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Vers un retour des tournages en studio

HAprès une année 2022 riche en tournage sur le territoire français, les productions à venir devront privilégier les studios et les VFX pour devenir véritablement écoresponsables.

À l’occasion d’une table ronde sur la nouvelle donne des tournages lors du Paris Images, le président du CNC, Dominique Boutonnat, a rappelé quels seront les trois objectifs de l’année 2023 pour répondre aux défis de la filière. Tout d’abord, accompagner l’internationalisation des talents, des œuvres et des entreprises françaises. Ensuite, moderniser les infrastructures et les formations afin que la France devienne le leader mondial de la production cinématographique. Et bien sûr, engager la filière dans l’éco-responsabilité. “De nombreuses productions internationales d’envergure ont été tournées sur notre territoire en 2022. Nous pouvons en être fiers. Toutefois, nous manquons de place alors que la production des œuvres augmente et que ces dernières ont toujours davantage recours aux studios et aux effets spéciaux qui libèrent une créativité nouvelle.”

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Pour Sandra Ouaiss, CEO fiction chez Elephant, l’internationalisation des œuvres passera notamment par une collaboration plus régulière des producteurs indépendants avec les plateformes. “Elles sont devenues des clients majeurs et savent qu’elles peuvent s’appuyer sur notre expertise du marché français pour lequel elles veulent produire des œuvres susceptible de rassembler un large public hexagonal.”

Une meilleure production value

Pour Yann Marchet, délégué général de France VFX, les plateformes ont justement “tiré toute notre production vers le haut, tant nos artistes et nos techniciens ont gagné en expérience sur le plan organisationnel”.

Le directeur de la photographie Pierre Cottereau estime pour sa part qu’une meilleure appréhension de la technologie et des effets spéciaux permettra d’attirer encore davantage de productions internationales de grande ampleur : “le cinéma est un geste artistique qui a besoin d’être accompagné par un geste d’innovation fort. D’où la nécessité de mieux anticiper les évolutions techniques plutôt que de les subir. Pendant longtemps, les grosses productions ont été tournées en décors naturels. Mais il semble que les américains souhaitent se réapproprier une manière de fabriquer des films qu’ils avaient un peu délaissé et privilégier à nouveau les plateaux en studio.”

Alexis Giraudeau, régisseur général et formateur pour le CNC dans le cadre du plan action, peut en témoigner, lui qui a travaillé sur le tournage des Animaux Fantastiques : les Crimes de Grindelwald (Warner), dont l’histoire se déroule à Paris. “L’équipe est venue dans la capitale et plutôt que de tourner sur place, ils ont scanné chaque monument et chaque lieu qu’ils voulaient intégrer dans le film. Toutes ces images ont ainsi été incrustées après qu’ils aient tournés aux studios Leavesden à Londres. Je pense que c’était un arbitrage purement financier. Ce genre de pratique est bénéfique sur le plan écologique car elle évite de déplacer une équipe et des comédiens, mais cela interroge aussi l’avenir de nos métiers. On sent que l’industrie s’organise vers un retour des tournages en studios. Il est vrai qu’un décor d’hôpital ou de commissariat peut être utilisé par plusieurs productions au sein d’un même studio. Mais il nous faut les structures adéquates pour cela.”

En plus des studios, les effets spéciaux semblent être également une source d’économie et d’optimisation écologique comme l’affirme Yann Marchet : “on peut gagner de l’argent en privilégiant les VFX sur une séquence et ainsi investir ailleurs. On obtient une meilleure production value. Une nouvelle génération de producteurs et de directeurs de production n’a plus peur de ces nouveaux outils. C’est encourageant.”

Nicolas Colle

Pour la saison 3, la cheffe costumière Marylin Fitoussi a imaginé 40 costumes pour l'héroïne interprétée par Lily Collins.

Dans les coulisses de “Emily in Paris”

HLe producteur exécutif, la cheffe décoratrice et la cheffe costumière reviennent sur la fabrication de la série phare de Netflix lors d’une table ronde au salon Paris Images.

“Désormais, les décors nous contactent pour qu’on vienne tourner chez eux !”, s’amuse Raphaël Benoliel (Firstep), producteur exécutif d’Emily in Paris. En trois saisons, la série s’est imposée comme un programme phare de Netflix, un phénomène mondial qui fait rêver autant qu’il agace. “Des décors ne veulent plus de nous car cela crée des perturbations”, affirme le producteur à l’occasion d’une table ronde autour de la série organisée au salon Paris Images ce jeudi.

“Pour la première saison, l’accueil était mitigé”, se souvient Stéphanie Perret, repéreuse. Marylin Fitoussi, cheffe costumière, se remémore également les emails laissés sans réponse au moment de contacter des marques pour habiller l’héroïne interprétée par Lily Collins, lors de la préparation de la première saison, tournée en 2019. A l’époque, la série devait être diffusée sur Paramount Network aux Etats-Unis, avant que le groupe décide de vendre le programme à Netflix, qui l’a lancé dans le monde entier en octobre 2020.Aujourd’hui, la cheffe costumière croule sous les demandes, mais veut rester fidèle à sa vision d’origine. “Je ne fais pas de mode. Je suis créatrice de costumes et je crée des personnages”, explique Marylin Fitoussi. “J’ai une totale liberté et je ne fais aucun placement de produit. Je choisis un vêtement qui me procure une émotion et raconte une histoire.” Pour la saison 3 de la série, elle a dû imaginer 40 tenues rien que pour Emily.

et décors - mais en étant très réactif, ce qui facilite le processus. “Au niveau visuel, la créatrice des costumes et la cheffe décoratrice sont garantes de la cohérence de la série”, note Anne Seibel, cheffe décoratrice, qui a travaillé sur trois films de Woody Allen. “Nous avons plus de pouvoir que les réalisateurs et chefs opérateurs, qui changent en fonction des épisodes.”

Une partie de “Notre Dame brûle” a été tournée en studio.

185 décors pour la saison 3

Le créateur et showrunner de la série, Darren Star, est très impliqué dans la production - il valide les choix de costumes

Le nombre de décors n’a cessé d’augmenter chaque saison, pour atteindre 185 pour la saison 3 diffusée en décembre dernier. Les lieux les plus fréquents de la série ont été construits sur un plateau, aux Studios de Paris à SaintDenis : l’appartement d’Emily, l’agence de communication où travaillent la plupart des personnages… Tous des décors démontables qui peuvent être réinstallés d’une saison sur l’autre. “La construction est un peu plus longue” que pour un décor conçu pour une utilisation unique, indique Jérémie Chapelet, chef constructeur. Chaque saison, la production a besoin de 10 camions pour transporter les décors, qui doivent être réparés et repeints après avoir passé des mois en stockage.D’une saison sur l’autre, certains décors naturels ont été recréés en studio : c’est le cas de l’escalier de l’immeuble d’Emily - structure de trois étages qui a nécessité 7 semaines de travail - ou du restaurant.Chaque saison est tournée en 15 semaines, à raison de 5 blocs de 2 épisodes. “Les chef ops et réalisateurs ont le temps de se préparer pendant qu’on tourne un autre bloc”, explique Raphaël Benoliel. “On commence la préparation sans avoir de script, on a seulement un outline qui nous dit où aller.”“La cadence d’une série est parfois rapide. Nous pouvons parfois tourner sur trois décors en une seule journée”, raconte le producteur. “Mais le succès de la série nous a fait gagner quelques jours de tournage.” La saison 4 doit être tournée plus tard cette année. “On espère avoir des scripts cette fois-ci”, lâche Raphaël Benoliel.

Damien Choppin

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