Don Chisciotte di a Mancia

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estru estr es tru tr ru mediterraniu medi me dite di terr te err rran aniu an iu La collection Estru Mediterraniu est dirigée par Françoise Graziani et Vannina Bernard-Leoni (UMR CNRS 6240 LISA / Fondation de l’Université de Corse)

DANS LA MÊME COLLECTION Paul Valéry et Salvador de Madariaga, Correspondance pour une Société des Esprits (1933) À paraître : Giuseppe Ungaretti – Mario Praz, Voyages en Corse (1933), bilingue Inferni. Dante en Corse, Variations dantesques composées par des poètes corses des xixe et xxe siècles (inédit, bilingue)

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Miguel de Cervantes

Don Chisciotte di a Mancia Quatre chapitres en langue corse traduits par Matteu Rocca Avant-propos d’Orlando Forioso Préface de Jacques Thiers

ÉDITION TRILINGUE

établie par Orlando Forioso pour le texte corse, Marie-Pascale Castelli pour le texte espagnol et Françoise Graziani pour la traduction française

UNIVERSITÀ DI CORSICA

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NOTE DES ÉDITEURS

L

a composition polyphonique de ce recueil est le résultat d’un travail d’équipe qui a réuni linguistes, interprètes et lecteurs bénévoles autour d’un document d’archive rarissime : la première traduction de 1925 en langue corse d’extraits d’une grande oeuvre de la littérature mondiale. Le metteur en scène et comédien Orlando Forioso, Napolitain vivant en Corse et prédisposé par son nom aux jeux d’identité, a conçu ce projet pour célébrer les quatre cents ans de la mort de Cervantès en entrant en dialogue à un siècle de distance avec Matteu Rocca, traducteur déguisé en peintre de la société. Nous avons choisi d’accompagner la traduction corse des chapitres correspondants en espagnol et en français, en omettant les passages non traduits par Matteu Rocca (coupures signalées par trois points de suspension). La traduction française à deux voix est celle que pouvaient lire les contemporains de Cervantès, transcrite dans une graphie à peine modernisée qui respecte la syntaxe originale, la couleur, le rythme et les archaïsmes de la langue de la Renaissance. Nous souhaitons ainsi permettre au lecteur 7

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de faire l’expérience d’une distance variable qui, par-delà le temps et l’évolution des langues, rend les aventures de Don Quichotte et Sancho Pança si populaires, si anachroniques et si familières à la fois. Cervantès a publié le Don Quichotte en deux parties, à dix ans de distance. La traduction française de César Oudin, publiée dès 1614, rend compte de la diffusion immédiate dans toute l’Europe de la première partie du roman (1605). Elle est antérieure à la publication en espagnol de la seconde partie (1615), traduite en 1618, deux ans après la mort de l’auteur, par François de Rosset. Comme Matteu Rocca, ces deux traducteurs occitans entendent la langue espagnole à la fois comme étrangère et familière, et chacun en restitue l’esprit avec son accent. César Oudin, qui connaissait plusieurs langues et avait occupé auprès du roi de Navarre les fonctions d’interprète et de diplomate, est également l’auteur d’un Recueil de sentences et de proverbes traduits du castillan. François de Rosset, poète et romancier provençal, a aussi traduit le Roland furieux de l’Arioste, qui occupe une place de choix dans la bibliothèque de Don Quichotte.

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AVANT-PROPOS Orlando Forioso

C

e petit livre contient une des raisons pour lesquelles je me sens, moi le « Napolitain prêté à la Corse », fier de faire partie intégrante du panorama culturel de l’île. Faire revivre la mémoire littéraire avec cette traduction en corse de plusieurs chapitres de Don Quichotte signée par U Pittore (Matteu Rocca) en 1925, voilà qui me paraît une contribution significative à l’histoire et à la littérature corses.

Je dois avouer que c’est presque devenu une « marque de fabrique » cette façon de vulgariser l’œuvre des écrivains corses du début du xxe siècle . Je me suis en effet déjà prêté à l’exercice avec l’étonnant Pesciu Anguilla de Sebastianu Dalzeto, roman que j’ai transformé en pièce de théâtre avec la complicité de Petru Bertoni, et que j’ai mis en scène en 2009 au théâtre de Bastia. Et un beau jour, je me suis retrouvé avec cette traduction du chef-d’œuvre de Cervantès entre les mains. Il faut dire que je l’avais bien cherché ! J’avais commencé par espérer qu’elle existe cette traduction ! Puis, comme un sourcier, j’ai cherché 9

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un filon donquichottesque en Corse. Et quand je l’ai trouvé, cela m’a paru naturel. Tout a commencé avec l’idée de mettre en scène Don Quichotte dans une version très personnelle, plurilingue comme d’habitude. Pour ceux qui ne me connaîtraient pas très bien, je précise que je suis un grand malade, incurable, qui a construit toute sa vie théâtrale autour du dialogue et du plurilinguisme, que je décline sous toutes les formes dans mes spectacles. Heureusement, aucun traitement ne saurait me guérir. Comme un rat de bibliothèque aidé par les nouvelles technologies, j’essaie à chaque fois de « tout » savoir sur le sujet que je choisis. Je ne me contente pas de lire un livre ou de connaître la vie de l’auteur, non, il faut que je débusque et que je lise « tout » ce qui a été écrit sur le sujet, sous la plume de différents auteurs et en différentes langues. Et puis je me débarrasse de ce que j’ai appris et je fais ma propre création, héritière bâtarde de mes souvenirs. Au cours de toutes ces années d’apprentissage sur l’importance vitale des mots, j’ai compris qu’il n’existe pas de gros mots ni de mots fautifs, ni de fausses langues, ni même des langues importantes ; il n’y a que le plaisir que prend la personne qui te parle à te dire les choses, peu importe la langue ou le registre utilisés. Personnellement, je n’entends pas participer à un concours sur le thème « La langue, écriture ou oralité ? », mais une chose est sûre : une traduction datant de 1925 de plusieurs chapitres de Don Quichotte en langue corse ne peut être qu’une mine d’or. Grâce à Internet, j’ai découvert qu’en 1925 la revue A Muvra avait décidé de créer un supplément avec des fascicules formant une collection consacrée aux « plus belles pages des auteurs étrangers traduits en corse pour les lecteurs de 10

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A Muvra ». Don Quichotte est en bonne compagnie aux côtés de textes d’Edgar Allan Poe, Apulée, Henry James, etc. J’ai d’abord écumé vainement les bibliothèques de Bastia, Pise, Livourne et Rome et c’est finalement à Corte que j’ai trouvé le livre, à la bibliothèque universitaire. Presque sous mon nez… Mais je suis persuadé qu’on pourrait retrouver des exemplaires de cette publication dans les greniers de nombreuses familles corses. À moins qu’ils n’aient été brûlés ou détruits après-guerre, pour éviter tout soupçon d’irrédentisme… J’avais espéré trouver l’intégralité de l’œuvre transposée par le frère du fondateur de A Muvra, Matteu Rocca, écrivain, dessinateur et caricaturiste qui se cache derrière la signature anonyme U Pittore. J’ai dû me contenter des « plus belles pages ». Ce fut très amusant d’observer les réactions de tous les Corses à qui j’ai parlé de cette traduction : bibliothécaires incrédules, acteurs culturels épatés, enseignants émerveillés, linguistes peu étonnés, comédiens sidérés. J’avais le sentiment d’être une sorte d’Indiana Jones de la langue corse. Il est évident que cette traduction est datée : sa lecture nous ramène à la période historique au cours de laquelle elle a été élaborée. On pouvait déjà dire la même chose de Pesciu Anguilla, premier roman corse publié en 1931. Ce sont des machines à remonter le temps. Qu’on ne s’attende donc pas à retrouver la graphie de la langue corse à laquelle on est habitués aujourd’hui, ce serait une falsification historique qui ne rendrait pas compte des inquiétudes et de la confusion des vingt premières années du siècle passé. Le charme de cette traduction est non seulement de nous raconter les aventures du Chevalier à la triste figure et de son 11

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écuyer dans une langue fraîche et légère, pleine d’adjectifs oubliés et de formes désuètes, mais aussi de nous en dire beaucoup sur les difficultés qu’il y avait à créer une écriture corse au début du xxe siècle, en s’appuyant sur l’oralité et sur la poésie, en faisant appel à ce qui semblait être le plus proche : la grammaire de la nouvelle langue italienne et le français qui peinait à s’installer. Et à être accepté. Pour moi qui suis italien, la lecture a été fluide tout de suite, mais si je n’avais pas eu ces trente-cinq ans de bain culturel en langue corse, je n’aurais pas pu en apprécier les finesses. En lisant, je pensais à Rocca qui, tout à sa quête des « mots justes pour dire presque la même chose », comme aurait dit Umberto Eco pour définir la traduction, se remettait en mémoire la langue de ses parents, de ses grands-parents et ainsi de suite jusqu’à arriver à une langue probablement parlée sur l’île au début du xixe siècle. Mais en écrivant, il se laissait aller, comme on laisse aller les idées, à des rêves, à des attentes sur le pont fragile qui le reliait à une nation à laquelle il ne se sentait pas appartenir, avec un nouvel ordre et un nouveau régime dont certains pensaient qu’il pourrait changer le cours de l’histoire de l’île. Il est pour le moins curieux de constater que c’est l’utopie ratée de Don Quichotte qu’il a adoptée en guise de manifeste. J’aurais aimé connaître les motivations qui l’ont conduit à choisir certains chapitres. Il allait de soi de traduire le désastreux épisode des moulins à vent, qu’Italo Calvino dans Leçons américaines classe parmi les « inventions littéraires qui se gravent dans les mémoires plus pour leur suggestion verbale que pour les mots. » Le chapitre où le curé, le barbier, le neveu et la gouvernante donnent l’assaut à la bibliothèque et jettent les livres au feu n’a pu que faire frémir U Pittore – comme il nous fait frémir aujourd’hui encore. Matteu Rocca ne pouvait cependant pas prévoir que, huit ans plus tard, il soutiendrait involontaire12

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ment les nazis qui répéteraient ce geste sur les places de l’Allemagne du Reich. Au cours de cette scène des livres si théâtrale, il est question d’Orlando Furioso (pas moi ! Celui du « poète chrétien Ludovico Ariosto ») à propos duquel il est dit : « Si je le trouve et qu’il parle une autre langue que la sienne, je ne l’épargnerai pas, mais s’il parle sa langue, je le ramène chez moi. » L’original est sauvé du bûcher, la traduction part au feu. Pourquoi ? « un écrivain a eu la mauvaise idée de le traduire en castillan ! Il lui a ainsi retiré toute sa valeur naturelle. Et il en ira toujours de même lorsqu’un écrivain cherchera à traduire des vers d’une langue à l’autre. » Matteu Rocca est sauvé. Don Quichotte est un livre en prose, même si cette prose est l’une des plus poétiques qui ait jamais été écrite. Mais allez l’expliquer à Monsieur Jourdain ! En ce qui concerne les deux derniers chapitres, indépendamment de leur caractère comique, je crois que le sujet, la quête d’amour désespérée de Don Quichotte, et la présence de l’autre héros du livre, Sancho Pança, ont motivé le choix du traducteur. Dans cette obscure salle d’auberge qu’on pourrait parfaitement situer dans les montagnes corses, le Chevalier pense étreindre sa Dulcinée, mais il finit par recevoir une volée de coups : dans le noir, il y en a pour tous ! Métaphore et sensualité se mêlent et se confondent dans la pénombre. Dans le dernier chapitre, le dialogue entre Sancho et sa femme Teresa, prototypes du petit peuple qui envahissait l’Espagne avec ses Lazarillo de Tormes, ressemble à un tableau de toutes ces familles pauvres et désemparées qui rêvent de noblesse, d’ascension sociale, de richesse, et se disputent le bout de gras sans se rendre compte que leur rêve n’est qu’une bulle de savon. Oui, sans doute dans la Corse de 1925, n’était-on pas loin de ces désespérances et de ces rêves qui allaient conduire 13

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tant de jeunes gens à émigrer, et en précipiter tant d’autres vers des destins tragiques. Dans le choix de ce chapitre, l’objet du litige entre mari et femme n’est sans doute pas indifférent : il s’agit de gouverner une île ! Alors que Sancho rêve de gouverner une île, Matteu rêve d’un autre gouvernement pour son île. « Allez-vous-en, vous, votre gouvernement et votre île, et montez jusqu’aux nues. » Montez jusqu’aux nues : on croirait que Teresa Pança connaît bien Aristophane, qui tourne en ridicule Socrate et « les penseurs » dans sa comédie des Nuées. Penser, ce n’est pas l’affaire de Teresa, non plus que rêver à autre chose qu’à sa vie quotidienne, et elle nous décrit à sa façon cette Corse des années vingt : « Allez-vous-en, allez-vous-en, avec votre Don Quichotte en quête d’aventures, et laissez-nous avec nos peines, car peut-être Dieu nous fera-t-il signe au moment où nous l’attendrons le moins. » La voilà la raison pour laquelle nous n’avons pas voulu moderniser l’écriture de Matteu Rocca : parce qu’elle permet de nous confronter à un moment précis de l’histoire de Corse, entre les deux guerres, entre deux boucheries ; un moment où l’écriture se fait sensation, intuition, espoir de lendemains éclairés par la renaissance d’une université, à l’exemple de Paoli, afin de redonner vie et forme à la culture et à la langue corses. Sur ce point au moins, nous avons abouti. En disant cela, je pense aux langues d’Italie confrontées à l’italien ; je pense à leur écriture, à leur grammaire ; je pense à Pirandello et à ses comédies siciliennes truffées d’« erreurs » ; je pense aux mille manières d’écrire en napolitain ; je pense à l’écriture en frioulan évoquée par Pasolini ; je pense au futurisme qui inondait les scènes de théâtre et les salles d’exposition de toute l’Italie avec ses « horreurs orthographiques ». 14

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AVANT-PROPOS

Doivent-elles être corrigées pour que tous puissent les comprendre ? Ou doivent-elles être au contraire glorifiées, parce que c’est l’erreur qui fait la langue ? Et parce que la construction d’une communauté est aussi faite de tentatives ? Quoi qu’il en soit, je me suis régalé à lire et à plonger dans cette matière. Qui fait langue. Le projet Don Chisciotte, dont cette publication est le joyau, aura réuni la compagnie TeatrEuropa, la Fondation de l’université, la filière d’espagnol de l’université, le service de la langue corse de la Collectivité territoriale, les bibliothèques, les médiathèques, le théâtre et le service de la médiation culturelle de Bastia, vingt-neuf classes d’écoles primaires, les collèges, les lycées, un atelier de théâtre qui a rassemblé d’octobre à décembre 2015 une cinquantaine d’amateurs, un spectacle avec une centaine de personnes sur scène – comédiens et techniciens. Pour la semaine du livre, en avril, on comptera encore des écrivains, des chercheurs, des lecteurs, des commerçants, des habitants, des éditeurs, etc. Une aventure, en somme, à la manière de Don Quichotte, pour combattre la vulgarité, l’indifférence, la banalité, une aventure qui poursuit un rêve d’humanisme universel. Merci, Miguel de Cervantès ! Quatre cents ans après ta disparition, ton écriture nous accompagne encore, nous sauve et « nous laisse deviner, sous le voile de l’ironie, les angoisses de l’âme et du cœur ».

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UNE LANGUE EN SPECTACLE Jacques Thiers

V

oilà. C’est la fin du spectacle. Je vais bientôt relire, une fois encore, nos Don Chisciotte. Après celui que vient de nous donner Orlando avec TeatrEuropa, je reprendrai l’adaptation en sarde d’Antoni Arca de l’Alguer que nous avons représentée, traduite en corse, avec U Teatrinu. Mais quelle que soit l’œuvre considérée, il nous faudra revenir à la source… Pour la version corse, la traduction de Matteu Rocca. Il va falloir serrer le champ, ne pas se laisser emporter vers l’original et la longue tradition des adaptations du texte qui détiendrait la deuxième place au palmarès des œuvres les plus traduites parmi les littératures du monde entier. Ne pas laisser son esprit s’envoler vers le moment où fut installée sur la place publique de l’histoire la scène cervantesque. À l’autre bout – de nos jours –, négliger jusqu’à la célébration annuelle, dans bien des langues du monde, du Don Quijote de la Mancha sur le site d’Esquivias, où en 1584, Miguel de Cervantes Saavedra épousa Catalina de Palacios et s’inspira, à ce qu’il paraît, de profils locaux pour camper certains de ses personnages. Oui, revenir exclusivement au texte de Matteu Rocca et lui seul, oublier les libertés fécondes de l’adaptation créative et les trahisons inspirées de certains adaptateurs. Le texte, rien que le texte, tout l’essentiel du texte. Certes, mais comment écarter un contexte identitaire et politique – celui des années 17

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d’après-guerre, de l’entre-deux-guerres – où prend force l’affirmation nationale de la Corse explicitement inaugurée par la proclamation de A Cispra (1914) : « A Corsica ùn hè micca un dipartimentu francese : hè una Nazione vinta chì hà da rinasce1 ! », un temps assourdie par une autre déclaration, celle de la Première Guerre mondiale et de son fracas ? Les années vingt en répercutent l’écho que la période amplifie, notamment dans ses prolongements littéraires, la langue et la littérature représentant alors le fondement même de la nation. On ne peut en effet concevoir « una razza senza literatura2 ». Qu’ils soient « corsistes » ou « cyrnéistes », l’ensemble des auteurs de langue corse de cette période partageront cette conviction et s’attacheront à enrichir cet aspect du patrimoine national. Le recours à la traduction des chefsd’œuvre du monde entier revêtira dès lors une importance de premier ordre. Et c’est bien là que l’on retrouve le texte de notre Don Chisciotte in lingua corsa. On pourra s’y plonger après avoir toutefois remarqué l’ironie des éditeurs de la présente publication. La traduction en corse de 1925 y côtoie la traduction française de 1614. Mais que peut bien représenter cette antériorité de trois siècles et des poussières face à la virtus farouche et un tantinet méprisante des militants de la langue dominée, qu’ils soient contemporains de Matteu Rocca ou de ces années-ci ? Il semblerait en effet que l’affirmation d’une conscience linguistique nationale doive impliquer nécessairement une prise de distance identitaire ainsi que la dépréciation de la langue dominante et de ses productions. Une telle attitude, plus ou moins consciente et élaborée, peut aller jusqu’à nier 1. A Cispra, Antologia annuale, Typographie et Lithographie ANT GED, Marseille, mars 1914. 2. A Cispra, loc. cit., p. 1. Il s’agit d’un bref manifeste qui, après avoir assuré que les grands poètes de tous les temps sont les véritables fondateurs des nations, invite à l’édification d’une littérature corse, seule garantie de visibilité et de pérennité pour la nation corse.

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PRÉFACE

toute valeur aux œuvres littéraires écrites dans la langue de la « marâtre3 ». Le Prefaziu de Matteu Rocca ne se prive pas d’adopter cette stratégie qui dès le début dénie tout intérêt au prétendu génie du français, donné pour largement dépassé par l’esprit anglais, allemand, italien ou espagnol, des langues qui, elles, n’ont jamais produit que de purs chefs-d’œuvre. Et Rocca de conclure son propos par une remarque qui transforme l’opinion en pamphlet : les criailleries d’un Corneille n’atteindront jamais les cimes où ont pu accéder les voix sublimes de Shakespeare et Cervantès ! La cause est entendue et peu importe si la lecture du texte pionnier du Don Chisciotte corse, restitué ici sous sa forme linguistique originale, nous révèle toutes les difficultés qui séparent le programme de sa réalisation effective. On découvre en effet toutes les apories d’un système graphique et orthographique laborieusement calqué sur une option italianisante inadaptée à rendre compte des phonèmes particuliers de la langue corse. Ce choix, qui paraît aller de soi pour qui se réfère à l’aire italo-romane dans laquelle le linguiste situe le diasystème corse, présente plusieurs inconvénients : redoublements incongrus de consonnes, accentuations hasardeuses, places de l’adjectif épithète et du pronom personnel complément d’objet souvent non conformes à la syntaxe spécifique du corse, réduction de la palette corse des démonstratifs le plus souvent à « questu » et « stu », absence très fréquente du redoublement pronominal du sujet. On n’en finirait pas de relever l’arasement des faits de langue que Jean-Baptiste Marcellesi nomme « indicateurs d’identité linguistique » du système corse. À l’autre bout de la triglossie4, l’influence des

3. Dans le journal autonomiste A Muvra fondé en 1920 par les frères Petru et Matteu Rocca, « Matrigna » est le terme par lequel est mise en accusation la France tenue pour responsable des malheurs de la Corse. 4. Cf. J. Thiers, « Français-corse » in : Kontaktlinguistik, Contact Linguistics, Linguistique de contact, vol. 2 (H. Goebl, P.-H. Nelde, Z. Stary, W. Wölck) Walter de Gruyter, Berlin New York, 1997, p. 1201-1213.

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langues en contact du corse se laisse lire dans une expression corsophone manifestement calquée sur le français ou l’italien malgré la recherche affirmée d’une formulation originale. Pourtant, sans vouloir minimiser les défauts d’une rédaction dont les problèmes tiennent moins à ce qui pourrait passer pour une désinvolture coupable qu’à l’état d’impréparation d’une conscience linguistique collective et à un équipement linguistique balbutiant, on se réjouira de pouvoir disposer de ce texte jubilatoire dans une langue corse libérée et enthousiaste. La lecture authentifie d’emblée la fidélité relative mais judicieusement mesurée du livre aux qualités de son modèle. Bien plus, j’affirme volontiers pour ma part que l’incontestable verve populaire qui l’anime et que reconnaît immédiatement la lecture vient précisément de l’absence de norme linguistique contraignante. Affranchi des contraintes que celle-ci fait souvent peser sur le style, le langage du texte théâtral corse acquiert une vérité langagière bien faite pour nous immerger dans l’univers de la fiction dramatique. Cette fécondité de la parole libre est patente dans l’enchaînement des répliques qui scandent l’épuration de la bibliothèque et l’autodafé des livres proscrits par le dogmatisme ou la paresse des protagonistes du débat représenté. Cette liberté anime aussi l’ensemble des quatre chapitres traduits. La lecture des versions française et castillane et de leurs commentaires permettra la comparaison des langues, des cultures et des imaginaires agissant dans l’univers complexe et merveilleux de la traduction. Tant il est vrai que dans ce texte des années vingt, c’est la mise en spectacle de la langue qui constitue l’essentiel de la création.

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DON CHISCIOTTE DI A MANCIA TRADUZIONE DI U PITTORE (1925)

E più belle pagine di l’autori stranieri messe in Corsu pè i lettori di A Muvra

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PREFAZIU

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annu bellu a dì, i Francesi : a litteratura francese un è micca sòla maestra di u mondu. U Geniu inglese, tedescu, talianu e spagnòlu ha prudotto capi d’opara accant’a i quali u Polyeucte di Corneille, i Plaideurs di Racine, o la Henriade di Voltaire sò poca cosa. E semu belli disgraziati, noi Corsi, di duvè accettà cume paròle di Vangeliu, tutte l’affirmazioni di i pruffissuracci di a Sorbona o d’altrò. C’è parsu dunque utile di fà cunosce un pocu a u pubblicu corsu i capi d’opara di a litteratura straniera, e, in prupòsitu, daremu di quandu in quandu a traduzione di une poche di belle pagine duvute a penne frustere altre ca e francese. Cumminciemu sta volta per qualchi capituli di u celebre libru Don Quijote de la Mancha, di l’immortale Miguel de Cervantès. Nacque st’illustre scrittore e pueta spagnòlu in Alcalà di Henàres, inde l’annu 1547. Fece i studi a l’università di questa città, e pòi girandulò pè u mondu, circhendu di guadagnà soldi cu i so libri. E putenze cristiane avendu dichiaratu a guerra a u sultanu di Turchia, Miguel de Cervantès dumandò a fa parte di a spedizione. Fu firitu a a battaglia di Lepantu e s’arristò 23

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stroppiu di un bracciu. Turnatu in Spagna, s’occupò di litteratura. Oltre a l’immortale Don Chisciotte di a Mancia, Cervantès ha scrittu e Novelas Ejemplares e a Galatea. I capituli chi no traducemu oghie dannu un idea di u Geniu di Cervantès, geniu mordace, chi lascia induvinà, sott’a u velu di l’irunia, l’angoscie di l’anima e di u còre. Miguel de Cervantès rese l’ultimu fiatu in Madrid, u 23 nuvembre 1616. U stessu annu duvia mòre William Shakespeare, u gran tragicu inglese, accant’a a u quale Corneille pare una curnacchia.

U PITTORE

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CAPITULU VI Argumentu U sgiò don Chisciotte di a Mancia s’è tantu imbuffatu u capu lighiendu vecchi libri, chi n’è cascatu malatu. A so niputella e a so serva hannu chiamatu u pievanu, per ch’ellu fighiulessi i libri, causa di tanti danni.

U sgiò don Chisciotte durmia sempre. U pievanu dumandede a a niputella di don Chisciotte e chiave di a stanza induv’eranu i libri. Li funnu subitu rimesse. Tutti allòra, ancu a serva, intronnu in una stanza induva truvedenu più di centu libri majò e be riligati, e altri picculi. Appena a serva ebbe vistu tutti sti scartafacciuli un fece ca un saltu pè intuppà u binadittinu e l’aspergine. E pòi, vultendu, disse a u pievanu : – O ! Missé, fattemi u piaccè di binadì sta stanza, affinch’in casu chi ci fussi unu d’i streghi maestri di sti libri, ellu un possi alluppiacci, di rabbia di vedesi scacciatu. U pievanu si fece una risata per via di a simplicità di a serva, e pòi dumandede a u barbiere di porghieli unu a unu quelli libri, per vede cio ch’elli dicianu, posta chi ci ne pudia esse uni pochi chi un miritassinu micca u castigu di u fòcu. – Innò, innò ! disse a nipote, un ci vòle a risparmianne manc’unu, parchì tutti sò gattivi : u megliu sarà di frumbulalli pè a finestra ind’a corte, di fanne un mucchiu e d’appiccialli u fòcu. Parlò di u stessu mòdu a serva, tamant’ell’era a primura ch’ell’avianu di vede mòre tutti st’innucenti. Ma u pievanu, prima di cunsente, bulia almenu leghie i tituli. Maestru Niculò u barbiere cumminciede dunque per porghieli i quattru tomi di Amadis de Gaula. Disse u pievanu : – Si tratta di una misteriosa òpara, parchi secondu ciò ch’aghiu intesu dì, fu questu u primu libru di cavallaria stampatu 25

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in Spagna. E posta chi tutti l’altri hannu pigliatu esempiu sopr’a ellu, mi pare chi duvemu cundannallu a u fòcu senza rimissione, cume l’origine di tutti sti guai. – Innò, ò Missé, rispose u barbiere, parchi eu dinò aghiu intesu dì ch’ell’è u più bellu di tutti i libri in stu genaru, e cume unicu ind’u so arte, si duvaria risparmia. – Avete raghiò, fece u pievanu ; laghemuli dunque a vita per avà. Bidemuià s’taltru accantu. – Ghiè, disse u barbiere, Las Sergas de Esplandian, figliòlu legittimu di Amadis de Gaula. – Sta vòlta, lampò u pievanu, un ghiuvarà a u figliòlu a bontà di u babbu : subitu, a me cara serva, aprite sta finestra, e frumbulatelu ind’a corte. A serva ubbidì tutta cuntente, e Esplandian se ne vulò cum’un bellu òmu inde a corte, induva aspettò u fòcu chi u minacciava. – Avanti, ordinò u pievanu. – Questu chi bene dòpu, spjgò u barbiere, è Amadis de Grecia, e a ciò che vegu, tutta sta parte è occupata da a sterpa di Amadis. – Allòra, bughemuli tutti da u purtellu, lampò u missere. A serva i si pigliò tutti, ed eranu assà, e affachendusi a a finestra, i jittò tutti ind’a corte. – Quale è stu licupante ? dumandede u pievanu. – Questu è, rispose u barbiere, Don Olivante de Laura. – L’autore di stu libru è u stessu chi compose u Jardin de Flores, ma cunfessu d’un sapè dì qual’essu di i dui sia u più sinceru o per megliu dì u menu bugiardu. Sòlu possu dì chi questu andarà a u fòcu parchi è scrianzatu e arrogante. 26

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DON CHISCIOTTE DI A MANCIA

– Quest’accantu, disse maestru Niculò è Florismarte de Hircania. – Ah ! ah ! c’è quì u sgiò Florismarte, replicò u pievanu ? A durezza di u so stile un ha ma i pududu permetteli di cuntacci altre cose ca a so strana nascita e e so avventure miraculose : ind’a corte cu l’altri, a me cara serva ! – Subitu, rispose questa. E cun gran piacè u frumbulò pè a finestra. – Questu è u Caballero Platir, disse u barbiere. – È un becchiu libracciu, assicurò u pievanu, e un c’è nissun mutivu per risparmiallu. Ch’ellu andissi dunque cu i pari sòi. E cusì fu fattu… Si aprì un altru libru, e vidennu ch’ell’avia per titulu : El Caballero de la Cruz. – Per via di un nome cusì santu, fece u pievanu, si puderia pardunà l’ignuranza di l’autore. Ma soga un si dice : darret’a croce stà u diavule ? Ch’ellu andissi dunque a u fòcu ! Pigliendu un altru libru u barbiere disse : – Questu è l’Espejo de Caballerias. – Cunoscu a so Signuria, cunfessò u pievanu. Inde stu libru si leghie a stòria di u sgiò Rinaldu de Montalbanu e d’i dodici pari di Francia, i quali eu un bogliu cundannà a perpetuu esiliu, parchi dòp’a u famosu Matteu Boiardu, u cristianu pueta Ludovico Ariosto si ne è ghiuvatu per tesse a so tela. In quant’a st’ultimu pueta, se u tròvu quì e s’ellu parla in una lingua altra ca a sòia, un lu risparmiaraghiu micca ; ma s’ellu parla inde a so lingua, u mi portu in casa. – Appuntu, l’aghiu in talianu, disse u barbiere, ma un lu capiscu micca. – Un è granu pè e vostre galline, rispose u Missere. E pinsà chi ci fu un scrittore chi ebbe a brutta idea di mettelu in 27

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castiglianu ! L’ha cacciatu di stu mòdu tuttu u so valore naturale. E sarà sempre cusì ogni volta ch’un scrittore bularà traduce libri di versi da una lingua a l’altra. Dicu dunque chi stu libru e tutti l’altri chi trattanu di e cose di Francia devenu esse appiattati inde un pozzu seccu, in tantu chi si dicidi qualcosa. Stu Bernardo del Carpio però, e quest’altru chiamatu Roncesvalles, duvemuli per eccezione porghieli a a serva, affinchi, senza rimissione, sianu cundannati a u fòcu. E cusì si deve fà, cunfirmò u barbiere ; posta chi capiva chi u pievanu, da bon cristianu e amicu di a virità, un pigliava ca ghiudiziose risoluzione. E pòi, aprendu un altru libru, vide ch’ell’era Palmerin de Oliva, accant’a u quale ci n’era un altru chiamatu Palmerin de Inglaterra. Avenduli fighiulati, u pievanu disse : – Di st’aliva ci vòle a fanne subitu brumuli e a bruscialli di manera ch’ell’un ne arrestinu mancu e cenare. In quant’a sta palma, deve esse cunsirvata cume cosa rara e per ella ci vòle a fa una cascia simile a quella ch’Alessandru truvò inde spoglie di Dariu, cascia induva funnu pòi poste l’opare di u pueta Omeru. Stu libru, ò sgiò cumpà, face autorità per due raghione : prima parch’ell’è bellu, e sicondu parch’ellu si dice chi sia statu cumpostu da un discretu rè di Portugallu. Tutte l’avventure di u castellu di Miraguarda sò bellissime ; e raghione sò stagliate e limpide. – Prupongu dunque, salvu a vostra opinione, disse u sgiò maestru Niculò, chi questu e l’Amadis de Gaula sianu prisirvati da u fòcu ; e chi tutti l’altri, senza più discorzi, sianu brusciati. – Innò, ò sgiò cumpà, ripose u barbiere, parchi quellu che tengu in manu è u famosu Don Belianis. 28

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– Stu Don Belianis, spiegà u pievanu, avaria bisognu d’esse purgatu c’un pocu di rubarba ; intantu purtateluvi in casa, ma chi nimu un lu tocchi ! – Grazia, ò Missé, rispose u barbiere. E stancu di esaminà tanti libri, ordinò a a serva di piglià tutti i majò e di lampalli pè a finestra. A serva un era ne tonta ne cionca ; tantu chi pigliendune ottu a volta, ebbe prestu fattu di tuttu spacchià. A so primura era tamanta chi lasciò cascà un libru a i pedi di u barbiere, u quale, avendu laziu di sapè di chi cosa trattava, vide ch’ellu dicia : Historia del Famoso Caballero Tirante el Blanco. – Saetta ! lampò u pievanu mullendu un brionu. Veni bellu quì, ò Tirante. Datemilu, ò cumpà, chi mi pare d’avè truvatu un tesoro e una mina di passa tempu. A vi dicu, o cumpà, pè u stilu stu libru è senza paru. Quinci i cavalieri fannu u so testamentu prima di rende l’ultimu fiatu. Pigliateluvi in casa, e lighitelu : vidarete chi ciò che vi dicu è virità. – Cusì sarà, rispose u barbiere. Ma chi faremu di tutti sti libracciòli chi restanu ? – Questi, disse u pievanu, un devenu micca esse libri di cavallaria, ma libri di puesia. E, avendune apartu unu, vide ch’ell’era a Diana di Jorge de Montemayor. – Questu, spiegò allòra, merita d’esse risparmiatu, parchi ognunu si campa lighiendulu. – O Missé, disse a niputella di Don Chisciotte, fattemi u piacè di mandà anch’ad’elli a u fòcu, parchi altrimenti me ziu, una volta guaritu da a so malattia cavalleresca, turnarà a leghieli, e pòi, mittendusi in capu di vulè fà u pastore, si n’andarà per quelle cepe cantendu paghielle ; o bè, ciò chi è 29

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peghiu, bularà fassi pueta, malattia chi sicondu certi è incurabile e appiccicaticcia. – Sta damicella ha raghiò, disse u pievanu, e ci vòle a toglie a u nostru amicu ogni mezzu di fà nòve inciampate. – St’altru libru, disse u barbiere, è a Diana di Salmantino, e quellu accantu, a Diana di Gil Polo. – Sia lampata pè u purtellu quella di Salmantino, disse u pievanu, e sia invece cunsirvata quella di Gil Polo cume s’ella fussi di Apollu stessu. Aiò, prestu, o cumpà, parchi cummencia ad esse tardi. – Stu libru, disse u barbiere, aprendune un’altru, è Los Diez libros de Fortuna de Amor, cumpostu da Antonio de Lofraso, pueta sardu. – Bogliu esse chiamatu prete rodisagramentu, disse u Missere, si dapòi chi Apollu è Apollu, e muse muse, e i pueta pueta, s’è scrittu un libru più graziosu e più spiritosu ca questu. Datemilu prestu quì, ò cumpà, chi sò più cuntente d’avellu scatulitu ca d’essemi buscu una suttana di rasu di Fiorenza. U si mise dunque da cantu cu gran piacè, e u barbiere cuntinuò, dicendu : – Questi chi benenu dòpu so u Pastor de Iberia, Ninos de Hènares e Desenganos de Zelos. – Un c’è ca’ porghieli a a serva senza fà tanti discorsi, dicise u pievanu. E pòi dumandò : – Quest’altru libru, di quale è ? – È la Galatea di Miguel de Cervantès, rispose u barbiere. – Stu Cervantès è u me amicu dipòi tant’anni ! Ma si dice ch’ell’ è troppu agguaiatu per pudè fà versi. U so libru ha un certu valore, significa qualcosa, ma un conchiude niente. Ci

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vòle ad aspittanne a sicunda parte per ghiudicà, e intantu, ò sgiò barbiere, purtateluvi in casa. – Cu gran piacè, rispose u barbiere. Eccune quì tre d’infilarata : la Araucana, de don Alonso de Ercilla, la Austriada, de Juan Rufo, e u Monserrat, de Cristobal de Virues, pueta valenzianu. – Tutti sti libri, disse u Missere, sò i migliori chi fussinu stati scritti, in lingua spagnòla, e pònu esse paragunati a i più famosi di l’Italia. Sianu cunsirvati cume i più ricchi tisori poetichi di a Spagna ! U pievanu si stancò di fighiulà tanti libri, e dicise chi tutti l’altri sarianu brusciati ; ma u barbiere n’avia agguantatu un ultimu chi si chiamava Las Lagrimas de Angelica. – Mi saria fattu una pientata, disse u pievanu sintendu u nome, s’eu avessi mandatu simile libru a e fiare, parchi u so autore fu unu d’i più famosi pueta non sòlu di a Spagna ma di u mondu, e ha benissimamente tradottu une poche di faule di Ovidiu.

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TABLE DES MATIÈRES

Note des éditeurs ........................................................ 7 Avant-propos • Orlando Forioso

.......................................................... 9

• Une langue en spectacle ..........................................

17

Jacques Thiers Don Chisciotte di a Mancia Traduzione di U Pittore (1925) • Prefaziu

...................................................................... 23

U Pittore • Capitulu VI

............................................................... 25

• Capitulu VIII

........................................................... 33

• Capitulu XVI

........................................................... 39

Seconda parte ................................................................ 45

• Capitulu V

Don Quichotte de la Manche traduction de César Oudin (1re partie, 1614) et de François Rosset (2e partie, 1618) Don Quijote de la Mancha • Chapitre/Capítulo VI

..................................... 52/53

• Chapitre/Capítulo VIII

.................................. 70/71

• Chapitre/Capítulo XVI

.................................. 80/81

Seconde partie/ Segunda parte ....................................... 94/95

• Chapitre/Capítulo V

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