ECOLES DE CONDE Formation Restaurateur du Patrimoine - Niveau II MEMOIRE DE FIN D’ETUDES Conservation Restauration de Peintures
Objet de l'étude : Restauration d’une peinture de paysage du Musée Faure par imprégnation de cire-résine Sujet technico-scientifique : Etude du mélange cire-résine et recherche d’une alternative à la cire d’abeille
Zoé VANGINDERTAEL Spécialité Peinture de chevalet
Promotion 2013
R ÉSUMÉ INTRODUCTIF GÉNÉRAL
C
e mémoire est le fruit deux années de travail comprenant la réalisation d’un
projet de conservation-restauration d’une œuvre, un sujet technico-scientifique et une étude historique. Ces trois pôles ont comme point commun l’œuvre d’art qui m’a été confiée par le Musée Faure et qui est une peinture sur toile, probablement du XVIIIe siècle, représentant un paysage. Cela constitue l’ensemble du savoir-faire acquis durant cinq années d’études et de stages à l’école de Condé. Le projet de conservation-restauration de la peinture dont on m’a confié la responsabilité a nécessité une longue étude préliminaire pour comprendre la complexité de sa stratigraphie. Celle-ci était instable et provoquait une succession d’altérations (pertes de couche picturale, réactivité du support) ; une série de traitements a donc été effectuée afin de répondre au mieux à cette problématique. La restauration du support a abouti à une stabilisation par imprégnation de cire-résine de l’ensemble de la stratigraphie. La restauration de la couche picturale a permis de retrouver une lisibilité et une compréhension de l’œuvre. L’œuvre a ainsi retrouvé une intégrité matérielle stable et une lisibilité lui permettant de véhiculer l’image dont elle est porteuse. L’étude historique de l’œuvre est bien sûr totalement complémentaire dans le projet de conservation-restauration. D’une part, elle a mis en évidence le contexte de création de l’œuvre en étudiant l’iconographie et la plastique pour comprendre dans quelle tradition picturale elle s’inscrit. La dernière partie concerne l’étude technico-scientifique qui a eu pour sujet le mélange de cire-résine mis-en-œuvre dans le protocole de restauration. Cette étude a été précisément celle du point de fusion et de l’adhésivité d’une série de mélanges dont la composition varie, d’une part, de la nature de la cire et, d’autre part, en fonction des proportions de celle-ci face à la dammar.
2
T
his thesis is the result of two years of work. It contains the realization of a project
concerning a work of art’s “conservation and restoration”. It also contains a technical and scientific subject and a historical study. These three points focus on the artwork. The Faure museum entrusted me with a painting on a canvas representing a landscape. Probably dated from the 18thcentury. The work represents all the skills I acquired during five years of studying and internships at the school of Condé. The project about the artwork’s “conservation and restoration” which I was put in charge of has required a long preliminary study to fully comprehend the complexity of its stratigraphy. Being instable and causing numerous alterations (the loss of paint layer, the reactivity of the support), a series of treatments were applied to it in order to handle those problems in the best possible way. The restoration of the “support” has led to a stabilization of the entire stratigraphy by impregnation of a wax-resin mixture. The restoration of the paint layer has allowed the recovery of the readability and the understanding of the artwork. Thereby, it has regained its material integrity and it is able, once again, to convey the image that it carries. The historical study of the artwork is entirely complementary to the “conservation and restoration” project. It has pointed out the context in which the artwork was created by studying the iconography and the “plastic” to understand from which “pictorial” tradition it is part of. The last part concerns the technical and scientific study that treats the wax-resin mixture applied in the restoration protocol. More precisely, the study deals with the melting point and adhesiveness of a series of mixtures where the compositions vary. At the one hand, it varies by the nature of the wax and on the other hand by the proportions used in the wax-resin mixtures.
3
P AGE DE REMERCIEMENTS
J
e voudrais exprimer mes remerciements les plus sincères envers les professeurs
de l’école de Condé qui nous ont transmis leur savoir et leur passion et qui nous permettent aujourd’hui de nous sentir autonomes dans notre futur métier. Je voudrais tout particulièrement remercier mes professeurs de restauration, M. Nouaille et Mme Szyc, qui ont suivi ce travail de mémoire et qui m’ont fait confiance pour le mener à terme, ainsi que les professeurs Ollier et Pepe pour leur temps et leur aide consacrés à ce travail. À ma famille et à mes amis, enfin, j’exprime toute mon affection pour leur soutien, leur confiance et leur indéfectible positivisme.
4
A VANT - PROPOS
C
e mémoire est le travail final de cinq années d’études au sein de l’école de
Condé en formation de conservation-restauration de peinture de chevalet. Il comprend trois parties : le projet de conservation-restauration de l’œuvre, l’étude scientifique et l’étude historique. La pluridisciplinarité de ce travail répond à un enseignement complet basé sur les connaissances en histoire de l’art, en sciences et, bien sûr, sur la restauration à la fois théorique et pratique. Ce travail vise à démontrer notre aptitude à considérer notre futur métier comme un terrain propice aux recherches scientifiques qui répondent à des remises en questions constantes de nos acquis. Il nous oblige également à développer notre capacité d’adaptation face à des contraintes de matériel et de temps. Il comprend également une mise en valeur de nos compétences en analyses historiques qui replacent l’objet, l’œuvre d’art, dans son contexte de création, dans son histoire et dans son parcours jusqu’à nous. Cet aspect définit entièrement la valeur historique de l’objet dont nous devrons nous occuper en tant que professionnel de la restauration d’œuvre d’art. La réalisation, enfin, d’un projet de conservation-restauration d’une œuvre en particulier qui sera l’axe central autour duquel les différentes parties tourneront, est l’ultime examen de nos compétences pratiques et théoriques de la restauration. Si toutes les opérations ne peuvent être réunies dans un seul projet pour démontrer l’ensemble de nos connaissances, c’est également notre comportement, notre regard, notre compréhension et nos justifications qui témoignent de nos qualités de futur restaurateur.
5
F ICHE D ’ IDENTIFICATION T ITR E
OU D É S IGN A TION D E L ’ ŒU V R E
P H OTOGR A P H IE S ( D ES
: ( SA NS
TI TRE )
P AYSAG E AVEC FI G URES
FA C ES ) AV A N T IN TE R V E N TION
:
S TA TU T Cotation, n° d’inventaire et/ou collection - fond : 930 014 m.f. R E N S E IGN E ME N TS
R E LA TIFS À L ’ OB JE T
Nom de l’auteur : Inconnu Epoque : (sans information) Dimensions : 72,5 x 32,5 cm Inscription(s) particulière(s) : Annotations sur le châssis (numéros d’inventaire) Etat de conservation et présentation des altérations : Perte d’adhésion de la couche picturale sur le support toile, lacunes de couche picturale importantes, ancienne restauration. F ON C TION
E T N A TU R E D E L ’ OB JE T
Description – représentation : Paysage avec figures. Matériaux constitutifs : châssis – toile (encollage) – couche picturale (préparation – peinture à l’huile – vernis) - semences et papier de bordage pour la fixation de la toile sur le châssis Technique(s) : Peinture à l’huile sur toile D OC U ME N TA TION Propriétaire : Le musée Faure, Aix-les-Bains (France) Lieu de conservation : Le musée Faure, Aix-les-Bains (France)
6
S OMMAIRE RÉSUMÉ INTRODUCTIF GÉNÉRAL .................................................................................... 2 PAGE DE REMERCIEMENTS ............................................................................................. 4 AVANT-PROPOS ............................................................................................................ 5 FICHE D’IDENTIFICATION ................................................................................................ 6 SOMMAIRE ................................................................................................................... 7 INTRODUCTION GÉNÉRALE ............................................................................................. 9 HISTOIRE DE L’ART ............................................................................................... 10 INTRODUCTION............................................................................................................ 11 1 HISTORIQUE DE L’ŒUVRE ....................................................................................... 12 2 DÉFINITION ET IDENTIFICATION DE L’ŒUVRE AU TRAVERS DE L’ICONOGRAPHIE ET DES MOYENS PLASTIQUES. .................................................................................................
15
3 PROBLÉMATIQUES AUTOUR DE L’HISTOIRE DE L’ŒUVRE ............................................ 41 CONCLUSION .............................................................................................................. 49 SUJET TECHNICO-SCIENTIFIQUE ........................................................................ 50 INTRODUCTION............................................................................................................ 51 1 SITUATION INITIALE ................................................................................................ 51 2 PROBLÉMATIQUE ................................................................................................... 52 3 HYPOTHÈSE .......................................................................................................... 53 4 ETUDES DES MATÉRIAUX ........................................................................................ 54 5 PREMIÈRE ÉTUDE COMPARATIVE: LE « POINT DE FUSION » ........................................ 61 6 DEUXIÈME ÉTUDE COMPARATIVE : L’ADHÉSIVITÉ ...................................................... 72 CONCLUSION DE L’EXPÉRIMENTATION ET OUVERTURE DU PROJET................................... 84 PROJET DE CONSERVATION-RESTAURATION .................................................. 88 INTRODUCTION............................................................................................................ 89 1 EXAMEN DE L'ŒUVRE ............................................................................................. 90 2 DIAGNOSTIC .........................................................................................................117 3 CAHIER DES CHARGES ..........................................................................................124 7
4 PROTOCOLE DE RESTAURATION .............................................................................146 5 RAPPORT DE RESTAURATION .................................................................................147 CONCLUSION .............................................................................................................180 CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................181 ANNEXES ...............................................................................................................182 1 HISTOIRE DE L’ART ...............................................................................................182 2 SUJET TECHNICO-SCIENTIFIQUE .............................................................................183 3 FICHES TECHNIQUES .............................................................................................195 3 T ABLE DES ILLUSTRATIONS....................................................................................209 BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................214 1 HISTOIRE DE L’ART ...............................................................................................214 2 SUJET TECHNICO-SCIENTIFIQUE ............................................................................216 3 RESTAURATION ....................................................................................................217
8
I NTRODUCTION GÉNÉRALE
L
e projet de conservation-restauration qui s’ouvre ici a pour principal objectif
d’assurer à l’œuvre qui nous a été confié par le Musée Faure d’Aix-les-Bains (France) d’être en bonne condition pour être conservée et présentée à un public. Si ce ne fut pas le cas jusqu’à maintenant c’est parce que l’œuvre présente deux problématiques majeures qui menacent son intégrité physique et sa lisibilité. Il s’agit donc de travailler sur la consolidation d’une stratigraphie complexe et réactive et de rétablir, dans un second temps, l’homogénéité de la couche picturale pour que celleci puisse à nouveau communiquer l’image qu’elle représente. Pour accompagner et nourrir de leurs conclusions ce projet de conservationrestauration, deux autres études sont réalisées à partir de la même œuvre. Une étude historique reprend l’analyse complète de l’œuvre d’un point du vue iconographique et plastique tout en la replaçant dans un contexte situé au début du XVIIe siècle. L’histoire de l’œuvre au sein des collections et la tradition du genre pictural du paysage sont également repris dans le sujet. Cette étude permet de replacer l’œuvre dans sa fonctionnalité et cela influence certains aspects du projet de conservation-restauration. Une expérimentation scientifique complète enfin ce mémoire avec une étude approfondie du matériau cire-résine qui est le principal adhésif utilisé dans le protocole de restauration. Cette étude est dirigée principalement vers la recherche d’une alternative à la cire d’abeille au sein de mélange avec la résine dammar. Les caractéristiques de comparaisons et d’études sont le point de fusion et l’adhésivité afin de prendre conscience de certaines particularités cet adhésif.
9
PARTIE I
HISTOIRE DE L’ART
10
I NTRODUCTION
L
’étude historique de l’œuvre que nous nous apprêtons à réaliser doit nous
permettre, dans un premier temps, de définir l’œuvre au travers de son sujet et de sa mise-en-œuvre. Cet aspect historique de l’œuvre s’inscrit dans un projet de conservation et de restauration qui aura tendance à s’adapter en fonction des problématiques soulevées par la présente étude. Cependant, la recherche ne se réduit pas à l’unique observation de l’œuvre d’un point de vue iconographique et plastique, elle cherche également à répondre à des lacunes d’information concernant l’auteur, la date de création, son usage et le parcours de l’œuvre au sein de différentes collections. Sans entrer dans une histoire générale de la peinture de paysage, nous avons cherché à replacer l’œuvre dans un contexte et à préciser le véritable sujet du tableau. Nous avons également cherché à comprendre, au travers de la littérature, l’adaptation des moyens plastiques à la pratique de ce genre de peinture. Ces deux parties permettent de faire émerger des pistes concernant la datation et l’usage du tableau. Cependant, les autres problématiques, telles que l’attribution et son parcours, nécessitent d’autres investigations. Les participations de certains experts ainsi que du conservateur du Musée Faure et de son assistante permettent de rassembler un certain nombre d’éléments pouvant nous aider à répondre aux différentes questions.
11
1 H ISTORIQUE DE L ’ ŒUVRE L’œuvre fait partie des collections du musée actuel de la ville d’Aix-les-Bains dont Monsieur André Liatard est le conservateur. Le musée actuel se nomme le musée du Docteur Faure mais il n’en a pas toujours été ainsi et les collections ont d’ailleurs évolué au cours des siècles précédents. Notre démarche n’est pas de retracer toute l’histoire du musée qui a, par ailleurs, déjà été largement étudiée par Nelly François dans son mémoire de fin d’étude à l’école de Condé (promotion 2010). Nous allons davantage définir la collection « d’origine » du tableau en accumulant les indices au travers de différentes pistes.
1.1 M USÉES
D ’A IX - LES -B AINS
1.1.1 M U S É E D U D OC TE UR F A UR E Aujourd’hui le lieu de conservation de l’œuvre est le Musée Faure, à Aix-les-Bains en France. Le musée Faure est un musée fondé 1949 par le Docteur Faure (1862-1942)1 qui était principalement un collectionneur d’œuvres impressionnistes et du début de l’art moderne, ainsi que de Rodin 2. Ses choix d’acquisitions étant réfléchis et précis 3 , notre œuvre ne trouve pas sa place dans ces critères sélectifs. Nous décidons de ne pas développer notre recherche concernant les collections précédentes.
I LL . 1 M USÉE F AURE , 10
BD DES
C ÔTES 73100 A I X - LES -B AIN S (©(A IX - LES -B AI NS . FR ))
1
(Aix-les-Bains.fr) (Wikipédia, 2012) 3 (François, 2010 p. 22) 2
12
1.1.2 M U S É E L E P IC Si aujourd’hui le Musée Faure est considéré comme le principal musée de la ville d’Aix-les-Bains, auparavant, en 1872,
un premier musée fut créé grâce à la
Fondation Lepic.
I LL . 2 L’ ANCI EN M USÉE L EPIC , DE
D I AN E ,
ACTUELLEMENT
VILLE D ’A I X - LES -B AIN S .
ÉG AL EMENT APPEL É
M USÉE
T EMPLE
ARCH ÉOL OGI QUE D E L A
(©(A IX - LES -B AIN S ))
Le Vicomte Lepic (1839-1889) avait acquis jusque-là une collection d’œuvres d’art composée de peintures, d’eaux-fortes, de dessins et d’autres objets de curiosité 4. Dans le catalogue de Monsieur Barbier datant de 1897 et ayant comme titre « Catalogue des objets composant actuellement le Musée
de
la
ville
d'Aix-les-Bains
et
provenant
notamment du fond donné par Monsieur le Vicomte Lepic », malheureusement seules les médailles font l’objet d’une description précise et nous ne trouvons aucune trace de notre œuvre. Cependant nous notons une information intéressante qui le décrit comme un artiste à part entière. Il est l’auteur avéré de beaucoup d’œuvres contenues dans sa collection. À partir de 1872, il est noté que Lepic fit des démarches pour « obtenir des tableaux de l’Etat » 5 par achat pour ensuite les insérer à la collection du musée. I LL . 3I NTÉRIEUR
4 5
DU
M USÉE L EPIC ,
À SON EMPL ACEMENT AU
T EMPLE
DE
D I ANE . (©(A IX - LES -B AIN S ))
(Barbier, 1897 p. 5) « La même année [1872], le 21 octobre, M. Lepic fit les premières démarches pour obtenir des tableaux de l’Etat. Chaque année, le généreux fondateur ne manquait pas d’augmenter la collection […]. » (Barbier, 1897 p. 5) 13
I LL . 4V ICOMTE L UDOVIC N APOL ÉON L EPIC , M ÉDIATH ÈQUE
DU
PAR L ’ AT EL IER DE
N AD AR ( ©M INISTÈRE
P ATRIM OINE , D IST . RMN-G RAN D P AL AI S / A TELIER
DE
DE L A
C ULTURE -
N AD AR ).
1.1.3 Q U E LLE C OLLE C TION P OU R N OTR E ŒU V RE ? Sur la fiche d’identification de l’œuvre fournie par le Musée Faure il est indiqué que l’œuvre a été acquise par don en 1872. Or il est certain que le Musée Faure n’existait pas à l’époque et que cette année correspond à l’année de création du Musée Lepic. De plus, l’année 1872 correspond à l’information concernant les démarches prises par le Vicomte Lepic pour acheter des œuvres à l’Etat afin d’agrandir sa collection. Son numéro d’inventaire qui est le 1930.1.14 permet de confirmer le lien entre la collection du Vicomte Lepic et notre paysage, selon la lecture du numéro qui se fait ainsi : « 1930 : Correspond […] à l'année de référence du fonds ancien en lien avec le premier musée d'Aix. 1 : correspond au numéro du lot qui est entré dans les collections du musée. 14 : le numéro de l'objet dans ce lot. » (Correspondance personnelle avec Isabelle Couette, 7 février 2012). Cette œuvre a finalement déjà fait un certain parcours depuis qu’elle est entrée dans les collections du musée en 1872. Depuis, la collection du Docteur Faure est venue s’ajoutée et le musée a changé plusieurs fois de lieu au sein de la ville d’Aix-lesBains.
14
2 D ÉFINITION ET IDENTIFICATION DE L ’ ŒUVRE AU TRAVERS DE L ’ ICONOGRAPHIE ET DES MOYENS PLASTIQUES . L’identification de l’œuvre se déroule selon un schéma en deux parties, offrant chacune un point de vue différent mais des conclusions complémentaires. L’analyse iconographique prend soin d’identifier l’œuvre au travers des différents éléments visuels tandis que la seconde partie, l’analyse plastique, concerne davantage les moyens utilisés par l’artiste pour la réalisation de l’œuvre et sa mise en valeur. La première question que l’on se pose face à un paysage est celle de son véritable sujet. Il est fréquent dans les peintures de paysage de constater la présence d’une scène (biblique, historique ou allégorique) se dissimulant dans un ensemble paysager. Ces scènes sont généralement précisées dans le titre qui conserve néanmoins, relativement souvent, le terme « paysage » comme par exemple, l’œuvre de Nicolas Poussin, Paysage avec saint Matthieu (1640, Berlin, Staatliche Museen, Gemäldegalerie).
I LL . 5 POUSSIN, N ICOL AS , P AYSAGE
AVEC SAINT
M ATTHIEU (1640, B ERLIN , S T AATLIC HE M USEEN ,
G EMÄLDEG ALER IE )
Au travers d’une analyse précise de chaque élément présent dans notre cas, nous tentons de définir le sujet réel de l’œuvre.
15
2.1 Q UEL
EST LE VÉRITABLE SUJET DU TABLEAU
?
Dans une première lecture, nous constatons un plan large et un espace ouvert qui précise que nous nous trouvons à l’extérieur. Le regard est comme happé par cette vue dégagée sans proximité directe avec un élément particulier. Un sentier invite le spectateur à entrer en profondeur dans la scène. Il n’est d’ailleurs pas seul sur le chemin de terre. Sa présence est remarquée par un couple de paysans qui le regarde, ainsi que par un pêcheur. Le relief du paysage se présente alors, accentué par un cours d’eau et relevé par une montagne au loin.
I LL . 6 Œ UVRE
EN C OUR S D E R EST AUR AT ION
Au contact d’une végétation parfaitement lisible, l’urbanisation est relative, marquée principalement par la présence de bâtiments et de quelques preuves d’activités humaines (pont, rempart). Un savant équilibre entre une nature encore libre et la place de l’homme actif (paysan, berger, pêcheur). Un ciel lumineux mais ménagé par quelques nuages surplombe l’ensemble. L’atmosphère est paisible, il n’y pas de peine dans les gestes, pas d’inquiétude dans les attitudes. A chaque endroit se trouve un élément visuel qui anime la scène et raconte une histoire pour donner un ensemble vivant et dynamique. Le lecteur se sent alors privilégié par la vue qui lui est offerte. 2.1.1 L E S 2.1.1.1
É LÉ ME N TS P ON C TU E LS
A U C ENTRE DE LA CO M PO SI TIO N
Au centre de la scène se trouvent quatre éléments distincts représentant une petite scène dans la grande scène. Ce sont le couple de personnages, le palais, le pont et son élément décoratif.
16
Le couple est composé d’une paysanne assise sur le dos d’un âne et d’un paysan tenant un bâton. Leur tête tournée vers le spectateur, ils semblent intrigués par ce qui se passe de son côté, sans pour autant interrompre leur activité. I LL . 7 D ÉT AIL
Les
D E L ' OEU VR E EN COURS DE R EST AUR ATI ON
paysans
sont
des
personnages
récurrents dans la peinture de paysage, ils permettent de donner vie à une scène. Avec d’autres paysans (que nous étudions dans le point
suivant),
ils
ne
sont
pas
les
compléments d’une scène historique ou religieuse. Leur rôle dans la scène est d’être des acteurs ou des témoins de la place de l’homme dans la nature. Voici d’autres exemples d’iconographie de paysans dans les peintures de paysage :
I LL . 8 BERCHEM, N ICOL AES P IETER SZ ( D ' APR ÈS ); AN ONYME , FIN CON VER SANT
XVII AVEC
SIÈCLE . UN
F EMME ,
PÂTRE .
SUR UN ÂN E ,
(P ARIS , L OUVR E )
I LL . 9 [ DE
G AUCHE À DROITE ][H AUT ]
EN COURS D E REST AUR ATI ON . DE
MILLET
D ÉT AIL
F RANCISQU E
DE
C L AUD E GELEE,
1682), P ARIS , M USÉE
DU
DIT
D ’I TALI E ,
SOLEIL
P AYSAGE
DE LA
V UE
DU
B ERLIN , DU
C AM PO
DU
P AYSAG E
PATEL P I ERR E (1605-
L OU VR E .
C OUC H ANT
IT ALI EN
L E L ORR AI N (1600-
L OUVR E . D ÉT AIL
AVEC RUIN ES ET PASTEUR S D E
1676), P ARI S , M USÉE
DU
DE L ' Œ UVR E
(1642-1679),
S T AATLIC HE M USEUM .[B AS ] D ÉT AIL V AC CIN O
D ÉT AIL
DU
D ÉT AIL
DU
S IT E
VAN SWANEVELT
H ERM AN (1603-1655), P ARI S , M USÉE
DU
L OUVRE .
17
Le palais est l’élément architectural le plus imposant visuellement. Son style aux accents classiques et antiquisants, voire même palladiens6, est caractéristique des palais et des villas ou encore des « casini 7 » italiens. Sa lisibilité est totale puisqu’aucun élément ne vient perturber sa lecture. Il est de taille importante
et semble
relativement isolé. La présence de ce genre d’architecture se retrouve relativement souvent dans les compositions de paysages car, comme l’indique Kenneth Clark, cela permet de donner « la clef du système de proportions sur lequel repose la composition »8. C’est un repère visuel. I LL . 10 D ÉT AIL
D E L ' ŒU VRE EN COU RS D E R EST AU R ATI ON
I LL . 11 LINT, H ENDRIK F R AN S
VAN .
XVIII E
SI ÈCLE .
P AYSAGE
(S TR ASBOU RG , M USÉE
I LL . 12ALLEGRAIN, E TIENNE ( ATTR IBUÉ ). XVII E
SI ÈCLE .
IT ALI EN ,
LE
PAL AI S
DES
C ÉSARS .
D ES BEAU X - ARTS )
P AYSAG E . (D IJON ,
MUSÉE DES BEAUX - ART S )
6
Palladien : désigne un style classique dérivé de l’architecte de Vicence Andrea Palladio. (Bazin, 1976 p. 275) 7 Petites dépendances se trouvant souvent dans des jardins. 8 (Kenneth, 1962 p. 103) 18
Le pont est caractéristique des petits ponts que l’on retrouve dans les campagnes. Il est simplement constitué d’une arche et d’une structure qui supporte un élément décoratif. On retrouve ce pont dans plusieurs compositions d’Etienne Allegrain (1644-1736), peintre de paysages français9. I LL . 13 D ÉT AIL
D E L ' ŒU VRE EN COU RS D E R EST AU R ATI ON
I LL . 14 ALLEGRAIN, E TIENNE , 1 ÈR E
MOITIÉ DU
I LL . 15 ALLEGRAIN, E TIENNE , 1 ER SIÈCL E .
9
P AYSAGE
ANIMÉ .
D OL E ,
XVIII E
QU ART DU
SI ÈCLE .
P AYSAGE . (P ARIS , L OUVRE )
XVIII E
MUSÉE D ES BEAU X - ARTS )
Voir le point « Datation et Attribution ». 19
Voici d’autres exemples iconographiques de l’élément décoratif:
I LL . 16 [ DE L ' ŒUVRE
EN
GAUC HE À DR OITE ] C OUR S
DE
[HAUT] D ÉT AIL
R E ST AUR ATION .
D ÉT AIL
CL ASSIQU E
LAVOIR D E
ALLEGRAIN E TIENN E (?) [BAS] D ÉT AIL
LA
GR AVUR E
LE
PER SONNES
S AR COPH AGE
DE
L ONDR ES , B RITISH M USEUM . D ÉT AIL R EPOS
DE
THEODORE, DU
F UIT E
AVEC LE
E GYPTE
MILLET F RANCISQU E , T OURC OING , M USÉE
DES
LA
P AYSAGE
CL ASSIQU E DE
PEND ANT
PR ÈS
DU
D ’ UN
P AYSAG E
AV E C
DE
EN
B EAU X -A RTS .
Cette petite composition dans son ensemble est donc une scène bucolique dans laquelle un couple de paysans croiserait le spectateur dans le milieu pittoresque d’une campagne italienne, un moment furtif immortalisé dans son naturel.
20
2.1.1.2
S UR LE PO URTO URS DE L A COM PO SI TIO N
À droite comme à gauche de la scène centrale se situent plusieurs éléments qui élargissent le champ d’action. Dans la partie dextre, nous retrouvons une femme qui semble être une bergère accompagnée de son bétail constitué de deux vaches. Cachée dans l’ombre, elle est assise sur ce qui ressemble à un talus. Les deux vaches tournent le dos au spectateur pour rejoindre, semble-t-il, les rives du cours d’eau.
Le bétail est
évidemment fort présent dans les scènes paysagères. Ils font entièrement partie du décor et de la vie quotidienne des paysans qui font l’objet de ce tableau.
I LL . 18 ALLEGRAIN, E TIENNE , XVIII E P AYSAG E . (A LENÇ ON , I LL . 17 D ÉT AIL
DE
L ' OEU VR E
EN
C OUR S
SIÈCL E .
MUSÉE DES BEAU X - ARTS ET
DE L A D ENTELL E D 'A L ENÇ ON )
DE
REST AU R ATION
I LL . 19C LAUDE G ELLÉE , IT ALIEN ,
DIT LE
L ORR AIN ,
PAYSAGE
1648 (?) S AINT -P ÉTER SBOURG , M USÉE
L ’E RMITAG E .
DE
I LL . 20 LORRAIN, C LAUD E . V ACH E CAMPAGN E .
C OLL
DE
M.
J.-P.
D AN S
LA
H ESELTIN E .
21
A l’extrémité dextre, nous constatons la présence de ce qui pourrait être un rempart, une fortification. Cela rappelle également la présence de l’homme et laisse présager une urbanisation au-delà du cadre visuel de l’œuvre. C’est un moyen iconographique également répandu dans les scènes paysagères.
I LL . 22 S ALVAT OR R OSA ( D AN S I LL . 21 D ÉT AIL
DE
L ' ŒUVRE
EN
C OUR S
DE
XVIII E
SIÈCLE .
S C ÈN E
LE STYLE DE ),
CÔTIÈR E .
(L OND RES ,
N ATI ON AL G ALLERY )
REST AU R ATION
Les arbres sont particuliers dans cette partie du tableau avec leurs troncs qui se croisent. Ce détail se retrouve régulièrement dans les paysages de la fin du XVIIe siècle au début du XVIIIe siècle comme en témoignent les illustrations suivantes :
I LL . 23 [D ROITE
À G AUCH E ]
D ’ALLEGRAIN,
E TIENNE , XVIII E
D 'A LENÇ ON ). DU
XVIII E
D ÉT AIL D ÉT AIL
SIÈCL E
D ÉT AIL
DU
D E L ' OEUVRE EN COUR S DE REST AUR ATI ON ,
SIÈCL E .
P AYSAGE
(A LENÇ ON ,
MUSÉE
DES
IT ALI EN AV EC B AIGN EUR S D E
BEAU X - ARTS
D ÉT AIL ET
DE
DU LA
P AYSAG E D ENTEL L E
LOCATELLI, A NDREA . 1 ÈR E
MOITIÉ
(C HER BOU RG -O CTEVILLE , M USÉE T H OM AS H ENRY ).
22
Dans la partie senestre, nous observons plus d’éléments qui dynamisent la scène. Il y a tout d’abord le pêcheur qui tourne également la tête vers le spectateur. C’est intéressant puisque cela répond à l’attitude du couple précédent. Cela accentue également l’impression d’être présent sur les lieux.
I LL . 24 D ÉT AIL
D E L ' ŒU VRE EN COU RS D E R EST AU R ATI ON
Ce pêcheur rappelle celui présent dans une œuvre de Nicolas Poussin, Orphée et Eurydice (milieu XVIIe siècle, Paris, Louvres)
I LL . 25 POUSSIN, N ICOL AS , P AY SAGE O RPHÉE L OUVRE .
ET
E URYDIC E ,
V .1648,
AVEC
P ARIS M USÉE
DU
I LL . 26 (D ÉT AIL ) POUSSIN, N ICOL AS , P AY SAGE AVEC
O RPH ÉE
M USÉE
DU
ET
E URYDICE ,
V .1648,
P AR IS
L OUVR E .
23
Ensuite, sur l’eau et en contre-jour, la silhouette d'une petite barque avec deux masses sombres à son bord (des pêcheurs ?) se dessine juste avant le méandre.
I LL . 27 D ÉT AIL
D E L ' ŒU VRE EN COU RS D E R EST AU R ATI ON
Les pêcheurs et tout ce qui rappelle les métiers marins permettent de rendre l’homme présent à la fois sur terre et sur mer (ou cours d’eau dans notre cas), ce qui accentue son empreinte et sa place dans la nature. Aussi peut-on dire que c’est un sujet privilégié et visiblement apprécié de par les nombreux exemples qui nous sont parvenus :
I LL .
28
BERCHEM,
( D ' APRÈS ); XVII E
AN ONYME ,
SIÈCLE .
RIVIÈRE ,
N ICOL AES FIN
B ORD S
ET
UN
I LL . 30 ALLEGRAIN, E TIENNE . 1 ÈRE MOITIÉ DU
DE
AVEC UN B AC , DES
FIGURES
P IETERSZ
LA
XVIII E
RIVIÈR E .
SIÈCLE .
(P ARI S ,
P AY SAGE
À
L OU VR E )
TROUPE AU
(P ARIS , L OU VRE ) I LL .
29
ALLEGRAIN,
E TIENN E . 4 E SIÈCL E . BAR QU E .
QU ART DU
P AYSAGE (V ER SAILLES ,
XVII E AVEC MUSÉE
N ATION AL )
24
I LL . 31 ALLEGRAIN, E TIENNE . 1 ER
QU ART DU
XVIII E
SI ÈC LE .
P AYSAG E
AN IMÉ .
(D OLE ,
MUSÉE D ES BEAU X -
ART S ).
Enfin, quelques silhouettes de bâtiments se détachent dans l’arrière-plan ce qui développe l’urbanisation de la scène. Les détails n’étant pas très précis dans notre œuvre, nous ne pouvons que supposer le type de bâtiment dont il s’agit. Pour le premier bâtiment, nous y voyons une architecture arrondie et nous l’avons accompagné d’autres exemples qui, de manière purement subjective, nous font faire un lien entre les deux. Il peut s’agir d’un élément de fortification avec un rempart et une tourelle. La présence répétée de cet élément dans les peintures témoigne d’une certaine efficacité iconographique.
I LL . 32[ GAU CHE À DR OITE ] [HAUT] D ÉT AIL D E L ' ŒU VRE EN COUR S D E RE ST AUR AT ION . D ÉT AIL DU P AY SAGE IT ALIEN D E MILLET F RAN CISQU E , B ERLI N , S T AATLI CHE M USEUM . [BAS] D ÉT AIL DU P AY SAGE AVEC TROUPEAU D ’ALLEGRAIN E TIENNE , P AR IS , M USÉE DU L OUVRE . D ÉT AIL DU P AY SAGE AVEC O RPH ÉE ET E URYDICE D E POUSSIN, N ICOL AS , V .1648, P AR IS M USÉE DU L OU VR E .
25
Quant au second, présent au point le plus lointain de la composition, nous pensons y voir une structure architecturale avec un grand pont possédant trois arches. Nous l’avons également illustré d’autres exemples.
I LL . 33 [H AUT
EN BAS ]
D ÉT AIL
DE L ' ŒUVR E EN C OUR S D E R EST AUR AT ION .
CABEL A DRI AEN (1631-1705), P ARIS , M USÉE DE
DU
L OUVR E . D ÉT AIL
VAN HUYSUM J AN (1682-1749), P ARI S , M USÉE M OLLE
DE
DU
DU
D ÉT AIL
P AYSAG E
L OUVRE . D ÉT AIL
DU
VAN BLOEMEN J AN F R AN S (1662-1749), R OME , A C AD ÉMIE
DU
P AYSAGE
DE
VAN DER
AN IMÉ AVEC RU INE ET PONT
P AY SAG E
N ATI ON AL E
AVEC LE
P ONT E
S AI NT -L UC .
26
2.1.2 Q U ’ E S T - C E QU I D É FIN IT LE P A YS A GE C OMME S U JE T ? Au vu de l’analyse iconographique, l’œuvre présente une quantité d’éléments discernables comme des personnages (ou figures), des éléments urbains (palais, pont, silhouette de ville), de la végétation qui sont autant de pistes possibles pour définir un sujet qui « qualifierait » le paysage. La peinture de paysage est en effet « un genre qui autorise le détail et même une profusion de détails futiles ou savants »10.
Que faire alors des « figures » représentées dans l’œuvre ? Selon Alain Mérot, « il était entendu dans la doctrine classique […] qu’un paysage sans figure (pour ne pas dire sans histoire) n’est pas intéressant. »11 Tout est alors question d’équilibre entre la place
des figures (échelle, positionnement) et le paysage ; « saisir la ligne de démarcation entre un paysage-scène où les figures sont disposées selon des rapports géométriques précis, en proportion du cadre où elles évoluent, et un paysage-décor, où ce sont les figures qui prédominent. »12
N’ayant ni scène biblique, ni scène historique sublimée par un contexte paysager, nous nous référons également à la théorie mise en place par Roger de Piles au XVIIIe siècle pour définir notre scène comme étant celle d’un « simple » paysage : « Les choses qui sont particulières au Païsage, & sur lesquelles on peut réfléchir, sont, à mon avis, les Sites, les Accidents, le Ciel & les Nuages,les Lointains & les Montagnes, le Gazon, les Roches, les Terreins, les Terrasses, les Fabriques, les Eaux, le devant du Tableau, les Plantes, les Figures, & les Arbres. »(Piles, 1708 p. 205)
10
(Mérot, 2009 p. 43) (Ibid. p. 135) 12 (Ibid. p. 135) 11
27
2.1.3 Q U E LLE ES T L ’ OR IG IN E D E CE TTE TR A D IT ION D U P A YS A GE C O MME S U JE T ? Pour certains, c’est au XVIe siècle en Italie, à Rome, que la notion de paysage apparaît 13 avec le travail et l’influence d’artistes tels qu’Agostino Tassi et Annibal Carrache14. Pour d’autres, le terme paysage « serait d’abord apparu en Hollande »15, plus d’un demi-siècle auparavant, avec le retable de l’église Saint-Bavon, à Haarlem. Enfin, certains auteurs, tels que John Constable dans ses conférences sur l’histoire du paysage « place [les] véritables débuts [de la peinture de la paysage] à la fin du Moyen Âge […] »16 en citant notamment le travail de Cimabue, Duccio et Giotto.
I LL . 34 A NNIBAL C ARR ACH E , P AYSAG E EN
E GYPTE ,
V.
AV EC L A FUIT E
1603-1604. (R OME G ALLERI A D OR I A
P AMPHIL I )
Plus tard, au XVIIe siècle, c’est Nicolas Poussin
(1594-1665)
qui,
en
France,
instaura les caractéristiques du paysage classique tels que théorisées par Roger de Piles. Particulièrement du point de vue de la composition dans ses peintures17.
I LL . 35 POUSSIN, N ICOL AS . D ESSIN D ' APR ÈS C OLL .
N AT URE .
DE L 'A L BERTIN A
13
« Le terme paysage apparaît […] pour la première fois autour de 1520 pour désigner des tableaux des collections vénitiennes représentant des vues de la nature » (Mignot, et al., 2007 p. 355) 14 (Mignot, et al., 2007 p. 354) 15 (Mérot, 2009 p. 7) 16 (Ibid. p. 29) 17 (Michel, 1906 p. 111) 28
Avant lui, d’autres artistes s’étaient essayés au genre du paysage sans vraiment développer un style à la française18 (Jacques Callot (1592-1635), Sébastien Bourdon (1616-1671)). Poussin développe le principe de réorganisation du paysage selon « un ordre idéal »19 avec davantage de poésie et de sentiments divers20. L’impact de la peinture de paysage des écoles du Sud va également influencer le travail des artistes nordiques qui voyagent jusqu’à Rome 21, en particulier les peintres venus de la ville d’Utrecht comme par exemple Paul Bril (1554-1606).
I LL . 36 BRIL, P AUL . P AYSAGE . 4 E
QU ART
XVI E
SI ÈCLE
- 1 ER
QU ART
XVII E
SIÈCL E .
C HER BOURG -O CTEVILLE
( MUSÉE T H OM AS H ENRY )
Dans le même temps, d’autres français tel que Claude Gellée, dit le Lorrain (16001682) et Laurent de la Hyre (1606-1656) développent en marge et à la suite de l’œuvre de Poussin un art français du paysage. Ainsi on observe un certain mélange entre les formations nordiques, influencées au niveau du paysage par des peintres comme Patinir ou Bruegel et les caractéristiques romaines, malgré qu’à l’époque, « les contemporains affirmèrent l’opposition entre le paysage idéal (la nature telle qu’elle devrait l’être) de l’école romano-bolonaise et de Poussin, et le paysage naturaliste (la nature telle qu’elle est) des peintres du Nord. »22
18
(Michel, 1906 p. 91) (Mignot, et al., 2007 p. 354) 20 (Ibid. p. 354) 21 (Ibid. p. 354) 22 (Ibid. p. 356) 19
29
2.1.4 U N
P A YS A GE , OU I , MA IS ID É A L , C LA S S IQU E , A CA D É MIQU E , HÉ R OÏQU E OU C H A MPÊ TR E ?
Le paysage est un genre complexe qui se traduit par une multiplicité de formes différentes, d’autant plus qu’il est admis que « la notion de paysage [en peinture] se heurte à une double difficulté : les contours de la définition sont flous et mobiles »23 Selon certains, un paysage purement classique (ou héroïque) se définit comme « un paysage qui sert de cadre grandiose à une scène historique, mythologique, religieuse ou allégorique. »24 .
Pour d’autres, « même sans histoire repérable, le paysage idéal classique reste toujours le cadre d’une action virtuelle, par le seul fait qu’il construit à l’attention d’un spectateur privilégié un espace en trois dimensions mesurables et comme tangible. Les plans successifs qu’ils comportent […] soutiennent une narration, un évènement ou, au moins, un 25
cheminement qui peut être riche de sens. »
Autant la première définition ne correspond, a priori, pas à notre œuvre, autant la seconde détermine d’une certaine manière la scène qui nous occupe. Le terme idéal est important car il sous-entend une adaptation (voire une invention) d’un paysage (réel ou imaginaire) correspondant à une théorie. Cette théorisation du paysage, nous la retrouvons par exemple chez Roger de Piles, au XVIIIe siècle. Il distingue également plusieurs genres de paysages (héroïque ou champêtre) et s’il fallait se référer à son vocabulaire, nous serions plutôt en présence d’un paysage champêtre, qui selon l’auteur, se caractérise par « […] une représentation des pays qui paraissent bien moins cultivés qu'abandonnés à la bizarrerie de la seule nature. Elle s'y fait voir toute simple, sans fard et sans artifice; mais avec tous les ornements dont sait bien mieux se parer lorsqu'on la laisse dans sa liberté que quand l'art lui fait violence. Dans ce style, les sites souffrent toutes sortes de variétés : ils y sont quelquefois assez étendus pour y attirer les
23
(Gilles, 1993 p. 17) (Loilier, 1996 p. 108) 25 (Mérot, 2009 p. 134) 24
30
troupeaux de bergers, et quelquefois assez sauvages pour servir de retraite aux solitaires et de sûreté aux animaux sauvages. »
26
Le dernier terme qui n’a pas encore été abordé est celui de l’académisme. C’est une notion intéressante puisqu’elle sous-entend que le genre du paysage, indépendant de sujets bibliques ou historiques, a suffisamment « mûrit » pour être enseigné aux artistes. Le fait que Roger de Piles défende ce genre de peinture par sa reconnaissance de Nicolas Poussin et de Claude Lorrain, est « la première forme de promotion de la peinture de paysage en France »27. Par la suite, c’est l’Académie et les
institutions qui vont poursuivre le travail 28 . La présence de chaque élément iconographique définissant un paysage idéal comme on le retrouve chez Roger de Piles, laisse supposer que cette œuvre est effectivement issue d’une époque d’ « utilisation »
du
paysage
en
peinture,
davantage
que
d’une
époque
d’ « invention » et de « mise au point » du genre. Nous serions donc en présence d’un paysage idéal et académique.
26
(Piles, 1708 p. 202) (Huang, 2005 p. 37) 28 (Ibid. p. 34) 27
31
C
oncrètement, cela permet de penser que l’auteur du tableau
possède les éléments de base d’une culture académique de la peinture. En poussant un peu plus loin l’idée d’une formation académique, si on se réfère au texte de Roger de Piles publié en 1708, on pourrait imaginer que l’auteur soit du XVIIe siècle, âge d’or de la peinture de paysage, ou du XVIIIe siècle, « période marquant l’épuisement par le prolongement de manière idyllique et factice des grandes tendances de la veine paysagiste du siècle précédent » (Mérot, 2009).
2.2 A DAPTATION
DES
MO YENS
PLASTIQUES
À
LA
PEIN TURE
DE
PAYSAGE .
Nous avons déjà vu à travers l’analyse iconographique de l’œuvre que le paysage a imposé certains codes à la peinture pour se définir par rapport aux autres genres. Nous verrons qu’il en est de même avec les moyens plastiques et notamment avec la composition qui, selon l’analyse d’Alain Mérot, s’inspire énormément du théâtre.
I LL . 37 Œ UVRE
EN C OUR S D E REST AUR AT ION
32
2.2.1 M A TÉ R IA L ITÉ Il s'agit d'une peinture à l'huile sur toile montée sur châssis. Ses dimensions sont de 73 cm sur 37 cm. C’est un format particulièrement allongé qui propose un rapport de 1,972 alors qu’un format « paysage » possède théoriquement un rapport de 1,414. Il ne s’agit pas non plus d’un format « marine » qui nécessite un rapport de 1,61829. Ce format peut être un indice intéressant pour comprendre l’usage de l’œuvre en tant que peinture décorative30. 2.2.2 C OMP OS IT ION P A R LE S LIGN E S E T LE S P L AN S La composition d’une œuvre est caractérisée par les lignes dites « de composition » et les différents plans qui construisent l’image. C O NCERNANT LE S LI G NES DE COM PO SI TI O N , la principale est celle de l'horizon. Elle
divise la surface en deux superficies quasiment égales ce qui, additionné à l'horizontalité du format, accentue un effet de stabilité et d'espace. Un axe vertical, au niveau de l’arbre dans la partie dextre, vient ensuite équilibrer la scène. L’isolement de cet arbre accentue son effet « portant » et le place en évidence pour la lecture de l’œuvre. Sa position décentrée assure une asymétrie à la composition. Ce travail, pour ne pas dire ce « calcul », de la composition, fait écho à ce que dit Kenneth Clark à propos de Poussin : « Poussin considérait que le principe fondamental du paysage était l’équilibre harmonieux des éléments horizontaux et verticaux dans la composition du tableau »31
Le troisième type de lignes est une sinueuse présente grâce au cours d’eau. Contrairement aux deux précédentes, elle développe un dynamisme et un mouvement qui évitent à la scène un effet trop statique.
29
(Mérot, 2009 p. 107) Voir le point « 3.2 Usage » 31 (Kenneth, 1962 p. 102) 30
33
S CH . 1[H AUT ] Œ UVR E 1648, P ARIS , M USÉE
EN C OURS DE REST AUR ATI ON
DU
L OUVR E ) : L IGNES
[B AS ] P OU SSIN , N I COL AS , O RPHÉE
D E C OMPOSITI ONS [ EN GR AS
:
ET
E URYDICE ( V .
L ES PRINC IPAL ES , EN POINT ILLÉ
:
LES SEC OND AIRES ]
Il est intéressant de noter, finalement, que chaque ligne de composition a un effet redondant avec minimum deux autres éléments qui se basent sur les mêmes caractéristiques. Ainsi, l’horizontalité est accentuée par la disposition des plans dans la partie inférieure, la verticalité est renforcée grâce au rempart et à l’arbre aux deux extrémités du tableau et le dynamisme de la sinueuse est répété dans les troncs des arbres. Cette rigueur impose un rythme et permet de fermer l’image pour guider le regard du spectateur à l’intérieur du champ pictural. C O NCERNANT LE S PLANS , ils sont au nombre de cinq. Le premier plan est
simplement composé d'un élément repoussoir vertical à gauche (le rempart) dont le point culminant dépasse la hauteur de l'horizon. Pratiquement parallèle à celui-ci, le second plan s'ouvre sur toute la longueur du tableau se terminant par un second élément portant vertical, à droite, faisant cette fois-ci toute la hauteur du bord droit. Le troisième plan retrouve une certaine horizontalité, se "fondant" à gauche dans le 34
second plan tout en laissant une trouée paysagère à droite. Cette trouée paysagère est renforcée par la présence d’un quatrième plan sur lequel se trouve le palais. C'est ainsi que l'on retrouve, en cinquième et dernier plan, les berges du cours d'eau refermant la moitié inférieure de l'œuvre. La liaison entre les derniers plans est principalement réalisée grâce à la présence du cours d'eau, sinueux, assurant ainsi la transition.
S CH . 2 L ES
PL AN S D E C OMPOSIT ION
[D AN S L ’ ORD RE
C ROI SSANT , DU PLU S F ONC É AU PLUS CL AIR ]
Finalement, c’est une succession de plans assurant à la fois la construction de l’espace, un certain dynamisme et un effet de profondeur, qui offre au regard du spectateur une vue naturaliste d’un paysage rural. Cette succession de plans permet de définir un parcours visuel précis. Le regard pénètre dans l’œuvre via l'ouverture du sentier, au milieu du bord inférieur. Il poursuit alors vers les personnages, suivant la diagonale du plan, repoussé ensuite par l'arbre vertical. Le regard traverse le tableau de gauche à droite suivant la ligne d'horizon, observant au passage les différents éléments. Lorsqu’il arrive à la trouée paysagère, le regard se perd à l’horizon permettant au spectateur d’entrer complètement dans la scène qui lui est présentée. Particulièrement favorisé par l’efficacité de la composition, le parcours visuel de l’œuvre permet d’observer la totalité des principaux éléments.
35
2.2.3 P E R S P EC TIV E , IN F LU E N C E DE LA C OU L EU R E T D E LA LU MIÈ R E Généralement, dans les paysages, seuls les éléments architecturaux permettent de visualiser une perspective géométrique. C'est le cas ici avec le pont. Une autre façon de suggérer la perspective est de se baser sur la taille des éléments iconographiques. La sensation d’éloignement est accentuée par le rapport de proportions des éléments des premiers plans avec celui des éléments plus lointain. Pour compléter ces deux moyens, nous constatons surtout l'utilisation d'une perspective
atmosphérique
qui
permet
la
sensation
d'éloignement
ou
de
rapprochement. Cette perspective, ne se basant pas sur des lois mathématiques ou géométriques, elle se fait uniquement grâce à deux autres moyens techniques que sont la couleur et la lumière. Comme le souligne Kenneth Clark, « le paysage a pour but essentiel de nous faire pénétrer dans l’espace ».32 L A G AM M E CHROM ATIQ UE de l'œuvre est centrée autour des terres et des bleus-
verts. C'est donc une palette relativement simple mais efficace. Les terres, principalement utilisées pour les éléments structurant l'image, comme les architectures, le relief et le sentier et qui sont considérées comme des teintes chaudes sont équilibrées par les bleus-verts plus froids. Ceux-ci étant utilisés pour les éléments "dynamiques" tels que la végétation, l'eau, le ciel... La densité des teintes varie également selon la distance qui sépare l'élément du spectateur. La couleur contribue ainsi à établir la perspective atmosphérique. C’est pourquoi les éléments plus denses en couleur et qui ont un aspect parfois plus foncé se retrouvent aux premiers plans. Plus l'élément s'éloigne, plus la teinte s'affaiblit pour ressembler de plus en plus à un gris coloré. Il s’agit là d’une application théorique mais efficiente de la couleur. Ainsi cet élément plastique joue un rôle important en assurant le naturalisme par la justesse de ses couleurs mais permet également d’uniformiser la composition en intégrant un effet atmosphérique général.
32
(Kenneth, 1962 p. 102) 36
L A LUM I ÈRE contribue à l’effet visuel de l’œuvre en apportant du dynamisme et une
harmonisation de l’image. Le dynamisme est dû aux contrastes entre les plages éclairées et les plages mises dans l'ombre. Par exemple, le premier plan est dans l'ombre, tandis que le second plan est dans la lumière. Cet élément plastique permet également d’uniformiser l’ensemble de l’image en contribuant à l’unité de la scène. 2.2.4 F A C TU RE La facture est composée de très peu de matière, l’artiste semble avoir privilégié une peinture fortement diluée, voire « gouachée ». Quelques empâtements sont visibles dans les nuages et dans le feuillage des arbres. La peinture semble avoir été appliquée avec parcimonie sans développer le détail. Peut-être s’agit-il d’une œuvre qui devait être vue d’une certaine distance, ce qui diminuerait l’impact de ce manque de précision. 2.2.5 L E P A YS AGE , S OUR C E D ’ U N N OUV E AU TYP E D E C OMP OS IT ION Le paysage étant, comme nous l’avons vu avec l’analyse iconographique, un genre permettant l’accumulation de détails, il est évident que d’un point de vue plastique, sa « construction » en soit adaptée. Au XVIe siècle, débute ce que les livres d’histoires et les encyclopédies appellent « l’âge d’or » du théâtre en Europe 33 . Or comme le démontrent certains auteurs comme Alain Mérôt, la peinture n’en reste pas indifférente : « Pour s’affirmer au sein d’une hiérarchie des genres dominée par la peinture d’histoire, le paysage a trouvé dans le théâtre un modèle plus efficace encore que la description. […] Le lieu scénique qui s’imposait en Italie à partie du XVIe siècle, limité par l’architecture et constitué d’un plateau bordé de décors et surmonté de cintres, offrait un modèle de construction parfaitement adapté à une peinture de paysage qui ambitionnait de conquérir son autonomie et de retenir l’intérêt du spectateur en se présentant comme un spectacle – c'est-à-dire un discours d’offrant à la vue. »34
33 34
(Larousse, 2009) (Mérot, 2009 p. 99) 37
Au début du XVIIe siècle, Mancini, développe dans ses Considerazioni appartenenti alla pittura come diletto di gentilhuomo nobile, une catégorie de paysages peints qui applique une scénographie propre au théâtre et qui correspond à notre tableau. Selon lui, outre le paysage « simple » ou « arboré », il existe le paysage « parfait » qui permet de se « délecter la vue par la beauté et la variété des objets représentés, selon une certaine ordonnance spatiale : au premier plan, des hommes, des animaux, des arbres ; au second, des villes, des montagnes et des lacs où se reflètent les formes ; au fond, tout s’efface peu à peu paisiblement par le jeu de la perspective aérienne. […] L’ordonnance du tableau est parachevée par le rendu de l’atmosphère, qui prend par la suite tant 35
d’importance dans la théorie du paysage. »
Cette relation possible entre le théâtre et la mise en place d’une composition propre au
genre
du
paysage
trouve
une
double
correspondance
dans
notre
tableau. Premièrement, la disposition des plans et des éléments iconographiques correspondent à ce que décrit Mancini, deuxièmement, dans une moindre mesure, il est important de rappeler que plusieurs personnages du tableau nous regardent, en tant que lecteur ou spectateur d’une scène. Ce détail rappelle la position du public face à une scène théâtrale. Bien sûr la peinture de paysage n’est pas le seul genre à avoir subit l’influence du théâtre, mais elle a probablement trouvé là une source non négligeable. De nombreux artistes peintres ont ainsi réalisé des décors de théâtre, mais des personnes issues du milieu théâtral ont également influencé le domaine pictural, comme en témoigne l’ouvrage de Sabattini (1574-1654), architecte et scénographe italien. Dans son livre Pratica (Edition de Ravenne, 1638) on retrouve des conseils 36
« pour simuler les effets lumineux de la nature » . Il mentionne ainsi la perspective
atmosphérique : « […] Il faudra donc entreprendre de peindre le ciel et pour ce, colorer les parties les plus voisines des spectateurs de couleurs vive[…] et aller toujours en adoucissant le
35 36
(Mérot, 2009 p. 100) (Ibid. p. 126) 38
ton […] en sorte qu’à la fin ils se fondent quasi ensemble, et en donnant petit à petit aux nuages la couleur de l’orange car, ainsi, le ciel présentera aux yeux un fort bel effet de fuyant. »37
2.2.6 A C A D É MIS ME E T IN FLU E N C E D E N IC OLA S P OU S S IN Certains éléments témoignent d’une formation académique du peintre (la succession dynamique des plans, l’utilisation de la trouée paysagère, la perspective atmosphérique, l’équilibre chromatique…). Cela s’additionne à l’aspect également théorique de l’iconographie. Avec l’essor du paysage comme sujet de peinture38, l’utilisation des moyens évolue également. « L’idée [le sujet] ne se sépare pas des moyens d’expression plastique. Mais ces moyens ne dépendent plus de la figure humaine, et l’idée peut donc dépasser la narration, l’Histoire, pour embrasser le spectacle de la nature. […] Dans le Paysage avec les funérailles de Phocion [Nicolas Poussin], l’ordre de l’Histoire […] se conjugue avec celui de l’architecture (le temple vu strictement de face, juste au-dessus des deux figures) et celui de la nature […] dans une disposition de l’univers qui ramène inexorablement vers le centre. Par des moyens uniquement visuels, Poussin confère au paysage une dignité noble aussi grande que celle des héros de l’Histoire ou de la Bible. »39
37 38
(Mérot, 2009 p. 128) Voir le point précédent sur «
Quel est le véritable sujet du tableau ? » 39 (Mignot, et al., 2007 p. 347) 39
I LL . 38 POUSSIN, N ICOL AS . P AY SAGE
AVEC LES FUN ÉR AIL LES D E
M USEUM
OF
P H OCI ON (1648, C ARDIFF , N ATI ON AL
W ALES )
Dans notre œuvre, l’agencement de l’espace, des lignes et des plans de composition, assume totalement le sujet principal, qu’est le paysage. Ce n’est pas une œuvre révolutionnaire dans le sens où elle découle probablement d’une assimilation des caractéristiques du paysage classique.
L
es
analyses
iconographiques
et
plastiques
démontrent
l’appartenance de l’œuvre à une certaine tradition picturale de la peinture de paysages académique. De plus, le contexte de création semble se concentrer entre la fin du XVIIe siècle et la première moitié du XVIIIe siècle. Epoque qui semble correspondre à l’idée, que d’un point de vue plastique, l’œuvre ait joué un rôle décoratif pour un intérieur. Cependant, ces éléments importants pour la définition d’une œuvre d’art nécessitent un approfondissement particulier que nous réaliserons dans la seconde partie de l’étude historique, à savoir la datation et l’attribution de l’œuvre, sa finalité et sa provenance.
40
3 P ROBLÉMATIQUES AUTOUR DE L ’ HISTOIRE DE L ’ ŒUVRE Ainsi comme nous l’avons vu dans la tentative d’identification de l’œuvre, plusieurs éléments restent inconnus et nécessitent de véritables investigations pour tenter de les rendre plus clairs. Ces différents éléments sont l’auteur et la datation de l’œuvre, points cruciaux pour permettre une contextualisation de sa création, la provenance et la finalité de l’œuvre qui permettrait de mieux comprendre son parcours et son usage.
3.1 D ATATION
ET
A TTR IBUT ION
Sans signature présente sur l’œuvre, nous ne pouvons l’attribuer à un artiste précis. Cependant l’étude a démontré une série d’indices permettant de situer l’œuvre dans un contexte plus ou moins juste. 3.1.1 T R A D ITION D U XVII E S IÈ C LE , C R ÉA TION A U XVIII E S IÈ C LE ? La première partie de l’étude historique permet de définir le sujet comme étant celui du paysage sans connotation historique ou biblique ; « […] les éléments du beau paysage selon l’œil et la culture du XVIIe siècle [ :] rivière, collines, prairies et ciel composent un tableau de la nature au repos tout à la fois divers, grand et paisible ».40 Cela nous incite
à placer l’œuvre dans une époque qui développe ce genre de peinture, au sujet libéré. D’un point de vue plastique, on ressent l’assimilation du travail de Poussin et de ceux qui s’en sont inspiré, notamment pour la construction de la composition. Nous nous trouvons donc dans une période qui commencerait à la fin du XVIIe siècle. 3.1.2 A V IS 3.1.2.1
D ’ E X P E R TS
C O NCERNANT L ’ AUT EUR
Parmi les experts en peinture ancienne qui ont accepté d’émettre un avis sur photos, le nom d’Etienne Allegrain (1644-1736) revient fréquemment en ce qui concerne la composition41. Il s’agit d’un peintre de paysage français, proche de Francisque Millet
40 41
(Mérot, 2009 p. 82) Voir le point « 2. Définition et identification de l’œuvre au travers de l’iconographie et des moyens plastiques » pour retrouver des reproductions de ses œuvres. 41
(1642-1679). Assidu à l’Académie 42 , les historiens de l’art ne voient en lui qu’un « copiste sachant copier » l’œuvre de Poussin43.
I LL . 39 MILLET, F R ANCISQUE . P AYSAG E
IT ALI EN .
B ERL IN (S T AATLIC HE M USEUM ).
Francisque Millet (1642-1679) est également un peintre de paysage français, fort influencé par Poussin et élève de l’Académie 44 mais qui, selon les dires d’Emile Michel « peignit [l’Italie] sans l’avoir jamais vue » et se contente finalement d’immobiliser ses peintures dans « l’imitation de leur glorieux devanciers » 45.
D’autres noms sont évoqués parfois pour une caractéristique précise. Le nom d’ Hendrik Frans van Lint (1684-1763) est mentionné concernant la naïveté des personnages. Il s’agit d’un peintre nordique ayant voyagé à Rome et dont les peintures montrent une certaine légèreté dans la facture picturale.
I LL . 40 LINT, H ENDRIK F R AN S ( VAN ). P AYSAG E
CL ASSI QU E .
1749. C.P.
42
(Biard, 2003 p. 64) (Michel, 1906 p. 148) 44 (Biard, 2003 p. 8) 45 (Michel, 1906 p. 148) 43
42
I LL . 41 LINT, H ENDRIK F R AN S COLLIN E .
VAN .
1 ER
QU AR T DU
(L ONDR ES , N ATION AL G ALLERY ) [ EN
XVIII E
SIÈCL E .
P AYSAGE
AV EC UN VILL AGE SUR UNE
BAS À DR OIT E ] ET D ÉT AILS [ EN H AUT ET EN BAS À G AUC HE ].
Jean-Baptiste Pillement (1728-1808) est quant à lui cité en rapport avec l’aspect un peu « gouaché » de la facture picturale, notamment dans le feuillage. C’est un peintre lyonnais et il est l’un des « peintres les plus voyageurs du XVIIIe siècle » 46 , notamment à Rome. Il est également fort apprécié pour ses peintures décoratives
I LL . 42 PILLEMENT, J EAN -B APTI STE . P AYSAG E
46
PORTUG AI S ANIMÉ D E BERGER S .
C.P.
(Drouot) 43
D’autres professionnels ont également émis l’hypothèse de l’école romaine du XVIIIe siècle et notamment le travail d’Andrea Localetti (1695-1741). Paysagiste italien, il fut influencé par l’école bolonaise et romaine tout en étant sensible à l’œuvre de Poussin, « oscillant entre idéal et réalité »47.
I LL . 43 LOCALETTI, A NDREA. P AYSAG E SIÈCL E .
AVEC CAV ALI ERS , VOYAGEURS ET TR OU PEAU .
(G RENOBLE ,
I LL . 44LOCATELLI, A NDREA. 1 ÈR E
MOITI É DU
MUSÉE DE
XVIII E
2 ÈME
QU ART DU
XVIII E
G REN OBL E )
SIÈC LE .
P AYS AG E
IT ALI EN AVEC BAIGN EURS .
(C HER BOURG -O CTEVILLE , M USÉE T H OM AS H ENRY )
Les avis sont visiblement partagés concernant l’auteur ou tout du moins sur les ressemblances entre notre œuvre et le travail d’autres artistes. Ces divergences concernent également la provenance des artistes puisqu’il y a à la fois des
47
(Larousse, 2009) 44
propositions d’artistes nordiques, français et italiens. Néanmoins le point commun entre tous ces noms se trouve dans leurs années de production qui tournent autour de 1700. 3.1.2.2
C O NCERNANT LA D ATE
Tous les experts ont approuvé la date présente sur la fiche d’identification à savoir le premier quart du XVIIIe siècle. Cela correspond à l’idée précédente, d’une période débutant autour de 1700. 3.1.3 O R IG IN A L OU C OP IE ? La question est légitime, cependant y répondre est pratiquement impossible puisque nous n’avons trouvé aucune œuvre suffisamment similaire pour étayer la thèse de la copie et nous ne possédons pratiquement aucune information sur l’histoire de l’œuvre et de sa création. Néanmoins, la demande croissante de ce genre de peintures, le commerce des gravures et le développement du marché de l’art laissent imaginer une influence certaine des autres productions sur l’auteur de cette peinture. De plus, comme nous le verrons dans le point suivant, il s’agissait surtout de peintures décoratives qui étaient, d’une certaine manière, produites en « masse » et répondaient probablement à une certaine répétabilité du geste.
45
P
armi toutes les incertitudes qui concernent l’auteur et la date réelle de
création de cette œuvre, il existe une certitude concernant son appartenance au contexte du début du XVIIIe siècle. Les artistes qui ont été cités ont permis à plusieurs reprises d’illustrer des éléments iconographiques présents dans notre tableau avec d’autres exemples venant de leur travail. Les ressemblances iconographiques ou plastiques entre notre œuvre et les multiples exemples cités sont-elles issues de l’influence réelle d’un artiste ou de plusieurs artistes ou, finalement, n’estce qu’un automatisme lié à l’imitation, à la copie produisant « des œuvres aussi dépourvues de style que de naturel [qui] devaient provoquer à la fin une légitime réaction contre un genre [que les artistes] avaient ainsi eux-mêmes peu à peu discrédité (Mérot, 2009)»? Ce qui est certain c’est qu’au XVIIIe siècle,
le paysage était fort demandé et cela « condamnait les paysagistes de cette époque à une exécution un peu hâtive et par conséquent superficielle (Mérot, 2009) » de leur peinture.
46
3.2 U SAGE Au XVIIIe siècle se développent, en marge de l’évolution de la société, une mode et un goût pour la décoration d’intérieur qui contrastent avec l’austérité et la rigueur du règne de Louis XIV 48 . C’est ainsi que se développe l’art des trumeaux peints, à l’intérieur des appartements privés, et particulièrement sur « les portes, comme les fenêtres et les cheminées [ainsi que les miroirs], [qui] sont les axes essentiels de la 49
composition ornementale » . C’est principalement le second style Louis XIV, à partir
de 1680 à Versailles et au Trianon, qui marqua le début de l’évolution de la décoration d’intérieur50 : simplification des cheminées, allègement des panneaux de lambris, emploi de miroirs plus grands. Cette évolution atteint sa maturité « après 1700 dans les salons d’apparat d’hôtels particuliers parisiens » 51 . Ce mouvement
s’accorde pleinement avec la modernité des appartements de l’époque où les pièces, plus petites, ont des fonctions précises mises en valeur par une décoration innovatrice et cherchant le confort et l’intimité52. Le genre du paysage est très prisé pour répondre à ce nouveau marché 53, tendance qui ira en s’accentuant tout le long du XVIIIe siècle. Avec l’apparition des peintures de paysages à l’Académie, le marché de l’art évolue également et son intérêt se dirige désormais vers ce genre de peinture. Il faut se rappeler qu’à l’époque, les commandes royales diminuent fortement, et « l’art bénéficie d’une clientèle privée plus 54
importante avec la Régence » , principalement composée de financiers, de bourgeois,
de marchands, etc. Les peintures de paysage se marient particulièrement souvent aux miroirs qui se multiplient dans les intérieurs pour améliorer la luminosité.
48
(Malmaide, 2003 p. 20) (Nice, 1999 p. 39) 50 (Ibid. p. 39) 51 (Ibid. p. 39) 52 (Malmaide, 2003 p. 20) 53 (Nice, 1999 p. 30) 54 (Huang, 2005 p. 44) 49
47
« Surmontant la glace, la toile peinte fait l’objet d’une mise-en-scène raffinée. […] Inspirée de la grande tradition de la peinture française, la toile met en valeur le trumeau et fait de lui un objet particulièrement décoratif. »(Malmaide, 2003 p. 26)
I LL . 45 [E N H AUT [B AS
À DR OITE ]
ET EN
B AS
À G AUCHE ]
T RUMEAU X
ALLEGRAIN, E TIENNE , 1 ÈR E
(F ONT AINEBL EAU ,
PEI N TS DU
MOITIÉ DU
XVIII E
XVIII E
SI ÈCL E .
SI ÈCLE .
C.P. ( © M ALM AID E , 2003)
P AYSAGE
AVEC
S ILVIO P ELLI CO .
MUSÉE N AT ION AL )
D’un point de vue plastique, l’horizontalité du format, le contraste chromatique parfois fort entre les plans et la facture picturale légère permettent de penser que l’œuvre pourrait provenir d’un ensemble décoratif et pourrait avoir été créée pour être vue d’une certaine distance. Cela correspond à la possibilité que l’œuvre ait fait partie d’un trumeau, au-dessus d’un miroir probablement. 48
C ONCLUSION
L
’étude historique de l’œuvre ainsi que l’investigation au travers de la littérature et
des sources bibliographiques ont permis de répondre plus ou moins précisément aux différentes problématiques soulevées par l’œuvre. Ainsi nous pouvons centrer la période de création de l’œuvre autour du début du XVIIIe siècle. L’auteur ne nous sera probablement jamais connu mais nous pouvons raisonnablement penser qu’il a eu une formation académique, qu’il a été sensibilisé à la peinture de peintres de paysages tels que Nicolas Poussin et qu’il appartient à cette génération de peintres de paysages de France, d’Italie ou des pays nordiques, ayant été voyageurs ou n’ayant répondu qu’à une demande liée à l’essor de la peinture décorative. Cette dernière est la troisième réponse que nous avons tenté d’apporter en replaçant l’œuvre dans un usage précis, au sein d’une mode pour la décoration intérieure et la présence de nombreux éléments peints comme les trumeaux.
49
PARTIE II
SUJET TECHNICO-SCIENTIFIQUE
50
I NTRODUCTION
L
’étude technico-scientifique est en rapport direct avec le projet de conservation-
restauration de l’œuvre car il étudie un matériau utilisé durant le protocole. Ce matériau est le mélange de cire-résine constitué traditionnellement de cire d’abeille et de résine dammar. Après les explications détaillées des raisons qui nous ont poussés à choisir et à étudier ce matériau, deux études expérimentales sont effectuées avec les « moyens du bord ». Ces études concernent deux propriétés physiques du mélange cirerésine ; la température de fusion du mélange et l’adhésivité. Les résultats doivent nous permettre de visualiser la possibilité d’obtenir un mélange alternatif à celui de la cire d’abeille-résine dammar, principalement en changeant la cire. Au travers des résultats, nous souhaitons également en apprendre davantage sur les caractéristiques du mélange pour peut-être adapter notre manière de l’utiliser pour de futures utilisations.
1 S ITUATION INITIALE Le sujet scientifique élaboré pour ce mémoire est en lien direct avec le projet de conservation et de restauration de l’œuvre. C’est une œuvre qui a la particularité d’avoir une stratigraphie complexe et inhabituelle. Cette stratigraphie comporte en effet une couche de colle collagénique entre la couche picturale et le support toile. Nous n’entrerons pas ici dans les détails des hypothèses pouvant expliquer cette présence de colle. Cependant il est utile d’expliquer en quoi cette présence de colle est problématique pour la conservation du tableau.
51
1. Vernis naturel à base de résine mastic 2. Couche
picturale
huileuse
et
preparation huileuse 3. Couche de colle collagénique 4. Toile de lin (interne) réactive 5. Couche de colle collagénique 6. Toile
de
lin
(externe)
réactive
Ce matériau collagénique est, d’après les tests effectués, sensible à l’eau et à l’humidité. Lors de changements hygrométriques dans le lieu de conservation de l’œuvre, le risque est d’engendrer une « réaction » de la colle et d’augmenter les pertes de couche picturale liée à cette réactivité. Nous pensons pouvoir affirmer que les pertes visibles sur l’œuvre au moment de son examen sont liées à cette problématique. Le projet de conservation-restauration se base sur la volonté de stabiliser cette stratigraphie en intégrant un matériau inerte aux changements hygrométriques, insensible à l’humidité et qui annulerait la réactivité de la colle. Pour
diverses
raisons, c’est le mélange cire-résine (cire d’abeille et résine dammar) qui a été choisi pour réaliser une imprégnation par le revers de l’œuvre. Un autre élément s’ajoute à cette situation, c’est la présence d’un rentoilage à la colle de pâte. Nous devons enlever ce rentoilage pour pouvoir accéder au revers de la toile d’origine. Nous devons cependant inclure la possibilité de réaliser un nouveau rentoilage dans le projet de conservation-restauration.
2 P ROBLÉMATIQUE La problématique débute au moment du choix de l’adhésif puisque nous avons choisi d’utiliser la cire-résine au détriment d’adhésifs synthétiques. Dans le cas où nous devrions faire un rentoilage à la cire-résine après l’imprégnation, nous aurions une stratigraphie composée de cire-résine à au moins deux niveaux : entre la couche picturale et le support d’origine et entre le support d’origine et la toile de rentoilage. Or si nous incluons la possibilité d’un jour supprimer le rentoilage que nous comptons 52
réaliser (ce qui correspond à la notion de réversibilité de nos interventions), nous constatons un risque au niveau de l’imprégnation. En effet, un rentoilage à la cirerésine est réversible à la chaleur mais cette chaleur pourrait tout aussi bien réactiver la cire-résine présente au niveau de l’imprégnation mettant en péril l’adhésion de la couche picturale sur le support toile.
3 H YPOTHÈSE Notre hypothèse consiste à imaginer la possibilité de répondre à la problématique par l’utilisation de deux mélanges de cire-résine différents, notamment au niveau du point de fusion. Cela permettrait d’utiliser un premier mélange au point de fusion plus haut pour l’imprégnation au sein de la couche picturale et un second mélange pour le rentoilage, avec un point de fusion plus bas pour pouvoir le retirer sans mettre en péril la première intervention. Cette hypothèse se base sur plusieurs constations qui permettent de penser que cela est possible : o
Le mélange de cire-résine utilisé traditionnellement a des proportions très précises : 7 parts de cire pour 2 parts de résine. La littérature spécialisée sur le sujet n’est pas vraiment très explicite sur la pertinence de cette composition. Nous nous demandons comment les caractéristiques du mélange évoluent suivant la part de chaque composé.
o
Il existe de nombreuses cires différentes : cire d’abeille jaune, cire d’abeille blanche, cire carnauba, cire candelilla, cire microcristalline, etc. Beaucoup sont utilisées en restauration, dans diverses spécialités, pour divers traitements. Pourquoi la cire d’abeille est-elle la seule référencée pour le mélange de cire-résine ?
o
Enfin, la dammar est également la seule résine utilisée pour ce mélange. Certes sa réputation, son usage et ses caractéristiques font de cette résine l’une des plus utilisées en restauration, mais peut-elle être remplacée ou joue-t-elle un rôle particulier dans le mélange que nous pourrions adapter pour notre problématique ?
Notre hypothèse se base principalement sur la notion de point de fusion (liée à la démarche de réversibilité). Bien sûr un adhésif utilisé pour une imprégnation ou un rentoilage doit répondre à d’autres critères que nous envisagerons si notre première hypothèse est concluante. Pour cela, nous pensons étudier les points de fusion de mélange de cire-résine en variant les composants et leurs proportions. A partir du moment où nous aurons un tableau reprenant l’évolution des points de fusion, nous 53
pensons pouvoir développer notre recherche dans le but de répondre à l’hypothèse d’un deuxième mélange de cire-résine applicable en restauration de peinture.
4 E TUDES DES MATÉRIAUX 4.1 C HOIX
DES MATÉR IAUX
Le mélange cire-résine est donc composé à la base de cire et de résine et peut être complété par un agent plastifiant comme l’élémi. Notre étude va se concentrer sur la cire et la résine. La notion de cire est relativement floue et désigne « toutes sortes de matériaux cireux, de consistance particulière, rappelant celle de la cire d’abeille »55. Parmi le classement fait par le dictionnaire de Perego56, nous constatons un ensemble appelé « cires vraies » qui comprend les cires d’origines naturelles (animales ou végétales) et rejetant par la même occasion, l’ensemble des « cires hydrocarbures », les « stérides », les « triglycérides » et les « cires synthétiques ». Dans notre démarche, nous souhaitons également rester dans l’utilisation de matériaux « naturels » et évitant les produits synthétiques. L’ensemble des « cires vraies » nous semble être un choix de matériaux à tester cohérent avec notre projet de conservationrestauration. Au sein de ce groupe, nous choisissons évidement la cire d’abeille (jaune et blanchie) mais également une autre cire d’origine animale avec la cire de gomme laque et deux cires d’origine végétale ; la cire candelilla et la cire carnauba. La résine dammar est une résine qui a fait ses preuves en restauration et face à elle, nous avons plus d’une dizaine d’autres résines naturelles. Tout comme la cire, de manière générale, les résines naturelles sont compliquées à étudier parce que leurs compositions sont variables et que cela induit des changements de propriétés. Nous constatons dans le tableau de Perego, qu’aucune résine ne semble réellement proche des caractéristiques de la dammar (soit c’est le point de fusion, soit c’est l’indice d’acide qui est trop élevé). Ce qui est intéressant de remarquer, par contre,
55 56
(Perego, 2005 p. 197) (Ibid.) 54
c’est la compatibilité avec l’élémi. Dans ce protocole, afin de cibler d’avantage notre recherche, nous choisissons de ne pas faire varier la composante « résine » et de conserver la dammar comme matériau. Cela se traduit donc par une variation de la cire au sein du mélange avec une utilisation constante de la résine dammar.
4.2 G ÉNÉRALITÉS
SUR LES MATÉR IAUX
4.2.1 R É S IN E D A MMA R 4.2.1.1
N ATURE
Les dammars57 sont des résines naturelles58 qui sont produites par près 450 espèces d’Hopea et de Shorea59 qui font parties des Diptérocarpacées (Angiospermes) 60. 4.2.1.2
H I STO RI Q UE
Leur utilisation semble remonter au XIXe siècle 61 . Dès lors ces résines ont pu s’imposer dans le milieu artistique pour leurs propriétés et spécifiquement pour les vernis. 4.2.1.3
U TI LI SATI O N
Essentiellement utilisé pour les vernis maigres mais également comme liant ou comme adhésif dans la cire-résine. 62 4.2.1.4
R EM ARQ UES
Dès le départ nous constatons qu’un problème existe quant à l’information de la provenance de la dammar. 450 espèces pour produire peut-être autant de résines appelées « dammar » laisse sous-entendre une possibilité de composition différente sans savoir jusqu’où ces différences influencent sur les propriétés du matériau. De
57
Ici le terme est utilisé au pluriel car il existe plusieurs résines dammars, y compris des abus de langages. 58 (Perego, 2005 p. 254) 59 (Petit, et al., 1999) 60 (Masschelein-Kleiner, 1992 p. 97) 61 (Perego, 2005 p. 254) « Il aurait été décrit pour la première fois par Lucanus en 1829 ». 62 (Ibid. pp. 255-256) 55
plus, aucune information concernant l’origine géographique n’arrive jusqu’au fournisseur chez qui le restaurateur achète sa matière première. Nous pensons alors que le plus sûr est d’acheter en une seule fois suffisement de matière première pour l’ensemble des expérimentations. Ainsi, nous réduisons peutêtre suffisamment les risques d’avoir des dammars différentes que dans le cas contraire où la matière serait achetée sur une durée de 6 mois à un an. 4.2.2 C IR E S 4.2.2.1
H I STO RI Q UE
L’histoire de l’utilisation des cires dans les arts est pratiquement celle d’une seule cire, la cire d’abeille, dont l’utilisation est la plus répandue, temporellement et géographiquement63. Son utilisation est avérée jusque dans l’Antiquité en Occident (enduit protecteur, adhésif, imperméabilisant, support…) 64. 4.2.2.2
C OM PO SI T IO N
Les « cires vraies » sont principalement des lipides composés d’esters d’acides gras65. Elles contiennent également des acides gras et des alcools gras libres, des hydrocarbures, des esters d’hydroxyacides, des diesters de diacides, des résines terpéniques, des stérols et d’autres éléments leur conférant odeur et couleur 66. Une lecture des compositions détaillées de chaque cire met en évidence un certain nombre de points qui seront peut-être utiles pour la compréhension des résultats :
En quantité d’esters d’acides gras, c’est la cire de carnauba, suivie de près par la cire de gomme laque et la cire d’abeille jaune qui possède le plus haut taux.
La cire de gomme laque possède une quantité allant de 1 à 4% de résine tandis que la cire de carnauba possède jusqu’à 6% de résine.
La cire de candelilla est la cire qui détient le plus bas taux d’ester d’acide gras (30%) et le plus haut taux d’hydrocarbures (50%)
63
(Perego, 2005 p. 198) (Ibid. p. 201) 65 (Ibid. p. 198) 66 (Ibid. p. 198) 64
56
4.2.2.3
P RO PRI ÉTÉS 67
4.2.2.3.1
C A R A C TÉ R IS TIQU E S
GÉ N É R A LES D ES C IR E S
Ce sont des matériaux solides à température ambiante avec une densité de 0,930 à 1,001 (entre 15 et 20°C). Leur point de fusion, ou point de goutte, varie entre 40 et 120°C et peuvent marquer une rétractation lors du refroidissement et de la solidification. Les cires peuvent fluer sous une contrainte constante et leur aspect peut être modifié par le lustrage. Elles sont également très résistantes à la lumière. 4.2.2.3.2
S OLU B IL ITÉ
Soluble
E T IN S OLU B IL ITÉ
Abeille jaune et blanchie
Candelilla
Carnauba
Gomme laque
Hydrocarbures aromatiques, hydrocarbures chlorés, essence de térébenthine chaude, huiles végétales à chaud.
Acétone, hydrocarbures aromatiques, essences de pétrole, essence de térébenthine, hydrocarbures chlorés, les huiles (à chaud)
Hydrocarbures aromatiques, acétone, hydrocarbures chlorés, esters, essence de térébenthine
Hydrocarbure aromatiques, hydrocarbures aliphatiques, hydrocarbures chlorés, essence de térébenthine
Peu ou partiellement soluble
Insoluble
4.2.2.4
Alcool, éther
Eau
Eau, méthyléthylcétone
U TI LI SATI O NS
Les cires sont utilisées de manière générale comme liant, film protecteur, additif (épaississant, plastifiant, conservateur…) et adhésif68.
67 68
(Perego, 2005 pp. 197-209) (Ibid. pp. 197-200) 57
La cire de candelilla reste peu utilisée mais elle possède des qualités se situant « entre la cire de carnauba et la cire d’abeille »69. La cire de carnauba est « appréciée pour les vernis » (comme additif ou pure)70. La cire de gomme laque peut être un substitut de la cire de carnauba 71. 4.2.2.5
R EM ARQ UES
Le problème de traçabilité des cires est le même problème que pour les résines dammar. Nous ne pouvons garantir la même composition d’une récolte à une autre, nous ne pouvons parfois connaître l’origine réelle des matériaux, ni les traitements qui ont été appliqués pour purifier la cire. Aussi nous appliquons la même règle de prudence et nous nous fournissons suffisamment en matière première pour espérer obtenir une étude cohérente. 4.2.3 L E MÉ LA N GE C IR E -R É S IN E E N R ES TA U RA TIO N L'utilisation de la cire-résine en tant que produit de restauration semble avoir été introduite en premier lieu en Hollande vers le milieu du XIXe siècle72.
69
(Perego, 2005 p. 205) (Ibid. p. 206) 71 (Ibid. p. 209) 72 (Percival-Prescot, 2003 p. 12) 70
58
I LL . 46 L IGNE
DU TEMPS D ES M ATÉR IAUX DE MISE - EN - OEU VR E DES SUPPORTS ET DES M ATÉRI AUX D E
REST AU R ATION DU SU PP ORT .
(P ERCIVAL -P RESC OT , 2003 P . 16)
La ligne du temps, retraçant l'évolution de l'utilisation de différents produits et, entre autres, l'utilisation de la cire au sein des traitements de support, permet également de constater que la cire a d'abord été utilisée en tant que produit d'imprégnation vers le milieu du XVIIIe siècle avant de devenir, avec la méthode hollandaise, un produit de rentoilage vers la moitié du XIXe siècle. Au XVIIIe siècle, le comte Caylus a étudié la possibilité d'imprégner les toiles, support des œuvres d'art, d'un mélange de cire qui permettait finalement de réaliser une barrière contre l'humidité et de consolider le support même de l'œuvre. Cependant il insiste sur le point qu’il n'était en aucun cas question de consolider ou d'imprégner des toiles déjà peintes (opération beaucoup trop dangereuse)73.
73
(Percival-Prescot, 2003 pp. 10-11) 59
Au XXe siècle, la cire-résine devient un matériau phare de la restauration de peinture et de nombreuses institutions développent son utilisation (National Gallery à Londres, l’Institut du Patrimoine Artistique à Bruxelles,…). C’est principalement en tant qu’adhésif de rentoilage que la cire-résine fit sa renommée. La méthode hollandaise (Dutch Method), méthode de rentoilage employant la cire-résine, fut mise au point par le Dr Martin de Wild74 mais sa technique fut réévaluée par Georges Messens au début des années 1960. Depuis 1974, d’autres améliorations vinrent encore modifier le protocole de départ75. Seulement, toutes ces modifications ne semblent concerner que les étapes du rentoilage, par forcément le mélange de cire-résine. Au-delà des interventions du support, le mélanges cire-résine est effectivement utilisé pour d’autres interventions comme le refixage de la couche picturale (surtout pour les peintures sur bois où les adhésifs aqueux peuvent être problématiques) ou les protections de surfaces. Concernant la composition du mélange de cire-résine, il convient de dire qu’elle est très variable, selon le lieu, l’institution, le restaurateur. Dans la littérature ou dans l’observation (au sein des ateliers), nous constatons une multitude de mélanges mais tous semblent utiliser la cire d’abeille. Parfois il fait mention de cire de carnauba. Au départ c’était la colophane qui était utilisée en mélange avec la cire mais depuis quelques dizaines d’années, elle est remplacée par la dammar car son indice d’acide est plus bas. Quant aux proportions, le mélange 7:276 est le plus fréquent pour les interventions du support mais il existe également 3:2 77 , 2:1 ou 1:1 78 . Quant aux mélanges utilisés pour le refixage de la couche picturale, nous constatons une notation en pourcentage (quantité de dammar) : 3%, 5%, 7%, 12% ou 15% 79 , d’autres mélanges étant également utilisés en dilution avec des solvants (hydrocarbures) pour effectuer des protections de surfaces par exemple.
74
(Wild, 1931 pp. 41-46) (Messens, 2003 pp. 75-76) 76 (Rostain, 1981) 77 (Robinson, 2003 pp. 112-113) 78 (Marconi, 2003 p. 77) 79 Observations personnelles faites dans divers ateliers. 75
60
L’intérêt de notre étude est d’autant plus grand que la grande variabilité de l’utilisation de la cire-résine, en des proportions et des recettes très différentes, est encore complètement d’actualité.
5 P REMIÈRE FUSION »
COMPAR ATIVE :
ÉTUDE
« POINT
LE
DE
5.1 I NTRODU CT ION A P A R TÉ :
N OTION D E TE MP É R A TUR E OU P OIN T D E FU S ION
T E MP ÉR A TU RE :
N.F.
GRANDEUR
P H Y S I Q U E Q U I C A R A C T É R IS E D E F A Ç O N O B J E C T I V E L A S E N S A T I O N
SUBJEC T IVE DE CH ALEU R OU DE FRO ID LA IS SÉ E P AR LE CON TAC T D ’UN COR PS
80
.
F U S ION :
N.F.
(LA T.
F U S IO ).
DE LA CHA LEUR.
LE «
PASSAGE
D ’ U N C O R P S S O L I D E À L ’ É T A T L IQ U I D E S O U S L ’ A C T I O N
81
P OIN T D E FU S ION
»
OU
«
TE MP É R ATU R E D E FU S IO N
»
R E P R É SE N TE LE
P A SS A GE D ’ U N É TA T S OLID E À U N É TA T L IQU ID E E N FON C T ION D ’ U N C E R TA IN A P P OR T D E C H A LEU R
( D ’ É NE R GIE ). R E LE VE R
LA TE MP É RA TU R E C ’ ES T R E LEV E R
LA QU A N TITÉ D ’ É N E R GIE N É C E SS A IR E P OU R D É S OR GA N IS E R LA MA TIÈ R E A FIN QU E C E LLE - C I S E R E TR OUV E D AN S UN É TAT L IQU ID E .
Cette température, qui permet justement la réversibilité du mélange cire-résine, est influencée par les composants du mélange, la cire d’abeille et la résine dammar. Or nous pensons qu’en changeant la nature de la cire ainsi que les proportions vis-à-vis de la résine au sein du mélange, nous observerons, a priori, des évolutions de température de fusion. Cette analyse est purement indicative car elle nous permettra
80 81
(Larousse illustré, 2008 p. 999) (Ibid. p. 449) 61
tout simplement de visualiser l’évolution de la température à laquelle le mélange passe de l’état solide à l’état liquide. Il est nécessaire de considérer que ce premier test concernant l’étude du point de fusion se base sur un a priori purement théorique. Le point de fusion de la résine dammar étant bien plus haut que celui de la cire, le point de fusion du mélange devrait osciller entre ceux des deux composés en fonction des proportions du mélange. Pour finir, ce que nous entendons comme étant le « point de fusion » du mélange est un abus de langage car selon sa définition, il n’existe pas de température unique et fixe pour un corps non-pur. Aussi ce que nous, nous considérons comme un point de fusion, c’est la température à laquelle notre échantillon, lui-même représentatif d’un mélange cire-résine à une composition donnée, fond et diffuse au contact d’un papier type papier Bolloré. Cette notion de diffusion est majeure dans notre problématique de réversibilité. Toujours dans notre hypothétique situation de dé-rentoilage, l’action de la chaleur va permettre à l’adhésif cire-résine de passer de l’état solide à un état de plus en plus liquide et c’est lorsqu’il va être capable de se diffuser dans la stratigraphie que la situation sera problématique pour l’adhésion-cohésion de l’œuvre.
5.2 P ROTOCOLE
DE TEST
5.2.1 M IS E A U P OIN T D U P R OT OC OLE Le matériel utilisé pour chauffer l’échantillon et relever la température est une spatule chauffante (CTS) indiquant la température avec une précision de ± 1 degré. Le protocole de test est le suivant : Un échantillon est alors placé sur la spatule chauffante montée à 50°C. Nous observons le comportement de l’échantillon. Si l’échantillon ne réagit pas, nous l’enlevons et nous augmentons la spatule chauffante de 5 degrés avant de remettre un nouvel échantillon et de réitérer l’observation. Si l’échantillon commence à fondre, nous attendons de constater que l’ensemble de l’échantillon soit fondu. Lorsque nous constatons la fusion du mélange, nous marquons un temps d’arrêt pour laisser la spatule chauffante refroidir et nous reprenons le protocole pour cette fois-ci marquer chaque degré au lieu de faire un écart de 5 degrés pour ainsi déterminer la température précise de diffusion dans le papier Bolloré.
62
5.2.2 E TU D E D E LA R ÉP É TAB IL ITÉ D U P R OTOC OLE Nous choisissons de tester un échantillon de cire d’abeille jaune pour évaluer la répétabilité du protocole. Les résultats obtenus pour 10 tests sont les suivants : Echantillon 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Moyenne Max Min Incertitude absolue Incertitude relative
Température (C°) 60 60 61 60 60 60 61 59 60 60 60,1 61 59 1 1,66%
Nous pouvons dire que le protocole est fiable et répétable puisque l’incertitude relative ne dépasse pas les 2% sur un résultat équivalent à 60°C.
5.3 R ÉALISATION
DES ÉCHAN T ILLONS
Nous avons choisi de ne faire varier qu’un seul composant, la cire, concernant sa nature et sa proportion. Plusieurs sortes de cires ont donc été choisies, animales ou végétales mais toutes sont d’origine naturelle. Dans un premier temps nous réalisons des mélanges avec seulement deux composés, soit une cire et la résine Dammar. Dans une seconde expérience, nous mélangeons deux cires avec la résine Dammar.
63
5.3.1 E TU D E D E S PR OP OR TION S P OU R LE S MÉ LAN GE S À D E UX C OMP OS É S Nous avons établi le protocole de mise-en-œuvre suivant la recette traditionnelle de la cire-résine mais en faisant donc varier les proportions entre la cire et la résine suivant l’exemple du tableau ci-dessous : Cire (parts) 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Résine (parts) 8 7 6 5 4 3 2 1 0
Nous avons également établi qu’une part équivalait à 5 grammes de matière sèche ce qui ramène la totalité de chaque mélange à 45 grammes de matière sèche. L’incertitude concernant la précision de la mesure varie selon la quantité de matière (qu’elle soit de 5 gramme pour une part ou 45 grammes pour 9 parts). L’outil de mesure est une balance numérique ayant ± 1 gramme de précision. Le tableau ci-dessous reprend l’étude des incertitudes concernant la mesure de la quantité de matière sèche pour chaque mélange :
MELANGES N°
Cire
Résine
Incertitude relative du mélange
m cire (kg)
Incertitude absolue
Incertitude relative
m résine (kg)
Incertitude absolue
Incertitude relative
1
5 .10-3
1.10-3
20%
40 .10-3
1.10-3
2,50%
22,5%
2
10 .10-3
1.10-3
10%
35 .10-3
1.10-3
2,80%
12,8%
3
-3
-3
-3
-3
3,30%
9,9%
-3
4%
9%
-3
5%
9%
-3
6,60%
9,9%
-3
10% 20%
12,8% 22,5%
4 5 6 7 8
15 .10
-3
20 .10
-3
25 .10
-3
30 .10
-3
35 .10 -3 40 .10
1.10
-3
1.10
-3
1.10
-3
1.10
-3
1.10 -3 1.10
6,60% 5% 4% 3,30% 2,80% 2,50%
30 .10
-3
25 .10
-3
20 .10
-3
15 .10
-3
10 .10 -3 5 .10
1.10 1.10 1.10 1.10
1.10 -3 1.10
64
5.3.2 E TU D E D E S PR OP OR TION S P OU R LE S MÉ LAN GE S À TR OIS C OMP OSÉ S Nous choisissons pour cadrer l’expérience de ne travailler qu’avec les proportions cire-résine 7-2 (soit sept parts de cires pour deux parts de résine), 5-4 (soit six part de cires pour trois parts de résine) et 3-6 (soit cinq parts de cires pour quatre parts de résine). Au sein même des parts de cires, nous choisissons de mélanger deux cires différentes et ce, en trois proportions différentes selon le tableau ci-dessous : Cire 1 70% 50% 30%
Cire 2 30% 50% 70%
Ainsi nous obtenons les mélanges suivant : Cire 1 Mélanges N°
Cire 2
Résine (Kg)
Masse (10-3Kg)
Incertitude relative
Incertitude relative sur l’ensemble du mélange (45.10-3 Kg)
Masse (10-3Kg)
Incertitude relative
Masse (10-3Kg)
Incertitude relative
1
24,5
0,4%
10,5
0,9%
2
17,5
0,6%
17,5
0,6%
3
10,5
0,9%
24,5
0,4%
2,3%
4
17,5
0,6%
7,5
1,3%
2,4%
5
12,5
0,8%
12,5
0,8%
6
7,5
1,3%
17,5
0,6%
2,4%
7
10,5
0,9%
4,5
2,2%
3,4%
8
7,5
1,3%
7,5
1,3%
9
4,5
2,2%
10,5
0,9%
2,3% 10
20
30
1%
0,5%
0,3%
2,2%
3,1%
2,9% 3,4%
65
5.3.3 R É A LIS A TION 5.3.3.1
5.3.3.2
D E S É C H A N TILLON S
M ATÉRI EL
Cire et résine dammar en quantité suffisante
Bain-marie (pour la cire)
Casserole (pour la résine)
Moule en silicone
P RO TO CO LE
Lorsque les quantités de cire et de résine sont correctement déterminées, nous suivons la recette d’Emile Rostain82 pour mettre en œuvre les échantillons. Pour cela, il est nécessaire de faire chauffer la cire au bain-marie pour éviter de la faire bouillir et de chauffer dans le même temps la résine à feu vif. Ensuite, lorsque les deux composés se trouvent dans un état liquide, la cire est versée dans la résine (et non l’inverse au risque d’observer un phénomène de cristallisation de la résine) hors du feu et le tout est mélangé jusqu’à obtenir une substance homogène. L’ensemble peut alors être réchauffé au bain-marie. Nous avons réalisé des échantillons grâce à un moule en silicone formant des billes pour permettre un conditionnement aisé et une visualisation comparative des propriétés esthétiques (couleur, brillance, matité) plus pratique.
I LL . 47 M OULE SILIC ONE
EN
( © M UJI )
A ce stade de la réalisation des échantillons, nous prenons conscience de la grande difficulté de rendre le protocole répétable dans sa mise-en-œuvre. En effet, d’un point de vue théorique, nous pensons que le temps de chauffage de la résine et de la cire, la température à laquelle les composés se trouvent lors du mélange et l’homogénéité (ou plutôt l’hétérogénéité) qui peut être de qualité différente au
82
(Rostain, 1981 p. 134) 66
moment du mélange sont autant de paramètres pouvant influencer les propriétés du produit final. Cependant, nous constatons que dans la pratique de la restauration, la « recette » de mise-en-œuvre ne comporte pas plus de renseignements et nous décidons de « jouer le jeu » et de réaliser ces échantillons dans les mêmes conditions qu’un cas pratique dans l’incertitude de savoir si cela risque de jouer un rôle déterminant concernant le point de fusion.
I LL . 48 V ISU ALISATI ON D ' UN E
BILLE D E CIR E - RÉSIN E
5.3.4 V É R IF IC A T ION D E LA R É P É TAB IL ITÉ D U P R OTOC OLE Nous décidons de vérifier la répétabilité du protocole après la réalisation des échantillons pour comparer les résultats. C’est le mélange « 8 parts de cire d’abeille et 1 part de résine dammar » que nous choisissons de tester. Echantillon
Température (C°)
1
64
2
63
3
63
4
63
5
64
6
64
7
63
8
63
9
62
10
63
Moyenne
63,2
Max
64
Min Incertitude absolue Incetitude relative
62 1 1,58%
67
Nous constatons que l’erreur n’est pas plus importante que pour le premier test de répétabilité. Le protocole semble permettre une étude correcte et des résultats fiables. Le nombre d’échantillons testés par mélange sera au nombre de trois ce qui devrait garantir une fiabilité du résultat et une incertitude relative faible.
5.4 R ÉSULTATS 5.4.1 M É LA N GE S
À DE UX C OMP O SÉ S 83
Température relevée Parts de cire84 9 8 7 6 5 4 3 2 1
5.4.1.1
Abeille jaune Mesures 60-60-60
Moyenne
64-63-64
94-93-95
64 70 73 78 82 88 94
100-100-98
99
69-70-70 73-74-73 78-78-78 81-82-82 88-88-89
60
Candelilla Mesures 62-62-63
Moyenne
66-67-67 73-73-74 79-78-79 82-83-83 89-88-88 93-93-93 95-96-96 100-9999
(± 1°C) Carnauba Mesures 80-80-81
Moyenne
67 73 79 83 88 93 96
83-83-83
98-99-98
83 86 87 90 93 95 98
100
99-99-99
99
62
86-86-86 86-87-86 90-91-91 93-93-92 96-95-94
81
Gomme laque Mesures 72-71-71
Moyenne
77-77-77
77 80 83 88 92 95 98
80-79-79 82-84-84 88-88-88 93-92-92 94-95-95 99-99-97 100-102102
72
102
L ECTURE DES RÉ SULTAT S
Un graphique est visible en Annexe pour consulter les courbes évolutives des températures relevées pour chaque mélange. Comme nous pouvions l’imaginer, les différentes cires n’ont pas le même point de fusion lorsqu’elles sont « pures », c’est-à-dire sans dammar. Il existe néanmoins un écart considérable de 20°C entre la cire d’abeille jaune et la cire de carnauba.
83 84
Selon les critères expliqués dans le protocole. Sur un total de 9 parts. 68
Au fur et à mesure que la part de dammar croît dans le mélange, la température de fusion augmente proportionnellement. C’est pour cette raison que nous observons des tracés sur le graphique ayant l’allure de droites. Lorsque la part de cire est quasiment nulle, à savoir 8/9 parts de résine dammar, l’ensemble des températures relevées se rejoignent autours des 100 °C. 5.4.2 M É LA N GE S
À TR OIS C OMP OSÉ S
Abeille-Carnauba 85
Dammar
70%(AJ) 30%(CB)
50%(AJ) 50%(CB)
Moyenne
30%(AJ) 70%(CB)
Moyenne
Moyenne
2
65-65-65
65
73-73-73
73
77-77-77
77
4
76-77-77
77
81-81-82
81
84-85-85
85
6
89-89-90
90
92-92-92
92
93-94-93
93
Abeille-Gomme laque Dammar
70%(AJ) 30%(GL)
50%(AJ) 50%(GL)
Moyenne
30%(AJ) 70%(GL)
Moyenne
2
61-62-62
62
67-68-68
4
74-74-74
74
79-79-78
6
88-89-88
89
93-92-92
68 79 92
Moyenne 69-72-72
72
86-86-86
86
94-93-93
94
Abeille-Candelilla Dammar
70%(AJ) 30%(CL)
50%(AJ) 50%(CL)
Moyenne
5.4.2.1
30%(AJ) 70%(CL)
Moyenne
Moyenne
2
70-70-71
71
70-70-70
70
73-73-73
73
4
81-81-81
81
78-79-79
79
81-81-81
81
6
89-89-88
89
91-90-91
91
91-92-93
92
L ECTURE DES RÉ SULTAT S
Nous choisissons d’étudier en particulier les résultats pour la cire d’abeille jaune et de carnauba pour mettre en évidence un comportement répétitif de l’évolution du point de fusion.
85
Soit 2 parts sur 9, 4 parts sur 9 et 6 parts sur 9. Le reste étant complété par les cires. 69
De la même manière que pour les mélanges à deux composés, la température de fusion tend à s’élever de manière proportionnelle à la part de dammar.
Cire d'abeille jaune et Carnauba 110
100
90 Température relevée (°C)
70% (AJ) - 30% (CB) 50% (AJ) - 50% (CB)
80
30% (AJ) - 70% (CB) 70
60 2
4 Part de Dammar (x/9)
6
Ainsi le point de « départ » de chaque droite a une température différente oscillant entre les températures de fusion des deux cires mises-en-œuvres en fonction de leur pourcentage dans le mélange. Au fur et à mesure que la part de cire diminue au profit de la part de dammar (sur l’ordonnée du graphique), les droites se rejoignent au dessus des 90°C. Ce comportement ressemble à celui observé dans la première partie de l’expérimentation avec deux composés. Mais la présence de deux cires différentes dans chaque mélange montre également une évolution de la température en fonction de la part de chacune.
70
Evolution de la température en fonction de la part de cire d'abeille 110 100 90 80
Température relevée (°C)
70 60 70
50 Part de cire d'abeille (% ) dans le mélange avec la carnauba 2
4
30
6
Ainsi, nous constatons que dans les résultats concernant les mélanges avec deux parts de résine (ocre clair sur le graphique) pour sept parts de cire, l’influence de la cire d’abeille, qui a un point de fusion 20°C en dessous de celle de la cire de carnauba, permet de faire évoluer la température entre 65 et 77°C, soit un écart de 12°C. Cette influence diminue lorsque la part de dammar augmente dans le mélange réduisant ainsi les écarts à 3°C dans la dernière droite.
71
6 D EUXIÈME ÉTUDE COMPARATIVE : L ’ ADHÉSIVITÉ 6.1 I NTRODU CT ION A P A R TÉ :
N OTION D ’ A D H É S IV ITÉ
A D H É S IV ITÉ :
N. F . A P T I T U D E
D’UN M ATÉR IAU À ADHÉ RER À UN AUTR E.
86
S ’ A GIT D ON C D E QU AN TIF IE R L ’ A P T ITU D E D E LA C IR E - R É S IN E E S T DE FA IR E
IL
A D H ÉR E R D EU X MA TÉ R IA U X C ON TR A IN TE S P É C IF IQU E QU E
L ’ ON
OB TIE N D R A
( D EU X
TOIL E S ) E N LE S C ON FR ON TAN T À U N E
( P OID S ). C’ E S T
DES
D ON N ÉE S
E N ME S U R AN T C E TT E C ON TR A IN TE
C H IFFR É E S
QU I
P E R ME TTR ON T
DE
C OMP A RE R L ’ A D HÉ S IV ITÉ D E S MÉ LA N GES .
L’adhésivité est un concept scientifique relativement difficile à définir et pour l’expliquer, il existe une dizaine de théories différentes que nous ne détaillerons pas ici. L’intérêt de comparer les différents mélanges du point de vue de leur adhésivité concerne principalement les cas de rentoilage à la cire-résine. Il s’agit, pour la totalité des différents adhésifs naturels ou synthétiques présents sur le marché, d’être à la fois suffisamment résistants pour garantir l’efficacité du traitement (consolider une toile par une autre, maintenir d’anciennes déchirures…) mais d’être également totalement réversibles pour permettre de nouvelles interventions par la suite. Ce test doit nous permettre d’en savoir plus sur le comportement du mélange cirerésine face à la contrainte et notamment sur le rôle joué par chaque élément (cire ou résine). Cela nous donnera également des indications sur les différentes cires qui pourront être mises en rapport avec les résultats obtenus dans le premier test.
86
(Larousse illustré, 2008 p. 15) 72
6.2 P ROTOCOLE
DE TEST
6.2.1 M IS E
A U P OIN T D E S É C H A N TILLON S
6.2.1.1.1
M A TÉ R IE L
Mélange cire-résine préalablement fait
Bain-marie
Toile
1500g de billes métalliques
Récipient
Balance de précision
Ficelle
Papier adhésif
6.2.1.1.2
P R OTOC OLE
Pour chaque mélange testé, dix rectangles correspondant aux échantillons sont dessinés sur un morceau de toile rectangulaire. Le mélange cire-résine est mis à fondre au bain-marie. Avec un spalter, nous appliquons la cire sur les bandelettes de toile en veillant à laisser la moitié des rectangles sans cire. Lorsque la totalité de la cire-résine est refroidie, nous plions le reste de la toile par-dessus en veillant à respecter la superposition des traits. Ainsi les échantillons seront relativement uniformes. Nous passons un fer chaud qui permet de solubiliser la cire-résine et ainsi faire adhérer la seconde partie de toile. La pression du fer dégage le surplus de matière ce qui permet d’égaliser relativement bien la quantité d’adhésif entre chaque échantillon. L’homogénéisation de la quantité de cire-résine est ensuite vérifiée qualitativement en fonction de la transparence. Mise en contre-jour d’une source de lumière, la bandelette doit être translucide de manière homogène. Enfin chaque échantillon est découpé en suivant les lignes préalablement dessinées. Les extrémités sont séparées jusqu’à la limite horizontale. Un bord est alors recouvert de scotch pour le consolider puis une perforation circulaire permettra l’accroche d’un trombone supportant lui-même le poids représentant la contrainte du test. L’autre bord est collé sur le plan de travail avec du papier adhésif.
73
I LL . 49 V ISU ALI SATI ON
D ES ÉCH ANT ILLON S
6.2.2 M IS E A U P OIN T D U P R OT OC OLE D E TES T Les échantillons sont placés sur un plan horizontal avec une partie maintenue sur le plan et l’autre rattachée à une cordelette grâce à la perforation réalisée dans l’échantillon. La cordelette est suffisamment longue pour dépasser l’extrémité du plan de travail et pour laisser pendre un récipient pouvant contenir une charge. Cette charge est constituée de microbilles d’acier qui vont être ajoutées au fur et à mesure du test jusqu’à ce que le poids obtenu fasse céder l’échantillon. L’utilisation de microbilles d’acier assure un contrôle de l’ajout de poids pour s’assurer que cela soit régulier et facile à arrêter pour obtenir un résultat le plus fiable possible. L’eau qui est souvent utilisée en guise de charge a un volume beaucoup plus important et il est plus difficile de gérer la régularité de l’apport ainsi que son arrêt au moment de l’arrachage. Ensuite la charge est pesée pour obtenir le poids ayant suffit pour effectuer un arrachage entre les deux parties de l’échantillon ultérieurement collées avec la cirerésine. Pour éviter un effet de frottement entre la partie supérieure et le plan de travail, un cylindre en plastique (paille) est placé à l’endroit du pli pour éviter la mise en contact des éléments. Le cylindre en plastique est suffisamment léger et souple pour ne pas engendrer de conséquences, a priori, dans les résultats.
74
75
6.2.3 E TU D E D E LA R ÉP É TAB IL ITÉ D U P R OTOC OLE Nous choisissons de tester le protocole avec une série de dix échantillons réalisés avec le mélange « 7 parts de cire pour 2 part de résine ». Poids relevé (10-3 Kg) 1
735
2
726
3
706
4
729
5
732
6
748
7
736
8
744
9
737
10
743
Moyenne
735
Max Min Incertitude absolue
744 726
Résultat
735.10 (±9.10 ) Kg
Incertitude relative sur le résultat
1,22%
9 -3
-3
Visiblement, le protocole semble correct puisque nous obtenons moins de 2% d’incertitude sur le résultat. Cependant nous pensons qu’il serait judicieux de continuer à faire 10 mesures pour chaque échantillon pour éviter d’augmenter l’incertitude.
76
6.3 R ÉSULTATS 6.3.1.1
R ÉSULTATS
Les résultats mettent en évidence le poids en grammes mesuré pour chaque échantillon. D’un point de vue physique, c’est la force, en newton qu’il faudrait mettre en évidence suivant la formule F = m.g, soit la force équivaut à la masse multipliée par la gravité (9,81). Mais nous estimons que pour une plus grande clarté et une visualisation concrète des résultats, l’analyse de l’expérience doit se réaliser avec les mesures en grammes qui correspondent à une réalité quotidienne pour le restaurateur. Nous avons également choisi d’analyser les incertitudes des résultats de deux façons différentes afin de respecter deux manières de faire. Cela, même si la première manière se base sur l’étude de l’écart-type alors que le nombre d’échantillons est normalement trop faible pour que cela soit pertinent. L’ensemble des résultats sont également visibles sous forme de graphiques dans la partie Annexes du dossier. Formules utilisées pour l’établissement des résultats : Moyenne :
Ecart-type :
Incertitude absolue sur la moyenne :
Coefficient de Student :
77
CIRE D’ABEILLE JAUNE – DAMMAR (10-3 Kg) 7/9 parts de cire
6/9 parts de cire
5/9 parts de cire
4/9 parts de cire
3/9 parts de cire
1
735
906
854
717
578
2
726
922
849
676
585
3
706
918
843
705
590
4
729
953
854
738
610
5
732
970
840
724
586
6
748
971
857
695
615
7
736
968
859
712
575
8
744
959
860
710
620
9
737
986
847
657
617
10
743
979
852
682
580
Moyenne
735
955
852
703
595
Ecart-type
6
23
5
17
16
2
8
2
6
6
Incertitude absolue sur la moyenne Coefficient de Student
1,08
Résultat
735±2
955±8
852±2
703±6
595±6
Incertitude relative sur le résultat
0,27%
0,94%
0,23%
0,85%
1%
Max
744
979
859
724
617
Min
726
918
843
676
578
Incertitude absolue
9
30
8
24
19
Résultat
735.10-3 -3 (±9.10 ) Kg
955.10-3 -3 (±30.10 ) Kg
852.10-3 -3 (±8.10 ) Kg
703.10-3 -3 (±24.10 ) Kg
595.10-3 -3 (±19.10 ) Kg
Incertitude relative sur le résultat
1,22%
3,14%
0,93%
3,41%
3,19%
78
CIRE CANDELILLA – DAMMAR (10-3 Kg) 7/9 parts de cire
6/9 parts de cire
5/9 parts de cire
4/9 parts de cire
3/9 parts de cire
1
696
872
766
612
327
2
778
853
763
589
282
3
680
835
525
627
358
4
631
886
782
625
289
5
693
849
785
634
122
6
660
835
730
638
354
7
694
817
732
627
395
8
662
889
780
635
374
9
640
833
778
685
322
10
690
845
750
638
337
Moyenne
677
851
760
629
330
Ecart-type
20
19
21
9
32
7
7
7
3
11
Incertitude absolue sur la moyenne Coefficient de student
1,08
Résultat
677±8
851±8
760±8
629±3
330±2
Incertitude relative sur le résultat
1,18%
0,94%
1,05%
0,48%
3,64%
Max
696
886
782
638
374
Min
640
833
730
612
282
Incertitude absolue
28
26
26
13
46
Résultat
677.10-3 (±28.10-3) Kg
851.10-3 (±26.10-3) Kg
760.10-3 (±26.10-3) Kg
629.10-3 (±13.10-3) Kg
330.10-3 (±46.10-3) Kg
Incertitude relative sur le résultat
4,13%
3,05%
3,42%
2,07%
14%
79
CIRE DE CARNAUBA – DAMMAR (10-3 Kg) 7/9 parts de cire
6/9 parts de cire
5/9 parts de cire
4/9 parts de cire
3/9 parts de cire
1
745
650
570
413
373
2
749
632
526
387
362
3
836
658
596
394
325
4
735
593
544
286
369
5
725
634
513
397
346
6
730
687
529
344
203
7
705
592
564
392
348
8
737
584
521
406
345
9
782
625
503
322
371
10
748
628
576
388
356
Moyenne
744
626
543
379
353
Ecart-type
18
24
24
29
15
6
8
8
10
5
Incertitude absolue sur la moyenne Coefficient de Student
1,08
Résultat
744±6
626±9
543±9
379±11
353±5
Incertitude relative sur le résultat
0,81%
1,44%
1,66%
2,91%
1,42%
Max
782
658
576
406
371
Min
725
592
513
322
325
Incertitude absolue
28
33
31
42
23
Résultat
744.10-3 (±28.10-3) Kg
626.10-3 (±33.10-3) Kg
543.10-3 (±31.10-3) Kg
379.10-3 (±42.10-3) Kg
353.10-3 (±23.10-3) Kg
Incertitude relative sur le résultat
3,76%
5,27%
5,71%
11,08%
6,5%
80
CIRE DE GOMME LAQUE – DAMMAR (10-3 Kg) 7/9 parts de cire
6/9 parts de cire
5/9 parts de cire
4/9 parts de cire
3/9 parts de cire
1
552
554
603
503
365
2
554
556
628
525
294
3
547
626
729
523
286
4
575
612
627
489
282
5
568
632
623
498
254
6
533
666
686
473
286
7
565
587
607
516
277
8
552
561
630
522
259
9
640
558
654
554
294
10
545
577
617
508
261
Moyenne
557
589
634
510
275
Ecart-type
11
31
25
13
15
4
11
9
5
5
Incertitude absolue sur la moyenne Coefficient de Student
1,08
Résultat
557±4
589±12
634±10
510±5
275±5
Incertitude relative sur le résultat
0,72%
2,01%
1,58%
0,98%
1,82%
Max
575
632
686
525
294
Min
545
556
607
489
254
Incertitude absolue
15
38
39
18
20
Résultat
557.10-3 (±15.10-3) Kg
589.10-3 (±38.10-3) Kg
634.10-3 (±39.10-3) Kg
510.10-3 (±18.10-3) Kg
275.10-3 (±20.10-3) Kg
Incertitude relative sur le résultat
2,69%
6,45%
6,15%
3,52%
7,27%
81
6.4 A NALYSE
DES RÉSULTATS
Pour faciliter la visualisation des résultats, nous avons regroupé dans un graphique les différentes moyennes calculées pour l’ensemble des mélanges. Ce graphique ne prend pas en compte les incertitudes présentes dans les graphiques en annexes. 1000 900 800 700 600
Poids (10-3 Kg) relevé
500 400 300 200 8
7 6 5 4 3 Part de cire dans le mélange cire-dammar (x/9)
Abeille jaune
Candelilla
Carnauba
2
Gomme laque
Le premier élément qui apparaît est le comportement relativement répétitif des courbes pour chaque mélange avec la présence d’un « pic ». Ce « pic » correspond à la plus haute résistance au test du pelage à 180°. Pour deux mélanges (Abeille jaune/dammar et Candelilla/dammar), ce « pic » se trouve à hauteur de 6 parts de cire pour 3 parts de résine. L’utilisation traditionnelle de la cire-résine (abeille) aux proportions 7/2 répond à une volonté d’obtenir un adhésif résistant mais pas trop pour ne pas risquer de voir céder l’œuvre d’origine avant les éléments soutenus par la cire-résine. Cela correspond à ce que nous montre ce graphique, à savoir que le mélange est au niveau du « pic », mais un peu en retrait, suffisamment pour assurer une certaine « souplesse » au mélange tout en garantissant tout de même une bonne adhésion.
82
Le deuxième élément remarquable visuellement c’est la chute des courbes avec l’augmentation de la résine dammar, passé le « pic ». Cette perte d’adhésivité nous la commentons avec une observation faite durant l’expérimentation. Normalement la résine dammar est là pour augmenter le pouvoir adhésif du mélange. Or nous avons constaté une friabilité du film sec de cire-résine grandissant proportionnellement à la part de résine. Le matériau ayant tendance à se briser, à se fendre sans aucune élasticité sous la contrainte. Il existerait donc une sorte d’équilibre, visualisé par le « pic » sur le graphique, audelà duquel la part de cire est trop faible pour assurer une certaine « souplesse » au mélange et où la part de résine rend le film sec cassant et friable. Légèrement en retrait, la courbe de la cire de gomme-laque se montre beaucoup moins résistante que les autres de manière générale. Ce comportement s’explique peut-être par la présence de résine dans sa composition qui, comme on l’imagine, fausse les proportions sur le mélange total. Le dernier élément remarquable sur le graphique, c’est la courbe de la cire carnauba. Contrairement aux trois autres cires, son « pic », s’il est confirmé, se situerait au-delà (gauche) des proportions 6/3. Peut-être se trouve-t-il au niveau des proportions 7-2. Néanmoins, le véritable détail intéressant dans l’évolution de sa courbe, c’est le point qu’il a pratiquement en commun avec le mélange cire d’abeille-dammar au niveau des proportions 7/2. Ce point, où les deux courbes se croisent, est à mettre en évidence avec l’expérimentation précédente concernant les points de fusion. En effet, pour deux mélanges ayant les proportions 7 parts de cire pour 2 parts de résine, nous observons une résistance quasiment équivalente au test d’adhésivité mais pas moins d’une quinzaine de degrés d’écart. Notons également que le point situé sur la courbe de cire candelilla-dammar à hauteur du rapport 7-2 n’est pas très éloigné non plus. Cependant l’écart entre la cire d’abeille et la cire de candelilla n’est pas assez élevé pour garantir une application pratique. Certes, les qualités d’un adhésif cire-résine ne se résument pas au point de fusion et à l’adhésivité. Mais cette observation permet de croire que le mélange carnauba83
dammar et cire d’abeille-dammar, dans les mêmes proportions, aurait des caractéristiques en commun, suffisamment peut-être pour envisager la compatibilité des deux mélanges au sein d’un projet de restauration.
C ONCLUSION DE L ’ EXPÉRIMENTATION ET OUVERTURE DU PROJET Concrètement, l’analyse des points de fusion des différents mélanges a démontré une très forte maniabilité des températures de fusion en fonction des proportions de cire et de résine. Il serait intéressant d’étudier la problématique de cette propriété physique avant d’utiliser un mélange prédéfini en restauration. Mais surtout, c’est peut-être un moyen de contrôler la composition du mélange. Il n’est pas rare qu’en atelier, à l’école ou dans le milieu professionnel, nous nous servions en cire-résine conservée dans une armoire alors qu’elle a été réalisée des mois auparavant. Un simple test de point de fusion pourrait nous indiquer plus ou moins précisément la composition du mélange en cas de doute. D’autant plus que dans les pays nordiques comme la Belgique, la cire-résine est utilisées dans plusieurs proportions en fonction du traitement et il est gravé parfois négligemment la composition « 7/2 » ou en pourcentage « 3% » sur le bloc de cire-résine, ce qui n’est pas toujours lisible. L’expérience sur l’adhésivité a également démontré l’intérêt du rapport 7-2 qui a fait ses preuves depuis plusieurs dizaines d’années en restauration, notamment en ce qui concerne l’équilibre entre élasticité liée à la cire et l’adhésivité accentuée par la résine dammar. C’est donc probablement un risque d’utiliser un mélange trop concentré en résine car la friabilité du mélange risque de ne pas correspondre aux attentes d’un adhésif utilisé dans le cadre d’un rentoilage par exemple. En ce qui concerne l’hypothèse de base du projet d’étude scientifique, il était question d’aborder le mélange cire-résine dans l’espoir de trouver un mélange alternatif à celui de la cire d’abeille-dammar et spécialement différent concernant le point de fusion pour répondre à une problématique de réversibilité. Ce mélange pourrait être celui de la cire carnauba – dammar (7-2) qui présente donc un comportement au test d’adhésivité pratiquement identique à celui de la cire d’abeille tout en garantissant une quinzaine de degrés d’écart.
84
La question à présent est de définir ce qu’il reste à étudier pour confirmer cette compatibilité. Il y a d’une part la viscosité du mélange. Cette viscosité est très importante en restauration car elle définit en partie le pouvoir de pénétration de l’adhésif au sein de la stratigraphie de l’œuvre. Or, le mélange avec la carnauba ayant une température de fusion supérieure à celle de la cire d’abeille, c’est ce mélange qui aurait une utilité au niveau de l’imprégnation, le second serait alors préféré pour le rentoilage (avec une réversibilité à une température inférieure à l’imprégnation). Son rôle serait donc de pénétrer au sein de la stratigraphie et la viscosité doit donc être au moins égale voire inférieure à celle de la cire d’abeilledammar qui a déjà démontré son efficacité en imprégnation. Mais ce n’est pas tout. Une telle opération amène forcément l’adhésif jusqu’à la couche picturale avec un risque de pénétration jusqu’à la surface de l’œuvre (visible alors sur une protection de surface). La particularité de l’adhésif cire-résine est qu’il est appliqué à chaud, plus chaud déjà que d’autres matériaux. La cire de carnauba – dammar devrait donc être appliquée aux alentours des 80 degrés. Ce degré élevé est problématique d’un point de vue de la déontologie de restauration car il est particulièrement haut et il existe un risque d’endommager les composants de la stratigraphie. L’ouvrage d’Alain Roche87 précise une série de données concernant l’action de la chaleur sur les composants d’une stratigraphie :
Toile en fibres naturelles
La température a une action directe sur l’humidité relative du matériau et cela peut aller jusqu’à la brûlure des fibres. Concrètement, cela dépend de la nature des fibres (un coton peut contenir plus d’eau que des fibres de lin par exemple), mais également de l’état de conservation et du niveau d’oxydation.
87
(Roche, 2003) 85
Toile en fibres de polyester
Le polyester, comme tout polymère, possède une température de transition vitreuse (Tg) qui caractérise un changement d’état88. Alain Roche précise que ce changement d’état commence à partir de 73°C, température à laquelle on observe une désorganisation de la matière qui se traduit par une rétractation des fibres 89.
Colles protéiniques
Présentes à la foi dans les encollages de toiles ou dans les préparations traditionnelles, les colles protéiniques sont des substances aqueuses dont les polymères (le collagène entre autre) possèdent une Tg variant selon l’humidité relative. Ainsi, la température impacte le comportement de la colle de deux façons ; premièrement, la chaleur diminue l’humidité relative, ce qui entraîne dans un second temps l’augmentation de la température de transition vitreuse. « A 80% HR, la Tg est d’environ 30°C et à 5% HR elle s’élève jusqu’à 65°C. »90 Même si nous le voulions, descendre en-dessous de 5% d’humidité relative serait à la fois compliqué et extrêmement risqué pour l’œuvre. 65°C est donc la dernière limite théorique pour la Tg d’une colle protéinique ce qui est largement en-dessous des 80°C de la cire de carnauba-dammar.
Peinture à l’huile
Il semblerait qu’un film d’huile vieilli soit plus résistant à la chaleur qu’un film d’huile récent. L’action de la chaleur se traduit par une augmentation de la mobilité des chaînes de macromolécules au sein du matériau, il est donc logique qu’une huile réticulée soit a priori insensible à la chaleur.
88
« Si la température se situe en dessous de la TG, le polymère se trouve dans un état vitreux, il est dur et rigide ; situé au-dessus, le polymère est dans un état caoutchoutique ou plastique » (Roche, 2003 p. 72) 89 (Roche, 2003 p. 40) 90 (Ibid. p. 72) 86
Films d’émulsion
Composés de polymère, les films d’émulsion sont, au même titre que la toile de polyester, sujets à fortes réactions à la chaleur en fonction de la Tg du polymère en question. Présents à la fois au niveau du support, en couche de préparation, au sein de la peinture, ces polymères n’ont généralement pas une Tg très haute puisqu’ils sont généralement proches de la température ambiante. A la vue de ses données, il semble primordial de se poser la question de l’impact de la température sur les matériaux constitutifs de l’œuvre avant d’insérer un quelconque adhésif au sein de la stratigraphie. Il reste donc beaucoup d’éléments à étudier et il n’est pas certain que cela ait une issue positive pour le mélange cire de carnauba-dammar. Mais nous restons persuadés qu’il faut continuer à chercher une alternative pour développer l’utilisation de la cire en restauration. Face aux nouveaux adhésifs synthétiques, elle reste une solution fiable mais qui a tendance à perdre ses arguments face à l’adaptabilité des synthétiques.
87
PARTIE III
PROJET DE CONSERVATIONRESTAURATION
88
I NTRODUCTION Le projet de conservation –restauration de l’œuvre qui a été confiée par le Musée Faure (Aix-les-Bains, France) a été réalisé en trois temps. L’œuvre a tout d’abord été étudiée en profondeur pour comprendre notamment la complexité de sa stratigraphie et dégager, de son examen complet, les différentes problématiques concernant sa conservation. Pour cet examen, l’observation est le principal outil du restaurateur ; que ce soit à l’œil nu à la lumière du jour où à l’aide de technique d’investigation scientifiques tels que les microscopes ou l’utilisation de rayonnements spécifiques (rayons X, U.V.). L’œuvre est alors étudiée en distinguant les éléments du support et les éléments de la couche picturale. Il est ressorti de cet examen
une série de constats concernant, d’une part, les
éléments constitutifs de l’œuvre et, d’autre part, les altérations mettant en danger la conservation de l’œuvre. La seconde partie se porte sur le diagnostic de ces altérations pour comprendre leur cause et leur mécanisme afin de pouvoir envisager une solution pour arrêter le processus de dégradation de l’œuvre. Ce diagnostic est très important puisqu’il assure au restaurateur d’avoir compris les problématiques de conservation du tableau. Un cahier des charges est également mis en place selon les observations faites sur les éléments constitutifs de l’œuvre, afin de noter les comportements physiques et les caractéristiques de la stratigraphie car cela influence les choix de matériaux du restaurateur par la suite. Ces choix sont résumés dans une proposition de traitement qui place également les traitements dans un ordre chronologique pour s’assurer de leur compatibilité et de la logique du protocole. La troisième partie détaille l’ensemble des procédures et des opérations effectuées sur l’œuvre avec une série d’illustrations assurant le suivi de l’évolution de l’œuvre en cours de restauration. L’intérêt et l’impact des différents traitements sont ainsi visibles et compréhensibles grâces aux confrontations de photographies avant/après qui mettent en valeur les changements opérés.
89
1 E XAMEN DE L ' ŒUVRE L’examen de l’œuvre consiste en une identification des matériaux constitutifs, en un relevé de leur état de conservation et, pour finir, en un diagnostic sur les altérations.
1.1 I DENT IF ICAT ION
DE S MATÉR IAUX CON STITU T IFS ET LEUR ÉTAT DE
CONSERVATION
1.1.1 I N TR OD U C TION L’examen de l’œuvre se fera selon son ordre stratigraphique en commençant par le support (châssis, fixation châssis/textile, textile et colle) et en terminant par la couche picturale (préparation couche colorée et vernis). Chaque élément est d’abord identifié pour mettre en évidence sa composition et ses propriétés puis son état de conservation est examiné afin de constater les différentes altérations. 1.1.2 S TR A T IGR A P H IE GÉ N É RA L E Rapidement, l'observation de la stratigraphie de l’œuvre indique une composition relativement complexe surtout au niveau du support. Certes, la vision d'un textile à la face (dans les lacunes de couche picturale) et au revers ne permettait aucun doute quand au type de support. Mais l'observation plus poussée au niveau des bords de clouages, sous le papier de bordage, a permis de constater la présence d'une double couche de textiles. L'identification des différents éléments de la stratigraphie permettra sans aucun doute de déterminer les raisons de cette complexification stratigraphique. 1.1.3 S U P P OR T 1.1.3.1
C HÂSSI S
I D E N TIF IC A T ION
P H . 1 V UE
DU CHÂ SSI S
90
C’est un châssis en bois, rectangulaire, d’équerre et de format « marine ». Il possède une traverse centrale et un léger chanfrein. Ses dimensions sont de 33 cm sur 73 cm. Sont présentes sur le revers du châssis quatre inscriptions91 et trois étiquettes reprenant le numéro 81, le numéro d’inventaire du Musée Faure 92 et le nom d’une ancienne élève de l’école de Condé93. A noter, pour terminer, la présence de 10 clés qui permettent de compléter la mise sous tension de l'œuvre. Ceci peut être un détail, mais il est intéressant de savoir que les châssis à clé n’ont été signalés dans la littérature qu’en 175494. E TA T
D E C ON S E RV A TION
Quelques petits trous d’envol d’insectes xylophages sont observés sur le châssis à divers endroits. Mais, à part une présence de poussière, il ne comporte aucune autre altération et semble en parfait état de conservation. Cet élément du support maintient donc parfaitement l’œuvre, il est stable et ne présente pas de signes de faiblesses mécaniques. 1.1.3.2
S UPPO RT TEXTI LE
1.1.3.2.1
F IX A TION
C H Â S S IS / TE X TILE
I D E N TIF IC A T ION Présence de 91 semences sur le pourtour de l’œuvre selon la répartition suivante : 17 sur le côté senestre, 16 sur le côté dextre, 28 en bas, 30 en haut. L’intervalle est régulier, environ 2,5 cm. Un papier de bordage recouvre les quatre bords de l’œuvre limitant la visibilité des semences.
91
A deux reprises, les numéros 81 et 70. « m.f. 930.014 ». A noter que sur la fiche d’identification venant du Musée Faire, le numéro d’inventaire est le 1930.01.14. 93 Nelly François, promotion 2010 94 (Perego, 2005, p. 179) 91 92
P H . 2 V UE
E TA T
D ES SEMENCES
A1
D E C ON S E RV A TION
Les traces laissées par les semences sur le papier de bordage laissent supposer une oxydation générale des semences. Cependant, elles assurent encore leur rôle en maintenant le support toile sur le châssis. Le papier de bordage est également oxydé car il est jaunâtre, cassant et friable. Il comporte également des traces ressemblant à des coulures qui pourraient être liées au vernis.
P H . 3 V UE
DU PAPI ER D E BORD AGE
C1
92
1.1.3.2.2
T E X TILE S
I D E N TIF IC A T ION Comme il a déjà été mentionné, nous observons sur le bord de l’œuvre la présence de deux textiles95.
P H . 4 V UE
DU D OU BLE T EXT ILE
1B
T EXTILE EXT ERNE
L’armure est de type toile. La présence de défauts suggère que la toile est artisanale. Quant à la contexture, il s’agit de fils simples dont la torsion est en « Z ».
P H . 5 V ISU ALISATION
95
D U SENS DE TOR SI ON SUR L E TE XTILE INTÉRI EUR
Le textile visible par la face est le textile « interne » et le textile visible au revers est le textile « externe ». 93
S CH . 3 C OMPT AGE
DES FILS DE L A TOILE EXT ÉRI EURE
Le duitage est de 15 fils en trame et 12 fils en chaîne. Au vu de la réactivité de la toile, le sens chaîne semble être horizontal.
T EXTILE INT ERNE
A priori la nature est la même que celle du textile externe. Il s’agit également de fils en torsion « Z » mais le duitage est différent, 15 par 17 fils. Elle est également de réalisation traditionnelle, la présence de nombreux défauts sont visibles (irrégularité de l’épaisseur des fils, nœuds). Les coins sont également coupés à angles droits. La toile est très réactive (Voir nettoyage des surplus de colle) Les trous de semences sont un peu plus nombreux que ceux de la toile externe, ce qui permet de comprendre que la fixation n’est pas identique après le rentoilage. Les festons permettent également de comprendre que la fixation n’était pas la même à l’origine. Les festons montrent une fixation beaucoup plus espacée. Ils sont enfin beaucoup plus marqués sur les bords latéraux, ce qui peut s’expliquer par la réactivité de la toile. Les fils chaîne, plus réactifs, seraient alors dans le sens horizontal. E TA T
D E C ON S E RV A TION
T EXTILE EXT ERNE
Il n’y a, à première vue, aucune altération physique de la toile ; aucune déchirure, aucune déformation. Cependant, nous constatons que les fibres sont devenues légèrement cassantes et se sont colorées, il s’agit là de détériorations chimiques et mécaniques. 94
T EXTILE INT ERNE
La toile d’origine – ou le textile interne – est particulièrement bien conservé. Il n’y a aucunes altérations physiques telles que des déchirures ou des lacunes qui pourraient justifier le rentoilage de l’œuvre. Une oxydation générale est cependant clairement visible mais le support reste relativement souple et semble parfaitement fiable. 1.1.3.2.3
C OLLE
D E R E N TOILA GE
I D E N TIF IC A T ION L’aspect visuel de cette substance est relativement consistant, un peu brillant et opaque. La couleur est ocre, tirant parfois vers les bruns. Le contact mécanique avec une pointe de scalpel met en évidence une certaine friabilité.
P H . 6 V ISU ALISATION
D E L A C OLL E DE RENT OIL AG E APRÈS DÉ - REST AU R ATI ON .
P H . 7 V ISU ALISATION
D E L A SU BST ANC E SU R L A T OILE INTÉRIEUR E ( X 50).
Le test à la goutte d’eau a permis de constater un léger gonflement de la substance à l’eau froide mais une dissolution effective à l’eau chaude. Il s’agit donc d’une 95
substance collagénique. En prenant compte de tous ces éléments, il est probable que nous soyons en présence d’une colle traditionnelle de type colle de rentoilage. E TA T
D E C ON S E RV A TION
L'ensemble fortement coloré et friable au moindre contact mécanique témoigne d’une oxydation générale. L'adhésif visible par la face ne semble plus être appliqué de façon homogène. Ce fait étant, son rôle n'est peut-être plus réellement garanti. En effet, cet « adhésif » a pour objectif, a priori, d'assurer une bonne adhésion entre la stratigraphie de la couche picturale et la stratigraphie du support. Mais par son vieillissement, son rôle est compromis. 1.1.4 C OU C H E 1.1.4.1
P IC TU R A LE
L’ ENCO LLAG E ? 96
I D E N TIF IC A T ION Nous observons une couche de colle entre la toile et la couche picturale. Son étude est possible grâce aux résidus de colle restante au revers des écailles de couche picturale et grâce aux résidus présents au niveau du support toile.
P H . 8C OU PE
STR ATIGR APHIQU E D ’ UNE ÉC AILL E ( X 50).
[A]
EST L ’ ÉPAISSEUR D E L A SU BST AN CE PR ÉSENTE À
L ’ ARRI ÈRE DE L ’ ÉC AI LLE .
Nous pouvons ensuite remarquer que cette strate est « imprimée » par un motif correspondant à celui d’une toile (Ph. 8).
96
Voir « Interprétation de la stratigraphie » 96
P H . 10 V ISU ALI SATI ON P H . 9 V ISU ALISATION
D E L ' EMPREINT E D E T OILE
DU REVE RS D ’ UN E
ÉC AILLE .
SUR LE REVERS D ' UNE ÉC AILL E ( X 50)
Nous observons donc l’empreinte de 4 fils horizontaux (Ph.10) sur une longueur de ± 3 mm 97 ce qui correspond à ± 12 fils pour 1 cm. Verticalement, nous avons 3 impressions pour ± 2 mm ce qui revient à ±15 fils au cm. Ce duitage correspond à celui du textile intérieur. Une tentative d’observation est alors faite sur le revers d’une écaille désolidarisée98. L’adhésif tente d’être enlevé à l’eau chaude et aux frottements mécaniques mais la petite taille des écailles limite la manipulation. La substance, effectivement réversible à l’eau chaude, est donc probablement collagénique et, de façon plus générale, de même nature que l'adhésif étudié précédemment. Une fois l’élément collagénique enlevé, nous avons observé une substance de couleur relativement foncée et à priori non-sensible à l’eau puisque durant ces tests aucune particule colorée ne s’est dissoute. Ensuite la surface semble également lisse mais, à nouveau, la taille de l’écaille ne permet peut-être pas de généraliser cette observation.
97
La longueur visible sur l’échelle graduée est de 3,5 mm mais l’écaille est penchée ce qui fausse cette lecture. Avec la marge d’erreur, la longueur est probablement plus proche de 3 mm que de 3,5 mm. 98 Voir « Test à l’eau » p. 107 97
E TA T
D E C ON S E RV A TION
La substance est friable et colorée ce qui suggère un état avancé d’oxydation. Elle n’est pas forcément homogène sur le revers des écailles, ni sur le textile intérieur, au niveau des lacunes. Un problème de cohésion et d’adhésion est donc supposé.
P H . 11 V ISU ALISATION
1.1.4.2
D ES RÉSIDU S D E C OLLE AU NI VEAU DE L A T OILE
P RÉPARATI O N
I D E N TIF IC A T ION La préparation est une strate qui, en toute logique devrait se trouver entre l’encollage (support) et la couche colorée. Cependant, son identification est compliquée par la présence de cette couche de colle. Nous avons essayé de retirer cette colle pour observer la première strate qui se présenterait. Celle-ci est de couleur rouge et semble totalement insensible à l’eau. Nous pouvons penser raisonnablement que cette strate soit celle de la préparation car durant le traitement de l’œuvre, à la suite du nettoyage, nous constatons la présence d’une préparation rouge au travers des usures de la couche picturale. La couleur étant similaire, il s’agit sans doute de la même couche. Son insensibilité à l’eau indique une composition grasse, ce qui est incompatible avec la couche de colle aqueuse présente au niveau du support.
98
E TA T
D E C ON S E RV A TION
D’après l’empreinte de toile que nous pouvons observer sur les radiographies 99 qui est régulière, homogène et très claire, et avec l’absence de preuves évidentes de perte de cohésion ou d’adhésion, nous pouvons nous dire que la préparation est en bon état de conservation et qu’elle joue son rôle dans la stratigraphie de la couche picturale. 1.1.4.3
C O UCHE CO LO RÉE
I D E N TIF IC A T ION Il s’agit d’une peinture à l’huile qui serait datée du XVIIIe siècle. Il faut donc se reporter à la littérature de l’époque pour tenter d’établir les éléments constitutifs que sont le liant et les pigments. Sans analyses scientifiques poussées, il est très difficile d’être catégorique ; ainsi nous tenterons de rester suffisamment larges pour ne rien laisser de côté mais avec la précision qui convient afin de contrôler au maximum les possibilités. Nous commençons par l’analyse du liant et nous terminons avec les éléments colorés.
Le liant, l’huile.
La nature du liant peut être, selon la littérature100, de l’huile de lin, de l’huile de noix ou encore de l’huile d’œillette. Ces trois huiles sont considérées comme étant des huiles siccatives ou semi-siccatives101 . Leurs propriétés peuvent être relativement différentes selon la composition de l’huile. Un tableau de synthèse permet de mieux appréhender ses différences et leurs conséquences. Roger de Piles102 précise que les couleurs sont broyées de préférence avec l’huile de noix, les deux autres étant « plus jaunes et plus grasses » et qu’elles peuvent être utilisées, à la rigueur, « pour les peintures d’impression ». Il cite également l’huile
99
Voir « Examen radiologique » p.110 (O'Donoghue, Romero, & Dik, 1998) 101 (Perego, 2005, pp. 371,372,374) 102 (Piles, 1766, p. 138) 100
99
d’aspic « pour faire couler les couleurs et pour retoucher » et, quelques lignes plus loin, il la préconise pour enlever la crasse des tableaux. L’huile de térébenthine sert également à la retouche. Toujours dans le même ouvrage, il précise l’utilisation de charges augmentant la siccativité du liant car certains pigments 103 « sèchent difficilement ou jamais avec l’huile de noix ». Ces siccatifs sont la couperose blanche ou encore le blanc de plomb.
La couleur, les pigments naturels
Selon Roger de Piles (Piles, 1766), une liste de pigments peut être proposée afin de mettre en évidence quelques possibilités. « Les huit couleurs principales sur la palette »104
D’autres pigments possibles105
Blanc de plomb
Massicot jaune et massicot blanc
Ocre jaune
Orpin
Brun rouge
Mine de plomb
Laque
Cinabre ou vermillon
Stil de grain
Cendres bleues et cendres vertes
Terre verte
Bleu d’Inde
Terre d’ombre
Noir de fumée
Noir d’os ou d’ivoire
Vert-de-gris
La présence de blanc de plomb a pu être plus ou moins démontrée grâce aux radiographies de l’œuvre. Le blanc de plomb réfléchit en effet très bien les rayons X, apparaissant alors blancs et lumineux.
La technique picturale
Quelques auteurs106 expliquent dans leur ouvrage qu’il faut appliquer des couches d’isolation au sein de leur couche picturale. Ainsi, une couche d’huile sans ajout de
103
L’outremer et la laque. (Piles, 1766, p. 97) 105 (Ibid. p. 121) 104
100
résine séparerait, par exemple, la couche de préparation et la couche colorée. Cette couche d’isolation serait également présente entre plusieurs couches de peinture pour isoler deux couleurs ou isoler la partie peinte et la partie faite de glacis. Les glacis sont en effet appréciés car ils magnifient la couche colorée par la profondeur et les subtiles nuances qu'ils peuvent apporter. Cependant l'œuvre qui nous intéresse aujourd'hui ne comporte pas non plus une grande quantité de glacis. Il y en a mais ils sont accompagnés d'une facture plus pigmentée, voire en empâtement à certains endroits. S'il s’agit en effet d'une copie, servant peut-être dans un processus d'apprentissage, il est probable que l'auteur n'ait pas encore acquis toutes les subtilités de la peinture à l'huile. En conclusion, la technique de la peinture au XVIIe et XVIIIe siècle est caractérisée par une forte présence de liant et de pigments naturels. La quantité de liant est un point important à prendre en compte en restauration car toute opération incluant des solvants risquerait d’endommager la couche picturale. E TA T
D E C ON S E RV A TION
La couche colorée semble avoir une très bonne cohésion. Cependant trois grandes altérations menacent l’intégrité de la couche picturale : les pertes de matière, les craquelures et les anciennes retouches de restauration. .
106
(O'Donoghue, Romero, & Dik, 1998) 101
S CH . 4 R ELEVÉ
DES ALTÉR ATIONS DE L A COUCHE PICTU R AL E .
[Rouge] Pertes de matière, [Vert] craquelures orthogonales, [Orange] craquelures d’angle, [Violet] craquelures en escargot, [Bleu] Craquelures prématurées
102
D’une part, de multiples
pertes de matières sont visibles dans des zones
relativement localisées se situant sur le bord inférieur et les deux bords latéraux. Elles endommagent la lisibilité de l'œuvre par le contraste visuel qui existe entre la couche colorée et la teinte claire du support visible dans les lacunes.
P H . 12 V ISU ALISATION
D ES L ACUN ES D E C OUC HE PICTUR AL E .
D’autre part, des craquelures sont également visibles, elles sont de deux types : les craquelures prématurées localisées et les craquelures d’âge. Les craquelures d’âges sont de trois typologies différentes :
Craquelures orientées orthogonales
Craquelures d’angles
Craquelures en escargot
Les craquelures orientées orthogonales sont celles qui menacent le plus la sauvegarde de la couche colorée car elles ont tendance à se soulever. Elles sont probablement issues des contraintes apportées par le comportement hygroscopique du support. Cela expliquerait leur orientation orthogonale et leur généralisation sur toute la surface de l’œuvre.
Les mouvements de la stratigraphie du support
entraînent des soulèvements et la couche picturale déjà fragilisée par les craquelures cède aux mêmes endroits.
103
P H . 13 V UE
D ES RÉSEAU X D E CR AQU ELUR ES ORTH OG ON AL ES ET D ES SOULÈVEMENT S L OC ALISÉS .
Les craquelures en escargot sont localisées en un point tandis que les craquelures d’angles sont bien évidemment situées dans les 4 coins de l’œuvre. Elles semblent relativement stables mais tout est relatif tant la perte d’adhésion semble généralisée avec la stratigraphie du support. Les craquelures prématurées sont issues d’un phénomène différent car elles sont principalement localisées sur ce qui ressemble à des retouches de restauration. Un matériau blanc est visible dans ces craquelures et il est tout à fait probable que cela soit un mastic de restauration.
P H . 14V ISU ALISATION D ’ UNE
CR AQU ELURE
PRÉM ATURÉE ( X 50)
P H . 15 V ISU ALI SATI ON D ’ UN E
R ETOUC HE
AVEC CR AQUELU RES PRÉM AT URÉES .
Ces retouches sont également débordantes à certains endroits. L'accumulation de ces différentes altérations limite la lisibilité de l'œuvre et altère l'intégrité et l'historicité de celle-ci. L’observation des radiologies de l’œuvre a permis cependant de développer l’analyse des mastics. L’hypothèse retenue jusqu’à présent est qu’il y a eu deux restaurations de la couche picturale avec des mastics plus récents qui sont 104
visibles par les craquelures prématurées et des mastics plus anciens, pratiquement invisibles à l’œil nu mais visibles sur les radiographies. 1.1.4.4
C O UCHE DE PRO TECTI O N
I D E N TIF IC A T ION À la suite des tests de solubilité du vernis, nous pensons qu'il s'agit probablement d'un vernis mastic 107 . La résine mastic est composée d’euphane et d'acide oléanique. Le mastic donne des films « brillants et souples » 108 . Ils sont cependant sujets à un fort jaunissement et « sensibles au chanci et au bleuissement ». 109 C’est une résine qui ne se réticule pas et qui forme des fonctions acides, des fonctions cétones et des radicaux libres qui augmentent sa polarité ce qui la rend nettement plus soluble dans les alcools110. L'observation à la lumière noire permet de constater que le vernis est présent de façon régulière sur l'ensemble de la surface de l'oeuvre. À la fin du XVIIIe siècle, le vernis mastic est le sujet principal d’un grand débat autour du meilleur vernis à utiliser en restauration. Philip Hackert (1737-1807), peintre et graveur allemand
111
et initiateur du débat « propose pour la
restauration des peintures […] l’usage systématique d’un vernis spécifique, composé « d’une part de larme de mastic choisie et claire ; et de deux parts d’acqua ragia [térébenthine] claire comme de l’eau », dont la recette semble devoir beaucoup à Watin. »112 Il est possible, voire probable, que se soit ce type de vernis qui ait été utilisé, peut-être même dans ce contexte historique.
107
Voir « Tests de solubilité du vernis » (Masschelein-Kleiner, 1992 p. 99) 109 (Perego, 2005 p. 467) 110 (Ibid. p. 467) 111 (Larousse, 2009) 112 (Kairis, et al., 2012 p. 44) 108
105
P H . 16 V ISU ALISATION
E TA T
D E L ’ ŒUVRE SOUS R AY ONN EMENT
UV.
D E C ON S E RV A TION
Le vernis est sans aucun doute complètement oxydé. Son aspect jaunâtre a même tendance à opacifier certaines zones au point de compliquer la lisibilité de certains éléments. Il semble également comporter un réseau de craquelures différent de celui de la couche picturale. Ce réseau est constitué de multiples petites craquelures sans pour autant constater de microfissurations. Par-dessus le vernis, plusieurs éléments viennent également perturber la lecture de l’œuvre. Ces éléments sont des sortes de coulures foncées, des résidus blancs et une couche relativement importante de poussière formant un film blanchâtre sur la surface de l’œuvre. 1.1.5 C ON C LU S ION Les différents éléments constitutifs de l’œuvre ont pu, avec plus ou moins de précision, être identifiés et il en ressort que tous sont des matériaux naturels et traditionnels. A la suite de cela, un relevé des altérations113 a permis de comprendre que la sauvegarde de l’œuvre est mise en danger par une perte d’adhésion menaçant toute la stratigraphie de l’œuvre et une perte de lisibilité importante ne permettant plus sa compréhension. Cette mise en évidence des problématiques de l’œuvre
113
Voir « Rappel des altérations » 106
est un point capital pour l’établissement d’un projet de conservation-restauration objectif.
1.2 T ESTS 1.2.1 T E S T 1.2.1.1
ET EXAMENS COMPLÉ MENTA IR ES
À L ’ E AU
O BJ ECTI F
Le test à l’eau permet de définir le comportement de certains matériaux en présence d’eau ce qui finalement permet de préciser la nature et la composition de ces mêmes matériaux.
Les matériaux qui sont testés en présence d’eau
(froide et/ou chaude) sont : Une fibre de toile extérieure Le revers d’une écaille
1.2.1.2
P RO TO CO LE
Une goutte d’eau ou une petite quantité d’eau est mise en contact avec le matériau. Nous tentons d’observer un gonflement ou une dissolution du matériau qui témoignerait d’une sensibilité à ce solvant. L’observation se fait à l’œil nu, à la loupe binoculaire, au compte-fils ou au microscope optique (x50). 1.2.1.3
R ÉSULTAT
1.2.1.3.1
P H . 17 F IL
UNE
FIB R E D E TOILE E X TÉ R IE U R E
DE T OIL E AV ANT LE T EST ( X 50)
P H . 18 F IL
DE T OIL E EN PR ÉSENC E D ' EAU ( X 50)
Le fil provient d’un des bords de la toile extérieure. Les fibres du fil réagissent donc en présence d’eau. Une présence de colle peut être responsable de cette réactivité. D’autant que nous observons une perte de cohésion au sein du fil. 107
Avant le test (Ph. 9) le fil maintient ses fibres en un volume compact tandis qu’en présence d’eau (Ph.10), ce volume se délite. 1.2.1.3.2
LE
P H . 19 D E
R E VE RS D ’ U N E É C A ILLE
G AUCH E À DROITE
:
LE N ETTOY AGE DU R EVERS D ’ UNE ÉC AI LLE À L ’ E AU CH AU DE .
La substance présente à l’arrière d’une des écailles désolidarisées n’étant pas très réactive à l’eau froide, le test s’est déroulé avec de l’eau chaude. Dans un premier temps la substance s’est ramollie et, rapidement à l’aide d’une pique métallique, nous avons pu commencer à la retirer. Ensuite, à l’aide d’un scalpel, nous avons gratté le reste en essayant de rendre la surface homogène pour une meilleure lecture. La réversibilité de cette substance à l’eau chaude confirme qu’il y a fort probablement un composé collagénique.
108
1.2.2 T E S T 1.2.2.1
A U S OLV AN T C H LOR É
O BJ ECTI F
Le test au solvant chloré permet de déceler une présence huileuse au sein d’un matériau. L’huile est en effet très sensible à ce type de solvant et se dissout facilement. L’élément testé est une écaille de couche picturale pour tenter de voir s’il y a une présence d’huile dans le vernis. 1.2.2.2
P RO TO CO LE
Un petit coton imbibé de dichloroéthane est mis en contact avec la surface vernie d’une écaille de la couche picturale. L’observation du test se fait sous la loupe binoculaire et sous microscope optique (x50). 1.2.2.3
R ÉSULTAT S
A priori, aucun résultat visible mais cela est peut-être du à la petite taille des écailles qui limite la manipulation. A l’occasion, d’autres tests devraient être effectués afin de préciser la composition du vernis. Par la suite, ce test doit également être fait sur la couche colorée (écaille désolidarisée et dévernie) afin de constater également la présence ou non de liant huileux. 1.2.3 T E S T 1.2.3.1
DE
B R OSS AR D
O BJ ECTI F
Le test de Brossard114 est un test chimique permettant de préciser la nature des fibres textiles. Cela permet de différencier une fibre de lin, de chanvre et de jute.
114
(Brossard, 1997, p. 54) 109
1.2.3.2
P RO TO CO LE
Le protocole est directement issu de l’ouvrage de Brossard : « Différenciation lin, chanvre, jute. Mouiller les échantillons à l’alcool. Immerger dans une solution de permanganate de potassium à 1% pendant une minute, rincer. Décolorer à l’acide chlorhydrique étendu, rincer. Immerger dans de l’ammoniaque pur.
Le lin est blanc, le chanvre est rose, le jute est rouge. » 1.2.3.3
R ÉSULTAT S
Le fait est que le test de Brossard est pensé pour une fibre non vieillie ou très peu. Notre fibre est oxydée ce qui se traduit par une absence de coloration rouge ou rose plutôt que par un véritable blanchiment. Nous supposons quand même qu’il s’agisse d’une fibre de lin. 1.2.4 E X A ME N 1.2.4.1
R AD IO LOG IQU E
O BJ ECTI F S
L’examen sous rayons X de l’œuvre a pour objectif de visualiser les strates de la stratigraphie que nous ne pouvons pas voir à l'oeil nu. 1.2.4.2
P RO TO CO LE
L’œuvre est soumise à un rayonnement X. Les rayons X sont un rayonnement électromagnétique de faible longueur d’onde se trouvant entre les ultraviolet et les rayons γ et traversant plus ou moins facilement les corps matériels115. La radiographie est « […] une image en densité dont le gradient s’exprime par des niveaux différents de gris allant du blanc au noir. L’absorption est fonction du poids atomique de la matière et de son épaisseur. »116
115 116
(Larousse illustré, 2008 p. 1083) (Guinet, 2000 p. 5) 110
1.2.4.3
R ÉSULTAT S
L’examen radiologique de l’œuvre a permis une lecture particulière de plusieurs éléments : Délimitation des nombreuses lacunes de couche picturale Localisation des mastics Visualisation d’une empreinte de toile Présence de blanc de plomb dans la couche picturale Visualisation du châssis et des semences
P H . 20 M ONT AG E
D ES D EU X R ADI OGR APHI ES DE L ’ ŒU VRE POUR U NE VISU ALIS AT ION GÉN ÉR ALE
1.2.4.3.1 L A C U NE S DE C OU CH E P IC TU R A LE E T E MP RE IN TE D E TOILE Les radiographies de l’œuvre nous permettent d’observer la présence d’une trame de toile sur toute sa surface. Cette trame est cependant pratiquement invisible travers des lacunes.
P H . 21 D ÉT AIL
D E L A R ADI OGR APH IE
111
L’étude de ce phénomène doit être approfondie pour l’objectivité de notre lecture du résultat. Pour rappel, la stratigraphie de l’œuvre serait la suivante :
S CH . 5 S TR AT IGR APHI E
D E L ' OEU VR E
Considérons dès le départ que l’empreinte visible ne peut pas être seulement issue de l’épaisseur des différentes strates. Certes cela joue en partie mais pour obtenir une telle netteté, il semble plus cohérent de penser qu’une autre strate, a priori la préparation, permet d’accentuer les “pleins” et les “creux” de la texture toile, étant elle-même “imprimée” par le motif. La preuve étant que dans les lacunes de couche picturale (et donc de préparation), l’empreinte est pratiquement invisible.
S CH . 6 V ISU ALISATI ON
D ES EFFET S D ES R AY ON S
X
112
Ainsi les rayons réfléchis depuis la préparation sont beaucoup plus intenses que ceux réfléchis depuis le support toile, ce qui explique que les lacunes sont représentées par des plages sombres. A présent deux hypothèses sont possibles pour la lecture de l’empreinte de toile ; soit il s’agit de l’empreinte de la toile actuelle, soit il s’agit d’une empreinte de toile différente de la toile actuelle. L’ E MP R E IN TE “ IN TE R N E ”
V IS IB LE S U R LA R A D IOGR A PH IE N ’ E S T P A S C E LLE D E LA TOILE
A C TU E LLE .
Dans ce cas, la préparation a été imprimée par un support toile n’étant pas celui qui se trouve actuellement sur le revers de la couche picturale. Cela signifie donc, en d’autres termes, que le support textile actuel n’est pas celui d’origine et que la couche picturale a été transposée sur un autre support. L’ E MP R E IN TE “ IN TE R N E ”
V IS IB LE S U R LA RA D IOGR A P H IE
E S T CE LLE DE LA TOIL E
A C TU E LLE .
Cela signifie que la préparation a été appliquée sur le support textile actuellement présente, qu’elle a été imprimée par son motif. En d’autres termes cela signifie que la toile interne actuelle est la toile d’origine. C OMP A R A IS ON La comparaison a pu être réalisée durant le processus de restauration, lorsque la première toile (toile externe) a été enlevée. Nous avons rapidement observé que les festons et les défauts de tissage étaient parfaitement identiques.
Blanc de plomb dans la couche picturale et les mastics?
La visualisation très nette de certains éléments de la couche picturale sur les radiographies correspondant à des rehauts de blanc permet de penser qu’il pourrait s’agir de pigment type « blanc de plomb ». Il ne s’agit que d’une observation
visuelle
mais
cela
est
fortement
probable.
Cette
même
caractéristique se retrouve au niveau des mastics. Ceux-ci sont a priori composés de colle de peau, de céruse (blanc de plomb)… .
113
Mastics et anciennes restaurations de la couche picturale.
A la lumière du jour, nous pouvons voir les anciennes restaurations de la couche picturale grâce aux craquelures prématurées qui laissent également apparaître le mastic sous-jacent. Cependant, grâce à la radiographie, nous pouvons voir la présence d’autres mastics qui sont beaucoup plus difficilement visibles en lumière du jour puisqu’il n’y a pas de craquelures prématurées. Cette observation permet de compter près de X mastics comblant des lacunes de couche picturale. Elle nous permet également de comprendre qu’il y a dû y avoir deux campagnes de restauration de la couche picturale, celle des craquelures prématurées étant probablement la dernière.
1.3 I NTERPRÉTATIO N
DE LA STRATIGRAPHIE
L’interprétation de la stratigraphie est un point capital dans l’examen de l’œuvre car elle permet de définir correctement l’œuvre dans son ensemble. Dans le premier point, nous nous sommes attachés à identifier les différents éléments de la stratigraphie et à constater leurs altérations. Maintenant nous allons essayer d’aborder l’ensemble des ces éléments pour comprendre le fonctionnement de la stratigraphie. Pour rappel, nous avons une stratigraphie qui correspond au schéma suivant: 1. Vernis naturel à base de résine mastic 2. Couche
picturale
huileuse
et
preparation huileuse 3. Couche de colle collagénique 4. Toile de lin (interne) réactive 5. Couche de colle collagénique 6. Toile de lin (externe) réactive
Durant le processus de restauration de l’œuvre, un évènement capital nous a forcés à revoir l’ensemble de notre lecture de la stratigraphie. Cette lecture vous est présentée en deux temps, le premier concernant l’interprétation avant l’enlèvement de la toile externe et le second après l’enlèvement de la toile externe.
114
A V A N T L ’ E N LÈ V E ME N T
D E LA TOILE E X TE RN E
La présence inexpliquée de colle entre la couche picturale et le support toile a très vite posé beaucoup de questions. Lorsque nous avons choisi de faire une radiographie de l’œuvre, nous espérions voir un élément nouveau permettant d’expliquer la présence de cette strate. Nous avons trouvé une empreinte de toile visible sur la radiographie. Nous concluons qu’il s’agit fort probablement d’une empreinte visible grâce à la préparation. Après réflexion, nous comprenons l’importance de savoir s’il s’agit de l’empreinte de la toile interne actuelle ou au contraire, d’une toile d’origine aujourd’hui perdue. Nous n’avons malheureusement que les lacunes de couche picturale pour nous permettre la comparaison, ce qui réduit fortement le champ d’analyse. Cependant, rapidement nous constatons que la contexture de la toile interne est la même que celle de l’empreinte. Nous essayons alors de remarquer la présence de défauts identiques mais les observations étant limitées nous ne pouvons pas faire de conclusions définitives. Nous nous interrogeons alors sur la présence de la colle entre la couche picturale et le support toile. La quantité étant particulièrement importante, nous faisons un lien avec la possibilité d’une transposition. Nous y ajoutons également le fait que les deux toiles soient a priori identiques (même contexture, même nature et dans un état de conservation très proche). Nous aurions donc une transposition, sans couches d’intervention, avec deux toiles de lin comme support, une présence conséquente de colle de pâte, un châssis et un vernis de restauration. La problématique finalement correspond à ce que l’on rencontre souvent avec les transpositions traditionnelles; une stratigraphie complètement instable avec une perte d’adhésion très importante entre la couche picturale et le support, une multiplication des craquelures et de nombreuses pertes de matière le long des bords (surtout si on y rajoute la forte probabilité qu’il y ait eu deux campagnes de restauration de la couche picturale). Nous concluons finalement sur la reprise de transposition et nous décidons dans notre protocole de restauration d’enlever les deux toiles de lin pour libérer la couche picturale d’une stratigraphie complètement instable. Cependant, après avoir retiré la première toile (la toile externe), nous comparons enfin la toile interne au relevé d’empreinte visible 115
sur la radiographie. Et nous observons une concordance ne laissant aucune doute, il s’agit de l’empreinte de la toile interne actuelle.
A P R È S L ’ E N LÈV E ME N T
D E LA TOILE E X TE RN E
Après avoir comparé l’empreinte sur la radiographie à l’ensemble de la toile interne, nous comprenons qu’il s’agit donc finalement de la toile d’origine. Par conséquent il ne s’agit absolument pas d’une transposition mais d’un rentoilage. Comment expliquer dans ce cas la présence inhabituelle entre la couche picturale et le support. Il pourrait s’agir de l’encollage. En effet, si la colle d’encollage est trop visqueuse, elle peut mal pénétrer dans les fils de la toile et rester en surface. Ainsi, au lieu de se retrouver avec un support toile encollé, nous obtenons une stratigraphie en “double couche”, une colle et un support toile. Le comportement hygroscopique qui en découle est très différent. Dans le premier cas, la réactivité de la toile est, en théorie, inversé par le comportement hygroscopique de la colle. La toile, au lieu de se rétracter au contact de l’eau, subira le comportement de la colle qui, elle, gonfle au contact de l’eau. C’est ainsi que nous arrivons à stabiliser le support toile. Lorsque l’encollage est mauvais et qu’il est trop visqueux, il ne pénètre pas assez le textile pour permettre ce changement de comportement. Les fibres du textile gardent leur comportement hygroscopique tandis que la colle par-dessus aura tendance à gonfler en présence d’humidité. La stratigraphie est alors totalement instable, lieu d’une zone de cisaillement très importante. Nous avons donc, a priori, une stratigraphie complexe et inhabituelle d’une peinture à l’huile sur toile avec un encollage ayant formé un film collagénique entre la couche picturale et le support et une toile réactive à l’eau. Cette stratigraphie a ensuite été rentoilée, ce qui la rend plus complexe encore. La toile et la colle de rentoilage étant fortement réactives (la première se rétracte et la seconde gonfle), deux autres zones de cisaillement se développent.
116
2 D IAGNOSTIC Le diagnostic est une étape extrêmement importante dans le protocole de restauration. Il permet en effet, à la suite du relevé des altérations, d’identifier leurs causes. Elles peuvent être d’origines diverses (naturelles ou accidentelles), de nature différentes (chimiques, physiques ou mécaniques) et les conséquences peuvent être de multiples portées (sur le long terme ou sur le court terme). Afin de mieux appréhender le comportement de l’œuvre, il est nécessaire de comprendre ce qui a pu l’endommager afin de mettre en évidence ses sensibilités. L’étude du diagnostic débute avec un rappel des altérations
dans un tableau
récapitulatif. Il se poursuit ensuite avec la lecture d’un organigramme qui illustre les effets de causalités et il se termine avec l’établissement du cahier des charges insistant sur les différentes sensibilités de l’œuvre. Tout au long du diagnostic, nous tenterons avant tout de rester logiques dans notre volonté d’expliquer la situation qui menace aujourd’hui l’œuvre.
2.1 R APPEL
DES ALTÉRATION S
Le tableau rappelle brièvement les différentes altérations visibles sur l’œuvre selon l’ordre stratigraphique, en commençant par le support et en finissant par la couche picturale.
Strates SUPPORT
Altérations Châssis
Trous d’insectes xylophages Poussière
Textiles
Fragilisation Coloration
Fixation
Oxydation
Adhésif
Coloration Friabilité Perte d’homogénéité
Couche colorée
Réseaux de craquelures Pertes de matière
Vernis
Réseaux de craquelures Jaunissement (oxydation)
COUCHE PICTURALE
117
Pertes de matière
Les trois temps dont il est question dans ce dossier illustrent l’idée que l’œuvre a un « passé », un « présent » et un « futur ». L’établissement d’un diagnostic part du principe que si l’état de conservation de l’œuvre se trouve dans le « présent », l’étude des altérations doit expliquer ce « présent » en établissant des hypothèses quant au « passé ». Enfin, il est question d’appréhender le « futur » en fonction des deux premiers temps.
2.2 D ÉFIN IR
LES ORIG INES ET LES MÉCAN IS MES DE S ALTÉRATIONS
Une œuvre d’art est un objet hétérogène. Hétérogène par les éléments qui la composent qui sont de différentes natures comme l’a fait remarquer le point précédent. Ces éléments ont donc logiquement des comportements différents les uns des autres et, ce, selon pratiquement tous les facteurs de changement (humidité relative, température, contraintes physiques, etc.) y compris selon le temps. Le vieillissement semble être un phénomène qui touche tous les éléments mais il ne se manifeste pas de façon identique. Lorsqu’une œuvre d’art telle qu’une peinture à l’huile sur toile vieillit, certaines altérations peuvent être plus ou moins prévisibles (craquelures, jaunissement des huiles et des résines). D’autres sont, a contrario, bien plus imprévisibles de par une quantité d’inconnues. Ainsi, comme nous le verrons, ces inconnues peuvent être des actes concrets (restaurations) ou des événements accidentels et elle perturbent finalement le vieillissement « naturel » de l’œuvre.
118
119
2.2.1 P E R TE D E S TAB IL ITÉ La perte de stabilité est le principal facteur menaçant l'intégrité et l'existence même de l'œuvre. Elle est directement induite par une perte d'adhésion entre la stratigraphie du support et la stratigraphie de la couche picturale. 2.2.1.1
O RI G I NE DE LA PERTE D ' ADHÉSI O N .
La perte d'adhésion est principalement liée à la zone de cisaillement. Cette zone de cisaillement créait des forces contraires qui favorisent la perte d'adhésion entre la couche picturale et le support. Cette zone de cisaillement étant généralisée sur toute la surface de l'œuvre entre la couche picturale et le support au niveau de la couche de colle. Cela explique les pertes de matières sur l'ensemble de la couche picturale et les soulèvements de certaines craquelures. 2.2.1.2
O RI G I NE DE LA ZO NE DE CI SAI LLEM ENT .
La zone de cisaillement est elle-même la conséquence de la réactivité de la stratigraphie et de son instabilité. Cette instabilité est la conséquence de la mise en contact de deux matériaux ayant un comportement hygroscopique très différent voire contraire. En superficie se trouve une couche picturale inerte au changement hygroscopique, sous cette couche se trouve une couche de colle hygroscopique qui gonfle au contact de l'humidité, et enfin sous cette couche se trouve un support également hygroscopique mais qui a tendance à se rétracter en contact de l'humidité. Cette stratigraphie incohérente est donc la principale origine de la zone de cisaillement. 2.2.2 P E R TE D E LIS IB IL ITÉ La perte de lisibilité de l’œuvre influence sa compréhension et limite son impact sur le spectateur ce qui est dommageable d’un point de vue déontologique. Techniquement, elle est induite par une multitude de petits facteurs qui sont additionnés les uns avec les autres. Comme nous pouvons le voir sur notre organigramme, c’est l’addition d’un jaunissement du vernis, de la formation de craquelures prématurées ou de vieillissement et de nombreuses pertes de matière. Tous sont des obstacles visuels qui finissent par obscurcir la surface de l’œuvre et donc limiter la visualisation de l’image.
120
2.2.2.1
O RI G I NE DU J AUNI SSEM ENT DE L A SURFACE
Le jaunissement de la surface de l’œuvre est l’une des seules altérations issue d’un vieillissement parfaitement naturel des matériaux. C’est en effet une conséquence de l’oxydation du vernis qui est composé de résine et parfois d’huile. « Le vieillissement qui modifie la structure chimique des vernis peut notamment créer des groupes chromophores dont les queues d’absorptions peuvent être actives au-delà de la zone du rayonnement ultraviolet et s’étendre dans le bleu. » (Thoury, 2006, p. 15) Ainsi, selon les lois optiques117 et d’un point de vue totalement théorique, un objet qui absorbe les longueurs d’ondes dans le violet-bleu (entre 400 et 500 nm), renvoie les longueurs d’onde du vert et du rouge (entre 500 et 700 nm). Ce qui, part synthèse additive, donne à voir une couleur jaune à l’objet.
S CH . 7 R EPRÉSENT ATION
THÉORI QU E DU PHÉNOMÈN E OPT IQUE I SSU DE L ’ OXYD ATI ON D ES RÉSINE S OU D ES HUIL ES
Le feuil du vernis devenu jaune altère la lisibilité de la couche colorée, au niveau des couleurs de celle-ci mais également au niveau de l’iconographie. C’est donc fortement dommageable pour la compréhension de l’œuvre. Cependant, cela reste une preuve de son histoire. C’est effectivement un élément illustrant le temps qui passe dans la vie de l’œuvre. Paradoxalement le jaunissement du vernis est donc un élément qui contribue à
117
(Perego, 2005, p. 841) 121
la mise en valeur historique mais qui diminue la qualité graphique et la compréhension de l’objet. 2.2.2.2
O RI G I NE DES CRAQ UELUR ES
Les craquelures sont les conséquences d’un phénomène relativement fréquent dans le vieillissement des peintures puisqu'elles sont issues de la perte d'élasticité de la matière dont elles sont issues, conséquence directe du vieillissement cette matière. Sur l'œuvre, les craquelures sont de plusieurs natures. Les premières concernent les craquelures prématurées présentes dans les mastics de restauration. Ces craquelures sont causées par une mauvaise mise-en-œuvres des composés. Situées uniquement au niveau des mastics de restauration, elles sont dues aux mouvements de la couche sousjacente pas encore sèche, contraignant la peinture (retouches) déjà sèche et donc beaucoup moins élastique. Dans les craquelures de vieillissement on notera la présence de craquelures d'angle, d'une craquelure en escargot et d'un réseau généralisé de craquelures orientées. Les craquelures d'angle sont directement issues de la mise sous tension de l'œuvre sur un châssis et elles sont placées perpendiculairement à l'angle. La craquelure en escargot est typique d'un choc ayant entraîné la formation d'une craquelure suivant l'onde de choc qui s'est réparti sur la toile. L'endroit de l'impact est d'ailleurs clairement visible sur l'oeuvre. Les craquelures orientées sont davantage intéressantes puisqu'elle témoigne visiblement de l'hygroscopique cité du support qui a eu tendance à créer des contraintes sous la couche picturale sensiblement proche de la trame du support textile. Ces craquelures orientées forment un réseau orthogonal relativement régulier sur l'ensemble de l'œuvre et présentent quelques soulèvements au niveau du centre inférieur. 2.2.2.3
O RI G I NE DE LA PERTE D E M ATI ÈRE
Cette perte de matière est la troisième grande altération de la couche picturale. C’est une altération qui menace à la fois la lisibilité de l’œuvre mais également et peut-être d’avantage encore, la sauvegarde de l’œuvre. C’est un phénomène additionnant la perte d’élasticité de la couche picturale et la perte d’adhésion de cette stratigraphie avec le support. Forcément des craquelures ont du avant tout apparaître avant la formation de ces lacunes de couche picturale. Ces ruptures au sein de la stratigraphie sont donc issues également de la perte d’élasticité dont les causes ont déjà été expliquées. Ajouté à cela, perte d’adhésion qui a permis la perte de la matière picturale. La localisation de 122
ces pertes reste le dernier élément à expliquer. Ces lacunes sont effectivement placées le long du bord inférieur et le long des deux bords latéraux. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la tension exercée sur l’œuvre lorsqu’elle est tendue sur un châssis n’est pas homogène 118. Les contraintes exercées par la manifestation de l’hygroscopicité sur la couche picturale étant à ces endroits probablement plus fortes. Cela correspondrait ainsi à la localisation des pertes de matières. Ensuite, un autre facteur peut étayer cette explication, celui de l’épaisseur de la couche picturale. Il n’y a pratiquement aucune perte de matière dans la partie supérieure de l’œuvre correspondant au ciel. Cette dernière partie est réalisée en couches relativement diluées et sans accumulation de couches successives chargées en différents pigments. Tout le contraire de la partie inférieure de la composition qui semble, à priori, beaucoup plus chargée en matière, donc théoriquement plus « lourde ». Lorsque l’adhésion perd de son efficacité, les parties ainsi plus denses sont beaucoup plus difficilement maintenues que les parties qui le sont moins et qui sont peut-être un peu plus élastiques par une plus grande présence de liant.
2.3 C ONCLUSION Nous avons donc dans un premier temps étudié l’altération la plus dangereuse pour la sauvegarde de l’œuvre, c’est-à-dire la perte de stabilité de la stratigraphie. Nous en avons déduit que cette altération est principalement issue des matériaux de mise en œuvre et l’influence navrante de mauvaises conditions de conservation amenées par un accident imprévisible. En dernier lieu, nous avons examiné la perte de lisibilité de l’œuvre en analysant chaque facteur influençant ce phénomène. Il s’agit donc de l’oxydation des résines et des liants huileux qui jaunissent l’apparence de l’œuvre mais également le développement de nombreuses craquelures et la perte de matière picturale qui sont issues de différents phénomènes.
Le projet de conservation-restauration va donc
s’établir autour de la restitution de la stabilité stratigraphique et du rétablissement de la lisibilité de l’œuvre.
118
(Roche, 2003, p. 22) 123
3 C AHIER DES CHARGES Le cahier des charges doit nous permettre d’effectuer un choix au niveau des traitements et des matériaux afin de répondre aux directives du projet de restauration selon le support ou la couche picturale.
3.1 S UPPORT La restauration du support doit répondre à trois étapes clairement définies pour assurer une logique protocolaire : 1. Rétablissement de la planéité 2. Rétablissement de la cohésion/adhésion 3. Consolidation du support
Le principal problème qui menace aujourd’hui l’œuvre est davantage un problème d’adhésion qu’un problème de planéité aussi nous allons tenter de garantir la planéité de l’œuvre tout en nous concentrant sur le problème d’adhésion. 3.1.1 R É TA B LIS S E ME N T D E LA P LA NÉ ITÉ Le rétablissement de la planéité est le premier élément à introduire dans le protocole de restauration car il permet d’instaurer une base saine et cohérente pour la suite du traitement. La planéité se met en place grâce à une mise sous tension, sur un bâtit ou sous un cartonnage (voire encore la mise sous tirant) et grâce à l’utilisation de l’humidité, la chaleur et/ou la pression. Dans notre cas, nous allons assurer la planéité de notre œuvre durant tout le processus de restauration par un cartonnage. La nécessité de travailler sur le support tout en garantissant la sécurité de la couche picturale explique ce choix. Ce cartonnage nécessite l’utilisation de divers matériaux comme des papiers bollorés ou des intissés mais également une colle de pâte. Le papier bolloré est plus fin, il a un sens de tirage, tandis que l’intissé n’a pas de sens de tirage et « épouse » moins les caractéristiques de la surface de la peinture. Aussi il semblerait judicieux de commencer par du papier Bolloré en tant que protection de surface, avant la dépose de l’œuvre nécessaire pour la réalisation cartonnage. Le cartonnage étant alors réalisé avec l’intissé pour limiter les contraintes à l’action de la colle.
124
3.1.2 R É TA B LIS S E ME N T D E LA C OH ÉS ION / A D H ÉS ION La principale problématique est la perte d’adhésion entre la couche picturale et le support qui est induite par la totale instabilité de la stratigraphie. Pour rétablir l’adhésion entre la couche picturale et le support il faut donc pouvoir stabiliser la stratigraphie. Le refixage habituellement effectué pour rétablir l’adhésion doit donc être dans le même temps une stabilisation de la réactivité de la colle et de celle du support. Une imprégnation totale de la stratigraphie doit donc être envisagée. Le
produit
utilisé
doit
être
lui-même
suffisamment
insensible
aux variations
hygrométriques (dans des conditions normales de conservation) pour qu’il stabilise autant qu’il rétablisse l’adhésion la couche de colle et le support toile. Aussi nous aurions un changement radical mais nécessaire du comportement de la stratigraphie. Le produit d’imprégnation peut être soit de nature « synthétique » soit de nature « naturelle ». Dans le premier cas nous pensons à un Plexisol, adhésif largement utilisé pour refixer la couche picturale avant un doublage, et dans le second cas nous pensons à un mélange cire-résine. Tous deux ont des caractéristiques positives et négatives qu’il semble pertinent de confronter dans un tableau. Cire-résine
Plexisol
Produit naturel
Produit synthétique
Composés
Cire d’abeille Gomme Dammar
Résine ButyleMéthacrylate
Réversibilité théorique
À la chaleur et solvants
Aux solvants
Réversibilité sur le long terme
Garantie à la chaleur
Controversée
Viscosité
Invariable
Variable
Utilisation
À chaud
A froid, dilué dans un hydrocarbure
Risque sur la couche picturale
Risque d’assombrissement
Aucune
Perméabilité (film sec)
Aucune
Aucune
Hygroscopicité (film sec)
Aucune
Aucune
Un mélange de cire-résine n’a certes pas de viscosité variable mais son utilisation à chaud permet de s’assurer de sa pénétration au niveau de la couche de colle car la 125
chaleur va assurer sa réactivité. La présence de colle au niveau de la couche picturale, grâce aux protections de surface et au cartonnage, doit permettre de limiter grandement la pénétration de la cire-résine au niveau de la couche picturale et donc cela diminue le risque d’assombrissement. Enfin, la réversibilité est ici un point tout relatif puisqu’une imprégnation, pénétrant dans toutes les strates de l’œuvre, ne peut pas être objectivement réversible. Ceci-dit, ce que nous connaissons par l’expérience du vieillissement de la cire-résine permet de nous rassurer et de savoir que sur le long terme, elle ne risque pas de se dégrader au point de nuire à l’œuvre. Un produit synthétique tel que le Plexisol ne permet pas d’avoir cette assurance et nous risquons, lorsque nous l’utilisons, d’introduire dans la stratigraphie un produit qui pourrait se dégrader sur le long terme et peut-être même nuire à l’œuvre. Nous faisons donc aujourd’hui le choix de la cire-résine, en toutes connaissances des risques que cela entraîne. Dans l’ouvrage de Ségolène Bergeon, Sciences et Patience 119 , l’auteur détaille le procédé de rentoilage à cire-résine en précisant la réalisation d’un cartonnage au préalable. Il pourrait en effet paraître contradictoire de réaliser un traitement nécessitant beaucoup d’eau (cartonnage) pour une œuvre qui a besoin de matériau non hygroscopiques (cire – résine) pour sa restauration. Il y a un risque finalement de transposition spontanée dont nous devons être conscients et qui doit donc être contrôlé. 3.1.3 C ON S OLID A T ION D U S U P P OR T La consolidation du support passe par sa stabilisation qui est assurée par l’imprégnation. Il faut alors remettre en question le rentoilage de l’œuvre. Pour assurer l’imprégnation et surtout la pénétration de la cire-résine jusqu’à la couche de colle, la toile externe ne peut pas perdurer dans la stratigraphie. Un dé-rentoilage est donc inévitable. La colle de rentoilage étant très réactive à l’eau, nous allons pouvoir retirer la toile externe (de rentoilage) grâce à un apport d’eau qui réactivera la colle et qui aidera à la désolidarisation d’avec la toile interne.
119
(Bergeon, 1990 p. 57) 126
Ensuite il faudra poser la question d’un nouveau rentoilage. Si le support d’origine est endommagé par des déchirures ou des lacunes importantes qui ont justifié à l’origine le rentoilage et si nous jugeons l’état de cette toile d’origine trop peu fiable, nous pourrons choisir de rentoiler. Nous utiliserons alors à nouveau la cire-résine pour établir une continuité dans la stratigraphie. Si au contraire, nous jugeons que la toile d’origine ne comporte aucune altération majeure, que son intégrité n’est pas menacée et qu’elle semble apte à jouer son rôle de support, nous n’envisagerons pas de rentoilage. La consolidation et surtout la stabilisation de celle-ci étant alors garantie par l’imprégnation de cire-résine. Ce choix s’inscrit dans une démarche de minimalisme car même s’il peut comporter des risques, la stratigraphie de l’œuvre sera allégée d’un rentoilage inutile et le support d’origine restera visible. Un système de bandes de tension sera alors effectué sur l’œuvre pour permettre sa mise sous tension. Elles seront en intissé et peuvent être posées à la cire-résine pour assurer une continuité sans pour autant mettre en danger la stratigraphie en cas de dérestauration ou avec un adhésif synthétique pour justement marquer la différence et ainsi garantir une réversibilité sans aucun risque pour l’imprégnation de cire-résine. Pour ce deuxième choix, un dégraissage des bords de clouage devra être effectué pour assurer l’adhésion des bandes de tension.
3.2 C OUCHE
PIC TURALE
3.2.1 R É TA B LIS S E ME N T D E L ’ H OMOGÉ N É ITÉ D E LA C OU C HE P IC TU R A L E Les anciennes retouches, les surpeints et les mastics débordant doivent être retirés pour mettre à jour l’ensemble des lacunes et permettre une homogénéité lors de la restauration de l’ensemble. Des tests concernant la nature des matériaux sont réalisés en cours de restauration et il s’agit probablement de matériaux colorés huileux et de mastics traditionnels120. Ensuite, une procédure de restauration de la couche picturale
120
Voir « Enlèvement des surpeints, jutages et autres anciennes restaurations de la couche picturale » p. 169 127
est établie selon plusieurs critères prenant en compte le respect de l’intégrité de l’œuvre, la réversibilité et la compatibilité des matériaux. Nous choisissons pour commencer d’utiliser le Modostuc © comme matériaux de comblement des lacunes, sa maniabilité et sa réversibilité assurent une application facile et il se laisse travailler et structurer aisément. Les mastics seront blancs malgré la présence d’une préparation colorée. Les mastics blancs ont l’avantage d’être visibles en cas de dérestauration de l’œuvre car ils ne se confondent pas avec la couche picturale d’origine. Concernant la réintégration chromatique, nous souhaitons appliquer une méthodologie permettant de travailler en deux temps. Le premier pour poser les tons de fonds afin d’intégrer les mastics blancs dans l’ensemble, réduire l’impact des usures et des petits éléments visuels perturbateurs pour « refermer » l’image. Le second temps pour monter les tons, réinsérer l’iconographie manquante et ajuster l’ensemble des réintégrations. L’aquarelle, au même titre que la gouache, offre la possibilité de travailler en douceur, et sa réversibilité aisée avec l’eau permet une application rassurante pour le restaurateur. Il semble que cela soit un matériau idéal pour travailler les tons de fonds ainsi que les usures et les petites « taches ». Pour assurer un bon pouvoir couvrant, nous évitons d’utiliser les terres et privilégions le vert, le rouge cadmium et l’ocre jaune pour réaliser la plupart de nos bruns. En second temps, par-dessus l’aquarelle, nous souhaitons travailler avec le Laropal A81. Concernant sont indice de réfraction, cette résine se situe entre les résine à faible indice (Mowilith 20, Paraloid B72) et les résines à haut indice (Regalrez 1094, MS2A) 121. Elle permet à la fois de travailler en transparence ou en opacité ce qui peut être très intéressant pour notre œuvre qui présente une couche picturale opaque mais avec une facture « gouachée ».
121
(Koneczny, 2010 p. 67) 128
3.2.2 R É TA B LIS S E ME N T D E LA LIS IB IL ITÉ Dans un premier temps, la couche picturale doit être dépoussiérée et dévernie afin de parvenir à éliminer les éléments qui limitent sa lisibilité. Le dépoussiérage peut être fait mécaniquement ou à l’aide d’un solvant. Un premier essai à l’aide d’une petite brosse douce a démontré que la couche indésirable de poussière et de crasse est trop grasse pour se contenter d’un passage mécanique. Il faut donc se tourner vers les solvants. Cependant la couche picturale est fragile, fortement craquelée et lacunaire. Il faut donc limiter le passage mécanique du coton, limiter également la pénétration et la rétention du solvant et éviter les résidus. Nous pensons éviter directement les solvants qui nécessitent un rinçage. Devoir passer deux fois tout en prenant le risque de laisser des résidus dans les craquelures ou dans les lacunes paraît être un risque trop élevé pour cette opération. La précision du geste et la maîtrise du produit sont également deux critères très importants. Il s’agit en effet d’une part d’éviter, autant que possible, la migration de la crasse dans les craquelures et d’autre part de limiter la pression sur la couche picturale pour ne pas perdre d’avantage de matière picturale. Le gel de méthylcellulose a été testé à +-10% mais malgré la petite quantité appliquée, le contrôle du produit est limité et ne permet pas de garantir une manipulation aisée. L’eau semble le meilleur solvant, utilisée froide ou tiède, son résultat est intéressant : les résidus sur le coton sont gris voire noirs et pratiquement aucun frottements ne sont nécessaires. L’eau s’évapore relativement vite car nous avons pensé à assurer une ventilation efficace de la pièce. L’eau déminéralisée tiède assure une efficacité proche de l’eau déminéralisée froide mais en un temps plus court. L’eau tiède doit cependant éviter d’être en contact avec la toile dans les zones lacunaires car elle pourrait solubiliser l’adhésif qui permet de maintenir la couche picturale sur le textile. La combinaison d’un petit coton et d’une eau déminéralisée tiède devrait nous assurer un décrassage contrôlé et efficace.
129
Le dévernissage est une étape très importante dans un protocole de restauration. Il s’agit en effet d’une opération irréversible, comme le décrassage et est donc, en théorie, contraire à la déontologie du restaurateur. Le vernis fait partie intégrante de l’œuvre, de sa matérialité et de son histoire. De plus, un vernis naturel jaunit 122avec le temps ce qui modifie son aspect esthétique auquel le lecteur peut s’habituer au fil du temps. L’étude de Grazia Nicosia sur les « Incidences visuelles et cognitives du nettoyage des tableaux » a permis de constater que « le jaunissement du vernis et son retrait induisent des modifications sémiotiques de l’œuvre déterminant des changements cognitifs chez le regardeur » 123 . Retirer un vernis ou l’alléger entraîne forcément des modifications esthétiques qui peuvent donc faire évoluer notre propre lecture de l’œuvre. Au-delà de l’aspect esthétique, le dévernissage peut avoir des conséquences également sur les matériaux constitutifs de l’œuvre et surtout sur ceux de la couche picturale. Le risque majeur d’un dévernissage est la lixiviation qui se définit comme un appauvrissement en liant de la couche picturale sous l’action d’un solvant. Le dévernissage doit, dans le meilleur des cas, s’apparenter d’avantage à un allègement de vernis plutôt qu’à un enlèvement pur et dur de la couche de vernis. Cela garantirait une protection de la couche colorée et une élimination suffisante de la quantité de résine pour supprimer la coloration jaunâtre. Cette opération délicate demande donc une série de tests pour déterminer la nature du solvant qui sera utilisé. Un protocole objectif et raisonné doit être établi pour assurer un dévernissage dans les meilleures conditions possibles.
122 123
Voir « Origine du jaunissement de la surface » p. 121 (Nicosia, 2010) 130
La théorie veut que « la solubilité d’une substance A dans un solvant B [soit] liée aux interactions spécifiques qui peuvent s’établir entre A et B »124. Ces interactions peuvent être les suivantes :
Forces d’orientation (entre molécules polaires)
Forces induites (entre molécules polaires et non polaires)
Forces de dispersion (entre molécules non polaires)
Forces de liaison hydrogène (mise en commun d’un hydrogène)
Forces coulombiennes (entre ions)
Forces de transfert de charge (mise en commun d’un électron)
Plusieurs méthodes d’approche sont disponibles pour établir le processus de dévernissage. Les plus connues sont celles de L. Masschelein-Kleiner125, P. Cremonesi et Feller qui proposent des listes de solvants ou des gels permettant la mise en place d’un test de dévernissage126 3.2.3 P R OTE C TION D E LA C OU C H E P IC TU R A LE Le vernissage de l’œuvre se fait à plusieurs niveaux, avant la réintégration des lacunes et après la restauration complète de la couche picturale. Le vernis intermédiaire doit nous permettre de saturer les couleurs de la couche picturale pour avoir une idée de l’effet produit une fois l’œuvre vernie. Cette observation nous permettra de mieux appréhender la retouche. Il sert également de couche protectrice entre l’œuvre et les éléments de restauration. Cela garantit une certaine réversibilité. Enfin, le vernis sature les mastics et supprime leur porosité. Il est donc nécessaire de choisir un vernis qui réponde à ces différents critères ; saturation des couleurs, réversibilité et diminution de la porosité du mastic.
124 125
(Masschelein-Kleiner, 1994 p. 109) (Ibid.) 131
3.3 T ESTS
POUR L ’ ÉTABLISSEMENT DU CA H IER DES CHARGES
3.3.1 T E S TS
DE D ÉC R AS SA GE
3.3.1.1
O BJ ECTI F
Déterminer un solvant ou un mélange de solvant permettant le décrassage de la surface de l’œuvre. 3.3.1.2
P RO TO CO LE
À l’aide d’un bâtonnet de coton imbibé de solvants, une petite fenêtre de test est effectuée sur quatre zones particulières de la peinture ; le ciel (pour les teintes bleues), les nuages (pour les teintes très claires), le feuillage des arbres (pour les teintes vertes), la tunique du paysan du premier plan (pour la teinte rouge) et le premier plan (pour les teintes terreuses). Solvant testés :
3.3.1.3
Eau déminéralisée froide et tiède
Gel de méthycellulose à +-10%
White spirit.
R ÉSULTAT S
Solvants Eau déminéralisée froide
« Ciel »
« Nuage »
Terres
« Feuillages »
Rouge
Commentaires
++
++
++
++
++
Coton noircit
Eau déminéralisée tiède
+++
+++
+++
+++
+++
Coton d’avantage noircit que pour l’eau déminéralisée froide
White Spirit
Aucun résultat ni sur le coton ni sur le tableau.
++
Manipulation difficile, risque important de résidus dans les craquelures et les lacunes
Gel méthylcellulose
3.3.2 T E S TS 3.3.2.1
de
++
++
+
+
DE S OLUB IL ITÉ D U V E R N IS
O BJ ECTI F
L’objectif de ce test est de déterminer les paramètres de solubilité du vernis présents sur la couche picturale de l’œuvre. Cela permet d’une part de préciser la nature du vernis et d’autre part d’appréhender notre choix de traitement de restauration du support pour s’assurer donc de la compatibilité entre les matériaux qui seront utilisés et la nature des solvants qui devront être utilisés pour le dévernissage. 132
Le choix s’est porté sur la liste des solvants tests de Wolbers pour une raison simple : l’observation des paramètres de solubilité des différents solvants sur le triangle de Teas permet une lecture progressive de la polarité du solvant. De plus le pourcentage de chaque mélange étant également progressif il nous permet de déterminer le pouvoir d’action des différents solvants. Wolbers met en œuvre 3 solvants différents utilisés en binômes : 1. Ligroïne
La ligroïne est de l’éther de pétrole dont le composé principal serait le n-Pentane. C’est donc un hydrocarbure saturé (alcane) qui est caractérisé par une absence de moment dipolaire permanent et une constante diélectrique très faible. Il n’est pas considéré comme solvant ionisant, dissociant ou coordinant. « En résumé, ces composés sont remarquablement inertes. On les utilisera comme diluants ».127 2. Acétone
L’acétone fait partie des cétones qui sont caractérisés par le groupement carbonyle (C=O). Les cétones sont des solvants pénétrants mais avec une rétention plutôt faible (une phase I d’évaporation rapide, moins d’une demi-heure et une phase II à moins de 3% pour un maximum de 4 jours
128
). Les cétones sont dipolaires, ionisantes,
dissociantes et coordinante : « Elles sont de bons solvants […] [pour] certaines résines naturelles. »129 3. Ethanol
L’éthanol est un alcool caractérisé par la présence d’un groupement hydroxyle OH. Ce composé est ionisant, coordinant, protique, dissociant et peu polarisable. Il permet la dissolution des résines naturelles et sont fort utiles pour l’élimination des vernis. Nous décidons que l’’ordre des tests sera, dans cet ordre, la liste ligroïne/éthanol, ligroïne/acétone et si nécessaire éthanol/acétone.
127
(Masschelein-Kleiner, 1994 p. 59) (Ibid.p. 80) 129 (Ibid.p. 81) 128
133
3.3.2.2
P RO TO CO LE
A l’aide d’un bâtonnet de coton imbibé de solvant, de petites fenêtres de tests sont, dans premier temps, effectuées dans les teintes claires afin de visualiser rapidement l’action du solvant. Le protocole de restauration dans lequel s’inscrit ce premier test de dévernissage fait que ce test ne sert qu’à déterminer les paramètres de solubilité du vernis. Le dévernissage ne sera effectué qu’après la restauration du support. Mais comme celle-ci va nécessiter l’utilisation de la cire-résine, il est important de connaître d’avantage le vernis pour éviter d’être en conflit, par la suite, avec un dévernissage nécessitant un solvant qui pourrait endommager la récente restauration. Aussi aucune recherche à ce stade de la démarche ne sera faite pour trouver un équivalent au solvant qui solubilise le vernis. Ce test devra probablement être réitérer après la restauration du support. L’apport important d’eau durant ce traitement risque, en effet, de faire évoluer certains paramètres de solubilités et il peut être intéressant de comparer avec ceux que l’on a trouvé au ce premier test.
134
3.3.2.3
R ÉSULTAT
Solvant
Couleur de couche picturale
Action mécanique
Temps
Résidus sur le coton
Observation sur l’œuvre
LE1130
Blanc
Légers frottements
± 10 sec
Non
Aucune
LE2
Blanc
Légers frottements
± 10 sec
Non
Aucune
LE3
Blanc
Légers frottements
± 10 sec
Non
Aucune
LE4
Blanc
Légers frottements
± 10 sec
Non
Léger blanchiment131
LE5
Blanc
Frottement
± 20 sec
Résidus jaunâtres
Allègement de vernis132
Allègement de vernis
Allègement de vernis
130
LE6
Blanc
Frottement
± 20 sec
Résidus jaunâtres plus importants
LE7
Blanc
Pratiquement pas de frottements
± 20 sec
Résidus jaunâtres
LEn signifie « Ligroïne – Ethanol » et « n » signifie « n.10% » d’éthanol dans le mélange. Exemple : LE1 = Ligroïne 90% - Ethanol 10% 131 Dans un premier temps, nous pensons à un chanci de vernis mais l’observation au compte-fil confirme qu’il s’agit de la couleur des pigments qui est d’avantage visible. 132 L’observation au compte-fil confirme que du vernis a été enlevé mais de façon irrégulière et non-homogène sur la surface du test. il semblerait qu’un feuil de vernis persiste, il s’agirait d’une deuxième couche de vernis. 135
± 20 sec
Résidus jaunâtres plus importants
Supprime a priori une couche 133 vernis
LE8
Blanc
Pratiquement pas de frottements
LE9
Blanc
Pratiquement pas de frottement
± 20 sec
Résidus jaunâtres
Supprime une couche de vernis et commence l’allègement de la 134 deuxième couche
Blanc
Pratiquement pas de frottement
± 20 sec (2 passages )
Résidus jaunâtres sur les deux cotons
Observation d’une couche picturale fortement composée de pigment blanc.
LE9
Nous pouvons conclure, à la suite de ce tableau, qu’à partir du solvant LE jusqu’au 4
solvant LE , nous avons une solubilité du vernis croissante. Il devient réellement efficace 9
à partir du LE ou LE . Ce solvant reste néanmoins trop fort à cause de la présence 8
9
d’éthanol (jusqu’à 90%) pour une utilisation prolongée dans un dévernissage.
133
Il semblerait qu’un feuil de vernis persiste, il s’agirait d’une deuxième couche de vernis sous-jacente à celle enlevée par le premier passage du coton. 134 Un déplacage de vernis est observé sous compte-fil qui permet de voir qu’une seconde couche de vernis existe bien et que le pigment sous-jacent est blanc. 136
Cependant, la visualisation des paramètres de solubilité sur le triangle de Teas a permis de déterminer qu’il s’agit probablement d’un vernis mastic. En effet, la trajectoire progressive des mélanges ligroïne-éthanol démontre qu’à partir la moitié (correspondant à LE ) qui a un pouvoir d’action sur le vernis, cela correspond à la résine mastic et cela 5
se confirme jusqu’à LE . 9
Ensuite nous observons une certaine compatibilité entre l’utilisation de la cire-résine au niveau du support et le dévernissage d’un vernis à la résine mastic.
Sch. 1 Triangle de solubilité. [croix noire] est la position du solvant LE , [croix mauve] est la position sur solvant LE . Le trait noir reliant les deux solvants représente l’évolution progressive des mélanges ligroïne-éthanol. 9 (42 – 16 – 42)
1 (91 – 4 – 5)
137
3.3.3 E TA B LIS S E ME N T
D ’ U N E MÉ TH ODE D ’ A LLÈ GE ME N T D E VE R N IS
P H . 22 V ISU ALISATI ON
P H . 23 V ISU ALISATI ON
DU VERNI S SOU S LUMIÈR E
U.V.
DU VERNI S EN LUMIÈR E DU JOU R
L’objectif d’établir une méthode est de permettre une action contrôlée et réfléchie pour atteindre un allègement de vernis pertinent. Elle est mise au point en cours de traitement de l’œuvre. Pour rappel, la couche picturale a été décartonnée et en plus du vernis, présente des résidus de cire-résine autours des lacunes et probablement encore des résidus de colle de pâte. Avant le travail du support, un premier test de solubilité du vernis révélait une sensibilité aux mélanges ligroïne-éthanol avec une forte proportion d’alcool. Il se peut que la polarité du vernis ait diminué après l’apport d’eau issu du cartonnage. Un premier décrassage aqueux pourrait permettre l’enlèvement des derniers résidus de colle de pâte ainsi que de la poussière et de la crasse qui se sont accumulées sur la surface et qui peuvent être maintenues par les résidus de colle. Malheureusement, après 138
un test à l’eau tamponnée (pH 7,5), le vernis se révèle particulièrement sensible à l’eau en formant des chancis. Cependant, les chancis peuvent être corrigés par l’allègement de la couche de vernis. Les résidus de cire-résine peuvent être enlevés avec un hydrocarbures tel que l’isooctane qui est plus volatile et moins pénétrant que le white-spirit. Le protocole de test suit la même logique que le premier test en comparant les résultats obtenu avant et après traitement du support. Ainsi ce sont d’abord les mélanges ligroïneéthanol qui seront testés. 3.3.3.1
R APPEL DES O BSERVA TI O NS LO RS DE L ’ EXAM EN DE L ’ Œ UVRE
Avant de réaliser les opérations du support (cartonnage, imprégnation de cire-résine, bandes de tension), des tests avaient été réalisés pour connaître la nature et les paramètres de solubilité du vernis.
Ces tests se sont basés sur les mélanges de
Cremonesi, appréciables pour l’évolution régulière de leurs polarités. Les résultats ont permis de constater qu’il s’agissait probablement d’un vernis à base de résine mastic car la zone de solubilisation correspond uniquement à cette résine (a priori, pas de possibilité pour que cela soit un vernis dammar). En effet, la polarité de ce vernis était élevée puisqu’il se sensibilisait aux mélanges ligroïne-éthanol comportant une importante part d’alcool (LE7 à LE9). 3.3.3.2
O BSERVATI O NS APRÈS TR AI TEM ENT DU SUPPO RT
L’apport d’eau et de chaleur ayant peut-être modifié la polarité du vernis, de nouveaux tests sont effectués pour comparer l’évolution des paramètres de solubilité, avec la même liste de mélanges ligroïne-éthanol.
139
Sans décrassage préalable
Les résultats sont moins intéressants que lors du premier test, la polarité n’a pas diminuée et le rendu visuel ne semble pas du tout homogène.
P H . 24 [ DE
G AUCHE À DR OIT E ] TEST S
LE6, LE7, LE8
Après un décrassage à l’eau tamponnée (pH = 7)
L’ A C TION
D U D É C R AS SA GE
: Le décrassage à l’eau tamponnée produit un chanci de
vernis mais les résidus présents sur le coton confirment la nécessité de cette opération. D’autres tests à la salive ou avec un gel de méthylcellulose ont révélé le même résultat de chanci mais ont nécessité d’avantage d’action mécanique. Il semble donc que l’eau tamponnée, neutre avec un pH 7, soit le solvant le plus simple à utiliser pour sa rapidité et sa maniabilité.
P H . 25 V ISU ALISATION
DU CH ANC I DE VERNIS F ORMÉ APRÈS L ' APPLI C ATI ON D E L ' EAU T AM PON NÉE ( P H
= 7)
140
L’action de l’allègement de vernis : Le résultat d’un allègement de vernis après décrassage est beaucoup plus intéressant ; avec un mélange ligroïne-éthanol à 50-50 le vernis gonfle et se retire très facilement, peut-être trop facilement. Un test avec un mélange ligroïne (70) - éthanol (30) montre un allègement moins poussé, mais visible aux UV et semble laisser une fine pellicule de vernis sur la couche picturale. Le chanci a également complètement disparu. Ce dernier mélange est privilégié car il permet une action contrôlée et limite le risque de lixiviation de la couche picturale.
P H . 26 [ G AUCH E ] T EST LE5. [ DROITE ] T EST LE3
P H . 28[ GAUCHE ] T EST LE5. [ DR OITE ] T EST LE3.
. P H . 27 [ G AUCH E ] T EST LE5. [ DROITE ] T EST LE3.
141
3.3.3.3
E TUDE DES PO SSI BI LI TÉ S DE SO LVANTS SUR BA SE DES PARAM ÈTRES DU M ÉLANG E LIG ROÏ NE - ÉTHANO L (70 -30)
En étudiant les paramètres du mélange testé précédemment, nous devrions pouvoir mettre au point un mélange de solvant adapté. En se basant sur les paramètres de solubilité du mélange ligroïne-éthanol, les autres points d’études sont la viscosité et la pénétration, la volatilité et la rétention et enfin la toxicité. Les paramètres de solubilité dans le triangle de Teas du mélange LE3 sont (fd)78,7 – (fp)6,8 – (fh)14,5 Ces paramètres montrent que la polarité du vernis a considérablement baissé au point de se retrouver dans la zone de solubilisation de la cire d’abeille. Nous allons tenter de trouver un mélange de solvants proche de ce point de solubilité mais en se trouvant tout de même en dehors des zones de solubilisation de la cire d’abeille.
Remplacement de la ligroïne
La ligroïne pourrait être remplacée par un solvant tel que le toluène qui, dans un mélange avec l’éthanol à 70%, présenterait les paramètres de solubilité suivants : (fd)65– (fp)10 – (fh)25. Nous sommes alors suffisamment loin de la zone de solubilité de la cire d’abeille. Cependant la toxicité du toluène est un réel problème d’autant qu’il est beaucoup plus pénétrant que la ligroïne et risquerait donc d’avantage d’entrer en contact avec la cire (les hydrocarbures étant d’excellents solvants pour les cires).
Remplacement de l’éthanol
Dans le cas où c’est l’éthanol qui serait remplacé, nous pourrions utiliser le méthanol qui ne changerait pas beaucoup les paramètres de solubilité ((fd)77– (fp)8– (fh)15) alors qu’il est plus pénétrant que l’éthanol.
Autres solvants que la ligroïne et l’éthanol
En dehors du binôme hydrocarbure-alcool, nous avons également la possibilité d’utiliser le mélange isooctane (50%) – éther éthylique (20%) – éthanol (30%) (mélange repris dans la liste de L. Masschelein-Kleiner, donc les proportions sont légèrement différentes). L’isooctane est moins pénétrant que la ligroïne, l’éther est très peu pénétrant à cause de sa volatilité (température d’ébullition = 34,5°C) et la part d’éthanol est toujours à 30%. Les paramètres de solubilité du mélange sont : ((fd)72– (fp)9– (fh)19). 142
Cela reste encore à la limite des zones de solubilité mais en l’étant moins que le mélange ligroïne-éthanol. De plus, les zones ciblées sont celles de la cire d’abeille et de la dammar or le mélange étant également composé d’élémi, il est probable que la zone de solubilité ne corresponde pas totalement à celle-ci, ni à la superposition des zones de solubilité de la dammar et de la cire d’abeille. La toxicité du mélange est relative puisque l’éther a une toxicité de 400ppm, l’éthanol 1000ppm et l’isooctane, autour des 500ppm. La rétention de l’isooctane est faible (1 à 2% après une heure, dans la couche picturale), l’évaporation de l’éther est extrêmement rapide, pratiquement sans rétention et l’éthanol est l’alcool présentant la phase de rétention la plus courte. Finalement, aux niveaux des paramètres de solubilité, de la pénétration, de la volatilité et de la rétention, le mélange isooctane-éther-éthanol semble être un bon compromis pour l’allègement du vernis.
143
144
3.3.3.4
P RO PO SI TI O N DE TRAI TEM ENT
Réaliser un décrassage à l’eau tamponnée (pH neutre – 7) zone par zone (délimitée par les éléments iconographiques du tableau) pour contrôler le chanci et limiter la perte de lisibilité de l’œuvre. Après le décrassage d’une zone, réaliser l’allègement de vernis avec un mélange isooctane (50%) – éther (20%) – éthanol (30%).
P H . 29 O UVERTUR E
DU TEST AVEC L E MÉL ANG E
ISOOCT AN E - ÉTH ER - ÉTH AN OL LUMIÈRE DU JOUR
(50-20-30),
EN
P H . 30O UVERTURE
DU T EST AVEC LE MÉL ANG E
ISOOCT AN E - ÉTH ER - ÉTH AN OL LUMIÈRE
SOUS
U.V.
P H . 31O UVERTURE
DU T EST AVEC LE MÉL ANG E
ISOOCT AN E - ÉTH ER - ÉTH AN OL LUMIÈRE
(50-20-30),
(50-20-30),
SOUS
U.V.
145
4 P ROTOCOLE DE RESTAURATION Le protocole de restauration reprend de façon synthétique l’ensemble des opérations, dans un ordre chronologique. 1. Décrassage à l’eau déminéralisée tiède 2. Tests de dévernissage (Cremonesi) 3. Protection de surface au Bolloré 11g et colle de rentoilage (2 couches, croisées) 4. Dépose de l’œuvre, aplanissement des bords de clouage 5. Cartonnage à l’intissé fin (deux couches) 6. Retournement de cartonnage 7. Nettoyage de la toile externe à l'aide d'une petite brosse, d'une gomme Wishab et d'un aspirateur 8. Suppression de la toile externe à l'aide de compresses de coton imbibées d'eau 9. Nettoyage de la toile interne et enlèvement des surplus de colle avec un gel de méthylcellulose 10. Refixage et stabilisation de la couche picturale et du support avec une imprégnation de cire-résine 11. Pose de bandes tension (Intissé) avec un adhésif synthétique 12. Décartonnage 13. Mise sur châssis définitif 14. Deuxième test de solubilisation du vernis 15. Allègement de vernis 16. Suppression des repeints et des mastics de restauration 17. Vernissage intermédiaire 18. Pose des mastics 19. Vernissage des mastics 20. Réintégration chromatique 21. Vernissage final
146
5 R APPORT DE RESTAURATION 5.1 D ÉCRASSAGE Objectifs Supprimer la couche de crasse limitant la lisibilité de l’œuvre et éviter en même temps que celle-ci s’incruste au sein de la couche colorée par les craquelures pendant la protection de surface. Matériaux Bâtonnets de coton Solvant : eau déminéralisée tiède
Protocole Passage du bâtonnet de coton imbibé de solvant en limitant au maximum les frottements mécaniques sur la couche picturale. Résultats Résultat très satisfaisant. La crasse responsable d’une perte de lisibilité a été retirée de façon homogène sur toute la surface de l’œuvre. Le vernis limite toujours la gamme de couleur de la couche picturale par sa coloration jaune mais nous découvrons une luminosité (surtout dans le ciel) précédemment cachée par la crasse.
P H . 32 Z ON E
EN C OURS DE DÉCR ASSAG E
147
5.2 P ROTECTION
DE SUR FACE
Objectifs La protection de surface permet le maintien de la couche picturale et évite le développement des pertes de matière. De plus la colle de pâte utilisée permet un refixage provisoire des bords des lacunes, ce qui limite finalement la propagation des pertes de matière. La superposition et le croisement de papiers Bolloré fins assurent la répartition des forces de contraintes lors du séchage. Matériaux 2 Papiers Bolloré 11g Colle de pâte légère Spalter
Protocole Mise en place du papier sur la couche picturale et application de la colle tout en respectant le sens des fibres pour éviter les plis. Après le séchage du premier papier, une légère humidification permet la mise en place du second papier.
P H . 33 A PPLIC ATION
D E L A PROT ECTI ON D E SURF AC E
148
Résultats Les craquelures orientées en soulèvement semblent déjà avoir « diminué de volume » ce qui permet de comprendre l’action des papiers et de la colle au niveau de la pression et des contraintes. L’ensemble de la couche picturale semble effectivement protégée par les deux papiers.
P H . 34 P ROT ECTION
5.3 D ÉPOSE
D E SU RF ACE SUR L ' EN SEM BLE D E L ' Œ UVRE
DE L ’ ŒUVRE
Objectifs La dépose de l’œuvre est l’étape inévitable qui précède la restauration du support. Elle permet en effet d’avoir accès à l’ensemble du support toile. Matériel Davier Mélinex Spatule chauffante Papier buvard humidifié
Protocole Les semences sont retirées les unes après les autres dans un temps restreint. L’œuvre libérée de son châssis est posée sur le Mélinex, le support face à nous. Les scrupules, crasses et autres résidus sont enlevés pour éviter de les incruster par la suite. Les bords de clouage sont ensuite humidifiés pour détendre les fibres avec un papier buvard humidifié et une spatule chauffante est passée sur l’ensemble pour finir d’aplanir les bords.
149
Résultats L’œuvre a été remise au plan ce qui va nous permettre de réaliser un cartonnage.
P H . 35 D ÉPOU SSIÉR AG E
DU R EVER S D E L ' OEU VRE
5.4 C ARTONNAGE Objectifs Le cartonnage a pour objectif d’assurer le maintien de la planéité de l’œuvre et la protection de la couche picturale. Par la suite, le cartonnage retourné permettra la restauration du support sans risquer d’endommager davantage la couche picturale. Matériel Colle de rentoilage 2 Intissés de polyester Tirants en papier journal Fond en bois Mélinex Spalter
150
Protocole L’ensemble des matériaux est posé suivant le schéma qui suit :
La colle est appliquée sur l’intissé fin en faisant attention à éviter les bulles d’air et les plis qui, dans le premier cas, n’assurent pas le contact entre le papier de cartonnage et l’œuvre et, dans le second cas, contraignent davantage la couche picturale par l’accumulation de colle.
P H . 36 A PPLI C ATI ON
DU C ARTONN AGE
Une légère humidification de la surface de l’œuvre après le séchage du premier papier permet la pose du second papier en limitant l’augmentation des contraintes lors du séchage.
151
Résultats L’œuvre est ainsi maintenue dans le plan et est parfaitement protégée pour assurer la restauration du support.
P H . 37 C ARTON N AG E
5.5 R ETOURNE MENT
D E L ' OEU VR E EN C OURS DE SÉCH AGE
DE CARTO N NAGE
Objectifs La mise dans le plan ayant été effectuée grâce au cartonnage, son retournement permet l’accessibilité sécurisée au support. La couche picturale est en effet protégée par la succession de papiers de protection et par le fond en bois. La tension est maintenue grâce à la colle utilisée pour fixer l’ensemble sur le fond. Matériaux Colle de pâte froide Raclette
Protocole Le cartonnage est coupé le long des tirants de papier journal. Il est ensuite retourné et les bords des tirants sont pliés en deux, la moitié extérieure étant alors encollée à la main avec la colle froide. Les bords sont ensuite repliés sur le fond en bois et la raclette permet de tirer sur ces bords pour assurer la tension et retirer les excès de colle.
152
P H . 38 C ARTON N AG E
EN C OUR S D E RET OUR NEMENT
Résultats L’oeuvre est ainsi maintenue sous tensions, protégée et prête à être restaurée au niveau du support.
P H . 39 S UPPORT
5.6 N ETTOYAGE
VISI BLE APR ÈS RET OURN EMENT D E C ART ONN AG E
DE LA TOILE EXTERNE
Objectifs Le cartonnage retourné permet l’accessibilité de la toile externe. Celle-ci est fortement encrassée. Nous notons la visualisation d’une empreinte du châssis, qui témoigne de la relative protection qu’offre celui-ci. Le nettoyage de la toile externe est important car, lors des opérations suivantes, nous devons éviter que la crasse s’infiltre au travers de la toile lors de l’apport d’eau qui servira pour le dé-rentoilage. 153
Matériaux 1. Premier nettoyage Petite brosse sèche Aspirateur 2. Deuxième nettoyage Gomme Wishab Aspirateur
Protocole A l’aide d’une petite brosse, nous « soulevons » la poussière et la crasse superficielle qui sont directement aspirées par l’aspirateur. Ensuite, avec une gomme wishab, nous assurons un deuxième nettoyage qui enlève davantage la crasse incrustée dans les interstices du support. L’aspirateur permet également d’enlever rapidement les résidus. Résultats Les résultats sont très satisfaisants. Visuellement nous voyons une nette différence et nous pensons que le risque est beaucoup moins grand à présent de faire migrer des particules indésirables dans les strates inférieures.
P H . 40 N ETTOY AGE
DE L A TOILE EXT ERNE
154
5.7 D ÉRESTAURATION
DU REN TOILAGE
Objectifs L’enlèvement de la toile externe permet d’accéder à la toile interne, strate très importante dans la problématique de perte d’adhésion menaçant l’œuvre. Cette accesibilité permettra, d’une part, de pouvoir observer la toile interne – ce qui n’a pas pu être possible jusque-là, et d’autre part, de pouvoir effectuer dans la suite du processus de restauration un refixage, une consolidation et une stabilisation de la stratigraphie. Matériaux Gants Compresses de coton imbibées d’eau Mélinex
Protocole Des compresses imbibées d’eau sont disposées pour commencer au niveau du bord gauche sur une largeur d’une dizaine de centimètres. Le Mélinex est disposé par-dessus pour limiter l’évaporation de l’eau. L’eau assure la réversibilité de la colle utilisée pour le rentoilage. Après un temps relativement cours (2-3 minutes) les compresses et le Mélinex sont déplacés sur la partie suivante. La première partie est alors délicatement séparée de la toile interne en commençant par les coins.
155
P H . 41 P OSE
D ES BAND ES DE C OT ON H UMIDES
La toile est séparée petit à petit, en suivant deux axes obliques à partir des coins et en faisant attention à ce qu’elle garde un angle le plus important possible (proche des 180°C) car cela limite le phénomène d’arrachement qui peut avoir des conséquences néfastes pour la couche picturale. Lorsque la toile est complètement retirée, elle est posée sur un Mélinex.
P H . 42 S ÉPAR ATI ON
D ES D EU X T OILES
Résultats
156
La toile externe a pu être retirée sans aucun problème technique et dans un temps relativement court. La résistance a été très faible grâce à la totale réversibilité de la colle de rentoilage.
P H . 43 S ÉPAR ATI ON
P H . 44 V ISU ALI SATI ON
D ES D EU X T OILES
D ES DEU X T OILES SÉPAR ÉES
157
La toile de rentoilage une fois sèche a marqué un retrait très important. Près de 2,5cm de moins en longueur et pratiquement pas de retrait en largeur.
P H . 45 T OIL E
EXTERN E R ETIR ÉE ET D ÉFORMÉE APRÈS SÉC H AGE
158
5.8 E NLÈVEMENT
DES SURPLU S DE COLLE DE RENTOILAGE
Objectifs Les surplus très irréguliers de colle de rentoilage restant sur la toile interne peuvent poser des problèmes de contrainte au niveau de la toile et ils obstruent la perméabilité du support. Il faut donc pouvoir régulariser cette quantité de colle en la diminuant au maximum
P H . 46 V ISU ALISATION
D E L A C OUC HE D E C OLLE AU MICR OSCOPE X 50
Matériaux Gel de méthyl cellulose Spatule
Protocole
Premier nettoyage
Le premier nettoyage a été effectué directement après le dé-rentoilage, profitant ainsi d’une colle déjà réactivée par l’eau et d’un support toile humidifié par l’opération. Le gel de méthylcellulose est appliqué à l’aide d’une spatule sur la surface à nettoyer. Le temps de pose est relativement court puisque la colle est déjà réactivée. Le mélange colle-méthyl-cellulose est ensuite retiré à l’aide d’une autre spatule par grattage mécanique. Ce grattage doit être délicat car la couche picturale étant déjà très altérée par les réseaux de craquelures, les vibrations induites par le grattage risquent de développer cette fragilisation.
Deuxième nettoyage
Une fois le support interne sec, nous avons constaté la présence encore très importante de surplus de colle et nous avons choisi de réitérer l’opération. Le gel de méthylcellulose a été légèrement épaissi pour limiter la pénétration de l’eau qui risquerait de réactiver la colle entre la couche picturale et le support. 159
P H . 47 N ETTOY AGE
DES R ÉSI DUS DE C OLLE AU R EVER S DE L A T OIL E
Résultats Le résultat est correct, la perméabilité de la toile interne est assurée et il n’y a plus d’irrégularité importante au niveau de la quantité de colle.
P H . 48 T OIL E
APRÈS NETT OY AG E
160
5.9 I MP RÉGNATION
DE CIRE - RÉS INE
Objectifs L’imprégnation de cire-résine doit permettre une stabilisation de la stratigraphie et plus précisément de la couche de colle présente entre la couche picturale et le support. En effet, si le mélange de cire-résine pénètre correctement la stratigraphie, le matériau va combler les interstices présents dans les différentes strates. Cela va fortement diminuer, voire complètement résorber, la réactivité de l’ensemble. Matériaux Un mélange cire-résine composé135 de sept parts de cire d’abeille blanchie, deux parts de résine dammar et une part d’élémi. Un bain-marie Un spalter Un fer (de tailleur de préférence) chauffé
Protocole
Pose de la cire
Le mélange cire-résine est chauffé au bain-marie jusqu’à l’obtention d’un produit complètement liquide. Avec un spalter, le mélange est ensuite posé sur la toile en « drapeau anglais » ou en « étoile ». La cire-résine refroidissant très rapidement au contact de la toile froide, il est nécessaire de juger la quantité suffisante à l’œil, sans trop en mettre, avant de pouvoir la réchauffer grâce au fer. L’expérience acquise durant mes stages en Belgique m’a permis de gérer cette étape en ayant conscience de cette problématique.
135
Chaque composé provient du fournisseur HMB-BDA, Paris. 161
P H . 49 I MPRÉGN ATI ON
P H . 50 C OUC HE
DE C IRE - R ÉSIN E
D E CIRE - RÉSIN E APPLI QU ÉE SUR L ' ENSEM BLE DE L A TOILE
Passage du fer
Lorsque la cire-résine est posée, le fer chaud (il ne doit pas faire « crépiter » la cire lors du contact, cela signifie qu’il est trop chaud) est passé en commençant par le centre pour repousser le surplus de cire vers l’extérieur. Il faut s’assurer de l’homogénéisation de la cire-résine en se basant sur la couleur de la toile (qui s’assombrit) et à l’état de surface qui permet de voir les surplus. Lorsque l’ensemble paraît correctement imprégné de cire-résine, le fer est refroidi pour figer petit à petit la cire en surface et éviter qu’elle ne remonte.
162
P H . 51 P ASS AG E
P H . 52 R EVER S
DU FER
DE L ' OEU VRE APR ÈS L E PASS AGE DU FER SUR L A CIR E - RÉSINE
Résultats Le résultat est cohérent avec les attentes de cette opération et sa nécessité. Bien sûr, la toile a quelque peu été dénaturée par l’apport de ce produit, mais son aspect n’a pas été trahi et conserve ses caractéristiques visuelles de textile.
5.10 P OSE
DES BANDES DE TE NSION ET MISE SUR BÂ TI
Objectifs Pour finir le nettoyage, le montage sur bâti permet une visualisation de l’ensemble de l’œuvre mis à plat. Les bandes de tension sont, elles, nécessaires même pour la mise sur châssis définitif. 163
Matériaux Intissé moyen Cire résine (même mélange que pour l’imprégnation) réchauffé au bain-marie Fer chaud Plaque de céramique
Protocole
Pose des bandes de tension
Les bandes de tension découpées aux bonnes mesures sont posées sur les bords de clouages de l’œuvre et dépassent de 3 à 5 mm à l’intérieur. Le mélange cireux est ensuite posé au spalter de manière à avoir de la cire sur une demidouzaine de centimètres sur la largeur de chaque bande de tension 136 (cela permettra de les faire adhérer au châssis). Tout comme lors de l’imprégnation, le fer chaud permet d’homogénéiser la cire et la plaque de céramique permet de faire un chaud-froid directement après le passage du fer pour assurer l’adhésion de la bande de tension.
P H . 53 P OSE
136
D ES BAND ES DE T ENSION
Du scotch marron ainsi que des bandes de Mélinex ont été posés autours de l’œuvre pour évidemment éviter le « collage » des bandes de tension sur le fond en bois. 164
Mise sur bâti
Le cartonnage est ainsi coupé le long des bords de l’œuvre pour garder le moins possible d’éléments non –désirés (papier journal, scotch) et l’œuvre est montée sur le bâti.
P H . 54 M ISE
SUR BÂTI
Résultats Si toutes ces opérations se sont bien passées, nous constatons que le poids de l’œuvre a évolué. Malheureusement nous n’avons pas de mesures antérieures pour pouvoir comparer mais il aurait été intéressant de pouvoir visualiser la quantité de cire apportée à l’œuvre.
165
5.11 E NLÈVEMENT
DU
CARTONN AGE
ET
DES
PAPIERS
DE
PROTECTION
Objectifs Cette étape intermédiaire permet à la couche picturale d’être à nouveau visible et d’être opérationnelle pour la suite de son nettoyage. Matériaux Éponge mouillée
Protocole Les couches (les deux intissés et les deux papiers Bolloré) sont retirées une par une après avoir été humidifiées, en commençant par le centre.
P H . 55 O UVERTURE
D AN S LES P API ER S DE PR OTECTION
Résultats L’adhésion de la couche picturale semble efficace sur sa totalité. Les résidus de cire-résine visibles au niveau des lacunes de couche picturale sont enlevés pour assurer un support apte à la pose des mastics.
166
P H . 56 R ÉSULT AT
5.12 D ÉCRASSAGE
APR ÈS DÉC ART ONN AGE
ET ALLÈGEMENT DE VERNIS
Objectifs Il est important d’opérer une étape de décrassage avant celle de l’allègement de vernis car, comme il a été démontré dans le point sur l’établissement d’une méthode d’allègement de vernis, la polarité du mélange de solvants diminue considérablement après un décrassage à l’eau tamponnée (pH 7). L’allègement de vernis est nécessaire pour rétablir la lisibilité de l’œuvre ainsi que pour sa conservation. En effet, le jaunissement limite en grande partie la compréhension de l’iconographie de l’œuvre ainsi que des moyens plastiques utilisés par l’artiste (lumière, palette chromatique). Nous espérons retrouver, par ce traitement, une palette plus riche et plus proche de ce que l’artiste avait choisi. Le vieillissement d’un vernis augmente, au fur et à mesure que le temps passe, la polarité de celui-ci, ce qui engendre la nécessité d’utiliser des solvants d’autant plus polaires. Réaliser un allègement de vernis permettra de remplacer la couche protectrice par une autre dans le respect de la déontologie. Matériaux Bâtonnets de coton Eau tamponnée pH 7 Mélange isooctane (50) – éther éthylique (20) – éthanol (30)
167
Protocole Le décrassage est effectué en suivant des « zones iconographiques » pour conserver une lisibilité de la couche picturale malgré un développement de chancis de vernis (lié à la présence d’eau). Ensuite, lorsque l’eau s’est évaporée, l’allègement est effectué à l’aide de bâtonnets de coton imbibés du mélange de solvants. Cette étape nécessite entre 2 et 3 passages de solvant.
P H . 57 V ISU ALISATION
P H . 58 V ISU ALISATION
D E L ' ALLÈG EMENT D E VERNI S EN LU MIÈRE DU JOUR
D E L ' ALLÈG EMENT D E VERNI S SOU S LUMIÈRE
U.V.
Résultats Le résultat est déjà satisfaisant d’un point de vue de la lisibilité de l’oeuvre puisque nous retrouvons une palette de couleur et des détails iconographiques qui étaient perdus avec la présence du vernis. Cependant, nous notons une présence importante d’éléments perturbateurs comme des repeints (ou anciennes retouches) des jutages (dans le ciel) qui ne sont plus du tout accordés aux teintes adjacentes. Ils sont visibles aux U.V. sous forme de taches grises ou noires. Cela rend certaines zones complètement inhomogènes et rompt
168
l’équilibre de la peinture. Des tests sont effectués pour tenter d’enlever ces repeints et jutages dans le but de réintégrer une homogénéité de l’ensemble.
P H . 59 O BSR EVAT ION S
SOUR
U.V.
P H . 60 O BSR EVAT ION S
DES RÉSIDU S D ' AN CIENN ES R ET OUCH ES ET D E JUT AG ES
SOUS
U.V. D ' ANC IEN S
M ASTIC S ET DE SURPEINT S
169
5.13 E NLÈVEMENT
DES
SURPEINTS ,
JUTAGES
ET
AUTRES
ANCIENNES RESTAURAT IONS DE LA COUCHE PICT URALE
Objectifs Nous avons observé à la suite de l’allègement de vernis plusieurs sortes d’éléments perturbateurs de la lisibilité et de l’harmonie de la couche picturale. Celles-ci sont au nombre de trois ; les « anciennes retouches ponctuelles » principalement visibles dans le ciel sous forme de petites taches plus foncées, les « jutages » que l’on observe également plus facilement dans les zones claires et qui ne semblent pas homogènes dans leur application ou dans leur densité et enfin les « surpeints » débordants posés sur des mastics qui ne sont aujourd’hui plus du tout intégrés visuellement. Après réflexion, nous pensons judicieux de supprimer l’ensemble de ces éléments car tous participent à la dégradation visuelle de l’œuvre. Certes, nous risquons de parvenir à un état de la couche picturale plus ou moins usée, laissant transparaître une préparation rougeâtre qui peut être problématique dans les zones claires (comme le ciel). Mais le parti pris est de prévaloir une visualisation des usures de la couche picturale d’origine qui peuvent être atténuées avec un travail de retouche adaptée, au lieu de conserver des éléments qui ne s’intègrent plus du tout à l’ensemble et qui brisent finalement l’unité de l’œuvre. Tests et protocole Dans le même principe que pour l’allègement de vernis, des tests ont été effectués pour définir les zones de solubilités de ces éléments. La première observation notable est leur insensibilité totale aux solvants mis-en-œuvres durant le décrassage et l’allègement de vernis ; l’eau et le mélange isooctane(50)-éther(20)-éthanol(30).
Visuellement, cela ressemble à des
matériaux huileux, voire résineux donc nous optons pour les propositions de Liliane Masschelein-Kleiner pour tester les paramètres de solubilités des matériaux. Seul le mélange n°16 composée à 50-50 d’acétate d’éthyle et de diméthyl formamide permet un résultat satisfaisant. En effet, le jutage et les anciennes retouches ponctuelles dans la zone du ciel s’enlèvent au premier passage.
170
Malheureusement la toxicité du mélange pose un problème et nous décidons de chercher une équivalence moins toxique. Pour cela, nous faisons appel aux mélanges acétone-éthanol puisque sur le triangle de Teas, la position du mélange n°16 est fort proche de la droite représentant l’évolution des mélanges acétone-éthanol.
Le résultat est tout aussi satisfaisant sur le jutage et les
retouches « ponctuelles » avec un mélange Acétone-Ethanol (75-25%) et répond à la problématique de la toxicité du mélange. Cependant nous constatons que ce mélange est beaucoup trop volatile pour avoir un impact sur les repeints et nous décidons d’utiliser le mélange d’acétate d’éthyle et de diméthyle formamide (5050%) de manière locale. Ce mélange est plus pénétrant et le diméthyle formamide a une rétention beaucoup plus forte, ce qui permet un ramollissement du repeint. Un seul passage du solvant est suffisant et l’enlèvement se fait mécaniquement avec la pointe du scalpel.
171
P H . 61 [H AUT ] A PRÈS
N ETTOY AGE ( ENLÈVEMENT D ES M ASTICS ET REPEI NTS ).
NETTOY AGE ( G AUCH E
: U.V.,
DROITE
:
[BAS] A VANT
LE
LUMIÈRE D U JOUR )
Concernant l’étude de la composition de ces matériaux, les paramètres de solubilité se situent dans les zones de solubilisation des protéines et polysaccharides, des huiles, des résines naturelles et des résines synthétiques. Pour faire le tri parmi ces possibilités, les protéines et polysaccharides peuvent être exclues par l’insensibilité des matériaux à l’eau et les résines synthétiques sont trop récentes pour avoir été utilisées sur cette œuvre. Nous optons finalement pour une composition huileuse et résineuse. Les mastics présents sous les repeints sont également ramollis en surface grâce à l’apport du solvant. Cependant nous pensons que la composition d’origine des mastics est maigre et que seule la surface en contact avec le repeint huileux soit devenue lipidique. En effet, certains mastics plus épais présentent une couche 172
lipidique s’enlevant avec le repeint et puis un « corps » maigre gonflant en présence d’un gel de méthylcellulose (diminuant l’acte mécanique). Il en est de même avec la partie en contact avec le support, qui s’est en partie imprégnée de cire lors de l’imprégnation du cire-résine. Cette pluralité d’éléments présents au sein des mastics nous encourage à les supprimer dès aujourd’hui car leur réversibilité risque de décroître au fil du temps. A cela s’ajoute le fait qu’ils sont débordants et que leur « texture » ne correspond pas forcément avec la couche picturale adjacente.
P H . 62 [ DE
G AUCHE À DR OIT E ]
SOU S LUMIÈR E
[H AUT ] A VANT
U.V. [BAS] A PR ÈS
N ETTOY AGE , EN LUMIÈR E DU JOUR .
A VANT
NETT OY AG E
NETT OY AG E EN LUMIÈRE DU JOUR , DÉG AGEMENT DE L ’ ANCI EN AMSTIC .
Matériaux
Enlèvement du jutage : Acétone-Ethanol (75-25)
Enlèvement des retouches ponctuelles : Acétones – Ethanol (75-25)
Enlèvement des repeints : Acétate d’éthyle – diméthyle formamide (50-50) et suppression mécanique
Enlèvement des mastics : acétate d’éthyle –dimyéthyle formamide (50-50) pour la partie en contact avec les repeints lipidiques, gel de méthyl cellulose pour ramollir les parties centrales des mastics épais et suppression mécanique.
Résultats Nous sommes à présent à la fin du processus de nettoyage durant lequel nous avons procédé à l’allègement du vernis, à la suppression des repeints, des jutages et des retouches ponctuelles non-intégrés ainsi que des anciens mastics. 173
L’œuvre est ainsi libérée des éléments qui limitaient sa lisibilité. Notons également qu’à ce stade de la restauration, nous ne constatons aucun problème d’assombrissement de la couche picturale, malgré la présence de cire-résine.
5.14 V ERNISSAGE
INTER MÉD IA IRE
Objectifs Le vernissage intermédiaire assure une couche de protection de la peinture originale avant la pose des mastics et la restauration de la couche picturale. Pour éviter tout risque de pénétration d’un solvant pouvant solubiliser l’imprégnation de cire-résine, nous choisissons d’utiliser le toluène, malgré sa toxicité. Matériaux Vernis dammar à 20% dans du toluène Protocole Vernissage au tampon pour assurer une bonne application qui nourrit la couche picturale. Résultats Le résultat est homogène et permet, en plus de protéger la couche picturale, de retrouver les contrastes de la gamme chromatique.
174
5.15 M ISE
SUR C HÂSSIS
Le châssis est celui d’origine. L’apport de cire-résine au sein de la stratigraphie n’a pas trop alourdit l’œuvre et son châssis d’origine est suffisamment résistant pour supporter la contrainte.
P H . 63 V ISU ALISATION
5.16 P OSE
DU REVE RS APR ÈS MONT AG E SUR C HÂSSIS
DES MASTICS
Objectifs Les mastics remplacent les couches de préparations de la stratigraphie originale tout en réalisant une mise à niveau des lacunes pour ensuite permettre la réintégration colorée. Matériaux Modostuc© blanc Protocole Une première mise à niveau est réalisée en essayant d’obtenir une surface régulière et lisse, sans débordements. Ensuite une première structuration du mastic permet de « marquer » la surface avec les mêmes caractéristiques que la facture. Enfin, pour terminer, les zones restées lisses sont travaillées pour retrouver les marques du support imprimées dans la couche picturale adjacente.
175
Résultats
P H . 64 V ISU ALISATION
DU M ASTIC STRUCTUR É AU N IV EAU D U PONT
5.17 R ETOUCHES Objectifs Il s’agit principalement de retrouver l’image de l’œuvre et sa lisibilité afin qu’elle puisse à nouveau pleinement jouer son rôle.
P H . 65 [G AUC HE
À DR OITE ]
[H AUT ] A V ANT L ACUN E .
NETT OY AG E .
A PRÈS
A PRÈS
N ETTOY AGE .
[B AS ] M ASTIC AG E
DE LA
RÉINTÉGR ATI ON .
176
Matériaux
Couleurs de fond : Aquarelle
Couches finales : Laropal A81 à 15% dans isooctane-isopropanol 50-50.
Protocole Les couches de fond à l’aquarelle permettent d’atténuer le contraste avec la blancheur des mastics et assurent une base pour la réintégration de la lacune dans l’ensemble iconographique. La retouche au Laropal A81 est plus opaque que l’aquarelle et permet également de jouer sur certaines épaisseurs (feuillage par exemple) répondant à la facture d’origine. Les usures sont minimisées avec de l’aquarelle fortement diluée.
P H . 66 [G AUC HE
À DR OITE ]
A PRÈS
N ETTOY AGE .
M ASTIC AG E
DES L ACU NES .
R ÉINT ÉGR ATI ONS
CHROM ATI QUES .
177
Résultats La réintégration chromatique a permis de refermer l’image pour retrouver une vue d’ensemble sans éléments perturbateurs pour sa lecture. De plus, elle a réduit les contrastes des accidents et des usures, notamment dans le ciel, sans pour autant les effacer complètement pour respecter l’histoire de l’œuvre. De plus, les matériaux utilisés sont réversibles, davantage que ceux utilisés dans l’ancienne campagne de restauration.
P H . 67 [G AUC HE CHROM ATIQUES .
À DR OITE ]
[H AUT ] A PRÈS
[B AS ] D ÉT AIL
NETT OY AG E , USURES VI SI BL ES .
AVANT L A R ETOU CHE DES USURES .
A PRÈS
A VANT /A PR ÈS
R ÉINTÉGR ATI ON S
L A RET OUCH E D ES
USURES .
178
5.18 V ERNISSAGE
FINAL
Objectifs Le vernis final est la principale couche de protection physico-chimique de l’œuvre et assure dans le même temps un rôle visuel puisqu’il garantit un état de surface (brillance – matité) homogène. Matériaux
Dammar 15% dans du white-spirit par pulvérisation
Protocole Une première couche est appliquée en suivant une gestuelle verticale suivie d’une seconde couche appliquée horizontalement avec un Eco spray©. Résultats La gamme chromatique a retrouvé un contraste intéressant pour la lisibilité de l’œuvre et la couche de vernis est homogène, assurant une régularité au niveau de la brillance.
P H . 68 Œ UVRE
R EST AURÉE APRÈS VERN ISSAGE
179
C ONCLUSION L’examen préliminaire de l’œuvre a mis au jour une stratigraphie instable et complexe qui était la principale source d’altération de l’œuvre. Cette instabilité mettant en péril l’intégrité et la conservation de l’œuvre,
la principale
problématique était donc de répondre à cela en insérant un matériau permettant de retrouver une stratigraphie stable. Au-delà de ce fait, la lisibilité de l’œuvre était fortement réduite à cause d’un vernis oxydé et d’une multitude de lacunes ne permettant plus d’obtenir une surface homogène pour véhiculer l’image du tableau. Cela fut donc la seconde problématique de l’œuvre pour laquelle un protocole de nettoyage a été largement étudié ainsi qu’une opération de réintégration chromatique à la fin du traitement. Il semble qu’au travers des différentes opérations, l’œuvre ait retrouvé un état de conservation satisfaisant rendant possible son exposition au public. Il y a eu d’un côté un ajout de matériau par l’imprégnation de cire-résine au sein de la stratigraphie mais qui, d’un autre côté, a assuré à l’œuvre une véritable réponse à la problématique de son instabilité stratigraphique. De plus, l’ancien rentoilage n’a pas été jugé utile et n’a donc pas été remplacé, ce qui allège la composition de l’œuvre. Quant à la problématique de la lisibilité, certes de nombreux éléments ont été supprimés mais de façon progressive et consciente de la part du restaurateur et la réintégration chromatique a permis de retrouver une unité, une homogénéité, rendant compréhensible l’image véhiculée par le tableau. Ce qui est l’essentiel pour une œuvre d’art.
180
C ONCLUSION GÉNÉRALE Le projet de conservation-restauration a été réalisé dans la plus grande volonté d’efficacité et de déontologie. Il a, en effet, permis de répondre aux problématiques soulevées par l’œuvre grâce à une stabilisation de la stratigraphie par imprégnation de cire-résine et à une intervention sur la couche picturale traduite par un nettoyage et un ensemble de réintégrations chromatiques. Au-delà de la compréhension totale de l’ensemble de l’œuvre grâce à l’examen préliminaire, les tests effectués et l’étude du diagnostic et du cahier des charges, c’est une mise en valeur et une sauvegarde assurées de l’objet en lui-même qui ont été réalisées tout au long de ce projet. L’intégrité et la fonctionnalité de l’œuvre d’art qui nous a été confiée est à présent une réalité. L’étude historique de l’œuvre a replacé l’œuvre dans une tradition picturale de la peinture de paysage du début du XVIIIe siècle. Des pistes concernant son auteur ont été émises et un replacement dans son contexte historique a permis la compréhension de son usage au sein d’un contexte socio-culturel différent du nôtre. Le sujet technico-scientifique a, quant à lui, mis au jour une quantité d’informations intéressantes à propos des caractéristiques du mélange cirerésine. Si le point de fusion évolue en fonction de la quantité de cire, l’adhésivité semble, quant à elle, davantage influencée par la composition des cires. Ainsi, une similarité entre la cire d’abeille-dammar et la cire de carnauba-dammar concernant la résistance à l’arrachement (adhésivité) et une différence entre les deux mélanges d’une quinzaine de degrés ouvrent la porte à de nouvelles expérimentations nécessaires.
181
ANNEXES 1 H ISTOIRE DE L ’ ART 1.1 F ICHE
D ’ IDENT IF ICAT ION DE L ’ ŒUVRE FOURNIE PAR LE
M USÉE
F AURE
182
2 S UJET T ECHNICO - SCIENTIFIQUE 2.1 C OMPOS IT IONS 2.1.1 C IR E
DÉTAILLÉ ES DES CIRES
D ’ A B E ILLE JA U N E
137
70% d’esters d’acides gras
1% d’esters de chlolestéryl
1 à 1,25% d’alcools libres
13,5 à 14,5% d’acides libres (céroléine, soluble dans l’alcool froid)
10,5 à 13,5% d’hydrocarbures (principalement en C31)
Propolis (matière collante)138
Matières colorantes, humidité, impuretés minerals
Esters d'acide gras Esters de cholestéryl Alcools libres Acides libres Hydrocarbures
137 138
(Perego, 2005 pp. 201-202) (Masschelein-Kleiner, 1992 p. 59) 183
2.1.2 C IR E
DE
C A N D E LILLA 139
22 à 32% d’esters d’acides gras
10 à 14% d’alcools libres, stérols (7 à 8%) et résines neutres (5 à 6%)
7 à 10% d’acides libres (céroléine, soluble dans l’alcool froid)
50 à 51% d’hydrocarbures (principalement en C31)
0,5% d’impuretés minérales
0,5 à 1% matières volatiles
Esters d’acides gras Alcools libres Acides libres Hydrocarbures Impuretés minérales Matières volatiles
139
(Perego, 2005 pp. 204-205) 184
2.1.3 C IR E
DE
C A R N A U BA 140
84 à 85% d’esters d’acides gras 2 à 3% d’alcools libres 3 à 6% d’acides libres 1 à 3% d’hydrocarbures (principalement en C31) 0,5 à 1% d’humidité et d’impuretés minérales 6% de résines (soluble dans l’alcool)
Esters d’acides gras Alcools libres Acides libres Hydrocarbures Impuretés minérales Résines
140
(Perego, 2005 pp. 205-206) 185
2.1.4 C IR E
DE
G OMME
LA QU E
141
70 à 82 % d’esters d’acides gras 8 à 14 % d’alcools libres 1 à 4 % d’acides libres 1 à 6 % d’hydrocarbures (principalement en C27 et C29) 0 à 4 % de résine
Esters d’acides gras Alcools libres Acides libres Hydrocarbures Résines
141
(Perego, 2005 pp. 208-209) 186
2.2 R ÉSULTATS
DES L ’ EXPÉRIENCE SUR L ’ ADHÉSIVITÉ
Températures relevées (moyennes) pour les mélanges Cire - Dammar 105
100
95
90
85
Abeille jaune
Température 80 relevée (°C)
Candelilla Carnauba Gomme laque
75
70
65
60
55 1
2
3
4 5 6 Part de cire (x/9)
7
8
9
187
Températures de fusion pour le mélange Cire d'abeille - Cire de gomme laque - Dammar 100
90
Température 80 relevée (°C)
70%(AJ) 30%(GL) 50%(AJ) 50%(GL) 30%(AJ) 70%(GL)
70
60 2
4 Part de Dammar (x/9)
6
188
Températures de fusion pour le mélange Cire d'abeille - Cire de carnauba - Dammar 100
90
Température 80 relevée (°C)
70%(AJ) 30%(CB) 50%(AJ) 50%(CB) 30%(AJ) 70%(CB)
70
60 2
4 Part de Dammar (x/9)
6
189
Températures de fusion pour le mélange Cire d'abeille - Cire de cadelilla - Dammar 95
90
85
Température 80 relevée (°C)
70%(AJ) 30%(CL) 50%(AJ) 50%(CL) 30%(AJ) 70%(CL)
75
70
65 2
4 Part de Dammar (x/9)
6
190
2.3 R ÉSULTATS
DE L ’ EXPÉRIENCE SUR L ’ ADHÉSIVITÉ
Courbe évolutive de la résistance au pelage à 180° en fonction de la quantité de cire Carnauba 800
700
Poids
600
500
400
300 3
4
5 Part de cire (x/9)
Cire de carnauba
Max
6
7
Min
191
Courbe évolutive de la résistance au pelage à 180° en fonction de la quantité de cire d'abeille jaune
950
Poids (.10-3 Kg)
850
750
650
550 3
4
5 Part de cire (x/9)
Cire abeille jaune
Max
6
7
Min
192
Courbe évolutive de la résistance au pelage à 180° en fonction de la quantité de cire Candelilla
850
750
Poids (10.-3 Kg)
650
550
450
350
250 3
4
Max
5 Part de cire (x/9) Min
6
7
Cire Candelilla - Dammar
193
Courbe évolutive de la résistance au pelage à 180° en fonction de la quantité de cire de Gomme laque
650
Poids (10-3 Kg)
550
450
350
250 3
4
5 Part de cire (/9)
Cire de Gomme-laque
Max
6
7
Min
194
3 F ICHES T ECHNIQUES
195
196
197
198
199
200
201
202
203
204
205
206
207
208
3 T ABLE DES ILLUSTRATIO NS 3.1 P HOTOGRAPHIES
PERSONN ELLES
PH. 1 VUE DU CHÂSSIS .............................................................................................................................90 PH. 2 VUE DES SEMENCES A1 ....................................................................................................................92 PH. 3 VUE DU PAPIER DE BORDAGE C1 ........................................................................................................92 PH. 4 VUE DU DOUBLE TEXTILE 1B ..............................................................................................................93 PH. 5 VISUALISATION DU SENS DE TORSION SUR LE TEXTILE INTÉRIEUR ........................................................93 PH. 6 VISUALISATION DE LA COLLE DE RENTOILAGE APRÈS DÉ-RESTAURATION. .............................................95 PH. 7 VISUALISATION DE LA SUBSTANCE SUR LA TOILE INTÉRIEURE (X50)......................................................95 PH. 8COUPE STRATIGRAPHIQUE D’UNE ÉCAILLE (X50). [A] EST L’ÉPAISSEUR DE LA SUBSTANCE PRÉSENTE À L’ARRIÈRE DE L’ÉCAILLE.
....................................................................................................................96
PH. 9 VISUALISATION DE L'EMPREINTE DE TOILE SUR LE REVERS D'UNE ÉCAILLE (X50) ...................................97 PH. 10 VISUALISATION DU REVERS D’UNE ÉCAILLE. .....................................................................................97 PH. 11 VISUALISATION DES RÉSIDUS DE COLLE AU NIVEAU DE LA TOILE .........................................................98 PH. 12 VISUALISATION DES LACUNES DE COUCHE PICTURALE. ...................................................................103 PH. 13 VUE DES RÉSEAUX DE CRAQUELURES ORTHOGONALES ET DES SOULÈVEMENTS LOCALISÉS...............104 PH. 14VISUALISATION D’UNE CRAQUELURE PRÉMATURÉE (X50) .................................................................104 PH. 15 VISUALISATION D’UNE RETOUCHE AVEC CRAQUELURES PRÉMATURÉES. ...........................................104 PH. 16 VISUALISATION DE L’ŒUVRE SOUS RAYONNEMENT UV....................................................................106 PH. 17 FIL DE TOILE AVANT LE TEST (X50) ................................................................................................107 PH. 18 FIL DE TOILE EN PRÉSENCE D'EAU (X50) ........................................................................................107 PH. 19 DE GAUCHE À DROITE : LE NETTOYAGE DU REVERS D’UNE ÉCAILLE À L’EAU CHAUDE..........................108 PH. 20 MONTAGE DES DEUX RADIOGRAPHIES DE L’ŒUVRE POUR UNE VISUALISATION GÉNÉRALE ..................111 PH. 21 DÉTAIL DE LA RADIOGRAPHIE ........................................................................................................111 PH. 22 VISUALISATION DU VERNIS SOUS LUMIÈRE U.V. .............................................................................138 PH. 23 VISUALISATION DU VERNIS EN LUMIÈRE DU JOUR ............................................................................138 PH. 24 [DE GAUCHE À DROITE] TESTS LE6, LE7, LE8 ...............................................................................140 PH. 25 VISUALISATION DU CHANCI DE VERNIS FORMÉ APRÈS L'APPLICATION DE L'EAU TAMPONNÉE (PH = 7) ..140 PH. 26 [GAUCHE] TEST LE5. [DROITE] TEST LE3......................................................................................141 PH. 27 [GAUCHE] TEST LE5. [DROITE] TEST LE3......................................................................................141 PH. 28[GAUCHE] TEST LE5. [DROITE] TEST LE3. .....................................................................................141 PH. 29 OUVERTURE DU TEST AVEC LE MÉLANGE ISOOCTANE-ÉTHER-ÉTHANOL (50-20-30), EN LUMIÈRE DU JOUR ......................................................................................................................................................145 PH. 30OUVERTURE DU TEST AVEC LE MÉLANGE ISOOCTANE-ÉTHER-ÉTHANOL (50-20-30), SOUS LUMIÈRE U.V. ......................................................................................................................................................145 PH. 31OUVERTURE DU TEST AVEC LE MÉLANGE ISOOCTANE-ÉTHER-ÉTHANOL (50-20-30), SOUS LUMIÈRE U.V. ......................................................................................................................................................145 PH. 32 ZONE EN COURS DE DÉCRASSAGE ................................................................................................147 PH. 33 APPLICATION DE LA PROTECTION DE SURFACE ...............................................................................148 PH. 34 PROTECTION DE SURFACE SUR L'ENSEMBLE DE L'ŒUVRE ................................................................149 PH. 35 DÉPOUSSIÉRAGE DU REVERS DE L'OEUVRE ...................................................................................150
209
PH. 36 APPLICATION DU CARTONNAGE .................................................................................................... 151 PH. 37 CARTONNAGE DE L'OEUVRE EN COURS DE SÉCHAGE ...................................................................... 152 PH. 38 CARTONNAGE EN COURS DE RETOURNEMENT ................................................................................ 153 PH. 39 SUPPORT VISIBLE APRÈS RETOURNEMENT DE CARTONNAGE ........................................................... 153 PH. 40 NETTOYAGE DE LA TOILE EXTERNE ............................................................................................... 154 PH. 41 POSE DES BANDES DE COTON HUMIDES ........................................................................................ 156 PH. 42 SÉPARATION DES DEUX TOILES .................................................................................................... 156 PH. 43 SÉPARATION DES DEUX TOILES .................................................................................................... 157 PH. 44 VISUALISATION DES DEUX TOILES SÉPARÉES ................................................................................. 157 PH. 45 TOILE EXTERNE RETIRÉE ET DÉFORMÉE APRÈS SÉCHAGE ............................................................... 158 PH. 46 VISUALISATION DE LA COUCHE DE COLLE AU MICROSCOPE X50 ....................................................... 159 PH. 47 NETTOYAGE DES RÉSIDUS DE COLLE AU REVERS DE LA TOILE ......................................................... 160 PH. 48 TOILE APRÈS NETTOYAGE ............................................................................................................ 160 PH. 49 IMPRÉGNATION DE CIRE-RÉSINE ................................................................................................... 162 PH. 50 COUCHE DE CIRE-RÉSINE APPLIQUÉE SUR L'ENSEMBLE DE LA TOILE ................................................ 162 PH. 51 PASSAGE DU FER ........................................................................................................................ 163 PH. 52 REVERS DE L'OEUVRE APRÈS LE PASSAGE DU FER SUR LA CIRE-RÉSINE ........................................... 163 PH. 53 POSE DES BANDES DE TENSION .................................................................................................... 164 PH. 54 MISE SUR BÂTI ............................................................................................................................ 165 PH. 55 OUVERTURE DANS LES PAPIERS DE PROTECTION ........................................................................... 166 PH. 56 RÉSULTAT APRÈS DÉCARTONNAGE ............................................................................................... 167 PH. 57 VISUALISATION DE L'ALLÈGEMENT DE VERNIS EN LUMIÈRE DU JOUR ................................................. 168 PH. 58 VISUALISATION DE L'ALLÈGEMENT DE VERNIS SOUS LUMIÈRE U.V. .................................................. 168 PH. 59 OBSREVATIONS SOUR U.V. DES RÉSIDUS D'ANCIENNES RETOUCHES ET DE JUTAGES ........................ 169 PH. 60 OBSREVATIONS SOUS U.V. D'ANCIENS MASTICS ET DE SURPEINTS .................................................. 169 PH. 61 [HAUT] APRÈS NETTOYAGE (ENLÈVEMENT DES MASTICS ET REPEINTS). [BAS] AVANT LE NETTOYAGE (GAUCHE : U.V., DROITE : LUMIÈRE DU JOUR) .................................................................................... 172 PH. 62 [DE GAUCHE À DROITE] [HAUT] AVANT NETTOYAGE, EN LUMIÈRE DU JOUR. AVANT NETTOYAGE SOUS LUMIÈRE
U.V. [BAS] APRÈS NETTOYAGE EN LUMIÈRE DU JOUR, DÉGAGEMENT DE L’ANCIEN AMSTIC. ..... 173
PH. 63 VISUALISATION DU REVERS APRÈS MONTAGE SUR CHÂSSIS............................................................. 175 PH. 64 VISUALISATION DU MASTIC STRUCTURÉ AU NIVEAU DU PONT ........................................................... 176 PH. 65 [GAUCHE À DROITE] [HAUT] AVANT NETTOYAGE. APRÈS NETTOYAGE. [BAS] MASTICAGE DE LA LACUNE. APRÈS RÉINTÉGRATION. .................................................................................................................. 176 PH. 66 [GAUCHE À DROITE] APRÈS NETTOYAGE. MASTICAGE DES LACUNES. RÉINTÉGRATIONS CHROMATIQUES. ...................................................................................................................................................... 177 PH. 67 [GAUCHE À DROITE] [HAUT] APRÈS NETTOYAGE, USURES VISIBLES. APRÈS RÉINTÉGRATIONS CHROMATIQUES. [BAS] DÉTAIL AVANT LA RETOUCHE DES USURES. AVANT/APRÈS LA RETOUCHE DES USURES. ......................................................................................................................................... 178
PH. 68 OEUVRE RESTAURÉE APRÈS VERNISSAGE ..................................................................................... 179
210
3.2 S CHÉ MAS SCH. 1[HAUT] ŒUVRE EN COURS DE RESTAURATION [BAS] POUSSIN, NICOLAS, ORPHÉE ET EURYDICE (V. 1648, PARIS, MUSÉE DU LOUVRE) : LIGNES DE COMPOSITIONS [EN GRAS : LES PRINCIPALES, EN POINTILLÉ : LES SECONDAIRES] ..................................................................................................................................34
SCH. 2 LES PLANS DE COMPOSITION [DANS L’ORDRE CROISSANT, DU PLUS FONCÉ AU PLUS CLAIR] ..................35 SCH. 3 COMPTAGE DES FILS DE LA TOILE EXTÉRIEURE .................................................................................94 SCH. 4 RELEVÉ DES ALTÉRATIONS DE LA COUCHE PICTURALE. ....................................................................102 SCH. 5 STRATIGRAPHIE DE L'OEUVRE .......................................................................................................112 SCH. 6 VISUALISATION DES EFFETS DES RAYONS X....................................................................................112 SCH. 7 REPRÉSENTATION THÉORIQUE DU PHÉNOMÈNE OPTIQUE ISSU DE L’OXYDATION DES RÉSINES OU DES HUILES ............................................................................................................................................121
3.3 I LLUSTRAT IONS ILL. 1 MUSÉE FAURE, 10 BD DES CÔTES 73100 AIX-LES-BAINS (©(AIX-LES-BAINS.FR)).................................12 ILL. 2 L’ANCIEN MUSÉE LEPIC, ÉGALEMENT APPELÉ TEMPLE DE DIANE, ACTUELLEMENT MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE LA VILLE D’AIX-LES-BAINS. (©(AIX-LES-BAINS))...............................................................................13
ILL. 3INTÉRIEUR DU MUSÉE LEPIC, À SON EMPLACEMENT AU TEMPLE DE DIANE. (©(AIX-LES-BAINS)) ..............13 ILL. 4VICOMTE LUDOVIC NAPOLÉON LEPIC,
PAR L’ATELIER DE
NADAR ( ©MINISTÈRE DE LA CULTURE -
MÉDIATHÈQUE DU PATRIMOINE, DIST. RMN-GRAND PALAIS / ATELIER DE NADAR). ...............................14 ILL. 5 POUSSIN, NICOLAS, PAYSAGE AVEC SAINT MATTHIEU (1640, BERLIN, STAATLICHE MUSEEN, GEMÄLDEGALERIE) ............................................................................................................................15 ILL. 6 ŒUVRE EN COURS DE RESTAURATION (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE) ...............................................16 ILL. 7 DÉTAIL DE L'OEUVRE EN COURS DE RESTAURATION (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE).............................17 ILL. 8 BERCHEM, NICOLAES PIETERSZ (D'APRÈS); ANONYME, FIN XVII SIÈCLE. FEMME, SUR UN ÂNE, CONVERSANT AVEC UN PÂTRE. (PARIS, LOUVRE) ( © BASE JOCONDE) ...................................................17
ILL. 9 [DE GAUCHE À DROITE][HAUT] DÉTAIL DE L'ŒUVRE EN COURS DE RESTAURATION. (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE) DÉTAIL DU PAYSAGE ITALIEN DE
MILLET FRANCISQUE (1642-1679), BERLIN, STAATLICHE
MUSEUM. ( © BIARD, 2003) [BAS] DÉTAIL DE LA VUE DU CAMPO VACCINO DE CLAUDE GELEE, DIT LE LORRAIN (1600-1682), PARIS, MUSÉE DU LOUVRE ( © BASE JOCONDE). DÉTAIL DU PAYSAGE AVEC RUINES ET PASTEURS DE
PATEL PIERRE (1605-1676), PARIS, MUSÉE DU LOUVRE ( © BASE JOCONDE).
DÉTAIL DU SITE D’ITALIE, SOLEIL COUCHANT DU VAN SWANEVELT HERMAN (1603-1655), PARIS, MUSÉE DU LOUVRE ( © BASE JOCONDE). ............................................................................................17 ILL. 10 DÉTAIL DE L'ŒUVRE EN COURS DE RESTAURATION (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE) ............................18 ILL. 11 LINT, HENDRIK FRANS VAN. XVIIIE SIÈCLE. PAYSAGE ITALIEN, LE PALAIS DES CÉSARS. (STRASBOURG, MUSÉE DES BEAUX-ARTS) ( © BASE JOCONDE) ....................................................................................18 ILL. 12ALLEGRAIN, ETIENNE (ATTRIBUÉ). XVIIE SIÈCLE. PAYSAGE. (DIJON, MUSÉE DES BEAUX-ARTS) .... ....( © BASE JOCONDE) …………………………………...............................................................18 ILL. 13 DÉTAIL DE L'ŒUVRE EN COURS DE RESTAURATION (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE) ............................19 ILL. 14 ALLEGRAIN, ETIENNE, 1ÈRE MOITIÉ DU XVIIIE SIÈCLE. PAYSAGE. (PARIS, LOUVRE) ( © BASE JOCONDE).........................................................................................................................................19
211
ILL. 15 ALLEGRAIN, ETIENNE, 1ER QUART DU XVIIIE SIÈCLE. PAYSAGE ANIMÉ. DOLE, MUSÉE DES BEAUXARTS) ( © BASE JOCONDE)
................................................................................................................ 19
ILL. 16 [DE GAUCHE À DROITE] [HAUT] DÉTAIL DE L'ŒUVRE EN COURS DE RESTAURATION. (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE) DÉTAIL DU PAYSAGE CLASSIQUE AVEC PERSONNES PRÈS D’UN LAVOIR DE
ALLEGRAIN
ETIENNE (?)( © BASE JOCONDE) [BAS] DÉTAIL DE LA GRAVURE LE SARCOPHAGE DE THEODORE, LONDRES, BRITISH MUSEUM (© BIARD, 2003). DÉTAIL DU PAYSAGE CLASSIQUE AVEC LE REPOS PENDANT LA
FUITE EN EGYPTE DE MILLET FRANCISQUE, TOURCOING, MUSÉE DES BEAUX-ARTS ( © BASE
JOCONDE). ....................................................................................................................................... 20 ILL. 17 DÉTAIL DE L'OEUVRE EN COURS DE RESTAURATION (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE) .......................... 21 ILL. 18 ALLEGRAIN, ETIENNE, XVIIIE SIÈCLE. PAYSAGE. (ALENÇON, MUSÉE DES BEAUX-ARTS ET DE LA DENTELLE D'ALENÇON) ( © BASE JOCONDE)........................................................................................ 21
ILL. 19CLAUDE GELLÉE, DIT LE LORRAIN, PAYSAGE ITALIEN, 1648 (?) SAINT-PÉTERSBOURG, MUSÉE DE L’ERMITAGE
(© BIARD, 2003). ........................................................................................................... 21
ILL. 20 LORRAIN, CLAUDE. VACHE DANS LA CAMPAGNE. COLL DE M. J.-P. HESELTINE. ( © BASE JOCONDE) 21 ILL. 21 DÉTAIL DE L'ŒUVRE EN COURS DE RESTAURATION (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE)............................ 22 ILL. 22 SALVATOR ROSA (DANS LE STYLE DE), XVIIIE SIÈCLE. SCÈNE CÔTIÈRE. (LONDRES, NATIONAL GALLERY) ( © BASE JOCONDE) .......................................................................................................................... 22 ILL. 23 [DROITE À GAUCHE] DÉTAIL DE L'OEUVRE EN COURS DE RESTAURATION (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE), DÉTAIL DU PAYSAGE D’ALLEGRAIN, ETIENNE, XVIIIE SIÈCLE. (ALENÇON, MUSÉE DES BEAUX-ARTS ET DE LA DENTELLE D'ALENÇON) ( © BASE JOCONDE). DÉTAIL
DÉTAIL DU PAYSAGE ITALIEN AVEC BAIGNEURS DE
LOCATELLI, ANDREA. 1ÈRE MOITIÉ DU XVIIIE SIÈCLE (CHERBOURG-OCTEVILLE, MUSÉE THOMAS HENRY) ( © BASE JOCONDE). ............................................................................................................ 22 ILL. 24 DÉTAIL DE L'ŒUVRE EN COURS DE RESTAURATION (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE)............................ 23 ILL. 25 POUSSIN, NICOLAS, PAYSAGE AVEC ORPHÉE ET EURYDICE, V.1648, PARIS MUSÉE DU LOUVRE. ( © BASE JOCONDE) ............................................................................................................................... 23 ILL. 26 (DÉTAIL) POUSSIN, NICOLAS, PAYSAGE AVEC ORPHÉE ET EURYDICE, V.1648, PARIS MUSÉE DU LOUVRE. ( © BASE JOCONDE) ............................................................................................................ 23 ILL. 27 DÉTAIL DE L'ŒUVRE EN COURS DE RESTAURATION (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE)............................ 24 ILL. 28 BERCHEM, NICOLAES PIETERSZ (D'APRÈS); ANONYME, FIN XVIIE SIÈCLE. BORDS DE RIVIÈRE, AVEC UN BAC, DES FIGURES ET UN TROUPEAU (PARIS, LOUVRE) ( © BASE JOCONDE) .......................................... 24
ILL. 29 ALLEGRAIN, ETIENNE. 4E QUART DU XVIIE SIÈCLE. PAYSAGE AVEC BARQUE. (VERSAILLES, MUSÉE NATIONAL) ( © BASE JOCONDE) .......................................................................................................... 24
ILL. 30 ALLEGRAIN, ETIENNE. 1ÈRE MOITIÉ DU XVIIIE SIÈCLE. PAYSAGE À LA RIVIÈRE. (PARIS, LOUVRE) ( © BASE JOCONDE) ............................................................................................................................... 24 ILL. 31 ALLEGRAIN, ETIENNE. 1ER QUART DU XVIIIE SIÈCLE. PAYSAGE ANIMÉ. (DOLE, MUSÉE DES BEAUXARTS). ( © BASE JOCONDE)
............................................................................................................... 25
ILL. 32[GAUCHE À DROITE] [HAUT] DÉTAIL DE L'ŒUVRE EN COURS DE RESTAURATION. (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE) DÉTAIL DU PAYSAGE ITALIEN DE
MILLET FRANCISQUE, BERLIN, STAATLICHE MUSEUM (©
BIARD, 2003). [BAS] DÉTAIL DU PAYSAGE AVEC TROUPEAU D’ALLEGRAIN ETIENNE, PARIS, MUSÉE DU LOUVRE ( © BASE JOCONDE). DÉTAIL DU PAYSAGE AVEC ORPHÉE ET EURYDICE DE POUSSIN, NICOLAS, V.1648, PARIS
MUSÉE DU LOUVRE ( © BASE JOCONDE). ..................................................................... 25
212
ILL. 33 [HAUT EN BAS] DÉTAIL DE L'ŒUVRE EN COURS DE RESTAURATION. (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE) DÉTAIL DU PAYSAGE DE VAN DER CABEL ADRIAEN (1631-1705), PARIS, MUSÉE DU LOUVRE. ( © BASE JOCONDE) DÉTAIL DU PAYSAGE ANIMÉ AVEC RUINE ET PONT DE VAN HUYSUM JAN (1682-1749), PARIS, MUSÉE DU LOUVRE. ( © BASE JOCONDE) DÉTAIL DU PAYSAGE AVEC LE PONTE MOLLE DE VAN BLOEMEN JAN FRANS (1662-1749), ROME, ACADÉMIE NATIONALE SAINT-LUC( © BASE JOCONDE). ....26 ILL. 34 ANNIBAL CARRACHE, PAYSAGE AVEC LA FUITE EN EGYPTE, V. 1603-1604. (ROME GALLERIA DORIA PAMPHILI) .........................................................................................................................................28 ILL. 35 POUSSIN, NICOLAS. DESSIN D'APRÈS NATURE. COLL. DE L'ALBERTINA (© BIARD, 2003) ...................28 ILL. 36 BRIL, PAUL. PAYSAGE. 4E QUART XVIE SIÈCLE - 1ER QUART XVIIE SIÈCLE. CHERBOURG-OCTEVILLE (MUSÉE THOMAS HENRY) ( © BASE JOCONDE) ....................................................................................29 ILL. 37 ŒUVRE EN COURS DE RESTAURATION (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE) .............................................32 ILL. 38 POUSSIN, NICOLAS. PAYSAGE AVEC LES FUNÉRAILLES DE PHOCION (1648, CARDIFF, NATIONAL MUSEUM OF W ALES) (© NATIONAL MUSEUM OF W ALES) ......................................................................40 ILL. 39 MILLET, FRANCISQUE. PAYSAGE ITALIEN. BERLIN (STAATLICHE MUSEUM) (© BIARD, 2003)...............42 ILL. 40 LINT, HENDRIK FRANS (VAN). PAYSAGE CLASSIQUE. 1749. C.P. ( © BASE JOCONDE) ........................42 ILL. 41 LINT, HENDRIK FRANS VAN. 1ER QUART DU XVIIIE SIÈCLE. PAYSAGE AVEC UN VILLAGE SUR UNE COLLINE. (LONDRES, NATIONAL GALLERY) [EN BAS À DROITE] ET DÉTAILS [EN HAUT ET EN BAS À GAUCHE].(© BIARD, 2003) .................................................................................................................43
ILL. 42 PILLEMENT, JEAN-BAPTISTE. PAYSAGE PORTUGAIS ANIMÉ DE BERGERS. C.P ( © BASE JOCONDE). ..43 ILL. 43 LOCALETTI, ANDREA. PAYSAGE AVEC CAVALIERS, VOYAGEURS ET TROUPEAU. 2ÈME QUART DU XVIIIE SIÈCLE. (GRENOBLE, MUSÉE DE
GRENOBLE) ( © BASE JOCONDE) .........................................................44
ILL. 44LOCATELLI, ANDREA. 1ÈRE MOITIÉ DU XVIIIE SIÈCLE. PAYSAGE ITALIEN AVEC BAIGNEURS. (CHERBOURG-OCTEVILLE, MUSÉE THOMAS HENRY) ( © BASE JOCONDE) .............................................44 ILL. 45 ALLEGRAIN, ETIENNE, 1ÈRE MOITIÉ DU XVIIIE SIÈCLE. PAYSAGE AVEC SILVIO PELLICO. (FONTAINEBLEAU, MUSÉE NATIONAL) ( © BASE JOCONDE) ....................................................................48 ILL. 46 LIGNE DU TEMPS DES MATÉRIAUX DE MISE-EN-OEUVRE DES SUPPORTS ET DES MATÉRIAUX DE RESTAURATION DU SUPPORT. (© PERCIVAL-PRESCOT, 2003 P. 16)
......................................................59
ILL. 2 MOULE EN SILICONE ( © MUJI)...........................................................................................................66 ILL. 48 VISUALISATION D'UNE BILLE DE CIRE-RÉSINE (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE) ....................................67 ILL. 49 VISUALISATION DES ÉCHANTILLONS (PHOTOGRAPHIE PERSONNELLE) ..................................................74
213
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