0,065
-0,531
-0,158
Personnages
0,091
0,058
0,737
0,354
-0,106
-0,071
0,348
0,100
Sujet
-0,250
-0,488
-0,060
0,220
-0,411
-0,454
-0,236
0,218
Fig.60 : Coefficients de corrélation entre les réponses au questionnaires et les nombres et durées de fixations pour le groupe restaurateurs
Plus les restaurateurs ont fixé le groupe AOI personnage, moins d’erreurs aux questionnaires ont été réalisées sur le type d’œuvre. L’observation des personnages a donc permis aux restaurateurs d’affirmer qu’il s’agissait d’une peinture sur bois. Reconnaître une époque à travers leurs costumes leur a permis d’affirmer une technique picturale. Plus les restaurateurs ont fixé le groupe AOI personnage, moins d’erreurs aux questionnaires
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Sujet technico - scientifique
ont été réalisées sur l’identification du personnage principal. Cela infirme encore l’hypothèse que les restaurateurs ont moins bien reconnu le personnage principal.
C.
Analyse du débriefing 1. Traitement des données
Les données orales des sujets ont été enregistrées. Elles sont appelées le « verbatim ». Les paroles qui reviennent, sont comparables, ou à l’inverse se démarquent, sont consignées dans un tableau sur Microsoft Excel® (en annexe p.246). Afin de comparer entre le groupe experts et le groupe restaurateurs, ces données sont classées en catégories selon leurs ressemblances :
•
1er ressenti
•
matériaux constitutifs : préparation, perspective, technique picturale
•
jugement qualitatif : lecture de l’image, composition, dessin, parcours visuel,
cohérence, qualité picturale, époque, école-attribution, époque-mode, falsification
•
nature de l’objet
•
altérations : lacunes, repeints, état de conservation, réinterprétations
•
représentation : mouvement de la scène, sujet, traitement du paysage, per
sonnages
2. Interprétation des résultats Sur le premier ressenti, un sujet du groupe restaurateurs a d’abord cherché une signature, ce qui modère l’automatisation de se focaliser sur les altérations que nous avons évoquée auparavant. Seul un sujet du groupe restaurateurs, et aucun sujet du groupe experts, a évoqué la préparation, ce qui montre l’intérêt de cette profession pour la technologie de mise en œuvre des objets culturels. Aucun sujet du groupe experts n’est revenu sur la perspective, alors que quatre sujets du groupe restaurateurs sont revenus sur des problématiques de perspective et d’échelle. Un sujet du groupe experts dit ne pas être gêné par les lacunes et réussir à reconstituer, alors qu’un sujet du groupe restaurateurs a exprimé sa difficulté à rassembler l’ensemble de l’image et dit avoir isolé les groupes pour observer l’œuvre. Cette différence est curieuse, étant donné que les restaurateurs, contrairement aux experts, sont souvent appelés à reconstituer des
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lacunes. Pour le dessin, un sujet du groupe experts a utilisé l’expression « pas de vraie force dans les lignes», alors qu’un sujet du groupe restaurateurs a évoqué «un dessin qui sert à délimiter puis à remplir les plages colorées». Cette différence de jugement met en lumière une différence notoire dans la démarche d’un expert ou d’un restaurateur : l’expert va chercher une cohérence dans l’objet puis porter un jugement de valeur, alors que le restaurateur a un regard plus technique et va tenter de comprendre la mise en œuvre de l’objet. Il n’y a pas de différence significative sur les jugements de qualité picturale ou d’époque. En ce qui concerne l’authenticité, deux sujets du groupe restaurateurs ont évoqué une «copie», un a évoqué une «imitation», et un une «reprise totale». Les sujets du groupe experts ont davantage reconnu un panneau repris. Un sujet du groupe restaurateurs qui a également la profession de marchand est le seul sujet qui ait su déceler une transposition du support. Un sujet du groupe restaurateurs (P09) a révélé sa différence de perception lors de ce débriefing. Il a su déceler tous les repeints, le fait que le panneau était complètement repris, a évoqué «la plupart des personnages et des chevaux rechampis» et a dit «essayer de cartographier l’original» lors de son observation de l’image. Son jugement sur l’objet a été très juste, plus que certains experts dotés d’une longue expérience. Ce qui nous a étonnée est la justesse de son analyse alors que le nombre d’années d’expérience de ce sujet était sensiblement inférieur à la moyenne de l’ensemble des sujets. Cette particularité nous a poussée a nous entretenir plus longuement avec ce sujet, qui nous a expliqué avoir travaillé avec un collaborateur qui l’avait particulièrement sensibilisé aux problèmes d’authenticité. Il n’y a qu’un moyen d’arriver à la connaissance des auteurs, écrit Richardson, c’est de remplir notre esprit d’autant d’images justes et complètes des oeuvres». L’acquisition du connoisseurship requiert toujours un long apprentissage sous la férule d’un maître ou de collègues expérimentés32
Cela signifie que ce n’est pas obligatoirement la somme des années d’expérience qui forme le professionnel, mais le nombre de cas similaires étudiés, de problèmes similaires résolus et d’images stockées en mémoire long-terme.
32
CHANGEUX, J.P.,op.cit. p.319
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Sujet technico - scientifique
3. Les idées forces Afin de pouvoir réaliser des comparaisons chiffrées entre experts et restaurateurs pour ce débriefing, il a fallu déceler des idées forces. Il s’agit de récurrences qui reviennent dans le verbatim et qui sont significatives dans la différence de perception visuelle entre le groupe experts et le groupe restaurateurs. Nous avons choisi deux idées forces : le jugement de valeur et les données techniques. Pour chaque donnée verbatim dans une catégorie, nous avons mis un point pour chaque jugement de valeur et chaque donnée technique évoqués (voir tableau en annexe p.246) Des graphiques ont été réalisés :
a.
La composition
composition
7 6 5 4 3 2 1 0 Experts Jugement de valeur
Experts Donnée technique
Restaurateurs Jugement de valeur
Restaurateurs Donnée technique
Fig.61 : Graphique du nombre de jugements de valeur et de données techniques quant à la composition pour le groupe experts et le groupe restaurateurs
Nous pouvons voir dans ce graphique (voir Fig. 61) que les sujets du groupe experts donnent principalement des jugements de valeur et les sujet du groupe restaurateurs des données techniques au sujet de la composition. Cependant, les sujets du groupe restaurateurs quant à la composition ont donné autant de jugements de valeur que les sujets du groupe experts, mais les sujets du groupe experts n’ont donné aucune donnée technique.
b.
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La nature de l’objet
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Sujet technico - scientifique
histoire matérielle - nature de l'objet 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 Experts Jugement de valeur
Experts Donnée technique
Restaurateurs Jugement de valeur
Restaurateurs Donnée technique
Fig.62 : Graphique du nombre de jugements de valeur et de données techniques quant à la nature de l’objet pour le groupe experts et le groupe restaurateurs
Nous pouvons voir dans ce graphique (voir Fig.62) que les sujets du groupe experts donnent autant de jugements de valeur que de données techniques quant à la nature de l’objet. En revanche, les sujets du groupe restaurateurs ont donné beaucoup plus de données techniques et beaucoup moins de jugements de valeur.
c.
6
La falsification
5
4
3
2
1
0 Experts Jugement de valeur
Experts Donnée technique
Restaurateurs Jugement de valeur
Restaurateurs Donnée technique
Fig.63 : Graphique du nombre de jugements de valeur et de données techniques quant à la falsification pour le groupe experts et le groupe restaurateurs
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Sujet technico - scientifique
Nous pouvons voir dans ce graphique (voir Fig.63) que les sujets du groupe experts donnent des jugements de valeur mais aucune donnée technique. Les sujets du groupe restaurateurs donnent des jugements de valeur mais moins que les sujets du groupe experts, et expriment davantage de données techniques que de jugements de valeur.
A présent que l’étude est terminée, certains points qui auraient pu être améliorés se discernent. Le questionnaire était très axé sur l’histoire de l’art. Il aurait été préférable de poser davantage de questions sur la technologie de l’œuvre que sur l’époque de la scène représentée ou les catégories de personnages. Par exemple, il aurait été plus profitable pour l’étude de proposer des pourcentages de lacunes aux sujets dans le questionnaire. Nous aurions pu être plus précise sur les questions qui concernaient les restaurations et les remaniements, par exemple leur demander s’ils détectaient des repeints, ou s’ils pensent qu’une intervention de support a été réalisée. Le questionnaire ayant influencé les données verbatim du débriefing, ces questions auraient pu être davantage approfondies.
CONCLUSION DE L’ÉTUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE L’objectif de cette étude était la comparaison de la perception visuelle entre deux groupes de professionnels : les restaurateurs de peinture et les experts en tableaux. L’observation des sujets a été confrontée à l’image d’un objet complexe, l’Intervention des Sabines, qui divise les professionnels, restaurateurs et experts, sur sa matérialité et son authenticité. L’observation des sujets a été mesurée avec un dispositif oculométrique. Nous avons recoupé les mesures avec les réponses au questionnaire qui suivait les mesures de leur observation. Enfin, ces professionnels ont pu exprimer librement leur ressenti sur l’objet lors d’un débriefing. Les données verbales recueillies ont été classées par idées forces et ont à nouveau contribué à comparer la perception visuelle entre restaurateurs de peintures et experts en tableaux. Des réponses intéressantes ont été données aux hypothèses de départ. Les mesures oculométriques ont révélé une différence significative du nombre de fixations entre le groupe des experts et le groupe des restaurateurs : les experts observent davantage les zones authentiques et les restaurateurs observent davantage les zones altérées. Une automatisation de la perception se dessine chez ces professionnels, selon les tâches qu’ils sont appelés à réaliser : juger de la qualité d’une œuvre, la dater et l’authentifier pour les
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Sujet technico - scientifique
experts, intervenir sur les zones altérées pour les restaurateurs. Le restaurateur aurait donc une perception déformée et, tel un médecin, ne regarderait que les zones «malades» d’un tableau sans en analyser les parties saines. Le tableau est alors une image «opérative» pour le restaurateur, technicien des tableaux, qu’il perçoit selon les tâches qu’il peut réaliser dessus. Cependant, son regard de technicien est un précieux atout face à un objet complexe comme l’Intervention des Sabines. En effet, il est apte à détecter de lourdes interventions réalisées sur un tableau, et à ne pas le classer comme un «faux» car il sort du cadre du tableau «normal». Lors du débriefing, ils cherchent des éléments techniques et émettent moins de jugements de valeur que les experts. Les données ont aussi confirmé que l’expérience influe sur le jugement d’un professionnel, mais non en terme de nombre d’années mais selon le nombre de cas similaires résolus et le nombre d’images stockées en mémoire long-terme. Cette expérience dépend de l’environnement dans lequel le professionnel a évolué et des problématiques auxquelles il a été sensibilisé. Selon leurs expériences visuelles passées, et les jugements émis, leur formation, ils sont davantage à même de juger d’un objet complexe. Les problèmes successivement résolus aboutissent à des automatisations des perceptions et des jugements. Ils vont trier l’image pour se focaliser sur les parties sur lesquelles on leur demande d’intervenir. Ces regards ne sont pas contradictoires mais complémentaires, ce sont deux approches différentes. Les corrélations entre les mesures oculométriques et les réponses au questionnaire ont montré que le restaurateur peut déterminer la nature d’une œuvre selon la configuration de ses altérations. Il part de l’altération et non de l’objet. Mais cette observation des lacunes horizontales a aidé à reconnaître le support bois. Chez les experts, c’est l’observation des zones authentiques dotées de craquelures typiques du support bois qui les a aidés à reconnaître ce support. Cette étude montre l’intérêt de la coopération des deux professions. Les experts peuvent apporter aux restaurateurs une profonde connaissance théorique des objets culturels. Les restaurateurs apportent des nuances sur les jugements d’authenticité à propos d’objets très remaniés, car ils savent déceler de lourdes interventions de restaurations. Pour prolonger l’étude, il serait intéressant d’étudier la perception de ces professionnels sur l’Intervention des Sabines après le retrait des repeints, et également après la réintégration colorée. Il serait également intéressant de réaliser de nouvelles mesures plusieurs mois après l’étude, pour voir si la perception change au fil du temps et à la seconde observation. Cela permettrait de déterminer si un expert ou un restaurateur regarde toujours aussi objectivement une œuvre après plusieurs semaines ou mois passés dans son bureau ou son atelier?
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La systématisation de la perception que nous avons étudiée ne s’accentue-t-elle pas au fil du temps? Un expert qui étudie une œuvre durant plusieurs mois, cherche une école, une datation, ne regarde-t-il pas toujours les mêmes détails afin de trouver sa réponse? Ne se focalise-t-il pas sur ce même drapé, sur le mouvement de cette main, et ce au point de les déformer ? Le restaurateur qui travaille sur un tableau depuis plusieurs semaines, reprend les déchirures, mastique les lacunes et passe ses journées à retoucher ces mêmes lacunes regarde-t-il encore objectivement ce tableau? Pour continuer dans la démarche de comparaison avec des professionnels, il aurait été intéressant de comparer la perception visuelle des deux groupes de professionnels étudiés avec celle d’un groupe d’historiens d’art. La perception visuelle des experts en tableaux et des restaurateurs de peintures ne sont pas vierges, puisque ces deux groupes de professionnels sont dotés d’»expertise» dans leurs domaines respectifs. Afin de déterminer le regard de ces sujets de manière objective, il serait intéressant de les comparer à un référentiel vierge de cette expertise, à savoir un groupe de néophytes. Puis de prolonger cette démarche, en comparant avec la perception visuelle d’enfants, qui ont un regard plus «neuf» car ils ont moins d’images stockées en mémoire-longterme.
Notre étude se prolonge avec la partie restauration. Elle viendra compléter cette première partie théorique et technique. Le constat d’état et les recherches d’un point de vue technique approfondiront les remaniements subis. Ils auront pour but de quantifier les altérations, et le diagnostic aura pour objectif d’essayer d’émettre des hypothèses quant aux origines de ces altérations. La poursuite de cette étude technique approfondira l’étude matérielle entamée ici et contribuera de surcroît à prendre les décisions les plus adaptées à l’histoire matérielle de cette œuvre. les choix de restauration les plus adaptés et à l’image représentée et à sa matérialité.
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C
ONSERVATION RESTAURATION
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Conservation - Restauration
INTRODUCTION
L’étude théorique sur l’histoire de l’objet et l’étude sur les notions d’authenticité sont
à présent suivies et complétées par l’étude de la technologie de l’œuvre, dont découlera le projet de conservation-restauration.
Lorsque cet objet nous a été confié, sa lisibilité était perdue, sa signification ne pouvait
alors être transmise. Les investigations en conservation-restauration ont donc pour objectif de restituer l’intégrité matérielle et la lisibilité de l’œuvre. L’objectif de ce travail est d’assurer la conservation matérielle de l’œuvre, mais aussi de permettre la transmission du message originel de celle-ci, et de garantir ainsi sa pérennité sur le plan intellectuel.Ce travail de conservation-restauration doit être réalisé selon les règles déontologiques afin de n’agir que dans le strict intérêt de l’œuvre. Ce projet sera exposé en six différentes étapes : •
Un examen technique des matériaux constitutifs de l’objet
•
Un constat d’état quantitatif de ses altérations
•
Un diagnostic de ces causes d’altération
•
Une nécessité d’intervention sur l’objet
•
Une proposition de traitement de conservation-restauration
•
Un rapport des interventions effectuées sur l’objet
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Conservation - Restauration
I.
Analyse des matériaux constitutifs
L’examen des matériaux constitutifs de l’objet constitue les fondations de cette étude
de conservation-restauration. Cet examen précis des éléments présents nous aidera à : •
Retracer la chronologie de la conception de l’œuvre
•
Comprendre son histoire matérielle : la compréhension par la suite des altérations présentes et l’élaboration d’un diagnostic.
L’examen des matériaux suit la logique de la création de l’œuvre : il commence par la structure, puis remonte en stratigraphie jusqu’à la couche colorée. Méthodes d’investigations pour la compréhension de notre objet
L’étude de conservation-restauration suit le plan logique du raisonnement du conser-
vateur-restaurateur, mais doit avant tout s’adapter à l’objet d’étude.
L’étude historique a débouché sur l’hypothèse que l’objet de notre étude n’est pas un
panneau peint quelconque, mais un fragment de mobilier décoratif. L’étude technologique qui s’amorce ici viendra compléter ces suppositions précédemment émises.
L’autre particularité de l’objet de notre étude réside dans la multiplicité des interven-
tions qui l’a transformé. L’analyse des matériaux s’en trouve donc plus délicate. L’analyse des matériaux sera donc effectuée en deux temps : •
Par l’observation des éléments présents sur l’œuvre : par différents points de vue (à l’œil nu, en lumière rasante, et avec différents grossissements), sous différentes longueurs d’onde de lumière (lumière visible, ultraviolette) et sous rayons x.
•
Par la discrimination entre les éléments d’origine et les éléments ajoutés, qui permettra d’émettre des hypothèses sur les matériaux originaux et la mise en œuvre originelle. Ces suppositions seront étayées par des comparaisons avec des objets similaires, de la même époque, et dont l’état de conservation est satisfaisant.
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Conservation - Restauration
A.
Support 1. Observation et examens de l’objet de notre étude
a.
Observation du support actuel de l’objet
Le revers est une surface de bois dont trois délimitations font penser à une structure en trois planches. (voir Fig. 65).
L’objet est entouré de baguettes en bois de 6mm d’épaisseur (voir Fig. 64). Elles sont fixées par des pointes métalliques. Ces baguettes font également office d’encadrement.
Fig.64 : Vue du revers de l’Intervention des Sabines - Mesures générales
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Conservation - Restauration
Fig.65 : Vue du revers de l’Intervention des Sabines - Mesures des trois éléments visibles
Afin de pouvoir examiner la stratigraphie, les baguettes sont démontées en retirant les pointes à l’aide d’une pince. La stratigraphie du panneau est alors découverte (voir Fig. 66):
Fig.66 : Vue de la stratigraphie de l’Intervention des Sabines
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Conservation - Restauration
Le panneau que nous observions au revers n’est pas du bois massif, mais un panneau de particules agglomérées plaqué double face (voir Fig. 67). Ce placage extérieur donnait l’impression que le support était un panneau constitué de trois planches, mais il n’en n’est rien. Toutefois, ce matériau dérivé du bois n’est pas le support direct de la peinture. En effet, différentes couches sont présentes entre le panneau de particules et la couche colorée (voir Fig.67). Voici un détail de la partie supérieure de cette stratigraphie, où de nombreuses couches sont présentes :
Fig.67 : Détail de la stratigraphie de l’Intervention des Sabines
Cette superposition de matériaux laisse penser que différentes interventions se sont succédées sur cet objet. La démarche amorcée alors est la discrimination entre les matériaux d’origine et les matériaux de restauration, afin de n’analyser que les matériaux constitutifs dans la genèse de l’objet. La présence de certains de ces matériaux est très étonnante, notamment celle des deux toiles. En effet, il est plutôt d’usage que ce type de panneaux soit peint sur bois massif de peuplier. Les matériaux récents seront développés dans la partie du constat d’état consacrée aux précédentes restaurations,p.? . La toile la plus proche de la couche picturale est nommée «toile 1» et la toile noyée dans l’enduit d’intervention est nommée «toile2». La couche de céruse située entre la couche picturale et la toile 1 est nommée «céruse1» et les couches de céruse situées de par et d’autre de la toile 2 sont nommées «céruse 2» et «céruse 2bis»(voir Fig. 67).
b.
Examen radiographique
Afin d’approfondir l’analyse des matériaux présents sur cet objet, un examen radiographique est réalisé (voir Fig. 68). En effet, les rayons x traversent les matériaux et la réponse de ces derniers face à ces rayonnements peuvent donner une réponse aux questions soulevées par cette observation de l’objet. L’émulsion photographique réagit à l’énergie des rayons x. Plus le film radiographique
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Conservation - Restauration
reçoit d’énergie, plus il sera noir. Un matériau peu dense, qui a un faible poids moléculaire, laisse l’énergie du faisceau le traverser. A l’inverse, un matériau qui a un poids moléculaire élevé, donc une forte densité, sera absorbant. Le faisceau qui traverse ce matériau décroit en énergie et le film apparaîtra blanc1. Cet examen a pour objectif de nous éclairer sur les matériaux présents dans cette stratigraphie. Ces rayonnements, qui pénètrent en profondeur, peuvent être d’un grand secours lorsqu’on est confronté à une stratigraphie aussi complexe, quand on ne peut observer les matériaux dans toutes leurs dimensions. Les éléments recherchés lors de cet examen sont : • La présence ou non d’un support d’origine, en bois notamment • Une explication de la présence de cette toile : s’agit-il ou non d’une toile noyée dans la préparation ? • La confirmation que cette dernière recouvre l’ensemble de la surface de l’Intervention des Sabines. Le résultat de cet examen est surprenant, si on le compare aux examens d’autres panneaux similaires :
Fig.68 : Examen radiographique de l’Intervention des Sabines 1 DOYON, M. Étude historique et restauration de la Descente de croix, Rogier Van der Weyden (suiveur de), Apport de la radiographie dans l’étude des tableaux anciennement transposés de bois sur toile, Saint-Denis, 1997, p.101
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Dans l’examen radiographique du fronton de cassone Siège de Carthage du Courtauld Insitute (voir Fig. 69), le support bois et certaines plages colorées sont visibles2.
Fig.69 : Examen radiographique du Siège de Carthage, Courtauld Institute , Londres
Sur l’examen de l’objet de notre étude, aucune fibre de bois n’est visible, ni aucune plage colorée. En revanche, l’élément le plus visible est la toile 1. Elle est très régulière et recouvre l’ensemble de l’œuvre. La toile 2 n’apparaît pas. Le second élément le plus visible est la présence de points blancs. Le plomb ayant une forte densité moléculaire, la céruse de formule (PbCO3)2·Pb(OH)2 en est vraisemblablement responsable. Ces deux éléments sont d’ailleurs indissociables. En effet, nous pouvons voir qu’une opacité est visible en-dessous de la toile 1 et des points blancs sont visibles au-dessus. (voir Fig. 70) Cet emprisonnement de la toile entre ces deux couches opaques trahirait la présence de céruse en-dessous et au-dessus de la toile 1.
Fig.70 : Détail de l’examen radiographique 2 MARKEVICIUS, T., MOTTIN, B., THIEBAUT, D., GARNIER, N. , « Les scènes de la vie d’Esther : une collaboration entre Botticelli et Filippino Lippi » in L’œuvre du mois au musée du Louvre et au musée Condé, Paris, 2011, p.7
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Conservation - Restauration
L’interprétation de cet examen radiographique est complexe. Il a été réalisé pour répondre à des questions sur la stratigraphie de l’Intervention des Sabines. Il a permis de répondre à certaines questions, mais en a posé encore davantage. Voici un tableau récapitulatif des différents éléments apparents en lumière visible et aux rayons x :
Lumière visible
Rayons x
Support bois
Aucun
Aucun
Toile
1
Oui
Oui
2
Oui
Non
Céruse
De part et d’autre de la toile 2 et dans De part et d’autre de la toile 1 les lacunes
Lacunes
Oui
Non
Plages colorées Oui
Non
Fig.71 : Tableau récapitulatif des éléments visibles en lumière visible et aux rayons x
Réponses aux questions formulées : • Il n’y a plus de bois présent dans la stratigraphie originelle • La toile 1 est présente sous l’ensemble de la couche picturale et est vraisemblablement le support actuel de l’œuvre • La toile 1 n’est pas d’une toile noyée car elle semble récente (détaillé dans Constat d’état Anciennes Restaurations) et car il y a de la céruse au-dessus et en-dessous Nouvelles questions : • Pourquoi seule la toile 1 est visible? • Pourquoi ne voit-on pas la céruse 2 sur l’examen radiographique ? • Pourquoi l’examen radiographique ne discrimine-t-il pas les formes de la couche colorée, notamment les plages contenant du blanc de plomb? • Pourquoi les rayons x se sont-ils focalisés sur la toile 1 ? La difficulté de l’étude d’un examen radiographique réside dans le résultat en deux dimensions sur un document d’un phénomène de mesure en trois dimensions : les rayons x tra-
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Conservation - Restauration
versent plusieurs couches composées de différents matériaux, qui répondent différemment aux rayons x et il en résultera un point sur le cliché radiographique3. Selon les matériaux présents et la superposition des couches, chaque examen radiographique sera particulier. L’examen radiographique d’un objet comme L’Intervention des Sabines, qui comprend une stratigraphie composée de nombreuses couches, est donc particulièrement complexe. De plus, des différences de réponses des matériaux aux sollicitations des rayons x vont résulter des contrastes particuliers. Toutefois, cet examen radiographique aura été utile car il a permis, comme nous l’attendions, une meilleure compréhension des éléments présents dans la stratigraphie, et auxquels nous n’avons pas suffisamment d’accès pour pouvoir les examiner. Cet examen souligne donc la particularité de l’objet de notre étude : très peu d’éléments originaux subsistent. Il est donc difficile d’étudier la technologie de cet objet, et par conséquent il sera complexe d’établir un projet de conservation-restauration. Etant donné qu’aucun matériau d’origine n’apparaît dans cet examen radiographique, l’interprétation de celui-ci sera donc poursuivie dans le constat d’état, dans la partie réservée aux précédentes interventions. Afin de poursuivre cet examen des matériaux constitutifs, nous allons rechercher d’autres éléments, au plus proche des parties conservées, nous appuyer sur la documentation, et émettre des hypothèses.
2. Recherche des éléments du support d’origine
Lors du retrait des repeints et des sondages des anciens mastics, des fibres de bois
ont été retrouvées (voir Fig. 72 et 73).
1 cm
Fig.72 : Vue d’une fibre de bois sur l’Intervention des Sabines 3
Fig.73 : Localisation de l’ensemble des résidus de bois sur l’Intervention des Sabines
DOYON, M., op.cit, p. 102
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Conservation - Restauration
Hypothèses sur l’ancien support :
•
Matériau : Il s’agit vraisemblablement de bois. Cela corrobore l’hypothèse du
fragment de coffre émise lors de l’étude historique, et infirme l’hypothèse du faux peint sur toile. Il libro dell’arte écrit vers 1437 par Cennino Cennini (1370-1440) donne de précieuses informations quant à la préparation de ces coffres à cette époque, qui étaient préparés comme des panneaux.4
•
Essence : Il est difficile de déterminer l’essence du bois sur une fibre de taille
aussi réduite. Les panneaux de cette époque en Italie étaient souvent réalisés en bois de peuplier, y compris les cassoni5. Nous pouvons donc émettre l’hypothèse que l’ancien support était en bois de peuplier.
•
Sens de fil : Il était d’usage que les peintres positionnent le panneau de façon
à ce que le sens du fil du bois soit dans le sens de la plus grande dimension de l’œuvre6. Ce qui signifie pour nous le sens horizontal. Cet usage est confirmé par la position horizontale des fibres (voir Fig. 72)
•
Débit : ll ne s’agit pas d’un débit sur maille car ce dernier entraîne des réseaux
de craquelures en quadrillage, suite aux variations hygrométriques subies par les panneaux ainsi débités7. Les panneaux italiens sont très souvent débités sur dosse8 ; nous pouvons supposer qu’il en va de même pour l’Intervention des Sabines.
B.
Encollage
L’encollage est une couche d’adhésif dilué dans un solvant qui est badigeonné sur le support. Il sert à saturer le support et à créer une accroche entre le support et la couche picturale. A l’instar du support, cette couche n’est plus. Nous pouvons supposer, compte tenu de l’époque de réalisation de l’Intervention des Sabines, qu’il avait été réalisé à base de colle collagénique diluée dans l’eau et appliqué à chaud. Ces recettes traditionnelles de préparation des pan4
CENNINI, C. Il libro dell’arte, p. 135
5
SIMONNEAU, K., Les cassoni peints du musée national de la Renaissance, Paris, 2010, p.10
6
DOYON, M., op.cit, p.28
7
idem
8
Communication orale de M. Crinel, restaurateur spécialisé en supports bois
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neaux sont décrites dans le traité de Cennino Cennini9.
C.
Préparation
La préparation est visible dans les lacunes (voir Fig. 74 et 75). Il s’agit d’une couche constituée d’un adhésif (généralement le même que celui utilisé pour l’encollage) accompagné d’une charge. Il a une double fonction : préparer le bois pour assurer l’adhésion entre la couche picturale et le support et isoler la couche picturale du support, et d’éviter ainsi la migration du liant dans le support. La préparation des supports de bois à l’époque et dans le lieu de création de l’Intervention des Sabines se nomme le gesso et était réalisée en deux temps : le gesso grosso10 constitué de gros plâtre, puis le gesso sotile11 consitué de plâtre fin, amorphe ou «tué».
Fig.74 : Gesso visible dans les usures d’un personnage
D.
Fig.75 : Localisation du détail du gesso sur l’Intervention des Sabines
Fragments de feuilles métalliques
Des fragments de feuilles métalliques se situent entre la préparation et la couche colorée (voir Fig. 76). Il s’agit vraisemblablement de feuille d’or :
9
CENNINI, C., op.cit, p.103-104
10 CENNINI, C. op.cit, p. 104 : « CXV : Comment on doit enduire avec du gros plâtre le plat du tableau ou de la planche. Quand le panneau est bien sec (…). Aie du gros plâtre de Volterre purgé et tamisé comme de la farine (…) .Prends un pinceau de soie doux, et passe de ce plâtre sur les corniches, les frises et sur le plat de la planche (…). Sur les plats, tu n’en peux trop donner. Laisse sécher deux ou trois jours ; puis reprends le grattoir rond de fer et gratte partout sur la surface» 11 CENNINI, C. ibidem, p. 105 : « CXVII : Comment on prépare et encolle sur panneau avec du plâtre fin. Quand tu as mis les couches de gros plâtre, raclé bien uni, aplani bien délicatement, prends de ce plâtre fin (….) .Lorsqu’il est bien chaud, prends ton panneau, avec un assez gros pinceau de soies bien doux, trempe-le (…) pour étendre une nouvelle couche sur le plein.»
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Fig.76 : : Vue d’un fragment d’or - Détail de l’Intervention des Sabines sous microscope x 200
Fig.77 : Localisation des fragments d’or sur l’Intervention des Sabines
Ces fragments de feuilles métalliques ne sont pas figuratifs, ne correspondent à aucun dessin, à aucun vêtement ou attribut traditionnellement réalisé avec de la dorure. De plus, ils ne sont visibles que dans des usures de la couche colorée (voir Fig. 77), ce qui confirme qu’ils ne sont pas figuratifs et n’avaient pas leur place dans la composition. Ces fragments sont situés aux extrémités dextre et senestre (voir Fig. 77). La présence d’or sous la couche colorée dans ces zones étaye la thèse du fragment de cassone. En effet, cette superposition est courante dans la stratigraphie de ces panneaux12 : les coffres étaient construits, préparés,
Fig.78 : Giovanni di ser Giovanni (dit lo Scheggia), Un combat de cavalerie sous les murs de Troie, or et tempera sur peuplier, 37,5 x 161,5 x 1,8 cm, Musée National de la Renaissance, Ecouen, étude des lacunes de feuille d’or sous loupe binoculaire x 20
puis l’or était appliqué sur les moulures13 et pour finir les frontons étaient peints14 .
12 BENOIT, C., «Etude au laboratoire d’un panneau de cassone, Combat de Cavalerie sous les murs de Troie», in Les Cassoni peints du Musée National de la Renaissance, 2010, p.84 13
CENNINI, C. op.cit, chapitre CXXIII, p. 224
14 CALLMANN, E, «William Blundell Spence and the Transformation of Renaissance Cassoni », The Burlington Magazine, 1999, juin p.344
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E.
Dessin
Le dessin se réalisait à l’encre après le ponçage du gesso. il n’y a pas de dessin sous-jacent ou d’incisions visibles, ce qui correspond aux usages traditionnels de la conception des panneaux de cassoni15 .
Fig.80 : Détail de l’Intervention des Sabines
Fig.79 : Détail des Adieux d’Achille et Briséis, école ombrienne, fin du XVè siècle, tempera sur bois, 31,4 x 63,3 x 0,10 cm, Musée National de la Renaissance, Ecouen
L’exécution du dessin de l’Intervention des Sabines (voir Fig. 80) peut être rapproché d’un autre fragment de cassone (voir Fig. 81).
F.
Couche colorée 1. Imprimatura
Avant la réalisation de la couche colorée, une couche d’imprimatura de couleur ocre rouge a
15
BENOIT, C., op.cit., p 81-82.
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probablement été appliquée. L’usage d’une couleur chaude correspond à l’usage de la préparation des panneaux à cette époque16.
2. Liant
L’époque de création de cet objet se situe dans la transition dans la peinture sur pan-
neau entre l’utilisation de la tempera à l’utilisation de l’huile comme liant de peinture. Le mobilier décoratif n’échappe pas non plus à cette évolution.17 Sur l’objet de notre étude, la transparence et la légèreté de la couche colorée originale laissent supposer qu’il s’agit d’une technique aqueuse. Il peut être alors question d’une détrempe type tempera18 à l’œuf. Selon les recettes, les artistes utilisent le jaune d’œuf mélangé avec du vinaigre, ou bien l’œuf entier. Certains y ajoutent de l’huile ou superposent afin de créer des jeux de transparence. Les traités du moine Théophile (fin XIe- début XIIe siècle) et de Cennino Cennini sont des documents précieux sur les recettes des peintres. Elle n’a probablement pas été utilisée avec de l’huile pour les rehauts, puisqu’aucun glacis gras n’est visible.
3. Mise en œuvre La structure du polymère et la rapidité de séchage due à l’évaporation rapide de l’eau sont déterminants dans la mise en œuvre et le rendu pictural. En effet, la tempera a des contours et des traits de pinceau beaucoup délimités, et le volume est rendu par superposition de couleurs plus claires ou plus foncées. Après évaporation du solvant, le film devient imperméable.19 La peinture a tempera sèche rapidement donc ne peut pas être mélangée et travaillée comme 16 VASARI, Le vite de’Più eccelenti Architetti, pittori, e scultori italiani, di nuova dal Medesimo riviste e Ampliate, e l’aggiunta delle Vite de’vivi, e de morti dall’anno 1550 infino al 1567, Giunti, 1568, Paris, Bibliothèque Nationale de France, 1568, p.230 17
SIMONNEAU, K., op.cit., p.10
18 MARGIVAL , F. «Un liant jadis en vogue maintenant bien délaissé : Le jaune d’œuf et les peintures à la tempera» in Peintures-Pigments-Vernis - vol. 43, n° 1 p.48-53 ,1967 : La « tempera » est un terme générique qui désigne une détrempe, c’est-à-dire une peinture avec un liant aqueux. On a consacré ce terme pour désigner spécifiquement la détrempe à l’œuf lors de la généralisation de la peinture à l’huile, et ce afin de la démarquer.» 19 DELCROIX, G., HAVEL, M., Phénomènes physiques et peinture artistique p. 187 : « Dans une émulsion, les particules dispersées se rapprochent pendant que l’eau s’élimine. La tension superficielle tend alors à les aplanir en une couche qui sera plus ou moins poreuse selon ce qu’aura permis leur viscosité, souvent fonction de la chaleur. Dès que la soudure est faite, l’irréversibilité est atteinte. L’eau encore présente finira de disparaître sans modifier la couche formée qui garde ses dimensions mais est devenue complètement hydrophobe et irréversible. Ce processus laisse toujours une porosité qui n’est pas sans intérêt. Le séchage d’une émulsion est donc un phénomène brusque suivi d’une modification profonde qui d’un corps hydrophile forme un corps lipophile.»
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un liant séchant lentement comme l’huile. Les couleurs a tempera sont plus opaques et plus satinées que celles à l’huile. Ceci est dû à une différence importante entre l’indice de réfraction des pigments (entre 1,5 et 3) et celui du liant aqueux (environ 1,35 contre 1,48 pour l’huile).20
Par exemple, le casque (voir Fig. 82) est réalisé à l’aide d’un pinceau qui a une réserve conséquente. Le modelé est réalisé dans le frais, à l’instar de l’aquarelle. Les reflets clairs sont superposés avec un pinceau plus fin. Ces traits clairs ne se mélangent pas avec la teinte sous-jacente et ne forment pas un fondu. Sur la manche
Fig.81 : Détail d’une plage colorée Vue de la couche picturale de l’Intervention des Sabines
du personnage (voir Fig. 83), l’ombre est réalisée par superposition d’une teinte plus foncée. La couche colorée est fine, sans empâtements.
Fig.82 : Modelé du casque Détail de la couche picturale
Fig.83 : Modelé du pourpointDétail de la couche picturale
20 RIVOAL, A., Conservation-restauration de «La Vie de saint André», panneau peint catalan, fin XIIIe-début XIVe siècle (musée des Arts Décoratifs, Paris), Mémoire de fin d’étude Institut National du Patrimoine, Département des restaurateurs, 2012, p.52
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4. Pigments L’observation de la couche colorée, recoupée avec la documentation sur les usages des artistes à cette époque, permettent de supposer que les matières colorantes en présence sont naturelles ou issues de la chimie de l’époque : ocre, terres, malachite, cinabre et carmin. Les ocres (voir Fig. 89) sont des minéraux principalement constitués d’argile et de silice. Ils tirent leurs couleurs de différents hydroxydes de fer: le goethite pour l’ocre jaune et l’hématite pour l’ocre rouge21. La terre d’ombre naturelle (voir Fig. 87) est un mélange de fer ainsi que d’oxydes et d’hydroxydes de manganèse. Sa couleur dépend de ces proportions en fer en manganèse22. La malachite (voir Fig. 84) «est une espèce minérale du groupe des carbonates minéraux de formule Cu2CO3(OH)223». Le cinabre (voir Fig. 88) qui est une teinte rouge orangé est un sulfure de mercure utilisé depuis le Moyen-age24 en occident pour les peintures sur bois25. Le carmin (voir Fig. 86) qui est une teinte rouge violette est extrait de deux insectes : le kermès et la cochenille26.
L’ Intervention des Sabines étant vraisemblablement un fragment de panneau frontal issu d’un mobilier, nous pouvons supposer qu’il n’était pas recouvert d’une couche de protection.
21
http://www.webexhibits.org/pigments/indiv/overview/yellowochre.html http://www.webexhibits.org/pigments/indiv/overview/redochre.html
22
http://www.webexhibits.org/pigments/indiv/overview/umber.html
23
https://fr.wikipedia.org/wiki/Malachite
24
PETIT,J.,ROIRE, J., VALOT, H., Des liants et des couleurs, p. 80
25
CENNINI, C. op.cit., p. 64
26
PETIT,J.,ROIRE, J., VALOT, H., op.cit, p. 60-62
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Fig.84 : Malachite (1)
Fig.85 : Terre de Sienne (2)
Fig.86 : Carmin (3)
Fig.87 : Terre d’ombre naturelle (4)
Fig.88 : Cinabre (5)
Fig.89 : Ocre jaune (6)
5
6
1
3
2
4
Fig.90 : Localisation sur l’Intervention des Sabines des pigments cités
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II.
Constat d’état
1)
Après l’analyse des matériaux constitutifs de l’œuvre, un constat descriptif et quanti-
tatif des altérations des matériaux décrits dans la mise en œuvre est réalisé. Ce constat suit une logique chronologique, de la conception de l’œuvre jusqu’aux interventions les plus récentes :
•
Vieillissement des matériaux constitutifs énoncés
•
Accidents survenus au cours de son histoire matérielle
2)
Puis viendra le constat des éléments ajoutés :
•
Les restaurations effectuées auparavant, leur contexte historique et tech-
nique.
•
Le constat des altérations dues à ces ajouts.
•
Le constat des altérations de ces éléments ajoutés .
L’objet de notre étude ayant été très remanié, cette partie est capitale pour la compréhension de l’Intervention des Sabines. Après l’examen quantitatif des altérations présentes sur l’œuvre, l’analyse des anciennes restaurations est indispensable à la compréhension de l’Intervention des Sabines.
A.
Altérations des matériaux constitutifs
Le support d’origine de l’Intervention des Sabines est absent, excepté quelques résidus. Cette énonciation des altérations des matériaux constitutifs ne concernera que la couche picturale.
1. Craquelures Des craquelures sont dirigées dans le même sens, suivant le fil du bois (voir Fig. 91). Ce sont des craquelures d’âge, dues au vieillissement des matériaux picturaux sur le support bois, qui est sensible aux variations hygrométriques.
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Fig.91 : Direction des craquelures – Détail de la couche picturale
2. Usures L’ensemble de la couche picturale souffre de manques de matière, laissant apparaître la préparation. Ils sont causés par les mouvements de l’ancien support bois, ou bien par les agression dues à son ancien usage en temps que mobilier, ou par les restaurations antérieures. Si on fait abstraction des grandes lacunes cérusées, la couche colorée présente de nombreuses usures qui devaient rendre l’image «floue».
3. Rayures La couche picturale souffre de nombreuses rayures. Il ne s’agit pas de traits de construction. Elles se caractérisent par des sillons linéaires creusés dans la matière picturale (voir Fig. 92).
Fig.92 : Vue de rayures - Détail de la couche picturale
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4. Lacunes Les manques de matière constituent l’altération la plus importante de la couche picturale. Qu’elles soient dues aux mouvements du support sous l’effet de l’hygrométrie, à l’usage de l’objet ou aux lourdes interventions sur le support, il est difficile de savoir si ces lacunes ne sont dues qu’au vieillissement ou si le facteur humain a aussi contribué à leur apparition. La plupart sont de forme longitudinale, suivant le sens de fil de l’ancien support bois. Un relevé des altérations a été réalisé (voir Fig. 93). Deux sortes de lacunes ont été différenciées :
•
Les pertes de matière superficielles qui laissent apparaître la préparation
•
Les lacunes profondes qui laissent apparaître l’actuel support ou qui ont été
comblées à la céruse lors d’une précédent intervention. Avec le logiciel Mesurim©, les lacunes ont pu être quantifiées en pourcentage sur l’ensemble de l’Intervention des Sabines :
•
9% de lacunes cérusées
•
15% au total de manques de matière (lacunes cérusées et usures)
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Fig.93 : Relevé des manques de matière picturale sur l’Intervention des Sabines
Usures
Lacunes cérusées
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La partie inférieure dextre (voir Fig. 94) qui est la plus lacunaire a fait l’objet d’une mesure particulière :
Fig.94 : Localisation de la zone ayant fait l’objet d’une mesure particulière de manques de matières
Le quart inférieur dextre souffre de 30% de manques de matière (lacunes mastiquées et usures). Après avoir énoncé les altérations dues au vieillissement des matériaux constitutifs ainsi que les accidents survenus au cours de son histoire matérielle, nous allons à présent poursuivre cette étude en évoquant les anciennes restaurations qui ont été réalisées sur L’Intervention des Sabines.
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B.
Anciennes restaurations
Les anciennes interventions de restauration vont être à présent exposées. Cette phase d’analyse est d’autant plus indispensable que ces interventions invasives ont refondu l’œuvre. Pour cela, une observation et une datation des matériaux est requise, recoupées avec une recherche documentaire.
1. Couche picturale
a.
Application de céruse
Une couche d’un matériau blanc a été appliquée sur la couche picturale. Elle mesure 9,4 cm de largeur maximale à l’angle supérieur dextre et 8,9 cm de largeur maximale à l’angle supérieur senestre (voir Fig. 95). Ce matériau étranger à la stratigraphie originelle est en premier lieu visible grâce à un réseau de craquelures différent. En effet, le réseau de craquelures (type 2- voir Fig. 97) diffère beaucoup de la couche picturale originale adjacente (type 1 - voir Fig. 96). Ce matériau
Fig.95 : Localisation de la céruse appliquée sur le couche picturale
est insoluble à l’eau et apparaît opaque à l’examen radiographique ; il s’agit vraisemblablement de céruse.
Fig.96 : Craquelures type 1
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Fig.97 : Craquelures type 2
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b.
Mastics
D’anciens mastics sont présents sur la couche picturale. Ils sont de différentes natures : -
Mastics blancs 1 : ils comblent la plupart des lacunes profondes qui sont représentées
en bleu sur le relevé des altérations (voir Fig. 98). Ils sont composés d’huile et de blanc de plomb car ils ont été réalisés lors d’une intervention de support (voir les anciennes restaurations du support p.). Certains d’entre eux débordent sur la couche picturale. -
Mastics rouges 2 qui se superposent aux mastics blancs (voir Fig. 99). Ils leur sont
donc postérieurs.
Fig.98 : Vue des mastics 1 débordants - Détail de la couche picturale sous loupe binoculaire x 16
c.
Fig.99 : Vue des mastics 1 et 2 superposés - Détail de la couche picturale sous loupe binoculaire x 16
Repeints
L’autre altération majeure de la couche picturale de l’objet de notre étude est la présence de très nombreux repeints. Si l’altération majeure de la couche picturale est la multiplicité des lacunes, la conséquence logique est la présence de nombreux repeints, destinés à camoufler ces lacunes. Plusieurs campagnes sont discernables. Etant donné la complexité stratigraphique de ces repeints, les différentes couches seront numérotées.
i. Etat de conservation de la couche picturale en 2011 Si la couche picturale était encore recouverte de nombreux repeints lorsque l’œuvre nous a été confiée, elle l’a encore davantage été dans le passé. En effet, lorsque le propriétaire de l’Intervention des Sabines acquiert l’objet, la couche picturale était dans cet état de conservation :
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Fig.100 :
Vue de l’état de conservation de la couche picturale en 2011
La couche picturale est intégralement repeinte. Chaque élément est présent mais réinterprété de façon fantaisiste (voir Fig. 100). Cette couche est nommée repeints 3. Le propriétaire a l’intuition que ces repeints recouvrent une couche picturale plus ancienne. Il le confie alors à un restaurateur qui retire la majeure partie des repeints 3 et, voyant qu’il y a une couche picturale plus raffinée en-dessous, s’arrête dans son travail afin d’effectuer des recherches. Les repeints 3 restants sont brillants et en relief (voir Fig. 101). Ce précédent restaurateur, auquel l’objet a été confié, n’ayant pas réalisé de documentation photographique, nous n’avons pu avoir davantage d’informations sur cette intervention.
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Fig.101 :
Vue de repeints 3 - Détail de la couche picturale
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ii. Etat de conservation de la couche picturale lors de l’entrée dans l’atelier de restauration de peintures de l’école de CondéLorsque l’Intervention des Sabines nous est confiée comme œuvre de mémoire, la couche picturale était dans cet état de conservation (voir Fig. 102) :
Fig.102 :
Vue de la couche picturale lors de l’entrée de l’Intervention des Sabines dans l’atelier de restauration de peintures de l’école de Condé
Une simple observation à l’œil nu révèle déjà de nombreux repeints que nous discriminons ainsi : Fond : Ce détail de la couche colorée (voir Fig. 103) nous montre déjà que tout le fond vert est repeint avec une matière plombée et opaque. Ils sont nommés repeints 2.
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Fond opaque sans craquelures Matière picturale craquelée
Fig.103 :
Fond superpose le dessin Lacunes ruptures dans la matière picturale originale et dans les repeints
Le matériau employé pour ces repeints pourrait être de la tempera Muzii. En effet, ils sont très opaques et semblent polymérisés. Or ce matériau a été très utilisé pour la retouche, puis sa production a été stoppée en raison de l’assombrissement des couleurs. Ce changement de teinte pourrait être, selon Anne-Elizabeth Rouault, du à l’association de gomme arabique et l’acide salicylique qui entrent dans sa composition27. Les lacunes cérusées lors de la transposition sont des ruptures dans la continuité de la couche picturale originale ainsi que dans les repeints 2 (voir Fig. 104). Ces derniers sont donc antérieurs à la transposition.
Fig.104 : Lacunes ruptures dans la matière picturale originale et dans les repeints 2
Dessin : Une observation du dessin et des lignes graphiques laissent deviner que la plupart des traits noirs ont été rehaussés. Un visage de femme (voir Fig. 105) est presque dénué de repeints. Il peut ainsi être rapproché d’un visage d’un autre fragment de cassone (voir Fig. 106) et peut servir de référence. Nous pouvons alors en déduire que le visage de femme très graphique (voir Fig. 107) n’est pas en adéquation stylistiquement avec un dessin d’époque (voir Fig. 106) et que les traits sont trop épais. 27 ROUAULT, A.E., Étude historique et technico-scientifique : la tempera Muzii, Mémoire de fin d’études, Diplôme de Restaurateur du patrimoine - Spécialité Peinture, Saint-Denis, 1993, p.134
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Fig.105 : Détail d’un Fig.106 : Vue d’un visage de Fig.107 : Vue d’un visage visage féminin de Les Adieux femme - Détail de l’Intervention des de femme - Détail de l’Intervend’Achille et Briséis, école Sabines tion des Sabines ombrienne, fin du XVè siècle, tempera sur bois, 31,4 x 63,3 x 0,10 cm, Musée National de la Renaissance, Ecouen
Rehauts : De nombreux rehauts ont été réalisés autour des personnages. Ils ne sont pas en adéquation avec la plastique de l’objet, dénaturent le dessin et donnent à l’œuvre un aspect de bande dessinée.
Fig.108 : Rehauts noirs - Détail de l’Intervention des Sabines
Visages : La plupart des visages ont été rehaussés avec des traits noirs à l’encre et des repeints huileux dans les tons de rose, qui accentuent les carnations et les expressions des personnages (voir Fig. 109). L’ensemble des repeints huileux, des traits de dessin rehaussé, et les rehauts noirs sont désignés sous le terme repeints 1.
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Fig.109 :
Visages des personnages rehaussés à la peinture à l’huile - Détails de la couche colorée
L’identification des repeints est une tâche ardue car :
•
Ils recouvrent une proportion très importante de la couche colorée.
=> L’identification des repeints nécessite une très bonne connaissance
du dessin et de la mise en œuvre de la tempera à cette époque.
•
Les parties les plus exemptes de repeints sont les rares zones dans les figures
où les craquelures linéaires dues au mouvement du support original sont encore
visibles.
L’épaisseur de la stratigraphie de la couche colorée n’est pas un indicateur
•
de la présence de repeints, car l’ensemble de la couche picturale, avec les
couches repeints 1 et repeints 2 (qui datent d’avant le marouflage), a été
écrasée sous presse (voir les anciennes restaurations du support p.134).
d.
Matériaux de refixage
En plus des repeints, plusieurs matériaux de refixage sont présents sur la couche picturale.
i. Cire De la cire est présente à la surface de la couche picturale (voir Fig. 110). Elle est d’origine végétale et son point de fusion très élevé (80 à 100°). Nous supposons qu’il s’agit de cire de carnauba. Elle a probablement Fig.110 : Cire de carnauba Détail de la couche picturale sous loupe binoculaire (x16)
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été utilisée comme matériau de refixage pour la couche picturale.
ii. Résine synthétique Une couche de résine synthétique est présente sous forme de film (voir Fig. 111). La présence de cette résine synthétique explique la fluorescence violette sur l’ensemble de la couche picturale lors de l’observation de l’Intervention des Sabines sous lumière ultraviolette (voir Fig. 112).
Fig.111 : Résine synthétique en film sur la surface de la couche picturale
Fig.112 :
Vue de la couche picturale sous fluorescence ultraviolette
Une résine translucide jaunie est visible dans les creux (voir Fig. 113). Nous en avons déduit qu’il s’agissait du même matériau : cette résine a probablement été utiFig.113 : Résine jaunie dans les creux Détail de la couche picturale
lisée pour effectuer un refixage généralisé de la couche picturale au moment du marouflage avant d’être mise sous presse (voir les anciennes restaurations du support p.144). La résine aurait donc été appliquée sur l’ensemble de la couche picturale en excès, et plus abondamment dans les creux, et ce afin de les combler lors de la mise sous presse. Cela permettait probablement au restaurateur qui a effectué le marouflage de réaliser deux opérations en une : le marouflage du support et le refixage de la couche picturale.
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2. Support Comme nous l’avons vu dans l’examen des matériaux, l’Intervention des Sabines est dénué de son support d’origine. Nous allons donc essayer de détailler les lourdes interventions que cet objet a subi. A l’instar de la couche picturale, nous pensons que le support a subi plusieurs interventions successives. Il est d’ailleurs cohérent que, si le support a été successivement restauré, la couche picturale aussi. En effet, toute cette stratigraphie est liée. Les altérations du support ont eu des conséquences sur la couche picturale, que l’on a cherché à masquer. Des contradictions sur les matériaux constituant le support émanent des observations à l’œil nu recoupées avec l’examen radiographique : L’examen radiographique a révélé l’absence de bois, la présence de deux toiles ainsi que de trois couches de céruse. Le résultat de cet examen révèle donc des matériaux ajoutés, puisque le réseau de craquelures de la couche picturale est typique d’un support de bois. De nombreux éléments nous conduisent à l’hypothèse que l’Intervention des Sabines a subi une transposition du support :
•
La dualité du support,
•
L’aspect de la toile qui ne semble pas être une toile noyée dans une prépara-
tion mais plutôt un matériau récent
•
L’impression de toile dans certaines zones de la couche picturale
•
L’état lacunaire de l’objet
•
La présence de céruse dans les couches stratigraphiques et dans les lacunes
•
Des ruptures dans la continuité de la couche picturale qui laissent penser à des
accidents de transposition
L’Intervention des Sabines n’est pas présenté aujourd’hui sur une toile, telle une peinture de chevalet. Cette intervention de transposition a été suivie d’une autre intervention de support afin de présenter l’objet sur un support rigide.
a.
Transposition
La transposition est le passage d’une couche picturale d’un support à un autre (voir Fig. 116).
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Fig.116 :
Couche colorée
Couche colorée
Couche colorée
Préparation
Préparation
Encollage
Céruse 1 Céruse 1
Support bois
Toile 1
Préparation
Toile 1
Schématisation de la stratigraphie avant et après transposition du support bois au support toile
Cette intervention est une succession de délicates interventions, que nous allons à présent à présent détailler, par l’observation faite de l’Intervention des Sabines, étayés d’appuis documentaires.
i. Destruction du support original : Nous pouvons supposer que la couche picturale a été maintenue par un cartonnage, que le support d’origine a été retourné afin de raboter le bois, dans le sens de fil28, c,’est-à-dire le sens de la longueur du panneau (voir Fig. 114). En principe, lors
Fig.114 : Simulation informatique du mouvement de l’élimination de l’ancien support bois
qu’il ne reste qu’une fine épaisseur de bois, elle est séparée doucement de la préparation par l’apport d’humidité29. Ainsi, le support original a été éliminé, à l’exception de certaines fibres situées dans de grandes lacunes (voir examen des matériaux constitutifs p.112 : Fig. 172-73). Fig.115 : Simulation informatique de l’envers de la couche picturale après le retrait du support bois
28
ROSTAIN, E. , Rentoilage et transposition des tableaux, Puteaux, 1987, p.107-108
29
DOYON, M., op.cit,, p.110
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136
Conservation - Restauration
ii.
Amincissement, régénération de la
préparation céruse 1 et masticage des lacunes avec un enduit à base de céruse D’une manière générale, après la suppression du support original, la partie pulvérulente de la préparation est également supprimée30. Il est difficile de savoir si la préparation de l’Intervention des Sabines a été amincie, car nous ne connaissons pas la raison qui est à l’origine de cette intervention : le bois était-il infesté et la préparation pulvérulente, provoquant des pertes de matière, ou simplement un phénomène de mode31? Si la transposition a été motivée par une pulvérulence de la préparation, cette dernière a probablement été amincie, dans sa partie en contact avec le bois32. Après amincissement ou non de la préparation, cette dernière est régénérée par une enduit à base de céruse et d’huile, qui renourrit et redonne de la cohésion à la préparation originale resFig.118 : Simulation informatique de l’envers de la couche picturale après application de la couche de céruse 1
tante33 : c’est la céruse 1 (voir Fig. 118). L’huile contenue dans la céruse remonte à la surface. Ainsi, afin de dégraisser la préparation, on absorbe cette huile à l’aide de carbonate de calcium dilué dans l’eau ou de savon noir34, ou par l’apport de sable35 . Cette apport de charge granuleuse qui absorbe l’huile explique la présence de matière granuleuse dans certains mastics (voir Fig. 117).
Fig.117 : Vue d’un mastic granuleux - Détail de la couche picturale 30
ROSTAIN, E., op.cit., p.110
31 BERGEON, S., «Science et patience» ou la restauration des peintures, éditions Réunion des Musées Nationaux, Paris, 1990, p.90 32 ROSTAIN, E, op.cit., p.110 : « Plus encore que pour un tableau sur toile, on remarque, pour un tableau sur bois, dont la préparation est plus absorbante de par sa préparation particulière, la pénétration du liant de la peinture qui l’a durcie. C’est la sous-couche, vraiment malade, celle en contact avec le bois, qui doit être supprimée et remplacée. (.. .) il faut donc l’enlever pour atteindre la partie solide directement attachée à la couche picturale et faisant corps avec elle. 33
DOYON, M., op.cit,, p.137
34
ROSTAIN, E., op.cit., p.100-101
35
Transmission orale d’une restauratrice
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137
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Les anciennes lacunes sont mastiquées par le revers36 (voir Fig. 119). Cela permet d’obtenir une bonne planéité au revers37.
Fig.119 : Simulation informatique de l’envers de la couche picturale après masticage des lacunes
iii. Pose de textile : toile 1 Un textile est appliqué au dos de la préparation cérusée. Il s’agit de la toile 1 visible sur la radiographie date de la transposition. Il est certain que ce textile date de la transposition et n’est pas une toile noyée pour deux raisons : Fig.121 : Simulation informatique de l’application d’une toile au revers de la couche picturale préalablement cérusée
•
Il est emprisonné entre deux couches de céruse, ce qui a provoqué son em-
preinte sur l’examen radiographique
•
Fig.120 :
Il est situé en stratigraphie sous les fibres de bois (voir Fig. 120) :
Vue de la toile 1 sous une fibre de bois - Détail de la couche picturale
36
DOYON, M., op.cit., p.32
37
DOYON, M., op.cit., p.110
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Fig.122 :
toile 1
Vue de la
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Au XIXe, et au début du XXe chez certains, la toile est mieux considérée que le bois car il est moins sujet aux attaques biologiques et aux variations dimensionnelles qui provoquent des soulèvements. Le nouveau support textile de l’œuvre n’est pas accessible à l’observation dans toutes ses dimensions ; il n’est visible en que sur les bords de l’œuvre et dans les lacunes. Son empreinte est visible sur tout l’objet dans l’examen radiographique. En effet, la toile 1 est emprisonnée entre la couche de céruse 1 et la couche de céruse 2. La densité très haute de la céruse (due au poids moléculaire important du plomb qui la constitue) contraste avec les fils de la toile de faible poids moléculaire38. Avec ces éléments visibles, nous essaierons de déterminer les caractéristiques de la toile 1, nouveau support de l’Intervention des Sabines.
•
Nature des fibres textiles : lin
•
Armure (enchevêtrement des fils) : toile
•
Contexture : 27 fils cm²
•
Facture et datation : très régulière, fine, tissage serré donne un aspect quadril
lé, peut-être industrielle.
Cela correspond à d’autres stratigraphies de transposition de bois de peuplier sur toile, où on a déjà vu l’utilisation d’une toile très fine, proche de la couche picturale39. L’utilisation de ce textile fin et serré est le signe de l’évolution de la technique, car l’objectif est de ne pas marquer la couche picturale. 40
38
DOYON, M., op.cit,. p.35
39 BERGEON, S., « Transposition de bois de peuplier sur toile : Palma Vecchio (Jacopo), La Vierge, l’Enfant, Saint Pierre, Saint Jérôme et un donateur (Chantilly, Musée Condé) » op.cit., p.86 40
ROSTAIN, E.,op.cit., p.12
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Fig.123 :
Vue de la toile 1 dans une lacune
Fig.125 : Vue d’une fibre de toile 1
Fig.126 :
Fig.124 :
Vue de la toile 1 dans une lacune
Vue en coupe x200 d’une fibre de toile 1 dans la stratigraphie
La toile 1 a peut-être été préalablement encollée à la colle de pâte41. Des guirlandes de tension sont visibles sur l’examen radiographique (voir Fig. 127). Leur présence peut s’expliquer par deux raisons :
•
Soit la toile a été préalablement
tendue sur un bâti avant l’opération de transposition
•
Soit la toile a été tendue sur
châssis après la transposition, avant d’être marouflée sur un autre support.
41
Fig.127 : Guirlandes de tension - Détail de l’examen radiographique
DOYON, M., op.cit, p.32
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b.
Marouflage
L’intervention de transposition a été suivie d’une seconde intervention de support : le
marouflage. Ce terme désigne le collage d’une surface souple sur une surface rigide42 (voir Fig. 128). Couche colorée
Couche colorée
Préparation
Céruse
Préparation
Céruse 1
Toile 1
Toile 1
Céruse 2 Toile 2 Céruse 2bis Panneau de particules agglomérées plaqué double face
Fig.128 :
Stratigraphie de l’œuvre avant et après marouflage
Il est difficile de savoir pour quelle raison cette intervention a été décidée. Deux principales raisons sont plausibles :
•
Pour une raison esthétique : afin de le présenter en tant que panneau, ou pour
l’insérer dans un décor ou une boiserie. Cette hypothèse de l’insertion dans un autre objet est étayée par l’aspect rectiligne des bords de l’ensemble de la stratigraphie de l’objet, qui semble volontaire. Cette linéarité n’a probablement pas été obtenue par l’opération de marouflage, mais a posteriori par découpe ou ponçage.
•
Pour une raison technique : afin d’éviter les mouvements de la toile en la fi-
geant. En effet, dès le XIXe siècle, des recherches sont mises en œuvre afin de trouver des supports inertes. Car des œuvres sur bois transposées sur toile voient leur aspect de surface modifié par le grain du textile43.
42 BERGEON, S, op.cit., p.91, note 4 : « On utilise le mot maroufler dans le sens de coller une surface souples sur une surface rigide. A l’origine, la « maroufle », mélange riche en huile, très chargé de peinture, résidu de pincelier, était l’adhésif utilisé pour coller sur des parois, murs ou plafonds, une composition peinte sur toile en atelier. » 43
DOYON, M., op.cit., p.112
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i. Couche d’intervention Enduits épais à la céruse : céruse 2 et céruse 2bis Entre le support textile et le support rigide se trouve une couche d’intervention ; elle est composée d’un textile, qui est la toile 2, ainsi que de deux couches de céruse de par et d’autre de celui-ci, céruse 2 et céruse 2bis. Rostain préconise l’utilisation de céruse, qui donne une bonne solidité au collage et constitue une barrière contre l’humidité44. La céruse utilisée en colle de marouflage est appliquée en couche épaisse. Cette couche située sous la toile de transposition confère l’opacité à l’examen radiographique.45 Pose d’un second textile : toile 2 La toile 2 se trouve entre les deux couches de céruse 2 et céruse 2bis, utilisées ici comme colle de marouflage. Il n’est possible d’en observer que la section de ses fils dans la stratigraphie (voir Fig. 129) et elle n’apparaît pas sur l’examen radiographique. Sur une longueur d’1 cm, 13 fils peuvent être comptés. La section visible de ces fils Fig.129 :
Vue en coupe d’un fil de toile 2
est de taille supérieure à la section visible des fils de la toile 1, plus proche de la couche picturale. Nous pouvons donc en déduire que la toile 2 est plus épaisse ou de contexture plus lâche que la toile 1. Il n’est pas rare d’utiliser deux textiles de contexture différente dans une telle stratigraphie : «la plus proche de la peinture, très fine, la suivante, plus proche de la toile de rentoilage était plus solide et plus épaisse»46.
44
ROSTAIN, E.,op.cit., p.112
45
DOYON, M., op.cit,., p.138
46 BERGEON, S « Transposition de bois de peuplier sur toile : Palma Vecchio (Jacopo), La Vierge, l’Enfant, Saint Pierre, Saint Jérôme et un donateur (Chantilly, Musée Condé) » op.cit., p.86 BERGEON, S « Transposition de bois de chêne sur toile sans enduit, Teniers (David), Intérieur de Cabaret (Musée du Louvre), note 1, ibidem, p.88
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Nous pouvons déterminer peu de caractéristiques de la toile 2 :
•
Nature des fibres textiles : lin (tissage lâche), ou bien chanvre ou jute
•
Armure (enchevêtrement des fils) : inconnue
•
Nombre de fils : 13 fils sur une longueur d’1cm
•
Facture : lâche
ii. Support de marouflage Le support de marouflage de l’Intervention des Sabines est un panneau de particules agglomérées, dont les deux faces ont été plaquées à raison d’une couche d’1,5 mm d’okoumé. L’une des faces plaquées est en contact avec la céruse 2bis et l’autre face plaquée visible donne au revers une apparence de panneau, ce qui était probablement l’objectif recherché par l’utilisation d’un panneau plaqué (voir Fig. 130). Ce support est un dérivé du bois, plus précisément un matériau composite constitué de fibres de bois (feuillus ou de résineux) et de résine thermodurcissable (urée formol ou mélamine formol). Ce type de matériau a été conçu dans les années 1960 aux USA. La déstructuration du bois massif en fibres permet de diminuer la variabilité inhérente à l’origine naturelle du matériau.47. Ce type de matériau est proscrit en restauration et peu utilisé, tant en res-
Fig.130 :
Vue du revers de l’Intervention des Sabines
tauration de peintures que par les peintres eux-mêmes, « utilisés largement pour la peinture décorative provisoire 48».
iii. Opération de marouflage Après la pose de la toile 2, et des deux couches céruse 2 et céruse 2bis qui assurent la fonction adhésive, l’ensemble transposé est marouflé sur le panneau de particules agglomérées. 47
Revue des composites et des matériaux avancés. Volume 9, n° hors série 1999, p.32
48
ROSTAIN, E.,op.cit..35
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Ce type de traitement a été effectué dans les années 1960 puis abandonné au profit de matériaux plus stables49.
Fig.132 : Vue de la superposition des couches : ensemble transposé, couches de céruse 2, toile 2, céruse 2bis et panneau de particules agglomérées plaqué double face
iv. Redimensionnement :
Les bords actuels de l’Intervention des Sabines sont très rectilignes. Ils ont vraisemblablement été coupés ou poncés après l’intervention de marouflage. Les extrémités du panneau de particules agglomérées ne correspondent pas aux bords originaux. Les bords, fragmentaires, ont été mis à niveau (voir Fig. 131). Il n’est pas rare qu’une œuvre soit redimensionnée à Fig.131 :
Limite des bords originaux de l’Intervention des Sabines
l’occasion de ce type d’intervention de support, comme La Descente de croix d’après Rogier Van der Weyden conservé à la chartreuse de Douai50.
49 Le seul exemple en littérature de restauration trouvé durant nos recherches est un panneau du XVIè siècle conservé au Staatliche Kunsthalle à Karlsruhe en Allemagne, qui a été aminci puis collé sur un panneau de particules agglomérées . Cette méthode utilisée en Allemagne appuie l’hypothèse que cet objet seyant au goût anglo-saxon peut être passé entre les mains d’un restaurateur allemand ou anglo-saxon, probablement après la vente de 1948 : SCHIESSL, U., «History of Structural Panel Painting Conservation in Austria, Germany, and Switzerland» in DARDES, K., ROTHE, A.,The Structural Conservation of Panel Paintings: Proceedings of a Symposium at the J. Paul Getty Museum, 24-28 April 1995. Los Angeles, Getty Conservation Institute, p. 224 50
DOYON, M,, op.cit, p.33
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v. Mise sous presse Le marouflage a très probablement été finalisé sous presse51. En effet, l’enduit de marouflage semble avoir été le réceptacle de l’ensemble transposé : 1)
Un pli d’enduit est visible à l’interface toile1/cé-
ruse 2 (voir Fig. 133), ce qui trahit l’exercice d’une pression de l’ensemble transposé (couche picturale, préparation, céruse1 et toile1) sur l’enduit de marouflage céruse 2. Le panneau de particules agglomérées est rigide ; ainsi, le seul matériau qui peut se déformer est l’enduit de céruse. Tel un matelas, ce dernier est alors le réceptacle des forces de pression qui sont exercées. Fig.133 : Pli d’enduit à l’interface toile1/céruse 2
2) Le support toile 1 n’est pas plan. Sa position est irrégulière (voir Fig. 134):
Fig.134 :
Position du support toile 1
3) Or la couche picturale est extrêmement plane (voir Fig. 135), ce qui trahit une forte pression généralisée sur la couche picturale qui a contraint le support toile à se déformer pour laisser la couche picturale s’aplanir, provoquant ainsi cette perte de planéité du support toile 1 (voir Fig. 134).
Cette pression a été couplée avec l’application d’une couche de résine synthétique sur la surface de la couche picturale. Cette presFig.135 : 51
Vue de la couche picturale en lumière rasante
ROSTAIN, E., op.cit., p.112
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sion a vraisemblablement été accompagnée de l’utilisation de la chaleur (voir altérations de la couche picturale dues aux anciennes restaurations p.151). L’hypothèse de la pression sur la couche picturale est étayée par la présence d’un poil de pinceau (qui provient probablement d’un spalter qui a servi à appliquer la résine), enfoncé
Fig.136 : Poil de pinceau qui a creusé un sillon dans la couche picturale sous l’effet d’une pression- Détail de la couche picturale
dans la couche picturale. Le poil de pinceau a creusé un sillon dans couche picturale et se trouve à niveau de la surface picturale (voir Fig. 136).
La pression alors exercée sur la stratigraphie (voir Fig. 137) contraint les parties les plus souples, les plus enclines à la déformation. Ainsi la couche picturale est aplatie, le support toile se déforme, et la céruse 2 passe à travers le la toile 1 en certains endroits (voir Fig. 136). Couche colorée Préparation
Céruse
Toile Céruse Toile Céruse Panneau de particules agglomérées plaqué double face
Couche colorée Préparation
Céruse Toile
Céruse
Fig.138 :
Schématisation du passage de la céruse 2 à travers la toile 1 Toile
Fig.137 :
Schématisation du marouflage effectué sous presse
Céruse
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C’est ce qui explique la présence de points blancs sur la radiographie : la céruse 2, qui est un enduit épais, a traversé la toile 1 et a capté toute l’énergie des rayons x. Le contraste avec les fils de toile de faible poids atomique les fait apparaître noirs. Ainsi, les éléments qui devraient apparaître, comme les lacunes, n’apparaissent pas au premier abord. Mais ce phénomène est comme une photographie surexposée. Une fois qu’on a conscience de ce phénomène, si on fait abstraction des points blancs et de la trame de toile 1, certaines lacunes sont visibles, mais elles sont passées au second plan de l’examen radiographique.
Fig.139 :
Lacunes discernables sur l’examen radiographique
Après avoir énuméré les anciennes interventions de restauration réalisées sur l’Intervention des Sabines, nous allons à présent dresser le constat d’état des altérations de ces anciennes restaurations.
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C.
Etat de conservation des anciennes restaurations 1. Couche picturale
a.
Plages de céruse
Les plages de céruse appliquées aux angles supérieurs de l’Intervention des Sabines présentent des craquelures d’âge (voir Fig. 141). Fig.141 : Craquelures d’une plage de céruse - Détail de l’angle inférieur senestre de la couche picturale
b.
Mastics 1
Les mastics 1 datent de la transposition et sont également constitués de céruse. Dans certaines zones, en périphérie de l’œuvre, ces mastics ont craquelé selon les contraintes imposées par le support toile 1 (voir Fig. 140).
c.
Repeints 2 Fig.140 : Vue du mastic craquelé 1 - Détail de la couche picturale
Les repeints 2 sont antérieurs à la transposition et ont subi, à l’instar de la couche picturale, les mouvements du support. Par conséquent, des craquelures apparaissent (voir Fig. 142).
Fig.142 : Repeint 2 Détail de la couche picturale x 200
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2. Support
a.
Transposition
i. Toile de transposition - Toile 1
Des ruptures dans la continuité du textile sont visibles à la radiographie (voir Fig. 143). Il s’agit d’une déchirure en croix. Comme cela a précédemment été évoqué, le support toile 1 n’est pas plan.
Fig.143 : Déchirure en croix Détail de l’examen radiographique
b.
Marouflage
i. Support de marouflage
L’épaisseur du support de marouflage est fortement encrassé, ce qui signifie qu’il n’a pas toujours été habillé de baguettes. Des moisissures sont visibles à l’angle inférieur dextre, probablement dues à une humidité excessive et au confinement du à la présence des baguettes d’encadrement (voir Fig. 144). Des traces de craie et de peinture sont visibles au revers du panneau de particules agglomérées, sur le placage en okoumé (voir Fig. 145).
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Fig.144 : Encrassement et moisissures dans l’épaisseur du support de marouflage. - Détail de l’angle inférieur dextre du panneau de particules agglomérées plaqué double face
Fig.145 : Traces de craie et de peinture - Détail du placage du panneau de particules agglomérées plaqué double face
Le panneau de particules agglomérées ne présente pas d’altérations structurelles. En revanche, du fait de la présence de composés organiques volatils, son utilisation en tant que support pour une œuvre d’art constitue un facteur potentiel de dégradation pour l’œuvre. Après avoir dressé le constat des altérations des éléments ajoutés lors des restaurations, nous allons à présent élaborer le constat des altérations causées par les interventions effectuées sur le support.
D.
Altérations
de l’état de surface dues aux interven-
tions sur le support
Outre les lacunes cérusées précédemment évoquées, qui sont probablement des accidents de transposition, les interventions sur le support ont provoqué de nombreuses altérations sur la surface de l’œuvre.
1. Désaffleur de la surface picturale Les opérations effectuées sur le support ont provoqué différents exercices de pression sur la couche picturale, et parfois des ruptures dans la continuité du support. Il en résulte un désaffleur de la couche picturale dans certaines zones.(voir Fig. 146).
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Fig.146 :
Ruptures dans la continuité du support et désaffleur de la surface - Détails de la couche picturale
Fig.147 :
Enfoncements dans la couche picturale - Détail de la couche picturale en lumière rasante
2. Impression de toile La pression exercée lors du marouflage a provoqué l’impression de la toile 1 sur certaines zones de la couche picturale.
Fig.148 : Impression de toile 1 - Détail de la couche picturale en lumière rasante
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3. Brûlure de la couche picturale
La couche picturale présente des traces de brûlures en certaines zones particulièrement lisses. Ces zones, vraisemblablement exposées lors de la mise sous presse, trahissent l’utilisation de chaleur excessive lors du marouflage.
Fig.149 : Brûlure de la couche picturale - Détail de la couche picturale
BILAN DU CONSTAT D’ÉTAT : Le constat d’état des altérations de l’Intervention des Sabines a montré à un degré très élevé d’altération. Le support d’origine n’existe plus. La couche picturale souffre de nombreuses et importantes lacunes, qui sont autant de ruptures dans la continuité de l’image. Les repeints s’ajoutent à ce chaos en rompant à leur tour la continuité dans la couche picturale originale qui subsiste. Les altérations les plus structurelles sont figées, elles ne sont pas évolutives. L’œuvre n’est plus menacée sur le plan technique, mais l’est grandement sur le plan culturel, car sa signification a été perdue. L’objet que nous voyons aujourd’hui est donc un reste de fragment ancien noyé dans une succession d’ajouts. Le fragment de cassone de la fin du Quattrocento a été totalement réinterprété. L’original est à l’état de palimpseste52 sur lequel l’imaginaire du XIXe siècle néogothique nous 52 Manuscrit sur parchemin d’auteurs anciens que les copistes du Moyen Age ont effacé pour le recouvrir d’un second texte.
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a livré son interprétation. Marijnissen parle ainsi des œuvres abusivement restaurées : L’œuvre a subi des interventions qui ont porté atteinte, soit à son intégrité, soit à son authenticité. Dans le meilleur des cas, nous nous trouvons face à un fragment relativement bien conservé. La transformation de l’œuvre, éventuellement en une création nouvelle, aboutit rarement à une amélioration de sa qualité artistique. Et le cas le plus grave est celui d’une mutilation irréversible. […]« Une nouvelle fonction ou une adaptation de la présentation au goût du jour ont entraîné des transformations plus ou moins importantes ; or, toute transformation porte atteinte à l’intégrité de l’œuvre. Cela se solde inévitablement par la perte de témoins historiques, ce qui représente le moindre des dégâts, le plus grave étant la défiguration de l’œuvre au point de la rendre méconnaissable.53
Etat de conservation
Support
Couche picturale
Support d’origine : supprimé (à
Très mauvais
l’état de quelques résidus)
Etat de ruine. 15% de lacunes
Support de transposition : mauvaise Nombreux matériaux de replanéité mais bonne adhérence
fixage et repeints
Support de marouflage : qualité médiocre et inadapté aux objets culturels. Bonne adhérence du marouflage. Etat de présentation
Mauvais : falsification
Très mauvais
Aggloméré non esthétique
Illisible Signification de l’objet perdue
Fig.150 :
Tableau récapitulatif de l’état de conservation et de l’état de présentation du support et de la couche picturale de l’Intervention des Sabines
53 MARIJNISSEN, R.H., Tableaux. Authentiques, maquillés, faux. L’expertise des tableaux et les méthodes de laboratoire, Bruxelles, 1985, p.33-34: « [12]
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III. Diagnostic
Après l’énumération des altérations et leur constat quantitatif, le diagnostic a pour but de déterminer les causes des altérations précédemment énumérées. L’objet de notre étude est très remanié. Nous essaierons, au-delà de l’identification des causes d’altérations, d’éclairer les raisons qui ont suscité ces lourdes interventions.
A.
Couche picturale 1. Craquelures
Il s’agit de la seule altération visible qui soit due au vieillissement naturel des matériaux. C’est d’ailleurs à ce titre un indicateur précieux pour l’authenticité et l’histoire matérielle de l’objet. Les craquelures sont linéaires et vont dans le sens de l’ancien support bois. Ces ruptures dans le film pictural sont dues aux mouvements du bois sous l’effet des variations hygrométriques couplées à la rigidité de la matière picturale. En effet, les films a tempera fraîchement secs sont assez flexibles, les lipides mobiles agissant comme des plastifiants ; les films sont hygroscopiques grâce aux protéines et aux phospholipides. En vieillissant, le nombre de lipides diminue considérablement. Le film vieilli est peu plastique et des craquelures se forment54 .
2. Etat de surface Le marouflage réalisé sous presse et avec adjonction de chaleur a écrasé la surface picturale. Cette pression trop importante a fait perdre son caractère à la couche picturale. En effet, l’aspect très lisse de la surface a souvent incité les experts à qualifier l’Intervention des Sabines de faux, n’ayant par conséquent plus l’aspect de la matière picturale d’un panneau du XVIe. Cette perte de signification et d’identité est très problématique et sur le plan technique et sur le plan intellectuel. L’autre conséquence de l’excessive pression apportée est la mise à niveau de la couche
54 PHENIX, A, « The composition and chemistry of eggs and egg tempera » in Mixing and Matching, Archtypes Books, 2010, p.18-35
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picturale avec les différentes couches de repeints. En effet, la couche picturale avait déjà été repeinte, de façon parfois hétérogène. Par exemple, certaines figures a tempera ne sont pas repeintes et le fond est repeint (repeints 2) . La pression exercée met les couches à niveau (voir Fig. 151). La couche picturale originale voit sa continuité rompue. Repeints 2 Figures Fond ocre
Repeints 2 Figures Fond ocre
Figures Fond ocre
Fig.151 : Stratigraphie de la couche picturale lors de l’application des repeints 2, après la mise à niveau du passage sous presse, et l’état de surface de la couche picturale originale
3. Repeints Les nombreux repeints étaient probablement destinés à camoufler l’état lacunaire de l’objet. Des zones bien conservées ont été également repeintes pour homogénéiser l’ensemble. L’état de surface est tel qu’il est plus simple de tout repeindre avec des teintes sensiblement différentes que reprendre lacune par lacune. Ellen Callmann cite plusieurs panneaux de cassoni qui ont subi le même sort55. Ce maquillage56 permettait aux marchands et antiquaires de pouvoir revendre un tableau plus présentable. Les traits noirs ont permis de resouligner les formes, de rendre le tableau plus vivant. Les repeints sont intéressants car ils trahissent le goût de l’époque à laquelle ils ont été faits, la façon de voir ces œuvres et de les réinterpréter.
55
CALLMANN, E., op.cit., p. 347
56 ZERI,F., Qu’est-ce qu’un faux? Et autres conversations sur l’art, Manuel Payot, Paris, 2013, p.111 : « Quelquefois, « faux » est seulement une façon de parler. Il y eu, surtout en France mais aussi en Italie à la fin du XIXè siècle et dans la première moitié du XXè, des antiquaires qui ont voulu embellir les tableaux qui passaient entre leurs mains. »
Soazig Maliet
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155
Conservation - Restauration
La conséquence est que le message originel est trahi57 et ces repeints confèrent à la représentation un aspect de bande dessinée.
4. Lacunes Ces pertes de matière sont dans le sens de fil du bois. En prenant en compte sa condition antérieure d’objet d’usage et l’ancien support en bois, trois hypothèses se dessinent : • Cause physique : les lacunes sont des accidents dus à l’usage de l’objet. En effet, les cassoni étaient posés au sol, recevaient des coups de pied, de meuble, de clés. Il n’est pas rare que ce type de mobilier ait une surface très usée (voir Fig. 152).
Fig.152 :
Cassone mexicain du XVIe siècle
• Cause physico-chimique : l’ancien support bois a subi des contraintes dues à l’humidité, provoquant des soulèvements. Etant donné qu’il n’y a plus de pertes de matière aujourd’hui, il est difficile de comprendre la cause de cette altération, qui est à présent stable, et figée. • Cause humaine : la couche picturale n’était pas suffisamment maintenue lors de l’intervention de transposition.
B.
Support
La cause d’apparition des lacunes de couche picturale est intimement liée au support, car la lacune est souvent un problème d’adhésion entre la couche picturale et son support. Le support de l’Intervention des Sabines a été éliminé. Nous allons tenter d’expliquer ce qui a pu être 57 ZERI, F., op.cit. p. 109 : « c’est juste un tableau qui a eu une vie aventureuse, longue et compliquée. Avec des bouts qui ont été remplacés. N’oubliez pas que le concept de scrupule philologique est très récent. Les anciens, quand ils restauraient, le faisaient dans le style qui leur était contemporain. »
Soazig Maliet
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Conservation - Restauration
à l’origine de ces lourdes interventions sur le support.
1. Pourquoi y a-t-il eu une transposition? Il est difficile de déterminer ce qui a motivé cette intervention si traumatisante. La recherche de la raison qui a motivé la transposition est intimement liée à celle de la cause d’apparition des lacunes. Ainsi, trois hypothèses se dessinent également : • Intervention pour pallier une altération physico-chimique : un problème profond d’adhésion entre le support et la couche picturale, le support bois infesté. Un changement de support est envisagé afin de sauver la couche picturale • Intervention abusive en raison des lacunes apparentes : des lacunes et usures sont dues à l’usage de l’objet, donc à une cause physique, comme dans le cassone mexicain (voir Fig.152) mais sa provenance d’objet d’usage n’est pas comprise (puisqu’il est déjà coupé et présenté comme un panneau). Une transposition de bois à toile est envisagée alors que l’altération n’était pas évolutive. • Intervention abusive en raison d’un phénomène de mode58 : la toile est considérée comme plus stable que le bois. Cette lourde intervention a été pratiquée de façon abusive jusqu’à la moitié du XXe siècle par les restaurateurs souhaitant montrer leur talent, ou alors parce qu’ils croyaient au bien fondé d’un changement de support59. La présence de fibres de bois dans les lacunes complexes (voir Fig. 153) trahit des accidents lors du retrait du support bois.
Les désaffleurs sont des chocs subis par la couche picturale lors de l’opération de transposition. Fig.153 :
Relevé des fibres de bois sur le relevé des lacunes
58 BERGEON, S., op.cit., p.90 59
DOYON, M,, op.cit, p.32
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Conservation - Restauration
2. Les conséquences de la mise sous presse Le marouflage a été finalisé sous presse avec adjonction de chaleur. Cela a altéré l’état de surface de la couche picturale, mais a provoqué d’autres altérations dans la stratigraphie du support : • Perte de planéité du support toile : La pression exercée sur l’ensemble transposé a provoqué une perte de planéité du support toile 1. • Passage de céruse 2 au travers du support toile 1 : La pression exercée sur l’ensemble transposé a provoqué le passage de la céruse épaisse (utilisée en colle de marouflage) à travers le support toile. Le passage de cette colle est trahi par la présence de points blancs sur la radiographie. • Impression de toile 1 : Ces mouvements du textile, couplés à l’exercice d’une pression, ont provoqué l’impression du support toile 1 sur la couche picturale dans certaines zones. • Déchirures du support toile 1: Les contraintes exercées sur le textile ont mené à des ruptures, provoquant des déchirures.
3. Altérations des éléments ajoutés Les éléments ajoutés présentent des altérations évolutives dont les causes sont environnementales. L’encrassement des bords est dû à la présence de poussière qui s’est accrochée. C’est la preuve que les baguettes n’ont pas toujours été présentes. Les bords rectilignes laissent penser que l’Intervention des Sabines était peut-être inséré dans une boiserie ou un ensemble décoratif. Les moisissures des bords sont dues à l’exposition à une humidité excessive (au-delà de 70%) et au confinement. La présence de baguettes ou l’insertion dans un autre objet ont probablement contribué à ce confinement. Confirmation des causes d’altérations
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158
Conservation - Restauration
Les principales causes d’altérations sont : 1)
La détérioration de l’objet du fait de son usage
2)
Les remaniements successifs.
Les matériaux récents présentent des altérations dues à des causes environnementales. La principale cause d’altération est la cause humaine. L’objet a perdu sa signification. Quelles que soient les raisons qui ont motivé ces remaniements, l’empilement stratigraphique que nous voyons, tant au niveau du support que de la couche picturale, est le signe physique de nombreuses réinterprétations. Ces multiples interventions se sont succédées, sans qu’une réflexion de fond ait été menée sur la signification de cet objet et sur les interventions précédentes60. Ces objets convenant au goût, comme l’Intervention des Sabines, ont été très remaniés, et pour des raisons de conservation et pour des critères de modes. Nous récapitulons à présent les causes d’altérations, selon les 9 agents de dégradation de Michalski61, auxquels on ajoute la négligence : Causes de dégradation
Oui
Forces physiques directes (naturelles, accidentelles, humaines)
X
Non
Vol, vandalisme
X
Eau (crue, inondation)
X
Feu
X
Insectes et organismes vivants Polluants (solide (poussière), liquide (pluie acide), gazeux : CO2)
X X
Rayonnement : UV, IR
X
Température (trop haute trop basse, fluctuations)
X
Humidité relative (trop haute trop basse, fluctuations)
X
Négligence (perte de données, de valeur d’un objet)
X
Fig.154 :
Tableau récapitulatif des facteurs de dégradation de l’Intervention des Sabines
60 ZERI, F., op.cit. p.114 : « De tels tableaux ont été trafiqués, et c’est arrivé une infinité de fois, parce que l’on corrigeait ce qui était alors considéré comme des grossièretés » 61
Cours de conservation préventive, Madame François, 2013
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BILAN DU DIAGNOSTIC
Support
Altérations
Diagnostic
Perte du support original
Transposition
Eléments rapportés Ruptures de continuité, enfonce- Mise sous presse ments, perte de planéité Encrassement et moisissures du Exposition aux poussières et à panneau de particules agglomérées une humidité relative excessive Couche Picturale Fig.155 :
Altérations optiques :
Problème de support
lacunes, repeints
Camoufler le mauvais état
Tableau récapitulatif du diagnostic des causes d’altérations
BILAN GÉNÉRAL DE L’HISTOIRE MATÉRIELLE L’étude historique, l’examen des matériaux, le constat d’état et le diagnostic nous permettent d’établir un bilan sur l’histoire matérielle complexe de l’Intervention des Sabines :
•
Le cassone est construit , préparé au gesso, doré à la feuille et peint a tempera
(Fig. 156)
•
Le panneau frontal est démonté du cassone (Fig. 157)
•
Il est coupé en plusieurs fragments (Fig. 158). Les repeints 1 (rehauts du des-
sin, traits noirs, et rehauts des personnages à l’huile) sont réalisés :
•
- afin d’améliorer la lisibilité de cette image usée (en raison de son usage mobilier) - afin de correspondre au goût expressif du XIXe siècle.
Les repeints 2 (vert du sol) sont réalisés afin de resouligner les personnages et
de camoufler les usures du sol (peut-être avant la vente de 1948 à Londres) (Fig. 159)
•
La transposition est réalisée, ainsi qu’un refixage à la cire de carnauba.
•
Le marouflage est effectué, ainsi qu’un refixage généralisé sous presse, à
l’aide d’une résine synthétique couplée à la chaleur. (Fig. 160)
•
Les repeints 3 sont réalisés (Fig. 161) et des baguettes encadrent l’objet.
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160
Conservation - Restauration
Fig.156 : Simulation informatique du cassone originel de l’Intervention des Sabines
Fig.158 :
Simulation informatique du fragment de panneau frontal
Fig.160 : L’Intervention des Sabines après la transposition et le marouflage
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Fig.157 : Simulation informatique du panneau frontal démantelé du cassone originel
Fig.159 : Simulation informatique de L’Intervention des Sabines après les repeints 2
Fig.161 :
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
L’Intervention des Sabines après les repeints 3
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161
Conservation - Restauration
IV. Proposition de traitement
Après avoir énuméré les altérations et déterminé les causes de leur apparition, nous allons à présent déterminer la nécessité d’intervention, l’urgence d’intervention et le cahier des charges de l’intervention de conservation-restauration idéale. Puis nous proposerons des interventions pour chacune des problématiques de l’objet.
A.
Nécessité d’intervention
Le bilan du constat d’état a abouti a un degré très élevé d’altération. Le bilan du diagnostic que le principal facteur de dégradation était les multiples interventions de restauration qui avaient été menées sur cet objet. => Faut-il donc prendre le risque d’intervenir à notre tour? En effet, le risque de la restauration est d’interpréter à notre tour ce tableau. Malgré une démarche scientifique et la plus objective possible, nul n’est totalement objectif. Brandi voit la restauration comme une actualisation de l’œuvre d’art62. Qu’est-ce que restaurer , dans le cas d’un objet déja successivement restauré, dont l’état de conservation est si altéré qu’il est à la limite du restaurable? Cependant, le conservateur-restaurateur a des impératifs de conservation et de transmission de l’œuvre. Si l’œuvre est dénaturée, elle n’a plus sa signification. Selon l’ICOM, la la restauration est : « L’ensemble des actions directement entreprises sur un bien culturel, singulier et en état stable, ayant pour objectif d’en améliorer l’appréciation, la compréhension, et l’usage. Ces actions ne sont mises en œuvre que lorsque le bien a perdu une part de sa signification ou de sa fonction du fait de détériorations ou de remaniements passés. Elles se fondent sur le respect des matériaux originaux. Le plus souvent, de telles actions modifient l’apparence du bien.63»
Il est donc nécessaire d’intervenir pour la transmission matérielle et culturelle de l’objet.
62 p. 75
BRANDI, C., Théorie de la restauration, traduction Colette Deroche, Editions du Patrimoine, Paris, 2001,
63 Résolution adoptée par les membres de l’ICOM-CC à l’occasion de la XVe Conférence triennale, New Delhi, 22-26 septembre 2008 Terminologie de la conservation-restauration du patrimoine culturel matériel
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162
Conservation - Restauration
B.
Urgence d’intervention : 1. Couche picturale :
Les altérations de la couche picturale ne sont pas évolutives. En effet, cette dernière est figée dans les matériaux de restauration (céruse, cire et résine de refixage) qui constituent une barrière aux variations hygrométriques. Il n’y a donc pas d’urgence d’intervention du point de vue de la conservation matérielle de l’œuvre. En revanche, l’urgence se situe au niveau de la conservation culturelle et de la transmission du message de l’œuvre car l’Intervention des Sabines n’est actuellement pas lisible.
2. Support : Il y a une urgence d’intervenir sur le support de marouflage. Le panneau de particules agglomérées plaqué double face est un matériau proscrit en restauration et en conservation préventive en raison des composés organiques volatils qu’il contient64.De plus, c’est un matériau de mauvaise qualité, qui n’est pas stable dans le temps.
C.
•
Niveau d’intervention
Non interventionnisme : le rôle du conservateur-restaurateur est d’abord de
conserver, puis de restaurer. Il doit donc en premier lieu conserver l’original et s’assurer que le message de l’œuvre soit lisible et correctement transmis. Ne pas intervenir, c’est laisser l’œuvre dans un mauvais état de conservation et de présentation. • Minimalisme : Le minimalisme est un principe selon lequel seule l’intervention minimale pour la conservation de l’œuvre est envisagée. Etant donné que les dégradations ne sont pas évolutives et que l’Intervention des Sabines est lourdement restauré tant au niveau de son support que de sa couche picturale, que serait une intervention minimaliste? Tel un curseur, le minimalisme s’ajuste en fonction de chaque objet. Le minimalisme est avant tout dans la démarche. Cette démarche peut être appliquée lors de la restauration des lacunes ou des parties déjà restaurées, lorsque l’original est correctement conservé. • Interventionnisme : Il ne peut s’appliquer que dans la limite de redonner sa
64
Cours de conservation préventive, Madame François, 2013
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163
Conservation - Restauration
signification à l’œuvre et d’assurer la conservation de l’original. En raison des lourdes interventions subies par l’œuvre, les interventions de dérestauration seront forcément lourdes à leur tour. Mais l’interventionnisme peut être minimaliste si l’opération est justifiée pour la conservation de l’œuvre.
D.
Cahier des charges
L’établissement du cahier des charges est la définition des caractéristiques de l’intervention idéale. L’objectif de notre travail sera de redonner sa signification à une œuvre qui a été successivement réinterprétée et qui a perdu son sens. Le projet de conservation ne consistera pas à inhiber l’évolution des altérations, mais de décider, pour chaque strate correspondant à une ancienne intervention de restauration, si elle doit être ou non conservée, selon les impératifs de conservation et de lisibilité. Après cette dérestauration, et la conservation de l’original, nous déciderons s’il faut, dans un objectif de conservation, entreprendre des interventions de restauration pour la lisibilité et la pérennité de l’œuvre. Selon la nécessité, l’urgence et le niveau d’intervention choisis, nous avons pu élaborer un cahier des charges. Nous allons à présent définir une procédure d’intervention. Pour cela, un éventail de méthodes sera étudié, avec leurs avantages et leurs inconvénients, afin de prendre la meilleure décision.
E.
Proposition de traitement :
L’objectif premier de notre travail de conservation-restauration est la dérestauration, en vue de retrouver l’original.
•
Méthode utilisée : allégement des strates des anciennes restaurations, dans
la limite de ce qui est inutile pour les instances historique et esthétique, et sans risque pour l’objet. L’objectif est de conserver l’original, l’exigence est la lisibilité, et la transmission du message de l’œuvre.
•
Moyens :
- Pour la dérestauration du support : des moyens mécaniques seront utilisés.
- Pour la dérestauration de la couche picturale : des moyens mécaniques et chimiques
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164
Conservation - Restauration
seront utilisés. Puis les interventions de restaurations seront décidées, en vue de la conservation et de la lisibilité de l’Intervention des Sabines.
1. Support a.
Dérestauration
Le support original n’existe plus. Cet objet a été successivement restauré, et le support de marouflage est inadéquat. Les questions de la suppression d’une partie de ces interventions comme de leur conservation présente différents avantages et inconvénients. Différentes approches sont proposées : Solution 1 : Laisser le support intact est in-envisageable car le panneau de particules agglomérées est un matériau proscrit en conservation préventive, en raison des composés organiques volatils qui s’en dégagent. Solution 2 : Reprendre la transposition pour revenir à la couche picturale originale et remettre sur un panneau rigide est très interventionniste. Une telle opération n’est pas justifiée car l’adhérence entre la couche picturale, la céruse 1 et la toile 1 de transposition est satisfaisant. Les altérations causées par la transposition ne sont pas évolutives. Solution 3 : Supprimer les interventions les plus récentes pour revenir à la toile a deux inconvénients importants : il s’agit d’une intervention lourde de risque pour la conservation de la couche picturale, qui est déjà très altérée ; en effet, la présence de la céruse 2, de la toile 2, de la céruse 2bis ainsi que du panneau de particules agglomérées sont des gages de stabilité et d’inertie; de plus, cela ne respecte pas la volumétrie du panneau. En outre, cela implique la suppression de témoins matériels. Revenir à la toile et ne pas respecter la volumétrie du panneau serait ne pas respecter l’aspect originel de l’œuvre et des restaurations ultérieures. Solution 4 : Supprimer le panneau de particules agglomérées plaqué double face, et la couche de céruse 2bis jusqu’à la toile d’intervention pourrait apparaître comme un compromis. Le retrait d’une couche aussi épaisse de céruse et du panneau de particules agglomérées apparaît
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revenir à la toile 1
aggloméré plaqué double face) et
ruse 2bis, panneau de particules
rouflage (céruse 2, toile 2, cé-
3 : Retirer les éléments du ma-
originaux
la stratigraphie qui ne sont pas
supprimer toute les éléments de
2 : Reprendre la transposition et
1 : Laisser le support intact
Solution
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Toile 2
Céruse Panneau de Toile 1 particules agglomérées plaqué double Céruse 2 face
Préparation
Céruse 2bis
Couche colorée
Toile 2
Céruse 2
Toile 1
Céruse
Préparation
Couche colorée
Panneau de particules agglomérées plaqué double face
Céruse 2bis
Toile 2
Céruse 2
Toile 1
Céruse
Préparation
Couche colorée
- Véracité, honnêteté, transparence
méré
- Plus de COV et d’acidité de l’agglo-
- Stratigraphie simplifiée et allégée
- Retour à un état antérieur
- Véracité, honnêteté
méré
- Plus de COV et d’acidité de l’agglo-
- Stratigraphie simplifiée et allégée
- Retour à un état antérieur
planéité
du support toile et de retrouver la
- Permet de reprendre les altérations
temps.
neau, qui s’est stabilisé ainsi dans le
- Ne perturbe pas l’équilibre du pan-
Avantages
Panneau de particules agglomérées
2bis Fig.162Céruse : Propositions pour la dérestauration du support 1/2
Schéma
l’œuvre
très altérées, pour la planéité de
toile et de la couche picturale déjà
- Risque pour la conservation de la
volumétrie
- Changement de présentation et de
de l’œuvre
- Non-respect de l’histoire matérielle
altérée
tion de la couche picturale déjà très
- Risque extrême pour la conserva-
médiocre.
très mauvaise qualité, de facture très
- Ce panneau en particulier est de
composés organiques volatils (COV).
est un matériau acide, qui libère des
- Le panneau de particules aggloméré
Inconvénients
Conservation - Restauration
165
Conservation - Restauration
166
Solution 4 : Retirer le panneau de particules aggloméré plaqué double face et la couche de céruse 2bis
5 : Retirer le panneau de particules aggloméré plaqué double face
6 : Retirer le panneau de particules agglomérées, la céruse 2, la toile 2, la céruse 2bis et la dernière couche de placage
Schéma Préparation
Couche colorée
Toile 1
Céruse
Céruse 2 Toile 2 Céruse 2bis Panneau de
particules Couche colorée
Céruse plaqué double
Préparation agglomérées
Toile 1face
Céruse 2 Toile 2 Céruse 2bis Panneau de particules agglomérées plaqué double face Préparation
Couche colorée
Céruse
Toile 1 Céruse 2 Toile 2 Céruse 2bis
tions antérieures, témoignage historique
- Respect et conservation des interven-
Avantages
de l’histoire matérielle de l’œuvre qui
- Retrait d’éléments qui font partie
Inconvénients
- Plus de COV et d’acidité de l’aggloméré s’est stabilisée ainsi dans le temps
- Risque pour l’œuvre, même s’il est
Respect et conservation de la stratigra-
la composition de l’enduit d’interven-
- Risque du à la méconnaissance de
- Stratigraphie simplifiée et allégée
phie de marouflage, témoignage histo-
tion
moindre que dans la solution 2
rique
- Plus de COV et d’acidité de l’aggloméré - Retrait d’éléments qui font partie
de l’histoire matérielle de l’œuvre qui
- Respect et conservation de la stratigra-
de l’histoire matérielle de l’œuvre qui
- Retrait d’éléments qui font partie
- Stratigraphie simplifiée et allégée
s’est stabilisée ainsi dans le temps
- Risque pour la planéité et l’équilibre
phie de marouflage, témoignage histo-
s’est stabilisée ainsi dans le temps
de l’œuvre
rique - Plus de COV et d’acidité de l’aggloméré - Stratigraphie simplifiée et allégée mais - Respecte la planéité - Risque moindre car assez éloigné de la couche picturale et du support toile Propositions pour la dérestauration du support 2/2
Panneau de particules agglomérées plaqué double face
Fig.163 :
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167
Conservation - Restauration
néanmoins comme dangereux pour la stabilité et la conservation de l’objet, car la couche de céruse et un matériaux rigide comme le panneau de particules agglomérées confèrent une certaine stabilité et l’inertie à la stratigraphie. Solution 5 : Ne supprimer que le panneau de particules agglomérées est moins risqué que la proposition précédente, mais le retrait total du panneau rigide impliquerait d’intervenir sur les couches de céruse 2 et céruse 2bis, ce qui semble risqué. Solution 6 : Retirer le panneau de particules agglomérées en laissant une couche de placage permet de sauvegarder la rigidité et l’inertie qu’apportent ce panneau pendant les interventions de support, tout en supprimant les risques du panneau de particules agglomérées liés au COV. Cela permet aussi d’éviter l’écueil de devoir intervenir ensuite sur les couches de céruse 2 et céruse 2bis. Après avoir étudié les strates une par une, nous ne reprenons qu’une partie des interventions antérieures, puisque le panneau de particules agglomérées est la seule couche dont les altérations peuvent évoluer et qui menace la conservation de l’objet. Les autres couches issues des anciennes restaurations ne sont pas des menaces pour la conservation. Après avoir pris une décision pour la dérestauration du support, nous allons mettre en place un protocole d’intervention, avec les méthodes et les moyens utilisés pour réaliser cette intervention. Protocole d’intervention : Protection et maintien de l’œuvre : Il n’y a pas de risque de soulèvements ou de perte de matière. Ainsi il n’apparaît pas indispensable de protéger la surface à l’aide d’un papier de protection pour les interventions sur le support. L’œuvre sera mise dans un caisson adapté à ses mesures afin de lui assurer le meilleur maintien et ainsi d’éviter au maximum les vibrations. Outils utilisés : L’outil utilisé sera le ciseau à bois plat pour retirer le panneau de particules agglomérées dans
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168
Conservation - Restauration
son épaisseur, doucement pour limiter les vibrations. Mise en œuvre : L’amincissement sera progressif et homogène, et pour finir un ponçage sera effectué lorsqu’il ne restera que peu de particules agglomérées, afin d’éviter les accidents de ciseau à bois dans le placage et d’avoir une surface homogène. Afin de limiter les risques en maîtrisant mieux notre geste, nous n’utiliserons pas d’appareil électrique.
b.
Restauration
Après avoir retiré le panneau de particules agglomérées en raison de son problème de conservation préventive, que faire pour la conservation ultérieure du support ? Les objectifs de conservation-restauration du support sont :
•
La conservation de l’objet, dans son état actuel, avec la transposition
•
Le présenter comme un panneau, afin de respecter sa volumétrie originelle.
Solution 1 : L’okoumé a été débité sur lame donc probablement sur dosse. Le panneau est fin, donc sa contrainte est faible. Mais il a une forte élasticité, et la courbure est forte du fait de la finesse du placage. Il subsiste donc un risque important que le placage se courbe, et le châssis-cadre ne sera pas suffisant pour inhiber cette courbure. Solution 2 : Renforcer légèrement à l’aide d’un support flexible65 (voir Fig. 164). Ce dernier permet d’éviter la contrainte et a été conçu pour les panneaux amincis. Le principe est de fixer des lattes au cadre, qui accompagnent la courbure du panneau. Le bois utilisé (épicéa d’Alaska) tolère la déformation plastique mais pas la déformation élastique. Ce procédé ne contraint pas le panneau. Mais les points de collage au centre du panneau supportent toute la contrainte en
Fig.164 :
Support auxiliaire
65 MARCHANT, R., «The Development of a Flexible Attached Auxiliary Support» in DARDES, K., ROTHE, A.,The Structural Conservation of Panel Paintings: Proceedings of a Symposium at the J. Paul Getty Museum, 2428 April 1995, op.cit., p.382
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2 : Support auxiliaire
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Fig.165 :
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Risque de déformation due au
d’autant que le panneau ne sera pas conservé dans un environnement dont l’hygrométrie est contrôlée.
panneau - Tolère la déformation (permet déformation plastique, mais pas élastique)
hygrométriques
placage sous l’effet des variations
Risque de déformation du
la solution 1 mais reste présent,
- Respecte le support tant que
- Risque atténué par rapport à
- Ajoute peu d’éléments
placage
poids/volume est important.
panneau - Tolère la déformation
le panneau est souple, le rapport
cage : la contrainte est faible, mais
- Risque liés à la contrainte du pla-
Inconvénients
- Respecte le support en tant que
une stratigraphie déjà complexe
- Ne pas compliquer et alourdir
Avantages
Propositions pour la restauration du support 1/2
Panneau de Support particules auxiliaire agglomérées plaqué double face
Placage
Céruse
Toile
Céruse
Toile
Céruse
Préparation
Couche colorée
Panneau de particules agglomérées plaqué double face
Céruse
Toile
Céruse
Toile
dans un châssis-cadre
Préparation
Couche colorée
Céruse
Schéma
l’état et insérer l’œuvre
1 : Laisser le support en
Solution
Conservation - Restauration
169
Conservation - Restauration
170
Solution 3 : Doublage balsa
4 : Collage sur un support inerte
Schéma
Fig.166 :
Couche colorée
Céruse
Préparation
Toile Céruse Toile Céruse Placage
Panneau de particules
plaqué double face
Balsa agglomérées (1ère couche)
Balsa (2nde couche)
Couche colorée
Céruse
Préparation
Toile Céruse Toile Céruse Placage
Panneau de agglomérées
Couche particules d’intervention
plaqué double Panneau face alvéolé aluminium plaqué bois
- Respecte le support en tant que
gnants
- Ajout d’éléments peu contrai-
Avantages
sera pas conservé dans un envi-
sent, d’autant que le panneau ne
solutions 1 et 2 mais reste pré-
- Risque atténué par rapport aux
Inconvénients
ronnement dont l’hygrométrie est
panneau - Tolère la déformation
Risque de déformation du au
contrôlée.
- Fige le support
placage
- Evite la déformation
- Utilisation d’adhésif qui polymé-
rise, donc irréversible
- Pérennité de conservation
Propositions pour la restauration du support 2/2
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Conservation - Restauration
cas de déformation. La contrainte n’est pas répartie sur toute la traverse, qui est souple, mais reste localisée sur le point de collage. Il est périlleux pour la conservation de l’objet que la contrainte soit localisée, étant donné la forte courbure du placage en okoumé. Solution 3 : Doubler l’okoumé au balsa66 et ainsi le renforcer (voir Fig. 167) . Le doublage balsa a été spécialement créé pour les panneaux amincis. Le principe est de doubler le panneau avec des carreaux de balsa trempés dans la cire-résine (qui constitue une barrière contre l’humidité) à raison de deux épaisseurs d’1 cm. Si le panneau se courbe, le balsa accompagne la courbure, et, si celle-ci devient trop importante, l’adhésif est suffisamment souple pour permettre au balsa de se détacher et ainsi laisser le panneau se courber librement. Ce procédé tolère la déformation et la courbure. Le revers aurait une apparence de panneau, sans le contraindre comme le faisait le panneau
Fig.167 :
Doublage d’un panneau aminci avec deux couches de balsa
de particules agglomérées. A présent cette méthode est de moins en moins employée. Ces deux dernières solutions peuvent être séduisantes car elles partent d’une démarche minimaliste. Etant donné les lourdes interventions subies par l’objet, il est tentant de vouloir intervenir pour sa conservation, sans apporter trop de matériaux ou alourdir sa stratigraphie. Cependant, l’Intervention des Sabines n’est plus un panneau, même aminci. Il a subi une transposition, son support est à présent une toile. Les traitement spécifiques aux panneaux amincis vont donc être mis de côté. En effet, l’okoumé est un placage et nous avons fait le choix de le conserver pour ne pas trop intervenir dans la stratigraphie du marouflage. Solution 4 : Marouflage sur un support inerte. Cette solution complexifie la stratigraphie, mais elle est la condition de la conservation de l’objet. Dans le cas d’une nécessité pour la conservation, l’intervention est considérée comme minimaliste. C’est la raison pour laquelle nous
66 HORNS, J. S., BUCK, R., «The development and use of the balsa backing for panel paintings» in DARDES, K., ROTHE, A.,The Structural Conservation of Panel Paintings: Proceedings of a Symposium at the J. Paul Getty Museum, 24-28 April 1995, op.cit., p.289-303 : Méthode mise au point par Richard Buck aux Etats-Unis dans les années 1950 pour renforcer les panneaux amincis. GLATIGNY, J.-A., «Reinforcement of thinned panels, Backing of painted panels» in aul Getty Museum, 24-28 April 1995, op.cit., p. 364-370.
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retiendrons cette dernière solution. Après avoir pris une décision pour la dérestauration du support, nous allons mettre en place un protocole d’intervention, avec les méthodes et les moyens utilisés pour réaliser cette intervention. Choix du support de consolidation La méthode consiste à stabiliser l’objet et lui restituer sa volumétrie de panneau. L’ensemble couche picturale, céruse 1, céruse 2, toile 2 et céruse 2bis seront collés sur un nouveau support de consolidation avec une couche d’intervention67. Ce nouveau support doit être « compatible avec le support original, suffisamment rigide pour assurer une protection mécanique en cas de choc, être stable dans le temps, aisément réversible, de poids et d’épaisseur adaptés à l’œuvre traitée dans la mesure du possible. 68» Les recherches en conservation-restauration ont été menées pour apporter des réponses à ces questions69. Un panneau rigide composé d’alvéoles en aluminium entre deux plaques de fibres de verre enduites de résine époxy est un matériau dont le rapport entre le poids et la résistance est le meilleur. Conçus à l’origine pour l’aviation, il est stable, léger, résistant et inerte. Dans un but d’esthétique et d’adéquation avec l’objet, nous choisirons un panneau de la société CP Concept qui fabrique des panneaux composés d’alvéoles en aluminium et fibres de verre plaqués avec du bois. Ce placage ne donne pas un aspect ancien au revers du panneau. Si le rendu esthétique du revers n’est pas en adéquation avec la couche picturale, cet aspect récent est un moyen de rendre la restauration lisible. Le spectateur ne sera pas trompé, croyant qu’il s’agit d’un véritable panneau de bois. Le collage en plein permet d’inhiber les mouvements du placage en okoumé, qui est sujet aux mouvements sous l’effet des variations hygrométriques.
67
BERGEON, S., S. op.cit., p 77 – note 10 : Panneau rigide de type F-Board avec couche d’intervention.
68
MORA, P et L, PHILIPPOT, P. La conservation des peintures murales, Bologne 1977, p. 299-304
69 VOLLE, N., «Recherches de supports inertes pour les peintures sur bois» in Traitement des supports, travaux interdisciplinaires: Journées sur la conservation-restauration des biens culturels, Paris, 2–4 novembre 1989, Paris, ARAAFU, p.16« L’instituto Centrale di Restauro fut amené à mettre au point un système de support dimensionnellement stable, imperméable, réversible, léger et résistant. Il fut tout d’abord fait appel aux supports rigides traditionnels avec châssis de fer ou de bois, mais peu à peu apparurent de nouveaux supports utilisant les résine synthétiques. »
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Choix de l’adhésif du support de consolidation Il y a deux principaux types d’adhésifs : ceux qui sèchent par évaporation du solvant et ceux qui adhèrent aux matériaux par polymérisation. Dans le cas de notre stratigraphie, l’utilisation d’une colle qui sèche par évaporation du solvant est impossible pour deux raisons :
•
les fibres de verre imprégnées de résine époxy ne laissent pas le solvant d’une
colle s’évaporer .
•
la stratigraphie de l’objet qui contient trois couches de céruse est imperméable
et ne permet pas non plus l’évaporation d’un adhésif. L’adhésif pour le collage de l’objet sur un support inerte doit donc adhérer par polymérisation. L’adhésif choisi est la résine époxy. Cela implique l’irréversibilité du collage à l’interface entre l’objet et le support inerte. Mais ce type de collage ne s’effectue pas en contact direct avec l’œuvre. Pour assurer, entre autres, la réversibilité de l’intervention, une couche d’intervention est posée entre l’œuvre et le support de marouflage. Couche d’intervention La couche d’intervention a plusieurs fonctions :
•
l’absorption des contraintes entre l’objet et son support de consolidation
•
la réversibilité de l’intervention : condition de toute intervention de restauration,
d’autant plus que les adhésifs utilisés sont irréversibles70. Choix du matériau Le matériau choisi pour la couche d’intervention doit être : • souple
•
en adéquation avec le support original (dans le cas de l’objet de notre étude),
c’est l’okoumé qui s’applique puisque nous avons choisi de le conserver) Le matériau choisi est le balsa (fiche technique en annexe p.247), bois tropical extrêmement léger et souple, il se coupe aussi facilement que du carton plume. De plus, il est très apprécié
70 VOLLE, N, ibidem, p.16 : «L’Istituto a été obligé, en raison de la non-réversibilité de ces nouvelles résines, d’introduire entre la peinture et le nouveau support une couche dite d’intervention, destinée à assurer une certaine réversibilité au support.»
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en restauration pour sa grande stabilité. La compatibilité avec le bois entraîne une utilisation courante dans ce domaine pour les couches d’intervention des traitements de panneaux.71 Adhésif de la couche d’intervention à l’objet Il faut à présent choisir un adhésif pour ce délicat interface entre le placage en okoumé et la couche d’intervention en balsa. Cet adhésif doit être réversible sur cet interface. Etant donné que nous sommes en présence de deux couches de bois, nous nous sommes immédiatement orientés vers les colles protéiniques. L’éventualité de la cire-résine a immédiatement été écartée car le placage en okoumé exerce une trop forte traction. La cire-résine n’aurait été suffisamment résistante. Les colles protéiniques en solution aqueuse ont de nombreux avantages : réversibilité à l’eau, affinité chimique avec le bois. La colle de poisson particulièrement est une colle traditionnellement utilisée dans la restauration des panneaux72. L’utilisation de la colle de poisson dans le collage du balsa a été étudiée par Jonathan Graindorge-Lamour : son étude technico-scientifique avait pour objectif de mesurer la rigidité de deux doublages au blasa : à la cire-résine et à la colle de poisson. Il en a conclu que le doublage à la colle de poisson limitait davantage les variations dimensionnelles. Même si les paramètres sont différents, n’étant pas ici dans le cadre d’un doublage, nous avons choisi de nous appuyer sur cette étude pour choisir un adhésif réversible mais qui ait suffisamment de force pour adhérer au placage qui a une forte tendance à se courber. Cette étude nous a conforté dans le choix d’écarter l’utilisation de la cire-résine pour notre collage. En revanche, notre choix s’est porté sur la colle d’esturgeon, qui est plus pure que la colle de poisson. Elle est issue des vessies natatoires de l’esturgeon ; elle contient du collagène pur, son pouvoir collant est très important73. « Son pH est neutre, contrairement à la colle de peau
71 VOLLE, N., ibidem, p.15 : « Le balsa est un bois feuillu très tendre, provenant d’Amérique centrale et tropicale, extrêmement léger, utilisé de ce fait en aéromodélisme, pour les maquettes [… ] Par ailleurs, en raison de sa faible densité, c’est un isolant thermique et phonique idéal. Mais sa qualité essentielle pour la restauration, c’est sa grande stabilité : son emploi fut donc envisagé pour la conception d’une véritable couche d’intervention pour les panneaux.» VOLLE, N. op. cit. p 18 :Le balsa a été utilisé en couche d’intervention pour le collage de la restauration du Christ en Croix de Solario (Louvre RF 1978-35) car son support était «complexe associant le bois et la toile ». 72 DONALD, C. W., «A Survey adhesives for Wood Conservation» in DARDES, K., ROTHE, A.,The Structural Conservation of Panel Paintings: Proceedings of a Symposium at the J. Paul Getty Museum, 24-28 April 1995, op.cit, p.79-80, 73 BERELOWITSCH, A., Les colles protéiniques utilisées pour la restauration des icônes, Mémoire de diplôme de restauration du patrimoine, École nationale du Patrimoine – Institut de formation des restaurateurs d’œuvres d’art, 2001, p.73-79
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qui est plus acide. Elle conserve une bonne stabilité dans le temps.»74 Afin d’éviter un apport hydrique trop important, nous avons choisi une concentration de la colle à 25%. Toujours afin de limiter l’apport hydrique, nous avons choisi de coller le balsa en carreaux de 10x10 cm et de laisser 6 heures de séchage entre chaque carreau.
2. Couche picturale
Les objectifs de la restauration de la couche picturale sont la conservation et la lisibilité.
a.
Dérestauration : retrait des anciens repeints et
matériaux de refixage La première étape sera donc le retrait des éléments ajoutés qui nuisent à la conservation de la couche picturale, à la lisibilité et à la compréhension de l’image représentée et au message transmis par l’artiste. Les repeints recouvrent une proportion si importante de la couche picturale que les zones qui en sont dénuées sont très rares. La succession de plusieurs campagnes de repeints et de refixages de la couche picturale nécessitera l’utilisation de solvants adaptés à ces différents matériaux. Le protocole de nettoyage sera donc délicat à mettre en place. Une méthodologie solide sera requise pour cette phase délicate de dérestauration. Garder constamment cette stratigraphie complexe à l’esprit sera nécessaire afin de réaliser une intervention homogène. Il semble adapté de retirer les repeints strate par strate, de la plus récente à la plus ancienne. La strate de repeints 3 sera donc retirée en premier, ce qui améliorera la cohérence de la couche colorée. Puis nous déciderons du protocole pour la strate repeints 2 et la strate repeints 1. En arrivant sur les strates les plus anciennes des repeints, une connaissance stylistique très précise ainsi qu’une documentation seront requises afin de déterminer si tel trait de dessin ou telle plage colorée est d’époque, ou s’il s’agit d’un ajout du XIXe. Il nous faudra appréhender
74 DEPARDIEU, C., Évaluation et comparaison de la résistance des collages par fil-à-fil des déchirures de la toile, Mémoire de fin d’études, Institut National du Patrimoine, Département des restaurateurs, 2011.p.104-105
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l’ensemble afin d’avoir une image cohérente, stylistiquement et lisible.
b.
Consolidation de la couche picturale
Un vernis faiblement concentré sera appliqué afin de saturer les zones appauvries en liant, et avoir un état de surface homogène. Des tests seront effectués afin de déterminer quelle résine et quelle concentration seront les plus adaptées. Etant donné l’origine de l’objet (mobilier décoratif), on ne cherchera pas à avoir un état de surface brillant.
c.
Mastics
Une fois que la couche picturale aura été consolidée, le masticage des lacunes servira à combler les manques de matière afin de mettre à niveau la surface.
d.
Réintégration
La réintégration sera, après le retrait des repeints, la clé de la lisibilité de l’Intervention des Sabines. La problématique de réintégration de l’Intervention des Sabines est la dichotomie entre :
•
l’importante proportion de lacunes qui ne permet pas une réintégration illusion-
niste et exige le respect de l’instance historique et de son état de conservation
•
le nombre important d’éléments sur l’image représentée qui exige une recons-
titution pour la continuité du tissu figuratif. L’objectif de cette intervention est de restituer la lisibilité perdue, sans interpréter l’image, afin que son message soit correctement transmis. Les lacunes horizontales empêchent de lire le panneau comme il se doit. En effet, le parcours visuel regard va d’un groupe à l’autre puis monte, comme sur une pyramide. Là, la lumière des mastics accrochent l’œil et l’empêche de monter. Ou bien pousse le regard du spectateur en haut où la scène est plus lisible. Mais l’ensemble et la logique de la scène n’est pas comprise par le spectateur. Cesare Brandi définit ainsi ce phénomène : Une lacune, en ce qui concerne l’œuvre d’art, est une interruption dans le tissu figuratif. Mais contrairement à ce que l’on croit, le plus grave par rapport à l’œuvre d’art n’est pas tant ce qui manque mais ce qui s’y insère abusivement. La lacune, en effet, a probablement une forme et
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une couleur, sans rapport avec la composition figurative de l’image représentée. Autrement dit, elle s’insère comme un corps étranger. […] La lacune, malgré sa conformation fortuite, apparaît comme une figure par rapport à un fond représenté alors par la peinture. [… ] Ainsi, à la mutilation de l’image s’ajoute la dépréciation : ce qui est né comme figure est ravalé au rang de fond.75
La très grande proportion de lacunes est une grande difficulté, accentuée par le traitement pictural particulier de l’Intervention des Sabines. En effet, l’objet mobilier dont il est issu lui confère aspect très graphique et narratif. La scène représente de nombreux éléments : trenteet-un personnages et huit chevaux sont présents dans un cadrage resserré. La restitution de la lisibilité s’annonce ardue. Une solide méthodologie est requise afin de restituer la lisibilité de l’image, tout en étant honnêtes quant à l’état de conservation de la couche picturale. Les deux instances, historique et esthétique seront la trame de notre démarche. Le terme « réintégration » prend tout son sens pour une œuvre aussi lacunaire. Une retouche illusionniste serait un faux artistique et un faux historique. Etant donné l’importante proportion de lacunes, la réintégration doit être discernable. Il faut que la réintégration aide le spectateur à reconstituer76, mais l’aide aussi à comprendre que c’est une ruine. La continuité de l’image, du «tissu figuratif» évoqué par Brandi, doit être restituée. Il y a deux méthodes principales pour rendre une réintégration discernable :
•
la teinte : la réintégration est un ton en-dessous de l’original, ce qui permet de
la distinguer
•
la touche : la réintégration est de même tonalité que l’original mais la touche
est différente, ce qui permet de distinguer la réintégration de l’original Dans le cas de l’objet de notre étude, si la première méthode est retenue, le risque est de créer une forme. Au même titre que la lacune apparaît comme une forme superposée à l’objet, cette lacune retouchée en aplat d’un ton neutre restera une forme qui provoquera une rupture dans la continuité de l’image. Si on choisit de retoucher la lacune avec une touche différente, la réintégration sera discernable car elle permettra au spectateur de recomposer l’image de loin, mais de près celui-ci verra qu’il s’agit d’une réintégration. 75 BRANDI, C., op.cit., p.42 76 idem p.99 : « Le jugement ne peut être qu’individuel ; la réintégration proposée devra être limitée et pratiquée de façon à être reconnaissable à première vue, sans documentation particulière, mais précisément comme une proposition qui se soumet au jugement critique d’autrui. »
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Le choix de la méthode de réintégration est délicat car il doit être juste :
•
juste quant aux teintes : la réintégration doit aider la lecture et ne pas la pertur-
•
juste quant au degré d’intervention : la réintégration ne doit pas être insuffi-
ber
sante, car l’image doit être lisible, mais elle ne doit pas être trop poussée, au risque de créer un faux historique et artistique.
•
juste quant au dessin : l’anatomie des figures et des chevaux se doit d’être
d’une précision scientifique, en s’appuyant sur de la documentation. Si le choix n’est pas juste, on remplace le chaos des lacunes par un autre chaos. L’intervention doit être homogène77. En effet, le danger est de vouloir tout reconstituer là où la forme est évidente et ne rien faire là où on a perdu la forme. Mais cette homogénéité ne doit pas être confondue avec un systématisme. Paul Philippot préconise de réaliser en premier lieu des tons de fond qui reprennent la couleur de la préparation, permettant ainsi l’objectivité de la démarche78. Afin d’anticiper la proposition de réintégration, une simulation informatique de tons de fond est réalisée afin de voir la nécessité ou non de la reconstitution des formes (voir Fig. 168). Le ton de fond aide à repousser les lacunes au second plan, mais n’est pas suffisante pour la lisibilité de l’image. La continuité du «tissu figuratif» n’est pas rétablie et la scène n’est pas lisible. La réalisation de tons de fond, reprenant la teinte de la préparation, sera la première étape de la réintégration. Ils seront réalisés en vibration pour deux raisons : Fig.168 : Simulation informatique d’une réintégration en tons de fond sur l’Intervention des Sabines 77 PHILIPPOT, P., « Le problème de l’intégration des lacunes dans la restauration des peintures », in Pénétrer l’art, Restaurer l’œuvre. La vision humaniste,Belgique, Timperman, 1990 p.14 :« Le même danger de confusion apparaît d’ailleurs chaque fois qu’une œuvre présente des lacunes d’importance si diverses qu’elles suggèrent des reconstitutions poussées à des degrés variés. La solution devra tenir compte alors non seulement des possibilités d’intégration locale mais aussi de la clarté de l’ensemble, qui, souvent, supportera mal une gamme trop étendue d’intégration» 78 idem, p.9 : «Partir de tons de fons et s’inspirer de la mise en œuvre structurale de la peinture pour que la démarche soit la plus objective possible»
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•
afin de servir de base à une réintégration discernable
•
la couche colorée est vibrante, une touche vibrante permet donc l’adéquation
avec l’original. FAUT-IL RE-CRÉER LE DESSIN? Dans certaines zones, les lacunes sont de petite taille et la reconstitution est simple à réaliser. En revanche, dans l’angle inférieur dextre qui souffre de 30% de pertes de matières, il semble interventionniste de recréer le dessin. Or l’intervention doit être homogène. Les deux impératifs du cahier des charges de cette réintégration seront : la restitution de la continuité du «tissu figuratif» et le respect de l’aspect lacunaire de l’objet. La représentation est historiée et il y a une multitude d’éléments représentés par un dessin très graphique. Le dessin noir est la structure de l’image. La reconstitution du dessin est essentielle pour rétablir la continuité de l’image. Mais la reconstitution peut être discernable afin de ne pas interpréter créer un faux artistique et historique. Nous avons choisi de procéder en trois temps (toujours avec des petits points):
•
tons de fond en vibration
•
reconstituer le dessin
•
reconstituer les formes en modulant les tons de fond.
La démarche de notre réintégration peut être rapprochée de celle opérée sur des peintures murales très lacunaires. Par exemple, La Dernière Cène de Lénard de Vinci, très lacunaire, a été réintégrée à l’aquarelle de façon discernable (voir Fig. 169-170). Cette démarche a aussi été appliquée à une peinture de chevalet de grand format : Hercule et Omphale (1602-1605), de Pierre-Paul Rubens (1577-1640), conservée au Musée du Louvre. Les points de réintégration sont visibles de près, mais de loin l’image fonctionne et la vibration n’est pas perceptible (voir annexe p.263).
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Fig.169 : Léonard de Vinci (1452-1519), Saint Philippe, détail de La Dernière Cène (1494-1498), détrempe sur gesso, 460 x 880cm, réfectoire du couvent Santa Maria delle Grazie, Milan
Fig.170 : Léonard de Vinci (1452-1519), Judas, Saint Pierre et Saint Jean, détail de La Dernière Cène (1494-1498), détrempe sur gesso, 460 x 880cm, réfectoire du couvent Santa Maria delle Grazie, Milan
Matériaux choisis : Le liant PVA Berger est une résine stable dans le temps et peu brillante. Elle semble donc adaptée pour la réintégration de l’Intervention des Sabines. Les proportions choisies sont : ¼ liant pour ¾ solvant ( solvant : ¼ Diacétone alcool pour ¾ éthanol ). Le choix de l’éthanol en proportion conséquente permet de garantir un rendu peu brillant car ce solvant est volatil. Le rendu de l’état de surface doit être satiné. Pigments sélectionnés : Limiter la palette de retouche permet de limiter le nombre de paramètres et d’avoir une intervention homogène, et des teintes vibrantes. Le travail est principalement réalisé avec 3 couleurs primaires : bleu outremer, laque alizarine, jaune de cadmium foncé. Le rouge de cadmium clair est ponctuellement ajouté pour la réintégration des éléments originellement réalisés en rouge cinabre. Le noir d’ivoire sert à la reconstitution des traits du dessin.
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V.
Rapport de restauration
Les interventions réalisées vont à présent être exposées et documentées.
A.
Support 1. Dérestauration : allégement du panneau de particules agglomérées
Le panneau de particules agglomérées plaqué double face va être allégé à raison
•
du placage visible au revers de l’Intervention des Sabines
•
du panneau de particules agglomérées
Le dernier placage sera conservé. Avant de procéder au retrait de ce panneau, un sondage sera effectué. Puis l’Intervention des Sabines sera maintenu dans un caisson afin de limiter les vibrations lors de l’allégement progressif du panneau de particules agglomérées.
a.
Sondage
Un sondage des différentes strates du panneau est effectué, afin de pouvoir appréhender le retrait du panneau de particules agglomérées. Trois carrés d’1cm² de côté mettent respectivement en évidence (de droite à gauche) le placage du revers, le panneau de fibres agglomérées, et le second placage qui est contre la céruse 2bis (voir Fig. 171 et 172).
Fig.171 :
Sondage de la stratigraphie : Vue du Fig.172 : Sondage de la stratigra revers de l’Intervention des Sabines phie : Vue en coupe de l’Intervention des Sabines
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b.
Mise en caisson
Afin de maintenir l’œuvre en place tout en limitant les vibrations, l’œuvre est placée sur un fond recouvert d’un intissé. Le panneau est retourné, la couche picturale est isolée du fond par un Melinex®. Des tasseaux sont fixés au plus proche des abords du panneau, afin de maintenir le panneau de particules agglomérées et de limiter les vibrations durant son allégement (voir Fig. 173).
Fig.173 :
Vue du panneau maintenu dans un caisson
c.
Retrait du panneau de particules agglomérées
Les fibres du panneau aggloméré sont retirées progressivement, en limitant au maximum les vibrations, à l’aide d’un ciseau à bois plat Standley® de 2 cm de largeur (voir Fig. 174). L’allégement des fibres du panneau est réalisé de façon homogène afin d’éviter des déformations du panneau qui pour-
Fig.174 :
Retrait des fibres agglomérées à l’aide d’un ciseau à bois
raient apparaître si l’épaisseur n’était pas égale sur toute la surface.
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Fig.175 :
Retrait des dernières fibres agglomérées à l’aide d’un ciseau à bois
Le retrait est finalisé, en ponçant à l’aide d’un papier de verre.
Fig.176 :
Vue du placage en okoumé
2. Nettoyage des bords Les bords de l’objet sont encrassés. Des tests ont été réalisés afin de trouver la méthode la
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plus adaptée pour leur nettoyage. La méthylcellulose en solution aqueuse étant le plus efficace, les bords ont été décrassés avec cette méthode.
Fig.177 :
Test de nettoyage de la stratigraphie
3. Maintien du panneau allégé L’Intervention des Sabines dénué de son panneau de particules agglomérées a tendance à se courber (voir Fig. 177). Cela résulte de la traction due à la finesse du placage en okoumé, qui mesure 1,5mm d’épaisseur et qui est en probablement en débit sur dosse, ce qui le rend plus réactif à l’hygrométrie. Il est donc nécessaire de maintenir l’objet afin que la courbure ne s’accentue. A compter du retrait du panneau de particules agglomérées et jusqu’au collage sur panneau inerte, l’Intervention des Sabines est maintenu retourné dans son caisson, muni de traverses verticales qui empêchent Fig.178 :
Système de maintien de l’Intervention des Sabines dans un caisson
le l’okoumé de se courber (voir Fig. 178). La couche picturale est isolée du fond par un Mélinex®.
4. Marouflage
a.
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Couche d’intervention
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i. Matériaux utilisés Le balsa utilisé pour la couche d’intervention mesure 3 mm d’épaisseur. Nous nous sommes fournie chez Eol modélisme. Des carreaux de 10 x 10 cm de côté sont préparés. Cette faible surface permet de limiter l’apport hydrique lors du collage. La colle d’esturgeon est issue de ses vessies natatoires (voir Fig. 179). Nous nous sommes fournie chez CTS. La concenFig.179 :
Vessie natatoire d’esturgeon
tration de la colle d’esturgeon (recette en annexe p.249) est à 25 % pour limiter également l’apport d’eau.
ii. Mise en œuvre La colle est appliquée au pinceau sur le placage en okoumé ainsi que sur le carreau de balsa, en quantité suffisante pour que le balsa soit humidifié par la colle de façon homogène. Le carreau de balsa enduit de colle est appliqué sur le placage, en alternant le sens de fil (voir Fig. 180). Même si le balsa a de très faibles variations dimensionnelles, cela permet, qu’en cas de mouvements, elles ne provoquent pas de mouvement du placage. Afin de finaliser le collage, un serre-joint est utilisé. Il joint le carreau de balsa au plan de travail sur lequel ce collage est réalisé, exerçant ainsi une pression entre le balsa et le placage. Deux plaques de plexiglas sont insérées entre le carreau de balsa et le serre-joint afin d’ap-
Fig.180 :
Collage d’un carreau de balsa à la colle d’esturgeon, avec alternance des sens de fil
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Fig.181 :
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Finalisation du collage à l’aide d’un serre-joint
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pliquer la force du serre-joint à l’ensemble de la surface du carreau (voir Fig. 181). Un temps de séchage de 6 heures est observé entre chaque carreau . Après avoir collé tous les carreaux de balsa, la couche d’intervention en balsa est poncée à l’aide d’un papier de verre n°90 afin d’assurer une bonne planéité au revers. Planéité indispensable à une adhésion satisfaisante entre la couche d’intervention et le panneau inerte (voir Fig. 182-183).
Fig.182 :
Couche d’intervention en cours de ponçage
b.
Fig.183 :
Couche d’intervention après ponçage
Collage sur panneau alvéolé
i. Matériaux utilisés Le support inerte est un panneau Fimex (âme en aluminium alvéolé recouverte de fibre de verre et époxy), avec placage bois de chez CP concept. L’esthétique de ce placage n’est pas satisfaisante. Nous n’avons pas réussi à obtenir une autre couleur ou autre aspect qui soit
Fig.184 :
Panneau Fimex plaqué bois fourni par CP Concept
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Fig.185 :
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Préparation de la résine époxy bi-composants
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davantage en adéquation avec l’objet de notre étude (voir Fig. 184). La résine époxy choisie est une résine à deux composants : la résine epoxyde 162 (voir Fig. 185).Nous nous sommes fournie chez Esprit Composite.
ii. Mise en œuvre L’Intervention des Sabines est posé sur le panneau inerte qui repose sur un fond en contreplaqué, afin de procéder au collage. Sa couche picturale sera orientée vers le haut, recouverte d’un Mélinex®. Les mâchoires des serre-joints exerceront une pression sur l’ensemble de es éléments, et leurs vis seront serrées du côté de la couche picturale afin que la couche d’intervention exerce une pression sur le panneau inerte. Le collage sur panneau inerte est une opération délicate car il requiert l’utilisation d’une résine qui polymérise. Il faut assurer une bonne adhérence de l’ensemble de la surface de la couche d’intervention sur l’ensemble de la surface du placage du panneau inerte. Afin d’assurer une bonne adhérence, le placage du panneau inerte a été préalablement poncé afin de créer une accroche suffisante avec la couche d’intervention. Afin d’assurer un collage homogène sur l’ensemble de la surface, des serre-joints spécifiques sont attribués à différentes zones de l’objet selon son accessibilité, afin que toutes les zones bénéficient d’une pression équivalente et assurer ainsi un collage homogène. Des presses profondes sont prévues afin que les zones centrales, donc éloignées des bords, puissent recevoir une pression suffisante pour que le collage soit satisfaisant et éviter l’apparition de bulles d’air. Afin d’assurer une bonne adhérence du collage dans les zones centrales de l’objet, une barre de chêne de forte section (interdisant ainsi sa déformation) est placée au centre, et un serrejoint exerce une forte pression à chacune de ses extrémités La pression des serre-joints s’exerce ainsi sur l’ensemble de la traverse. Cette barre de chêne est donc transformée en presse qui exerce sa force sur toute cette ligne centrale de l’objet. Des plaques de plexiglas sont insérées entre les serre-joint et le Mélinex®, afin que la pression des serre-joints s’exercent sur l’ensemble des plaques de Plexiglas. Afin que l’opération se déroule au mieux, une répétition de l’intervention est réalisée sans adhésif, et ce afin de s’assurer que toutes les zones bénéficient de la pression d’un serre-joint.
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Fig.186 : Application de résine époxy sur le panneau inerte à l’aide d’une spatule dentelée
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La résine est appliquée sur le placage du panneau inerte, à l’aide d’une spatule dentelée (voir Fig. 186), ce qui confère un aspect strié à l’adhésif, créant ainsi une accroche pour l’adhérence de la couche d’intervention au panneau inerte.
Fig.187 : Vue de dessus de l’Intervention des Sabines en cours de finalisation de collage
Fig.188 : Vue en perspective l’Intervention des Sabines en cours de finalisation de collage
La pression des serre-joints a été maintenue durant 48 heures afin que la polymérisation de la résine époxy soit complète.
c.
Finitions sur le support inerte
i. Bouchage des alvéoles
Fig.189 :
Bouchage des alvéoles à l’enduit synthétique
Fig.190 :
Alvéoles bouchées par l’enduit synthétique
Les alvéoles ont été bouchées par un enduit synthétique (voir Fig. 189-190).
ii. Papier de bordage Un papier Canson® d’un grammage de 250g/m² et de couleur grise est choisi pour le bordage. Il est collé aux bords de l’objet avec un gel épais de méthylcellulose. Il recouvre les bords, est
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Conservation - Restauration
rabattu au revers (voir Fig. 192) mais ne déborde pas sur la couche picturale. Le travail de restauration du support est achevé, la conservation du support est assurée. Le travail est satisfaisant d’un point de vue technique. En revanche, l’aspect esthétique du revers de l’Intervention des Sabines n’est pas pleinement satisfaisant. Le fournisseur du panneau inerte ne put nous
Fig.192 : Vue du revers de L’Intervention des Sabines après achèvement du travail de support
procurer une autre teinte, or il était le seul à fournir un panneau inerte dont les caractéristiques techniques soient satisfaisantes. Un placage d’aspect plus ancien eut été plus élégant pour la finition du revers.
B.
Couche picturale 1. Dérestauration a. Retrait des repeints et des matériaux de refixage
Le retrait des repeints est une des clés de la conservation matérielle et intellectuelle de l’Intervention des Sabines. Les repeints seront solubilisés selon le protocole élaboré, qui se trouve en annexe p.252. Le travail s’effectue sous loupe binoculaire afin d’être le plus précis possible. La difficulté est d’allier la précision du geste et la prise en compte de l’ensemble de la couche picturale. La première strate qui est retirée est repeints 3.
i. Retrait des repeints 3 Les repeints 3 sont retirés l’aide d’un mélange Cyclohexane
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Fig.191 : Retrait chimique et mécanique des repeints 3
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70%-Ethanol 30%. Un bâtonnet ouaté est imbibé de ce solvant, puis un mouvement circulaire sur le repeint y fait pénétrer le mélange de solvants afin de le faire gonfler. Les repeints sont en relief et sont retirés mécaniquement à l’aide d’un scalpel (voir Fig. 191).
Fig.193 :
Vue de la couche picturale avant retrait des repeints 3
Fig.194 : Vue de la couche picturale après retrait des repeints 3
ii. Retrait de la résine synthétique La résine synthétique à l’état de film est retirée sur l’ensemble de la surface picturale à l’aide d’un bâtonnet ouaté imbibé d’un mélange de solvants Toluène 50%- Acétone 50%. Le retrait dans les creux s’effectue avec le même mélange de solvants, qui aide à ramollir la résine, et au moyen d’un scalpel.
Fig.195 : Vue de la couche picturale avant retrait de la résine synthétique
Fig.196 : Vue de la couche picturale après retrait de la résine synthétique
iii. Allégement des mastics débordants
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Les parties débordantes de certains mastics de la couche picturale sont retirées à l’aide d’un scalpel.
Fig.197 :
Vue d’un mastics avant élminination des parties débordantes
Fig.198 :
Vue d’un mastics après élminination des parties débordantes
Après cette première phase de retrait des anciennes restaurations de la couche picturale, l’état de surface est plus homogène, ce qui facilite la lisibilité de l’image. Les repeints recouvrent encore une très grande proportion de la couche picturale. Ils dénaturent l’image et nuisent à la conservation de la couche picturale, tant sur le plan matériel que culturel .
Fig.199 :
Vue de la couche picturale après une première phase de retrait des repeints et matériaux de refixage
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Faut-il aller plus loin dans le retrait des repeints? L’image n’est pas encore stylistiquement cohérente après cette première phase de retrait des repeints. Cependant, retirer les strates repeints 2 et repeints 1 peut être un pari risqué, au vu de notre faible expérience en conservation-restauration.
•
Ces repeints camouflent probablement de nombreuses lacunes. L’image ne
sera-t-elle pas encore plus lacunaire et chaotique après avoir retiré tous les repeints?
•
Doit-on conserver ces repeints comme témoins historiques?
Ces repeints sont disgracieux et dénaturent l’Intervention des Sabines. La transmission du message originel de l’œuvre n’est pas assurée. On ne peut considérer comme des témoins historiques des repeints qui alourdissent ainsi une œuvre picturale. Ils ont été réalisés pour des questions de goût et en raison du mauvais état de conservation de l’objet, sur lequel aucune réflexion de fond n’a été menée en vue de sa conservation. La perte de la lisibilité va de pair avec la perte d’identité de l’ l’Intervention des Sabines. Le retrait des repeints 3 a fait gagner en lisibilité. Continuer dans cette démarche ne pourra qu’accroître la lisibilité et la cohérence, même si l’œuvre est lacunaire. Plus on enlèvera de repeints pour retrouver l’original, plus on aura une scène cohérence. De plus, l’étude technico-scientifique démontre que l’Intervention des Sabines dans cet état de conservation de la couche picturale est difficile à lire. Cette image de l’objet après le retrait des repeints 3 a servi de support à l’étude scientifique sur la perception visuelle des experts et des restaurateurs. Les professionnels interrogés l’ont souvent jugée chaotique et illisible. Le message originel de l’œuvre n’est pas transmis puisque les professionnels ont eu des difficultés à identifier l’époque de réalisation et ont été souvent perturbés par les nombreux repeints. Or le conservateur-restaurateur a le devoir de la conservation de l’objet culturel sur le plan technologique, mais aussi sur le plan intellectuel. Une seconde phase de retrait des repeints est donc envisagée. Cette intervention s’annonce ardue car :
•
les repeints recouvrent une proportion très importante de la couche picturale
•
les strates repeints 1 et repeints 2 sont au même niveau que la couche colorée
originale. Un nouveau protocole est élaboré pour le retrait des repeints 2. Il se trouve en annexe p.256.
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iv. Retrait des repeints 2 Les repeints 2 sont retirés l’aide d’un mélange N-méthylpyrrolidone 50%-Toluène 50%. Un bâtonnet ouaté est imbibé de ce solvant, puis un mouvement circulaire sur le repeint y fait pénétrer le mélange de solvants afin de le faire gonfler. Les repeints sont en relief et sont retirés mécaniquement à l’aide d’un scalpel. La difficulté pour cette étape réside dans la mise à niveau des strates lors du marouflage exécuté sous presse. La différence de niveau, qui en principe pourrait éventuellement aider à discriminer le repeint de l’original, est absente. La matière originale découverte dans les fonds se trouve à un niveau légèrement inférieur Fig.200 : Retrait en cours des repeints 2 - Détail de la couche picturale
que les figures. Sur la Figure 200, le repeint 2 est retiré à droite du bras
du soldat mais ne l’est pas encore à gauche. Le recouvrement de la cohérence de la matière picturale par ce retrait des repeints 2 s’apprécie sur cette image, ainsi que sur les figures 201 et 202.
Fig.201 :
Détail de la couche picturale avant et après le retrait des repeints 2
La cohérence et la finesse de la matière picturale retrouvée nous ont encouragée à poursuivre dans cette démarche.
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v. Allégement des repeints 1 Chaque zone a été minutieusement analysée à la loupe binoculaire, afin de discriminer les repeints 1 et les personnages. Afin de trouver un référentiel, il faut suivre les craquelures et trouver un point départ. La méthode utilisée est identique à celle utilisée pour les repeints 2 : Un bâtonnet ouaté est imbibé du mélange de solvants N-méthylpyrrolidone 50%-Toluène 50%. Puis un mouvement circulaire sur le repeint y fait pénétrer le mélange de solvants afin de le faire gonfler. Les repeints sont en relief et sont retirés mécaniquement à l’aide d’un scalpel. A l’instar de la réintégration, le plus évident est réalisé en premier, afin d’appréhender l’ensemble de manière cohérente. Limites dans le retrait des repeints : Si tous les repeints 1 sont retirés, l’image sera illisible. Les traits noirs de la loggia du bâtiment sont repris comme la plupart des traits du dessin. En effet, ils sont superposés aux craquelures et n’ont donc pas été soumis aux même contraintes que la couche sous-jacente ; ils sont donc ultérieurs. Mais si les repeints les plus gênants ne sont pas retirés, l’image ne sera pas lisible ni cohérente. Les femmes à l’étage du bâtiment sont complètement rechampies. Si on laisse ces repeints, elles seront incohérentes avec le registre inférieur de la scène. Cela constituerait un déséquilibre trop important en ramenant cette partie supérieure au premier plan. La composition ainsi que le traitement pictural mènent le regard du spectateur à diviser cette œuvre en deux registres. Un déséquilibre dans le retrait des repeints pourrait avoir pour conséquence d’aggraver ce phénomène. Il est difficile de savoir où à quel stade s’arrêter. L’image doit être cohérente esthétiquement et historiquement. Le retrait des repeints 1 (rehauts des visages, traits noirs) sont allégés, atténués autant que possible mais ne peuvent être totalement retirés. La cire de carnauba est retirée mécaniquement.
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b.
Sondage des mastics
Certains mastics à la céruse sont débordants. Afin de retrouver les limites originales des lacunes, les mastics sont sondés. Cela a permis, dans certaines zones, de découvrir :
•
de la couche picturale en désafleur.
•
des fibres de bois dans la plupart des lacunes cérusées.
Fig.202 :
L’Intervention des Sabines après le retrait des repeints 2, l’allégement des repeints 1, le retrait de la cire de carnauba et le sondage des mastics
Le retrait des repeints a permi de retrouver une image cohérente stylistiquement, et donc plus lisible (voir Fig. 202). La matière picturale est à présent plus lacunaire et certaines zones sont en désaffleur .
2. Restauration
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a.
Resaturation
i. Problématique et objectifs A l’issue du retrait des nombreux repeints, de grandes disparités d’aspect de surface sont visibles. En effet, le fond est très mat et terne car l’apport de solvant pour retirer les repeints a appauvri la couche colorée en liant. A l’inverse, les figures sont brillantes, non pas à cause de la présence d’une résine, mais à cause de la pression qui a été exercée sur la couche picturale. Il est donc nécessaire de résorber ces hétérogénéités afin de pouvoir apprécier la profondeur des fonds appauvris, de resaturer la couche picturale et d’avoir un état de surface satisfaisant. Etant donné que l’Intervention des Sabines est un fragment de mobilier décoratif, nous pouvons supposer que ce panneau n’a pas vocation à être verni. Le résultat recherché est la saturation des couleurs, et un rendu légèrement satiné, comme la tempera.
ii. Méthode utilisée Afin de re-saturer cette couche picturale, nous utiliserons un vernis faiblement concentré, à l’instar d’un consolidant en peinture murale. Le mode d’application a un effet significatif sur le rendu de la surface. Nous utiliserons donc l’application au tampon afin
•
de faire pénétrer la solution en profondeur dans la couche picturale.
•
de contrôler la quantité de vernis que l’on applique sur la couche picturale
•
de choisir d’insister localement sur certaines zones (les fonds notamment) ou
d’avoir un geste plus léger sur les zones qui nécessitent moins d’être saturées (les figures notamment). Le solvant utilisé aura aussi une incidence sur la brillance.
iii. Tests Des tests ont été effectués afin de déterminer quelle résine sera la plus adaptée, et en quelle concentration. Ils se trouvent en annexe p.261.
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iv. Mise en œuvre Le vernis dammar est appliqué au tampon (voir Fig. 203). Le tampon est constitué d’une boule de coton glissée dans un bas en polyester. Le tampon est légèrement imbibé de vernis, puis appliqué par des mouvements circulaires, en insistant sur les zones appauvries en liant. L’intervention est réalisée sous lumière rasante, afin de pouvoir contrôler plus facilement la brillance.
Fig.203 : Application au tampon de dammar à 15% en solution dans du White Spirit
Fig.204 :
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L’intervention des Sabines après resaturation de la couche picturale
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b.
Mastics
i. Problématique et objectifs de l’intervention L’Intervention des Sabines a une surface très accidentée en raison :
•
de l’état de conservation de son support (accidents de transposition)
•
de l’état de conservation de la couche picturale (très lacunaire).
La difficulté supplémentaire est la présence d’anciens mastics à base de céruse dont il faudra restituer la planéité. La démarche de conservation-restauration entreprise sur l’objet est nécessitée par l’impératif de lisibilité. Afin de restituer cette lisibilité à l’œuvre, il est indispensable de restituer la continuité du support, car la lisibilité à surface dépend de cette continuité. L’objectif de cette intervention de masticage sera de restituer la continuité, en comblant les ruptures des lacunes et des accidents de transposition. Quand la continuité sera assurée, nous nous préooccuperons de la surface et de l’aspect que les mastics doivent avoir.
ii. Matériaux utilisés Deux principales catégories de mastics sont utilisés en conservation-restauration. Les mastics à base de résine synthétique et de charge, type Modostuc®, et les mastics à base de colle collagénique et de charge. Comment choisir lequel utiliser? Le Modostuc® est friable. Il est poreux et difficile à saturer par un vernis. Le mastic naturel est plus dense et facile à lisser, et par conséquent plus facile à saturer par un vernis. Mais pendant son application, il est sensible aux variations hygrométriques, et perd du volume au séchage. Une résine naturelle a été choisie pour resaturer la couche picturale. Il nous a semblé intéressant de rester dans une gamme de matériaux naturels pour le mastic. De plus, l’Intervention des Sabines est un objet ancien ; les matériaux naturels sont davantage privilégiés dans ce genre de cas. Nous avons l’impératif dans certaines zones de faire adhérer nos mastics sur des mastics anciens à base de céruse. La colle de peau a un pouvoir adhésif plus important que le Modostuc®, et semble également plus approprié pour cette raison. Le fait que la saturation par
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une résine soit plus aisée nous a également séduite, car cela évite de créer encore des hétérogénéités d’aspect de surface sur notre couche picturale qui en souffre déjà. Pour ces principales raisons, le mastic naturel à base de colle de peau de lapin a été retenu.
iii. Mise en œuvre de l’intervention Les anciens mastics à base de céruse sont rayés afin de créer une accroche pour les nouveaux mastics à base de colle de peau. Une colle de peau de lapin à 10% en solution aqueuse est préparée pour l’élaboration de ce mastic naturel. La charge est du carbonate de calcium du fournisseur CTS. Un lait de mastic fortement concentré en colle de Fig.205 : Application du mastic naturel à l’aide d’une spatule italienne
peau est appliqué au fond des lacunes afin de créer une accroche pour l’adhérence des mastics. Puis le mastic est appliqué chaud au fond des lacunes à l’aide d’une petite spatule italienne (voir Fig. 205). Après une heure de séchage, il est ragréé par le mouvement circulaire de la base plane d’un bouchon de champagne en liège, recouverte d’une peau de chamois légèrement imbibée d’eau chaude, afin de réactiver la colle de peau présente dans le mastic. Après le ragréage des mastics, ceux-ci sont plans et à niveau de la couche picturale. Etant donné l’aspect lisse de la surface, du à la mise sous presse lors du marouflage, il ne semble pas nécessaire de structurer ces mastics. Le ragréage est finalisé à l’aide d’une éponge PVA, car elle présente l’avantage d’apporter très peu d’eau. Le nettoyage est réalisé avec cette même méthode. L’objectif de cette intervention n’est pas d’imiter la structure, mais d’assurer une continuité du support en vue de la réintégration. Les mastics sont donc laissés lisses (voir Fig.207). L’état de surface ne peut être pleinement satisfaisant à cause des accidents de transposition qui font aujourd’hui partie de l’histoire de l’objet.
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Fig.206 : Groupe de lacunes avant masticage- Vue de la couche picturale en lumière rasante
c.
Fig.207 : Groupe de lacunes après masticageVue de la couche picturale en lumière rasante
Isolation des mastics
A l’issue de cette intervention, les mastics sont isolés à l’aide d’un vernis. Nous avons choisi d’utiliser à nouveau la résine dammar à 15% en solution dans du White Spirit. Nous profitons de cette nouvelle application pour continuer à résorber les différences d’aspect de surface entre les zones lissées par la mise sous presse et les zones encore appauvries Fig.208 : Application au tampon de dammar à 15% en solution dans du White Spirit
en liant. Le vernis est appliqué chaud, au tampon, en lumière rasante afin de mettre en évidence les matités et brillances (voir Fig. 208).
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Fig.209 :
Vue de la couche picturale après isolation des mastics
d.
Réintégration
i. Problématique et objectifs de l’intervention La problématique de cette intervention est la l’opposition entre l’aspect lacunaire de l’objet et le nombre important d’éléments présents. L’objectif est donc la restitution de la continuité de l’image (instance esthétique) tout en respectant le caractère lacunaire de l’objet (instance historique).
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ii. Matériaux utilisés Les pigments (de marque Sennelier) sont broyés et mélangés à la résine PVA Berger (voir Fig. 210). Ils sont conservés dans de petits godets. Afin d’éviter un nombre de mélanges trop important, la palette est limitée aux trois couleurs primaires (jaune de cadmium foncé, bleu outremer, laque alizarine), le noir d’ivoire et le rouge de cadmium clair. Ont ponctuellement été utilisés le bleu de Fig.210 : Broyage de laque alizarine dans le liant Berger avec une molette en verre
céruléum, le jaune de cadmium citron et le blanc de titane. Le pinceau est un Windsor et Newton Series 7 n°1 en poil de martre. La qualité du poil lui confère un ressort suffisant, et sa grande réserve permet de garder le solvant. Enfin, sa pointe permet une grande précision. Il est requis, afin d’effectuer un travail de précision, d’utiliser des lunettes loupes et un appuie-main.
iii. Mise en œuvre de l’intervention Une mise en œuvre méthodologique est requise, ainsi que le respect de chaque étape sur l’ensemble de l’œuvre. TONS DE FOND Les tons de fond en vibration sont réalisés sous forme de petits points. Les lacunes sont traitées une par une, de gauche à droite, et de bas en haut, afin de ne pas se disperser dans la réalisation de cette intervention. La teinte ocre des points est choisie en fonction de la couleur sous-jacente de la couche colorée. La lumière du mastic blanc contraste avec ces points de couleur, créant ainsi une vibra-
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Fig.211 : Réalisation des tons de fond vibrants
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tion. Cela réclame une constance du geste et du matériau utilisé. En effet, il faut que la couleur soit toujours diluée de la même façon, et réaliser des points de taille similaire. Si les points sont trop dilués, ou que la touche n’est pas suffisamment nerveuse, le ton de fond apparaît presque comme un aplat de loin. Il est difficile de réaliser toujours la même touche, la même couleur, dans toutes les zones. Du fait de sa réalisation par la main humaine, la perception du restaurateur, il y a toujours une variable. De plus, on a tendance à s’adapter aux plages colorées alentours. La main du conservateur-restaurateur ne peut être un appareil automatique. Ce travail nécessite donc une grande rigueur, et le respect de la méthodologie mise en place lors du protocole. Comme nous avions pu le voir lors de la simulation informatique, les tons de fond atténuent les lacunes et les font passer au second plan. Au lieu d’être une figure superposée à l’image, la lacune recule et laisse la place à la couche picturale. Cela est encore plus visible dans les lacunes complexes qui comportent des fragments de couche picturale. Ces fragments retrouvent leur place. Le ton de fond initie une continuité entre la couche picturale et les nombreuses lacunes. Sur la figure 212, nous pouvons voir la différence de continuité dans l’image, entre la partie gauche de la lacune où le ton de fond a été réalisé, et celle où le ton de fond n’a pas encore été réalisé.
Fig.212 :
Réalisation d’un ton de fond sur une lacune complexe
A l’issue de la réalisation des tons de fond vibrants (voir Fig. 213), les lacunes ont reculé au second plan. Cependant, l’image n’est pas lisible. La conservation intellectuelle de l’Intervention des Sabines, en vue de la transmission de l’œuvre, n’est pas encore assurée.
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Fig.213 :
Vue de la couche picturale de L’Intervention des Sabines après la réalisation des tons de fond vibrants
Il est alors nécessaire de rétablir les formes, sans tomber dans l’écueil du faux historique et du faux artistique. Avant de procéder à l’étape suivante de réintégration, un vernis est appliqué en pulvérisation sur la surface de la couche picturale, afin de saturer les couleurs de celle-ci ainsi que des tons de fond vibrants. A l’issue de tests (voir annexe p.262), la résine synthétique Régalrez® 1094 en solution dans du White Spirit à 15% est appliquée en pulvérisation à l’aide d’un EcoSpray®. RECONSTITUTION DU DESSIN La reconstitution du dessin est la suite de la démarche amorcée avec les tons de fond : la restitution de la continuité de l’image. Il est difficile d’évaluer à ce stade le niveau exact de réintégration nécessaire. Etant donné la proportion de lacunes de la couche picturale, cette reconstitution est dite «archéologique». En effet, l’image se reconstruit au rythme des lacunes
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réintégrées. Un double phénomène apparaît :
•
le dessin revient alors au premier plan
•
de nouvelles parties lacunaires qui ne gênaient pas la lisibilité à un instant T,
vont gêner la lisibilité à un temps T+1, quand une autre lacune est réintégrée. Quand cette dernière n’attire plus l’œil, une autre devient perturbante pour la lisibilité. L’écueil est l’homogénéité de l’intervention, dans le but d’obtenir une image cohérente. En effet, il est tentant de reconstituer les zones bien conservées (notamment la partie senestre : arrière-plan maritime, second plan de la partie senestre). Le risque est alors la formation d’un parcours visuel limité à ce couloir, dans les zones lisibles (voir Fig.214). A l’inverse, dans les zones où très peu d’éléments subsistent (le quart inférieur dextre, où l’image est lacunaire à 30%), la reconstitution est ardue. Il peut sembler alors sage de laisser l’image moins reconstituée.
Fig.214 :
L’Intervention des Sabines en cours de réintégration - Vue d’ensemble de la couche picturale
Mais ce déséquilibre perturbe la lisibilité de l’ensemble. Il est important de bien re-souligner
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les personnages du premier plan, afin que la lecture de l’œuvre soit fluide et homogène dans son ensemble. Il est alors impératif d’être très méthodologique et de réaliser un degré d’intervention objectif et nécessaire. L’exigence réside dans l’obtention d’une image lisible. Pour la continuité de l’image, il est nécessaire de reconstituer le dessin dans les lacunes, même de grande taille, qui sont au centre de l’image. Une grande lacune centrale, même intégrée par la modulation des tons de fond, ne permettra pas au spectateur de lire la scène. En revanche, il est envisageable de ne pas reconstituer les lacunes de grande taille, aux extrémités dextre et senestre, pour lesquelles nous l’avons pas d’éléments, et qui n’auront pas d’influence sur le parcours visuel de l’ensemble de l’œuvre, ainsi que pour les bandes lacunaires des extrémités inférieure et supérieure. Le dessin des anatomies humaines et animales se doit d’être exact et cohérent. Dans un souci méthodologique, nous nous sommes appuyée sur des croquis ou postures similaires, ou avons reporté des lignes d’autres personnages de L’Intervention des Sabines, à l’aide d’un Rhodoïd®. La reconstitution du dessin permet, de fait, la reconstitution des formes. Les teintes sont réintégrées afin d’achever cette reconstitution, et d’assurer la continuité des plages colorées. Dans les zones très lacunaires, elle est laissée uniforme, sans modulation. La restitution discernable de ce dessin permet de lire l’œuvre, très graphique, de discerner les formes, et ainsi de retransmettre le message original de cette œuvre. Le dessin est suggéré en petits points, et les formes rehaussées par cette même méthode. L’objectif est de garder les lacunes discernables, tout en ayant une image lisible. La partie bien conservée subsiste au premier plan, et les parties plus lacunaires que nous avons réintégrées demeurent au second plan. Les instances historique et esthétique sont ainsi toutes deux respectées.
iv. Vernis final Le vernis final protège et unifie la couche picturale réintégrée (voir Fig.217). Nous avons opté pour une solution de Regalrez® à 10% dans du White Spirit , appliquée en pulvérisation avec un EcoSpray®.
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Fig.215 :
L’Intervention des Sabines après réintégration - Détail de la couche picturale
Fig.216 :
L’Intervention des Sabines après réintégration - Détail de la couche picturale
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Fig.217 :
L’Intervention des Sabines après réintégration et vernis final
CONCLUSION DE LA CONSERVATION-RESTAURATION Les interventions de conservation-restauration de l’Intervention des Sabines ont été décidées en fonction des principes déontologiques qui régissent la profession :
•
Réversibilité : toute intervention sur le tableau doit pouvoir être enlevée à tout
moment
•
Stabilité : tous les matériaux doivent être stables dans le temps.
•
Innocuité : tous les matériaux utilisés et toutes les interventions ne doivent
pas altérer ou fragiliser l’œuvre.
•
Lisibilité : toute restauration doit redonner cohérence et clarté à l’œuvre
•
Transparence : Toute restauration doit être inscrite dans des dossiers.
Ces cinq principes ont été le fil conducteur de l’élaboration du protocole de traitement. Les anciennes interventions du support ont été partiellement conservées. Seul le panneau
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de particules agglomérées qui était inadéquat pour la conservation de l’objet a été retiré, puis l’œuvre a été collée sur un panneau en alvéolé inerte, après avoir réalisé une couche d’intervention en balsa. Les différentes strates de repeints et de matériaux de refixage à la surface de la couche picturale ont tous été retirés, à l’exception de certains traits noirs dont le retrait aurait déséquilibré l’image. Cette intervention a permis de retrouver la cohérence et une certaine lisibilité sur cette image chaotique. Après avoir rééquilibré l’état de surface hétérogène, des mastics naturels ont rétabli la continuité de la matière accidentée. Puis la réintégration a été abordée en deux temps : des tons de fond vibrants ont repoussé les lacunes au second plan et aidé l’œil à reconstruire le dessin. Le graphisme et les formes ont été rétablis de façon discernable au moyen d’une touche vibrante, à l’aide de petits points. La restauration de l’Intervention des Sabines a été d’autant plus intéressante qu’elle était complexe. L’œuvre était à la limite du restaurable et nous a poussée à des questionnements inédits sur les limites d’une restauration, ou de la définition même d’un tableau. Jusqu’où une restauration peut-elle aller? Jusqu’où dérestaurer? Jusqu’où restaurer? Jusqu’où peut-on considérer un fragment aussi remanié comme une œuvre d’art? Où est l’œuvre d’art après tant de remaniements successifs? Ainsi, chaque opération a du être mûrie lentement. Il a fallu inscrire chaque geste dans le long terme, afin de ne pas altérer encore davantage, ou risquer de ne pas transmettre l’œuvre correctement. Au même titre que cet objet est inscrit dans le temps, il nous a fallu être dans une démarche de long terme, et mûrir chaque intervention pour être en adéquation avec cet objet très ancien. Ces interventions ont restitué la lisibilité et la cohérence à cet objet successivement remanié. En assurant sa conservation sur le plan matériel et intellectuel, L’Intervention des Sabines a ainsi pu retrouver son identité.
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EPILOGUE
Avant restauration
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Après dérestauration
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Après restauration
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CONCLUSION GÉNÉRALE Ce travail est l’aboutissement de deux années d’enquête, d’observation, de dialogues et de remises en question pour comprendre cet objet très complexe. Retracer son histoire matérielle fut une tâche aussi difficile qu’elle fut intéressante. L’étude historique a permis de replacer l’Intervention des Sabines dans son contexte de création : les coffres matrimoniaux de la fin du XVe siècle en Italie, qui comprennent des décors peints de scènes mythologiques à visée sociale et domestique. Puis l’engouement pour ces objets au XIXe et XXe siècles a été étudié, ainsi que les problématiques d’authenticité qu’un objet très remanié comme celui-ci peut soulever. Ces problématiques d’authenticité ont éveillé notre curiosité, toujours à la recherche de l’histoire matérielle de l’objet de notre étude. Notamment la notion d’expertise et l’interprétation d’une image par différents professionnels, qui peuvent avoir des réactions très disparates. Cette étude sur la perception visuelle des experts en tableaux et des restaurateurs de peinture nous a beaucoup enseigné sur les réflexes perceptifs et les automatisations cognitives des professionnels, selon leur cadre de travail. L’étude et le travail de conservation-restauration de l’Intervention des Sabines avaient pour objectif d’étudier ses matériaux constitutifs, de dresser un constat de ses altérations, d’étudier les anciennes restaurations. Ces examens ont complété l’étude amorcée en histoire de l’art sur l’objet mobilier dont l’œuvre est issue. Puis la démarche était de diagnostiquer les causes d’altérations et d’établir une nécessité de traitement. A partir de cette étude, un protocole de traitement a pu être mis en place et réalisé. L’objectif était la conservation sur le plan matériel et intellectuel, d’un objet qui avait perdu sa signification et son identité. Cette expérience nous a appris, qu’outre le vieillissement des matériaux et les éléments environnementaux, d’autres effets inscrits dans le temps, avaient une incidence encore plus néfaste sur les objets culturels : l’intervention humaine. En effet, au même titre que l’homme a toujours voulu s’essayer à l’art, il a aussi toujours voulu s’essayer à le comprendre, parfois jusqu’à l’interpréter, selon le formatage culturel qu’il a subi. La matérialité d’une œuvre d’art est donc parfois bien plus complexe qu’une stratigraphie de matériaux altérés : elle est le résultat d’actions successives. Nous-mêmes ne les comprenons pas, car notre formatage
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culturel est différent de celui ou de ceux qui ont modifié l’objet culturel. Vouloir conserver les œuvres et figer le temps sont symptomatiques de notre société matérialiste, qui refuse de mourir. Mais il y a quelques siècles, la conception de conservation des œuvres d’art était différente. Il est difficile de juger des actions passées avec notre regard d’aujourd’hui. Il a donc été nécessaire de prendre du recul sur chaque observation, et de replacer celle-c dans son contexte culturel avant d’en tirer des conclusions. Accepter son ignorance, s’abstenir de juger et de classer les observations en évidences, et admettre qu’il n’y a pas qu’une seule bonne réponse ou façon de faire, ont été autant de ressorts pour avancer dans les investigations. Malgré les difficultés liées à l’étude et à la restauration de cet objet très complexe, la nécessité d’une constante remise en question des observations nous a probablement fait gagner en maturité.
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TABLE DES ILLUSTRATIONS Fig.1 : Photographie personnelle Fig.2 : Photographie personnelle Fig.3 : Copie d’écran 9 09 13 http://paris.boisgirard-antonini.com/html/fiche.jsp?id=2111599&np=&lng=fr&npp=150&ordre=&aff=&r= Fig.4 : Extrait de Christie, Manson & Woods, Old Pictures, 19 mars 1948, Londres, p.14 Fig.5 : Photographie personnelle Fig.6 : Photographie personnelle Fig.7 : Photographie personnelle Fig.8 : Photographie personnelle Fig.9 : Photographie personnelle Fig.10 : Photographie personnelle Fig.11 : Photographie personnelle Fig.12 : Photographie personnelle Fig.13 :http://www.philamuseum.org/collections/permanent/102330.html?mulR=342889383|2 consulté le 5 12 13 Fig.14 : Photographie personnelle Fig.15 : http://www.photo.rmn.fr/C.aspx?VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC7BW76ZO&SMLS=1&RW=1366&RH=667 consulté le 13 10 13 Fig.16 : Photographie personnelle Fig.17 : http://www.philamuseum.org/collections/permanent/25848.html?mulR=1559887848|15 consulté le 5 12 13 Fig.18 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.19 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.20 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.21 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.22 : http://www.photo.rmn.fr/C.aspx?VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC7BW76ZO&SMLS=1&RW=1366&RH=667 consulté le 13 10 13 Fig.23 : http://www.philamuseum.org/collections/permanent/102330.html?mulR=342889383|2 consulté le 5 12 13 Fig.24 : http://www.britishmuseum.org/ consulté le 9 12 13 Fig.25 : http://www.philamuseum.org/collections/permanent/102330.html?mulR=342889383|2 consulté le 5 12 13 Fig.26 : Photographie personnelle
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Fig.27 : Photographie personnelle Fig.28 : scan de la page 62 de l’ouvrage Les Casonni peints du musée national de la Renaissance Fig.29 : Photographie personnelle Fig.30 : http://fr.wikipedia.org/wiki/V%C3%A9nus_d%27Urbin consulté le 5 11 13 Fig.31 : https://www.flickr.com/photos/26911776@N06/3852846952 consulté le 30 11 13 Fig.32 : https://www.etsy.com/fr/listing/210313501/1942-lane-espoir-poitrine-impression consulté le 6 12 14 Fig.33 : www.beatesca.com consulté le 15 04 15 Fig.34 : https://fr.pinterest.com/pin/306455949618967777/?from_navigate=true consulté le 17 04 1 Fig.35 : Photographie personnelle Fig.36 : http://tpe-oeil-bionique-1s3.e-monsite.com/medias/images/schema-oeil-1.gif Fig.37 : http://ia-solution-cecite-tpe.blogspot.fr/2013_03_01_archive.html Fig.38 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Perspective_(perception_visuelle)#/media/File:Vision_2_secondes.jpg consulté le 17 04 15 Fig.39 : Mémoire d’Amaël Rivoal p.95 Fig.40 : Photographie personnelle Fig.41 : capture d’écran de http://www.smivision.com/en/gaze-and-eye-tracking-systems/products/ red250-red-500.html?gclid=CJ3JkOD-s8sCFTUo0wodXSAK8A Fig.42 : Photographie personnelle Fig.43 : Schéma Adobe Illustrator CC Fig.44 : Capture d’écran SMI Experiment Center™ Fig.45 : Capture d’écran SMI Experiment Center™ Fig.46 : AOI Editor SMI Be Gaze™ Fig.47 : Tableau Microsoft Excel Fig.48 : Courbe Statistica™ Fig.49 : Courbe Statistica™ Fig.50 : Tableau Microsoft Excel Fig.51 : Graphique Microsoft Excel Fig.52 : Tableau Microsoft Excel Fig.54 : Graphqiue Microsoft Excel Fig.53 : Tableau Microsoft Excel Fig.55 : Graphique Microsoft Excel Fig.56 : Tableau Microsoft Excel Fig.57 : Tableau Microsoft Excel Fig.58 : Tableau Microsoft Excel
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Fig.59 : Tableau Microsoft Excel Fig.60 : Tableau Microsoft Excel Fig.61 : Graphique Microsoft Excel Fig.62 : Graphique Microsoft Excel Fig.63 : Graphique Microsoft Excel Fig.64 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.65 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.66 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.67 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.68 : Assemblage des clichés radiographiques sur Adobe Photoshop CC® Fig.69 : Page 7 de MARKEVICIUS, T., MOTTIN, B., THIEBAUT, D., GARNIER, N. , « Les scènes de la vie d’Esther : une collaboration entre Botticelli et Filippino Lippi » in L’œuvre du mois au musée du Louvre et au musée Condé Fig.70 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.71 : Tableau récapitulatif des éléments visibles en lumière visible et aux rayons x Fig.72 : Photographie personnelle Fig.73 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.74 : Photographie personnelle (cliché sous dinolite) Fig.75 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.76 : Photographie personnelle (cliché sous dinolite) Fig.77 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.78 : Scan de la page 82 de l’ouvrage Les Cassoni peints du Musée National de la Renaissance Fig.80 : Photographie personnelle Fig.79 : Scan de la page 62 de l’ouvrage Les Cassoni peints du Musée National de la Renaissance Fig.81 : Photographie personnelle Fig.82 : Photographie personnelle Fig.83 : Photographie personnelle Fig.84 : Photographie personnelle Fig.85 : Photographie personnelle Fig.86 : Photographie personnelle Fig.87 : Photographie personnelle Fig.88 : Photographie personnelle Fig.89 : Photographie personnelle Fig.90 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.91 : Schéma Adobe Photoshop CC
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Fig.92 : Photographie personnelle Fig.93 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.94 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.95 : Schéma Adobe Photoshop CC Fig.96 : Photographie personnelle Fig.97 : Photographie personnelle Fig.98 : Photographie personnelle Fig.99 : Photographie personnelle Fig.100 :
copie d’écran d’écran 9 09 13 http://paris.boisgirard-antonini.com/html/fiche.
jsp?id=2111599&np=&lng=fr&npp=150&ordre=&aff=&r= Fig.101 :
Photographie personnelle
Fig.102 :
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Fig.103 :
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Fig.104 :
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Fig.105 :
Scan de la page 62 de l’ouvrage Les Cassoni peints du Musée National de la Renais-
sance Fig.106 :
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Photographie personnelle
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Photographie personnelle
Fig.109 :
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Photographie personnelle (cliché sous loupe binoculaire x16)
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Photographie personnelle
Fig.112 :
Photographie personnelle
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Fig.115 :
Schéma Adobe Photoshop CC
Fig.116 :
Schéma Adobe Photoshop CC
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Fig.124 :
Photographie personnelle
Fig.127 :
Schéma Adobe Illustrator CC
Fig.128 :
Schémas Adobe Illustrator CC
Fig.129 :
Photographie personnelle
Fig.130 :
Photographie personnelle
Fig.132 :
Schéma Adobe Photoshop CC
Fig.131 :
Schéma Adobe Photoshop CC
Fig.134 :
Schéma Adobe Photoshop CC
Fig.135 :
Photographie personnelle
Fig.133 :
Photographie personnelle
Fig.138 :
Schémas Adobe Illustrator CC
Fig.136 :
Photographie personnelle
Fig.137 :
Schéma Adobe Illustrator CC
Fig.139 :
Schéma Adobe Photoshop CC
Fig.141 :
Photographie personnelle
Fig.140 :
Photographie personnelle
Fig.142 :
Photographie personnelle
Fig.143 :
Détail de l’examen radiographique
Fig.144 :
Photographie personnelle
Fig.145 :
Photographie personnelle
Fig.146 :
Photographie personnelle
Fig.147 :
Enfoncements dans la couche picturale - Détail de la couche picturale en lumière ra-
sante Fig.148 :
Photographie personnelle
Fig.149 :
Photographie personnelle
Fig.150 :
Tableau récapitulatif de l’état de conservation et de l’état de présentation du support et
de la couche picturale de l’Intervention des Sabines Fig.151 :
Schéma Adobe Illustrator CC
Fig.152 :
https://ww2.1stdibs.com/furniture/storage-case-pieces/blanket-chests/very-rare-mexi-
can-baroque-painted-chest/id-f_799453/ Fig.153 :
Schéma Adobe Photoshop CC
Fig.154 :
Tableau récapitulatif des facteurs de dégradation de l’Intervention des Sabines
Fig.155 :
Tableau récapitulatif du diagnostic des causes d’altérations
Fig.156 :
Schéma Adobe Photoshop CC
Soazig Maliet
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
226
Fig.158 :
Schéma Adobe Photoshop CC
Fig.159 :
Photographie personnelle
Fig.161 :
Schéma Adobe Photoshop CC
Fig.160 :
copie d’écran d’écran 9 09 13 http://paris.boisgirard-antonini.com/html/fiche.
jsp?id=2111599&np=&lng=fr&npp=150&ordre=&aff=&r= Fig.157 :
Schéma Adobe Photoshop CC
Fig.162 :
Propositions pour la dérestauration du support 1/2
Fig.163 :
Propositions pour la dérestauration du support 2/2
Fig.164 :
copie de la page 377 de MARCHANT, R., «The Development of a Flexible Attached
Auxiliary Support» in Dardes, K., Rothe, A.,The Structural Conservation of Panel Paintings: Proceedings of a Symposium at the J. Paul Getty Museum, 24-28 April 1995 Fig.165 :
Propositions pour la restauration du support 1/2
Fig.166 :
Propositions pour la restauration du support 2/2
Fig.167 :
copie de la page 369 de GLATIGNY, J.-A., «Reinforcement of thinned panels, Backing
of painted panels» in Dardes, K., Rothe, A.,The Structural Conservation of Panel Paintings: Proceedings of a Symposium at the J. Paul Getty Museum, 24-28 April 1995 Fig.168 :
Schéma Adobe Photoshop CC
Fig.169 :
http://www.haltadefinizione.com/
Fig.170 :
http://www.haltadefinizione.com/
Fig.171 :
Photographie personnelle
Fig.172 :
Photographie personnelle
Fig.173 :
Photographie personnelle
Fig.174 :
Photographie personnelle
Fig.175 :
Photographie personnelle
Fig.176 :
Photographie personnelle
Fig.178 :
Photographie personnelle
Fig.179 :
Photographie personnelle
Fig.177 :
Photographie personnelle
Fig.180 :
Photographie personnelle
Fig.182 :
Photographie personnelle
Fig.181 :
Photographie personnelle
Fig.183 :
Photographie personnelle
Fig.184 :
Photographie personnelle
Fig.185 :
Photographie personnelle
Fig.187 :
Photographie personnelle
Soazig Maliet
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
227
Annexes
Fig.186 :
Photographie personnelle
Fig.188 :
Photographie personnelle
Fig.189 :
Photographie personnelle
Fig.190 :
Photographie personnelle
Fig.192 :
Photographie personnelle
Fig.191 :
Photographie personnelle
Fig.193 :
Photographie personnelle
Fig.194 :
Photographie personnelle
Fig.196 :
Photographie personnelle
Fig.195 :
Photographie personnelle
Fig.198 :
Photographies personnelles
Fig.197 :
Photographie personnelle
Fig.199 :
Photographie personnelle
Fig.200 :
Photographie personnelle
Fig.201 :
Photographie personnelle
Fig.203 :
Photographie personnelle
Fig.204 :
Photographie personnelle
Fig.202 :
Photographie personnelle
Fig.206 :
Photographie personnelle
Fig.205 :
Photographie personnelle
Fig.207 :
Photographie personnelle
Fig.209 :
Photographie personnelle
Fig.208 :
Photographie personnelle
Fig.210 :
Photographie personnelle
Fig.211 :
Photographie personnelle
Fig.212 :
Photographie personnelle
Fig.213 :
Photographie personnelle
Fig.214 :
Photographie personnelle
Fig.215 :
Photographie personnelle
Fig.216 :
Photographie personnelle
Fig.217 :
Photographie personnelle
Soazig Maliet
MÊmoire de fin d’Êtudes Conservation - Restauration de peintures
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228
Annexes
ANNEXES ETUDE HISTORIQUE CATALOGUES DE VENTE
•
Copie d’écran du catalogue en ligne de la vente Boisgirard-Antonini du 19 10
•
Catalogue Christie, Manson and Woods, 1948
11
Soazig Maliet
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Promotion 2016
229
Annexes
De Pyro http://search.ancestry.co.uk/cgi-bin/sse.dll?uidh=000&rank=1&new=1&so=3&msT=1&gsln=Pyro&MSAV=1&cp=0&cpxt=0&catBucket=rstp&gl=37&sbo=t&gsbco=Sweden&noredir=true consulté le 22 11 2014
Soazig Maliet
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
230
Annexes
http://search.findmypast.co.uk/results/world-records-in-birth-marriage-death-and-parish-records?lastname=de%20pyro consulté le 10 12 2014
http://www.freebmd.org.uk/cgi/information.pl?r=233061134:2444&d=bmd_1419318740 consulté le 10 12 2014
District Ealing : à partir de 1965, Londres est répertorié dans le district d’Ealing lien “here” : http://www.ukbmd.org.uk/genuki/reg/districts/ealing.html consulté le 10 12 2014
Soazig Maliet
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
231
Annexes
New-York Bartolo Longo è il suo tempo : « En août 1901, monseigneur Scalabrini en visite dans les
Soazig Maliet
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
232
Annexes
missions chez les émigrés avait béni le grand tableau de la Madonne de Pompei, œuvre du peintre de Pyro. » Portland A peint des copies de « l’Archange Michel » de Guido Reni, « La Visitation » de Guirlandaio et « L’Immaculée Conception » de Murillo pour l’église catholique St Michael à Portland. “In June 1906, a notable work of art, which had just been completed for St. Michael’s, was blessed. It was a reproduction of “The Archangel Michael” originally done by the Bolognese artist Guido Reni, copied by George de Pyro, a Portland artist who came to Portland from Rome via San Francisco. He resided at 2821/2 Park Street (1312 S.W. Park Avenue). Mr. DePyro presented the parish with his magnificent reproductions of the Florentine Ghirlandaio’s, “The Visitation” and the Spaniard Murillo’s “The Immaculate Conception”. Under his direction, he and other persons refrescoed the entire sanctuary of the church.” http://stmichaelportland.org/ history-page-15 consulté le 23 11 14 “Unveiling of New Painting in St. Michael’s Church. Today a notable work of art just completed will be unveiled and blessed at St. Michael’s church. The picture has been executed by George De Pyro and represents St. Elizabeth or the «Visitation.» In front of an arched opening, giving a distant view of sea and a fortified town, Mary stands leaning over Elizabeth, her hands on the elder woman’s shoulders, whose full orange-colored robe with its red sleeves and white headdress leave little more than her profile exposed to view. Mary’s dark blue mantle is caught together at the breast by an enormous brooch, but her gauzy headdress of ruffled muslin does not hide the soft hair, which is drawn down over the ears. There is a gentle wondering melancholy on the face of Mary that suggests the Botticelli type, though without the strain and stress’ so generally noticed in that master’s Madonnas. The panel measures seven feet wide by 12 feet high and is donated to the church by Joseph Marabitti.”Oregon News, 18 août 1907. http://oregonnews.uoregon.edu/lccn/sn83045782/1907-08-18/ed-1/seq-7/ocr/ consulté le 10 12 2014 “An oil painting, representing the presentation of the Virgin Mary to St. Elizabeth was unveiled at St. Michael’s Italian Catholic Church at the 10:30 mass yesterday morning. The unveiling of the picture was celebrated by a solemn high mass, special dedication services, and other rituals of the church. The painting itself is a beautiful one, a work of art from the brush of George
Soazig Maliet
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
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233
Annexes
De Pyro, a Portland artist. The scenes laid around historic Calvary are shown on the canvas and the picture in all Is a great addition to the church.” Oregon News, 19 août 1907 http://oregonnews.uoregon.edu/lccn/sn83025138/1907-08-19/ed-1/seq-9/ocr.txt consulté le 23 11 14 “George De Pyro has just completed the work of decorating the interior of St.Michael’s Catholic Church. Fourth andMill streets. Three large paintings have been placed on the walls, one at the rear of the altar, and one on either side of it. The subject of the central painting is St. Michael casting satan from heaven, the one to the right represents the Virgin Mary as queen of the angels, and the painting to the left is a representation of the meeting of Mary and Elizabeth. The interior decorations will be blessed by the new pastor, Father H. Ciabattanl, at the Sunday services. De Pyro has been called by his admirers «the painter of form.» and those who have seen the interior decorations just completed are well pleased with them.” Oregon News, 21 décembre 1907 http://oregonnews.uoregon.edu/lccn/sn83025138/1907-12-21/ ed-1/seq-9/ocr.txt consulté le 10 12 2014 Australie St Mary’s, Ipswich, Quennsland, Australia «Our stations were painted by an itinerant Italian painter, George (Giorgio ) de Pyro. They were known to be copies from stations or paintings elsewhere. [….]Now since de Pyro emigrated from Rome to USA about 1905, and left after the San Francisco disaster to arrive in Australia in 1909 – […]After a short stay in Australia he migrated to England and set up Wentworth Studio in Manresa Rd Kensington. He was there until retirement and bankruptcy in 1932”. “Both Brumidi and de Pyro studiesd in Rome, where a lot if time was spent by students making copies of works all around them.” Londres Georges de Pyro continue à travailler pour Mudgee à Sydney après 1911. et pour St. Stanislas Catholic college à Bathurst en 1913 environ . «The Stations of the Cross were painted by George de Pyro in London. These paintings were send to Australia unframed where they were subsequently framed by a Swiss firm in Sydney.» http://www.mudgee.catholic.org.au/?i=309/history consulté le 10 12 2014 http://www.wotif. com/promo/central-nsw/assets/pdf/CNSWT_trails_art.pdf consulté le 10 12 2014
Soazig Maliet
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
234
Annexes
In 1911 […] . The acclaimed artist George de Pyro painted “The Stations of the Cross”, noted for their colour and realism and are regarded amongst the best in the country. http://issuu. com/bydesigngraphics/docs/mudgee2014guide_web p.75 consulté le 10 12 2014 voir “Mr. George de Pyro, an Italian artist, until recently living in Bathurst, Australia, and now resident in London, has ju-t completed a fine portrait or Daniel O’Connell which is to be hung in the gaillery of St. Stanislaus’ Catholic College, Bathurst, Australia.” London Monitor And New Era: Saturday, October 18, 1913 - Page 10 http://newspaperarchive.com/uk/middlesex/ london/london-monitor-and-new-era/1913/10-18/page-10 consulté le 23 11 2014 «Painting Bought For Small Sum Proves Van Dyck LONDON- Artists here were discussing one of the most romantic art finds in Britain for many years. Hidden away in a neglegted corner of a Chelsea studio, a picture purchased by an artist some time ago for a trifling sumhas just been pronounced by experts to be a hitherto unknown work by Van Dyck. Additional interest attaches to the picture because it is a replica by the Dutch master of the famous Cornaro family group by Titian, which was recently purchased for Great Britain by the Duke of Northumberland for $600.000. The newlly discovered copy of Titian’s painting by Van Dyck was disposed of by its owner, De Pyro, and Italian artist, for $3000. De Pyro had purchased it for a couple of hundred dollars and had put it away in his studio, thinking it of little importance.» http://newspaperarchive.com/us/utah/salt-lake-city/salt-lake-tribune/1929/09-15/page-17 consulté le 17 12 2014
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235
Annexes
SUJET TECHNICO SCIENTIFIQUE Sujets Tableau récapitulatif des sujets participant à l’expérience (profession, nombre d’années d’expérience). N° su-
Profession
H-F
jet
Tranche d'âge (années)
Expérience professionnelle 1 Profession 2 (années)
P01
Expert
H
60-70
35-40
P02
Restaurateur
H
60-70
25
Ingénieur
P03
Expert
F
60
33
Courtage
P04
Restaurateur
F
50
25-30
P05
Restaurateur-Marchand F
60
35
Restauratrice
P06
Restaurateur-Expert
F
75
55
Experte cours d'appel
P07
Restaurateur
F
50
20-25
P08
Restaurateur
F
67
39
P09
Restaurateur
F
28
4
P11
Expert
H
40-50
20
Expert archéologie classique, grecque étrusques
P12
Expert
H
50
30
Marchand
P13
Expert
F
50
7
Marchande avant
P14
Restaurateur
F
65
26
Professeur d'arts plastiques
P15
Restaurateur
F
40
15
P16
Expert
F
50-60
20
P17
Expert
H
65
43
Marchand XVI-XVIIXVIII, un peu XIXè
P18
Expert
F
35
10
Marchande art contemporain
P19
Restaurateur
H
40-50
22
P20
Restaurateur
F
35-40
20
P21
Restaurateur
F
35-40
23
Moyennes 53,46
Soazig Maliet
25,11
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236
Annexes
Détail des sujets participant à l’expérience Experts
N° sujet P01 P03 P11 P12 P13 P16 P17 P18
Profession Expert Expert Expert Expert Expert Expert Expert Expert
Tranche d'âge
H-F H F H H F F H F
(années) 60-70 60 40-50 50 50 50-60 65 35 Moyennes 52
Expérience professionnelle 1 (années) 35-40 33 20 30 7 20 43 10 23,28571429
La proportion d’hommes est de 50% et la proportion de femmes est de 50% également. Restaurateurs N° sujet P02 P04 P05 P06 P07 P08 P09 P14 P15 P19 P20 P21
Profession
H-F
Restaurateur Restaurateur Restaurateur-Marchand Restaurateur-Expert Restaurateur Restaurateur Restaurateur Restaurateur Restaurateur Restaurateur Restaurateur Restaurateur
H F F
Tranche d'âge (années) 60-70 50 60
F F F F F F H F F
75 50 67 28 65 40 40-50 35-40 35-40 Moyennes 54,375
Expérience professionnelle 1 (années) 25 25-30 35 55 20-25 39 4 26 15 22 20 23 26,4
La proportion d’hommes est de 16,66 % et la proportion de femmes est de 83,33%.
Soazig Maliet
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237
Annexes
Questionnaire QUESTIONNAIRE
Sujet :
Les réponses sont sous forme d’une échelle de certitude : 1 : totalement incertain 2 : incertain 3 : moyennement certain 4 : certain 5 : absolument certain Vous pouvez aussi faire d’autres suggestions que les réponses proposées dans l’espace prévu à cet effet. 1. TYPE D’ŒUVRE
1
2
3
4
5
Avez-vous vu un tableau ?
□ □ □ □ □
Avez-vous vu un fragment de mobilier décoratif ?
□ □ □ □ □
Autres suggestions :
2. MATERIALITE
Quelle est l’époque d’exécution de cette œuvre ? - XVIè siècle : - XIXè siècle : - XXè siècle :
1
2
3
4
5
□ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □
- Autres suggestions :
Soazig Maliet
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
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238
Annexes
Quelle est la technique d’exécution ?
1
2
3
4
5
□ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □
- Tempera : - Huile : - Procédé d’estampe : - Autres suggestions :
Quel est le support ? - Bois : - Toile : - Carton : - Papier :
1
2
3
4
5
□ □ □ □
□ □ □ □
□ □ □ □
□ □ □ □
□ □ □ □
1
2
3
4
5
- Autres suggestions :
3. AUTHENTICITE
Pensez-vous que cette œuvre a subi des réinterprétations ?
□ □ □ □ □
Pensez-vous qu’il s’agit d’une imitation ?
□ □ □ □ □
Soazig Maliet
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
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239
Annexes
Pensez-vous qu’il s’agit d’un faux ?
□ □
□ □ □
- Autres suggestions :
A quelle époque se situe la scène ?
1
-
Moyen Age :
□ □ □ □ □
-
Renaissance :
□ □ □ □ □
-
Rome antique :
□ □ □ □ □
-
- Autres suggestions :
Qui est le personnage principal ?
-
Femme seule au centre :
□ □ □ □ □
-
Femme au centre du balcon :
□ □ □ □ □
-
Homme à terre au centre :
□ □ □ □ □
-
- Autres suggestions :
Soazig Maliet
1
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
2
2
3
3
4
4
5
5
Promotion 2016
240
Annexes
Les personnages présents peuvent-ils être distingués en plusieurs catégories ?
1
2
3
4
5
-
Oui :
□ □ □ □ □
-
Non :
□ □ □ □ □
-
- Autres suggestions :
4. REPRESENTATION
Quel est le sujet représenté ?
- Scène de bataille : - Massacre des innocents : - L’intervention des Sabines :
1
2
3
4
5
□ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □ □
- Autres suggestions :
Soazig Maliet
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RÉSULTATS Sommes des durées de fixations en ms détaillées par sujet et par AOI
D e s s i n Frisures G r a n d e G r a n d e G r a n d e G r a n d e Personnage Personnage Personnage R e p e i n t Repeint Repeint Visages T o t a l original bois lacune 1 lacune 2 lacune 3 lacune 4 principal 1 principal 2 principal 3 cheval femme fond authen- général tiques
138908
16374
12995
14610
212
363
1608
714
15191
2710
1976
271
2636
2406
1517
131 403
613
14332 810
9497
2508 192
29253
10802
15526
149411
6691
2531
2807
2742
187
19205
317
214
526
19984
311
5129
1407 1048
383
164 468
5919
2854 3018
355
387 722
9248 1960
354
455
517
815
139
107
1299
8324
19364
482
440 433
231 211
9269 358
1045
1345
966
466
423
1854
785
3301
849
1142
560
4195
14985
14428
21046
12086
10853
4475
27485
7099
662
1409
1973
1037
243 653
610
938
1745,91
151
569,89
163
845,57
167
2092
1494
5149 1238
1027,56
2391
1417
1383 302
1474
1029,89
517
1905,00
1229
416,29
56
4574
2209
914
68
19050
765
56
172 123 414
191,25
2914
1552
849
61022 704
3210
17065
7961 355
143
411
3118
251
495
339
279
139 822
674
243
259
Expert 7585 2403
2390
327
546
9049
P01 4327 2239
12124
1655
P03 7413 2874 1864
13699
1096
P11 8074 1698 8836
390
411
P12 11584 1551 183
4304
363
P13 11121 10637
263
721
P16 2957 111 395
2700
1246
P17 52111 449
567
741
P18 741 929
1553
288319
1189
Restaurateur 2004 3685
750
34396
4316
P02 3619 221
330
7105
291
P04 11288 227
292
8555
2531,83
3592
P05 1201 226
1712 2142
10765
329,33
319
P06 943 1899 1040
152
18766
878,67
60
P07 4985 890
598
36115
303,40
1916
P08 6846 858
2789
11963
1187,13
375
P09 6661
413
1861
2437,86
6383
P14 6139
729
3621
1508,17
1178
P15 4429
5828
365,33 535,00
2583
P19 3255
11242
411 519,67
541
P20
24969
677,5 1262,29
1134
P21
113133
601,5
219
Total général
1791,5 886,42
7627,75
Moyennes Experts
R e s t a u r a - 4342,58 teurs
Promotion 2016
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Soazig Maliet
241 Sujet technico - scientifique
Soazig Maliet
1
1
6
P18
total
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
2
25%
13%
1
1
1
1
13%
1
1
13%
1
1
13%
1
1 38%
3
Epoque
0%
0
(style)
1
1
1
1
XV
38%
3
1
1
1
XVI
0%
0
25%
2
1
1
13%
1
1
0%
0
38%
3
1
1
1
50%
4
1
1
1
1
25%
2
1
1
0
XX
0%
0 88%
7
1
1
1
1
1
1
1
Tempera
25%
2
1
1
0%
0
25%
2
1
1
38%
3
1
1
1
13%
1
1
13%
1
1
88%
7
1
1
1
1
1
1
1
Femme Femme Homme A u - Oui s e u l e b a l c o n à terre cun a u (AOI 1) (AOI 3) centre (AOI 2)
0%
0
Non
0%
0
0%
0
Sujet représenté
25%
2
1
1
Papier Murale
Support Toile
38%
3
1
1
1
13%
1
1
25%
2
1
1
S c è n e Scène M a s de ba- d e sacre taille mar- d e s tyre Innocents
88%
7
1
1
1
1
1
1
1
Murale Bois
Catégories de personnages ?
Huile
REPRÉSENTATION
Gouache
Technique d'exécution
MATÉRIALITÉ
Personnage principal
13% 0%
1
1
XIX
Epoque d'exécution
C o p i e I m i t a - Faux R o m e Moyen H a u t e R e d a n s tion ? ? Antique Age R e - naisle goût n a i s - sance de ? sance
AUTHENTICITÉ
R e s - Réint a u r a - terprétions ? tations ?
tage
P o u r c e n - 75%
1
P17
1
P16
1
P13
1
Tableau Fragment P a n - Peinture XI de mobilier neau murale décoratif
P12
P11
P03
P01
EXPERTS
TYPE D'ŒUVRE
Réponses des sujets au questionnaire (sans l’échelle de certitude)
0%
0
L'interv e n t i o n d e s S a bines
242 Annexes
Soazig Maliet
1
1
1
P04
P05
P06
P07
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
P19
tage
P o u r c e n - 67%
1
8
P21
Total
P20
1
1
P15
P14
P09
P08
1
1
P02
8%
1
1
8%
1
1
1 (fragment)
17%
2
1
1
8%
1
1
R E S TA U RATEURS Tableau Fragment P a n - Peinture XI de mobilier neau murale décoratif
TYPE D'ŒUVRE
17%
2
1
1
XV
58%
7
1
1
1
1(style)
1
1
1 (+ partie XIXè et parties Xxè)
1
1
1 (style)
XVI
0%
0
XIX
Epoque d'exécution
0%
0
8%
1
1
Gouache
58%
7
1
1
1
1
1
1
1
Tempera
33%
4
1
1
et 1
1
1
Huile
8%
1
1
75%
9
1
1
1
1
1
1
1
1
1 ( puis transpo)
1
Murale Bois
Technique d'exécution
MATÉRIALITÉ
0%
0
Toile
8%
1
1
8%
1
1
Papier Murale
Support
Annexes
243
Promotion 2016
Soazig Maliet
5
42%
8%
1
1
1
1
1
1
1
R e s - Réint a u r a - terprétions ? tations ?
Epoque
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
17%
2
1
1
0%
0
0%
0 0%
0 33%
4
1
1
1
1
1
1
17%
2 50%
6 8%
1 33%
4
1
1 1
1
1
17%
2
42%
5
1
1
1 1
1
1
1
1
1
1
100%
12
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
0%
0
Non
Catégories de personnages ?
Femme Femme Homme A u - Oui s e u l e b a l c o n à terre cun a u (AOI 1) (AOI 3) centre (AOI 2)
Personnage principal
1
1
1
C o p i e I m i t a - Faux R o m e Moyen H a u t e R e d a n s tion ? ? Antique Age R e - naisle goût n a i s - sance de ? sance
AUTHENTICITÉ
REPRÉSENTATION
25%
3
1
1
1
0%
0
33%
4
1
1
1
1
S c è n e Scène M a s de ba- d e sacre taille mar- d e s tyre Innocents
Sujet représenté
50%
6
1
1
1
1
1
1
L'interv e n t i o n d e s S a bines
244 Annexes
Promotion 2016
P01 P03 P11 P12 P13 P16 P17 P18 P02 P04 P05 P06 P07 P08 P09 P14 P15 P19 P20 P21
Ex Ex ex ex ex ex ex Ex Rs rs rs Rs Rs Rs Rs Rs Rs Rs Rs Rs
A u T y p e E p o q u e Exécu- S u p th e n tid’œuvre d'exécution tion port cité 0 1 1 1 0,5 0 1 1 1 0 1 1 1 1 0 0 0 0 1 0 0 0 0,5 1 0 0 0 1 1 0 0 0,5 0,5 0,5 0 0 1 0,5 0,5 0 0 0 0,5 0 0 0,5 1 0,5 1 0 0 0,5 0 1 0,5 0,5 1 0,5 1 1 0 1 0,5 1 0 0 0 0,5 0 0 0,5 0,5 1 1 1 0 0 0,5 1 0 0 1 1 1 1 0 1 0 1 0 0 0,5 0 0,5 1 0 1 0 1 1
Échelle de certitude des groupes de réponses au questionnaire par sujet
Epoque de représentation 1 1 0,5 0 1 0 0 0 1 0 0 0,5 1 0 0 1 0,5 0 0 1
Soazig Maliet
0 0,5 0 0 0,5 0 0 0 0 0,5 0 0 0 0 1 0 0,5 0,5 0 0
Personnages 0 0 1 0 0 1 0 0,5 1 0,5 0 0 0,5 0 1 0,5 0,5 1 0,5 0
Sujet
Annexes
245
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
Soazig Maliet
0
3
0
Experts Donnée 0 technique
Restaurateurs 0 Jugement de valeur
Restaurateurs 1 Donnée technique
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures 1
5
1
1
0
3
Experts Donnée 0 technique
Restaurateurs 2 Jugement de valeur
0
1
4
3
0
5
8
2
4
4
6
3
0
3
nature de l'objet
0
1
0
2
lacunes
4
3
1
5
3
3
2
1
3
1
1
1
dessinreprises?
2
2
0
3
repeints fond vert
altération repeints
dessin
jugement qualitatif composition
histoire matérielle
lecture de l'image
cohérence falsification
Experts Juge- 0 ment de valeur
parcours visuel
Restaurateurs 0 Donnée technique
4
0
3
0
technique
jugement qualitatif
0
perspective
Experts Juge- 0 ment de valeur
préparation
matériaux constitutifs
Idées forces sur les groupes de données verbatim par groupes de professionnels
1
3
0
3
traitement du paysage
246 Annexes
Promotion 2016
247
Annexes
CONSERVATION - RESTAURATION Support Fiche technique du balsa http://le-bois.com/detail-essence-bois-1-balsa-0000016 consulté le 12 05 2015
Soazig Maliet
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
248
Annexes
Soazig Maliet
Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
249
Annexes
Recette colle d’esturgeon : 25% en solution aqueuse 25g de vessie natatoire d’esturgeon fournis par CTS France a été coupée en petits morceaux. Ces derniers ont gonflé dans 75g d’eau pendant 24 heures (figure de gauche).
La colle est mise à cuire pendant 20 minutes au bain-marie. A l’issue de la cuisson (figure de droite), elle est filtrée avec un Origam® :
Le pouvoir collant le plus important étant dans les impuretés, bien extraire la colle présente dans les impuretés.
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Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
250
Annexes
19/05/10
Résine époxyde 162 bijox PRESENTATION La résine époxyde 162 bijox est une résine époxyde transparente bicomposante. Elle permet la réalisation d’inclusions en bijouterie fantaisie et le moulage de petits objets. Emaillage et surfacage la résine épaisse autolissante se répartie par capillarité sur le support employé. CARACTERISTIQUES • Très transparente. • Bonne résistance aux UV. • Bonne résistance aux substances chimiques. • Faible retrait quelle que soit l’épaisseur. • Débullage aisé. • Facilement polissable. • Faible odeur. • Bonne adhésion sur métal, plastique et verre. PROPRIETES • Indice Gardner < 1 • Viscosité à 23°C : 700 centipoises. • Dureté : 78 shores D. MODE D’EMPLOI Ratio : Le mélange se fait manuellement. Débuller avant de déposer.
100g résine 162 50g durcisseur
• Durcissement (film 6 mm) : - sec à cœur : 12 h à 20°C La résine époxyde 162 bijox peut se colorer dans la masse. Les colorants transparents liquides colorent la résine en la laissant transparente. Colorants opaques apportent opacité et couleur. ATTENTION : En cas de cristallisation dans le pot, faire fondre au bain-marie. CONDITIONNEMENT kit 1,5kg - 8kg - 35kg STOCKAGE 6 mois à température ambiante en pots fermés.
ESPRIT COMPOSITE • 10, rue Brézin • 75014 Paris
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251
Annexes
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Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
252
Annexes
COUCHE PICTURALE Protocole de retrait des repeints Phase 1 Repeints 3 Des tests à la goutte sont réalisés avec des solvants purs afin de repérer les solvants qui solubilisent les repeints 3. Tests à la goutte Ethanol : solublise Acétone : solublise davantage que l’éthanol Méthylétylcétone : solublise comme l’acétone Isopropanol : solubilise, moins agressif que les précédents Cyclohexane : insensible Isooctane : insensible White Spirit : insensible
Mélange de solvants
Zone de solubilité sur le triangle de Teas
Cyclohexane 90%
Résultat inefficace
- Éthanol 10%Les repeints 3 ne se Ce mélange de
solubilisent pas avec
solvants se situe
ce mélange de sol-
dans la zone de
vants
solubilité des huiles
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Promotion 2016
253
Annexes
White-Spirit 40% -
satisfaisant
Isopropanol 60% Ce mélange de solvants est situé dans la zone de solubilité des résines naturelles et synthétiques. Solubilise la résine synthétique du refixage White-Spirit 50%-
satisfaisant
Éthanol 50% Ce mélange de solvants est situé dans la zone de solubilité des résines naturelles et synthétiques, en ayant une plus faible concentration en éthanol
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Promotion 2016
254
Annexes
White-Spirit 70%-
satisfaisant
Ethanol 30% Ce mélange de solvants permet une utilisation moindre de l’éthanol. En revanche, il est situé dans une la zone de solubilité des résines synthétiques, des huiles et des cires. Il risque de solubiliser également des repeints. Mélanges de solvants
Ce mélange de solvants est intéressant, car la proportion d’éthanol est réduite, mais suffisamment conséquente pour solubiliser les repeints 3 en plus de la résine synthétique. 10% d’éthanol dans le mélange de solvants n’ont pas suffi pour solubiliser les repeints 3 mais 30% d’éthanol sont efficaces. Nous avons choisi de réaliser des tests dans plusieurs zones du tableau, en remplaçant le White Spirit par du Cylcohexane :
Soazig Maliet
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Promotion 2016
255
Annexes
Bâtonnet de test
Zone de test
Commentaire Solubilise la résine synthétique de refixage et les repeints 3
Solubilise la résine synthétique mais ne solubilise pas les repeints 2
Solubilise la résine synthétique de refixage et les repeints 3
Le mélange cyclohéxane 70%-éthanol 30% est retenu pour le retrait de la résine synthétique et des repeints 3. Si le mélange cyclohéxane 70%-éthanol 30% solubilise la résine synthétique filmogène, elle ne retire pas cette même résine qui est présente en plus grande quantité dans les creux. De nouveaux tests de solubilité sont réalisés : cyclohexane 50%-éthanol 50% : inefficace cyclohexane 70%-éthanol 30% : inefficace cyclohexane 90%-éthanol 10% : inefficace
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Promotion 2016
256
Annexes
=> L’éthanol s’avère inefficace pour la solubilité de cette résine Une autre solvant est testé à la goutte : l’acétone. Il semble assouplir un peu cette résine en excès dans les creux. De nouveaux mélanges de solvants sont testés : cyclohexane 70%-acétone 30% : inefficace cyclohexane 60%-acétone 40% : inefficace cyclohexane 10%-acétone 90%: assouplit D’autres solvants purs sont testés : White Spirit : inefficace Méthyléthylcétone : assouplit. Comme il s’évapore moins vite que l’acétone, il agit plus longtemps. Xylène : inefficace Un morceau de cette résine est prélevé mécaniquement afin d’effectuer des tests : Ce morceau se solubilise dans les aromatiques. A l’aide d’une spatule chauffante, on chauffe ce morceau de résine afin de détecter sa température de transition vitreuse, ce qui permet de préciser sa composition. A 95°C, le morceau de résine est à peine ramolli. La composition de cette résine est indéterminée. La résine dans les creux sera ramollie à l’aide d’un mélange Acétone 50%-Toluène 50%. Phase 2 : Solubilisation des repeints 2 Mélanges de solvants Pour la solubilisation des repeints huileux, nous commençons par un mélange d’acétone et d’éthanol à proportion égale.
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Promotion 2016
257
Annexes
Mélange de
Résultat du test
solvants Acétone 50%-
Localisation du test
Commentaire solubilise
Éthanol 50%
lé-
gèrement mais n’est pas suffisamment
effi-
cace Acétate
idem
idem
d’éthyle 50%Méthyléthylcétone 50%
Ce premier mélange de solvants n’est pas suffisamment efficace, nous testons un mélange acétate d’éthyle-méthyléthylcétone. L’acétate d’éthyle et le méthyléthylcétone sont moins volatils que l’acétone et l’éthanol, pénètrent plus en profondeur et solubiliseront peut-être davantage les repeints huileux. Mais ce mélange de solvants n’est pas plus efficace que le précédent. Ces premiers tests ne sont pas suffisamment efficaces pour solubliser les repeints 2. Nous décidons alors de tester des gels de solvants. En effet, les gels présentent le double avantage et d’agir longtemps sur la couche à solubiliser et d’éviter des solvants de pénétrer en stratigraphie. Nous avons choisi de commencer par réaliser un gel de méthyléthylcétone. Le gel est réalisé mélangeant 2 grammes de Carbopol 934® et 20ml d’Ethomeen C12®, en ajoutant le méthyléthylcétone et en ajoutant 10 millilitres d’eau. Le gel est posé à l’aide d’une spatule italienne. Il agit pendant 2 minutes puis est retiré à l’aide d’un coton-tige. Le rinçage s’effectue
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Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
258
Annexes
Bâtonnet de test
Résultat du test
Localisation du test
Commentaire Solubilise légèrement et provoque un blanchiment sur la zone Solubilise légèrement et provoque un blanchiment sur la zone
à l’éthanol. L’application d’un gel de méthyléthylcétone suivi d’un rinçage à l’éthanol solubilise légèrement les repeints 2 et provoque un blanchiment. Mais cette méthode n’est pas suffisamment efficace pour solubiliser les repeints 2. L’insolubilité de ces repeints laisse penser qu’ils sont polymérisés. Nous optons pour des mélanges de solvants qui solubilisent des matériaux polymérisés, à savoir les huiles vieillies.
Le MK13 dans le liste de Liliane Masschelein-Kleiner est un mélange Toluène 50%-Diméthylformamide 50% qui se trouve dans la zone de solubilité des huiles vieillies dans le triangle de Teas. Cependant, nous ne pouvons utiliser ce mélange car l’Intervention des Sabines est peint a tempera et le diméthylformamide solubilise les protéines. L’utilisation de ce mélange est donc trop risqués car celui-ci pourrait solubiliser la tempera.
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Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
259
Annexes
1er passage
coton faiblement teinté
2ème passage
3ème passage
coton plus teinté
coton moins tein-
qu’au premier
té qu’au second
passage
passage
Nous décidons alors de tester le MK 16 dans la liste de Masschelein-Kleiner, en remplaçant le diméthylformamide par le diméthylsulfoxyde, qui ne solubilise pas les protéines. Nous testons donc le mélange Acétate d’éthyle 50%-Diméthylsulfoxyde 50%.
1er passage
coton faiblement teinté
2ème passage
3ème passage
coton plus teinté
coton plus teinté
qu’au premier
qu’au second
passage
passage
Les repeints 2 se solubilisent au mélange Acétate d’éthyle 50%-Diméthylsulfoxyde 50% lors des deux premiers passages. Le 3ème passage n’est pas efficace. Le mélange Acétate d’éthyle
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Mémoire de fin d’études Conservation - Restauration de peintures
Promotion 2016
260
Annexes
50%-Diméthylsulfoxyde 50% n’est pas jugé suffisament efficace pour le retrait des repeints 2. Nous testons un autre mélange de solvants : N-méthylpyrrolidone 50%- Cyclohexane 50% qui se trouve également dans la zone de solubilité des huiles vieillies. Les repeints 2 se solubilisent au mélange N-méthylpyrrolidone 50%- Cyclohexane 50%. Le N-méthylpyrrolidone a une très forte rétention, l’évaporation est donc longue. Ce mélange fait gonfler la couche de repeints 2, et on peut la retirer mécaniquement à l’aide d’un scalpel. Ce mélange est jugé satisfaisant. En revanche, le cyclohexane et le N-méthylpyrrolidone ne sont pas sufisamment miscible. On préfèrera un mélange N-méthylpyrrolidone 50%- Toluène 50% qui est plus miscible.
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Promotion 2016
261
Annexes
Tests de vernis Re-saturation de la couche picturale. Des tests ont été effectués afin de déterminer quelle résine sera la plus adaptée, et en quelle concentration. Il y a deux grandes catégories principales de résines utilisées en conservation-restauration pour la fabrication de vernis. Les résines synthétiques et les résines naturelles. Selon l’aspect final désiré, la taille de la molécule, l’exposition ou non à la lumière, la résine à utiliser sera minutieusement choisie. Nous avons exclu immédiatement le Laropal A81®, car son rendu est très brillant, et ce n’est pas l’aspect recherché pour la couche picturale de l’Intervention des Sabines. Nous nous sommes intéressée à trois autres résines : - le Reglarez 1094®: résine synthétique qui a une petite molécule. Du fait de la taille de cette molécule, elle pénètre dans la couche picturale et resature les couleurs en profondeur. Mais la saturation des couleurs n’est pas l’objectif que nous recherchons. L’objectif de cette intervention est de nourrir la couche picturale appauvrie en liant. Nous avons donc exclu le Reglarez 1094®. -le Paraloïd B72®: résine synthétique qui a une grosse molécule. Elle est beaucoup utilisée en peintures murale pour les retouche, comme matériau de comblement, de mastics transparent. Elle nous intéresse car l’objectif de l’intervention est de re-nourrir la couche picturale, de la consolider. Le rendu esthétique est en général de tonalité froide. Utiliser un matériau fréquemment employé à cet effet en peinture murale nous a semblé une idée intéressante. - le dammar : c’est une résine naturelle qui a une petite molécule (moins que le Paraloïd B72® B72®). Elle renourrit bien les couches picturales et est très brillante. Elle est souvent utilisée sur les tableaux anciens pour un beau rendu esthétique et une tonalité chaude. Elle jaunit dans le temps et nécessite donc d’être protégée par un vernis synthétique. Les deux dernières résines exposées nous semblent être les plus intéressantes. Il faut à présent se demander si on souhaite conserver l’Intervention des Sabines comme on conserverait les fragments d’une peinture murale, avec une tonalité froide, ou si on valorise l’original en le traitant comme un tableau ancien, avec une tonalité plus chaude. La prise de position est également guidée par les tests de ces deux résines . Le Paraloïd B72® est testé à 8% dans l’acétone et le dammar à 10% et 15% dans le white
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Promotion 2016
262
Annexes
spirit. Les tests sont effectués au tampon sur des petites surfaces où les différents types de plages colorées (brillante et appauvrie en liant) sont présentes. L’apprécation du test se fait lors de l’application, et le rendu de l’aspect est revu 48 heues après, le temps que les solvant soient évaporés. Lors de l’application du Paraloïd B72® en solution, les molécules de résine sont retenues à la surface des figures qui ont été écrasées à la chaleur. En effet, ces zones sont lisses, peu poreuses, et la taille importante de cette molécule empêche de pénétrer dans ces zones. La résine fait briller les parties poreuses mais ne prénètre pas en profondeur et ne les nourrit pas. Il y a donc des disparités importantes de l’état de surface : l’hétérogénéité de l’aspect de surface est accentuée par l’applicaton de cette solution de Paraloïd B72®. Lors de l’application du dammar, la solution pénètre en profondeur. Le white spirit a une rétention assez longue, ce qui permet une lente évaporation du solvant. Le résultat est plus homogène entre les zones lisses et les zones appauvries en liant. La résine dammar a été retenue, à 15% en solution dans le white spirit. Afin de mieux contrôler le geste et de pouvoir insister dans les zones appauvries et liant et ne pas trop vernir sur les zones lisses, le mode d’application choisi sera le tampon, à savoir une boule de coton dans un bas synthétique. Saturation de l’ensemble picturale avec les tons de fond vibrants Le mode d’application choisi est le pulvérisateur EcoSpray®. Deux vernis sont testés : le Dammar que nous avons utilisé auparavant et le Reglarez 1094®® qui est une résine synthétique que nous avons précédemment mentionnée. Ces deux résines sont testées en pulvérisation à 15% en solution dans du White-Spirit. Le résultat est apprécié après 24 heures d’application afin de laisser s’évaporer le White-Spirit. Le dammar donne un résultat trop brillant et l’état de surface testé présente un déséquilibre entre la couche picturale originale qui est très brillante et les retouches qui sont plus mates. En revanche, le Reglarez 1094® ® donne un résultat satisfaisant avec un état de surface homogène.
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Promotion 2016
263
Annexes
Pierre-Paul Rubens (1577-1640), Hercule et Omphale (1603), huile sur toile, 278 x 215 cm, Musée du Louvre, Paris.
Détail d’Hercule et Omphale, vue de près.
Détail d’Hercule et Omphale, vue de loin.
Vue de la réintégration vibrante
Vue de la zone réintégrée
Détail d’Hercule et Omphale, vue de près.
Détail d’Hercule et Omphale, vue de loin.
Vue de la réintégration vibrante
Vue de la zone réintégrée
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