Eugénie FALISE- Elément d'Armithétique, par Louis Braille, 1840

Page 1

ECOLES DE CONDE Formation Restaurateur du Patrimoine - Niveau II

MEMOIRE DE FIN D’ETUDES Conservation Restauration de papier

Objet de l'étude : Eléments d'Armithétique, par Louis Braille, 1840 Sujet technico-scientifique : Recherche d'un consolidant adapté à la restauration de textes en braille

Eugénie FALISE Spécialité Papier Promotion 2013

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 1

Session 2013


Remerciements

Je remercie Noëlle Roy, conservatrice du Musée Valentin Haüy pour son soutien et sa confiance, ainsi que Mme Auliac, Mme Mouraud, M. Ollier, M. Pepe, Mme Wolff-Bacha, mes professeurs, pour leurs conseils, leurs relectures et leur patience. Je remercie également les membres du jury pour avoir lu ce mémoire et participé à ma soutenance. Je tiens à exprimer toute ma gratitude envers le Centre Technique du Papier de Grenoble et tout particulièrement à Laurence Leroy, sans qui cette étude scientifique n'aurait pas été possible. Je n'oublie pas l'équipe de la Bibliothèque nationale : Alain, Isabelle, Evelyne et Sandy pour leurs conseils, ainsi qu'Olivier pour son aide précieuse, Je souhaite également remercier Caroline Geoffroy, pour sa platine transformée pour l'occasion en simulateur de frottements ; Dominique mon oncle, pour sa relecture et ses conseils ; Colette notre interlocutrice au sein de l'administration de l'école, pour sa disponibilité et son sourire ainsi que Reynalde Nicolin, membre de l'association Valentin Haüy, pour avoir accepté d'être filmée. Je pense aussi à Christine Claudon, responsable du service Edition de la Fédération Française du Bâtiment, que je remercie vivement pour avoir lu, corrigé et imprimé ce mémoire. Toute ma reconnaissance se dirige par ailleurs vers mes camarades de classe, notamment Floriane, Elsa, Coline, Chloé, Cindy et Marion, ainsi qu'Alexandra, ma collègue de stage, pour nos échanges qui m'ont aidée à avancer dans ce travail. Je ne peux enfin que remercier mes parents pour m'avoir permis de faire ces études passionnantes qui représentent un investissement important sur plusieurs plans et qui se clôturent par ce mémoire. Je les remercie à plus d'un titre, ainsi que Célestine, Manon et Salomé, mes sœurs et Nicolas, mon compagnon, pour m'avoir relue, écoutée et « supportée ».

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 2

Session 2013


FICHE D’IDENTIFICATION Titre ou désignation de l’œuvre : Eléments d'arithmétique, par Louis Braille Sujet technico-scientifique : Comment consolider du braille ?

Photographies (recto-verso) avant interventions

Photographies (recto-verso) après interventions

Statut Cotation, n° d’inventaire et/ou collection - fonds : Inv. A – 05 – 3014

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 3

Session 2013


Renseignements relatifs à l’objet Nom de l’auteur : Louis Braille Edition : Institut Royal des Jeunes Aveugles. Epoque : 1840 Dimensions : 245 x 310 x 90 mm Etat de conservation et présentation des altérations : Assez mauvais. Altérations diverses, surtout mécaniques. Fonction et nature de l’objet Description – représentation : Livre avec lettres en relief destiné à l'instruction des aveugles. Matériaux constitutifs : Papier, carton, ruban de couture, parchemin, cire. Technique(s) : Papier gaufré. Documentation Propriétaire : Association Valentin Haüy Lieu de conservation : Musée Valentin Haüy, Paris Valeur culturelle : Témoignage du mode d'instruction pour les aveugles avant la généralisation du braille.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 4

Session 2013


Avant-propos Lors de la recherche de mon œuvre de mémoire, je me suis très vite orientée vers des petits musées. Ces derniers offrent un double avantage : ils ont rarement de restaurateurs attitrés et sont par conséquent susceptibles d'être intéressés par le prêt et la restauration de l'une de leurs pièces. Par ailleurs, ils ont des collections souvent méconnues et qui méritent que l'on s'y attarde. C'est le cas du musée Valentin Haüy, au sein de l'association du même nom, à Paris. J'y ai vu des pièces conçues pour une « lecture tactile » dédiées aux aveugles, parmi d'autres objets insolites. Cela m'a tout de suite évoqué un vaste panel d'interrogations relatives à la restauration de tels objets. J'ai donc contacté la conservatrice, qui m'a conviée à venir voir les pièces en question afin que nous puissions en discuter. C'est ainsi que j'ai découvert les collections de ce musée étonnant. Deux choses m'ont séduite et m'ont conduite à choisir ce livre en tant qu'œuvre de mémoire. Tout d'abord, c'est un objet méconnu du grand public et qui mérite pourtant de l'attention. Il représente en effet une partie cachée de l'Histoire que j'avais envie de découvrir. D'autre part, j'ai été motivée par l'aspect technique et la difficulté de restaurer un objet qui n'est pas fait pour être vu mais pour être touché. La technique d'impression en relief utilisée dans Eléments d'arithmétique a été élaborée par des voyants, mais le livre ne leur était pas destiné. C'était un outil de travail, fabriqué par des aveugles, dans le but d'apprendre les mathématiques à des élèves également non voyants. La technique a évolué et aujourd'hui ce livre est un témoin que l'on expose à un public voyant pour lui faire mesurer, si tant est que cela soit possible, le chemin parcouru depuis les prémices du système d'instruction à l'usage des aveugles. Lors de la restauration il faut donc bien garder à l'esprit que la valeur de l'objet a changé. Le relief des caractères et la technique d'impression sont les caractéristiques fondamentales de l'objet. Elles sont à conserver en priorité, et c'est dans cette optique qu'a été mené le travail dont rend compte ce mémoire. Le principe est de ne pas entraver le relief du texte et de proposer une restauration suffisamment esthétique pour que le livre puisse être exposé, tout en restant aussi fidèle que possible au livre original. La comparaison avec des originaux est possible puisqu'il existe d'autres ouvrages comparables qui lui sont contemporains et n'ont jamais été restaurés. Eugénie FALISE

Ecole de Condé 5

Session 2013


Resumé / Abstract

Eléments d'arithmétique est une synthèse des différents éléments qui ont conduit au système d'instruction pour les aveugles actuel. Il est imprimé selon le procédé dit « linéaire » inventé par Valentin Haüy, en lettres gaufrées et son auteur est Louis Braille. Dans cette partie historique sont étudiés les acteurs et les inventions qui se sont enchaînées en soixante ans pour créer un réel système performant d'apprentissage de la lecture et de l'écriture aux aveugles. C'est-à-dire comment passer d'un texte en lettres à un texte en points et que cela a-til apporté ? Le braille est encore le système utilisé pour la lecture des non-voyants. C'est le moyen le plus efficace et le plus économe en temps et en matière première. Les textes en braille restent toutefois fragiles, ils s'effacent avec le temps et la lecture tactile répétée. La partie technico-scientifique de ce mémoire tente de répondre à deux questions : quel est l'impact de l'humidité relative sur le relief et comment consolider les textes en braille. Nous comparerons plusieurs consolidants afin de trouver le moins néfaste pour le relief et à quel point la conservation des documents dans des conditions stables d'humidit relative est importante. Le livre est constitué de matériaux simples et sans ornement. La couture est solide et le papier d'œuvre est globalement de qualité. Les dégradations semblent être dues à la fois aux conditions de conservation et d'utilisation de l'objet. Il est destiné à être exposé puis rangé dans les réserves du musée pour n'en être sorti que ponctuellement. La but de la restauration est de consolider les dégradations mécaniques et de restituer la lisibilité de l'œuvre pour que se transmette la connaissance de ce patrimoine hors du commun.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 6

Session 2013


Elements of arithmetic is a synthesis of several elements that drove to the actual reading device for the blinds. It was printed using the Valentin Haüy method, with large embossed letters, and it was written by Louis Braille. In the chapter dedicated to history, we will go through the process of creating a complete and efficient system to teach writing and reading for blinds, in less than sixty years. The braille system is still used nowadays by the blinds to write and read. It is the most economical and efficient method. Neverthless texts printed in braille are fragile and get flattened by time and repeted reading. The chapter dedicated to scientific researches intended to give an answer to the following questions : What is the impact of relative humidity on embossed paper ; How to strengthen those texts that are, otherwise, doomed to vanish. The book is made with plain materials, it does not have any decoration feature. Paper and binding are solid and good-quality. Manipulation and storage conditions caused the book's actual state of degradation. Next year the book would be exhibited and then stored in the Valentin Haüy Museum

and will be taken out on rare occasions. The goal of the

preservation treatment was to strenghen the tears and losses, and to enhance the object's legibility in order to keep sharing the knowledge insight into this surprising heritage.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 7

Session 2013


Introduction générale

L'étude de cette pièce de mémoire qu'est Eléments d'arithmétique s'articule autours de trois axes : le contexte historique dans lequel s'inscrit le livre, une recherche technicoscientifique et la restauration en elle-même. Chacune de ces parties, bien que traitée de façon indépendante, est liée à l'oeuvre étudiée et alimente une réflexion générale autours de cet objet unique. Le contexte historique de la création de ce livre est connu et vérifié. Nous savons qui est son auteur, Louis Braille, sa date de parution, 1840, et le lieu de parution, l'Institut Royal des Jeunes Aveugles, à Paris. C'est un objet singulier qui combine des caractéristiques de plusieurs époques. En effet, en 1840, Louis Braille, professeur mais aussi inventeur, a déjà créée les points en reliefs que nous lui connaissons. Pourquoi, alors, avoir imprimé son livre avec des lettres gaufrées ? Quelles sont les différentes étapes de l'accès à l'instruction par les aveugles et en quoi cet ouvrage en est-il une synthèse ? C'est la question à laquelle nous apporterons des éléments de réponse, tout d'abord en plaçant les différents acteurs dans leur contexte historique pour mieux comprendre le rôle qu'ils ont joué. Puis nous nous attarderons sur l'aspect technique, c'est-à-dire comment, d'étape en étape, a-t-on réussi à faire lire et écrire des non-voyants. Plonger dans cet univers de texte « en blanc » nous a fait découvrir des problématiques nouvelles liées à la conservation des documents en braille. Si la plupart des ouvrages édités en braille sont issus de textes initialement écrits pour les voyants, il existe des ouvrages crées uniquement en braille, sans version analogue « en noir ». Or les points saillants utilisés pour le braille s'effacent avec le temps et les lectures répétées. Il est donc important de conserver, voire, restaurer ces ouvrages qui, s'ils ne sont pas traités à temps, sont voués à disparaître. Nous développerons cette étude en deux phases. Dans un premier temps nous verrons l'effet de l'humidité relative sur la résistance du braille aux frottements, afin de quantifier l'impact que peuvent avoir les conditions de conservation sur le relief. Nous testerons dans un second temps plusieurs méthodes de consolidation pour Eugénie FALISE

Ecole de Condé 8

Session 2013


tenter de trouver comment restaurer un texte en braille.

Il s'agit ensuite d'utiliser les recherches faites dans les chapitres précédents ainsi que l'observation et l'étude de l'objet pour déterminer un principe de restauration adéquat et l'appliquer. Le chapitre technique se découpe en trois parties. La première est l'étude préalable aux traitements avec une description des matériaux et des altérations de ces derniers. S'ensuit notre proposition de traitements, puis leur description. Nous aborderons enfin la question d'un conditionnement adapté dans l'optique d'une meilleure conservation.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 9

Session 2013


Sommaire Remerciements...................................................................................................................................... 2 Avant-propos......................................................................................................................................... 5 Resumé / Abstract................................................................................................................................. 6 Introduction générale........................................................................................................................... 8 Histoire de l'Art.................................................................................................................................. 13 Introduction..................................................................................................................................... 14 I. Apprendre sans voir : une idée, plusieurs acteurs ........................................................................ 16 I.1 – Les origines........................................................................................................................ 16 I.2 – L'idée de Valentin Haüy (1785 - 1820)............................................................................... 16 I.3 – Remise en question du linéaire (1820 – 1840)....................................................................28 II. Comment lire avec les doigts ?................................................................................................... 35 II.1 – L'imprimerie « en blanc », qu'est-ce que le linéaire ?........................................................35 II.2 – L'arrivée des points saillants............................................................................................. 40 II.3 – L'acceptation d'un nouveau système (1830-1840)............................................................. 47 Conclusion....................................................................................................................................... 49 Etude technico-scientifique................................................................................................................ 51 Introduction..................................................................................................................................... 52 I. Objectif et Principe...................................................................................................................... 53 II. Créer des échantillons en relief................................................................................................... 54 II.1 – Le braille : la technique de l'embossage............................................................................ 54 II.2 – Une autre impression en relief : le gaufrage..................................................................... 55 III. Mise en place de l'expérimentation............................................................................................ 56 III.1 – Simulation des frottements.............................................................................................. 56 III.2 – Contrôle du relief............................................................................................................ 61 IV. Création des échantillons........................................................................................................... 63 IV.1 – Choix des papiers............................................................................................................. 63 IV.2 – Créer des échantillons homogènes................................................................................... 65 IV.3 – Premières observations visuelles...................................................................................... 67 IV. Résultats de l'expérimentation....................................................................................................70 IV. 1 – Présentation des résultats................................................................................................ 70 IV. 2 – Résultats............................................................................................................................... 71 V. Analyse des résultats................................................................................................................... 76 V. 1 – Choix du papier pour le braille......................................................................................... 76 V. 2 – Les conditions d'humidité relative du lieu de conservation..............................................77 V. 3 – Consolidations possibles de texte en braille..................................................................... 78 Conclusion....................................................................................................................................... 81 Restauration........................................................................................................................................ 83 Introduction .................................................................................................................................... 84 I. Description des matériaux......................................................................................................... 84 I. 1 – Le corps d'ouvrage............................................................................................................ 84 I. 2 – La reliure........................................................................................................................... 89 II. Rappel sur la technique d'impression........................................................................................ 94 III. Constat des dégradations et diagnostic associé ........................................................................ 95 III. 1 – Le corps d'ouvrage.......................................................................................................... 95

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 10

Session 2013


III. 2 – La reliure........................................................................................................................ 99 IV. Proposition de traitements : le corps d'ouvrage........................................................................ 102 IV. 1 – Le dépoussiérage...........................................................................................................102 IV. 2 – Gommage ..................................................................................................................... 102 IV. 3 – Analyse des taches de moisissure ................................................................................. 103 IV. 4 – Traitement des auréoles d'urine..................................................................................... 103 IV. 5 – Désacidification ........................................................................................................... 104 IV. 6 – Renforts mécaniques .................................................................................................... 105 V. Proposition de traitement : la reliure......................................................................................... 108 V. 1 – Traitement du dos en parchemin.....................................................................................108 V. 2 – Restauration des plats en carton..................................................................................... 109 II. 3 – Quelle retouche ?........................................................................................................... 110 VI. Projet de conditionnement....................................................................................................... 115 VI. Traitements.............................................................................................................................. 116 VI. 1 – Le gommage et le nettoyage......................................................................................... 116 VI. 2 – Traitement des auréoles................................................................................................ 117 VI. 3 – Traitement du dos en parchemin................................................................................... 118 VI. 4 – Consolidation des mords.............................................................................................. 120 VI. 5 – Consolidation des angles.............................................................................................. 122 IV. 6 – Traitement des plats...................................................................................................... 123 VI. 5 – Traitement du corps d'ouvrage...................................................................................... 126 VII. Conditionnement.................................................................................................................... 130 Conclusion..................................................................................................................................... 131 Conclusion générale.......................................................................................................................... 132 Bibliographie .................................................................................................................................... 135 I. Histoire de l'art........................................................................................................................... 136 II. Sciences.................................................................................................................................... 137 III. Restauration............................................................................................................................. 138 Table des illustrations....................................................................................................................... 141 I. Histoire de l'art........................................................................................................................... 142 II. Sciences.................................................................................................................................... 143 III. Restauration............................................................................................................................. 143 Annexes............................................................................................................................................. 145 I. Terminologie du livre................................................................................................................. 146 II. Validation du contrôle de l'homogénéité des échantillons......................................................... 148 III. Résultats des tests de retouche................................................................................................. 149 IV. Rapport micro-biologique........................................................................................................ 151 V. Produits utilisés......................................................................................................................... 153

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 11

Session 2013


Eugénie FALISE

Ecole de Condé 12

Session 2013


Chapitre 1

Histoire de l'Art

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 13

Session 2013


INTRODUCTION

Il n'y a pas de doute sur la date et la provenance d'Elements d'arithmétique. L'auteur en est Louis Braille, le livre a été édité à l'Imprimerie de l'Institution Royale des Jeunes Aveugles, à Paris, en 1840. Cependant ce livre s'inscrit dans une période charnière de l'évolution de l'accès à la lecture, et donc à l'instruction, pour les non-voyants. Il est l'illustration des changements qui ont eu lieu entre la fin du XVIII e et le début du XIXe siècle, et qui ont permis d'aboutir au système du braille, connu aujourd'hui dans le monde entier et encore en usage. Pourtant, il est écrit par Louis Braille, après l'invention de son système en points saillants. Il est toutefois imprimé avec des lettres en relief, selon l'ancien procédé d'écriture dit « linéaire » de Valentin Haüy et avec les caractères de Sébastien Guillié, directeur de l'Institut des Jeunes Aveugles de 1815 à 1820. Ainsi cette pièce se présente comme une synthèse des différentes étapes de l'évolution de l'accès à l'instruction par les aveugles à travers la lecture. Les recherches sont centrées sur la période de 1785 à 1840 et sur la ville de Paris. C'est en 1785 que s'est ouverte la première école mixte pour jeunes aveugles et 1840 est la date de parution de l'ouvrage restauré. Par ailleurs, cette période de l'histoire étant mouvementée et riche en évènements, nous concentrerons nos recherches sur le lieu où a été créée et s'est développée l'école pour aveugles, c'est-à-dire Paris. Quelles sont les différentes étapes de l'accès à l'instruction par les aveugles et en quoi cet ouvrage en est-il une synthèse ? Nous répondrons à cette question en plaçant d'abord les différents acteurs dans leur contexte pour montrer le rôle qu'ils ont joué ; puis en s'attardant sur l'aspect technique, ou comment a-ton réussi, de fil en aiguille, à faire lire des non-voyants.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 14

Session 2013


1 . Evénements majeurs marquant l'accession à l’instruction par les aveugles


I. APPRENDRE SANS VOIR : UNE IDÉE, PLUSIEURS ACTEURS

I.1 – Les origines L'origine de l'éducation des aveugles, du moins de leur considération dans la société, remonte à l'Hospice des Quinze-Vingts créé par Louis IX, dit Saint Louis, vers 1260 1. Toutefois cet hospice2, crée pour recueillir 300 aveugles de Paris, n'était en rien dédié à l'instruction des aveugles ou à leur insertion dans la société. S'il est devenu en 1880 le premier centre hospitalier national spécialisé dans les affections oculaires, il est à sa création l'une des premières organisations importantes de personnes aveugles, la première en tout cas à être placée sous le patronage du pouvoir politique 3. La première école proprement dite dédiée aux non-voyants date en réalité de 1784, à l'initiative de Valentin Haüy.

I.2 – L'idée de Valentin Haüy (1785 - 1820) La création de l'écriture dite « linéaire » et par la suite du Braille est une petite révolution qui s'inscrit dans un contexte historique tumultueux. En effet, au regard de la période choisie, de nombreux événements ont modifié de façon profonde la société française, avec des conséquences durables. Les régimes se succèdent et si l'école pour aveugles existe toujours en 1840 c'est en grande partie grâce à la ténacité et à la faculté d'adaptation de son fondateur, Valentin Haüy4. Il a créé la première école pour aveugles 5 dans le but de leur apprendre la lecture et de les intégrer, par ce biais, à la société 6. Son ouverture date de 1785, soit quatre ans avant que la Révolution française n'éclate.

Desormeaux Jean (Dir.). Deuxième conférence internationale sur les aveugles dans l'histoire et l'histoire des aveugles. Paris : Association Valentin Haüy, 1999, p. 159. 2 Le mot « hospice » est à prendre dans le sens qu'il avait à l'époque : internat/hôtel. Ce n'était pas, à sa création, un lieu dédié à l'assistanat ou à la maladie. 3 Desormeaux Jean (Dir.). Idem, p. 159. 4 Henri Pierre. La vie et l'oeuvre de Valentin Haüy. Paris : Presse Universitaires de France, 1984, p. 24. 5 Idem, p. 67. 6 Ibid., p. 69. 1

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 16

Session 2013


A – Valentin Haüy et la première école pour aveugles

Valentin Haüy est né à Saint-Just-en-Chaussée dans l'Oise, le 13 novembre 1745. Il décède le 11 mars 1822 à Paris. C'est le créateur du premier système d'apprentissage de la lecture destiné aux aveugles. Certaines personnalités isolées et issues de milieu aisé avait appris à lire grâce à des professeurs particuliers mais le système de Valentin Haüy se veut plus universel. Il se consacre au début de sa carrière à l'étude des langues vivantes et obtient un emploi au ministère des Affaires étrangères. Assez tôt, il a le projet de faire pour les aveugles ce que l'abbé de l'Epée fait pour les sourds-muets. Il se base sur un principe déjà existant pour enseigner la musique et la géographie, au moyen de notes et de cartes en relief. M. Haüy généralise l'idée en l'appliquant à l'enseignement élémentaire

2 . Statue de Valentin Haüy et de François Le Sueur, devant l'Institut national des jeunes aveugles (INJA)

dans son ensemble. Il fait imprimer des livres en gros caractères avec des reliefs très sensibles au toucher 7 et apprend par ce biais à un jeune aveugle la lecture, le calcul, les premiers principes de la géographie et de la musique8. Ce jeune élève a 17 ans et s'appelle François Le Sueur. Il le rencontre grâce à la Société philanthropique et c'est sur lui qu'il teste sa nouvelle méthode d'apprentissage. La société philanthropique est un organisme, créé en 1780, qui a pour but de secourir les Parisiens dans le besoin ; elle s'adresse en particulier aux parents de familles nombreuses, ouvriers estropiés et jeunes aveugles9. Valentin Haüy présente d'abord son élève à l'Académie des sciences qui est impressionnée. Cela lui vaut en 1784 d'obtenir du gouvernement une maison rue Notre-Damedes-Victoires ainsi que les fonds nécessaires pour y faire l'éducation de douze élèves. Deux ans plus tard ce nombre est élevé à 120, le directeur Haüy obtient le titre d'interprète du Roi et 7 8

9

Cette technique est appelée « Linéaire » par opposition au système en points qui sera inventé plus tard. Fouche Pascal, Pechoin Daniel, Schuwer Philippe. Dictionnaire Encyclopédique du Livre, volume II. Tours : Editions du Cercle de la librairie, 2005, p. 456. Quelques repères sur la société philantropique, page historique dédiée à cette société qui existe toujours aujourd'hui au 15 rue de Bellechasse, 75007 Paris, et disponible sur le lien indiqué en bibliographie.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 17

Session 2013


de l'Amirauté de France. Son livre Essai sur l'Education des aveugles paraît cette même année. Il le fait imprimer d'après sa méthode par des enfants aveugles. La Société philanthropique prend en charge un certain nombre de ses élèves mais les fonds restent insuffisants. Valentin Haüy attire donc le grand public par des opérations « portes ouvertes » et des démonstrations publiques. Les élèves font d'énormes progrès qui incitent les visiteurs à donner de façon généreuse. Il obtient en 1789 la protection officielle du Roi Louis XVI et son école devient la première fondation parisienne de bienfaisance libre sans fin spirituelle ou direction ecclésiastique 10.

3 . Artiste anonyme – François Le Sueur, Aveugle, âgé de 18 ans, lisant à l'aide des doigts.

10

Mercier Alain (Dir.). Les trois révolutions du livre. Paris : Imprimerie Nationale Editions, 2002, p. 290.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 18

Session 2013


Dans un contexte plus large, en 1789, les enfants apprenaient à lire et à compter dans des écoles appelées « petites écoles 11». Elles pouvaient être fondées par des religieux, des communautés locales ou même des particuliers mais elles étaient toutes sous la surveillance de l'Eglise12. Il devient évident que l'école fondée par Valentin Haüy, par le biais de la Société philanthropique, fait alors figure d'exception par son indépendance religieuse, qu'elle ne parviendra pas toujours à conserver. La Révolution, avec la suppression des ordres religieux, le schisme qui a suivi le vote de la constitution civile du clergé, ainsi que la période suivante de déchristianisation, ont entraîné une profonde réorganisation13 du système éducatif traditionnel. Selon André Encrevé, au fond, la Révolution voit la constitution d'un enseignement privé, avec des écoles de toutes natures et de toutes origines, où les membres du clergé jouent un rôle très important 14. Les assemblées révolutionnaires débattent beaucoup sur ce point. Elles tentent de conserver l'esprit des Lumières et, surtout, souhaitent que l'éducation soit indépendante de l'Eglise. C'est par ailleurs à cette époque que naît le terme instituteur. Auparavant, on utilisait les termes « maîtres d'école », « régent » ou « recteur », termes appartenant à l'univers ecclésiastique. L'instituteur doit « instituer » la raison dans les écoles. La Révolution éloigne également – et malheureusement – les donateurs. Valentin Haüy, qui doit sa réussite à sa persévérance, demande alors la nationalisation de son institut. Son école devient l'Institut des Jeunes Aveugles par décret de l'Assemblée constituante en 1791 15 : établissement national, sous l'autorité du ministère de l'Intérieur, chargé de l'Instruction publique. Par la suite, Valentin Haüy mêle ses élèves aux fêtes du Régime puis tente de gagner les bonnes grâces du pouvoir en place, quel qu'il soit. Lors de la Révolution, il est l'un des chefs de file de la théophilanthropie, ce qui lui vaudra de passer quelque temps en prison. Entre 1793 et 1794, l'État le considère comme un terroriste. Il est dit, dans une déclaration adressée à l'un des juges du tribunal révolutionnaire en 1794, écrite par les comités civils et révolutionnaires de l'arsenal dont Valentin Haüy fut secrétaire, qu'il est un intrigant et faux 11

12

13 14 15

On se concentre principalement sur l'éducation primaire. En effet l'Institut des Jeunes Aveugles est une école pour enfants, où on apprend à lire, écrire et compter. Le contexte de l'instruction dans les universités est un sujet bien différent qui n'est pas développé dans ce mémoire. Bled Jean-Paul (Dir.), Encrevé André. Religion et culture dans les sociétés et les Etats européens de 1800 à 1914. Malesherbes : CNED-SEDES, 2002, p. 225. Idem, p. 226. Ibid, p. 226. Institut National des Jeunes Aveugles. Histoire de l'INJA, disponible sur le lien indiqué en bibliographie.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 19

Session 2013


patriote, qui a cherché à faire de son établissement un lieu de fanatisme, ayant fait afficher dans tout Paris qu'on pouvait y entendre la messe. La Convention réorganise en 1795 le fonctionnement de l'école, qui devient l'Institut National des Aveugles Travailleurs. Cette date correspond à la prise en charge de l'Institut par l'Etat dans le but de former les aveuges à un métier pour qu'ils puissent s'insérer dans la société par le travail16. Le mot « national » apparaît alors dans la dénomination de l'Institution et ceci ne sera plus jamais remis en question, quel que soit le régime politique en place. L'utilisation du mot « travailleurs » dans le nom montre d'ailleurs que l'enseignement est dorénavant axé sur l'aspect professionnel. Pierre Henry déclare qu'il [Valentin Haüy] n'est jamais pris au sérieux par Bonaparte17. Il tombe en disgrâce sous le gouvernement du premier Consul. Celui-ci rend les églises au catholiques et interdit les réunions publiques aux théophilanthropes. Or Valentin Haüy appartient à ce groupe. S'il n'est pas inquiété sur le moment, il y a des répercussions via les mesures administratives prises à son encontre à cette époque. Lorsque qu'en 1801 l'Institut National des Aveuges Travailleurs est réuni avec l'Hospice des Quinze-vingts, Valentin Haüy est rapidement prié de partir18. Il reçoit en dédommagement une pension de 2000 Francs19, établit avec ces fonds une institution privée sous le nom de Muséum des aveugles. Celle-ci ne rencontre pas le succès espéré et il quitte la France pour créer des établissements à Berlin et Saint-Pétersbourg. Il revient à Paris en 1817 sans argent et en mauvaise santé. La personnalité du fondateur de ce qui est l'actuel Institut National des Jeunes Aveugles est, à l'image de sa vie, complexe. Pour la publicité de son école, il n'hésite pas à changer de camp. Lui qui en 1786 dédie son livre au roi, se trouve le 8 juin 1794 à parader derrière Robespierre déguisé en grand prêtre de la Déesse Raison 20. Il est accusé par de nombreux contemporains de versatilité et traité d'arracheur de dents21, mais cette souplesse lui a permis de traverser les différents régimes. Il se produit devant des publics aussi bien religieux que profanes, les ralliant ainsi à la cause des aveugles et récoltant leurs dons, Weygand Zina. Vivre sans voir. Les aveugles dans la société française du Moyen-Age au siècle de Louis Braille. Paris : Editions Graphis, 2003, p. 177. 17 Henri Pierre. Op. Cit., p. 114. 18 Weygand Zian. Op. Cit., p. 298. 19 Fouche Pascal, Pechoin Daniel, Schuwer Philippe. Op. Cit., p. 456. 20 Henri Pierre. Op. Cit., p. 24. 21 Idem., p. 24. 16

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 20

Session 2013


nécessaires à la poursuite de son œuvre. Voici quelques mots de Louis Ciccone, ancien secrétaire général honoraire de l'Association Valentin Haüy22, à son propos : Il est le premier voyant à avoir cru en eux, à les avoir aidés à recouvrer leur dignité et à occuper une place honorable dans la vie de la cité. Pour ce faire, il ne se contente pas de les soumettre à un enseignement rudimentaire, à une formation au rabais ; il ambitionne rien moins que de leur apprendre à lire, à une époque, soulignons-le, où une forte proportion du commun des mortels est encore analphabète. Mieux, parmi ses meilleurs disciples il choisit les professeurs de la génération suivante. 23 Pourquoi a-t-il eu ce projet d'instruire des aveugles ? Personne ne le sait. Toutefois, indépendamment des aveugles, l'intérêt pour l'éducation s'explique en partie à ce moment là par l'idée généralement répandue que plus on est instruit, plus on est heureux 24. L'instruction doit perfectionner l'humanité. L'historien François Guizot estime cependant qu'en 1799 On s'était et on avait beaucoup promis ; on n'en fit rien. Des chimères planaient sur des ruines 25. Il est vrai que les moyens manquent pour tout révolutionner et faire appliquer les lois. Il reste que beaucoup de questions ont été posées à ce moment là, ce qui a conditionné les grands principes du système éducatif des siècles suivants : la gratuité, la laïcité, le caractère obligatoire. En ce qui concerne l'école pour les aveugles en elle-même, Zina Weygand estime que « l'apogée des espoirs » se situe entre 1791 et 1794, pour observer ensuite un déclin de la citoyenneté. La volonté de contrôle social tend à se substituer au désir de citoyenneté 26. L'idée de Valentin Haüy est d'enseigner toutes les matières aux non-voyants afin de leur donner le maximum de clés pour s'insérer dans la société. Pour illustrer ceci, la figure suivante présente un exemple du procédé inventé par Valentin Haüy appliqué à la géographie. Ce globe, fait par un artisan voisin de l'Institution est représentatif de la façon d'enseigner mais n'est pas contemporain de Valentin Haüy. Il date de 1834 et a été acquis à l'occasion de l'arrivée d'un nouveau directeur : Alexandre-René Pignier, pour la somme de 6000 Francs à l'époque.

22 23 24 25 26

Depuis 2008 c'est Jean-Marie Cierco qui occupe ce poste. Desormeaux Jean (Dir.). Op. Cit., p. 69. Bled Jean-Paul, Encrevé André. Op. Cit., p. 226. Guizot François. Mémoires, vol.3. Paris, 1860, chap. 15, p. 28. Weygand Zina. Op. Cit., p. 273.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 21

Session 2013


4b . Détail

4a . W. A. Hochstetter – 1834 – Globe tactile – Musée Valentin Haüy

B – L'Institut National des Aveugles Travailleurs et l'Hospice des Quinze-Vingts

Le 28 pluviôse an IX (16 février 1801), les membres de l'hospice des Quinze-Vingts et les élèves de l'Institut National des Aveugles Travailleurs sont réunis sous la surveillance de l'administration philanthropique et gratuite des établissements de bienfaisance, dépendants du Ministère de l'Intérieur. Ce départ de l'école vers l'hospice n'est pas souhaité par Valentin Haüy qui, jusqu'au bout, essaiera de s'y opposer pour garder son indépendance27. La réunion des deux établissements se fait dans un climat tendu. Ainsi, le transfert des élèves depuis leur école vers l'hospice se fait en moins de vingt quatre heures. Par ailleurs, les élèves 27

Weygand Zina. Op. Cit., p. 208.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 22

Session 2013


issus de l'Institut National des Aveugles Travailleurs sont appelés « aveugles de deuxième classe » alors que les aveugles issus de l'hospice des Quinze-Vingts répondent à l'appelation « aveugles de première classe »28. Dorénavant pour être admis il faut être indigent, avoir entre 7 et 16 ans, la priorité étant donnée aux parents et veufs de personnes mortes pour la Patrie. Le nombre d'admis est limité à 120. Les membres sont nommés par le ministre de l'Intérieur pour 8 ans. Pendant ces huit ans, l'Administration devra donner tous ses soins à les faire apprendre un métier utile 29. Un métier utile désigne un métier manuel, la musique n'étant enseignée qu'aux élèves les plus doués. En matière d'enseignement les moyens humains diminuent. Lors de la réunion de l'Institut et des Quinze-Vingts, Valentin Haüy est encore Instituteur en chef malgré ses désaccords avec le Gouvernement. Il est aidé du second instituteur, d'un adjoint, de deux répétiteurs, de deux chefs d'atelier, et d'un maître de musique. Tous sont voyants. Il y a également deux répétiteurs pour la musique qui sont sélectionnés parmi les élèves, ainsi que deux maîtresses ou surveillantes pour les filles. Le corps enseignant reste tout de même très réduit par rapport aux seize employés pour cinquante-neuf élèves dont disposait l'Institut avant la réunion avec les Quinze-Vingts. Il faut par ailleurs ajouter aux 120 élèves non voyants, les enfants de moins de douze ans des aveugles de l'hospice, eux aussi scolarisés 30. La hiérarchie change. Les employés sont sous la surveillance du premier instituteur, sauf pour les chefs d'atelier qui dépendent du chef général des ateliers des Quinze-Vingts. Les comptes ne sont donc plus à rendre au premier instituteur Valentin Haüy, qui était pourtant le fondateur de l'Institut, mais à la direction générale de l'ensemble des ateliers des Quinze-Vingts. Ceci n'est pas anodin, car les ateliers prennent une grande place dans les emplois du temps. Cela prouve que le travail manuel désormais exigé des enfants aveugles n'a plus rien à voir avec un quelconque apprentissage31 comme c'était le cas à l'Institut des Jeunes Aveugles. Il y a un désir de productivité et de rentabilité qui fait des maîtres des contremaîtres 32. L'enseignement théorique se limite au nécessaire pour le devoir religieux et le calcul.

28 29 30 31 32

Idem, p. 208. Ibid, p. 281. Selon Louis Braille, ils sont évalués à 87 en Germinal an IX, c'est à dire en avril 1801. Weygand Zina. Op. Cit., p. 281. Weygand Zina. Op. Cit., p.281.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 23

Session 2013


5 . J. B. Métoyen – dessin à la plume – L'hospice des Quinze-Vingts en 1809

Dans l'ensemble, l'hospice est un lieu austère et se place sous le signe de l'isolement et de l'enfermement33. On sépare les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux, les classes et il est même interdit aux élèves d'avoir des contacts entre eux 34. Il n'y a plus pour les enfants beaucoup de loisirs et il règne une forte discipline35. Même les exercices publics, qui servaient de propagande pour récolter des fonds et faire connaître la méthode de Valentin Haüy, n'ont plus lieu qu'une fois par mois et les leçons publiques sont totalement supprimées.

Idem, p. 281. Article 4, Chapitre 5, Titre Ier du règlement sur le devoir des élèves : « Il est strictement interdit aux élèves de porter la main sur qui que ce soit et de se permettre aucune action nuisible ou contraire à la morale. » 35 Il existe un système de punitions et de récompenses codifié et écrit, utilisé à des fins honorifiques et édifiantes mais aussi pratiques. En effet, le rapport de scolarité est consultable par le Gouvernement qui peut proposer aux plus méritants une place de première classe aux Quinze-Vingts à l'issue de leurs études. 33 34

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 24

Session 2013


6 . Marlé – Eau-forte et aquatinte – Pie VII visitant l'Institution des Aveugles-nés dirigée par M. Bertrand successeur de M. Haüy, le jeudi 28 Février 1805

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 25

Session 2013


Les bâtiments ne sont pas adaptés à une vie d'école et tout le monde doit se plier à style de vie qui ressemble à celui de anciennes universités à tradition monastique : célibat, salle commune, bâtiments vétustes et mal chauffés. Le Gouvernement décide la mise en place de plusieurs manufactures : filature de laine, manufacture de draps et de tabacs et imprimerie. Entre Germinal an IX (avril 1801) et Messidor an IX (juin 1801), la direction supprime des postes, le plus souvent ceux d'anciens élèves de Valentin Haüy. Tout ceci aboutit à un conflit entre Valentin Haüy et l'Administration. L'utopie productiviste 36, pour reprendre les termes de Zina Weygand, échoue et Valentin Haüy est congédié en 1802. Il faut attendre l'arrivée du citoyen Paul Seignette, directeur des QuinzeVingts de 1802 à 1824, pour que l'instruction reprenne peu à peu sa place avec de nouveaux règlements établis en 1806 ; tandis que les filatures de draps et de laine ferment une à une pour manque de productivité. C'est le retour également d'enseignants non-voyants tels que mademoiselle Causin, qui devient maîtresse pour les enfants clair-voyants 37 de l'hospice, assistée d'un maître d'écriture et d'une personne chargée d'ordre. En 1810 et 1811, les manufactures de tabac et l'imprimerie ferment suite à des décrets impériaux qui réglementent ces domaines d'activité. À la chute de l'Empire s'observe une ghettoïsation des aveugles de tous âges dans un même établissement qui prendra fin à son tour.38

C – Le directorat du docteur Guillié (1815-1820)

Sous la restauration en 1815, la France est encore en plein bouleversement, elle a du mal à s'adapter au nouveau modèle qui se crée 39. La Restauration marque une réelle différence en accordant à l'Eglise catholique un véritable droit de contrôle sur l'Ecole. Elle y joue un rôle de plus en plus important. Il en résulte un système éducatif à double niveaux entre les écoles 36 37 38 39

Weygand Zina. Op. Cit., p. 281. Ce sont les enfants issus de couples aveugles résidant à l'Hospice des Quinze-Vingts. Weygand Zina. Op. Cit., p. 301. Bezbakh Pierre. Op. Cit., p. 304.


publiques, dirigées par les communes et le clergé, et les écoles privées 40. C'est dans ce contexte que l'Institut des Aveugles Travailleurs quitte les Quinze-Vingts pour être mis sous la tutelle du ministère de l'Intérieur, tandis que l'hospice devient le fief de la réaction catholique ultra, avec le retour du Grand aumônier de France. L'Institut change encore de nom et devient l'Institution Royale des Jeunes Aveugles 41. Elle traverse alors une période difficile malgré sa nouvelle indépendance. Celui qui prend la direction de l'école à la suite de Valentin Haüy est le docteur Sébastien Guillié, un ancien médecin militaire. On sait peu de choses sur lui en dehors de son rôle dans la recherche médicale et dans l'Institut Royal des Jeunes Aveugles. Il est représenté jeune sur la figure ci-contre. L'initiale « J » a été donnée par erreur : le texte sous le portrait stipule bien « Directeur

Général

et

médecin

chef

de

l'Institution Royale des Jeunes aveugles de Paris ». A l'époque, les postes de directeur et de médecin-chef sont confondus, ce qui donne au directeur les pleins pouvoirs. Il peut ainsi prendre

7 . C.Motte d'après S. J. Le Gros – Lithographie – Portrait de Sébastien Guillié

des décisions directement avec le ministre sans avoir à passer pas le conseil d'administration. En effet, depuis la Convention, l'Institution est sous la tutelle de la division « hospices et secours » du ministère de l'Intérieur, ce qui lui confère un caractère plus hospitalier que scolaire. Le docteur Guillié, qui n'a pourtant aucune formation en ophtalmologie, use et abuse de ses pouvoirs auprès des élèves souvent coupés de leur famille, qui pour la grande majorité d'entre eux habite très loin de Paris et ne peut pas payer le voyage. Sous son directorat de 1816 à 1821, le niveau de l'école augmente, certe, mais les règles sont 40 41

Bled Jean-Paul, Encreve André. Op. Cit., p. 228. Weygand Zina. Op. Cit., p.303.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 27

Session 2013


très strictes et les punitions terribles. Le nombre de places devient limité à 90, dont 60 pour les hommes. La séparation des sexes est absolue. Persuadé que la cécité avait un effet sur le moral et les capacités intellectuelles des enfants, il leur fait subir des expériences à titre d'essais thérapeutiques 42. Il laisse après son passage à l'Institution le souvenir d'un homme dur et cruel, que Zina Weygand qualifie dans sa thèse de despote épris de notoriété43. M. Pigner, dans le rapport qu'il rédige lorsqu'il reprend l'Institution, parle de négligence criminelle envers les enfants. Sous le directorat du docteur Guillié, il ne reste que trois métiers enseignés : le tricotage, le rempaillage des sièges et la vannerie.

I.3 – Remise en question du linéaire (1820 – 1840)

A – Charles Barbier et les points saillants

Le calme revient en 1821 avec le successeur du docteur Guillié, Alexandre-René Pignier44. Il est considéré comme le second fondateur de l'Institut par Zina Weygand. C'est sous son directorat que Louis Braille utilise pour la première fois ses caractères en points saillants, les méthodes de M. Guillié ne différant quasiment pas de celle de Valentin Haüy, du moins en ce qui concerne les méthodes d'imprimerie et de lecture. C'est en effet grâce à lui que Charles Barbier de la Serre collabore avec l'école. Nicolas Charles Marie Barbier de la Serre est né en 1767 à Valenciennes et meurt en 1841. Il entre à l'école militaire en 1782 et occupe le poste d'officier d'artillerie. Il émigre aux Etats-Unis pendant la période révolutionnaire. Philanthrope, il se passionne pour les écritures Weygand Zina. De l'expérience de Cheselden (1728° aux expériences du Docteur Guillié sur l'ophtalmologie contagieuse (1819-1820). Paris : Histoire des sciences médicales, 2000, p.300. 43 Weygand Zina. Vivre sans voir. Les aveugles dans la société française du Moyen-Age au siècle de Louis Braille. Paris : Editions Graphis, 2003, p. 302. 44 C'est à cette occasion que l'école a commandé le globe de W. A. Hochstetter, artisan voisin de l'Institution, pour une valeur de 6000 francs. Ce globe est présenté p. 22 42

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 28

Session 2013


secrètes et publie en 1809 une méthode pour écrire sans plume ni crayon à la vitesse de la parole 45. C'est ce qu'on appelle l'écriture nocturne. Il ne pense pas encore aux aveugles à ce moment-là mais, en tant que militaire, il sait combien il peut être utile de pouvoir écrire dans le noir et lire avec les doigts. Cette écriture permet d'échanger dans l'obscurité, par des messages codés, et repose sur le principe de combinaisons de points en relief dits « points saillants ». Une combinaison de points correspond à un son. Charles Barbier de la Serre présente d'abord son invention à l'Académie des sciences mais ne la convainc pas. Il va alors exposer au musée des produits de l'Industrie en 1819, là où l'Institution Royale des Jeunes Aveugles possède également un stand. C'est sans doute lors de cette rencontre qu'il réalise les difficultés que doivent surmonter les aveugles pour lire et écrire et qu'il a l'idée d'adapter son procédé à leur usage 46. Il présente cette écriture à l'Institut en 1820, puis en 1821. La première fois le directeur, M. Guillié, se montre peu enthousiaste. L'année suivante, le directeur, M. Pignier, décide que cette méthode doit être soumise à l'appréciation des élèves, eux seuls étant à même de déterminer à quel point elle est révolutionnaire. N'oublions pas que M. Barbier, comme les directeurs successifs de l'Institution, est voyant. En 1823, a lieu à l'Institution même et face à de nombreux scientifiques dont André-Marie Ampère, une conférence qui vise à montrer la supériorité de ce procédé sur le mode de lecture traditionnel47 : le linéaire.. L'année suivante, Charles Barbier entre officiellement à l'Institut. L'arrivée des points saillants comme substitut aux lettres en relief est une révolution. Le gain d'aisance est tel que de nombreux élèves essaient d'améliorer ce concept pour pouvoir l'appliquer de façon globale à l'enseignement. Louis Braille fait partie de ces élèves et dès 1825 son procédé est mis au point. Il n'a alors que 16 ans.

45 46 47

Chalaye Marcel. Louis Braille - L'homme, le symbole. Henri Pierre. Vie et œuvre de Louis Braille. Paris : Presses Universitaires de France, 1952, p. 38. Idem., p.42.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 29

Session 2013


B – Louis Braille

Louis Braille est né à Coupvray, en Seine-et-Marne, le 4 janvier 1809. Il meurt à Paris le 6 janvier 1852. Fils de bourrelier, il se blesse à l'œil à l'âge de 3 ans dans l'atelier de son père alors qu'il tente de tailler du cuir. Sa blessure est un cas d'ophtalmologie par sympathie : Si on ne pratique pas l'énucléation de l'œil atteint, l'autre s'infecte bientôt, le microbe cheminant par les voies nerveuses, et c'est la cécité à plus ou moins brève échéance 48. L'infection gagne l'autre œil et l'enfant devient

8 . Etienne Leroux – bronze – 1887 – Buste de Louis Braille – Ville de Coupvray

rapidement aveugle. Dans un premier temps, il va dans la même école que les autres enfants de son village où il suit le même enseignement de façon orale, ce qui lui permet d'être en contact avec les jeunes voyants de son âge. À la maison, son père lui confie la réalisation des franges pour les harnais afin de développer son adresse manuelle. La famille Braille appartient à un milieu où l'on sait lire et écrire, ce qui n'est pas si commun ; les enfants sont scolarisés. Mais les Braille ne sont pas riches et ils gagnent leur vie en travaillant. C'est pourquoi il devient nécessaire d'envoyer l'enfant aveugle dans une pension, car comment envisager un avenir correct sans métier et sans instruction ?49 En 1815, Louis Braille a six ans, l'école fondée par Valentin Haüy vient de retrouver son indépendance vis-à-vis de l'hospice des Quinze-Vingts. Un an plus tard, elle est en pleine renaissance et s'installe dans le vieux séminaire Saint-Firmin, rue Saint-Victor. Il est alors assez peu connu qu'il existe un foyer où l'on peut instruire les aveugles et les loger jusqu'à un âge avancé, surtout dans les milieux ruraux ; et on ignore comment cette nouvelle est parvenue à la famille Braille 50. Mais le père de Louis écrit à plusieurs reprises au directeur de l'école pour s'assurer de ce qu'on y faisait et des avantages que pourrait en tirer son fils, ensuite seulement il entreprend les démarches et le jeune Louis est nommé « élève de l'institution royale » le 15 janvier 1819. 48 49 50

Henri Pierre. Ibid., p. 4. Idem, p. 7. Ibid., p. 8.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 30

Session 2013


Si rien n'indique qu'il ait eu une santé fragile quand il était jeune, Louis Braille meurt néanmoins de la phtisie à 43 ans, et en montre les premiers signes dès 26 ans. Plusieurs indices permettent de penser que la cause est l'Institution elle-même 51. D'une part, les locaux sont très vétustes, bien qu'il aient été jugés assez bons pour pouvoir accueillir des aveugles. D'autre part, les élèves vivent en promiscuité constante. Plusieurs amis de Louis Braille, dont Gabriel Gauthier (1808-1853), professeur de musique, maître de la chapelle et compositeur, sont eux aussi morts jeunes. Enfin, il est demandé aux élèves un travail acharné et un dépassement de soi, et de son handicap, toujours plus grand. L'immeuble est ancien et exigu, il a servi de prison 52 jusqu'en 1815. Il semble que le choix de ce bâtiment, plutôt que d'un autre, soit dû au fait qu'il permet une stricte séparation des sexes53. Dans leurs rapports, les médecins consultant le 8 mai 1821 et le 4 septembre 1828 déclarent : « la maison est située dans un quartier bas, mal aéré, et sujet à plus ou moins d'émanations plus ou moins infectes ». On y lit également que les élèves ont le teint pâle et l'apparence cachectique. Ceci est confirmé par l'allocution de Lamartine à la tribune de l'Assemblée, le 14 mai 1838 dont voici un extrait : Messieurs, Je suis allé visiter hier l'établissement des jeunes aveugles et je puis vous déclarer qu'il n'y a aucune exagération dans la description faite par M. Meilheurat. Certes, aucune description ne peut vous donner idée de ce local étroit, infect, ténébreux, de ces corridors coupés en deux pour former de véritables loges qu'on appelle des ateliers ou des écoles, de ces escaliers tortueux, vermoulus, multipliés, qui bien loin de paraître disposés pour des malheureux qui ne peuvent se guider que par le tact, ressemblent, permettez-moi le mot, à un défi jeté à la cécité de ces enfants. […] Si la Chambre s'était transportée en masse sur les lieux, elle voterait en masse le crédit demandé par les ministères, et, si des contribuables trop parcimonieux vous accusent, les bénédictions de centaines d'enfants rendus à l'intelligence et au travail vous absoudront.54

51 52 53 54

Henri Pierre. Ibid., p. 63 Roy Noëlle. Louis Braille, 1809-1852, un génie français. Paris : Association Valentin Haüy, 2009, p11. Guillié Sébastien. Rapport (1816-1817), et règlement de 1815, article 122. Moniteur, 15 mai 1838, p.1254, col. 2.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 31

Session 2013


L'année 1921 est marquée par le remplacement au titre de Directeur de M. Guillié par M. Pignier. C'est lui qui, en 1837, sépare la fonction de directeur de celle de médecin. Le cumul des fonctions datait, comme nous l'avons vu, de l'époque où l'école était rattachée à l’hôpital des Quinze-Vingts. Un des premiers actes de M. Pignier est de rouvrir les portes de l'Institution à son fondateur, que le docteur Guillié n'avait pas laissé accéder à l'établissement en raison de son implication jugée trop importante dans la secte théophilanthropique et du fait qu'il se soit compromis lors de la Révolution 55. Le 21 août 1821, Valentin Haüy retrouve sa fonction de premier instituteur des aveugles et meurt l'année suivante. C'est durant cette brève période que les vies de Louis Braille et du fondateur de l'école se sont croisées. Le jeune Louis est appliqué, adroit et intelligent, il se fait remarquer dans toutes les matières enseignées56. Alexandre-René Pignier dit de lui : Doué d'une grande facilité […] d'une intelligence vive, et surtout d'une rectitude d'esprit remarquable […] Ses compositions littéraires ou scientifiques ne renfermeraient que des pensées exactes ; elles se distingueraient par une grande netteté d'idées exprimées dans un style clair et correct. On y reconnaissait de l'imagination ; mais celle-ci était toujours dirigée par le jugement 57. A quinze ans, l'école lui demande de transmettre aux élèves plus jeunes ce qu'on lui a appris. En même temps que ses études il remplit de 1823 à 1827 la fonction de contremaître à l'atelier de chaussons, de lisières et de tresses. En 1827-1828, on lui confie des classes et le 8 août 1828, il est promu au grade de répétiteur. L'instauration de répétiteurs aveugles et les droits qui leur sont conférés datent de la nationalisation de l'école de Valentin Haüy, les avantages sont peu nombreux et, à l'époque, de Louis Braille leur condition est encore assez misérable. Ils ne font pas partie des membres du personnel listés dans le réglement intérieur, ils dorment dans les dortoirs communs, sont soumis aux mêmes punitions que les élèves, ne peuvent pas recevoir de visites sans y avoir préalablement été autorisés, et seulement dans un parloir. Ils sont, en revanche, dispensés des ateliers obligatoires, ils peuvent sortir le dimanche s'ils restent présents aux repas et aux offices, et peuvent toucher des « gratifications » de 3, 5 55 56 57

Henri Pierre. Op. Cit., p. 29. Idem., p. 28. Ibid., p. 29.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 32

Session 2013


ou 8 francs par mois, si le directeur estime qu'ils la méritent. Cela change un peu en 1833. À la suite d'une visite du ministre de l'Intérieur, M. Thiers, M. Pignier obtient pour eux un salaire de 300 francs par an et un uniforme qui les distingue des élèves : un ornement sur le revers du vêtement, des palmettes de soie ou d'argent. C'est la plupart du temps dans cet uniforme que Louis Braille est représenté. Quand les répétiteurs peuvent enfin accéder au titre de professeur, Louis Braille figure parmi la première promotion. Sa situation ne change pas beaucoup58, il gagne 25 francs par mois et fait ce qu'il fait depuis déjà de nombreuses années : enseigner. Il traite diverses matières : grammaire, histoire, géographie, arithmétique, algèbre, géométrie, piano et violoncelle. C'est un professeur qui sait intéresser et guider ses élèves, il est très apprécié. Il mène une vie claustrale et exigeante qui ne lui permet pas d'avoir de famille, ni même de se marier. De santé fragile, il déclare une tuberculose en 1835. L'école est transférée en 1843 sur le boulevard des Invalides, au n°56, bâtiment qu'elle occupe encore aujourd’hui. Louis Braille décède en janvier 1852. Ses cendres ont été transférées au panthéon de Paris le 22 juin 1952. Il existe peu d'images de lui et elles ont toutes un aspect figé. Cela s'explique par le fait qu'il n'a été portraituré qu'à sa mort. Par ailleurs les gravures qui le représentent ont elles-aussi était faites à titre posthume. Citons pour clôre ce chapitre Noëlle Roy, conservatrice du musée Valentin Haüy, commissaire de l'exposition tactile Louis Braille, qui s'est tenue à Genève en août 2008 : La vie de Braille coïncide avec la première moitié du XIX è siècle. La société française tiraillée entre héritage des Lumières et nostalgie de la monarchie, est traversée d'aspirations multiples et contradictoires. […] En marge de cette effervescence et sans moyen particulier, un jeune aveugle obscur invente, entre 1821 et 1837, un procédé si simple, si logique et si fort qu'il a pu s'adapter aux langues et aux usages du monde entier59.

58 59

Henri Pierre. Op. Cit., p. 32. Roy Noëlle. Louis Braille, exposition tactile . Paris : Association Valentin Haüy, 2008, p 6.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 33

Session 2013


9 . L. Sabattier – Gravure sur bois – 1897 – Une leçon de géographie

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 34

Session 2013


II. COMMENT LIRE AVEC LES DOIGTS ?

II.1 – L'imprimerie « en blanc », qu'est-ce que le linéaire ? A – Le linéaire, un procédé à imprimer

L'idée de Valentin Haüy est d'utiliser des caractères grossis et simplifiés, bien qu'à nos yeux ils semblent encore alambiqués, pour marquer en profondeur le papier. Il est alors persuadé que la cécité des aveugles leur confère une sensibilité tactile supérieure à la moyenne et qu'une fois qu'un procédé d'écriture en relief mis au point, il n'est pas plus difficile d'apprendre à lire à un non-voyant qu'à un voyant 60. Les caractères créés par la Société philanthropique sont une version simplifiée et agrandie des caractères contemporains, redessinés pour être mieux discernés avec la pulpe du doigt. Valentin Haüy estime que, tout comme on doit crier pour se faire entendre d'un sourd 61, la grande taille des lettres facilitera leur déchiffrage 62. Le Docteur Guillié, loin de ressentir pour les enfants aveugles la même empathie que son prédécesseur, a tout de même contribué à quelques avancées notables. Il fait fondre en 1817 des caractères nouveaux, pas très éloignés de ceux de Valentin Haüy, mais simplifiés et légèrement agrandis de nouveau, pour faciliter la lecture. Il démontre que c'est davantage la perfection de la lettre que sa taille qui joue un rôle majeur dans ce son identification tactile 63. La planche de caractères ci-après est la reproduction gravée sur bois des caractères utilisés pour l'imprimerie des livres pour aveugles sous Sébastien Guillié. C'est avec ces caractères qu'est imprimé Éléments d'arithmétique, ainsi que tous les autres livres produits en linéaire jusqu'à la généralisation du braille, bien après 1840.

60 61

62

63

Haüy Valentin. Essai sur l'éducation des aveugles. Paris : Clousier, 1786, p. 22. Valentin Haüy dans son Essai sur l'éducation des aveugles met en parallèle l'instruction des aveugles et celles des sourds-muets, de la page 100 à la page 105. Guillié Sébastien. Essai sur l'instruction des aveugles. Paris : Institution Royale des Jeunes Aveugles, 1817, p. 143. Guillié Sébastien. Op. Cit., p. 146.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 35

Session 2013


10 . Caractères d'imprimerie « en blanc » du docteur Guillié

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 36

Session 2013


Le linéaire est une technique dédiée à l'imprimerie. Le papier utilisé est épais et fort bien collé64 . On dispose de peu d'informations complémentaires. Pour obtenir le gaufrage, le papier est humidifié de façon très importante65, jusqu'à obtenir une sorte de pulpe de papier. Cette pâte est alors disposée sur une forme métallique66 en relief, entre

deux

feutres

et

pressée

fortement. Il y a un premier pressage, puis un deuxième plus fort, puis un troisième encore plus fort. Enfin, le papier sèche sous presse. Nous pouvons donc dire que la feuille de papier se forme quasiment autour des lettres, 11 . Extrait d'Essai sur l'éducation des aveugles, 1786. Imprimé avec les caractères de Valentin Haüy

ce

qui

lui

confère

ce

relief

particulier.

C'est sûrement aussi cette technique d’impression qui a provoqué les dégradations mécaniques que nous pouvons observer aujourd'hui sur le livre qui est restauré. La première presse utilisée est une presse en bois dont on se servait pour applatir les draps, mais la pression était irrégulière. En 1784, M. Beaucher crée la presse à cylindre. Elle ressemble fortement aux presses de taille-douce, avec deux barres de fer pour caler les formes. Malheureusement, elle reste imprécise et crée souvent de mauvais foulages67. C'est M. 64 65 66

67

Guillié Sébastien. Op. Cit., p. 159. Idem, p. 160. Dans son Essai sur l'Instruction des aveugles Sébastien Guillié parle d'un mélange d'antimoine et de plomb pour les caractères d'impression, page 112. Ibid.,p. 157.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 37

Session 2013


Clousier, imprimeur du roi, qui a l'idée de donner une pression perpendiculaire, sur toute la feuille en même temps. Il ajoute à cette presse un fort barreau et un marbre de cuivre jaune très épais68, pour qu'elle puisse supporter des pressions importantes. Les presses finales ressemblent donc davantage aux presses que nous trouvons aujourd'hui dans un atelier de restauration. Comme nous le verrons plus tard dans la partie dédiée à la restauration, la reliure est très simple et conçue avant tout pour être solide. Les plats sont en carton épais et gris, recouvert assez grossièrement d'un papier bleu. Le dos est également en carton gris mais plus fin et doublé d'un parchemin. La couture se fait avec une ficelle épaisse. Les aveugles, qui se chargent aussi de la reliure, ont pris soin de placer des onglets de papier usé et roulé en petits cylindres régulièrement entre les feuillets pour éviter que le relief des lettres ne soit écrasé par le poids du livre lui-même.

12 . Louis Braille – Impression en linéaire – 1840 – Eléments d'arithmétique (avant restauration)

68

Guillié Sébastien. Op. Cit., p. 158.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 38

Session 2013


B– Ecrire sans voir

Pour les devoirs, Valentin Haüy apprend à écrire à ses élèves à l'aide de lettres gravées en creux, dont il fait suivre les contours avec un stylet ou un crayon. Les élèves reproduisent ensuite ces lettres sur une planche striée en métal. Ils délimitent un intervalle dans lequel écrire pour obtenir des lignes. Sans ces limites, le non-voyant risque d'écrire de travers, d'écrire les lettres les unes sur les autres ou les unes très éloignées des autres. D'abord rigides, ces cordes sont remplacées par des cordes en boyau 69 qui ont l'avantage d'être élastiques. Ainsi, pour les lettres hors format telles que le « l » ou le « p », ils peuvent forcer sur la corde pour tracer la lettre, celle-ci revient en place automatiquement, assurant l'horizontalité de la ligne. La méthode d'apprentissage a le mérite d'exister mais reste imparfaite et le docteur Guillié abandonne peu à peu l'écrit70. En effet, selon l'Abbé Carton, directeur de l'école de Bruges, la méthode pour écrire au crayon est laborieuse (…) donnait des résultats médiocres, on ne s'en servait d'ailleurs pas pour les devoirs écrits.71 Les exercices sont lents et difficiles à mettre en œuvre, même pour les plus doués. C'est pourquoi le docteur Guillié préfère étudier les textes oralement et par audition. En revanche il se consacre beaucoup à la musique, utilisant l'orgue et l'ophicléide. Dans la liste des ouvrages dont dispose l'école il n'y a pas de manuel d'arithmétique – ce à quoi remédiera ultérieurementLouis Braille – et peu de pages en français, que les élèves finissent pas connaître par coeur. Il y a pourtant des grammaires grecque, latine, anglaise, italienne, et espagnole ; ce qui creuse le gouffre entre les élèves brillants et ceux plus réticents au travail laborieux que représente le déchiffrage de ces écrits. Lorsqu'il prend la direction de l'Institution, Pignier juge l'état de l’enseignement proche du chaos. Le système linéaire permet certes la lecture, mais l’écriture est problématique. Impossible d'écrire rapidement, prendre des notes, les compléter72.

69 70 71 72

Guillié Sébastien. Op. Cit., p. 181. Henri Pierre. Op. Cit., p.29. Idem, p.22. Roy Noëlle. Louis Braille, 1809-1852, une génie français. Paris : Association Valentin Haüy, 2009. p.13.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 39

Session 2013


Pour tester le dispositif, nous avons demandé à une non-voyante de lire pour nous une page d'un ouvrage en linéaire imprimé selon les mêmes méthodes qu'Elements d'arithmétique. Si les titres sont relativement lisibles parce qu'ils sont assez grands, elle a confirmé que le corps de texte est très serré avec des lettres plutôt petites qui se détachent mal les unes des autres. Il est, selon elle, très difficile de déchiffrer rapidement le texte imprimé 73.

II.2 – L'arrivée des points saillants

A – La révolution de Charles Barbier : écrire avec des points La première étape dans le remplacement du linéaire par un système d'écriture plus adapté est la sonographie de Charles Barbier de la Serre. Cette écriture nocturne repose sur le principe de signes sonographiques constitués de points et de traits en relief. Charles Barbier de la Serre invente un tableau divisé en 36 cases dont chacune correspond à un son. Le son peut ensuite être représenté par deux chiffres : le premier pour indiquer la ligne et le second pour la colonne. Par exemple, une case dont la première colonne comporte trois points saillants et la deuxième quatre, correspond au son « j » (voir le tableau en page suivante). L'avantage du damier dans l'esprit de Barbier, pour qui l'intérêt du système est avant tout militaire et diplomatique, est qu'il peut être modifié et permet de créer ainsi un grand nombre de combinaisons possibles. Ce code est donc complexe et de nature phonétique, la grammaire et l'orthographe ne sont pas pris en compte. Un tableau regroupant des lettres sous forme de traits et de points saillants existait déjà, inventé par le Francesco Lana de Terzi74, un jesuite italien, en 1670. Il est possible que Charles Barbier en ait eu connaissance et s'en soit inspiré pour créer sa sonographie. En effet, paraît en 1803 un ouvrage de Coste d'Arnobat, Essai sur de prétendues découvertes nouvelles dont la plupart sont âgées de plusieurs siècles. Les pages 87 à 99 de ce livre sont la traduction du chapitre II du livre du père Lana. 75 73 74

75

Entretien avec Reynalde Nicolin, à l'Association Valentin Haüy. Physicien italien née en 1631, mort en 1687. Il expose sont procédé dans Exposé de quelques Inventions nouvelles, en 1670. HenriPierre. Op. Cit., p. 40.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 40

Session 2013


13 . Sonographie de Charles Barbier de la Serre

Son procédé ne s'applique pas en premier lieu à l'imprimerie, puisqu'il a été mis au point à des fins militaires. Il doit pouvoir s'écrire à la main et dans le noir. Il permet en revanche aux jeunes aveugles d'écrire et de rendre des devoirs écrits. Pour cela il utilise une plaque de bois portant six sillons sur laquelle glisse un curseur de métal appelé agrafe. Ce curseur est constitué de deux montants qui délimitent la largeur d'un signe. Pour faire les points, il suffit d'utiliser un poinçon appelé stylet avec lequel l'utilisateur repousse le papier dans les sillons de la tablette.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 41

Session 2013


14 . Tablette à écrire de Barbier, avec son stilet

15 . Reglette d'écriture Barbier à agrafe mobile

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 42

Session 2013


Son procédé de lecture est enseigné parallèlement à la méthode traditionnelle. Il apparaît rapidement que les élèves lisent mieux le Barbier que le linéaire 76. Ils peuvent dorénavant prendre des notes. Cependant, mêmes si les progrès sont évidents, ce procédé conserve plusieurs inconvénients : il ne prend pas en compte l'orthographe ni la grammaire et ne peut pas être appliqué au calcul. Charles Barbier reçoit des encouragements et une aide de 1000 francs pour continuer ses recherches, mais la méthode n'est pas encore appliquée à l'imprimerie. L'imprimerie en points tarde à être mise en place puisqu'il faut attendre 1827 pour voir le premier livre imprimé en sonographie Barbier, Recueil d’anecdotes, extrait de la morale en action, imprimé par M. Galliod, maître de la chapelle des Quinze-Vingts. Il s'agit de la transcription d'un ouvrage qui avait été écrit par les élèves de l'école, en linéaire, en 1826. C'est aussi à ce moment-là qu’apparaissent les prémices des nombres et de la ponctuation avec un trait d'union emprunté aux caractères de Guillié, associé aux points. La ponctuation en tant que telle est inventée par un élève de l'école appelé Villa.

16 . Page d'un choix de contes imprimé en sonographie Barbier

76

Henri Pierre. Op. Cit., p15.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 43

Session 2013


B – Le génie de Louis Braille

La date la plus communément citée pour l'invention du braille est 1829. C'est l'année de parution d'un ouvrage intitulé Procédé pour écrire l'écriture, la musique et le plain chant77, au moyen de points saillants, à l'usage des aveugles et disposé pour eux. Ainsi que nous l'avons dit précédement, le système braille se situe dans la continuité du système de charles Barbier, mais il a plusieurs avantages. Deux de ses modifications sont des avancées majeures78 : le système répond mieux aux exigences de la lecture tactile, et, contrairement à l'écriture nocturne, le braille est un véritable alphabet, permettant d'apprendre l'orthographe. Or ceci est considéré comme un élément fondamental de la physionomie linguistique79. Le nombre de points est ramené à six, rangés dans une cellule de la taille de la pulpe d'un doigt, ce qui permet de lire de façon linéaire. En effet, avec seulement six points, le doigt n'a pas besoin de faire de mouvement de haut en bas et la pulpe du doigt identifie facilement les lettres. La lecture devient globale et gagne en rapidité. D'autre part, six points, au lieu de douze au départ, suffisent amplement pour contenir tous les caractères de l'alphabet, ponctuation comprise. Il supprime également les traits, car ils sont moins parlants pour le tact et moins faciles à reproduire au poinçon et à la tablette. Avec le braille, les élèves peuvent prendre des notes pendant les cours et gagnent du temps pour faire leurs devoirs. Le génie de Louis Braille fait qu'il codifie avec 6 points disposés en 58 combinaisons, toutes les lettres de l'alphabet, la ponctuation, le solfège, les chiffres, les signes mathématiques, l'algèbre et la géométrie80.

17 . Tablette braille avec son poinçon en position d'écriture

77 78 79 80

Autre appellation du chant grégorien, chant particulier à la liturgie catholique. Roy Noëlle. Op. Cit., p16. Desormeaux Jean (Dir.). Op. Cit., p.71. Chalaye Marcel. Op. Cit.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 44

Session 2013


18 . Tablette braille avec sa réglette et son stylet

Il compose pour ses élèves deux traités dont, en 1838, un petit Mémento d'arithmétique à l'usage des commerçants, contenant les nombres entiers et les fractions décimales, suivis de 100 problèmes. Si le titre est long et détaillé, le texte est très concis. Il l'explique par cette phrase : nos procédés d'écriture et d'impression occupent beaucoup de place sur le papier ; il faut donc resserrer la pensée dans le moins possible de mots 81. En 1839, Louis Braille publie également la version la plus élaborée de son système musicographique, qui reste très peu différente de celle que l'on utilise de nos jours. Le principal reproche fait au braille est qu'il est difficile d'accès pour les voyants 82. Louis Braille y remédie en créant un système qui permet de représenter les lettres, la ponctuation et les chiffres avec une suite de points disposés dans un ordre précis. Ces caractères ne faisant jamais plus de dix points de hauteur, cette écriture est baptisée 81 82

Henri Pierre. Op. Cit., p. 34. Roy Noëlle. Op. Cit., p. 19.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 45

Session 2013


« décapoint ». Elle s'écrit avec un stylet, une tablette et une grille. Puis, avec son ami François-Pierre Foucault, il met au point une machine à piston afin d'optimiser le procédé : le raphigraphe.

19. Raphigraphe

C – Les relations entre Louis Braille et Charles Barbier Si le procédé connu de tous aujourd'hui ne s'appelle pas le Barbier-Braille, c'est parce que Charles Barbier a toujours refusé de reconnaître les changements apportés à sa sonographie83. La discussion entre les deux hommes était difficile à cause de leur grande différence d'âge et du caractère intraitable du capitaine quant à son invention. Il faut ajouter que Barbier ne comprenait pas l'utilité de l'orthographe chez les plus humbles 84. L'écriture n'aurait qu'un but utilitaire et il ne serait pas nécessaire de rentrer dans des subtilités superflues. Il considère que les particularismes de l'orthographe comme une entrave à la rapidité et à l'universalité85. 83 84 85

Henri Pierre. Op. Cit., p. 48. Idem, p. 48. Roy Noëlle. Op. Cit., p15.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 46

Session 2013


Alexandre-René Pignier écrit à ce propos dans ses Essais historiques : M. Barbier, comme beaucoup d'inventeurs... finit peut-être par s'en exagérer le mérite et l'utilité qui cependant était réel. Peut-être aussi que son esprit s'exalta à cet égard. Ses exigences devinrent plus grandes. On peut toutefois lire dans plusieurs ouvrages de Louis Braille sa reconnaissance envers Charles Barbier, qu'il considère comme le précurseur de l'écriture pour aveugles. De fait, l'utilisation des point saillants, le gabarit du caractère, l'utilisation de la réglette sont des inventions de Charles Barbier. Par ailleurs il est très probable que le système de sténographie de Louis Braille soit issu également de la sonographie de Barbier. Autrement dit, Charles Barbier avait posé les fondations d'un système qui tôt ou tard aurait fait l'objet d'une évolution, par l'interventionde Louis Braille – ou d'un autre inventeur. Les innovations de Louis Braille ne sont cependant pas négligeables, elles apportent un avantage majeur : la facilité de lecture. En effet, c'est la première fois que la méthode de lecture est mise au point par un non-voyant pour les non-voyants : Louis Braille n'a jamais connu d'autre façon de lire que par la pulpe de ses doits et c'est cela qui l'a guidé.

II.3 – L'acceptation d'un nouveau système (1830-1840)

L'Institut Royal tarde à reconnaître les mérites du braille et celui-ci ne triomphe définitivement que longtemps après 1840. En 1830, il n'est encore utilisé que pour faire ses devoirs, car, faute de moyens, le braille s'écrit mais ne s'imprime pas. En 1834, l'alphabet braille définitif et la nouvelle musicographie sont arrêtés. En 1835, les inventions de Louis Braille, imprimées à l'Institution, sont exposées au musée des Produits et de l'Industrie qui se déroule cette année-là place de la Concorde. Le premier livre en braille imprimé par l’Institut est le Notre Père, publié en six langues en 1837 – soit trois ans avant Eléments d'arithmétique – et l'envoyé aux écoles pour aveugles dans le monde entier. Cette même année, l'Institution Royale publie un précis sur l'histoire de France en trois volumes, en braille ; ce qui illustre que le développement du procédé est motivé par des besoins scolaires. Eléments d'arithmétique se situe donc bien dans une période charnière où l'on bascule de l'ancien système à celui qui est encore utilisé de nos jours.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 47

Session 2013


Il faut 30 ans pour que le braille remplace le linéaire de Valentin Haüy en France 86 et le double pour qu'il devienne le mode d'écriture unique. Le braille s'est généralisé dans le monde entier car il reste aujourd'hui le plus adapté à la lecture tactile, mais les alphabets diffèrent d'un pays à l'autre.

20. Alphabet braille actuel

86

Chalaye Marcel. Op. Cit.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 48

Session 2013


CONCLUSION L'accès à l'instruction pour les aveugles est un processus qui s'étale sur plus de soixante ans. Dans un contexte politique mouvementé, l'école de Valentin Haüy et sa qualité d'enseignement, dépendent beaucoup des gouvernements qui se succèdent. Charles Barbier de la Serre apporte une avancée décisive avec son système d'écriture en points saillants, initialement mis au point à des fins militaires. C'est Louis Braille, un des élèves les plus brillants de l'école, qui finalise le procédé toujours utilisé de nos jours. On retrouve dans Eléments d'arithmétique la présence de Valentin Haüy à travers l'imprimerie en linéaire ainsi que celle de Louis Braille qui en est l'auteur. Le fait que le livre soit imprimé en linéaire alors que le braille est déjà inventé et utilisé est le signe que les changements dans ce domaine ont été difficiles à imposer. Le braille est le système de lecture et d'écriture mondialement utilisé par les aveugles actuellement, bien que les ordinateurs aient remplacé la tablette et le stylet. Mais la question de l'instruction des non-voyants demeure. Le prix du président de la République du concours Lépine international 2010 a été décerné à Raoul Parienti pour son Top Braille : un appareil de poche qui permet de traduire en braille ou en vocal n'importe quel texte imprimé ; ouvrant l'accès à un panel de plus en plus large d'ouvrages. Si on connaît aujourd'hui les étapes essentielles de cette évolution, reste que les choix qui ont été moteurs de ces changements demeurent flous. Pourquoi Valentin Haüy se voue-t-il à la cause des aveugles ? Pourquoi Charles Barbier décide t-il d'appliquer son invention à un domaine si différent de celui auquel il l'avait destinée ? Il ne reste qu'à formuler des hypothèses.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 49

Session 2013


Eugénie FALISE

Ecole de Condé 50

Session 2013


Chapitre 2

Etude technicoscientifique

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 51

Session 2013


INTRODUCTION

Eléments d'arithmétique présente un texte dégradé. Le papier s'use, les lettres se déchirent, certaines sont manquantes, le relief s'écrase. Ceci s'observe sur de nombreux ouvrages en linéaire et, plus récemment, en braille. Selon Noëlle Roy, conservatrice au musée Valentin Haüy, plusieurs documents anciens en braille deviennent difficiles à déchiffrer tant leurs points sont usés. Ce problème préoccupe les bibliothèques et les organismes responsables d'accueillir et de diffuser des livres à l'usage des non-voyants. Si la plupart des ouvrages disponibles en braille aujourd'hui sont issus de textes initialement conçus « en noir », c'est-à-dire à l'usage des voyants, qu'en est-il des textes inventés en braille et destinés à n'être publiés qu'en braille ? C'est tout un patrimoine qui se perd si le texte ne peut pas être retranscrit avant d'être totalement effacé. Citons comme exemples les recueils de feuillets manuscrits à la tablette de Thomas-Leca Mattei, celui qui a appliqué le braille aux quatre opérations mathématiques en 188387. Les points étaient quasiment effacés quand ils ont été retranscrits par Valérie Choisel du braille en noir. Cela a permis de découvrir une foule d'informations sur la vie à l'Institution où Thomas-Leca Mattei a été professeur. Pour conserver le braille le champ d'action est triple. Il est possible d'agir sur la boîte, en utilisant un conditionnement qui limite les chocs subis par le livre. Ceci est la problématique développée pour la mise en œuvre de la boîte de conservation. Il est également possible de contrôler le climat, les conditions d'humidité relative et de température ayant probablement un effet sur les documents. Certaines consolidations peuvent, enfin, être mises en place pour ralentir ou limiter la dégradation des points.

87

Roy Noëlle. « Débraillage ». Le Louis Braille, Paris : Association Valentin Haüy, novembre 2011, p1.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 52

Session 2013


I. OBJECTIF ET PRINCIPE

Pour consolider les œuvres en relief il n'y a pas de solution idéale. Plusieurs restaurateurs ont été confrontés au problème du relief en arts graphiques. Ils ont utilisé des cales, des moules88, d'autres vantent les mérites du Paraloïd B72 ou du cyclododécane 89. L'un demande des solvants relativement nocifs pour le papier et est peu réversible, l'autre nécessite un traitement long et inadapté à la restauration d'un livre. Peut-on consolider le relief avec des matériaux plus usuels : papier japonais et colle, qu'elle soit d'amidon ou d'origine cellulosique ? Enfin, indépendamment de la restauration, peut-on agir sur la conservation des livres en braille. L'humidité relative a t-elle une influence notable sur le relief ? L'objectif des expériences qui vont suivre est de répondre à ces questions. On émet ces hypothèses :  Les conditions d'humidité relative de la zone de stockage influent sur la conservation du relief.  Un papier conservé dans de mauvaises conditions climatiques est moins résistant aux frottements.  Il est possible de consolider du braille avec des produits que l'on trouve dans la plupart des ateliers de restauration : méthylhydroxyéthylcellulose 90 (Tylose MH300 P), amidon de blé, hydroxypropylcelulose (Klucel G), ou encore Paraloïd B 72.

88

89

90

Erhardt David, Padfield Tim. « Method for Making Molds from Embossed Paper ». Eighth IIC-Cg annual conference. June 20-24, 1982. p. 11 à 12. Hendry Heather. « Yves Gaucher's Homage to Webern N°1 : a Multidimentional Treatment ». The Book and Paper Group Annual Session. 2001, p. 5 à 7. Pour plus de fluidité nous utiliserons les noms commerciaux des produits dans le reste du mémoire.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 53

Session 2013


II. CRÉER DES ÉCHANTILLONS EN RELIEF

II.1 – Le braille : la technique de l'embossage Pour imprimer un texte en braille il est possible d'utiliser deux types d'appareils. Le plus commun et aussi le plus rentable est l'embosseuse de type INDEX Everest®. C'est un outil électronique qui permet de transcrire en braille rapidement et en recto-verso n'importe quel texte en noir. Pour les tirages en plus petite quantité ou les tirages particuliers, il est possible d'utiliser une embosseuse mécanique dite presse à platine. Pour cela, le texte à tirer est imprimé sur un jeu de deux plaques de PVC strictement identiques. De cette façon les deux plaques s’emboîtent parfaitement l'une dans l'autre au niveau des points. Pour imprimer, la feuille de papier est pressée entre ces deux plaques et le relief se forme ainsi.

1 . Embosseuse INDEX Everest D-V4

2 & 3 . Presse à platine Colt's Armory

Afin de reproduire à l'école des échantillons de texte en braille nous nous rapprochons de la technique de la presse à platine. Nous avons pu obtenir, grâce à l'imprimerie de l'Association Valentin Haüy, des échantillons Eugénie FALISE

Ecole de Condé 54

Session 2013


de plaques PVC contenant quelques lignes en braille. Nous avons utilisé la presse à percussion de l'atelier pour caler le papier entre ces plaques et obtenir un relief en points saillants.

II.2 – Une autre impression en relief : le gaufrage

Pour pouvoir comparer les effets de la taille du relief sur la résistance de celui-ci il est nécessaire de créer également des échantillons en papier gaufré. Les caractères originaux d'impression en linéaire sont peu nombreux et assez rares, ils sont dans les vitrines du musée Valentin Haüy. En revanche il a été possible de se procurer, toujours grâce au musée, une plaque de lettres en relief. Elle n'était pas destinée à l'imprimerie mais c'est avec cette plaque que nous avons eu les meilleurs résultats et les plus proches du

4 . Plaque de lettres prêtée par l'Association Valentin Haüy

linéaire. En effet nous avons tenté de créer des lettres en relief nous-mêmes, mais nous nous sommes heurtés à plusieurs obstacles. Il faut d'une part un matériau qui résiste à une forte pression tout en étant assez fin pour que le motif soit comparable à une lettre. Il est également nécessaire que le matériau résiste à une forte humidité, puisque le pressage se fait avec un papier très humide. Les échantillons sont créés selon la méthode utilisée dans le passé à l'Institution des Jeunes Aveugles, c'est à dire que la feuille de papier est placée sur la plaque encore très humide, elle est recouverte d'un feutre et d'un papier buvard pour permettre le séchage. Cet ensemble est pris entre deux planches de bois et pressé. Le séchage se fait d'abord sous presse pendant quelques jours, puis à l'air libre.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 55

Session 2013


III. MISE EN PLACE DE L'EXPÉRIMENTATION III.1 – Simulation des frottements La lecture tactile entraîne plusieurs dégradations : de l'usure due aux frottements, parfois un affaissement du relief, parfois même un détachement de la lettre. Pour simuler un frottement répété et relativement appuyé nous avons utilisé un tourne-disque sur lequel le diamant a été remplacé par un patin.

Avant de soumettre les échantillons aux tests il est nécessaire de mettre au point la machine, c'est-à-dire de trouver le patin adéquat et le bon nombre de tours qui affecte chaque papier sans pour autant l'écraser complètement, afin que les résultats soient exploitables et comparables. Il faut également déterminer si le bras du tourne-disque doit être lesté. S'il le doit, avec quelle masse et où placer cette masse ? Comment placer les échantillons ? Le tourne-disque de départ a donc subit quelques modifications avant de pouvoir être utilisé comme simulateur de frottements.

A – Tests préalables Afin de déterminer le paramètres de la machine à simulation de frottements nous préparons un papier recouvert de peinture foncée pour mettre en évidence l'abrasion. Pour cela les papiers utilisés pour les échantillons sont recouverts d'une couche isolante, puis d'une couche d'acrylique. La couche isolante permet à la peinture de rester en surface. Ainsi lorsque le papier est abrasé on visualise mieux les fibres de papier, restées blanches. Cette couche colorée en surface permet également de mieux visualiser l'usure et évite toute ambiguïté entre écrasement et usure.

Il faut des produits qui ne soient pas sensibles à l'eau, car l'embossage se fait avec du papier humide et si la colle se réactive il adhère à la plaque. Sont donc à éviter les colles de type méthylcellulosique. Sont écartées aussi les colles de type gélatine, qui ne sont réversibles

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 56

Session 2013


qu'à l'eau chaude mais gonflent tout de même à l'eau froide. Le produit pour la couche isolante ne doit pas non plus trop rigidifier le papier pour que cela n’empêche pas le bon déroulement de l'embossage ; nous évitons également les colles blanches. Après plusieurs essais, les papiers d'échantillons de pré-tests sont recouverts d'une solution de Paraloïd B72 dans de l'acétone91.

Une fois que le papier est sec on le peint d'une couche fine d'acrylique bleu foncé. Le papier sèche entièrement et est ensuite de nouveau humidifié au pinceau pour être pressé. Nous prenons garde à ce que le papier soit humide mais la peinture sèche au toucher, pour éviter une adhérance à la plaque. 5 . L'usure est rendue plus visible par l'application d'une couche colorée

La feuille de papier est placée entre les deux plaques de PVC sur du feutre afin que les points en relief ne s'écrasent pas lors de la mise sous presse. Les plaques restent une heure sous presse afin que les points prennent bien forme, puis la feuille sèche à l'air libre car elle ne peut pas sécher entièrement entre les deux plaques de PVC. Les échantillons sont enfin triés et rangés séparément dans des boîtes alimentaires rigides, pour préserver le relief pendant le transport. Chaque référence d'échantillons est créée sur la même plaque, en un seul pressage, afin de garantir l'uniformité des reliefs.

91

Le mélange est composé de 5g de Paraloïd B 72 dans 100mL d'acétone

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 57

Session 2013


B – Mise au point de la machine à simulation de frottements Pour commencer nous avons placé sur la platine un disque de carton clair, sur lequel est tracé un cercle à deux centimètres du bord. Sur ce cercle nous avons déterminé l'emplacement des échantillons de façon à ce qu'ils soient tous sur le cercle, à égale distance du centre. Nous avons ensuite posé des cales pour bloquer le bras. Ainsi le bras effectue toujours le même passage, sur le cercle tracé, au lieu de s'avancer petit à petit vers le centre. Cela permet de s'assurer que le patin frotte les échantillons de façon uniforme.

6 . Machine de simulation de frottements

Différents essais ont permis de déterminer un lest optimal : une masse de 30 g, fixée au bout du bras, près de la tête. Cela évite que le bras ne « saute » lorsqu'il passe sur un relief. Pendant une minute la platine effectue exactement 46 tours. Des pré-tests ont été faits pour déterminer combien de temps, donc à combien de tours, soumettre les échantillons aux frottements. Nous avons essayé 20, 30, 40, 60, 90, 120 et 180 minutes. Le temps minimum pour que tous les échantillons soient affectés, sans pour autant qu'ils soient écrasés complètement, est de 120 minutes minimum. Cela correspond à 5520 tours. Il reste à déterminer quel patin utiliser pour avoir un résultat optimal quel que soit le papier. Eugénie FALISE

Ecole de Condé 58

Session 2013


Nous en avons essayé six : Patin

Matériau

Diamètre

1

Feutre seul

Ø 20 mm

2

Plastique très rigide

Ø 22 mm

3

Plastique semi-rigide + feutre (plastique contre les échantillons)

Ø 22 mm

4

Feutre et plastique semi-rigide (feutre contre les échantillons)

Ø 20 mm

5

Plastique rigide + feutre (feutre contre les échantillons)

Ø 20 mm

6

Plastique semi-rigide double + feutre (feutre contre les échantillons)

Ø 20 mm

Forme

7 . Tableau récapitulatif des différents patins testés

Dans le cas du patin 3, le feutre permet de compenser la hauteur, alors que pour le patin 4, le plastique compense la hauteur et a un rôle rigidifiant. De cette façon les patins testés sont de surface et de rigidités différentes. Les diamètres sont semblables, la surface frottée est donc similaire en fonction du patin utilisé.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 59

Session 2013


Nous déterminons le patin à utiliser avec des observations visuelles à la loupe binoculaire, dont les résultats sont regroupés dans ce tableau :

PATIN 1 Papier buvard 100g/m2 Papier buvard 100g/m2 gaufré Scandia 2000 100g/m2 Papier buvard 200g/m2

PATIN 3

PATIN 4

PATIN 5

PATIN 6

E+ E+ A + à +++ A ++ (localisé) (localisé)

E+ A0à +

E+ A + à ++ (localisé)

E ++ A + à ++

E + à ++ A+

E+ A0

E ++ A ++

E ++ (rupture du E 0 papier) A+ A+

E ++ (dans le sens de rotation) A+

E+ A+

E+ A ++

E+ A+

E+ A+

E+ A+

E+ A ++

E+ A+

E0 A+

E0 A+

E0à+ A0à +

E0 A+

E+ A ++

E+ A+

Légende

PATIN 2

8 . Observations visuelles en vue de la sélection d'un patin

E = écrasement du relief. A = abrasion du papier + = peu visible ++ = visible nettement +++ = très visible

Lorsque la peinture acrylique est trop épaisse le papier est lustré, il brille mais on ne voit pas de fibres. Pour le papier gaufré l'écrasement se fait dans le sens de rotation de la machine Les patins 1, 2 et 4 offrent une abrasion trop localisée. Cela s'explique soit par la forme du patin arrondie, soit par la souplesse du patin de feutre. On les écarte donc car l'usure est trop hétérogène. Le patin 3 n'atteint pas beaucoup le papier buvard 100 g/m 2. Le patin le plus adapté semble être le patin numéro 5. Eugénie FALISE

Ecole de Condé 60

Session 2013


Voici donc les caractéristiques de l'appareil lorsqu'il est fonctionnel : Lest

30 grammes, en bout de bras

Durée des tests

120 minutes, soit 5520 tours

Patin

N°5 – Feutre sur support rigide

Nombre d'échantillons soumis 8 au test simultanément

III.2 – Contrôle du relief A – Comment contrôler le relief ? Nous allons pouvoir contrôler de façon précise le relief de nos échantillons grâce au Centre Technique du papier de Grenoble qui a mis au point un appareil capable de mesurer la profondeur des points de braille. Cet appareil92 est à l'origine conçu pour les étuis pharmaceutiques. En effet, la hauteur des points braille est normalisée 93 et doit pouvoir être contrôlée. Cette machine est onéreuse, même à la location. Mme Leroy a cependant accepté de faire les mesures à Grenoble gracieusement dans la limite de 12 références, avec pour chaque référence 5 échantillons identiques. Cela assure la répétabilité de la mesure. Une plaque permet de presser 10 lignes. On teste donc également les dix échantillons issus d'une même plaque afin de s'assurer de l'homogénéité des échantillons. Ces mesures sont faites sur la référence « buvard 100 g/m2 » qui est le papier de base pour nos tests. Les échantillons font une ligne de texte sur une longueur de 4 cm. En effet, la machine de simulation de frottement possède un patin de 20 mm de diamètre, ce qui ne permet pas de couvrir uniformément de plus grands échantillons.

92

93

Braille Dot Tester. Conforme à la norme EN15823 qui spécifie les exigences relatives à l'application du marquage en braille sur les étuis de médicaments. La hauteur du point préconisée dans ce cadre est de 200 μm.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 61

Session 2013


9 . Le Braille Dot Tester, mis au point par le Centre Technique du Papier de Grenoble

Nous allons donc mesurer la hauteur des points braille lorsque les échantillons ont été soumis aux frottements et la comparer à la hauteur de points non frottés grâce à nos échantillons témoins. Les papiers pour lequel la différence de hauteur est la plus faible sont les plus résistants. Nous allons également pouvoir observer la différence de hauteur des points suite à une consolidation, en la comparant avec le papier de référence non consolidé.

B – Le Braille Dot Tester Crée par le Centre Technique du Papier de Grenoble et commercialisé par sa filiale Techpap, le Braille Dot Tester permet de mesurer les points d'un message en braille bien plus rapidement qu'un microscope. C'est un outil compact et manipulable, créé pour pouvoir être utilisé sur les sites de fabrication, lors de la production même ou à réception du produit en contrôle de qualité. Il n'y a pas de contact avec l'échantillon. Cet outil a été commercialisé en 2009 à l'occasion du bicentenaire de Louis Braille.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 62

Session 2013


IV. CRÉATION DES ÉCHANTILLONS IV.1 – Choix des papiers Les paramètres variables sont la nature du papier, l'humidité relative à laquelle ont été conservés les échantillons et les différentes consolidations applicables sur du braille. Nous avons choisi deux papiers différents. Le premier est le Scandia 2000 94, un papier utilisé dans l'imprimerie pour les publications en braille. Il est d'une densité de 100g/m 2 et est pelliculé. C'est une pâte sans bois résistant au vieillissement 95, certifié Nordic Swan96. Nous ne possédons que peu d'échantillons de ce papier ; aussi, pour faire varier les différentes techniques de consolidation, avons-nous choisi d'utiliser un papier le plus simple possible, a priori sans additif97 et non pelliculé : du buvard de même densité, c'est-à-dire 100g/m 2. Pour le choix des consolidants nous n'avons pas trouvé de concentrations précises dans la littérature. Nous avons choisi de faire un mélange de Paraloïd B72® qui soit suffisamment concentré pour que le produit agisse tout en étant assez fluide pour pénétrer dans la papier, c'est à dire à 10 % m/v. Il évident que cette technique de consolidation, qui se retrouve dans la littérature, n'est pas, ou est très peu, réversible. Nous avons choisi des colles utilisées couramment dans les ateliers de restauration d'arts graphiques : la colle d'amidon de blé, la Tylose MH300P et la Klucel G, laquelle peut être diluée dans l'éthanol. Or l'éthanol affecte moins le relief que l'eau. La colle d'amidon utilisée est à 20 % dans l'eau, la Tylose MH300P à 5 % dans l'eau, et la Klucel G à 5 % dans l'éthanol en rapport masse/volume. Les consolidations sont imaginées avec un papier japonais encollé. Cela assure une meilleure réversibilité qu'avec de la colle appliquée directement sur le papier et cela limite également l'apport d'humidité lié à la colle. Enfin, la quantité de colle est mieux maîtrisée, ce qui est primordial pour que les échantillons soient homogènes et donc comparables. Le papier japonais utilisé doit être suffisamment fin pour épouser la forme des points tout en étant assez solide pour assurer une réelle protection. 94 95 96 97

Fourni par Perche, fournisseur de papier et matériel de bureau. Voir la fiche technique en annexe page 152. Label qui certifie qu'un produit est fabriqué selon une logique de protection de l'environnement. Il n'y a pas eu moyen d'obtenir de réponse précise de la part du fournisseur quant à la composition exacte du papier.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 63

Session 2013


Le papier japonais 9 g/m2 est celui qui remplit le plus de critères. Le papier 6 g/m 2 est trop fin et un papier plus épais limite la perception des points. Ces observations ont pu être faites avec des pré-tests. Les échantillons sont :  Un papier Scandia 2000 100 g/m2. (5 échantillons)  Un papier Scandia 2000 identique ayant été conservé longtemps dans des conditions d'humidité relative élevée. (5 échantillons)  Un papier Scandia 2000 identique ayant été conservé dans des conditions d'humidité relative fluctuantes. (5 échantillons)  Un papier buvard 100 g/m2. (10 échantillons)  Un papier buvard 100 g/m2 consolidé à la Tylose MH300 P98 à 5% dans l'eau, avec du papier japonais 9g/m2 (5 échantillons)  Un papier buvard 100 g/m2 consolidé à la colle d'amidon de blé à 20%, avec du papier japonais 9g/m2 (5 échantillons)  Un papier buvard 100 g/m2 consolidé à la Klucel-G G à 5% dans l'éthanol, avec du papier japonais 9g/m2 (5 échantillons)  Un papier buvard 100 g/m2 consolidé au Paraloïd B 72 dans l'acétone (5 échantillons)  Un papier buvard 100 g/m2 gaufré On crée aussi pour chaque référence des échantillons qui ne seront pas soumis à la machine de simulation de frottements. Ils serviront de témoins.

10 . Echantillon de papier buvard embossé en braille

98

La colle d'amidon, la Tylose MH300P et la Klucel G proviennent du fournisseur STOULS. Le Paraloïd B72 est fourni par CTS.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 64

Session 2013


IV.2 – Créer des échantillons homogènes A – Pour les papiers consolidés

Les bandes de papier japonais sont encollées sur un Melinex®99 en passant le pinceau dans les deux sens jusqu'à ce que le papier soit imbibé de colle. Nous cherchons à reproduire toujours le même geste pour limiter le facteur d'erreur. On pose ensuite le papier imbibé à l'aide d'un pinceau sec, pour ne pas apporter de colle en plus 100. Pour valider cette technique un test de répétabilité a été fait. Nous avons pesé 10 échantillons de papier braille, d'une dimension de 11x1,4 cm, avant puis après y avoir collé une bande de 1 x 4 cm de papier japonais 40 g/m2 et une fois que le collage est sec. Les résultats de ces pesées sont disponibles en annexe, page 146. Nous observons une faible marge d'erreur. 101 De cette manière le papier contient à peu près toujours la même quantité de colle. Le papier japonais permet à la fois de limiter et de contrôler l'apport de colle sur l'échantillon. Dans le cas du Paraloïd il est plus pertinent de l'appliquer directement sur le papier pour que la résine acrylique l'imprègne et le renforce de l'intérieur. Comme le solvant n'est pas aqueux, les points ne n'affaissent pas lorsque le Paraloïd est appliqué. Pour contrôler quand même autant que cela est possible la quantité apportée de résine, nous effectuons encore une fois un contrôle par mesure de la masse. Les échantillons sont pesés avant et après avoir appliqué le Paraloïd et une fois sec.

B – Pour les papiers soumis à différentes humidités relatives Un lot d'échantillons a été conservé pendant dix jours à une température de 24 °C +/- 1 °C et à une humidité relative de 70 % +/- 5 % dans une enceinte close. L'enceinte est une boîte fermée contenant des récipients d'eau et les échantillons posés contre le rebord de la boîte, à la verticale. Le niveau d'eau est ajusté si besoin pour assurer une hygrométrie relativement constante, laquelle était contrôlée par un thermo-hygromètre. 99 100

101

Film polyester transparent insensible à l'eau et indéchirable, commercialisé par STOULS. Fleygnac Olivier, Martin Aurélie, Rouchon Véronique. « Le vernissage des globes : le cas du globe manuscrit du musée Buffon (Montbard) ». Support Tracé, n° 12. Paris : ARSAG, 2012, p. 141. La marge d'erreur est nulle avec des résultats au centième de gramme. Elle serait plus marquée avec des résultats au millième de gramme mais nous ne disposons pas d'une balance aussi précise.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 65

Session 2013


Un autre lot d'échantillons a été soumis pendant deux semaines à des variations importantes d'humidité relative, représentées par le graphique ci-dessous. Pour cela une chambre d'humidification a été mise en place avec un humidificateur à ultrason, ainsi qu'un thermo-hygromètre pour enregistrer les variations de température et d'hygrométrie. L'humidité relative a varié de 32 à 85 % et la température de 18,5 à 24 °C.

100 90 80 70 60 50

Humidité relative (%) Température (°C)

40 30 20 10 0 27 Fev. 03 Mars 07 Mars 11 Mars 25 Fev. 01 Mars 05 Mars 09 Mars

11 . Variations de température et d'humidité relative pour un lot d'échantillons durant les 15 jours précédant le test

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 66

Session 2013


IV.3 – Premières observations visuelles

Avant d'envoyer les échantillons à Grenoble pour que soit mesurée de façon précise la hauteur des points, nous avons pu faire quelques observations à l'œil nu.

A – La Klucel G D'une part et avant tout, il est apparu que la Klucel G dans l'éthanol n'est pas adaptée à ce genre de consolidation. La colle sèche trop vite et adhère très peu, il faut exercer une forte pression et les points sont vite endommagés. Nous avons envisagé une consolidation avec cette colle sans l'intermédiaire d'un papier japonais. Toutefois la Klucel G a un pouvoir collant assez faible. Dans la mesure où nous sommes limités dans la quantité d'échantillons que nous pouvons envoyer à Grenoble, nous avons fait le choix de la supprimer de la liste des colles testées et n'avons pas envoyé d'échantillons encollés à la Klucel G au Centre Technique du Papier. Remarquons que selon l'ARCP102 la Klucel G est pérenne et tend à être de plus en plus utilisée103. Il serait donc intéressant de pouvoir la comparer avec d'autres agents d'encollage dans le cadre d'une application directe sur le papier. Une telle étude demande d'autre moyens et davantage de temps que nous n'en disposons.

B – Renfort à l'amidon et à la Tylose MH300P Lors du collage du papier japonais à la colle d'amidon, l'apport d'eau est important et le risque d'écraser les points est élevé, d'où l'utilisation d'une colle assez peu diluée. Nous avons pris soin d'appliquer le papier entre les points pour ne pas les écraser. Cela semble avoir toutefois un effet aplanissant non négligeable sur le relief. En revanche le papier braille renforcé semble avoir une bonne résistance aux frottements. La Tylose MH300P affecte moins le relief lors de son application et le papier renforcé semble également avoir une bonne résistance aux frottements. 102 103

Atelier de Restauration et de Conservation des Photographies de la Ville de Paris. ARCP. « Une étude de cas sur l'utilisation de l'hydroxypropyl cellulose ou Klucel-G G : 30 ans de pratique à l'Atelier de Restauration et de Conservation des Photographies de la Ville de Paris ». Symposium 2011.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 67

Session 2013


C – Renfort au Paraloïd B72 dans l'acétone L'application est facile et le relief semble totalement intact après l'application de la résine. Le papier renforcé paraît très solide, même après avoir été soumis aux frottements.

Réversibilité du produit

Amidon 20% + Papier japonais Tylose MH300P 5% + Papier japonais

Klucel-G 5% + Papier japonais

Technique réversible

Technique réversible

Technique réversible voire peu durable

Paraloïd B72 Technique non dans réversible acétone

Application

Modification visuelle à l'application (1)

Conservation du relief après application

Conservation du relief après frottements

Facile

Coloration jaune due au papier japonais et à la colle

Moyenne

Moyenne

Facile

Coloration plus faible, due au seul papier japonais (colle plus transparente)

Bonne

Bonne

Difficile

Coloration plus faible, due au seul papier japonais (colle plus transparente)

Mauvaise

_

Très facile

Papier rigide et brillant

Excellente

Excellente

12 . Tableau récapitalif des observations faites lors des renforts

(1) Dans le cas d'une exposition par exemple

L'intérêt de cette expérimentation est de quantifier et traduire en chiffres ces résultats, qui étaient plutôt prévisibles. Nous verrons ensuite si les chiffres confirment ou pas ce que nous avons observé.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 68

Session 2013


D – Conditions d'humidité relative inadéquates Que les papiers braille aient été conservés dans des conditions d'humidité relative élevées ou fluctuantes, ils semblent très fragilisés et sensibles aux frottements. Cette observation est prévisible car de mauvaises conditions de conservation entraînent une fragilisation des fibres et donc une perte de résistance mécanique.

E – Le papier gaufré Le Braille Dot Tester ne nous permettra pas de quantifier les effets des frottements sur le papier gaufré. Nous pouvons cependant faire quelques observations visuelles qui vont dans le sens du diagnostic effectué lors de la restauration d'Eléments d'arithmétique. On observe après frottements une abrasion du relief légère mais surtout l'apparition de déchirures. Elles ressemblent beaucoup à celles que l'on peut trouver sur le livre de Louis Braille. Ceci confirme donc que les altérations du livre sont dues à son utilisation.

13

14

13 & 14 . Mise en parallèle des altérations créées artificiellement en atelier (13) et celles observées sur Eléments d'arithmétique (14)

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 69

Session 2013


IV. RÉSULTATS DE L'EXPÉRIMENTATION

IV. 1 – Présentation des résultats Pour chaque échantillon le Centre Technique du papier a fourni une fiche qui contient les données suivantes :  Image en acquisition brute de l'échantillon faisant apparaître les ondulations du papier  Image de l'échantillon après correction pour aplatir numériquement l'échantillon  Image 3D de l'échantillon après correction  Ligne sur laquelle est tracé le profil  Profil de hauteur des points de long de la ligne choisie. Le profil indique l'espacement des points et la hauteur maximale, ainsi que la hauteur moyenne, pour chaque point. Le Centre a également fourni pour chaque échantillon une photo en noir et blanc de l'échantillon qui permet de mieux apprécier l'état de surface du papier. Chaque échantillon contient 5 à 10 points. Ces valeurs sont donc la hauteur moyenne des points par échantillon, puis par référence. On appelle référence un papier donné, dans des conditions précises. Par exemple « les papiers buvards non soumis aux frottements » sont une référence. Ceux « soumis aux frottements » correspondent à une autre référence.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 70

Session 2013


15 . Comment lire les fiches envoyées par le CTP

IV. 2 – RÉSULTATS A – Détails Les résultats sans écart-type sont des résultats où la fiche a donné la moyenne sans le détail point à point. Il est arrivé que des échantillons soient trop petits pour être exploités par le Centre Technique du Papier. Dans ces cas là nous n'avons pas de données, or il n'a pas été possible d'en produire d'autres dans les temps impartis pour les soumettre à des nouvelles mesures. Ceci explique que pour certaines références il n'y a que quatre données au lieu de cinq. Il est également arrivé que le relief mesuré soit anormalement haut à cause d'un pli ou d'une déchirure sur le point. Ces données faussent les moyennes et sont donc retirées du calcul. Eugénie FALISE

Ecole de Condé 71

Session 2013


Elles ont été signalées par le symbole – dans le tableau. Référence

Hauteur moyenne des points par échantillon (μm)

Scandia 2000 Scandia 2000 (NF) (F)

Scandia 2000 HR flu.*

Scandia 2000 HR élev.**

Buvard + Paraloïd (NF)

Buvard + Paraloïd (F)

312,8 ± 22,4 288,4 ± 326,8 ± 15,8 26,8 326,8 ± 41,4 299 ± 19,2 324 332 ± 19,6 305 ± 33

391,2 ± 35,4 392,2 ± 42,7 388 ± 33,9 416 ± 58,4

374,4 ± 28,8 384,8 ± 23,8 384,6 ± 27,9 375 ± 23,5 383 ± 20,3

332 340,6 ± 32 330 335 ± 45,9 -

Hauteur moyenne des points par référence (μm)

396,8 ± 21,8

380,6 ± 11,2

334 ± 28

Erreur relative en %

5,9

2,9

8,4

7,3

5,1

4,1

Buvard + Tylose (NF)

Buvard + Tylose (F)

Buvard (NF)

Buvard (F)

Référence

Buvard + amidon (NF)

Buvard + amidon (F)

340,6 ± 47 366 ± 22

353,3 ± 25,9 322,6 ± 16,6

Hauteur moyenne des points par échantillon (μm)

332,3 ± 46,3 338 331,6 ± 50 -

Hauteur moyenne des points par référence (μm)

334 ± 34

315,9

263,1 ± 20,4

237,6 ± 34,8

443,6 ± 26

353,3 ± 16,8

Erreur relative en %

10,2

-

7,7

14,6

5,9

4,8

315 310 322,6 -

259,5 ± 32 266,7 ± 40,5 263,2 ± 32,8 -

225 239 248,8 ± 34,8 -

448 ± 59 439,7 ± 41,3 443 ± 61 443,5 ± 46,6

306,1 ± 12,7

337 ± 29,5 348,8 ± 30,1 357,è ± 27,8

16 . Moyennes des hauteurs de points par référence

Légende : (NF) = Non frotté

(F) = Frotté

- = La valeur est abérrante et ne rentre pas dans le calcul. * Scandia 2000 conservé dans une humidité relative fluctuante ** Scandia 2000 conservé dans une humidité relative élevée

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 72

Session 2013


B – Récapitulatif Avant frottements (μm)

Après frottements (μm)

Δ (μm)

Perte de relief (%)

Perte de relief significative ?

396,8 ± 21,8

380,6 ± 11,2

16,2

4,1

NON

Scandia 2000 HR flu

334 ± 28

62,8104

15,8

OUI

Scandia 2000 HR élev.

353,3 ± 25,9

43,5105

11

OUI

443,6 ± 26

353,3 ± 16,8

90,3

20,4

OUI

322,6 ± 16,6

306,1 ± 12,7

16,5

5,1

NON

334 ± 34

315,9

18,1

5,4

NON

263,1 ± 20,4

237,6 ± 34,8

25,5

9,7

OUI

Scandia 2000

Buvard Buvard Paraloïd B72

+

Buvard Amidon

+

Buvard + Tylose

On compare également la différence entre le relief des points avant frottement sur du buvard seul et avant frottements sur du buvard consolidé. Cela nous indique la perte de relief à l'application du consolidant.

Δ (μm) Buvard + Paraloïd B72

Perte de relief (%)

Perte de relief significative ?

121

27,3

OUI

Buvard + Amidon

109,6

24,7

OUI

Buvard + Tylose

180,5

40,7

OUI

17 .Tableaux récapitualitfs des résultats obtenus

104

105

On considère que la hauteur des points avant traitement est la même que pour le Scandia 2000 conservé dans des conditions normales. En effet les échantillons ont été préssés en même temps. Idem.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 73

Session 2013


Pour plus de lisibilité nous avons regroupé ces résultats sous forme d'histogrammes. Le premier met en avant la perte de relief due à l'humidité relative. Le second compare les différentes pertes de relief après avoir frotté les échantillons consolidés. Le troisième souligne la perte de relief à l'application d'un consolidant.

420 Hauteur moyenne des points avant frottements (μm)

400 380

Hauteur moyenne des points après frottements (μm)

360 340 320 300 Scandia 2000

Scandia 2000 HR flu. Scandia 2000 HR élev.

18 . Histogramme de comparaison des reliefs selon les conditions d'humidité relative

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 74

Session 2013


450 400 Hauteur moyenne des points avant frottements (μm)

350

Hauteur moyenne des points après frottements (μm)

300 250 200 Scandia 2000

Buvard Buvard + Amidon Buvard + Paraloïd Buvard + Tylose

19 . Histogramme de comparaison des reliefs avant et après frottements selon le papier utilisé

450

400

Hauteur moyenne des points avant application du produit (μm)

350

Hauteur moyenne des points après application du produit (μm)

300

250

200 Paraloïd B72 Amidon 20%

Tylose 5%

20 . Histogramme de comparaison des reliefs à l'application des produits de consolidation par rapport au relief de référence

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 75

Session 2013


V. ANALYSE DES RÉSULTATS V. 1 – Choix du papier pour le braille

Le papier utilisé pour l'impression à grande échelle de texte en braille que nous avons testé ne montre pas de perte significative du relief après avoir été soumis à des frottements répétés. Nous ne connaissons pas les fibres utilisées pour ce papier mais nous savons que c'est une pâte sans bois, ce qui est un signe de résistance mécanique. En effet la présence de lignine dans une pâte à papier est source d'une faiblesse mécanique. Les altérations observées sont surtout des altérations du surface comme des abrasions ou des micro-déchirures.

21 b

21 a

21 . Photos de points braille imprimés sur du Scandia 2000, avant (a) et après (b) frottements.

C'est un papier pelliculé. L'utilisation d'un papier buvard, non pelliculé, permet de créer des points plus hauts mais montre en revanche une perte de relief d'environ 20 %. Cette différence était prévisible et peut être attribuée à de nombreux facteurs : la composition du papier, l'absence de pelliculage, le mode de pressage... Nous pouvons toutefois affirmer que le papier buvard n'est pas un matériau adéquat pour imprimer du braille. Il nous permet cependant de pouvoir faire les études comparatives qui suivent. Eugénie FALISE

Ecole de Condé 76

Session 2013


V. 2 – Les conditions d'humidité relative du lieu de conservation Pour un papier donné, ici le Scandia 2000, on observe une perte significative de relief lorsque l'humidité relative est élevée – environ 10 % – et une perte plus importante – plus de 15 % – lorsque celle-ci est fluctuante. Le papier étant un matériau fortement hygroscopique, les

changements

d'humidité

relative

répétés

imposent

de

nombreuses

variations

dimensionnelles au papier ; ce qui entraîne une fatigue physique de ce dernier, lequel devient moins résistant. On observe sur les profils ci-après que les points sont hauts et réguliers lorsque le papier est conservé dans un lieu sec et relativement stable. Lorsque les conditions d'humidité relative sont fluctuantes, les points sont moins hauts et moins droits. Ils sont donc à la fois moins résistants mais aussi moins lisibles. Ces images confirment que conserver du papier en relief dans des conditions d'humidité relative a – tout comme pour les documents à plat – des conséquences réelles et néfastes pour le papier en lui même, ainsi que pour la préservation des informations en relief.

22 . Profil d'un échantillon de Scandia 2000 conservé dans l'atelier.

23 . Profil d'un échantillon de Scandia 2000 conservé dans des conditions d'humidité relative fluctuantes

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 77

Session 2013


V. 3 – Consolidations possibles de texte en braille

A – Le Paraloïd B72 A l'application toutes les méthodes testées ont eu un impact significatif sur le relief. Les pertes se situent entre 25 et 40 % du relief initial. Dans le cas du Paraloïd B72, si la perte de relief est importante à l'application avec une baisse du relief de près de 30 %, le papier est rendu résistant aux frottements. En effet, le relief, après frottements, n'est pas modifié de façon significative. Les photos nous permettent en outre de dire que la forme des points est excellemment bien conservée et par là même leur lisibilité. Les points sont plus nets après frottements que dans les cas précédents. Le Paraloïd B72 diminue donc le relief à l'application, mais fournit ensuite une bonne protection contre l'usure. Remarquons que la diminution de la hauteur est très visible grâce au contraste sur les clichés.

24 a

24 b

24 . Photos avant (a) et après (b) frottements d'un échantillon consolidé au Paraloïd B72.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 78

Session 2013


B – La colle d'amidon de blé à 20 % La colle d'amidon de blé à 20 % apparaît, au vu des chiffres, être le meilleur renfort possible. En effet, c'est celle qui atteint le moins le relief initial à l'application avec une perte de 25 %, même si elle le diminue sensiblement. La diminution du relief reste proche de celle observée à l'application du Paraloïd B 72. Le renfort au papier japonais collé avec ce produit donne de bons résultats puisque nous n'observons pas de perte significative de relief après frottements. Il s'agit par conséquent d'un bon renfort mécanique.

Les profils comme les clichés montrent cependant que les contours des points

sont

moins

précis,

très

probablement à cause du papier japonais. L'état de surface est irrégulier et on observe des plis. Les points sont donc moins perceptibles. Si les résultats observés sont encourageants, le renfort à la colle d'amidon et au papier japonais ne constitue pas la solution idéale ; surtout

26 . Photo d'un échantillon consolidé au papier japonais et à la colle d'amidon de blé

pour les textes qui restent en salle de lecture. C'est une solution qui est envisageable pour un document conservé dans le cadre d'une exposition ou destiné à être n'être déchiffré que ponctuellement.

26 . Profil d'un échantillon consolidé au papier japonais et à la colle d'amidon de blé

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 79

Session 2013


C – La Tylose MH300 P La Tylose MH300P couplée à du papier japonais abaisse de 40 % le relief du braille dès l'application. C'est une perte trop importante

pour

que

ce

procédé

de

consolidation soit envisagé dans la pratique. Cela s'explique notamment par le fait que la Tylose MH300P est un tensio-actif. Elle diminue la tension superficielle de l'eau, qui est son solvant. La colle ainsi faite a donc un pouvoir mouillant plus important que la colle d'amidon à 20 %. En outre elle n'apporte pas un renfort suffisant puisque nous observons

27 . Photo d'un échantillon consolidé au papier japonais et à la TyloseMH300P

une perte, faible mais significative, du relief après frottements. Par ailleurs, concernant l'état de surface des échantillons, elle épouse mieux les points que la méthode précédente puisque la colle utilisée est plus souple. Nous pouvons voir sur le profil qui suit que les points sont plus réguliers qu'avec la colle d'amidon. Les clichés confirment cela : il n'y a ni peu de plus visibles. En conclusion le papier japonais collé à la Tylose MH300P n'est pas une bonne solution de consolidation pour du braille puisqu'il ne permet pas une préservation suffisante du relief.

28 . Profil d'un échantillon consolidé au papier japonais et à la Tylose MH300P

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 80

Session 2013


CONCLUSION Il apparaît évident que les conditions d'humidité relative du lieu de conservation de textes en relief ont un effet non négligeable sur la résistance de ce relief aux frottements. Les ouvrages en braille, conservés dans un lieu trop humide ou soumis à une humidité fluctuante, seront moins résistants à la lecture tactile et donc moins pérennes. D'autre part, pour consolider un texte imprimé en braille, la méthode la plus adéquate au vu de cette expérience serait l'utilisation de colle d'amidon et de papier japonais si on veut privilégier le renfort mécanique, ou le Paraloïd B72 si on veut mettre l'accent sur la netteté des points. Remarquons qu'un renfort au papier japonais collé à l'amidon entraîne une augmentation considérable de la masse et du volume du livre, tandis que le Paraloïd conduit à une rigidité peut-être trop importante du papier. Ces deux pistes sont donc à poursuivre mais il apparaît que nous n'avons pas encore trouvé le consolidant optimal pour répondre à tous les problèmes posés : conservation du relief, masse de l'ouvrage, lisibilité des points... Il serait souhaitable de poursuivre ces recherches dans cette voie en testant différentes colles et/ou résines à appliquer directement sur le papier sans utiliser de papier japonais en renfort. Ceci permettrait d'éliminer le problème des plis entre les points, et de limiter l'augmentation de la masse et du volume du livre après restauration. Il faudrait alors tester la quantité de produits à des concentrations différentes. Il serait aussi possible de tester de la Tylose MH300P dans l'eau et l'éthanol, afin de limiter la perte de relief. Nous pourrions réfléchir à cette problématique en amont : pouvons-nous agir dès la fabrication ? Quel papier serait le plus à même de supporter le braille ? Le Scandia 2000 est-il le papier optimal pour une impression en relief ? Il est possible que ce ne soit pas le cas. Toutefois il faudrait, pour pouvoir comparer les papiers utilisés, parvenir à travailler avec des professionnels qui pourraient fournir des donnés plus précises.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 81

Session 2013


Eugénie FALISE

Ecole de Condé 82

Session 2013


Chapitre 3

Restauration

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 83

Session 2013


INTRODUCTION Eléments d'arithmétique est un livre à l'usage des non-voyants, imprimé en linéaire, avant que ne soit généralisé le braille. Les lettres sont en relief pour que le texte puisse être lu de façon tactile. C'est un ouvrage de mathématiques crééeà des fins d'enseignement. Si la valeur de l'objet lors de sa création est une valeur purement d'usage 106, nous nous intéressons aujourd'hui à sa valeur historique. En effet, le livre a été créée par des aveugles pour des aveugles, il est aujourd'hui destiné à être exposé, pour un public voyant. Nous avons donc gardé à l'esprit lors de cette restauration que ce livre est un témoin d'une époque passée et d'un mode d'enseignement méconnu. Il est à la fois un outil pédagogique et une œuvre destinée à être exposée. Ainsi que nous l'avons dit dans l'avantpropos, le principe observé lors de cette restauration est de rendre l'objet lisible afin qu'il remplisse son rôle de témoin d'un passé, tout en conservant sa caractéristique première qui est le texte en papier gaufré.

I. DESCRIPTION DES MATÉRIAUX

I. 1 – Le corps d'ouvrage A – Organisation du corps d'ouvrage Eléments d'arithmétique est composé de 120 pages, séparées en 30 feuillets. Chaque page est lisible en recto-verso. Pour rendre cela possible les pages gaufrées sont collées dos-àdos. Une feuille est donc composée de deux pages collées l'une contre l'autre. Les points de colle sont situés dans les angles coté reliure et sur les bords inférieurs des pages.

Riegl Aloïs. Le culte moderne des monuments. Paris : Editions du Seuil, 1984. 122 p. Il distingue pour un monument historique ou un objet d'art sa valeur « d'usage », « historique » ou « esthétique ». Ces dernières catégories peuvent varier selon les étapes de la vie de l'objet. 106

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 84

Session 2013


Tous les trois feuillets s'intercale un onglet volumineux qui empêche l'écrasement des lettres par le poids du livre. Cet onglet est fait avec du papier gaufré également. Nous pouvons supposer qu'il s'agit de feuilles avec des erreurs d'impression, ou des défauts, qui auraient été réutilisées. Ce papier est ainsi roulé sur lui-même pour créer un espace et éviter que les premières pages n'écrasent celles d'en dessous.

1 . Onglet « de compensation » pour éviter l'écrasement des lettres

B – Le papier

Analyse des fibres Nous avons observé les fibres au microscope puis effectué le test de Lofton-Merritt 107. Pour observer correctement les fibres, un échantillon prélevé bout dans une solution de carbonate de Sodium à 5 % pour éliminer les charges et l'encollage. Il est rincé, reçoit une goutte d'acide acétique pour aider le défibrage, puis rincé de nouveau et seulement alors défibré. De cette manière l'échantillon est plus facile à identifier car il n'y a pas d'éléments parasites, et les fibres sont mieux séparées. Il semblerait que la pâte soit mixte. En effet nous retrouvons en proportions relativement équilibrées des fibres de coton et de lin.

107

C'est un indicateur coloré qui permet d'identifier les pâtes de papier. Il donne une indication mais n'est pas suffisant pour tirer aucune conclusion.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 85

Session 2013


Le coton s'identifie facilement car ce sont des fibres torsadées caractéristiques. En ce qui concerne le lin, nous pouvons observer des coudes, assez typiques également, qui forment des sortes d'articulations. Ces observations sont compatibles avec l'époque de fabrication de livre : 1840. D'autre part, le test de Lofton-Merritt ne colore pas les fibres, ceci est l'indicateur d'une pâte chiffon. Compte tenu des fibres identifiées, le résultat obtenu est parfaitement cohérent. Les pâtes chiffon à base de lin et de coton sont d'un usage généralisé en France jusqu'en 1860.

2 . Photo de fibre de papier d'œuvre au microscope (x 400)

Par ailleurs, le papier est un vélin108, inventé par John Baskerville, et probablement James Whatman, en 1757. Il se généralise en France à partir de la fin du XVIII è siècle, début XIXè et correspond à la date de parution d'Eléments d'arithmétique. Epaisseur du papier L'épaisseur des différents constituants a été mesurée au micromètre, de précision à 0,10 mm. Le papier est épais de 0,40 mm dans les zones lisses. La particularité de cet ouvrage 108

Selon le Larousse le papier vélun est un papier de luxe fabriqué autrefois pour imiter la blancheur et l'uni vu vélin ; aujourd'hui c'est un papier ne présentant pas de vergeur.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 86

Session 2013


est que le papier est gaufré. Nous avons donc mesuré l'épaisseur des lettres. Pour le corps de texte, les mesures sont de 1,80 mm et 2 mm sur le titre. Le gaufrage des lettres plus grandes est un peu plus important, ce qui explique pourquoi ce sont les zones de titres où les lettres sont les plus fragiles. Capacité d'absorption Le papier est peu absorbant. Quand nous faisons le test avec une goutte d'eau déminéralisée, la tension superficielle est forte et la goutte ne pénètre pas le papier. Il se peut que le papier soit poreux mais que l'encollage soit suffisant pour limiter l'absorption de l'eau. Il se peut également que la pression du papier ait une conséquence sur les capacités d'absorption de celui-ci. En effet, après comparaison d'échantillons issus d'une même feuille Canson® 180g/m2, dont une partie a été pressée et l'autre non, il apparaît que les échantillons pressés sont moins absorbants que les échantillons non pressés. Le tissu fibreux est plus dense et l'eau pénètre moins facilement. La pénétration dans le papier a été mesurée à différents endroits : sur du papier plat, sur des lettres et sur du papier mou au milieu de la gouttière. En effet, selon Paper Conservation Catalog (PCC) publié par l'AIC 109 Book and Paper Group, dans leur numéro de 1990 (PCC n°7), Parfois les zones gaufrées et non gaufrées d'une même feuille auront des réactions très différentes à l'humidité. Nous nous intéressons donc à la différence de porosité entre les zones lettrées et non lettrées. Le résultat des mesures110 sont les suivants :  Les zones où l'eau pénètre le plus rapidement sont les crêtes et les creux. Les gouttes sur les lettres ont pénétré le papier en 4 minutes, alors que sur le papier plat elles ont nécessité plus de 5 minutes.  Sur les zones de papier mou, l'eau pénètre en environ 3 voire 4 minutes. Remarquons que, même si le papier semble très affaibli, il n'en absorbe pas beaucoup plus l'eau. Déduisons-en d'ores et déjà que les parties lettrées réagiront, comme on pouvait s'y attendre, de façon plus sensible à l'humidité. Les traitements aqueux seront donc d'autant plus à éviter dans ces zones là.

109 110

American Institute for Conservation of Historic and Artistic Works. Chaque mesure est répétée trois fois.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 87

Session 2013


Encollage du papier Il est supposé que le papier est encollé pour diverses raisons. D'une part, il est peu absorbant. Mais ceci n'est pas une explication suffisante car il est probable qu'avoir été soumis à une forte pression ait modifié les capacités d'absorption du papier. D'autre part, il y a des tampons sur les pages de garde. Sans encollage, l'encre aurait fusé. Enfin, il est probable qu'un papier non encollé n'aurait pas pu garder un gaufrage d'aussi bonne qualité et aussi résistant au toucher. En revanche, tous les tests effectués à ce jour ont été négatifs 111. Ils n'ont révélé de trace ni d'amidon, ni de colophane, ni de colle protéinique. Ceci ne signifie pas forcément qu'il n'y a pas d'encollage. Il se peut que l'encollage soit en trop faible quantité pour que le produit réagisse, ou que des éléments parasites aient perturbé la réaction, bien que les tests aient été répétés trois fois. Il se peut enfin que l'Institut des Jeunes Aveugles ait utilisé une autre forme d'encollage. Pour tenter de répondre à cette question nous avons cherché l'information dans divers ouvrages, notamment celui du docteur Guillié, directeur de l'Institut Royal des Jeunes Aveugles entre 1816 et 1821, dont voici un extrait : Pour éviter les déchirements, on emploie le papier le plus fort et le mieux collé ; c'est ordinairement le grand-raisin qu'on préfère à tout autre. […] On se sert de grand-raisin double bien collé ou d'un carré de grande dimensions appelé Carré des Vosges, qui est beaucoup moins cher112 . Cette remarque est faite en opposition aux papiers de pâte mécanique qui arrivent sur le marché à cette époque et sont considérés comme trop fragiles par M. Guillié. Il dit préférer les papiers faits selon les anciennes méthodes113. Ces dernières recherches poussent à penser que le papier utilisé est du papier de fabrication traditionnelle, c'est-à-dire avec un encollage à la gélatine. Encore une fois, cela reste une supposition.

111

112 113

Les tests ayant été réalisés sont le test de Biuret et celui à la ninhydrine qui réagissent en présence de colle protéinique. La présence d'amidon a été testée avec le test au lugol, et l'alun avec le test à l'aluminon. Pour vérifier la présence ou non de colophane, nous avons également fait les tests Raspail I et II, mais ils sont eux aussi négatifs. Ceci n'est pas étonnant compte tenu de la date du livre, l'encollage à la colophane ne se généralise que vers 1860 en France. Nous avons suivi les protocoles tirés de Paper Conservator Catalog AIC, n°7, 1990, chapitre « Spot tests ». Guillié. Essai sur l'instruction des aveugles. Paris : imprimé par les aveugles, 1820, p.160. Idem, p160.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 88

Session 2013


Acidité du papier Le papier est acide, avec un pH 114 de 4,53 a une température de 24,6 °C. Nous remarquons également que le papier, au niveau de la gouttière, là où il est très affaibli, a un pH moyen de 4,35. L'acidité est donc légèrement plus importante à cet endroit. Toutefois l'écart n'est pas significatif, compte tenu de l'acidité générale de l'ouvrage. Selon les archives de France un papier est acide si son pH est inférieur à 6 115. Globalement le papier utilisé reste de bonne qualité.

I. 2 – La reliure A – La couture Il s'agit d'une couture sur ruban, elle semble être à chevrons. Nous ne pouvons pas encore l'affirmer à ce stade car elle est difficile d'accès. En outre, comme la couture se tient bien, il n'est pas envisagé de la démonter et nous ne pouvons qu'émettre cette hypothèse.

3b . Espacement des nerfs

3a . Shéma d'une couture à chevrons

Les fonds de cahiers sont percés en cinq points. Les rubans passent dans le plat en carton et ressortent en trois point : nous faisons ressortir le ruban pour le rentrer encore une fois et le faire sortir à nouveau. Ceci permet une plus grande solidité.

114 115

pH moyen obtenu sur trois mesures, toutes conditions égales, avec un pH-mètre à électrode à tête plate. Archives de France. Note d'information DGP/SIAF/2011/022.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 89

Session 2013


Sur le schéma ci-dessous, le ruban est représenté par la flèche beige.

4 . Ralliement des rubans aux plats (échelle environ 1/3)

B – La couverture Les plats sont en carton gris. L'épaisseur, mesurée au micromètre également, est de 3,30 mm. Il est recouvert à l'extérieur de papier bleu foncé, et à l'intérieur de papier occidental vergé. Il y a de la cire rouge sur les gardes, en trois endroits. Le carton gris est à priori acide. Une mesure du pH a montré que ce carton-ci l'était peu, avec un pH de

5 . Cire sur les plats

6,32116. Le dos est en parchemin, monté sur carte grise. Il est également recouvert de papier bleu. Ce papier est collé en plusieurs morceaux : un pour le dos, deux pour les plats, et quelques morceaux de renfort. Le parchemin est assez fin. En revanche, compte tenu de son emplacement, il est difficile d'accès et nous n'envisageons toujours pas de démonter le livre 116

Mesure répétée trois fois..

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 90

Session 2013


pour des raisons de sauvegarde de l'objet. Par conséquent nous ne pouvons pas déterminer de quelle peau il s'agit exactement.

Couture Plats et dos en carton Charnière en parchemin Papier occidental Papier bleu

6 . Schéma de montage d'Eléments d'arithmétique (schéma non à l'échelle)

Ajoutons qu'après comparaison avec les autres ouvrages en linéaire dont dispose le musée Valentin Haüy et notamment ceux contemporains à celui-ci, le montage ci-dessus décrit est d'origine.

C – Solubilité des encres Les encres sur le papier bleu de couvrure ont été testées, ainsi que les tampons et les étiquettes. Les tampons sont présents sur la page de garde. L'étiquette d'inventaire moderne est collée sur le plat inférieur, celle manuscrite est collée dans le bas du dos. Nous avons testé les deux solvants que se trouvent le plus souvent dans les porduits utilisés en arts graphiques : l'eau et l'éthanol. Cela permet ensuite de savoir quels produits peuvent être en contact avec les encres ou non.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 91

Session 2013


7 a . Tampon de la bibliotèque

7 b . Etiquette manuscrite au dos

7 c . Etiquette imprimée sur le plat inférieur

Les résultats sont regroupés dans le tableau suivant : Tampon Bleu

Tampon Violet

Etiquette sur le plat (encre d'imprimerie noire)

Sensibilité à l'eau

-

+

-

-

+

Sensibilité à l'éthanol

++

++

+

-

-

++ : Très sensible

+ : Sensible

Etiquette sur Etiquette sur le le dos (encre dos (encre d'imprimerie manuscrite bleue) noire)

- : Négatif

8 . Tableau récapitulatif des tests de sensibilité des encres

Nous avons testé la solubilité des tampons à l'éthanol. Or il s'avère que les tampons sont souvent très sensibles à l'alcool, ce que nous avons découvert à cette occasion. La goutte a donc fusé dans le papier en dissolvant l'encre bleue du tampon. En résulte une auréole bleutée. Pour atténuer cette tache, nous avons essayé d'enlever l'encre qui a fusé à l'aide d'un écouvillon trempé dans l'éthanol mais très peu imbibé. Nous avons travaillé par très petites touches sur buvard et avec un autre buvard que l'on presse juste après avoir passé le cotontige. Cette méthode est d'abord testée sur une feuille de papier machine sur laquelle avait été pressé le tampon-dateur de l'Ecole de Condé, de couleur bleue également. Nous y avons posé

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 92

Session 2013


une goutte d'éthanol qui a fait fuser l'encre. Cela a séché puis nous avons retravaillé la tache comme indiqué ci-dessus. Ce n'est qu'après s'être assuré que cette méthode était efficace et contrôlable qu'elle a été appliquée sur l'œuvre. L'auréole ainsi créée par accident a quasiment disparu. En ce qui concerne le papier bleu, les tests se font sur le plat et à l'intérieur du livre. Le papier bleu est sensible à l'eau : si nous posons une goutte dessus et que nous pressons un buvard ensuite, en résulte une légère trace bleutée. Si nous frottons, une coloration bleue est évidemment visible sur l’écouvillon. Il n'est pas sensible à l'alcool, même en roulant l'écouvillon sur le papier. Nous avons également obtenu de bons résultats, c'est-à-dire sans coloration du buvard, avec un mélange eau et éthanol en proportions égales.

9 . Le papier de couvrure est sensible à l'eau

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 93

Session 2013


II. RAPPEL SUR LA TECHNIQUE D'IMPRESSION Le papier est imprimé selon la méthode de Valentin Haüy. C'est-à-dire sans encre, avec des lettres en métal qui gaufrent le papier. Les matrices des lettres sont semblables à celles pour l'impression « en noir » à l'exception de leur taille : plus grande et adaptée à une prise en main par des personnes mal-voyantes. L'impression se fait en inversion symétrique pour permettre 10 . Lettres imprimées en relief selon le procédé de Valentin Haüy

la lecture des lettres après retournement de la feuille.

Le papier est humidifié et pressé contre un feutre, les lettres s'enfoncent dans le papier et le marquent. Lorsque la feuille est retournée, elle ressort en relief. Cela implique que les feuilles ne soient imprimées que sur une face. Afin de gagner de la place, les feuilles sont collées dos-à-dos pour obtenir un recto-verso.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 94

Session 2013


III. CONSTAT DES DÉGRADATIONS ET DIAGNOSTIC ASSOCIÉ

III. 1 – Le corps d'ouvrage Le premier élément de dégradation est la poussière. L'ouvrage est très encrassé, surtout en périphérie et dans les fonds de cahiers, il a une forte odeur de renfermé. De façon générale il y a des foxings117 sur toutes les pages.

11 . Titre arraché

D'autre part il y a une auréole brune sur les pages 47, 85 à 88 et 97 à 100. Elle part du bord de la page et se propage vers le centre. Nous pouvons observer ensuite beaucoup de dégradations mécaniques. Il y a de multiples lacunes et déchirures sur l'ensemble des pages et surtout sur la gouttière. A cet endroit là le papier est mou. Les déchirures sont nombreuses et localisées. L'une d'entre elles ressort. Il s'agit d'une lacune coupée à la lame, qui couvre la la numérotation de la page n°1. Tous les angles de

12 . Lacune de la page 1

pages sont biseautés. En outre, les lettres ont tendance à se détacher. Nous pouvons voir sur l'ensemble de l'ouvrage de fines déchirures sur le pourtour des lettres. La première de couverture est totalement lacunaire, tout le titre a disparu. Le numéro d'inventaire en braille, lui, a perduré. Sur la page suivante, il manque déjà le « 1 » et le « 8 » à la date et les lettres du titre sont fragilisées par ces déchirures et on constate même un début d'arrachement à la base des lettres. 117

Selon l'Institut de Conservation Canadien les foxings sont des reddish brown spots on the surface of the paper c'est-à-dire des tâches brunes à rouge sur la surface du papier. On parle aussi parfois de « piqûres ».

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 95

Session 2013


Des taches de moisissure sont visibles sur le bord des pages les plus longues, celles qui dépassent, sur la tranche. Ces taches sont localisées, elles se trouvent aux abords de la zone où le papier est mou et fragile. Elles ne se sont pas étendues vers le centre. Une analyse conduite par Michaela Berner, docteur en biologie et spécialisée dans la conservation du patrimoine, a confirmé l'inactivité de ces moisissures. Le rapport de cette analyse se trouve en annexe, page 149.

13 . Début d'arrachement des lettres du titre

Enfin les pages qui sont collées dos-à-dos pour permettre un recto-verso, se désolidarisent au niveau des points de colle dans les coins.

14 . Affaiblissement mécanique du papier sur la gouttière

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 96

Session 2013


Diagnostic

La saleté est due avant tout aux conditions de conservation : le livre est

conditionné sans boîte dans un placard. Par ailleurs, la nature même de l'ouvrage le rend prompt à retenir cette poussière, surtout dans le creux des lettres et les fonds de cahiers où il y a des onglets. 

En ce qui concerne les foxings, la théorie la plus répandue118 est que ces taches

sont des particules métalliques sur lesquelles se sont développés des micro-organismes. Ce peut être des ions Fe3+ qui catalysent une altération locale de la cellulose ; une autre hypothèse est liée à la présence de micro-organismes. Selon Andrea Giovannini 119 il est très probable que le foxing soit engendré par une combinaison de facteurs défavorables. La présence de particules métalliques peut s'expliquer facilement par l'impression. La thèse de la présence de micro-organismes est appuyée par l'odeur assez forte qui ressort quand on ouvre le livre. Cela dit, cette odeur peut aussi venir de la poussière qui est présente en grande quantité, ou encore de traitements dans le papier lors de sa fabrication. 

L'auréole brune ressemble fortement

à une tache d'urine. Un observation sous lumière ultra-violette le confirme : on retrouve la couleur jaune vif caractéristique de l'urine sous UV.

15 . Observation d'urine sous lumière ultra violette.

118

119

Selon le Journal Officiel n° 0241 du 16 Octobre 2011, page 17524, texte 28, sur le vocabulaire de la culture et de la communication, le terme « foxing » est l'équivalent étranger du terme « rousseurs ». Il est définit comme « taches brun orangé altérant certains supports tels que le papier, le carton ou le cuir. » Il est ajouté en note qu'elles sont « dues à la présence, dans le support, de particule métalliques oxydées ou de microorganismes. » On remarque donc l'imprécision qui règne quant à la définition et l'origine de ces taches. Giovannini Andrea. De Tutela Librorum. Genève : IES Editions, 2004, p. 160.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 97

Session 2013


La lacune de la page n° 1, réalisée avec une lame coupante, peut être une trace

historique : il pourrait s'agir d'une erreur lors de l'impression. Le maître d'ouvrage, plutôt que de réimprimer la page, aurait ôté l'information pour ne pas induire le lecteur en erreur. Il peut tout autant s'agir d'un acte postérieur à l'impression du livre. La page aurait alors été coupée par vandalisme ou pour prélever un échantillon de l'écriture linéaire en vue d'une démonstration. En en discutant avec la conservatrice c'est cette thèse qui est la plus probable. 

En ce qui concerne l'affaiblissement mécanique du papier sur la tranche, il peut

être la conséquence d'une hydrolyse du papier, de micro-organismes ou encore d'un rongeur qui aurait mangé le papier. Il n'y a pas de trace de dents, nous privilégions donc la thèse des micro-organismes. Ceci est d'autant plus probable que le papier est mou et ne présente pas de coloration. Encore une fois, celle-ci est difficile à voir à cause de la poussière, mais le papier ne semble pas plus coloré dans cette zone. En revanche il est acide. Ceci peut s'expliquer également par le contact qu'il a eu avec les plaques métalliques en milieu humide lors de l'impression. Les taches de moisissure observées vont également dans le sens de la thèse des microorganismes. Enfin le détachement des lettres peut être la conséquence d'un défaut de fabrication. Si la pression a été trop forte ou le papier trop peu humide lors du pressage, il peut se déchirer dans le creux des lettres. Cela expliquerait l'aspect généralisé du phénomène. Les lettres du titre étant plus grosses, elle seraient plus fragiles. Or ce sont celles-là mêmes qui se détachent en premier. D'autres exemplaires imprimés avec la même méthode en souffrent aussi. Ce détachement des lettres peut donc également être une conséquence directe du procédé d'impression.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 98

Session 2013


III. 2 – La reliure A – La couture Le ruban est en bon état. Globalement la reliure est encore résistante. Elle est assez lâche et n'induit pas de tension.

B – La couverture Le carton est peu acide. Les plats sont peu déformés mais le dos l'est davantage. Le carton du dos est d'ailleurs nettement plus fin que celui des plats. Si le carton est encore en relativement bon état, les coins sont émoussés et les bords se délitent légèrement. Les morceaux de papiers de récupération qui ont servi à le fabriquer sont encore visibles. Le papier bleu qui le couvre est comme « rapiécé » de toutes parts. Il est en grande partie lacunaire et déchiré et le papier occidental qui constitue la garde est quasiment absent.

C – La charnière en parchemin Le parchemin est très encrassé et cassant. Il ne semble pas gélatinisé, mais rien ne peut être affirmé car il est en grande partie recouvert par le papier bleu. Ce dernier étant d'origine, il ne sera pas enlevé. Le parchemin est déchiré sur presque toute la longueur de chaque mors. Les déchirures partent du bord, comme le montre la figure 16.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 99

Session 2013


DOS

16 a . Schéma des dégradations des plats à l'extérieur, échelle environ 1/7

16 b . Schéma des dégradations des plats à l'intérieur, échelle environ 1/7

Légende : Déchirures Cire rouge Ruban de couture Papier bleu Papier occidental Carton

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 100

Session 2013


17 . Coiffe déformée

Diagnostic  La déformation du dos doit être liée à l'utilisation du livre. Il a probablement été souvent pris par la coiffe supérieure et cela a conduit à la déformation de cette dernière. Elle est d'autant plus fragile qu'elle est en parchemin, doublée sur de la carte ou un carton fin. Elle est donc peu résistante à un effort mécanique répété. Le parchemin était cassant, cela peut s'expliquer par la colle qui a servi pour le doubler de papier bleu. Cette colle est probablement d'origine protéinique, bien que les spots tests réalisés ne permettent pas de l'affirmer. Au contact de l'air elle s'est oxydée et a rigidifié la peau, qui se serait donc probablement fendue, à force d'ouvrir et fermer le livre.  Les altérations du carton sont sûrement aussi dus à la manipulation Il ne faut pas oublier que ce livre était conçu pour être un outil pédagogique destiné à des non-voyants. Il a donc été beaucoup manipulé.  Pour ce qui est du papier de garde et de couverture, il semble avoir été déchiré volontairement. Les dégradations sont nombreuses mais essentiellement d'ordre mécanique. Les matériaux semblent stable chimiquement. Toutefois l'aspect gaufré du papier qui confère au livre toute son originalité et sa valeur, sera la principale difficulté de cette restauration. Ce sera l'objet des principales recherches qui vont suivre. Eugénie FALISE

Ecole de Condé 101

Session 2013


IV. PROPOSITION DE TRAITEMENTS : LE CORPS D'OUVRAGE IV. 1 – Le dépoussiérage La couche de poussière est conséquente, mais elle n'est pas incrustée. La majeure partie devrait pouvoir être enlevée au pinceau doux. Il faudra être vigilant à ne pas écraser les reliefs, ni arracher les lettres fragiles, on utilise donc plusieurs pinceaux de poils différents. Pour un dépoussiérage plus subtile il est ensuite possible de travailler avec un petit aspirateur avec filtres Hepa 120, surtout pour les fonds de cahiers. En revanche, il faudra bien prendre soin de retirer au préalable tous les petits morceaux de papiers qui pourraient s'être détachés pour ne pas qu'ils soient aspirés et qu'ils puissent être réintégrés. L'aspirateur permet ainsi d'éviter toute pression, tout en poussant le dépoussiérage à un stage plus avancé.

IV. 2 – Gommage En plus du dépoussiérage, nous pouvons gommer les périphéries à la gomme Wishab blanche, voire si nécessaire à la gomme plastic. La gomme Wishab permet de désincruster la poussière sans abraser et s'use moins vite que la gomme latex de type « Smoke Sponge ». Or la surface à gommer est importante. La gomme Wishab blanche est préférée à la gomme Wishab orange : selon plusieurs fournisseurs121, la gomme Wishab blanche est en effet conçue pour la conservation et le nettoyage des supports papiers spécifiquement alors que la jaune sert pour tous les supports. Lors du gommage, un feutre est placé sous la page sur laquelle on travaille, pour limiter la pression sur les reliefs sous-jacents. Une carte est posée sur ce feutre pour garder un support rigide.

Modèle MUNTZ 555 HEPA Atlantis, référence WISH0000AD – Stouls, référence WISHW – Schmedt, référence 45001001 – Compagnie Art Museum, référence : 78002 120 121

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 102

Session 2013


IV. 3 – Analyse des taches de moisissure Il est nécessaire de s'assurer que les moisissures visibles sur la tranche ne sont plus actives, pour cela nous avons fait appel, comme il a déjà été évoqué, à Michaela Berner. Pour des raisons budgétaires et parce que cela a été possible, les prélèvements ont été faits à l'école et c'est nous qui nous en sommes chargés. Mme Berner a fourni un protocole précis qui a été scrupuleusement

respecté et les

échantillons lui ont été rapidement envoyés. Il

y

a

quatre

types

de

prélèvements : un prélèvement à sec fait avec un écouvillon et conservé dans un tube vide (bouchon

rouge),

identique

conservé

un dans

autre un

milieu de culture (bouchon bleu), un prélèvement de surface fait à l'aide d'un ruban adhésif et fixé contre une lame de verre. Un micro-prélèvement a enfin été effectué à l'aide d'une pointe pour une analyse en profondeur.

18 . Prélèvements en vue d'une analyse des taches de moisissures présentes sur la tranche

IV. 4 – Traitement des auréoles d'urine Le traitement de ces auréoles se fait de la même manière qu'une auréole d'eau, et ne nécessite pas de produit particulier. L'idéal pour les atténuer ou les enlever reste le bain mais cela nécessiterait un démontage du livre ce qui a été exclu. En effet, en concertation avec la conservatrice du musée, le choix a été fait de ne pas démonter le livre car la couture est originale et maintient encore tout le corps d'ouvrage correctement.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 103

Session 2013


Le non-démontage élimine également l'utilisation de la table aspirante disponible à l'école, qui n'est pas utilisable pour un livre. Il existe des plaques aspirantes, systèmes adaptés au livre, mais nous ne disposons pas d'un tel matériel. Nous pouvons cependant travailler avec des gels ou des cataplasmes d'argiles et des buvards. Il est également possible d'utiliser une argile synthétique de type Laponite. Elle a, comme toutes les argiles, un pouvoir de rétention et d'absorption. Ce n'est pas le cas des gels, de méthylhydroxyéthylcellulose 122 (Tylose MH300P) par exemple. D'autre part, elle a la propriété de pouvoir être utilisée dans d'autres solvants que l'eau. Elle est à utiliser sur un nontissé pour limiter les dépôts sur le papier.

IV. 5 – Désacidification Compte tenu du pH global du livre, une désacidification est à prévoir. Selon les normes de la BNF123, elle ne s'envisage que pour un pH inférieur à 5,8. Or le pH du corps d'ouvrage se situe autour de 4.

A – Le choix des produits Ainsi que nous l'avons dit précédement et afin de conserver le relief des lettres, le livre, le traitement par bain est proscrit. Des méthodes moins invasives, comme la vaporisation, sont privilégiées. Selon Wendy Bennett, dans A Paper Conservator's Evaluation of the Bookkeeper Deacidification Process124, le procédé Bookkeeper®125 permet une désacidification efficace, tout en étant sûre pour les livres. Il existe en aérosols de 150 ml, qui couvrent une surface de 2m2. Or la surface à vaporiser est d'environ 8 m2. Le procédé CSC Booksaver®126 présente également de bonnes qualités désacidifiantes et ne semble pas néfaste au papier. Il est moins onéreux et propose des aérosols de 400ml. 122 123

124

125

126

Pour plus de fluidité nous utiliserons le nom commercial dans le reste du mémoire. Marie-Dominique Parchas. La désacidification dans les services d'archives, bilan en mars 2011. Journée d'étude Bibliothèque nationale de France, 29 mars 2011,p.10 Wendy Bennett est restauratrice de papier depuis 1985 et a publié plusieurs articles dont A Paper Conservator's Evaluation of the Bookkeeper Deacidification Process, mis en ligne le 4 novembre 2010 sur Search Conservation OnLine document Library. Fournisseur Atlantis, Référence SPRA0150AA : 40 € HT – Fournisseur Gabi Kleindorfer, Référence 42215 : 28 € HT. Fournisseur Atlantis, Référence 517CSC010 : 70€ HT.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 104

Session 2013


Les deux produits disposent d'une réserve alcaline qui leur confère un caractère « permanent ». Rappelons qu'une réserve alcaline127 est, par définition, vouée à être « remplie » et que par conséquent, le caractère permanent d'un procédé reste toujours relatif. Il est important de préciser que la dimension financière est une contrainte réelle puisque les organismes prêteurs ne peuvent souvent pas assurer les frais occasionnés par la restauration des pièces de mémoire. Ces frais sont donc pris en charge par l'élève. Nous choisirons donc le procédé CSC Booksaver® qui sera commandé en groupe directement auprès du fabricant.

B – Mise en œuvre de la désacidification La désacidification se fait par pulvérisation, en posant un buvard derrière la feuille que l'on traite. Normalement, pour un livre, vaporiser sur une seule face suffit, mais compte tenu de l'agencement de ce livre, il faudra vaporiser chaque face. En effet, rappelons que les pages sont en réalité deux feuilles collées dos-à-dos et que le papier est relativement épais. Le séchage se fait à l'air libre. Le processus est le suivant : durant les premières semaines après le traitement les particules d'oxyde de magnésium réagissent avec l'humidité de l'air ambiant, pour former de l'hydroxyde de magnésium, un tampon alcalin non toxique. Ces particules tampon absorbent et neutralisent l'acide présent dans le papier 128.

IV. 6 – Renforts mécaniques A – Les dégradations Elles sont de multiples formes : il y a des lacunes, des déchirures, des lettres en cours de détachement et l'affaiblissement mécanique de la gouttière. Chaque type d'altération sera traité de façon adéquate. Cependant il faut tout d'abord convenir d'un, ou des, adhésif(s) à utiliser.

127

128

« La désacidification de masse, une technique de base pour la préservation des collections patrimoniales de bibliothèques et d'archives ». Journées d'études de la BNF, 29 mars 2011. Tableau comparatif des procédés de désacidification, Nathalie Buisson Laboratoire, DSC. Atlantis-France, référence SPRA0150AA.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 105

Session 2013


B – Quel adhésif ? L'adhésif de renfort doit remplir trois critères : - un séchage rapide pour une adhésion avec un minimum de pression - une faible mouillabilité pour éviter les auréoles et limiter les risques de déformations des reliefs ; - une utilisation compatible avec le traitement d'un livre. Ceci exclut notamment les colles qui s'utilisent à chaud et qu'il faudrait réchauffer régulièrement tout au long de la journée. Le pouvoir collant de l'adhésif n'est pas le critère le plus important, surtout en ce qui concerne les lettres, car le livre n'est plus destiné à être lu avec les doigts mais à être observé. Elles ne seront plus soumises à la pression des doigts qu'induit la lecture tactile.

C – Conclusion sur le choix des adhésifs Pour les déchirures sur le papier plat, les gouttières et le corps d'ouvrage, nous avons opté pour une colle d'amidon de blé. Cette colle incolore a un bon pouvoir collant et les pages peuvent se tourner sans aggraver les altérations. Elle est réversible à l'eau. Comme elle est facile à mettre en œuvre, elle est totalement compatible avec un traitement long comme c'est le cas ici. Pour les lettres qui se déchirent, plusieurs colles sont possibles. On peut envisager l'amidon ainsi que la Tylose MH300P ou l'hydroxypropylcellulose 129 (Klucel G), qui sont incolores, neutres et ont l'avantage d'être plus résistantes aux micro-organismes. Toutefois la Klucel G, en raison de son faible pouvoir collant demande une pression importante. Il faudrait imaginer un système de cales à disposer entre les lettres pour pouvoir appuyer sans écraser le relief. Par ailleurs la Tylose MH300P a un fort pouvoir mouillant qui pourrait diminuer le relief des lettres lors des consolidations. Le risque d'auréoles et de fragilisation des reliefs est plus important. Il peut être évité si on encolle préalablement le papier japonais ; il suffit alors de déterminer la concentration idéale, à l'aide de tests. Une autre alternative est la colle d'esturgeon mais celle-ci a tendance à jaunir et est sensible aux micro-organismes. En revanche elle est souple, réversible à l'eau chaude, et a un 129

Pour plus de fluidité nous utiliserons le nom commercial dans le reste du mémoire.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 106

Session 2013


fort pouvoir collant à faible concentration. D'autre part son séchage rapide permet un faible apport d'eau. Il est possible, quoi qu'il en soit, d'ajouter de l'éthanol ou de l'isopropanol pour accélérer le séchage, si besoin est. Seuls ces tests nous permettront de déterminer laquelle de ces colles est la plus adéquate. Quand cela est possible Nous renforçons le papier par le verso, voire par le recto en appliquant la colle au pinceau. Nous travaillons sur un buvard qui est à la fois un support neutre et évite les auréoles.

D – Le papier de renfort Le renfort des lacunes, par exemple pour les lettres du titre, peut se faire avec du papier japonais fin sur les bords. Ainsi nous évitons que la lacune ne s'agrandisse et nous limitons le risque de déchirures. Pour cela on utilise du papier japonais de 6 g/m 2 ou 9 g/ m2. Nous choisissons des fibres de kozo pour leur résistance. C'est également un papier dont l'aspect se fond bien avec le papier d'oeuvre. En ce qui concerne le renfort des déchirures, il est préférable d'utiliser un papier japonais de densité plus importante, environ 29 g/m 2. Le comblement des lacunes demande un papier encore plus fort, comme du 40 g/m 2, pour être au plus près de l'épaisseur du papier d'origine.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 107

Session 2013


V. PROPOSITION DE TRAITEMENT : LA RELIURE V. 1 – Traitement du dos en parchemin

A – Quelle technique d'humidification ? Pour reformer le dos, il faut humidifier le parchemin pour ensuite le faire sécher sous contrainte et ainsi lui rendre sa planéité. Pour humidifier le parchemin il existe plusieurs solutions 130. L'une d'elles consiste à mettre le parchemin sous Gore-tex® ou Sympatex®. L'inconvénient de cette méthode est que l'apport d'humidité ne peut pas être contrôlé et n'est pas progressif. D'autre part l'apport d'eau risque d'être insuffisant. L'autre solution réside dans l'usage d'une enceinte climatique, ce qui suppose d'humidifier l'ensemble de l'ouvrage. Or le relief des lettres ne supporterait sûrement pas une telle humidification et risquerait de s'affaisser. Il faut donc imaginer un système de protection du corps d'ouvrage avec un polyester pour que le relief ne soit pas affecté. L'humidification directe est à éviter pour plusieurs raisons. D'une part elle se fait, selon Andrea Giovannini, avec un mélange eau/éthanol/isopropanol pour limiter la gélatinisation, mais cela a tendance à assécher le parchemin ; ce qui serait peu souhaitable étant donné que c'est par la même que le livre subit le plus de contraintes dans. D'autre part la couleur bleue du papier qui recouvre le parchemin est sensible à l'eau. La solution la plus adéquate semble être l'enceinte climatique. Le corps d'ouvrage peut être protégé par un tissu non tissé puis emballé dans du cellophane, afin de le protéger de l'humidité.

B – La mise en œuvre de la mise à plat Nous souhaitons une humidification lente du parchemin, qui, rappelons-le, est collé sur de la carte. Pour cela nous plaçons l'ouvrage dans une enceinte d'humidification par ultrasons en protégeant le corps d'ouvrage au préalable selon la méthode décrite dans le paragraphe précédent.

130

Giovannini Andrea. La restauration du parchemin : philosophie et techniques. Disponible sur le site www.andrea-giovannini.ch.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 108

Session 2013


Le papier bleu qui le recouvre est sensible à l'eau mais des tests préalables ont montré que l'humidification par ce moyen ne faisait pas fuser la couleur. Une fois que le parchemin est assoupli, il est maintenu droit entre deux planches ou cartes rigides et laissé à sécher sous contrainte, à l'aide de pinces. Comme la couture est lâche, il est facile de glisser une carte fine, mais rigide, entre le dos et le corps d'ouvrage.

C – Consolidation des déchirures aux mords Nous consolidons les déchirures avec du papier japonais de densité 40 g/m 2. Nous privilégions la colle d'amidon très épaisse, environ 20 %131, pour limiter l'apport d'eau. En effet, une autre possibilité aurait pu être d'utiliser une colle animale de type gélatine ou esturgeon mais elle s'applique à chaud, ce qui augmenterait le risque de gélatinisation du parchemin.

V. 2 – Restauration des plats en carton A – Consolidation des angles Nous nous intéressons à la méthode qu'utilise la Bibliothèque nationale 132, à base de colle de pâte avec du linters de coton, en privilégiant la colle d'amidon de blé car elle est moins sensible aux micro-organismes et plus pure que la colle de pâte. La procédure consiste à accentuer les interstices entre les épaisseurs de carton au niveau des coins émoussés. Ensuite le linters est défibré pour être inséré dans ces espaces. Il est collé, mis à sécher entre des non-tissés, des buvards et des cartons, en maintenant la pression avec des pinces. Un fois secs, les bords sont découpés pour obtenir des angles droits. Il sont ensuite recouverts de papier japonais pour mettre le tout à niveau.

131 132

En masse/volume. C'est à dire 20 g de colle d'amidon sèche dans 100 ml d'eau. Aubry Thierry. La restauration des ais de bois. Fiches techniques de la BnF, 2009, p 10.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 109

Session 2013


B – Comblement des lacunes Les lacunes du papier occidental qui couvre l'intérieur des plats peuvent être comblées avec un papier japonais très dense, par exemple de 40 g/m 2, collé à la colle d'amidon à 20 % m/v. En effet il faut un papier qui soit proche du papier d'oeuvre. L'intérêt est avant tout d'assurer une continuité visuelle et de mettre une surface séparatrice entre le carton gris et le papier de la page de garde. En ce qui concerne la cire rouge, elle tache la page de garde. Il faut donc trouver un produit qui permette de ménager une couche de protection sur la cire, tout en évitant une surbrillance. Ce doit être un produit réversible et inoffensif pour le papier. La cire est sensible à l'alcool, mais pas à l'eau. Nous pouvons donc appliquer une fine couche de Tylose ou de Klucel G dans l'eau. Le problème majeur du papier bleu est qu'il est sensible à l'eau. Il faut donc trouver une colle qui ne crée pas d'auréoles lors de la réintégration. Il est possible de tester la Klucel G dans l'alcool mais son pouvoir collant est faible. Une colle d'amidon assez épaisse sera aussi testée au préalable et sera privilégiée pour son pouvoir collant si les résultats sont concluants. Le papier de comblement doit être assez épais, c'est-à-dire d'une densité d'au moins 40 g/m 2, sans pour autant excéder le grammage du papier d'œuvre, pour limiter les effets de rehaut.

II. 3 – Quelle retouche ? La problématique de retouche est double. Il y a d'une part de grandes lacunes de papier bleu sur le carton et par ailleurs des zones où le papier bleu original est simplement épidermé. Il faut donc combler ces lacunes puis retoucher les zones épidermées pour assurer la continuité de la couleur (cf : Figure n°19) Différentes techniques graphiques seront testées pour ces deux questions.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 110

Session 2013


1 19 . 1) lacunes à combler 2) zone où le papier original est épidermé

2

A – Comblement de lacunes de papier bleu Trois techniques sont testées133 : > L'aquarelle en tube, qui permet d'obtenir des couleurs plus concentrées ; > L'aquarelle en godets combinée à des pigments ; > L'acrylique. L'aquarelle en tube134 et l'acrylique135 permettent toutes deux un résultat satisfaisant en terme de couleur. Les observations faites lors des tests sont regroupées dans un tableau comparatif reporté en annexe, page147.

20 a . Echantillon peint à l'aquarelle, comparé au papier original

133

134 135

20 b . Echantillon peint à l'acrylique, comparé au papier original

Sur un papier kozo de chez Sennelier, de densité 40 g/m 2, comparable au papier qui sera utilisé pour le comblement. Marque Pébéo. Marque Liquitex.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 111

Session 2013


Le papier original est collé sur un carton rugueux et hétérogène. Ce qui confère au papier bleu une surface légèrement brillante mais non lisse. Pour obtenir un effet similaire au papier d'origine, le papier préalablement coloré est collé sur une bande de carton épais et à la surface rugueuse. Le collage se fait à l'amidon. Une fois l'échantillon collé et sec, il est poli au plioir en os pour avoir un aspect brillant et irrégulier.

21 . L'apport d'eau dû à la colle d'amidon crée des auréoles sur le papier peint à l'aquarelle

Le problème de l'aquarelle est que lors du collage l'apport d'eau crée des auréoles et un aspect nuageux. (cf : photo ci-contre) L'acrylique est plus stable, c'est une technique également plus souple que l'aquarelle, qui brille moins lorsqu'on l'a polie. Toutefois la brillance que l'on a réussi à obtenir suffit et est très proche du papier d'origine. L'acrylique semble être la technique la plus adaptée. Elle n'est pas réversible mais la colle utilisée le sera.

B – Retouche avec couche isolante La technique de la couche isolante est utilisée dans le cas des retouches directes. Une couche de colle réversible est appliquée sur les zones à reprendre que l'on peint ensuite. Cela permet d'obtenir une certaine réversibilité, mais l'opération reste plus intrusive qu'une retouche indirecte. Différentes techniques graphiques sont testées sur différentes colles. Ces essais sont réalisés sur un papier Canson bleu-gris qui ressemble au papier bleu épidermé. Dans chaque case il y a trois bandes de couleur. La troisième est appliquée en pointillés alors que les deux premières sont en aplats. En effets, dans la vie professionnelle les retouches sont souvent faites par touches plutôt qu'en aplat. Sont testés à la fois un retrait à la gomme et un retrait à l'eau. Pour cela on utilise un écouvillon trempé dans l'eau. Les résultats sont reportés dans un tableau en annexe, page 148. Eugénie FALISE

Ecole de Condé 112

Session 2013


Il est souhaitable que la retouche sur couche isolante se fonde bien avec le comblement de lacune au papier japonais teinté. Il apparaît que le mélange colle/peinture est moins réversible que de la peinture sur une couche de colle. Cette option est donc à éviter. Selon le tests ci-dessus, la Tylose MH300P à 10 % est la colle qui permet le meilleur résultat. Enfin, la couche isolante est réversible à l'eau. La peinture a pu être enlevée avec un écouvillon et de l'eau. L'humidité réactive le reste de colle que l'on peut ensuite racler avec une spatule. Voici l'aspect de l'acrylique sur une couche épaisse de Tylose MH300P à 10 % dans l'eau.

1

2

22 . 1) Papier japonais peint à l'acrylique et poli 2) Carton recouvert d'une couche isolante de Tylose MH300P puis d'acrylique

Eugénie FALISE

23 . Test de réversibilité de la retouche

Ecole de Condé 113

Session 2013


C – Adéquation des deux techniques et conclusion sur le choix de la retouche

24 . Adéquation des deux techniques juxtaposées, observée à 30 cm de l'échantillon.

Les essais ont permis de déterminer quel protocole convient pour la retouche des plats de couverture. Dans un premier temps les lacunes seront comblées avec un papier japonais 100% Kozo, de densité 40 g/m 2, préalablement peint à l'acrylique. Lorsque la peinture sera sèche, il sera poli au plioir en os pour obtenir un aspect irrégulier et brillant proche du papier original. Ensuite, nous protégerons les zones de papier original épidermées avec une couche isolante de Tylose MH300P à 10 % dans l'eau. En effet c'est la colle qui donne la meilleure réversibilité avec l'acrylique. Cette couche sera recouverte d'acrylique peu diluée.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 114

Session 2013


VI. PROJET DE CONDITIONNEMENT Le conditionnement envisagé pour l'instant est une boîte d'archive. En effet, le livre sera exposé après sa restauration, mais est destiné à retourner dans les réserves du musée. La boîte doit protéger de la poussière et des chocs, tout en étant relativement légère compte tenu du volume du livre. Le modèle qui répondrait le mieux à ces critères est celui qui est utilisé à la Bibliothèque nationale de France, avec un calage en carte neutre qui assure la fonction d'amortissage des chocs. Le carton ondulé est préféré au carton plein, trop rigide et trop lourd. La boîte est facile à manipuler et remplit le cahier des charges. Les photos ci-dessous montrent un modèle de ces boîtes, créé pour un petit livre. Ce sont des maquettes qui m'ont été fournies par la Bibliothèque nationale.

25 . Maquette de la boîte de conditionnement. Echelle non contractuelle

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 115

Session 2013


VI. TRAITEMENTS

VI. 1 – Le gommage et le nettoyage A – Gommage

26 a

26 b 26 a . fond de cahier avant gommage

26 b . fond de cahier après gommage

Pour cette opération le livre est placé sur un papier buvard, support neutre et propre. Il est calé sur des rouleaux de feutre qui jouent le rôle de lutrin et limitent ainsi les tensions infligées à la reliure. Un support de mousse recouvert d'un buvard est glissé sous la page en cours de traitement pour éviter que le relief ne s'écrase lors de l'intervention. Le buvard sert à donner un minimum de rigidité au support. Après chaque page, les résidus de gommage sont enlevés à l'aide d'une brosse souple. Quand tout le livre est nettoyé, les derniers résidus dans les fonds de cahiers et le dos sont enlevés à l'aide d'un aspirateur.

L'opération a été réalisée à la gomme Wishab blanche, sur les bords et entre les lettres. Elle a été passée légèrement sur les reliefs, mais il n'y a pas eu de résultat visible net. En revanche sur les zones planes, le gommage a permis d'enlever une grande partie de la poussière, comme en témoignent les photos avant-après ci-dessus. Le gommage est complété avec la gomme plastic sur les bords et sur les larges parties plates. Avec les coins, la gomme est passée entre les lignes si les zones sont très sales. L'important Eugénie FALISE

Ecole de Condé 116

Session 2013


est de garder un gommage homogène sur l'ensemble de la page car certaines se nettoient mieux que d'autres. Remarquons qu'après le gommage une partie de la saleté reste incrustée et que certaines traces noires persistent. Ces dernières ressemblent à des traces d'encre qui doivent dater de la fabrication du livre. N'oublions pas que l'imprimerie des aveugles produisait aussi des livres dits « en noirs » c'est-à-dire encrés sur les reliefs à l'usage des voyants. Le matériel peut donc avoir gardé des traces de ces passages d'encre qui se faisaient à la poupée, c'est-àdire avec une boule de chiffon. Les imprimeurs étant également aveugles, cela reste plausible. Ceci peut également être une cause de l'acidité du papier car ces traces se trouvent sur tout le corps d'ouvrage. En effet, le musée Valentin Haüy possède des ouvrages similaires dont un exemplaire contient une page « en noir », où l'encre, acide, a fortement attaqué la page précédente.

B – Nettoyage Les traces de saleté incrustée dans le papier se nettoient bien avec un écouvillon imbibé d'une solution de Tylose MH300P très peu concentrée136. Nous utilisons ici les propriétés tensio-actives de ce produit. L'écouvillon est passé en changeant le coton régulièrement. Cela permet finalement d'avoir un nettoyage visible, efficace et homogène.

VI. 2 – Traitement des auréoles Dans un premier temps les auréoles sont allégées avec un cataplasme de Laponite en gel concentré. Un non-tissé de type Reemay® très fin est utilisé afin de limiter la pénétration du produit dans le papier et le gel est appliqué sur la zone tachée. Les bords de la tache sont recouverts avec de l'argile sèche pour éviter les migrations latérales et les auréoles. Nous recouvrons le tout d'un film polyester pour éviter l'évaporation du solvant. Le temps de pause est d'environ 10 minutes. 136

Concentration inférieure à 1 % m/v.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 117

Session 2013


L'argile est devenue jaune. Elle a donc bel et bien solubilisé et retenu une partie de l'urine. En revanche les taches restent visibles. Ces auréoles ont ensiute été retravaillées avec un gel de Tylose MH300P très concentré. Le désavantage de ce gel est qu'il n'a pas de pouvoir de rétention, il solubilise le solvant mais si on le laisse agir trop longtemps , il le fait pénétrer de nouveau dans le papier. Son avantage est qu'il joue un rôle tensioactif et agit comme un produit nettoyant. C'est cette propriété que nous avons d'ailleurs utilisée lors du nettoyage du corps d'ouvrage. On laisse agir quelques minutes puis on rince avec un écouvillon et de l'eau. Les cotons sont jaunes et les taches moins visibles.

27 . Le cataplasme de Laponite mis en place sur la tache d'urine

VI. 3 – Traitement du dos en parchemin A – Humidification L'humidification se fait en chambre avec un humidificateur à ultra-sons, l'humidité étant contrôlée avec une thermo-hygromètre. La température est environ de 25°C et l'humidité relative de 80%. Le corps d'ouvrage est préalablement protégé avec un du non-tissé et du film cellophane, ainsi que les plats dont le papier est sensible à l'eau. Nous avons également glissé un Mélinex® le Eugénie FALISE

Ecole de Condé 118

Session 2013


long de la couture entre le corps d'ouvrage et le dos pour s'assurer que l'humidité ne touche pas les pages. Le livre est ensuite posé sur un buvard et un intissé dans la chambre pendant 4 heures. Afin de s'assurer que la vapeur passe entre le dos et le corps d'ouvrage, une cale de polystyrène, emballée de cellophane d'environ 0,5 x 1,5 x 15 cm est glissé entre les deux. C'est un matériau suffisament souple pour être glissé derrière le dos mais assez rigide pour assurer le calage. Pour finir nous avons dû appliquer la vapeur d'eau localement pour bien ramollir le dos.

B – Séchage en tension Pour le séchage une plaque de polypropylène préalablement déformée est placée entre le dos et le corps d'ouvrage. Elle a été chauffée dans un four à 100 °C et lorsque qu'elle s'est légèrement assouplie elle a séché autours d'une bouteille de verre afin d'être légèrement bombée. A l'extérieur du dos on place un buvard et un intissé. Les plats sont maintenus entre deux cartons rigides, pour les protéger d'une éventuelle déformation due au séchage en tension du dos. Pour bien tendre le tout trois bandes de lin larges sont nécessaires. Elles sont disposées autours du livre et serrées fortement. Elles sont fixées avec des épingles à nourrice (cf : figure 29). La tension est renforcée en maintenant le moule en polypropylène, le buvard, l'intissé et la toile à l'aide de pinces au niveau des coiffes.

28 a 28 . Le livre est placé en chambre humide (a) pour assouplir le dos (b) 28 b

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 119

Session 2013


Le dos sèche en tension deux mois. Désormais le dispositif de séchage reste en place à chaque période de longue absence, comme lors des périodes de stages.

29 b

29 c

29 a

29 . Le séchange en tension (a). La coiffe avant (b) et après humidification (c ).

VI. 4 – Consolidation des mords Les déchirures aux mors nous facilitent l'accès aux plats et au dos. Nous utilisons un papier japonais de forte densité 137 que l'on colle avec une colle d'amidon de blé à 20 % m/v entre les plats de carton et le parchemin, d'un coté, entre le dos de carton fin et le parchemin, de l'autre. Ce papier japonais est pris « en sandwich » entre carton et parchemin et permet de renforcer cette zone qui est la plus fragile du livre. Par mesure de sécurité nous avons collé une double épaisseur de papier japonais. Le séchage se fait grâce à des lés de gaze ou de bandage que nous nouons autour du livre pour maintenir une pression sur le dos. 137

30 . Un mors en cours de séchage

STOULS – réf : J870332 – 80 % chanvre de manille, 60 g/m2

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 120

Session 2013


31 a

31 . Les mords avant (a) et après (b) consolidation

31 b

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 121

Session 2013


VI. 5 – Consolidation des angles Le linters de coton en feuille est délaminé et défibré pour obtenir plusieurs morceaux très fins. Ces morceaux sont mélangés à de la colle d'amidon très diluée pour bien humidifier les fibres. Les épaisseurs de carton sont séparées au scalpel pour pouvoir insérer les morceaux de linters à l'intérieur du carton, sur une profondeur de quelques millimètres. L'opération se fait sur des buvards qui sont souvent changés pour éviter les auréoles. Nous faisons dépasser les greffes de linters de coton de quelques millimètres à un centimètre en dehors du plat pour pouvoir redonner à l'angle une forme régulière. Nous avons choisi de garder l'angle arrondi pour ne pas donner aux plats un aspect trop « neuf ». Par ailleurs le fait que les pages soient toutes biseautées aux angles nous conforte dans cette idée que les angles étaient très probablement arrondis dès le départ. Ces greffes sèchent entre intissés, entre plusieurs épaisseurs de buvards et entre des cartes rigides, lesquelles sont maintenues par des pinces.

32 . Angle consolidé au linters de coton

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 122

Session 2013


IV. 6 – Traitement des plats A – Doublage et réintégration des gardes Au cours du traitement il nous est apparu que les contre-gardes devaient être protégées compte tenu de leur état déjà très dégradé. Par ailleurs le livre ne dispose pas de gardes volantes, et bien que les ouvrages similaires de musées en aient une, il est impossible d'affirmer qu’Éléments d'arithmétique en ait eu. En effet, nous avons observé les collages des gardes sur les autres ouvrages et on ne voit pas de traces de colle ou de déchirement à l’endroit où auraient été fixées les gardes s'il y en avait eu. Le choix a été fait d'ajouter une garde volante grâce au doublage de la contre-garde. Ainsi elles pourront remplir leur rôle protecteur pour le corps d'ouvrage et isoler la cire rouge du papier d'œuvre. Nous n'avons pas intégré d'onglet qui relie le plat au corps d'ouvrage car nous n'avons rien décelé qui indique qu'il y en ait jamais eu. Les ficelles de la reliure sont donc apparentes. Les contre-gardes lacunaires ont été décollées à sec, ou à l'aide de cataplasme de Tylose MH300P lorsque cela était nécessaire. Elles ont ensuite été doublées en tension sur un papier japonais coloré de densité 80 g/m2, teinté et deux fois plus long que le plat de façon à ce qu'il soit plié. En effet, le papier de 40 g/m 2 que nous avions d'abord envisagé s'est avéré trop fin et donc trop transparent par rapport au papier d'œuvre. Enfin la cire rouge a été recouverte d'une fine couche de Tylose MH300P pour l'isoler du papier.

33 b

33 a

33 . Contre-garde doublée en tension (a), puis réintégrée (b)

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 123

Session 2013


B – Retouche des plats Avant de réintégrer la contre-garde nous avons procédé à la retouche des plats. Nous avons utilisé un papier japonais de densité 40 g/m 2 blanc. Le papier est humidifié et recouvert de plusieurs couches de peinture acrylique. La couleur n'est pas complètement uniforme et est calquée sur la couleur de fond du papier original. Il s'agit davantage de rendre la lisibilité à la couverture que de faire une retouche illusionniste. Une fois sec il est collé sur le carton gris à la colle d'amidon épaisse, en débordant d'un ou deux millimètre sur le papier d'œuvre. La réintégration sèche une nuit entre non-tissés, buvards et cartons rigides, le tout maintenu par des pinces. Après un séchage complet on recouvre le papier japonais d'une couche de Tylose MH300P pour lui assurer une brillance semblable à celle du papier d'origine. En effet le polissage prévu initialement au plioir est efficace sur une petite surface mais n'est pas optimal pour une lacune de cette taille. Le dos étant plus sale que le centre de la couverture le bleu n'est pas tout-à-fait adapté. Nous l'avons modulé avec un crayonnage aux crayons aquarellables 138. Nous nous sommes également assurés que la technique de retouche ne colore pas le papier d'œuvre, notamment à l'intérieur du dos. Nous avons comblé de la même manière les manques de papiers sur les mords et les coupes. Sur les mords le comblement de lacune ne recouvre plus que quelques millimètres du papier d'œuvre. La reliure n'étant pas démontée, les pièces de retouche ne sèchent pas à plat. Dans le cas des mords nous avons commencé par combler uniquement la partie manquante mais la pièce ne tenait pas. Il a fallu faire des bandes plus larges, qui recouvrent le papier d'œuvre sur un demi-centimètre.

Là où le papier est épidermé nous nous sommes tenus à ce qui avait été envisagé lors de la proposition de traitement : une couche isolante de Tylose MH300P recouverte ensuite d'acrylique bleue appliquée en points. Le but est d'assurer une continuité visuelle entre le dos et les plats.

138

Gamme Derwent.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 124

Session 2013


34 . Papier épidermé en cours de retouche

AVANT

APRES 35 . Extérieur avant et après retouche

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 125

Session 2013


VI. 5 – Traitement du corps d'ouvrage A – Désacidification Le produit qui a été arrêté est le CSC Booksaver®. Avant le traitement nous avons fait un essai sur la dernière page pour nous assurer que le produit ne cause pas d'auréole. Après avoir agité l'aérosol pour en homogénéiser le contenu nous l'avons pulvérisé avec un angle d'environ 45° et à environ 35 cm de la feuille. Une feuille de papier permanent est placée entre chaque page pour isoler les feuilles traitées lors du séchage, lequel se fait à l'air libre. Ce travail s'est fait en laboratoire, la ventilation à puissance maximale. Il a fallu une bombe et demi, soit 600 ml de produit pour traiter tout l'ouvrage.

36 . Corps d'ouvrage en cours de désacidification au CSC Booksaver®

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 126

Session 2013


B – Les déchirures On consolide les déchirures avec une colle d'amidon à 20 % puisqu'il apparaît qu'à cette concentration elle ne crée pas d'auréoles, et un papier japonais de densité 9 g/m 2. Parfois le papier n'est pas déchiré mais est affaibli, notamment dans les zones moisies. Dans ce cas il est également renforcé avec du papier japonais. Pour limiter l'apport d'humidité, le papier japonais est encollé sur un Melinex® avant d'être posé sur la feuille, où il est ensuite appliqué au pinceau. Nous travaillons par le verso de chaque feuille. Afin d'éviter toute pression trop importante sur les reliefs une plaque de mousse de type polyuréthane peu dense est placée sous chaque feuille en cours de traitement. Un buvard est ensuite posé dessus ainsi qu'un non-tissé. Après la pose du papier japonais un autre non-tissé est placé sur la déchirure, avec un buvard par dessus. Ce « sandwich » est mis sous un poids pendant une vingtaine de minutes pour le séchage. Nous choisissons des poids en sable très peu denses et plutôt légers pour que le sable se répartisse bien et n'écrase pas le relief de la page imprimée. Ce procédé est possible parce que les déchirures sont en bord de pages et que le poids est avant tout concentré sur cette zone, qui est plane. Si les déchirures sont en milieu de pages, elles ne peuvent être comblées que par le recto, ce qui rend l'intervention plus visible. En revanche elle sont moins soumises à la manipulation que les bords de pages. Dans ces cas-là, et puisqu'il ne peut être appliqué de buvard rigide et de poids directement sur les lettres, nous avons choisi d'utiliser un papier japonais 6 g/m2, déjà teinté. Il est toujours préencollé sur un Mélinex® et posé sur le papier d'œuvre au pinceau pour épouser la forme des lettres. C'est cette technique qui est également utilisée pour renforcer les lettres qui sont en cours de détachement. Nous avons utilisé la machine de simulation de frottements mise au point dans le cadre de l'étude technicoscientifique pour valider ce choix et les résultats se sont montrés satisfaisants.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 127

Session 2013


37 . Séchage sur mousse des consolidations de déchirures.

38 a

38 b

38 . La tranche avant (a) et après (b) consolidation des déchirures

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 128

Session 2013


C – Les comblement de lacunes Pour combler les lacunes qui se trouvent essentiellement sur le bord des pages, nous avons utilisé un papier japonais en fibres de kozo de 40 g/m 2, que nous avons collé par le verso et le recto de la page. Le papier original est donc pris en sandwich entre les deux pièces de papier japonais. Cela permet de compenser l'épaisseur importante du papier d'œuvre. Ce papier japonais est déjà teinté.

39 . Les lacunes au bord des pages

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 129

Session 2013


VII. CONDITIONNEMENT La boîte est en carton ondulé gris sur l'extérieur et en carton ondulé plus fin blanc pour le calage. Elle n'est pas beaucoup plus grande qu'une boîte plus classique sans calage et est très légère. On fixe trois des quatre cotés du calage à la boîte pour que le quatrième, celui situé du coté de l'ouverture, reste relativement mobile. Cela permet de pouvoir plus facilement se saisir du livre dans la boîte.

40 . Le calage et la boîte avant collage

41 . Le livre dans son conditionnement final

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 130

Session 2013


CONCLUSION

Eléments d'arithmétique est un témoin d'une technique passée de lecture à destination des non-voyants. Grâce au travail de restauration il a retrouvé sa lisibilité et la méthode d'impression et d'apprentissage dont il témoigne est de nouveau compréhensible. Cependant ce livre reste fragile et ne peut plus être lu avec les doigts. Ce n'est plus sa valeur d'usage qui est prise en compte dorénavant mais sa valeur historique et didactique. Cette restauration a été menée dans le respect de l'œuvre et de son histoire, ainsi que dans un souci d'esthétisme afin qu'elle puisse réintégrer une vitrine dans le musée de l'Association Valentin Haüy. Les principes de restauration – la neutralité, la réversibilité et la lisibilité – ont été appliqués autant qu'il est possible de le faire. L'ouvrage est rangé dans une boîte qui le protégera des chocs et de la poussière. C'est maintenant au musée qu'il revient de continuer à préserver ce témoignage.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 131

Session 2013


Conclusion générale

Ce mémoire dédié à un objet étonnant et rare a été l'occasion d'appréhender un univers méconnu : le monde des non-voyants. Ce fut l'opportunité de mettre en pratique l'apprentissage technique et historique dont nous avons bénéficié au sein de l'Ecole de Condé et lors des stages. En parallèle de nos recherches nous avons découvert un patrimoine hors du commun. Outre les livres, il existe une multitude d'objets insolites qui méritent de l'attention : des globes en relief, des estampes cousues pour rendre les frontières perceptibles, des systèmes de tablettes, de machines à écrire et autant d'objets à la fois ingénieux et beaux, visibles au musée Valentin Haüy ou à la Bibliothèque nationale. Nous avons appris que l'apprentissage de la lecture a été un processus lent qui doit tout au dévouement de plusieurs hommes d'exception : Valentin Haüy, Charles Barbier, Alexandre-René Pignier, Louis Braille. Il est apparu que le braille dont nous tenions pour unique inventeur celui qui porte le même nom est en fait dérivé d'une écriture secrète créée à des fins militaires. En étudiant de plus près le relief des points saillants nous avons pu constater et chiffrer l'importance de conserver ces documents dans des lieux secs et surtout stables. Nous avons également pu mettre en évidence la difficulté de consolider ces points, tout en préservant leur lisibilité, ainsi que donner quelques pistes possibles de restauration. L'aspect tridimensionnel de l'ouvrage a été un élément déterminant dans le choix des traitements et dans la logique d'intervention en général. Tout le travail de restauration s'est construit autour de cela, jusqu'à la boîte de conservation. Le travail d'étude et de restauration de ce livre s'est étendu sur près de deux ans et a permis de le rendre présentable au public, de façon esthétique et didactique. Il contribue ainsi à faire perdurer le témoignage de cette technique étonnante.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 132

Session 2013


42 a 42 . Le corps d'ouvrage avant (a) et après (b) restauration

42 b

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 133

Session 2013


Eugénie FALISE

Ecole de Condé 134

Session 2013


Bibliographie

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 135

Session 2013


I. HISTOIRE DE L'ART Dictionnaires : BEZBAKH, Pierre. Petit Larousse de l'histoire de France. Tours : Larousse, 2003. 890 p. FOUCHE, Pascal, PECHOIN, Daniel, SCHUWER, Philippe. Dictionnaire Encyclopédique du Livre, volume I. Tours : Editions du Cercle de la librairie, 2002. 890 p. FOUCHE, Pascal, PECHOIN, Daniel, SCHUWER, Philippe. Dictionnaire Encyclopédique du Livre, volume II. Tours : Editions du Cercle de la librairie, 2005. 1071 p.

Ouvrage collectif : BLED, Jean-Paul (Dir.). Religion et culture dans les sociétés et les Etats européens de 1800 à 1914. Malesherbes : CNED-SEDES, 2002. 288 p.

Catalogues d'exposition : MERCIER, Alain (Dir.). Les 3 révolutions du livre. Paris : Imprimerie Nationale Editions, 2002. 510 p. ROY, Noëlle. Louis Braille, exposition tactile. Paris : Association Valentin Haüy, 2008. 37p. (A l'occasion de la septième assemblée générale de l'Union Mondiale des Aveugles, Genève, 2008) ROY, Noëlle. Louis Braille, 1809-1852, un génie français. Paris : Association Valentin Haüy, 2009. 32 p.

Mémoires et Thèses : HAUY, Valentin. Essai sur l'éducation des aveugles. Paris : Imprimé par les enfants-aveugles, sous la direction de M. Clousier, imprimeur du Roi, 1786, 161 p. GUILLIÉ, Sébastien, Docteur. Essai sur l'Instruction des aveugles. Paris : imprimé par les aveugles et à leur bénéfice à l'institution, 1817. 224 p. WEYGAND, Zina. De l'expérience de Cheselden (1728) aux expériences du Docteur Guillié sur l'ophtalmie contagieuse (1819-1820). Paris : histoire des sciences médicales, 2000. p295-304. WEYGAND, Zina. Vivre sans voir, les aveugles dans la société française du moyen-age au siècle de Louis Braille. Paris : Graphis, 2003. 373 p.

Ouvrages biographiques: HENRI, Pierre. La vie et l'oeuvre de Valentin Haüy. Paris : Presses Universitaires de France, 1984. 208 p. HENRI, Pierre. La vie et l'oeuvre de Louis Braille. Paris : Presses Universitaires de France, 1952. 128 p.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 136

Session 2013


Sources Web CHALAYE, Marcel. Louis Braille – L'homme, le symbole. Site du Groupement des Intellectuels Aveugles ou Amblyopes. Disponible sur ce lien : http://www.giaa.org/Premier-article,102.html (page visitée le 1/04/2013) Institut National des Jeunes Aveugles. Histoire de l'INJA. Disponible sur ce lien : http://www.inja.fr/ (page visitée le 08/01/2013) La ligue Braille. Information sur la cécité : Louis Braille. Disponible sur ce lien : http://www.braille.be/fr/infos/louis_braille/louis_braille.asp (page visitée le 21/11/12) POULIQUEN, Yves. Louis Braille. Archives de France. Disponible sur ce lien : http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/action-culturelle/celebrations-nationales/2009/sciences-ettechniques/louis-braille (page visitée le 08/01/2013) Société Philanthropique. Histoire de la société philanthropique. Disponible sur ce lien : http://www.philanthropique.asso.fr/Histoire.htm (page visitée le 21/11/12)

II. SCIENCES

Articles Centre Technique du Papier. « Papier communicant, papier intelligent. » Restrospective. Rapport Annuel du CTP, 2009, p.13. HENDRY, Heather. « Yves Gaucher's Homage to Webern N°1 : a multidimentional treatment ». The Book and Paper Group Annual 20(2001). Dallas : AIC, 2001, p. 5 à 7. FLEYGNAC, Olivier, MARTIN, Aurélie, ROUCHON, Véronique. « Le vernissage des globes : le cas du globe manuscrit du musée Buffon (Montbard) ». Support Tracé, n°12. Paris : ARSAG, 2012, p.135 à 142. ROY, Noëlle. « Débraillage ». Le Louis Braille, Paris : Association Valentin Haüy, novembre 2011, 5 p.

Conférence ERHARDT, David, PADFIELD, Tim. « Method for making molds from embossed papier ». 8th IIC-Cg annual conference. June, 20-24, 1982. p. 11 à 12.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 137

Session 2013


Sources Web Centre technique du Papier. Fiche technique du Braille Dot Tester. Disponible sur ce lien : http://www.techpap.com/data/fckeditor/file/Braille%20dot%20counter%20v012_F_M_001.pdf (page visitée le 04/04/13) Guide Pratique d'accessibilité universelle. Ville de Quebec. Disponible sur ce lien : http://www.irdpq.qc.ca/communication/publications/guide_accessibilite/acces_Fiche6.pdf (page visitée le 04/04/13) Institut Canadien de Conservation. Rapport du Symposium 2011. Disponible sur ce lien : http://www.cci-icc.gc.ca/symposium/2011/Poster%20-%20Sirven%20et%20al.%20-%20French.pdf (page visitée le 01/03/12)

III. RESTAURATION

Ouvrages spécialisés : GIOVANNINI, Andrea. De tutela Librorum. Genève : IES Editions, 2004, 607 p. GUILLIÉ, Sébastien, Docteur. Essai sur l'Instruction des aveugles. Paris : imprimé par les aveugles et à leur bénéfice à l'institution, 1817. 224 p. RIEGL, Aloïs. Le culte moderne des monuments. Paris : Editions du Seuil, 1984. 122 p.

Mémoire REMAZEILLES, Elodie. Etoffes de papier, vêtements éphémères : trois robes en papier de Paco Rabanne (Musée de la Mode et du Textile, Les Artes décoratifs, Paris ) : Etude de l'impact de traitements humides sur un papier laminé et gaufré. Saint-Denis INP, département des restaurateurs du patrimoine, 2012, 181p.

Rapport de journées d'études : PARCHAS, Marie-Dominique. La désacidification dans les services d'archives, bilan en mars 2011. Journée d'étude Bibliothèque nationale de France, 29 mars 2011, p.10

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 138

Session 2013


Sources Web : AIC Book and Paper Group. Paper Conservation Catalog n°7, 1990. Disponible sur ce lien : http://cool.conservation-us.org/coolaic/sg/bpg/pcc/ (page visitée le 15/01/13) AUBRY, Thierry. La restauration des ais de bois. Fiches techniques de la BnF, 2009. Disponible sur ce lien : http://www.bnf.fr/documents/ais_bois.pdf (page visitée le 15/01/13) BAEHLER, Ghislaine. Manuel complet de reliure, volume II. Compilé et mis en ligne par René GENEVIEVE le 31 mars 2010. Disponible sur ce lien : http://fr.scribd.com/doc/29584815/Manuel-Complet-de-Reliure-V2 (page visitée le 15/06/13) BENNETT, Wendy. A paper conservator's evaluation of the Bookkeeper deacidification process. 2010. Disponible sur ce lien : http://cool.conservation-us.org/byorg/lc/massdeac/bennett.html (page visitée le 15/01/13) CCI-ICC. How to care for works of arts on paper. 2002. Disponible sur ce lien : http://www.cci-icc.gc.ca/caringfor-prendresoindes/articles/422-eng.aspx (page visitée le 15/06/13) GIOVANNINI, Andrea. Restauration du parchemin : philosophie et techniques. 2008. Disponible sur ce lien : http://www.andrea-giovannini.ch/fileadmin/user_upload/atelier/bibliographie/La%20restauration %20du%20parchemin%20Texte%20%2B%20Images%20XII%202008%20gesperrt.pdf (page visitée le 15/01/13) Journal Officiel n°0241, 16 Octobre 2011, p. 17524, texte 28. Disponible sur ce lien : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=979047355EB2577011763250A53E5C05.tpdjo03v_ 2?cidTexte=JORFTEXT000024668811&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id (page visitée le 15/01/13)

LEMOINE, Hervé. Note d'information DGP/SIAF/2011/022 concernant en 2011 la publication de trois normes sur les conditionnements de cartons d'archives. 2008. Disponible sur ce lien : http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/static/5334 (page visitée le 15/06/13) STOULS. Papiers Japon. Catalogue 2013, chapiitre 6. 2013. Disponible sur ce lien : http://www.stouls.com/pdf/chap6papiers_japon.pdf (page visitée le 15/06/13)

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 139

Session 2013


Eugénie FALISE

Ecole de Condé 140

Session 2013


Table des illustrations

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 141

Session 2013


I. HISTOIRE DE L'ART

Fig. 1

Frise personnelle

Fig. 2

Photo personnelle, Institut National des Jeunes Aveugles.

Fig. 3

François Le Sueur lisant avec les doigts. Gravure. Desormeaux Jean (Dir.). Deuxième conférence internationale sur les aveugles dans l'histoire et l'histoire des aveugles. Paris : Association Valentin Haüy, 1999, p. 98.

Fig. 4

Photo personnelle, Musée Association Valentin Haüy.

Fig. 5

J. B. Métoyen, dessin à la plume.

Fig. 6

Marlé, Eau-forte et aquatinte, Wellcome Libray n° 545557i

Fig. 7

Sébastien Guillié, lithographie de C.Motte d'après S. J. Le Gros, ref. 3852i catalogue Wellcome Library

Fig. 8

Etienne Leroux, bronze, 1887. Ville de Coupvray.

Fig. 9

Gravure sur bois de L. Sabattier, 1897, L'Illustration, disponible sous la référence CISC0137, sur la banque d'image BIU Santé.

Fig. 10

Archives de l'Association Valentin Haüy.

Fig. 11

Archives de l'Association Valentin Haüy.

Fig. 12

Photo personnelle

Fig. 13

Site internet de la Ligue Braille, information sur la cécité : Louis Braille, disponible sur le lien en bibliographie.

Fig. 14

ROY Noëlle. Louis Braille, exposition tactile. Paris : Association Valentin Haüy, 2008. p.18.

Fig. 15

Photo personnelle, Musée Valentin Haüy, documentation disponible dans la salle.

Fig. 16

HENRI Pierre. La vie et l'oeuvre de Louis Braille. Paris : Presses Universitaires de France, 1952. Illustration en fin d'ouvrage.

Fig. 17

Photo personnelle, Musée Valentin Haüy, documentation disponible dans la salle.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 142

Session 2013


Fig. 18

ROY Noëlle. Louis Braille, exposition tactile. Paris : Association Valentin Haüy, 2008. p. 24.

Fig. 19

ROY Noëlle. Louis Braille, exposition tactile. Paris : Association Valentin Haüy, 2008. p. 30.

Fig. 20

Site internet de la Ligue Braille, information sur la cécité : Louis Braille, disponible sur le lien en bibliographie.

II. SCIENCES Fig. 1

Embosseuse Everest D-V4. Disponible sur le site internet du fabricant : http://www.ceciaa.com/index-everest-d-v4-imprimante-braille-c183-110.php

Fig. 2

Presse à platine. Disponible sur ce lien : http://www.flickr.com/photos/mstcweb/3532110472/

Fig. 3 à 8 Photos personnelles Fig. 9

Centre Technique du Papier de Grenoble. Fiche technique du Braille Dot Tester. Disponible sur ce lien : http://www.techpap.com/data/fckeditor/file/Braille%20dot%20counter %20v012_F_M_001.pdf

Fig. 9 à 21 Photos personnelles et tableaux

III. RESTAURATION

Fig. 1 à 42 Photos et schémas personnel(le)s

Fig. 3a

BAEHLER, Ghislaine. Manuel complet de reliure, volume II. Compilé et mis en ligne par René GENEVIEVE le 31 mars 2010. Disponible sur ce lien : http://fr.scribd.com/doc/29584815/Manuel-Complet-de-Reliure-V2 Page 124.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 143

Session 2013


Eugénie FALISE

Ecole de Condé 144

Session 2013


Annexes

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 145

Session 2013


I. TERMINOLOGIE DU LIVRE

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 146

Session 2013


Source des annexes : documentation fournie au CAP de reliure.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 147

Session 2013


II. VALIDATION DU CONTRÔLE DE L'HOMOGÉNÉITÉ DES ÉCHANTILLONS On utilise comme référence la colle d'amidon. Le protocole suivi a ensuite été le même à chaque colle.

Masse de Masse de l'échantillion avant l'échantillion après consolidations (g) consolidations (g)

Δ

0,14

0,18

0,04

0,15

0,19

0,04

0,15

0,19

0,04

0,14

0,18

0,04

0,15

0,19

0,04

0,14

0,18

0,04

0,12

0,17

0,05

0,15

0,19

0,04

0,15

0,19

0,04

0,13

0,18

0,05

Erreur relative* : 6,8%

Erreur relative* : 5,4%

Erreur relative* : 0%

* En ne prenant en compte que 8 mesures sur 10 Il est évident qu'une erreur de 0 % est impossible, elle serait plus précise avec une balance précise au millième de gramme mais nous ne disposons pas d'une balance fiable d'une telle précision. Cela montre malgré tout que la marge d'erreur est faible.

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 148

Session 2013


III. RÉSULTATS DES TESTS DE RETOUCHE

Légende (pour les tableaux ci-après) : Pas de résultat visible Bon

+

Très bon

++

Retrait total + + + (à l'oeil nu)

Facilité d'application Avant collage Uniformité

Après collage à l'amidon

Brillance Adéquation avec le papier original

Aquarelle en tubes

Acrylique

+

+

++

++

Aspect nuageux et auréoles

++

+ + (après avoir été poli)

+

+

++

Tableau comparatif des essais de comblements de lacunes avec du papier teinté à l'acrylique et à l'aquarelle en tubes

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 149

Session 2013


Aquarelle

Acrylique

Sans colle

Tylose MH300P 10%

Klucel G dans l'eau, 10%

Gélatine 10%

Facilité d'application

++

++

-

++

Aspect

Mate, lisse, homogène,

Aspect un peu plus brillant

Traits de pinceau visibles, l'application réactive la colle

Traits de pinceau visibles, l'application réactive la colle

Retrait des aplats

+

+++

+++

+++

Retrait des pointillés

++

+++

+++

+++

+

+

++

Facilité d'application

+

Aspect

Satiné et lisse

Brillant et lisse

Brillant et traits de pinceaux visibles

Brillant et traits de pinceaux moins visibles

Retrait des aplats

--

++

++

+

Retrait des pointillés

--

++

++

++

++

-

+

+

Trits de pinceaux visibles, Brillant

Résultat satisfaisant

Facilité Aquarelle d'application + Pastel

Aspect

Moins homogène que Si l'apport d'eau est l'aquarelle important le résultat mais plus est peu homogène saturé

Retrait des aplats

-

+

+++

+++

Retrait des pointillés

+

++

+++

+++

-

-

+

Aspect

Brillant, varie la couleur, tracé épais

Brillant, varie la couleur, tracé épais

Brillant

Retrait des aplats

+

+

+

Retrait des pointillés

+

++

+

Facilité Acrylique dans colle d'application

Tableau comparatif des différents essais de retouche avec couche isolante

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 150

Session 2013


IV. RAPPORT MICRO-BIOLOGIQUE

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 151

Session 2013


Eugénie FALISE

Ecole de Condé 152

Session 2013


V. PRODUITS UTILISÉS

Papiers Dénomination

Composition

Fournisseur

KIZUKI KOZO CREME (6g)

100% kozo

Stouls

TENGUJO M6 (9g)

100% kozo

Stouls

TAKOGAMI (43g)

100% kozo

Stouls

Papier japonais 80g

Kozo

Sennelier

Colles et résines Dénomination

Composition

Fournisseur

Fiche technique

Amidon

Amidon de blé

Stouls

http://www.stoulsconservation.fr/FR/bouti que.asp? cha_id0=542&cha_id1=5 43

Tylose MH300P

Methylhydroxyethylcellulose

Stouls

http://www.artechavignon.com/tylose-mh300p,fr,4,TYLOS1.cfm

Klucel G

Hydroxypropylcellulose

Stouls

http://www.artechavignon.com/site/medias/ KLUCEL_G.pdf

Paraloïd B 72

Copolymère de méthacrylate d'éthyle et d'acrylate de méthyle

CTS

http://www.artechavignon.com/site/medias/ PARALOID.pdf

Fiche technique

Solvants particuliers Dénomination

Composition

Fournisseur

Eau déminéralisée

Eau déminéralisée

Carrefour

Acétone

Acétone

Mieuxa

www.inrs.fr/accueil/dms/ inrs/FicheToxicologique/ TI-FT-3/ft3.pdf

Ethanol

éthanol

CTS

www.inrs.fr/default/dms/ inrs/FicheToxicologique/ TI-FT-48/ft48.pdf

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 153

-

Session 2013


Fiche technique du Scandia 2000

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 154

Session 2013


Fiche technique du CSC Booksaver®

Eugénie FALISE

Ecole de Condé 155

Session 2013


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.