Petit traité des entrepreneurs corses d'aujourd'hui à l'usage de ceux de demain

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Petit traité d’entrepreneurs corses d’aujourd’hui à l’usage de ceux de demain

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Thérèse Albertini – Thierry Fabiani Nathalie Lameta

PETIT TRAITÉ D’ENTREPRENEURS CORSES D’AUJOURD’HUI À L’USAGE DE CEUX DE DEMAIN

Università di Corsica •

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Sommaire Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Préface Jean-Nicolas Antoniotti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Le mot de la Fondation universitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Préambule/Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Entretiens Charles Antona, Corsica Gastronomia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Brigitte Artily, Kyrnella . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Jean Philippe Banghala, Corse Incentive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Dominique Bermondi, Duchesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Paul Cesari et Paul Miniconi, Imusic school . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Jean-Julien Cossu, Performance-Composite-Méditerranéen . . . . . . . . . . . . . . . . 51 Alfred Fennech, Biscuiterie Afa. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 Christophe Fouilleron, Solyvia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Even Guillot, Corstyrene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Jérôme Paoli, Opinion of Corsica . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 Jean-Pierre Paolini, Espace Elec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 Antony Perrino, Groupe Perrino BTP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 Armelle Sialelli, Pietra . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93 Sébastien Simoni, Wmaker . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Jean-Claude Venturini, Mavela . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 Petit lexique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

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REMERCIEMENTS

D’abord nous tenons à saluer avec reconnaissance les entrepreneurs interviewés. Outre leur disponibilité et humilité, ils nous ont donné, à nous auteurs de cet ouvrage, une sacrée dose d’énergie et d’inspiration pour la suite de nos travaux consacrés à l’entrepreneuriat. Qu’ils en soient remerciés pour nous et pour nos étudiants qui ont assisté à leurs échanges ou qui liront leurs aventures. Nous remercions chaleureusement nos partenaires, la Caisse des dépôts et consignations, la Fondation de l’université de Corse, PEPITE Corse, l’Université de Corse ainsi que nos établissements respectifs (IUT, IAE). Un remerciement tout particulier à nos relecteurs avisés Nadine, Vannina, Laura et Guillaume. Enfin, nos remerciements les plus sincères et affectueux à nos proches pour avoir supporté les contraintes de temps forcément liées à cette rédaction passionnante. À tous, nous tenons à témoigner, à travers ces quelques lignes, notre immense gratitude.

Thérèse Albertini, MCF Gestion, Université de Corse Thierry Fabiani, MCF Gestion, Université de Corse Nathalie Lameta, Docteur en Économie, PRCE Éco-Gestion, Université de Corse

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Préface

La création d’entreprise a longtemps été une abstraction pour les Corses, particulièrement après la première guerre mondiale où elle constituait une vraie terre inconnue. On a longtemps véhiculé l’idée que la Corse était une terre pauvre sur laquelle aucun avenir n’était possible. Elle sera ainsi la seule île de Méditerranée occidentale à voir sa population diminuer sous l’effet d’une émigration économique massive durant plusieurs décennies. Pour beaucoup de nos anciens, l’exil a été le seul espoir d’avenir. Il aura fallu attendre le dernier quart du xxe siècle et le « Riacquistu » pour voir émerger une nouvelle génération d’hommes et de femmes qui seront convaincus de la fécondité de cette terre. Ils ont osé affronter toutes les difficultés entrepreneuriales en prouvant ainsi qu’il était possible de réussir en Corse de manière libre et indépendante. En vrais conquérants, ils ont affronté sur des mers hostiles les pires tempêtes (blocages des transports, grèves de la fonction publique, verrouillage de l’économie par des entreprises de rente…) souvent sans outils fiables de navigation (pas de banque de développement, pas d’outil de formation adapté…) et dans un scepticisme général mortifère répondant à la prophétie d’Arrigu Bel Messere : « Corsica ùn averai mai bene ». Les chefs d’entreprise présentés dans ce recueil sont assurément des exemples remarquables de créateurs. Ils représentent pour les jeunes générations de véritables repères. Ils ont ouvert, avec de nombreux autres, les routes de l’avenir

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et démontré que ce pays pouvait être un véritable Eldorado, pour peu que l’on y croie et que l’on se surpasse. L’Università di Corti sera incontestablement le plus important outil de transformation de la société corse qui aura été créé sur ces trente dernières années, pour conjurer enfin la terrible fatalité du sous- développement. Elle constitue enfin un passeport efficace et pertinent pour réussir, créer et s’épanouir en Corse. À tous ceux qui sont attirés par la création d’entreprise, n’hésitez pas, les vents sont favorables. Avà più che mai hè ora di Fà Qui.

Jean-Nicolas Antoniotti Président de Femu Quì, créateur d’entreprises

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Le mot de la Fondation de l’université de Corse

Quelle chance vous avez, vous, là qui tenez ce livre entre vos mains ! Il ne paie pas de mine comme ça, ce mince recueil, pourtant préparez-vous à être tour à tour épatés, émus et bousculés par cette lecture… Car au fil des pages, vous allez découvrir de belles histoires, pleines d’engagement, d’aventures et de réussites. Vous allez rencontrer de belles personnes, libres, passionnées et désireuses de contribuer à quelque chose qui les dépasse. Vous allez entrevoir de belles perspectives pour la Corse et pour les jeunes qui vont, demain, y construire leur vie. Voilà bien toute la force de ce petit traité : démontrer que notre île est désormais un territoire où l’on peut créer du sens, créer des emplois et créer de la valeur. Non seulement ces portraits de chefs d’entreprise se lisent comme un roman (j’exagère à peine !), mais ils proclament, et nous en avions besoin, l’état de confiance économique pour la Corse. Oui, ils ont réussi. Oui, on peut réussir ici. Et même : oui, on peut réussir grâce à la Corse. En exploitant intelligemment ses ressources naturelles, humaines, sociales, culturelles… Dans une île longtemps caractérisée par une économie administrée hégémonique, il n’était que temps de donner la parole à ces créateurs d’entreprises. Pour rendre justice à leur utilité sociale, certes, mais plus encore pour changer les représentations du marché de l’emploi insulaire et permettre à nos étudiants de choisir leur avenir professionnel sans fatalisme. Si le rôle d’une université est bien de lutter contre tous les déterminismes pour émanciper les esprits, il fallait encore, d’un point de vue pratique, s’attaquer à 11

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la reproduction sociale et professionnelle. Désormais, c’est dit : n’importe qui peut devenir entrepreneur, même si – vous excuserez ce paradoxe de pacotille — tout le monde n’a pas vocation à l’être… L’enjeu, vous l’avez compris, n’est nullement de faire de ces femmes et de ces hommes des héros, ni même des modèles à suivre béatement. Mais bien plutôt des repères capables de guider et d’inspirer ceux que chatouillent déjà les mots d’entreprise et de création… Le vœu qu’il nous faut formuler collectivement est clair : que notre jeunesse qualifiée et déterminée puisse compter sur ses compétences et sur la qualité de son environnement économique. U Riacquistu ecunumicu ha sunatu !

Vannina Bernard- Léoni Directrice de la Fondation de l’université de Corse

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Préambule

L’idée de cet ouvrage est née des rencontres qui, depuis 2009, ont commencé à se multiplier entre les entrepreneurs corses et les étudiants de l’université. La fondation de l’université a impulsé une nouvelle dynamique, permettant d’accélérer ce processus au travers du parcours « Custrui » visant à organiser, de manière récurrente, des échanges avec ces entrepreneurs. Les étudiants ont eu la chance de rencontrer des femmes et des hommes qui ont cru à un moment donné de leur existence à leur force, leur concept, leur produit… pour le créer d’abord et en faire de vraies « success stories » ensuite. Toutefois, ces moments très enrichissants, où les entrepreneurs sont venus expliquer leur cheminement, n’ont pu être suivis que par un nombre restreint d’étudiants, d’où l’idée d’élargir ces témoignages à un cercle beaucoup plus important. Comment ces chefs d’entreprise ont-ils construit leur identité d’entrepreneur, quels sont les principaux conseils qu’ils souhaitent donner aux jeunes ? C’est là, les questions auxquelles ces 15 créateurs se sont prêtés. Les réponses sont parfois évidentes, parfois inattendues, drôles, toujours passionnées. Nous les en remercions. Les lecteurs pourront appréhender la notion de risque pris par certains des porteurs de projets et en tirer des enseignements sur les perspectives d’avenir qui s’offrent à eux. Objectifs Ce livre, qui se veut en phase avec la réalité, souhaite être une source d’énergie pour nos jeunes étudiants qui ne doivent pas, sous prétexte qu’ils n’ont ni argent ni réseaux, délaisser la piste entrepreneuriale sur leur territoire.

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De nombreuses recherches1 font apparaître que, même si bon nombre de jeunes sont attirés par la démarche entrepreneuriale, ils la redoutent aussi au moment de la tenter (prise de risque, lourdeur du processus, peur de l’échec…). Le propos de cet ouvrage n’est pas de soulever des pistes pour identifier des réponses face à cette situation (perception et représentation de l’entrepreneur) ; ce sera sans doute l’objet d’une prochaine publication. Le propos se focalise ici sur l’histoire entrepreneuriale de ces hommes et de ces femmes depuis la genèse de leurs concepts (l’idée, la faisabilité…) jusqu’aux moments clés du lancement de leur(s) projet(s). Les auteurs souhaitent que le présent ouvrage puisse susciter des vocations auprès de jeunes étudiants prêts à tenter l’aventure. Au travers des témoignages, ils sauront y trouver des exemples, des clés, des conseils pour les aider dans ce parcours ardu. La cible principale est celle des jeunes de Corse ou d’ailleurs intéressés par la voie entrepreneuriale pour commencer ou continuer leurs parcours professionnels. Cet ouvrage s’adresse également à tout individu tenté par l’aventure entrepreneuriale ou encore à tout employé souhaitant garder une trace écrite du parcours de son « patron », à toute personne curieuse de mieux connaître des entrepreneurs corses. Méthode : entretiens semi-directifs Ce livre est un recueil d’expériences racontées au gré d’une discussion avec des personnes atypiques qui n’ont jamais renoncé. Les entretiens sont retranscrits sous forme d’interviews afin d’en faciliter la compréhension et de les rendre aussi naturels qu’une conversation. Chacun des portraits des entrepreneurs créateurs que nous avons choisis est le fruit de rencontres au sein de notre université. Nous avons 1. BOISSIN J.-P., CHOLLET B., EMIN S. (2007), « Les croyances des étudiants envers la création d’entreprise. Un état des lieux », Revue française de Gestion, vol. 11, n° 180, p. 25-43. MESSEGHEM K., VERSTRAETE T. (2009), « La recherche en entrepreneuriat : état des thèses soutenues entre 2004 et 2007 », Revue de l’entrepreneuriat, vol. 8, n° 1, p. 91-105. Étude Observatoire des pratiques pédagogiques en entrepreneuriat (OPPE), 2011. Étude groupe de conseil Didaxis, 2012.

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préambule

privilégié les entrepreneurs corses ayant réussi en Corse à créer une marque, un univers et des valeurs associés. Nous avons retenu pour ce premier ouvrage la thématique de la création et non celle de la reprise qui pourra, plus tard, faire l’objet d’un éclairage spécifique tant les succès de reprise sont des exemples importants pour le devenir de notre île. Nous n’avons volontairement pas retenu les développeurs de réseaux ou de franchises, de concessions, acteurs de la grande distribution qui sont aussi des entrepreneurs talentueux car l’idée était ici de mettre en avant des entrepreneurs ayant réussi à donner une identité spécifique à leurs produits. De même, l’entrepreneuriat social, devenu si important, n’a pas été retenu dans ce premier ouvrage au vu de ses caractéristiques spécifiques (statut, vocation, financement…). Ce petit traité est aussi l’occasion pour les auteurs de présenter certains secteurs d’activité parfois encore méconnus (digital, cosmétique, aéronautique) qui font à côté des secteurs traditionnels (transformation alimentaire, BTP, tourisme…) la Corse d’aujourd’hui et probablement de demain…

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Le mot des auteurs

CHARLY ANTONA, CORSICA GASTRONOMIA OU LE PROJET D’UNE VIE…

Rares sont les chefs d’entreprises portés par une vision et une bienveillance aussi soutenue envers leurs salariés. L’important pour lui c’est savoir bien s’entourer, puis faire confiance à ses équipes. Cet échange fut l’occasion d’illustrer parfaitement ce que doit être un entrepreneur aujourd’hui… La tête dans les étoiles (vision), les pieds sur terre (proche de ses salariés). L’entrepreneur reconnaît que son défi c’est aussi d’apprendre chaque jour, de réinventer son entreprise.

« Je suis un autodidacte qui, très vite, est tombé dans le secteur de la logistique et le monde du transport où j’ai fait mes premières armes… »

Charles Antona Président de Corsica Gastronomia 68 ans Secteur d’activité : agroalimentaire Site internet : www.charlesantona.com Entreprise en chiffres : CA 2013 : 6 827 126 €, 40 salariés

Interview réalisée le 28 août 2014

Genèse et marche de l’entreprise Quelles sont les principales caractéristiques de votre entreprise ? C’est une structure qui a décidé de rester à taille « humaine » (40 salariés), avec une culture d’entreprise – « chez nous, le turn-over est quasi inexistant ». Deux règles qui sont « la confiance et le cahier ouvert »… Le principe est le suivant : la mère nourricière c’est l’entreprise, donc ici pas de distribution de dividendes. On réinvestit pour avoir une entreprise à la pointe de ce qui peut se faire de mieux dans notre secteur d’activité. Comment l’idée de votre concept vous est-elle venue ? J’étais agent multicarte sur la Corse pour le compte de 50 industriels. Parmi les gammes alimentaires vendues, il y en avait une partie que je faisais fabriquer à

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ma marque. J’étais un peu le précurseur des marques insulaires, il s’agissait de la marque « A Settia ». Quelque peu raillé par des concurrents qui disaient que je faisais fabriquer tous mes produits sur le continent, j’ai décidé de « prendre le taureau par les cornes » en concevant un atelier de production. Il a fallu qu’à 40 ans je me remette en cause, que je prenne des cours de cuisine… C’étaient les années 90. J’avais en quelque sorte créé un marché ; il fallait ensuite l’alimenter… Vos racines entrepreneuriales ? Qu’est-ce qui vous a donné envie d’entreprendre ? À 17 ans, je travaillais déjà. À 23 ans, j’étais cadre commercial dans le transport. Ce goût du développement, de la prospection, de la création, bref du challenge permanent c’est là que je l’ai aiguisé… Mon apprentissage de l’entrepreneuriat, c’est là que je l’ai fait. Êtes-vous sur un marché dynamique, porteur ? Avez-vous une vision régionale, nationale, internationale de votre marché ? Dès le début, j’avais une vision internationale de mon marché. Je savais qu’il fallait qu’un jour mes produits aillent sur le continent et ensuite à l’étranger… Ce que je ne maîtrisais pas, c’est le temps qu’il me faudrait pour y parvenir. Une vision à court terme nous fait prendre des mauvaises décisions moi j’essaye de me poser la question « où je souhaite être dans 10 ou 15 ans », ça aide. En revanche, avoir une vision ça prend du temps. On ne réfléchit pas à sa vision dans l’urgence, je n’y crois pas ! L’armorçage du projet Étiez-vous salarié au préalable ? Était-ce difficile de quitter votre emploi de salarié pour tenter l’aventure ? J’étais payé à la commission ; c’est sûr que je travaillais 7 jours sur 7 sans relâche à sillonner la Corse. Dernièrement, mon fils qui va avoir 40 ans, m’avouait n’avoir aucun souvenir de vacances en famille, c’était le prix à payer ! J’ai beaucoup bossé. La vie était, selon moi, plus dure qu’elle ne l’est actuellement. 18

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charly antona, corsica gastronomia ou le projet d’une vie

Il fallait travailler dur et payer ses fournisseurs pour éviter de changer de trottoir dans la rue… Aviez-vous besoin de capitaux pour démarrer ? Oui, c’était très difficile, mon projet nécessitait une enveloppe de 4 millions de francs. J’ai demandé 3 millions aux banques et j’ai, pour ma part, vendu tous mes biens (appartement, voiture…) pour apporter le million manquant. À cette époque, les banques, c’était le parcours du combattant. On me disait « vous n’avez aucune chance », « ça ne marchera pas », « vous vous rendez compte qu’en face vous allez avoir William Saurin » ? Je vais vous raconter une anecdote à ce sujet. Un jour, je suis reçu avec mon comptable chez un banquier qui me dit : « Monsieur Antona, vos résultats ne sont pas terribles ». Plus il détaillait son analyse, plus je me demandais dans quel monde j’étais… jusqu’au moment où je découvre qu’il parlait d’un homonyme ! Finalement le Crédit agricole m’a suivi même si les conditions de l’époque étaient bien loin de celles d’aujourd’hui, nous parlons de taux de 11,3 % à 12,4 % pour 12 et 15 ans de crédit. Au début, le démarrage de l’activité était chaotique et je me suis planté. J’avais sous-estimé les atouts nécessaires, je n’avais pas d’expérience de la production, j’étais hors marché, mon produit ne correspondait peut-être pas aux attentes du marché. J’étais, avec le recul d’aujourd’hui, dans la « sur qualité » ! J’ai beaucoup souffert, courbé l’échine sans rien lâcher malgré les discours ambiants : « faites comme les autres, mettez-vous en RJ1 ». Non, c’était trop dur pour moi ; j’avais entraîné des fournisseurs ; je ne pouvais pas les planter comme cela. J’ai pris un accord avec eux et sur 7-8 ans j’ai réussi à retrouver une vitesse de croisière. J’ai tenu mes engagements et aujourd’hui, quand je les vois, je les remercie de m’avoir fait confiance. 1. Règlement judiciaire

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L’entourage de l’entrepreneur Avez-vous un modèle d’entrepreneur qui vous a inspiré ? Probablement le père Dassault ; autodidacte lui aussi, pour qui tout était possible à condition de travail, d’énergie et d’être visionnaire. À qui avez-vous parlé de votre projet en premier dans votre entourage (famille, épouse, amis…) ? J’ai toujours été solitaire dans mes prises de décisions… Disons que mes proches ont été mis devant le fait accompli mais, malgré les difficultés, ils n’ont jamais manqué de rien à la maison. Vos proches vous ont-ils soutenu dans cette démarche ? Oui, tout à fait. Disons qu’ils ont notamment été associés au début du projet avec la confection des colis, des sachets… C’était très artisanal au début comme vous pouvez l’imaginer. Ma famille croyait et avait confiance en moi et en mon projet, donc ça m’a aidé, c’est sûr ! Un sentiment d’injustice a un moment donné ? Il y a quelques années à Noël, j’étais en tournée à Bonifacio et je n’ai pas pu faire les salaires… La banque me refusant tout découvert. Je suis remonté sur Ajaccio en quatrième vitesse, j’ai cassé les plans épargnes de mes enfants, j’ai donné des acomptes à mes salariés pour finir finalement de les payer totalement le 20 janvier. Moi, j’ai souffert, mais eux aussi vous imaginez à cette période, Noël… c’était terrible. Depuis, pour honorer cette confiance qu’ils m’ont témoignée et pour renvoyer l’ascenseur, en décembre, on paye le mois le 20 décembre ; ce qui étonne les nouvelles recrues qui ne comprennent pas cette pratique. Les anciens se chargent de leur expliquer l’histoire authentique… Un échec qui vous a permis de gagner ensuite, lequel ? Il faut s’occuper d’abord de son entreprise. Au gré de mon parcours, depuis que je suis à la tête de celle-ci, j’ai à un moment donné investi de mon temps dans des entreprises diverses et variées (institutionnelles, syndicales…). 20

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charly antona, corsica gastronomia ou le projet d’une vie

Quand on se partage, c’est automatiquement au détriment de son entreprise. Les décisions prises en notre absence, on doit ensuite les assumer, même si elles ne vont pas dans le bon sens. Votre plus belle réussite, un événement qui vous a marqué ? C’est d’abord la réussite avec mon personnel dont je suis le plus fier ; d’être aussi resté un homme libre et indépendant et si vous faites allusion aux titres et récompenses, d’être régulièrement cité parmi les 10 ou 12 premiers confituriers, cela ne me laisse pas indifférent… Mais attention, ces classements ne doivent pas nous griser ; notre situation reste très fragile, cela ne doit pas nous endormir… bien au contraire ! Une fois, j’ai même été nommé comme l’entreprise la plus rentable de mon secteur. Vu d’où je venais, j’ai apprécié à sa juste valeur cette récompense… Quelques conseils ? Les conseils à donner aux jeunes Corses qui veulent tenter l’aventure ? J’en donnerais un : le plus important selon moi c’est de sortir de l’île, aller se fabriquer une expérience, dans un domaine, acquérir des compétences pour revenir ensuite créer dans l’île ! Les qualités essentielles pour réussir aujourd’hui ? Il faut d’abord croire en son projet. Être entrepreneur, c’est « un sacerdoce ». Mon entreprise est passée avant ma famille, mes proches, mes amis… Ne pas mettre la charrue avant les bœufs et enfin rester humble. Du point de vue social, il faut être conscient que quand on crée une entreprise on fait naître une croyance auprès de nos employés, il faut être exigeant et honnête avec eux. Cela crée une confiance réciproque, et ça marche, je m’en rends compte tous les jours. Un côté plus perso ? Disons que ma conception de l’entreprise c’est que c’est un lieu d’expression, pas un outil de profit. La capitalisation doit d’abord profiter à l’entreprise qui

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rappelons-le est la mère nourricière et se doit donc d’assurer la pérennité de ses emplois et de ses marchés.

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Le mot des auteurs

BRIGITTE ARTILY, KYRNELLA NATURE COSMETICS CRENA CARE SPA COSMETICS

Ce qui ressort de cet entretien, c’est la totale lucidité de Mme Artily quant à la connaissance de ses qualités mais aussi de ses limites. Elle nous explique comment, passionnée par cet univers de l’aromathérapie dès sa plus tendre enfance, elle a essayé d’apporter sa pierre à l’édifice pour créer et développer une filière de produits cosmétiques corses. De son aventure entrepreneuriale, Brigitte donne l’impression de s’être laissée porter au hasard des rencontres de son parcours. Mais, le hasard a-til joué un rôle aussi important que cela dans son parcours ? Elle privilégie l’action, l’engagement au détriment de la tranquillité routinière.

Interview réalisée le 6 février 2015

« Je suis issue d’une famille de maraîchers ; le contact avec la terre, les produits, les essences, disons que j’y suis tombée toute petite. Après un deug de droit à Corte, j’arrête trop vite mes études pour démarrer une aventure entrepreneuriale de restauration où je faisais tout, Brigitte Artily toute seule. Sur un coup de Gérante et fondatrice de Kyrnella Nature tête, je décide de tout vendre Cosmetics et de Crena Care Spa Cosmetics et, forte de mon petit pécule, de 50 ans partir en Italie. Rome d’abord, Secteur d’activité : Cosmétique Naples ensuite où je décroche un job dans l’événementiel Sites : http://www.kyrnella.fr/ qui me conduira notamment à http://www.crenacare.com L’entreprise en chiffre : Chiffre d’affaires : participer à l’organisation du G7 organisé dans cette superbe 250 000 € ville. Partie pour y rester peu, j’y suis restée cinq années. »

Genèse et marche de l’entreprise Comment l’idée de votre concept vous est-elle venue ? Suite à mon retour en Corse, je rencontre celui qui va devenir mon mari. Il était à la tête d’une entreprise de charcuterie. Nous développons alors ensemble une marque « L’Acquale », qui trouve rapidement sa place sur ce marché. Après quinze ans, nous décidons de tourner la page (faute de repreneurs dans notre sphère familiale) et nous décidons de vendre la marque. Vient alors le moment de réaliser mon rêve, celui de lancer une marque de produits cosmétiques insulaires chez

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moi au village, à Murzo, avec des solutions toutes simples et naturelles comme le faisait ma grand-mère, comme le faisaient beaucoup de gens du village à l’époque. Vos racines entrepreneuriales ? Ma motivation profonde trouve ses racines dans le fait de pouvoir offrir du travail, une solution de développement territorial, dans un environnement qui permet à l’individu de « s’enrichir » et d’apporter sa pierre à l’édifice économique. En fait, il est important pour moi d’être en cohérence avec mon engagement citoyen. Ce n’est qu’une forme de continuité de mes actions. Ma vie aurait été un échec si je n’avais pu le faire… Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir entrepreneur ? Je crois que c’est tout simplement une volonté d’indépendance et de créativité. Êtes-vous sur un marché dynamique, porteur ? Avez-vous une vision régionale, nationale, internationale de votre marché ? Si on commence par le local je dirais que nous devons déjà nous, au sein de la filière cosmétique, prendre conscience que tout seul on n’y arrivera pas. Disons que notre marge de manœuvre est importante à ce niveau-là. Notre individualisme peut nous être fatal car le cycle débute. On parle beaucoup au niveau local de spoliation foncière. Nous sommes (producteurs de solutions cosmétiques insulaires), une réelle alternative capable de mobiliser une filière totale depuis les agriculteurs jusqu’au réseau de distribution à condition de se structurer (fabrication, transport). Le pouvoir politique doit aussi nous aider. Aujourd’hui, de par nos tailles réduites, nous avons des frais importants à supporter comme, par exemple, celui d’envoyer nos produits dans les laboratoires. Cela engendre des coûts logistiques importants que nos marges actuelles ne nous permettent pas d’absorber. Au niveau national, disons que la tendance est à la recherche de produits et lignes à forte identité. Nous, on a l’identité mais pas les moyens. On a régulièrement à ce sujet des demandes d’enseignes de distribution qui souhaiteraient prendre nos produits pour les mettre sous leur marque, packagings… bref, prendre l’identité qu’ils n’ont pas ! 24

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brigitte artily, kyrnella nature cosmetics

Il y a de réelles opportunités pour mettre en avant une destination au travers de produits et services cosmétiques, regardez par exemple ce qu’a fait l’Occitane avec la région Provence. Au niveau international, l’Asie monte en puissance dans tous les sens du terme. C’est compliqué de faire du business dans ce coin du monde, les distributeurs déposent le nom de votre marque pour vous empêcher de travailler avec d’autres. En Chine, outre ce côté complexe de la distribution, il y sévit aussi la contrefaçon. L’amorçage du projet Étiez-vous salariée au préalable ? Était-ce difficile de quitter votre emploi de salarié pour tenter l’aventure ? Pendant deux ans, j’ai été en double commande, salariée de la charcuterie et entrepreneure le soir. Lors de mes déplacements en Italie je tentais de développer mes premières formulations. C’était une lourde charge de travail mais une période passionnante. Aviez-vous besoin de capitaux pour démarrer ? A-t-il été facile des les trouver? Racontez-nous. Le plus difficile, c’est encore maintenant. Même si on a huit ans derrière nous, Kyrnella Nature Cosmetics et Crena Care Spa Cosmetics, sont encore en mode start-up. À titre d’exemple nous souhaitions réaménager notre ancien atelier de charcuterie pour en faire le cœur de la production mais faute de chiffre d’affaires suffisant ce ne sera pas possible… C’est un cercle vicieux ! L’entourage de l’entrepreneur À qui avez-vous parlé de votre projet en premier dans votre entourage ? À mon mari tout d’abord. Il était un peu inquiet, pour lui c’était un sacré pari. Il ne connaissait pas le milieu et c’était à mille lieues de l’univers de la charcuterie, son référentiel à lui. Sur ce point, il avait raison ! Un échec qui vous a permis de gagner ensuite, lequel ? Les premières années ont été difficiles avec la marque Crena Care Spa Cosmetics, qui est positionnée sur le marché de l’institut et des hôtels Spa. En effet, mes 25

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concurrents sont Sothy’s, Thalgo, Carita, etc.… et tous les instituts refusaient de travailler avec une marque locale, régionale préférant bien sûr le « sérieux » des marques parisiennes. Puis, de grands Hôtels Spa, tels le Radisson Blu Bay, U Capu Biancu, le domaine de Murtoli etc.… ont trouvé, à travers le concept identitaire une offre supplémentaire pour leurs clients. À la suite de cela, les instituts ont eux aussi adhéré à la marque. Votre plus belle réussite, un événement qui vous a marqué ? Je dirais que c’est la capacité que j’ai eue à créer un protocole, un concept pour moi qui ne suis pas issue du marketing, oui j’en suis plutôt fière. Ce concept, au-delà du simple produit, c’est un service que je dispense également aux animatrices, esthéticiennes partenaires. On va leur enseigner l’histoire de la marque, les herbes endémiques, la relation aux patientes (et ce sur une palette large car « Crena Care Spa Cosmetics » a aussi développé des solutions spécifiques d’accompagnement en partenariat avec l’association la « Marie Do ») pour des soins esthétiques destinés aux femmes atteintes d’un cancer. Dans ces solutions, ma formation de sophrologue intègre aussi les bienfaits de cette science. Faire cette découverte du produit dans son milieu naturel, voir la plante telle qu’elle est ça change tout ; le positionnement de naturalité prend ici tout son sens, sa crédibilité, sa légitimité. Quelques conseils ? Les qualités essentielles pour réussir aujourd’hui ? Les qualités essentielles ce sont la ténacité, l’énergie et une certaine curiosité. « C’est plus une course de fond qu’un sprint ». Avoir une vision pour son secteur, c’est indispensable. Quand j’ai commencé à parler de la destination « bien être » on rigolait. À présent tout le monde en parle ! J’avais raison mais peut-être trop tôt. Après 8 ans, on est encore en mode de fonctionnement « start-up », à la recherche de ressources supplémentaires. Ne vous laissez pas décourager, c’est sûr c’est compliqué quand vous êtes sur un modèle économique où pour investir on vous demande une croissance forte et rapide. Cela prend du temps de trouver des clients, de les fidéliser. À titre d’anecdote, j’étais en relation avec des Russes et 26

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brigitte artily, kyrnella nature cosmetics

j’avais bon espoir de me développer sur ce marché, mais la crise ukrainienne a anéanti tous mes espoirs. Parfois c’est usant. On doit se démultiplier, travailler sur le commercial, le packaging, les contraintes réglementaires… tout cela toute seule ! Le conseil, c’est celui de travailler en réseau, en coordination, de ne pas avoir peur de la concurrence. L’enjeu de notre filière c’est l’export, il ne faut pas se tromper de combat. La bataille sur le terrain doit se jouer à l’international et pas sur un marché insulaire très (trop) étroit. Un côté plus perso ? Toujours à la fois surprise et touchée par les clients qui appellent ou essayent de me contacter au sujet d’un renseignement sur un de mes produits. Souvent, je prends la peine de les rappeler ; ils sont étonnés et plein de reconnaissance. Ces clients-là sont très fidèles, ils nous font des remarques et nous adressent des encouragements touchants. Au niveau de l’entreprise, si on ne doit s’arrêter qu’aux éléments financiers (résultat, CA) j’aurais arrêté il y a longtemps déjà. Au-delà de la passion, ce qui compte c’est de réussir à créer quelque chose qui fasse sens, une filière… C’est ma façon à moi de militer pour un acte politique, économique pour l’Île de Beauté.

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JEAN-PHILIPPE BANGHALA, CORSE INCENTIVE Le mot des auteurs

Deux amis qui ont décidé de créer leur entreprise à la sortie « Si on n’était pas tous les deux, je ne sais pas si je serais là. Il y a des moments où c’est dur et où on est un peu découragé, mais à deux, on se soutient. »

de l’université. Des parcours comme on aimerait en voir plus souvent. Ils ont su faire de leur formation un atout pour réussir. Un bel exemple d’aventure

entrepreneuriale

pour les étudiants.

Jean Philippe Banghala Cogérant Corse Incentive avec François Xavier Dianoux 30 ans Secteur d’activité : tourisme (incentive1) Agence de voyages réceptive, créée en janvier 2008 4 personnes : 2 cogérants et 2 salariés CDI tous issus de la faculté de Corte Site www.corse-incentive.com L’entreprise en chiffres Chiffre d’affaires : 947 800 € en 2013. Effectif : 4. Interview réalisée le 20 octobre 2014

Genèse et marche de l’entreprise Comment l’idée de votre concept vous est-elle venue ? Je suis issu d’un master STAPS « Management du Sport » à l’université de Corse. Au départ, lorsque j’étais étudiant, la faculté a fait venir un intervenant professionnel qui faisait de l’incentive sur le continent. Cette conférence a résonné en moi et j’ai décidé de faire mon mémoire de master sur ce thème. L’idée première était de faire venir des clubs de foot car j’étais spécialisé dans ce domaine. J’étais en stage au SCB et je faisais un peu de communication. Finalement nous n’avons jamais eu ce type de clientèle. 1

1. Le terme désigne les techniques destinées à améliorer les motivations et les performances du personnel d’une entreprise.

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Les rencontres de différentes personnes de ce secteur, des deux côtés, à la fois des organisateurs et des clients, ont été très importantes. Vos racines entrepreneuriales ? Qu’est-ce qui vous a donné envie d’entreprendre ? Moi, je n’avais pas vraiment de personnes de mon entourage qui étaient entrepreneurs. L’idée, c’était vraiment de créer son emploi chez soi en Corse. Il y avait une petite fierté à dire « on a fait nos études ici et on a créé notre entreprise ici ». C’est la première chose. L’objectif était aussi de mettre en application des idées qu’on avait personnellement, et ça, c’est difficile quand on est salarié. François Xavier, lui, avait déjà créé une entreprise qui n’avait pas très bien marché, et donc il avait cette expérience des enjeux et des risques. Êtes-vous sur un marché dynamique, porteur ? Avez-vous une vision régionale, nationale, internationale de votre marché ? Nous avons une vision de consolidation régionale. Les perspectives de développement ici ne sont pas très importantes ; on veut progresser localement et envisager un développement national et international. Nous intervenons un peu sur le continent et nous avons des projets à l’international. L’armorçage du projet Étiez-vous salarié au préalable ? Était-ce difficile de quitter votre emploi de salarié pour tenter l’aventure ? Oui, j’étais salarié mais cela n’a pas été difficile de partir car j’avais peu de marges de manœuvre pour mettre en application mes idées. Ce qui est plus difficile, c’est la mise en application concrète de l’entreprise. On avait une idée au départ : faire venir les clubs sportifs. On n’a pas réussi, il a donc fallu trouver des solutions de repli… Aviez-vous besoin de capitaux pour démarrer ? A-t-il été facile des les trouver? Racontez-nous. On n’avait pas énormément de besoins en capitaux car c’est une entreprise de services. Ça a été un peu difficile à trouver, même si les besoins étaient modestes, car on n’avait pas d’apport familial, les banques ne suivaient pas forcément. Il a fallu faire le tour de toutes les possibilités qui s’offraient à nous, notamment le concours « Défi Jeune » qu’on a gagné et qui nous a permis d’avoir un premier apport. C’était peut-être plus facile pour nous car on est dans le service. 30

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jean-philippe banghala, corse incentive

L’entourage de l’entrepreneur Avez-vous un modèle d’entrepreneur qui vous a inspiré ? En fait, au niveau local j’en ai trois : Sialelli de la brasserie Pietra, Luiggi d’Oscaro et Ettori du groupe Corsica Tours. Le premier, parce que c’est quelque chose de vraiment nouveau chez nous. À l’époque, la bière n’était pas beaucoup consommée ici ; c’était risqué. Je trouve le côté production industrielle passionnant. Le deuxième, parce que c’est une attaque par le web à ses débuts. Il a eu l’intelligence de se mettre sur un créneau qu’il a senti très porteur avant tout le monde. Le dernier, plus par le côté évolution : partir d’un autocar et finir avec un touropérateur numéro un en Corse. C’est un développement impressionnant. À qui avez-vous parlé de votre projet en premier dans votre entourage ? À ma famille, à mes parents. Mon père était content et ma mère était apeurée. Ensuite, j’en ai parlé à mes amis et à mon à meilleur ami qui est devenu mon associé. Vos proches vous ont-ils soutenu dans cette démarche ? Oui, indirectement, parce qu’on n’avait pas de revenus au début. C’était plus un soutien moral, même si peu y ont vraiment cru, plus par peur qu’autre chose. Je ne suis pas issu d’un milieu entrepreneurial donc c’est un peu la peur de l’inconnu (pas de salaires fixes par exemple…). Il fallait faire comprendre à notre entourage le fonctionnement d’une entreprise. Ils avaient du mal à imaginer que des gens de l’extérieur entrent en relation avec nous pour organiser leurs événements. En Corse, nous ne sommes pas habitués à avoir des relations avec les grosses entreprises puisqu’il n’y en a pas ! Un sentiment d’injustice a un moment donné ? Oui, dans le sens où on travaille énormément, on fait rentrer pas mal d’argent et on n’a pas de salaire. Et ça, c’est un sentiment qu’on peut avoir encore parfois. En fait, on a l’impression de donner beaucoup par rapport aux horaires et parfois de ne pas recevoir assez en retour. Les gens voient l’extérieur, une flotte de 4x4, des salariés, mais au bout du compte il y a tellement de charges qu’il ne reste pas grand-chose… 31

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entretiens

Un échec qui vous a permis de gagner ensuite, lequel ? Pourquoi ? Une anecdote L’année 2012 a été très difficile avec une importante chute du chiffre d’affaires, qui nous a permis surtout d’apprendre à gérer de façon optimale les charges fixes de l’entreprise. Tant que tout roule ça avance, quand ça s’arrête de rentrer il y a quand même les charges qui sortent. Ça nous a permis d’appréhender mieux les différents coûts inhérents à l’entreprise. Votre plus belle réussite, un événement qui vous a marqué ? Il y a plusieurs choses. Le fait d’avoir des gens qui étaient réfractaires à l’idée de séjourner en Corse et qu’on a réussi à convaincre. Au premier gros contrat, on ressent de la fierté, la satisfaction du travail bien fait. Quand on a acheté les murs de notre agence, on a eu le sentiment d’avancer par rapport à du concret, du palpable. Nous, on est dans le secteur du service, il n’y a rien de tangible, les murs c’est concret. Quelques conseils ? Les conseils à donner aux jeunes Corses qui veulent tenter l’aventure ? De ne pas hésiter, c’est un peu bateau mais il faut prendre les problèmes les uns après les autres. Il ne faut pas se décourager. C’est important aussi de bien s’entourer mais pas trop, il faut choisir les bonnes personnes. Les qualités essentielles pour réussir aujourd’hui ? La persévérance je pense, et savoir prendre du recul, ne pas se lancer tête baissée. Un côté plus perso ? Si on réussit ici, on peut réussir partout dans le monde. Si on était à New York, on serait tous millionnaires parce qu’on aurait des opportunités d’affaires !

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