REGARD DE COLLEC TIONS
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La Corse à la veille du conflit, une périphérie en crise La première séquence permet de mesurer combien la Grande Guerre signe la fin de la Belle Époque qui, comme dans de nombreux départements, est loin d’être une période florissante pour l’ensemble de la société insulaire. Elle explique la dégradation de l’économie, dont la crise remonte à la fin du xixe siècle et permet de mieux comprendre le processus migratoire qui, pour beaucoup de Corses, va devenir une échappatoire à la misère. Cette séquence met également en lumière la place forte qu’occupe la Corse militairement en Méditerranée et le renforcement des fortifications de Bonifacio et de Bastia à la veille de 1914 face à un voisin transalpin membre de la Triplice depuis 1896. Cette séquence, enfin, nous permet de mesurer le processus d’appartenance à une même identité corse, abordé aussi bien en tant que vecteur de la républicanisation entre 1870 et 1914, qu’en tant que support du mouvement régionaliste en réponse à l’enracinement de l’idée républicaine et en forme également de dénonciation de l’état « d’île oubliée et abandonnée » dans laquelle se trouve la Corse à la veille de la Grande Guerre. J.-P. Pellegrinetti
Une économie insulaire en crise Lors de la dépression de l’agriculture française de la fin du xixe siècle, l’économie corse, dont l’essentiel repose sur un agropastoralisme, s’effondre et le marasme affecte l’ensemble de la société insulaire. Le système archaïque de production et un secteur industriel embryonnaire sont incapables de redresser l’économie, l’île connaît alors une période de dépendance vivrière. Conséquence directe de cette situation : l’émigration, sur le continent ou aux colonies, ouvre de nouveaux horizons à des dizaines de milliers de Corses en quête d’ascension sociale, notamment à travers les emplois dans la fonction publique ou dans l’armée. Toutefois, le sentiment d’appartenance et d’identité communautaires, ainsi que l’étroitesse des relations familiales mais aussi le mode et le jeu des pratiques politiques, permettent la préservation des liens entre migrants et non-migrants. L’émigration ne correspond pas à une rupture culturelle radicale avec l’île. J.-P. Pellegrinetti
Une agriculture archaïque
Cat. 2 Araire traditionnelle, joug de garrot et outils agricoles IIe moitié XIXe siècle – Ire moitié XXe siècle Bois, métal 18 x 117 cm – 64 x 137,5 x 8 cm – 167 x 36 cm – 162 x 24 cm Corte, musée de la Corse 1976.76.144 / 1973.73.224 / 1976.76.142 / 1975.75.6
Cat. 1 Georges Clemenceau (1841-1929), président du Conseil, ministre de l’Intérieur Rapport Clemenceau : «Situation de la Corse et ses causes générales» In Journal officiel de la République française, n° 262 26 septembre 1908 Imprimé 35 x 25 cm Paris, Bibliothèque nationale de France – Fol lc2 3190 Dans les années 1900, la situation sociale et économique de la Corse est telle qu’elle suscite de nombreuses réactions dans l’île comme au niveau national. Au nom de l’égalité républicaine, les élites insulaires attendent un sursaut de l’État. Celui-ci est initié par Georges Clemenceau (1841-1929) en sa qualité de ministre de l’Intérieur. Le 26 septembre 1908, le Journal officiel publie un document de sept pages adressé par le Tigre au président de la
République. Dans cet état des lieux de la société et de l’économie insulaires, Clemenceau décrit la Corse comme la région la plus pauvre d’Europe. Au-delà des formules-chocs et de certains stéréotypes, ce rapport marque une première réaction de l’État puisqu’il se conclut par des propositions de mesures destinées à remédier au marasme économique du département. Dans les années qui suivent, des lois en ce sens sont édictées et des grands projets sont lancés alors que dans l’île, le mécontentement demeure croissant et prend une tournure revendicative. Le déclenchement de la Grande Guerre met un terme à ce « problème corse » naissant et à cette première réponse que la République lui apportait. S. Gregori
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Une économie insulaire en crise
La structure familiale et communautaire
Cat. 6 Charles Milcendeau (1872-1919), peintre Intérieur corse 1910 Huile sur carton – 69,5 x 95 cm Soullans, musée Charles-Milcendeau (dépôt de La Roche‐sur‐Yon) – 977.4.1
Cat. 7 Joseph Moretti (1868-1957), photographe Famille corse Vers 1910 Photographie 8,8 x 13,7 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 3 Léon-Charles Canniccioni (1879-1957), peintre Le retour à la terre – 1911 Huile sur toile 274 x 110 cm Ajaccio, Palais Fesch – musée des Beaux-Arts – Inv. MFA/D.914.1.1(1)-1.1(3)3
Cat. 4 François Corbellini (1863-1943), peintre En Corse vers 1900 – Début XXe siècle Huile sur toile 98,5 x 195,5 cm Ajaccio, Palais Fesch – musée des Beaux-Arts – Inv. MFA.968.1.1
Cat. 5 Jean-Baptiste de Caraffa dit Tito (1858-1936), photographe amateur Habitat de berger – Vers 1900 Plaque de verre Ville de Bastia – Collection Palais Caraffa
Cat. 8 Jean-Baptiste de Caraffa dit Tito (1858-1936), photographe amateur Enfants, femmes et prêtre Vers 1900 Plaque de verre Ville de Bastia – Collection Palais Caraffa
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La Corse à la veille du conflit, une périphérie en crise
Le phénomène migratoire
Cat. 11 L’Action corse 7 janvier 1914 Imprimé 38 x 27,25 cm Aix‐en‐Provence, Archives nationales d’outre-mer BIB ANOM 30004
Cat. 9 Sacs, malles et mallette de voyage – Boîte à casque colonial Vers 1900 Cuir, textile, métal, bois Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 12 L. Levy Bastia – Vapeur en partance Vers 1900 Carte postale 9 x 14 cm Musée de Bastia – MEC.2004.0.18.8
Cat. 10 L’Écho de la Corse 3 mars 1887, n° 10 Imprimé 47 x 32,5 cm Ajaccio, archives départementales de la Corse‐du‐ Sud – 43PER1 Entre les années 1890 et 1914, des dizaines de milliers de Corses prennent le chemin de l’exil vers les grandes villes de la France continentale et les colonies. Loin d’être un phénomène acculturateur et bien que permettant l’intégration à la nation, cette émigration participe paradoxalement à la construction d’une identité insulaire. Pour ces migrants, leurs degrés d’attachement à leur terre natale et, d’une manière plus générale, à leur identité insulaire, se concrétisent notamment par la mise en place de
structures de sociabilité (cercles ou amicales corses) mais également de journaux qui constituent ainsi un socle de solidarités sur les lieux mêmes de la migration. Journal au titre emblématique parmi d’autres, L’Écho de la Corse, en est l’expression. Publié à Paris, il s’adresse aussi bien à la communauté corse de la capitale qu’aux insulaires présents dans le reste de la France. S. Gregori
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Une périphérie française
Une périphérie française Le phénomène migratoire engendré par le marasme économique que connaît la Corse à partir de la fin du xixe siècle explique, parmi les candidats aux départs qui sont souvent jeunes et pauvres, une nette propension à s’engager dans l’armée. Déjà observable sous le Second Empire, ce phénomène prend une nouvelle ampleur à la veille de la Première Guerre mondiale. Entre les années 1880 et 1914, des milliers de Corses se portent ainsi volontaires pour faire une carrière plus ou moins longue dans l’armée métropolitaine et surtout dans les troupes coloniales. On s’engage à l’âge de 21 ans, parfois même dès 18 ans, ou plus généralement à l’issue de son service militaire. Les régiments du sud-est de la France, l’armée d’Afrique et les unités coloniales attirent plus particulièrement les jeunes Corses. Par son ampleur, cette véritable tradition des engagements volontaires explique en partie le lourd tribut payé par l’île durant la Grande Guerre. Si la motivation première de ces engagés est surtout économique, car la plupart sont des paysans issus de ce monde rural en crise, beaucoup sont aussi attirés par l’aventure exotique d’un service outre-mer et par la perspective d’une promotion sociale offerte par l’armée. Ces engagements militaires concourent à enraciner le patriotisme français et l’intégration de l’île à la nation.
Au service de la France, la tradition des engagements volontaires
Cat. 13 Georges Scott (1873-1942), peintre, affichiste Troupes coloniales 1909 Paris : Imp. nationale Chromolithographie 118 x 70 cm Fréjus, musée des Troupes de Marine – 187/DOC/ PTG
Cat. 14 Les troupes coloniales Carnet de renseignements contenant toutes les indications utiles aux jeunes gens et aux militaires désireux de prendre du service dans les troupes coloniales Paris : L. Fournier, 1905 17,5 x 11 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 15 François-Antoine Scampucci (1859-19..), auteur Recueil de législation militaire, ou manuel à l’usage principalement des mairies Nice : J. Ventre et Cie, 1893 22,5 x 14,5 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
S. Gregori
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La Corse à la veille du conflit, une périphérie en crise
Cat. 16 Registre des engagés volontaires à la mairie de Bastia Entre 1898 et 1928 Manuscrit – 36 x 22,5 cm Bastia, archives départementales de la Haute‐Corse AMB 2H2
Service militaire et culture patriotique
Cat. 19 Anonyme Képi de panoplie d’enfant Vers 1900 Carton, textile 8 x 16,5 x 22 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 17 Tunique modèle 1893 d’adjudant rengagé de l’infanterie coloniale Tunique modèle 1897 de sergent-major du 112e régiment d’infanterie Malle de voyage de l’adjudant A.-T. Trojani du 7e régiment de tirailleurs Entre 1893 et 1914 (tuniques) – vers 1900 (malle) Textile, métal – bois, métal 34 x 33 x 50 cm (malle) Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 20 Imp. Emery, Paris Jeu de l’armée Vers 1900 Chromolithographie 10,4 x 12,7 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 18 Pierre Viacara (18..-19..), photographe Portrait d’un engagé colonial et de son épouse Vers 1900 Photographie 10,5 x 6,4 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 21 Anonyme Figurine de cavalier – Figurine de zouave Vers 1900 Bois polychrome 10,5 x 4 x 2,7 cm – 9,5 x 3,5 x 2,4 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
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Une périphérie française
Cat. 22 Gaudelette (18..- ?), auteur La patrie à l’école : récit des principaux faits de la guerre franco-allemande Paris : Garnier Frères, 1888 18 x 11,5 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 26 Alphonse Lalauze (1872-1936), peintre 22 – Tirailleurs algériens – Troupe – Tenue de campagne 1905 Carte postale 13,6 x 9 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 23 Paul Grandhomme (1851-1944), émailleur, graveur Médaille de préparation militaire 1911 Bronze Ø 5 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi et Gregori
Cat. 25 Albert Guillaume (1873-1942), illustrateur (d’après) Ce qu’il est lourd mon sac ! – Vers 1905 Carte postale 14 x 9 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 24 Maurice Toussaint (1882-1974), dessinateur, illustrateur Infanterie – En marche – 1909 Carte postale – 13,9 x 9 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 27 Louis Ganne (1862-1923), musique – Lucien Delormel (1847-1899) & Léon Garnier (18..-1918), paroles Le père La Victoire Paris : Répertoire Paulus, [1889] 27,2 x 17,5 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
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La Corse à la veille du conflit, une périphérie en crise
Le service militaire
Au début du XXe siècle, le service militaire constitue l’un des piliers du régime républicain nécessaire à la formation du citoyen-soldat. Il représente également un rite de passage à l’âge adulte et demeure l’affirmation d’une virilité reconnue. De 1872 à 1905, les jeunes hommes sont tirés au sort pour effectuer un service de cinq ans. À partir de 1905, le tirage au sort est supprimé et tous les Français doivent obligatoirement servir sous les drapeaux durant deux ans. En 1913, le service militaire est porté à trois ans dans un contexte international de plus en plus tendu. Il est donc très important tant sur le plan politique et patriotique que social et sociologique. En Corse, région périphérique en voie de francisation, il apparaît aussi comme un des principaux outils permettant d’achever l’intégration de l’île à la communauté nationale. Tous les ans, dans chaque canton, le conseil de révision passe en revue les hommes âgés de 20 ans et les déclare aptes ou non à servir sous les drapeaux. Mais la situation économique de l’île fait que bon nombre d’insulaires devancent leur appel pour s’engager comme volontaires. Ainsi, en 1911, dans le canton de Serra-di-Scopamène, sur 57 inscrits, seuls 18 se présentent devant le conseil de révision… Les 39 absents ayant déjà contracté un engagement dès l’âge de 18 ans. S. Gregori
Cat. 31 Cocarde de conscrit Vers 1900 Textile, papier, métal 15 x 16,5 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 32 Breloque de conscrit Vers 1910 Textile, papier, cuir, métal 6,3 x 9 x 7 cm Collection particulière Jérôme Ruellet
Cat. 28 Préfecture de la Corse Affiche du conseil de révision de la classe 1914 14 février 1914 Imprimé – 38 x 50 cm Ajaccio, archives départementales de la Corse‐du‐ Sud – 10R1
Cat. 29 Département de la Corse Convocation devant le conseil de révision de la classe de 1891 1891-1892 Imprimé 36 x 23,4 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 33 Édouard Detaille (1848-1912), illustrateur L’Armée française : types et uniformes Paris : Boussod, 1892 28 x 36,5 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 30 Pierre Georges Jeanniot (1848-1934), peintre Le conseil de révision 1895 Huile sur toile 92 x 120 cm Tarbes, musée Massey (dépôt du musée des Beaux-Arts de Pau) – D978.2.1
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Une périphérie française
Cat. 34 Ceinturon patriotique – Vers 1900 Textile, cuir, métal – 13 x 70 cm Ajaccio, musée A Bandera
Cat. 37 Joseph Moretti (1868-1957), photographe La fanfare du 163e régiment d’infanterie à Corte Entre 1897 et 1911 Photographie 21,3 x 27,7 cm Association Sintinelle – Don de Patrick Padovani Cat. 35 Paul Déroulède (1846-1914), auteur Nouveaux chants du soldat Paris : M. Lévy Frères, 1875 15 x 10,5 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori Cat. 36 Faïencerie Hippolyte Boulenger & Cie Série de 12 assiettes sur le thème du service militaire Fin XIXe siècle Faïence Ø 20 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 38 Joseph Moretti (1868-1957), photographe Artilleurs du 13e régiment d’artillerie à Corte Entre 1906 et 1911 Photographie 21 x 27 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 39 163e régiment d’infanterie : Bastia, Corte, Ajaccio Charleville : Imp. A. Gelly, 1907 20 x 29 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
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La Corse à la veille du conflit, une périphérie en crise
Cat. 40 Paul-Louis Grolleron (1848-1901), illustrateur, peintre Soldats au bivouac Fin XIXe siècle Chromolithographie 38,5 x 29,5 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 41 Manuel d’infanterie à l’usage des sous-officiers et caporaux et élèves-caporaux Paris, Limoges : H. Charles-Lavauzelle, 1896 17 x 10 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 42 15e corps d’armée Certificat de bonne conduite de Michel, Ange Meï 25 septembre 1910 Imprimé 31 x 20 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 43 Tenue de corvée de soldat du 163e régiment d’infanterie Entre 1897 et 1913 Textile, cuir, métal Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 44 Chouns Conscrits du 163e régiment d’infanterie Vers 1910 Photographie Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
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Une périphérie française
Alliances européennes et montée des tensions : le problème de la défense de la Corse
Dès la fin du xixe siècle, les rivalités économiques et impérialistes entre les grandes puissances européennes contribuent à une montée des tensions diplomatiques et à une course aux armements. Des alliances se forment. La Grande-Bretagne, la France et la Russie constituent la Triple-Entente en 1907 face à une Triplice constituée en 1896 entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie. Les antagonismes coloniaux et les revendications territoriales motivent grandement ces jeux diplomatiques. La France s’oppose ainsi à l’Empire allemand notamment lors des crises marocaines en 1905 et 1911. L’Italie, qui désire aussi étendre ses possessions coloniales à la Libye, veut également récupérer certaines terres qu’elle juge historiquement, culturellement ou géographiquement italiennes. Cette revendication irrédentiste touche la Corse sous le gouvernement de Francesco Crispi. L’entrée des Italiens dans le camp des Allemands et des Autrichiens ne fait que raviver cette tension diplomatique tant sur le plan national que local. La défense de la Corse face à son voisin transalpin devient à l’ordre du jour à la veille de 1914 : le renforcement des fortifications de Bonifacio et de Bastia, les débats et polémiques entre l’armée de terre et la marine pour la protection de l’île démontrent comment le jeu des alliances se répercute également dans ce département périphérique. J.-P. Pellegrinetti
Cat. 45 Anonyme Cadre commémoratif de l’alliance franco-russe Entre 1892 et 1914 Textile – 49 x 52,5 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 48 Dolman modèle 1872 d’artilleur du 38e régiment d’artillerie Entre 1872 et 1914 Textile, métal Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 46 Manufacture de Sarreguemines Assiette Alliance franco-russe Entre 1895 et 1900 Faïence fine feldspathique, impression peinte, glaçure incolore – Ø 21,5 cm Sarreguemines, musée de la Faïence – 97.46
Cat. 49 Armée et Marine La défense mobile de la Corse 6 octobre 1901, n° 137 Imprimé – 35,5 x 27 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 47 Henri Bressler ( ?- ?), dessinateur – Ducourtioux & Huillard, graveurs Emplacement des troupes de l’armée française d’après les documents officiels Vers 1900 Paris : imp. de Vaugirard Héliogravure – 54,2 x 68,5 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
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La Corse à la veille du conflit, une périphérie en crise
La vie politique
Cat. 50 La Croix illustrée Tentative de débarquement en Corse pendant les grandes manœuvres navales en Méditerranée 18 août 1901, n° 34 Imprimé – 35,5 x 26,2 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 51 Raymond Poincaré (1860-1934), président de la République Décret sur le séjour des navires étrangers dans les ports français en cas de guerre 26 mai 1913 Imprimé – 80 x 54 cm Ajaccio, archives départementales de la Corsedu-Sud – 10R1
Au même titre que pour l’histoire nationale, les années allant de la chute du régime impérial à la Première Guerre mondiale constituent une époque charnière correspondant à l’ancrage définitif de l’île dans la République. La Corse, à l’image d’autres départements, participe ainsi aux difficiles combats menés par les partisans de Marianne face aux conservateurs. La vie politique sous la IIIe République se caractérise par trois périodes. Ainsi, de 1871 à 1878, l’île constitue un véritable bastion pour les anciennes notabilités d’Empire. Les années allant de 1878 à 1893 correspondent à la conquête républicaine. Sur la scène politique corse, de nouvelles lignées partisanes concurrencent les anciennes familles bonapartistes. De nouvelles pratiques politiques s’enracinent très lentement dans l’île. À l’échelle locale, les républicains utilisent notamment tous les registres de la politique festive nécessaires pour marquer les consciences collectives (fêtes, banquets, « punchs » électoraux, Marianne…). Enfin, de 1893 à 1914, la IIIe République, ancrée définitivement, triomphe en Corse. La forme du régime ne suscite plus que quelques contestations mineures. Au sein des partis politiques, le débat idéologique s’installe, par l’intermédiaire des professions de foi notamment, sur la manière d’être et de se présenter à l’électorat en tant que républicain. J.-P. Pellegrinetti
Cat. 52 DG, sculpteur Buste de Marianne 1902 Plâtre 38 x 23 x 15 cm Collection particulière Dominique Pellegrinetti
Cat. 53 Ettore Brunini (1863-1943), peintre Portrait du président Sadi Carnot 1890 Lithographie 81,7 x 69,4 cm Musée de Bastia – MEC.56.13.160 En 1890, Sadi Carnot, président de la République française de 1887 à 1894, entreprend un voyage ferroviaire dans l’est et le sud-est du territoire national qui doit permettre la consolidation des liens entre les populations rurales et le régime républicain. Sa venue en Corse pour trois jours depuis Ajaccio à Bastia en passant par Corte constitue un événement majeur. Pour la première fois de son histoire, la Corse accueille un président de la République française. Sadi Carnot, petit-fils de Lazare Carnot, symbolise l’héritage de la Révolution française et la personnification de la patrie.
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Le président traverse l’île en chemin de fer. Le train présidentiel participe ainsi matériellement au travail de la représentation républicaine dans les communautés de l’intérieur de l’île. La visite présidentielle représente la fête du progrès. Elle utilise pour cela un certain nombre de signes et de messages destinés à transformer et à républicaniser le décor quotidien de la vie locale. Cette volonté de politique propagandiste de l’espace communal se retrouve dans toutes les communes traversées par le train de la République. Toutes les gares sont décorées et pavoisées. Des oriflammes, des drapeaux, des lanternes vénitiennes et des arcs de triomphe sont disposés sur le parcours présidentiel. J.-P. Pellegrinetti
Cat. 54 Drapeau du Comité central bonapartiste d’Ajaccio Début XXe siècle Soie, fils d’or, bois H. 201 cm (hampe) – 113 x 99 cm (drapeau) Collection CCB
Cat. 55 Henri Mairet (1850-1902), photographe Étienne et Emmanuel Arène 1889 Photographie (reproduction) 23 x 17,5 cm Paris, musée d’Orsay – PHO1984-87-9
Le poids de l’école laïque
Lors des premières années de la IIIe République, l’école joue en Corse un rôle central dans l’enracinement, puis la consolidation des valeurs républicaines et du patriotisme français. Pour les républicains opportunistes, l’instruction doit devenir pour les populations un rempart contre les régimes antérieurs monarchiques ou despotiques, mais également former les futurs citoyens à l’apprentissage du devoir, à l’adhésion au sentiment national, mais aussi à l’obéissance envers la patrie et l’ensemble de ceux qui la représentent. Cette acculturation des populations aux idées et aux valeurs républicaines passe dès lors par une uniformisation nationale dont la langue, le français, devient l’un des principaux vecteurs. Au 31 décembre 1913, le département de la Corse possède 806 écoles primaires publiques. Pour de nombreuses familles insulaires, l’école devient le pilier d’une profonde volonté d’ascension sociale. Les taux de réussite au certificat d’études sont de 64,7 % pour les garçons et de 75,5 % pour les filles. En 1908, le rapport Clemenceau indique que l’île comptabilise quatre fois plus de bacheliers que la moyenne nationale.
Cat. 56 Pupitre d’écolier Vers 1900 Bois et métal – 80 x 88 x 60 cm Collection particulière Matteu Moracchini
Cat. 57 Rémy Hausermann (1843-1933), graveur géographe Colonies françaises Vers 1890 Paris : éd. G. Binois Estampe – 32,5 x 41,5 cm Musée national de l’Éducation (réseau Canopé, Rouen) – MNE.inv.1979.4695(2)
J.-P. Pellegrinetti Cat. 58 La France des départements Vers 1890 Paris : éd. Mauclair-Dacier Estampe – 29 x 35 cm Musée national de l’Éducation (réseau Canopé, Rouen) – MNE.inv.1979.23724
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La Corse à la veille du conflit, une périphérie en crise
La naissance d’une identité corse
Cat. 59 Marie Gaggeri (18..-19..) Cahier d’écolier 1890 Manuscrit 22,5 x 17,5 cm Collection particulière Dominique Pellegrinetti
Cat. 61 Eugène Josset (18..-19..), auteur À travers nos colonies Paris : A. Colin, 1903 18,2 x 12 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 60 Augustine Fouillée dit G. Bruno (1833-1923), auteur Le tour de la France par deux enfants Paris : E. Belin, 1917 18,5 x 11 cm Collection particulière Dominique Pellegrinetti
Cat. 62 Pierre Foncin (1841-1916), auteur Le pays de France Paris : A. Colin, 1901 18,2 x 12 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Entre 1870 et 1914, les élites insulaires participent à la consolidation de la petite patrie. Ainsi, tout au long du xixe siècle et accentué avec la IIIe République, se diffuse à l’intérieur des communautés villageoises, par le biais notamment des journaux, des ouvrages, des discours ou encore des almanachs, un sentiment d’appartenance à une même « race » (conception ethnique de définition du groupe social) et identité corses. Avec la IIIe République, durant les années qui précèdent la Première Guerre mondiale, « race » et identité corses constituent aussi des éléments diffusés par le système scolaire parce qu’ils ne remettent pas en cause l’appartenance de l’île à l’ensemble national. À la fin du xixe siècle, à la suite de l’effondrement de son économie, la Corse connaît une progressive montée du mouvement régionaliste en réponse également à l’enracinement de l’idée républicaine. Portés par l’hebdomadaire A Tramuntana, entièrement rédigé en langue corse, puis par la revue A Cispra, les régionalistes utilisent les concepts de « race » et d’identité corses pour dénoncer l’état « d’île oubliée et abandonnée » dans lequel se trouve la Corse. J.-P. Pellegrinetti
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La naissance d’une identité corse
De la revendication économique au félibrige corse Cat. 63 A Corsica 15 mai 1912, 7e année Valence : imp. Ducros & Lombard 23,6 x 15,8 cm Bastia, bibliothèque patrimoniale Tommaso Prelà
Cat. 67 Pierre Rocca (1887-1966), auteur Les Corses devant l’anthropologie Paris : J. Gamber, 1913 17,4 x 12 cm Corte, musée de la Corse
Cat. 64 Albert Quantin (1850-1933), auteur La Corse : la nature, les hommes, le présent, l’avenir Paris : Perrin, 1914 20 x 12,5 cm Bibliothèque municipale d’Ajaccio – FL 12-337
Une culture patriotique corse
Cat. 65 A Tramuntana 17 janvier 1914, n° 656 Imprimé 50 x 32,7 cm Ajaccio, archives départementales de la Corsedu-Sud – 83PER4 Cat. 68 Drapeau à tête de Maure Fin XIXe – début XXe siècle Textile – 87 x 130 cm Collection particulière Henri Parsi Cat. 66 A Cispra Marseille : imp. A. Ged, 1914 21,5 x 13,6 cm Association Sintinelle – Fonds Biaggi & Gregori
Cat. 69 Ferdinand Polge (18..- ?), sculpteur Buste de Sampiero Corso 1890 Plâtre – 75 x 52 x 35 cm Collection particulière Jean-Pascal Turchini
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La Corse à la veille du conflit, une périphérie en crise
Cat. 70 Ignace-Louis Varese (1797-1852), peintre, sculpteur Buste de Pascal Paoli IIe moitié XIXe siècle Plâtre – 98 x 65 x 33 cm Mairie de Corte
Cat. 74 Émile Desmaisons (1812-1880), lithographe – Paul-Mathieu Novellini (1831-1918), peintre (d’après) Sambucuccio d’Alando 1878 Lithographie – 31 x 23 cm Corte, musée de la Corse – 1996.12.3
Cat. 71 Lanzi Frères Ajaccio Souvenir de la Corse – Ajaccio-station d’hiver Fin XIXe – début XXe siècle Faïence – Ø 19,6 cm Collection particulière Henri Parsi
Cat. 72 Achille Sirouy (1834-1904), lithographe – PaulMathieu Novellini (1831-1918), peintre (d’après) Corsica 1870 Lithographie – 56 x 45,5 cm Corte, musée de la Corse – 1991.2.194
Cat. 73 Paul-Mathieu Novellini (1831-1918), peintre, lithographe Pascal Paoli 1872 Lithographie – 31 x 23 cm Corte, musée de la Corse – 1996.12.1
Cat. 75 Paul-Mathieu Novellini (1831-1918), peintre, lithographe Sampiero Corso 1873 Lithographie – 31 x 23 cm Corte, musée de la Corse – 1996.12.2
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