Communautés chrétiennes, osez la crise !

Page 1

Michel Salamolard Prêtre suisse, Michel Salamolard est titulaire d’une maîtrise en théologie de l’Institut catholique de Paris, avec formation et sociologie et en psychologie. Il a exercé et exerce différents ministères : formation chrétienne d’adultes, accompagnement de jeunes et d’adultes en difficulté, service paroissial, publication de livres et d’articles sur des questions de foi, d’éthique et de développement personnel. ISBN 978-2-87356-618-0 Prix TTC : 14,95 €

9 782873 566180

Michel Salamolard

Partant d’une interrogation fondamentale sur le sens de la vie, l’auteur poursuit son parcours, largement fondé sur la lecture des Écritures, en s’intéressant à la notion de crise. Le monde est en crise, l’Église est en crise : quel sens faut-il donner à cela ? L’auteur y révèle aussi la stupéfiante solidarité de Dieu avec les pécheurs, d’une part, et l’expérience de la déréliction ou de l’abandon de soi entre les mains d’un amour qui dépasse et porte les hommes. Enfin, si la communauté, humaine ou chrétienne, est le lieu où la crise se manifeste, elle est en même temps l’espace où la crise devient féconde et ouvre de nouveaux chemins de vie. L’auteur scrute la vie communautaire telle qu’elle est vécue dans ses expressions religieuses les plus typiques pour y trouver des modèles ou des exemples pour toute communauté humaine, explicitement chrétienne, comme la paroisse, ou non, comme une nation ou l’une de ses composantes.

Communautés chrétiennes, osez la crise!

Communautés chrétiennes, osez la crise!

Michel Salamolard

Communautés chrétiennes,

osez la crise!



Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page1

Communautés chrétiennes, osez la crise !


CommunautĂŠs chrĂŠtiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page2


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page3

Michel Salamolard

Communautés chrétiennes, osez la crise ! Vers une nouvelle alliance entre communautés chrétiennes et périphéries existentielles


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page4

© 2014, Éditions jésuites 7, rue Blondeau, 5000 Namur • 14, rue d’Assas, 75006 Paris www.editionsjesuites.com Dépôt légal : D.2014, 4323.29 ISBN : 978-2-87356-618-0 Maquette et mise en page : Jean-Marie Schwartz Imprimé en Belgique


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page5

Présentation

L

es réflexions de ce livre ne sont pas tombées du ciel — encore que cela ne soit pas impossible ! — mais sont nées de la rencontre avec deux communautés religieuses, qui m’ont fait l’honneur de me demander d’animer leur retraite spirituelle. En 2011, ce fut l’abbaye bénédictine de Maredsous, en Belgique, que je connaissais de réputation seulement ; en 2012, ce fut la Congrégation des chanoines réguliers du Grand-Saint-Bernard, en Suisse, avec laquelle j’entretiens des liens de longtemps. Dans les deux cas, j’ai bénéficié du rayonnement de ces deux communautés. Je puis dire non seulement qu’elles m’ont accueilli fraternellement, mais qu’elles m’ont aussi inspiré, édifié par l’exemple de leur vie évangélique, relancée en permanence par la puissance de l’Esprit Saint agissant dans leurs membres, y compris dans leurs fragilités.

5


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page6

introduction

Le lecteur ou la lectrice de ce livre bénéficiera donc des retombées d’expériences vécues en communautés de foi, d’espérance et de charité. Il me semble que les propositions ici présentées sont de nature à intéresser tant nos communautés paroissiales que les communautés religieuses, et même, plus largement, toute communauté humaine. C’est dans cette perspective que j’ai revu, corrigé et complété ces pages. Le présent ouvrage tourne en quelque sorte autour de trois réalités mises en rapport : le sens de la vie, la communauté chrétienne, les périphéries existentielles si chères au cœur du pape François. Puisse le lecteur se mettre ou se remettre lui-même en relation renouvelée, ressourçante avec ces trois réalités, qui sont sans aucun doute présentes aussi dans son existence et dans son cœur. Michel Salamolard salamolard-michel@netplus.ch •


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page7

Remerciements

Q

uelques communautés religieuses ont généreusement soutenu financièrement et moralement la publication de ce livre. Qu’elles soient vivement remerciées, non seulement de cet appui, mais surtout de leur rayonnant témoignage évangélique et de leur profond souci des périphéries existentielles, qu’elles rejoignent par la prière et par leur apostolat.

7


CommunautĂŠs chrĂŠtiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page8


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page9

Je vois avec clarté que la chose dont a le plus besoin l’Église aujourd’hui c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles, la proximité, la convivialité. Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a du cholestérol ou si son taux de sucre est trop haut ! Nous devons soigner les blessures. L’Église s’est parfois laissé enfermer dans des petites choses, de petits préceptes. Le plus important est la première annonce : « Jésus Christ t’a sauvé ! » Je rêve d’une Église mère et pasteur. Les ministres de l’Église doivent être miséricordieux, prendre soin des personnes, les accompagner comme le bon Samaritain qui lave et relève son prochain. C’est l’Évangile à l’état pur. Dieu est plus grand que le péché. Les réformes structurelles ou organisationnelles sont secondaires, c’est-à-dire qu’elles viennent dans un second temps. La première réforme doit être celle de la manière d’être Au lieu d’être seulement une Église qui accueille et qui reçoit en tenant les portes ouvertes, efforçons-nous d’être une Église qui trouve de nouvelles routes, qui est capable de sortir d’elle-même et d’aller vers celui qui ne la fréquente pas, qui s’en est allé ou qui est indifférent. Le pape François L’Église que j’espère entretien avec le Père Spadaro, s.j. Paris, Flammarion, Études, 2014, p. 68-70.


CommunautĂŠs chrĂŠtiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page10


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page11

PREMIÈRE PARTIE

LE SENS DE LA vIE

Dans cette première partie, confrontons-nous à l’interrogation la plus immédiate et la plus fondamentale, celle du sens de la vie. Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ? La question peut sembler bizarre, voire incongrue. Elle est en réalité des plus décisives.


CommunautĂŠs chrĂŠtiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page12


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page13

Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ?

L

a question peut sembler égoïste, calculatrice. Et surtout idiote. vivre, n’est-ce pas le plus grand bienfait ? Je pourrais ne pas exister, le cosmos et l’humanité n’ont pas besoin de moi pour fonctionner. Et pourtant, je suis là. Pour quoi ? Cela a-t-il un sens ? Ou bien devrais-je avouer, après Jean-Paul Sartre, que je suis de trop ? Inutile aux autres et à moi-même. Ces questions tournent en arrière-plan de notre con science. Sans trop nous déranger habituellement. Elles surgissent néanmoins avec force à certains moments clés de toute vie humaine : à l’adolescence, au moment des grands choix — profession, engagement, mariage —, quand survient la crise du milieu de l’existence, vers la quarantaine. Ce sont alors de bonnes questions, très utiles, puisqu’elles nous poussent à exercer notre liberté, à mieux choisir la per-

13


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page14

Communautés chrétiennes, osez la crise !

sonne que nous voulons devenir. Elles nous invitent clairement à donner nous-mêmes du sens à notre vie, plutôt qu’à exécuter un programme préétabli — par le destin, par la société, par Dieu. Il en va tout autrement dans nos expériences de peine et de désolation. Quand vivre nous fait mal, quand nous souffrons dans notre corps ou dans notre âme, quand nous avons le sentiment que personne ne nous aime vraiment, quand la joie de vivre se mue en douleur et en angoisse de vivre. Il peut arriver, en pareils cas, que la vie nous pèse comme un fardeau insupportable et nous comprenons alors le cri de Job, jusqu’à la faire nôtre : Job ouvrit la bouche et maudit le jour de sa naissance : « Pourquoi ne suis-je pas mort dès le ventre maternel, n’ai-je pas péri aussitôt après ma naissance ? Pourquoi s’est-il trouvé deux genoux pour me recevoir, deux seins pour m’allaiter ? Maintenant je serais étendu dans le calme, je dormirais d’un sommeil reposant […] Ou bien, comme l’enfant mort-né que l’on enfouit dans la terre, je n’aurais pas connu l’existence, comme les petits qui n’ont pas vu le jour. » Livre de Job 3, 1…16

Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ? Dans les moments de détresse, cette question peut faire jaillir en nous une réponse qui tient en un mot : rien. À moins que nous ayons pris le soin, dans nos temps de bonheur ordinaire, de nous interroger sérieusement sur le sens que nous pouvons

14


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page15

Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ?

et voulons donner à notre vie. Nous ressemblerions alors à un alpiniste désireux d’atteindre un beau sommet par une voie enthousiasmante. Il s’attend à rencontrer des difficultés, à faire face à un brusque changement de temps. Il s’y prépare physiquement et mentalement. Devant l’obstacle, il sera plus fort. Osons donc nous poser cette question et tentons d’y répondre. Jésus lui-même semble nous y encourager. N’est-ce pas finalement cette question qu’il nous adresse, sous une forme un peu différente, quand il s’écrie : « Que sert donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il ruine sa propre vie 1 ? » À quoi bon nos efforts, dans tous les domaines, nos ambitions, nos projets, nos réussites, nos plaisirs, nos amours, nos joies, nos souffrances, nos patiences, nos espoirs, nos sacrifices — si c’est pour en arriver finalement au déclin du grand âge, au deuil de nos compétences, à la mort ? Que puis-je gagner et retirer — pour moi, pour ma propre vie — de mes engagements d’homme ou de femme, de parent, de baptisé, de prêtre, de religieux ? Laissons la question retentir en nous, comme un roulement de tambour sonnant le réveil. Et recueillons quelques réponses qu’elle a déjà suscitées et qu’elle continue de propager dans l’humanité.

1.

Marc 8, 36 ; Matthieu 16, 26 ; Luc 9, 25.

15


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page16

Communautés chrétiennes, osez la crise !

La vie humaine en vaut-elle la peine ? Notre question est sans doute la plus difficile et la plus immédiate qui se puisse poser à chacune et à chacun, pour deux raisons principales. Premièrement, personne n’a décidé d’exister, encore moins d’exister tel qu’il est. Personne n’a choisi ni son sexe biologique, ni ses parents, ni son pays, ni aucune des circonstances de sa naissance, ni son ADN, ni son caractère. Personne ne choisit non plus sa culture de base, son éducation, ni aucun des événements si décisifs de son enfance qui vont marquer son histoire d’une empreinte indélébile. Tous les humains sont embarqués dans l’existence sans l’avoir demandé. Faut-il considérer cela comme une chance, un cadeau magnifique ? Ou bien comme une terrible injustice ? Ou encore comme une simple nécessité, qu’il convient d’accepter sans trop se poser de question ? Nous faisons, deuxièmement, l’expérience permanente d’un désir infini qui nous habite — désir de vie, de bonheur —, mais qui se heurte en permanence à des limites insurmontables, jusqu’à la plus absolue, celle de la mort. C’est tout le problème de la souffrance, sous toutes ses formes : souffrances subies et souffrances infligées… ma souffrance et celle d’autrui… Même quand tout va bien, une menace plane sur ma santé, sur mes amours et mes affections… Je crains de perdre ce que j’ai et de ne jamais obtenir totalement ce que je désire. Surtout, contrairement aux animaux, je suis pleinement conscient de ce décalage entre mon désir infini de plénitude

16


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page17

Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ?

et la réalité de ma situation à jamais limitée, parfois douloureusement. Habituellement, nous savourons la part de bien-être que nous possédons, sans trop nous préoccuper du malheur possible ni jalouser ceux qui sont plus riches ou plus admirés que nous. Mais quand le malheur nous frappe, tout change, les pourquoi tragiques nous taraudent. Cela peut conduire à la dépression, à la folie, au suicide. Il arrive ainsi que nous tentions d’établir le bilan de notre vie : profits et pertes, réussites et échecs. Au bout du compte, la même question revient : l’aventure en valait-elle la peine ? Et vaut-elle d’être poursuivie ?

Quelques réponses à la question du sens de la vie Parmi les grands systèmes philosophiques et spirituels qui n’ont pas manqué d’affronter ces questions, retenons-en deux, qui sont encore « dans l’air », pas forcément en tant que systèmes, mais sûrement comme tendances. Il y a d’abord le stoïcisme. C’est l’un des grands courants de la sagesse grecque, repris en partie par le christianisme antique. Sa devise se résume ainsi : « Supporte et abstienstoi. » Supporte ce que tu ne peux changer, qui ne dépend pas de toi, sachant que rien n’est parfait. Abstiens-toi des passions, des appétits déraisonnables, renonce à l’impossible et aux rêves chimériques. L’accent est ici placé sur l’acceptation du réel avec ses con traintes et sur la modération, pour ne pas dire la répression du désir, souvent confondu avec les envies et les caprices qui

17


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page18

Communautés chrétiennes, osez la crise !

n’en sont que les succédanés. Le désir vise un bonheur plénier, sans le définir a priori, sinon vaguement à travers des aspirations à la vie, à l’amour, à la réalisation de soi. Les envies, au contraire, se centrent et se perdent parfois dans la quête de biens immédiats et concrets : argent, plaisirs des sens, position sociale, succès divers. Un autre courant de pensée intéressant est le bouddhisme, très présent en Asie, mais aussi, quoique sous des formes diverses, en Occident. « Tout est souffrance » : telle est sa maxime fondamentale. Pourquoi ? À cause de notre attachement à ce que nous avons, à ce que nous désirons, à ce que nous sommes : santé, pouvoir, fortune, considération sociale, émotions, pensées, convictions, et jusqu’à notre sentiment d’être « quelqu’un ». Cet attachement fait notre malheur, car ou bien il nous pousse à envier ce que nous ne possédons pas, ou bien il nous fait craindre de perdre ce que nous avons. Rien n’est à l’abri d’un malheur, d’une perte, qui peut survenir à tout instant sous tant de formes : revers de fortune, accident, maladie, rupture d’une relation précieuse… Finalement, quand nous mourrons, nous perdrons tout. Le remède à ce mal-être foncier de notre condition, né de notre attachement, est le renoncement. Renonce à tout, dissous en toi le désir, y compris le désir illusoire d’être quelqu’un ! Quant tout désir et tout attachement auront disparu, ce sera pour toi le nirvana, la sortie définitive de la « roue des existences et des réincarnations ». Deux autres façons de tenter d’échapper aux limites de notre existence existent et sont tentantes, même si elles con duisent dans des impasses connues. La première consiste à investir tout son désir dans des biens limités, fragiles, poursuivis

18


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page19

Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ?

obstinément. Toujours plus d’argent, de plaisir, de succès, de pouvoir… Non seulement cette stratégie ne garantit rien, ne procure pas la joie ni l’harmonie intérieure, ne met aucunement à l’abri des pertes et de la mort, mais elle repose souvent, pour ne pas dire toujours, sur un égoïsme capable de tout pour obtenir satisfaction : tromperie, injustice, violence faite aux autres, malveillance, avarice, arrogance, mépris des droits humains… L’autre voie sans issue est de noyer son désir dans les paradis artificiels : alcool, drogue, addictions de toute sorte. Chemins bibliques

Loin d’imposer une réponse unique à la question du sens de la vie, la Bible en propose plusieurs. Elles peuvent nous sembler peu compatibles entre elles. Elles conservent pourtant toutes une part de vérité qui peut nous intéresser aujourd’hui. À condition de ne pas les aligner devant nous comme des options équivalentes. Elles trouvent au contraire une relative cohérence quand on les ordonne selon l’axe d’une révélation progressive, qui trouve son couronnement dans l’évangile. Commençons simplement par énumérer quelques-unes de ces propositions bibliques, censées donner du sens de la vie humaine. Profitons des plaisirs d’une vie éphémère. Le livre de la Sagesse 2 cite l’opinion suivante, pour la critiquer. 2. Sagesse 2, 1…6. Ouvrage tardif du Premier Testament, il date de quelques décennies avant J.-C.

19


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page20

Communautés chrétiennes, osez la crise !

« Courte et triste est notre vie… nous sommes nés du hasard, après quoi nous serons comme si nous n’avions pas existé… notre nom tombera dans l’oubli… nos jours sont le passage d’une ombre… Venez donc et jouissons des biens présents ! » « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons », pourrait être un proverbe populaire, déjà mentionné par le prophète Isaïe (22, 13) des centaines d’années auparavant. Telle serait donc l’option des insensés, selon la Sagesse. Cependant, saint Paul semble admettre que ce chemin ne manque pas de logique, si tout était finalement englouti par la mort. « Si les morts ne ressuscitent pas, dit-il, mangeons et buvons, car demain nous mourrons 3. » Humainement, rien n’a de sens, tout déçoit. « Vanité des vanités, tout est vanité ! » Ainsi commence le livre de Qohélet (ou Ecclésiaste). Ce refrain obsédant scande l’ouvrage, qui passe en revue les prétendues expériences de bonheur humain : la sagesse, le pouvoir, l’argent, l’honnêteté, l’habileté, le travail, la fécondité, l’amour… tout cela est vanité, buée. « Je déteste la vie, écrit l’auteur après avoir connu toutes ces expériences, car ce qui se fait sous le soleil me déplaît : tout est vanité et poursuite de vent » (2, 17). Il lui reste pourtant une foi nue, qui s’en remet aveuglément à Dieu : « Crains Dieu et observe ses commandements, car c’est là tout l’homme : oui, Dieu fera venir toute œuvre en jugement, tout ce qu’elle recèle de bon ou de mauvais » (12, 13-14). Pourquoi tant de souffrances ? Écrasé de malheurs immérités, Job maudit le jour de sa naissance. « Périsse le jour

3.

1 Corinthiens 15, 32.

20


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page21

Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ?

qui me vit naître et la nuit qui a dit : Un garçon a été conçu… Pourquoi ne suis-je pas mort au sortir du sein, n’ai-je péri aussitôt enfanté ?… Tel l’avorton, je n’aurais pas existé… Pour moi, ni tranquillité ni paix ni repos ; rien que du tourment 4. » — Révolté, Job s’en prend à Dieu et exige de lui une réponse. La vraie vie est à venir. Saint Paul connaît les limites et les souffrances de notre condition humaine. Il en a fait luimême l’expérience, à plus d’une reprise. Et pourtant, loin de s’enfermer dans la résignation, il voit grandir son espérance. Celle-ci n’est pas fondée sur une théorie ou sur une philosophie, mais sur la révélation du Christ. Le Fils de Dieu nous a rejoints dans notre vie terrestre et en a assumé toutes les limites, jusqu’à la mort. Il a fait cela par un amour tout-puissant, celui de son Père, qui veut nous partager sa vie en plénitude : la résurrection de Jésus, prémices de la nôtre, en est le gage et la promesse. Aussi, Paul peut-il s’écrier : « J’estime que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous… Toute la création gémit en travail d’enfantement… et nous aussi gémissons dans l’attente de la rédemption de notre corps. Notre salut est objet d’espérance… 5 » La conviction de Paul nous autorise à prendre maintenant une hauteur inhabituelle. Après avoir considéré les choses de notre point de vue, osons nous demander ce qu’il en est si nous adoptons, autant qu’il est possible, le point de vue de Dieu. Qu’est-ce que cela rapporte à Dieu d’avoir créé l’univers

4. 5.

Job 3, 3…26. Romains 8, 18…24.

21


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page22

Communautés chrétiennes, osez la crise !

et de nous avoir créés, nous les humains ? La question peut paraître à la fois insolente et insoluble. Parions tout de même qu’elle nous conduira vers quelques lumières étranges.

Quel profit Dieu peut-il retirer de la création du monde et de l’humanité ? Avec le grand théologien suisse Hans Urs von Balthasar 6, on pourrait poser la question en d’autres termes : en quoi l’homme « enrichit » Dieu ou « qu’est-ce que Dieu retire du monde » ? Constatons déjà que ce genre de question, posée par un si grand maître, n’est donc pas dénué de pertinence ! Cherchons modestement quelques bribes de réponse. À chaque eucharistie, nous introduisons ainsi la prière sur les offrandes : — Prions ensemble au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Église, dit le prêtre. — Pour la gloire de Dieu et le salut du monde, répond l’assemblée. Le profit que Dieu retire de la création et du salut de l’humanité, c’est donc, semble-t-il, la manifestation de sa gloire, de sa générosité, de son amour. Manifestation et non accroissement, car la gloire de Dieu, le rayonnement de son être, est infini, rien ne peut donc y ajouter quoi que ce soit. Mais on peut pousser le questionnement plus loin. Quel besoin ou

6. Dans La Dramatique divine. IV. Le dénouement, Bruxelles, Lessius, 1993, in fine.

22


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page23

Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ?

quel intérêt Dieu a-t-il de manifester sa gloire à d’autres qu’à lui-même ? N’est-il pas totale plénitude en lui-même ? Qu’est-ce que la reconnaissance, l’adoration ou l’admiration de créatures peut donc lui apporter ? Qui est finalement le destinataire, le bénéficiaire de cette manifestation de la gloire de Dieu ? Il s’agit de nous, dira-ton spontanément, mais pourquoi pas aussi et d’abord de Dieu lui-même ? La manifestation ou l’expression de la gloire divine rejaillit certes sur nous, de façon inattendue et absolument gratuite. Mais n’est-elle pas avant tout une dimension intérieure de la réalité divine ? Ce qui déborde jusqu’à nous n’est-il pas comme la surabondance de l’être divin luimême ? Autrement dit, le salut de l’humanité fait-il partie de l’expérience divine elle-même ? Dieu serait alors glorifié en luimême par la création et par la rédemption des hommes. La manifestation pour nous de la gloire de Dieu, de son amour, serait le reflet de ce qui se réalise en Dieu lui-même ! Ce qui vient d’être suggéré est presque inadmissible. On ne devrait plus imaginer la création et la rédemption comme des réalités survenant après un « temps » où seul Dieu existait. Mais la question « Que faisait Dieu avant la création du monde ? » n’a aucun sens, car cet avant n’a jamais existé. Dieu n’est pas dans le temps. Pour lui, il n’y a donc pas d’avant ni d’après. C’est l’affirmation du début de la lettre aux Éphésiens : création, pardon, rédemption, tout se trouve d’avance, depuis toujours dans le projet de Dieu, un projet qui est en lui de toute éternité. En Dieu, projet et réalisation sont indissociables, ils coïncident.

23


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page24

Communautés chrétiennes, osez la crise !

Oui, disons-le clairement. Création et rédemption découlent directement de ce que Dieu est en lui-même. Du point de vue de Dieu, ils indiquent non une chronologie, mais la priorité absolue de l’amour divin. Ce qui vient d’être dit se heurte frontalement à une réalité scandaleuse, qui semble contredire nos propos : le mystère de la Croix. Peut-on sérieusement considérer que l’abaissement du Fils par son incarnation et sa mort douloureuse sont des composantes de la gloire et de la béatitude divines ? Ces réalités n’en sont-elles pas plutôt la négation ? Ne devons-nous pas rejeter notre affirmation précédente et la remplacer par son contraire ? En nous créant et en nous sauvant, Dieu aurait fait plutôt le sacrifice de son bonheur et de sa gloire ? Mais pareille conclusion est impossible ! Sa logique, en effet, n’est qu’apparente. Dieu ne peut manifester sa gloire en y renonçant. Il faut donc bien que l’abaissement et la passion du Fils, loin d’occulter la gloire divine, en soient l’expression éclatante. Il faut donc bien, suprême paradoxe, que Dieu retire un glorieux profit du mystère de l’incarnation et de la passion, mystère d’abaissement et de souffrance vécu historiquement par le Fils, mais tout autant, invisiblement, par le Père et par l’Esprit. Ce qui arrive au Fils arrive conjointement au Père et à l’Esprit, dans l’unité indissiable de leurs relations d’amour.

24


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page25

Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ?

Dans l’éblouissement de l’amour trinitaire

Nous voilà plongés dans la clarté de la Croix glorieuse, telle que l’évangile de Jean nous la donne à contempler 7. Et avec saint Paul, nous professons l’incroyable : « Le langage de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, il est puissance de Dieu… Nous proclamons un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, c’est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. » 1 Corinthiens 1, 18.21

Pour pénétrer quelque peu ce mystère hallucinant, fou, de la puissance et de la sagesse de Dieu, devenons un peu fous nous-mêmes et osons imaginer ce que pensent ou se disent les Personnes divines. Cette « théologie fiction », malgré son langage inévitablement naïf et anthropomorphique, sera peut-être plus suggestive que de savantes considérations théoriques. Le Père. « Jusqu’où irai-je dans la désappropriation de moi-même ? Jusqu’à quelle extrémité ma générosité peut-elle se porter ? Irai-je jusqu’à me dessaisir de toi, mon Fils bienaimé, mon Unique ? Non pas pour te perdre, mais au con -

7. voir spécialement Jean 19, 31-37 ainsi que le commentaire qu’en propose Joseph Ratzinger - Benoît XvI dans Jésus de Nazareth. De l’entrée de Jérusalem à la Résurrection, Paris, Rocher, 2011, p. 256-258.

25


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page26

Communautés chrétiennes, osez la crise !

traire pour te glorifier et t’exalter. Non pas pour renoncer à ma paternité, mais pour l’exercer surabondamment, en toi et avec toi, mon Fils. » Le Fils. « Jusqu’où irai-je dans le dessaisissement de moimême ? Irai-je jusqu’à me désapproprier de ma filiation unique, non pas pour la perdre, mais pour la communiquer, en devenant l’aîné d’une multitude de frères 8 ? Puis-je te rendre, Père, plus encore de gloire et de joie en multipliant ta générosité, ta paternité ? » L’Esprit. « Puis-je élargir encore, distendre en quelque sorte, ce que je suis, l’espace relationnel d’amour entre le Père et le Fils ? Irai-je jusqu’à déchirer cet espace, que je suis, non pas pour le supprimer, mais pour l’ouvrir de façon stupéfiante 9 ? » Dans cette perspective, le scandale de la Croix est bel et bien la manifestation extrême de la gloire de Dieu, c’est-àdire de son amour. Non seulement son amour pour nous, mais son amour en lui-même, l’amour extrême vécu entre elles par les Personnes divines débordant sur nous. L’amour de Dieu pour nous est une composante sidérante, incroyable, adorable de l’amour vécu au sein de la Trinité. Dieu nous aime parce que « Dieu est amour », amour manifesté en Jésus Christ sur la Croix 10.

8. Cf. Romains 8, 29. 9. Cf. Isaïe 63, 19 – 64, 1 : « Ah ! si tu déchirais les cieux et descendais, pour faire connaître ton nom — comme le feu enflamme des brindilles, comme le feu fait bouillir l’eau » ; ainsi que Marc 1, 10 : « Et aussitôt, remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit comme une colombe descendre vers lui. » 10. 1 Jean 4, 8.16.

26


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page27

Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ?

L’amour infini rencontre et assume nos refus d’aimer et d’être aimé

L’extrême générosité divine, le don de soi, vécus au sein de la Trinité et s’ouvrant à nous semblent donc bien logiques, même si c’est d’une logique renversante — celle de l’amour et non celle de la raison raisonnante. Cette logique éclate magnifiquement dans les mystères de la création et de l’incarnation, par lesquels Dieu se communique à nous, s’abaisse vers nous afin de nous élever vers lui. Mais que dire du tragique de cette aventure ? Pourquoi cela ne s’est-il pas passé en douceur ? Pourquoi l’amour crucifié ? Pourquoi le Christ rejeté ? Pourquoi sa souffrance ? Pourquoi sa condamnation, son humiliation ? Pourquoi a-til fallu qu’il soit trahi, méprisé, torturé, mis à mort comme un criminel ? Pourquoi son amour a-t-il rencontré la haine ? Stimulés par ces questions, poursuivons notre « théologie fiction ». Le Père. « En toi, mon Fils bien-aimé, mon amour est accueilli librement et m’est rendu infiniment. Jusqu’où peut aller mon expérience de paternité ? Jusqu’à aimer et faire vivre des personnes qui méconnaîtraient mon amour, qui le refuseraient ? » Le Fils. « Comment le saurais-je, mon Père bien-aimé, moi qui ne connais pas le refus ? Le saurais-je en m’identifiant aux hommes appelés à t’aimer librement et capables, de ce fait, de refuser ton amour ? » L’Esprit. « Ma jubilation infinie d’être en personne la relation d’amour du Père et du Fils peut-elle habiter la souffrance infinie de cet amour méconnu et rejeté par les hommes ? La

27


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page28

Communautés chrétiennes, osez la crise !

joie que je fais éclater dans le cœur du Fils en criant en lui : Abba ! Père ! puis-je l’inscrire comme un gémissement dans le cœur d’hommes ignorant ou méconnaissant leur vocation de filles et de fils adoptifs ? » L’amour divin peut se proposer, mais il ne peut s’imposer. Dieu créera donc des êtres capables de devenir comme lui, capables de recevoir l’amour divin, librement. Capables par conséquent aussi de refuser d’aimer et d’être aimés. L’éternel projet de Dieu implique de toute évidence, sous peine de nullité, que l’amour divin rencontre et épouse d’avance la méconnaissance des hommes, le refus des hommes, le péché des hommes. On peut s’interroger sur les motifs de la méconnaissance prévisible ou de l’incrédulité probable des hommes. On peut même faire de cela une objection. « N’est-il pas impensable que les humains refusent d’être aimés infiniment ? N’est-ce pas, au contraire, ce que chacun désire de tout son cœur ? » Certes, mais l’explication du refus se trouve dans l’énormité du cadeau offert par l’amour divin : notre divinisation ! Devenir des dieux, nous en rêvons tous. Mais quand notre bon sens se réveille, nous savons bien que cela est impossible. Au mieux — ou au pire — on peut devenir une idole ou se croire un surhomme ou encore imposer un culte tyrannique de sa propre personnalité. Mais tout cela n’est que faux-semblant, poudre aux yeux, même si c’est de la poudre à canon. Dieu, le vrai, nous appellerait-il, par pure grâce, à l’impossible, à participer vraiment à son expérience divine ? C’est tellement inattendu, tellement au-dessus de nos images spontanées de Dieu, que nous n’osons pas y croire.

28


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page29

Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ?

C’est exactement ce drame qui est raconté symboliquement dans l’histoire d’Adam et Ève, qui nous représentent tous. Ils n’osent pas croire qu’en se nourrissant de la volonté bienveillante de Dieu, ils deviendront semblables à lui, de même qu’en s’enfermant dans leur propre jugement, ils se condamnent à mourir. « Pas du tout, leur murmure le mystérieux serpent de la tentation, vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez [du fruit défendu = le refus de la relation, avec Dieu, avec l’autre humain], vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal. » L’image d’un Dieu salaud et menteur recouvre l’image d’un Dieu fou d’amour et de générosité. L’amour de Dieu devra donc affronter et vaincre cette terrible méprise. La souffrance de Dieu, celle du Père, du Fils et de l’Esprit, sa souffrance d’être méconnu, rejeté et bafoué, jusqu’à l’extrême, jusqu’à la mort, jusqu’à la Croix, sera donc bel et bien la manifestation extrême de sa gloire. Elle exprime l’amour divin en son invincible puissance.

Au bonheur d’exister Nous pouvons maintenant revenir à notre question de départ. Quel profit puis-je espérer du fait d’exister, de m’engager, de m’efforcer à une vie réussie, de tendre au bonheur, de le partager avec d’autres, de développer mon humanité, d’en accepter les limites pour mieux les dépasser ? voici quelques réponses lapidaires que la foi chrétienne nous propose.

29


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page30

Communautés chrétiennes, osez la crise !

La révélation de l’amour de Dieu, en Jésus, éclaire tout d’une lumière nouvelle et bienfaisante : mes yeux s’ouvrent. La vie n’est plus une énigme, mais un projet né de l’amour divin et tendu vers son accomplissement dans ce même amour. Avec toute l’humanité, dont je suis solidaire, je viens de Dieu et vais à Dieu. Mon désir infini est en moi ce qui crie vers Dieu et me tourne vers lui. Les limites de la vie présente relancent, elles aussi, mon désir vers l’au-delà de la condition terrestre. Il s’agit non seulement d’une connaissance, d’une vision du monde, mais d’une expérience qui me saisit et me donne de grandir : mon cœur s’ouvre et tout mon être avec. J’accueille en moi le salut, le pardon, l’amour toujours plus grand du Christ. J’oriente ma vie dans le sens de l’amour, celui que je ne cesse de recevoir de Dieu, celui que je ne cesse de vouloir activement donner aux autres, malgré tant d’échecs et de ratages. Dans l’amour reçu et donné, je trouve ma plénitude et suis délivré des « ruses de l’ego » qui précipitent mon désir vers les satisfactions frénétiques et illusoires du pouvoir, de l’avoir, du jouir. En orientant ma vie dans cette perspective, non seulement j’accueille en moi le projet de Dieu, mais je peux collaborer activement à sa réalisation, en tant que baptisé, que prêtre, que religieux. Ainsi, ma solidarité naturelle avec toute l’humanité accède au niveau d’une solidarité spirituelle, dont l’énergie et la fécondité ne viennent pas de moi, mais de Dieu. Il ne s’agit pas de comptabiliser mes réussites hu maines, chrétiennes ou pastorales, mais plutôt d’admirer et d’adorer l’amour divin agissant dans ma faiblesse, dans ma médiocrité et jusque dans mes péchés.

30


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h24 Page31

Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ?

Toutes les expériences ordinaires du sens de la vie, évoquées plus haut, prennent maintenant une dimension extraordinaire. Je peux goûter plus intensément aux simples plaisirs de cette vie : boire, manger, sentir, etc. Je peux dire dans un sens nouveau : « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons. » J’accepte aussi que tout soit « vanité » parce que tout n’est qu’un avant-goût de la vie en Dieu. Je goûte cela avec reconnaissance sans m’y accrocher. Comme Job, c’est à Dieu que je demande le secret du malheur et de la souffrance. Il me répond par le mystère de la Passion. À travers ce mystère, je pénètre un peu le secret divin de l’amour trinitaire. Avec saint Bernard de Clairvaux, je professe : « Le clou [clavus, en latin] qui pénètre en lui devient pour moi la clé [clavis] qui m’ouvre le mystère de son projet. » Avec saint Paul, je peux affirmer : « Les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer avec la gloire qui doit se révéler en nous » — et qui se révèle déjà, de sorte que mes souffrances, et celles de tant d’humains, deviennent aussi un lieu où l’amour se révèle, plutôt qu’un lieu déserté par l’amour. Achevons ce chapitre en prière, avant de nous pencher davantage, dans les chapitres suivants, sur la nature de la crise vécue par l’Église catholique en Occident, sur sa signification spirituelle et sur les issues qu’elle suggère à notre attention. De tout cœur, merci mon Dieu ! Merci de nous avoir révélé ton mystère d’amour infini et tout-puissant.

31


En lecture partielle‌


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h25 Page195

Table des matières

Présentation ..........................................................................

5

Remerciements......................................................................

7

Première partie

LE SENS DE LA VIE

Qu’est-ce que cela me rapporte d’exister ? .............................. 13 La vie humaine en vaut-elle la peine ? .......................................... 16 Quelques réponses à la question du sens de la vie............................ 17 Chemins bibliques .......................................................................... 19

Quel profit Dieu peut-il retirer de la création du monde et de l’humanité ? ................................................................................ 22 Dans l’éblouissement de l’amour trinitaire........................................ 25 L’amour infini rencontre et assume nos refus d’aimer et d’être aimé.. 27 Au bonheur d’exister.................................................................... 29

195


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h25 Page196

Table des matières

Deuxième partie

CRISE DU SENS ET SENS D’UNE CRISE

« Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé » .......................... 35 Il y a la crise et les crises .............................................................. L’humanité en crise permanente .................................................. L’Église en crise redoublée .......................................................... Tous responsables : « Cet homme, c’est toi ! » .................................. « Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé » .................................. « Par ses plaies nous sommes guéris » ............................................ La sortie de crise s’appelle « bienheureuse conversion » ....................

36 37 39 41 43 47 51

« Nuit et jour la semence germe et pousse, il ne sait comment » 55 Dieu se donne des évangélisateurs en remodelant leur cœur ............ 56 Paul ................................................................................................ 56 Pierre .............................................................................................. 58 Entre l’Église et le monde : crise permanente et missionnaire .......... 60 « Que tous soient Un, comme nous sommes Un »............................ 63 « S’il meurt, le grain tombé en terre porte beaucoup de fruit » ........ 67 L’évangélisation en paraboles ...................................................... 73 Troisième partie

LE CŒUR MYSTIQUE DE LA CRISE

« Où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé » .............. 79 Le Christ solidaire des pécheurs .................................................... La stupéfiante générosité divine .................................................... Quand l’amour de Dieu nous répugne et nous révolte .................... Le Dieu de nos raisonnements converti par le Dieu de notre cœur .. Pécheur dès le sein de ma mère .................................................... Ton amour épouse mon péché ......................................................

« Mon Dieu, mon Dieu, en vue de quoi m’as-tu abandonné ? »

80 82 84 86 88 91 95

Quand la souffrance barre l’avenir .............................................. 97 Le psaume par excellence de Jésus ................................................ 101 Le visage innombrable des abandonnés ........................................ 103

196


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h25 Page197

Table des matières

Le refus d’une théologie officielle écrasante .................................... 106 La question la plus implacable...................................................... 109 Dieu dans nos pauvretés .............................................................. 115 La pauvreté en Dieu .................................................................... 117 L’avant-dernier jugement ............................................................ 118 Le dernier jugement : feu qui brûle et sauve en même temps .......... 120 Dieu et l’homme dans l’histoire en marche .................................. 122 Puissance d’intervention et puissance d’aimer .................................. 122 Un monde en caoutchouc .............................................................. 125 Des robots impeccables.................................................................... 127 Dieu et l’homme, responsables de tout ............................................ 129 La mort d’un enfant .................................................................... 132 Expériences bibliques ...................................................................... 134 Dieu dans le miroir de nos douleurs ................................................ 139 Avec Dieu, de la douleur à l’enfantement ........................................ 141 Un Fils qui meurt d’aimer ................................................................ 143 De l’abattement à l’engagement ...................................................... 145 Quatrième partie

LA COMMUNAUTÉ CHRÉTIENNE

« Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi » ........................................................................ 151 La communauté, lieu de bonification des terres humaines .............. 152 Sens de la clôture ........................................................................ 154 Un laboratoire de communion .................................................... 155 Vivre ensemble la double crise chrétienne ...................................... 158 Triplement voués et noués à la vie communautaire ...................... 160 La liturgie, source et sommet ...................................................... 166 L’urgence de redécouvrir le dimanche en paroisse .......................... 169 Relecture priante de ma vie communautaire ................................ 170

« Le Seigneur rassemblait chaque jour en un ceux qui recevaient le salut » ................................................................ 173 Aujourd’hui, une soif ardente de communion ................................ 175

197


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h25 Page198

Table des matières

La communion avant les œuvres .................................................. 179 Un « nous » radioactif.................................................................. 181 Entrer en périchorèse ! .................................................................. 183 L’accueil des pécheurs .................................................................. 184 L’accueil des abandonnés.............................................................. 189 Prière pour demander l’amour...................................................... 193


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h25 Page199

Du même auteur Le parfum de Dieu. Une histoire de Stanislas et de Martine, dessins de Charles-Henri Salamolard, Saint-Maurice, Saint-Augustin, 1988. [Épuisé, disponible chez l’auteur. Pour enfants 9-11 ans. Cartonné.] Dieu est amour : croire est possible. Le sens chrétien de la vie, Saint-Maurice, Saint-Augustin, 1999. Balade au pays de la foi. Par les sentiers du Credo, Préface du cardinal Henri Schwery, illustrations de Bernadette Lopez, Strasbourg, Signe, 2004. [Épuisé, disponible chez l’auteur.] La Présence et le pain. Redécouvrir l’Eucharistie, Saint-Maurice, SaintAugustin, 2004. Deviens qui tu es. Jalons pour orienter sa vie, Saint-Maurice, SaintAugustin, coll. « Aire de famille », 2006. Trad. en tchèque. Dieu est amour. Vivre est possible, Saint-Maurice, Saint-Augustin, 2009. La Révélation du mystère. Choisis en Dieu dès avant la fondation du monde, Saint-Maurice, Saint-Augustin, 2009. L’incitation et l’aide au suicide. Le « modèle » suisse et la situation française, postface de Jean Leonetti, Saint-Maurice, Saint-Augustin, coll. « Aire de famille », 2010. Dieu des athées, des agnostiques et des chrétiens. Jalons pour un dialogue, Saint-Maurice, Saint-Augustin, 2010. L’eucharistie où tout est changé. Dire aujourd’hui la présence réelle, préface d’Arnaud Join-Lambert, Paris, Mame-Desclée, 2013. Le pari fou des chrétiens. Big Bang, eucharistie, œcuménisme, SaintMaurice, Saint-Augustin, 2013. Avec José Davin Réveiller les forces vives. L’accompagnement de jeunes et d’adultes handicapés ou en difficulté, préface d’Albert Jacquard, Paris, Cerf, et SaintMaurice, Saint-Augustin, 1997. 2001 raisons d’espérer, Namur, Fidélité, et Paris, Salvator, 2001. Avec nos défunts, la relation continuée. De la mort et du deuil à la présence nouvelle, Saint-Maurice, Saint-Augustin, coll. « Aire de famille », 2003. Halloween ou la Toussaint, Namur, Fidélité, 2005. À quand ce concile ? Manifeste pour un renouveau de l’Église, Namur, Fidélité, et Saint-Maurice, Saint-Augustin, 2008. …/…


Communautés chrétiennes, osez la crise 28-07-14 15h25 Page200

Gays et lesbiennes. Humanité, amour et spiritualité, Saint-Maurice, SaintAugustin, coll. « Aire de famille », 2009. Et si l’Église revenait à l’Évangile ? Namur, Fidélité, et Saint-Maurice, Saint-Augustin, 2011. Avec d’autres auteurs Jean-Loys Ory, Le métier de catéchiste. Donner la parole aux enfants, préface de Mgr Gabriel Bullet, Saint-Maurice, Saint-Augustin, 1990. Trad. en italien, anglais, portugais. François-Xavier Amherdt, Jean-Paul de Sury, Jean-Claude Pilloud, Prions le rosaire, Saint-Maurice, Saint-Augustin, 1999. Michel Salamolard (sous la dir.), Mère Teresa. Reflets d’un visage offert aux plus pauvres, Saint-Maurice, Saint-Augustin, 2003. Pierre Rottet, Le réel de Raël. Une secte à la dérive, Saint-Maurice, Pillet, et Fribourg, La Liberté, 2004. François-Xavier Putallaz et Michel Salamolard (dir.), Le sens de l’homme. Au cœur de la bioéthique, préface de Pascal Couchepin, postface de Georges Cottier, Saint-Maurice, Saint-Augustin, 2006. Maxime Morand et Michel Salamolard (dir.), Prêtre, et après ? L’avenir des paroisses et de l’eucharistie, Saint-Maurice, Saint-Augustin, 2011.

Achevé d’imprimer le 23 juillet 2014 sur les presses de l’imprimerie Bietlot, à 6060 Gilly (Belgique)



Michel Salamolard Prêtre suisse, Michel Salamolard est titulaire d’une maîtrise en théologie de l’Institut catholique de Paris, avec formation et sociologie et en psychologie. Il a exercé et exerce différents ministères : formation chrétienne d’adultes, accompagnement de jeunes et d’adultes en difficulté, service paroissial, publication de livres et d’articles sur des questions de foi, d’éthique et de développement personnel. ISBN 978-2-87356-618-0 Prix TTC : 14,95 €

9 782873 566180

Michel Salamolard

Partant d’une interrogation fondamentale sur le sens de la vie, l’auteur poursuit son parcours, largement fondé sur la lecture des Écritures, en s’intéressant à la notion de crise. Le monde est en crise, l’Église est en crise : quel sens faut-il donner à cela ? L’auteur y révèle aussi la stupéfiante solidarité de Dieu avec les pécheurs, d’une part, et l’expérience de la déréliction ou de l’abandon de soi entre les mains d’un amour qui dépasse et porte les hommes. Enfin, si la communauté, humaine ou chrétienne, est le lieu où la crise se manifeste, elle est en même temps l’espace où la crise devient féconde et ouvre de nouveaux chemins de vie. L’auteur scrute la vie communautaire telle qu’elle est vécue dans ses expressions religieuses les plus typiques pour y trouver des modèles ou des exemples pour toute communauté humaine, explicitement chrétienne, comme la paroisse, ou non, comme une nation ou l’une de ses composantes.

Communautés chrétiennes, osez la crise!

Communautés chrétiennes, osez la crise!

Michel Salamolard

Communautés chrétiennes,

osez la crise!


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.