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ivages SENS & SPIRITUALITÉS

BIMESTRIEL

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Frédéric Lenoir : aux sources de la spiritualité

N° 2 • janvier-février 2017 • Bureau de dépôt : Namur 1 • N° d’agr. : P 301046

Le temps des cadeaux

S’émerveiller !


Fais de Ta beauté ma nourriture

Si l’on parlait de Noël...

Le temps des cadeaux

La spiritualité peut-elle guérir notre monde?  Du bon usage de la culpabilité

L’émerveillement

ivages | n° 2 | janvier-février 2017 Éditeur responsable : Pierre Sauvage, 7 rue Blondeau, 5000 Namur • Rédactrice en chef : Pascale Otten • Secrétaire de rédaction : Stéphane Dupuis • Comité de rédaction : Alain Arnould, Sarah Begaux, Charles Delhez, André Füzfa, Jean-Pol Gallez, José Gérard, Vanessa Greindl, Jean-François Grégoire, Marie-Raphaël de Hemptinne, Armel Job, Hugues d’Oroc, Guy Ruelle, Jacques Scheuer, Luc Templier, Myriam Tonus, André Wénin, Lambert Wers • Maquette et mise en page : Véronique Lux • Abonnements : Nicolas Tonus, 7, rue Blondeau, 5000 Namur, info@editionsjesuites.com, 081 22 15 51 • Prix abonnement Belgique 1 an, 6 numéros : 24,50 EUR (36,00 EUR pour l’étranger) ; abonnement 2 ans, 12 numéros : 45,00 EUR (68,00 EUR pour l’étranger) ; abonnement de soutien : 40,00 EUR ; à partir de 10 abonnements groupés à la même adresse : 21,50 EUR par abonnement (33,00 EUR pour l’étranger) • Prix au numéro : 5,00 EUR • BE64 0688 9989 0952, IBAN GKCCBEBB – Paraît tous les deux mois • ISSN 2506-9829 • Rivages est une publication des Éditions jésuites. Crédits photographiques : Fotolia.com : couverture © Irina Schmidt, 4e de couverture © Renáta Sedmáková, p. 2 © master1305 , p. 9 © alexugalek, p. 12 © michalz86 , p. 13 © radiokafka, p. 15 © weise_maxim, p. 22-23 (ciel) © evgeniya_m, p. 23 © Renáta Sedmáková, p. 25 © gioiak2, p. 27 © frender • Wikimedia : p. 11, 12, 22, 25


Éditorial

Sommaire Pascale Otten

Nous traversons des longues nuits d’hiver. L’actualité se fait sombre : la recherche d’un idéal dérape en violence, l’action politique joue sur la peur… mais peut-être y a-t-il une lumière à découvrir, bien cachée… Serait-elle ce que l’on appelle le bonheur ? Saint Augustin disait que le bonheur est essentiel à l’homme, qu’il est le mobile de tous nos actes. Il nécessite un certain épanouissement personnel, l’accomplissement du potentiel de sa nature. Cependant je ressens que cela ne suffit pas. Le bonheur, la lumière, pourrions-nous les voir dans « l’épiphanie du visage de l’autre » dont parle le philosophe Levinas ? Cet autre nous oblige à sortir de l’univers clos et réducteur du moi pour accueillir la « visitation d’autrui ». Tout un programme, qui résonne avec le temps de Noël.

Rencontres • Frédéric Lenoir : La spiritualité peut-elle guérir notre monde ? ...................................................... 4 Propos recueillis par Charles Delhez • RivEspérance a connu un nouveau succès ............................................................................................. 7 Charles Delhez

• Les personnes en fin de vie : un fardeau ? une richesse ? ........................................................................ 8 Ethan Pisvin et Aurélien Spitaels

• La confiance en la vie ..................................................... 20 Virginie et Guillaume

Sagesse • La joie comme acte de foi .......................................... 14 Marie-Raphaël de Hemptinne • L’émerveillement ................................................................ 16 Luc Templier

• Bahâ’isme : Fais de Ta beauté ma nourriture ......................................................................... 18 Jacques Scheuer • Si l’on parlait de Noël ..................................................... 22 Lambert Wers

Je crois que nous y sommes invités pour construire un monde où le respect de chaque individualité se conjugue avec l’intérêt général.

Être en relation

Ce mouvement de sortir de soi demande d’accepter le mouvement permanent, d’entrer dans la confiance, de changer, en souple harmonie avec le rythme du monde.

• Amour, mon cher trésor ............................................. 24

Et si cette lumière, c’était aussi « dire oui à la vie » avec l’émerveillement que cela suppose.

Jean-François Grégoire et Vanessa Greindl

Vous trouverez dans la revue ce fil conducteur au cœur de plusieurs articles.

• La confession de Stavroguine ............................... 12 Armel Job Myriam Tonus

• Le temps des cadeaux ................................................... 26 José Gérard

• Du bon usage de la culpabilité ............................. 28

Art

• Sabine Sicaud : « Vous parlez ? » ........................ 9 Guy Ruelle

Nous vous souhaitons de belles rencontres inspirées.

Belles fêtes !

• En chemin vers le Christ ............................................ 10 Alain Arnould

• Trésor de l'art musulman ......................................... 13 • Calligraphie .............................................................................. 17 Luc Templier

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La spiritualité peut-elle guérir notre monde? Propos recueillis par Charles Delhez

« Il faut en revenir à la simplicité de l’essentiel », tel est sans doute le message de Frédéric Lenoir lors de RivEspérance 2016. Cet essentiel ne se trouve pas dans les rites et les dogmes des religions, qui ne sont que des moyens, mais dans la spiritualité. Évocation de la pensée d’un homme qui se veut le héraut de l’essentiel. 1962 à Madagascar, est Frédéric Lenoir, né en encier et écrivain e, sociologue, confér

philosoph du ciel l'émission Les racines français, animateur de acteur réd uis 2009. Ancien sur France Culture dep aranqu ne d'u igions, auteur en chef du Monde des rel es, il gu lan gt vin de s its en plu taine d'ouvrages, tradu es. édi a codirigé trois encyclop

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Les premières traces de religion apparaissent avec les tombes, il y a 100 000 ans. Les défunts sont enterrés dans la position fœtale, la mort étant associée à une renaissance possible. Des objets de chasse et de la nourriture étaient placés à côté d’eux pour qu’ils puissent survivre dans l’au-delà. « Si la mort n’existait pas, les religions n’existeraient pas non plus », affirme sans hésiter Frédéric Lenoir.

Du Paléolithique au Néolithique La religion fut d’abord chamanique ou animiste. L’être humain se sentait inséré dans la nature et pensait que tous les êtres, sans hiérarchie, sont habités par un esprit. On vénérait la nature, un monde enchanté, qui avait une aura magique. Tout était signe de quelque chose de transcendant. Le chaman était l’intermédiaire avec ce monde invisible. Entre 12 000 et 5 000 ans avant notre ère, l’humanité a connu le passage du Paléolithique au Néolithique. Elle s’est sédentarisée. La religion


a évolué avec ce changement de mode de vie. L’homme se donnait une sécurité alimentaire et ne dépendait plus totalement des caprices de la nature, qui s’en trouvait désacralisée. C’est l’époque de la création des dieux et des déesses aux fonctions utiles. Le but de la religion, rappelle notre historien, est de créer du lien tant dans la dimension verticale avec les dieux qu’horizontale avec les autres. Créer du lien avec un invisible, en effet, cimente le lien à l’intérieur de la communauté. Pharaon était un dieu et faisait le lien entre le politique et les divinités. Le chaman devait éprouver le sacré en entrant en transe. Avec le Néolithique, on entre dans une religion davantage sacrificielle. Il s’agit de faire du sacré par le sacrifice, afin d’obtenir la protection des dieux et de maintenir l’ordre du monde. Apparaît alors une hiérarchie et, au sommet de tout, il y a un dieu supérieur. Il fut d’abord une déesse, car on vénérait la femme qui donnait la vie. L’homme, au sens masculin du terme, a ensuite pris conscience de son pouvoir dans la procréation et a pris le pouvoir. La société devenait patriarcale et les hommes se chargèrent de l’organisation, notamment en religion.

Polythéisme, hénothéisme, monothéisme Dans cet univers, petit à petit, on est passé du polythéisme à l’hénothéisme, chaque peuple ayant son dieu, que ce soit Amon ou Zeus. Puis, petit à petit, selon un processus de rationalisation, on en est arrivé au monothéisme : notre dieu n’est pas seulement le nôtre, mais celui de l’univers tout entier. Ses attributs étaient masculins. Ces religions, hélas, vont se scléroser, devenant une affaire politique. Mais, au cours du dernier millénaire avant notre ère, apparaissent des personnages ayant fait une expérience de la transcendance. Ce sont les Zoroastre, Confucius, Bouddha, Socrate et les prophètes de la Bible. Ils vont spiritualiser la religion. Même un « sans-caste » peut faire l’expérience de Dieu. Le but est la transformation de l’être humain. Ils contestent dès lors la manière dont les religions d’autrefois étaient vécues. Ils cherchent à conjuguer leur héritage

antique et la dimension mystique, la spiritualité. Celle-ci se situe au niveau du cœur, dans une relation d’amour avec la divinité. Jésus n’a pas voulu fonder une religion, mais réformer le judaïsme. En témoigne son dialogue avec la Samaritaine : « Dieu est esprit » : ce qui compte c’est la relation que vous avez avec Dieu et non pas le culte que l’on peut rendre sur telle ou telle montagne, celle de Jérusalem ou celle du mont Garizim. Du coup, sacrifier, c’est offrir son ego, s’ouvrir au divin qui est en soi. « Le sacrifice qui te plaît, c’est un ego brisé », ainsi pourrait-on traduire le psaume 51. La spiritualité est en effet une démarche personnelle, née à l’intérieur des religions. Il s’agit de se transformer pour davantage d’amour de soi et de l’autre, de lâcher l’ego — qui n’est pas notre identité la plus profonde — pour la part divine en nous. « C’est le Christ qui vit en moi », disait saint Paul. Ici se rejoignent les mystiques orientales et occidentales…

La trahison du message Le prophète de Galilée a opéré un retour vers la spiritualité. Il a voulu réformer le judaïsme en invitant à dépasser tout l’aspect extérieur et à travailler à la transformation de l’être humain qui veut ressembler à Dieu. Durant trois siècles, ses disciples furent persécutés. Quand l’Empire romain reconnut le christianisme, ceux qui avaient encore soif de spiritualité partirent au désert. Vers 380, en effet, Théodose chercha à baser son empire sur la religion chrétienne et se mit à persécuter les autres religions. L’essence même du christianisme en était étouffée, le politique redevenant l’essentiel. Or, selon Marcel Gauchet, le christianisme est précisément la religion de la sortie de la religion, car il nous libère de la religion en tant qu’institution placée au-dessus de la spiritualité. On a sans doute besoin de s’appuyer sur les rites, les sacrements, de se rattacher à une communauté pour prier avec d’autres, mais tout ceci n’est que moyen au service d’une fin. Rien n’est indispensable, tout est seulement utile. L’Église fut trop heureuse que cessent les persécutions et elle s’installa, se protégea. Ses grands penseurs en arrivèrent même à justifier

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La question n’est pas de ne plus parler de péché, mais de n’en être plus obnubilé.

P. Est-ce que cette position est une distorsion de l’Évangile ? J.-F. G. : Oui, l’Évangile est une invitation à la joie. Jésus ne cherche pas la souffrance. Il ne lui trouve en soi rien de très salutaire, je pense ! V. G. : Se donner comme le Christ jusqu’à en mourir ? J.-F. G. : Il faudrait investir le thème de la Résurrection, les images de la Résurrection, faire davantage de cas dans l’iconographie par exemple, de ce qu’on appelle « la lumière de la Résurrection »…

P. Certaines époques ont mis en évidence des œuvres d’art sur le thème de la crucifixion avec des représentations parfois très torturées. Cela correspondait à diverses facettes du Christ que l’on voulait mettre en évidence. Par exemple, à la Renaissance, on voulait appuyer l’idée que Jésus était bien un humain et le corps crucifié se faisait plus réaliste. V. G. : Les années 1900 étaient des années plus névrotisantes. Freud est arrivé dans ce contexte et a découvert le mécanisme du refoulement.

P. Est-ce possible que certaines épo-ques aient favorisé le dolorisme ? Est-ce que cette tendance a pu imprégner la société ou la religion ? J.-F. G. : Oui, les deux. On le sait bien : longtemps, le religieux et le social se sont profondément entremêlés. On montre à tous un Christ qui porte notre péché, selon la formule consacrée. C’est peut-être utile, même payant, socialement ou politiquement parlant. Mais dans une certaine mesure seulement. À trop insister sur cet aspect-là de la religion ou de la foi, à être sans cesse renvoyé à la souffrance qu’on aurait suscitée, et à ne cesser de se battre la coulpe, on risque fort de tomber dans l’ornière du dolorisme qui ne perçoit qu’un aspect du message de l’Évangile — qui risque de devenir pervers s’il n’est pas contrebalancé par tout ce qui relève de la traversée de la souffrance, ou de la victoire sur elle. Il ne faudrait pas oublier que, comme l’écrivait Jean Sulivan, « une aile peut naître d’une blessure » ! V. G. : Le dolorisme va avec la culpabilité et la jouissance dans la souffrance ; certains, hantés par des fautes inconscientes et le plus souvent non agies, peuvent être attirés par le dolorisme qui fait de la faute un concept majeur de la vie et

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|  egards croisés | entre une psychanalyste et un théologien

offre au sujet de quoi payer sa dette par la souffrance, le sacrifice, la douleur… Sous le prétexte de se rapprocher de Dieu, il y a là toute une dette inconsciente liée à des fantasmes non reconnus qui peut être payée là, mais qui n’est jamais réglée, puisque pas reconnue. Et c’est donc sans fin. J.-F. G. : Dans le récit de Caïn et d’Abel, Dieu pointe la faute, il ne la passe pas sous silence, puis il fait un signe sur le meurtrier pour le protéger de ceux qui, en cours de route, lui voudraient du mal. Ce signe joue comme une attestation du fait que Caïn n’est pas réduit à sa faute, qu’il reste un interlocuteur valable, qu’il a un avenir. V. G. : Caïn reçoit une marque, il est donc conscient. C’est aussi tout le trajet, notamment d’une analyse, reconnaître que l’on a désiré, fantasmé ceci ou cela. Reconnaître la vraie faute permet de laisser tomber le reste et de ne pas être des cibles faciles pour d’autres qui utilisent la honte, la gêne de leurs collègues/amis/conjoint/… J.-F. G.: En effet, il s’agit de vivre ! V. G. : Les mères courages envoient un message à l’enfant que la vie est dure et laissent une fameuse dette à l’enfant ! Tout ce qu’il lui doit ! Alors que la vie, c’est quitter père et mère. J.-F. G. : Caïn, c’est partir qui le sauve. À propos de la faute et d’une culpabilité qui pourrait être vue comme positive, on pourrait noter cette exclamation archiconnue de saint Augustin évoquant l’«  heureuse faute qui nous a valu un tel Sauveur ». L’expression peut paraître choquante. Elle dit pourtant quelque chose de très intéressant : c’est qu’une faute peut nous révéler, si nous sommes vigilants, celui qui nous

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sortira du piège qu’elle est. Derrière la faute, chercher le sauveur, en quelque sorte ! V. G. : On est aimé, même si l’on est manquant, dans l’erreur… J.-F. G. : Un peu comme lorsqu’un parent, tout en ne négligeant pas la faute qui a été commise, se permet de dire : « Ce n’est pas si grave. Relève-toi et reprends la route. » Cette attitude encourageante qui ne veut pas surévaluer le poids de la faute tout en la reconnaissant est vraiment porteuse. Elle n’abat pas celui qui a fauté, elle ne le cale pas dans sa faute, mais elle contribue à le remettre en selle en lui ouvrant la voie à d’autres possibilités. V. G. : Un peu comme Dieu qui met un signe sur Caïn. J.-F. G. : C’est important de reconnaître la faute, pas de la surévaluer. V. G. : L’enfant n’est pas réduit à sa faute.

P. Qu’est-ce que ce serait aujourd’hui le bon usage de la culpabilité ? V. G. : Ne pas réduire l’enfant à sa faute, mais ne pas dire que ce n’est rien. « Tu es toujours mon fils, mais je prends une sanction. » J.-F. G. : Comme Dieu qui envoie Caïn plus loin. Et aussi dans la bonne direction, celle de la vie, j’imagine. Il paraît qu’en hébreu, le terme qui signifie « pécher » se traduit par : mal viser sa cible — on pourrait aussi dire : désorienter, dévoyer. Dieu se sépare de Caïn, mais c’est pour mieux l’envoyer du côté de la vie… On dirait que, dans la Bible, quitter (quitter son père et sa mère quand on se marie, par exemple), c’est choisir la vie… V. G. : L’adulte doit aussi pouvoir supporter que l’enfant se sente coupable. En effet, si on ne fait rien par rapport à une faute, l’enfant reste avec sa dette.


P. La pédagogie, ce serait alors de réorienter. V. G. : Aider les enfants à trouver leur « fil » à eux et pas celui des parents, les conduire vers l’autonomie. C’est contraire au désir de garder son enfant près de soi. Freud disait que tant que sa mère était en vie, il n’avait pas le droit de mourir. Comme s’il ne s’appartenait pas… Notre boulot de parent, c’est que nos enfants nous privent d’eux, de leur présence.

P. Comment sortir de ce focus mis sur le péché ? J.-F. G. : La question n’est pas de ne plus parler de péché, mais de n’en être plus obnubilé. Il y aurait beaucoup de choses à dire à ce propos. Je me contenterai des deux remarques suivantes : si le péché est un dévoiement, on lui réglera son compte en retrouvant le nord, en se réorientant, en se remettant dans le bon sens en repérant les signes qui en offrent la chance ; et si le péché consiste à rompre une alliance, à trahir un lien d’amour ou d’amitié, on lui clouera le bec en

n’arrêtant pas de se soucier de créer ou de recréer du lien chaque fois que c’est possible. D’une manière ou d’une autre, il faut pouvoir compter les uns sur les autres. Ce qui sauve l’homme, c’est de faire communauté, de créer du lien. Le mal, c’est l’isolement. V. G. : Si je peux revenir à cette notion d’heureuse faute, elle m’évoque la faute reconnue et la juste culpabilisation, la juste sanction qui rejoint la notion amenée par Jean-François de marquage de Caïn. L’aspect physique de l’acte de marquer est intéressant, il dit aussi qu’il ne s’agit pas ici de parler, mais de faire aussi. J.-F. G. : Par exemple, une mise à distance, puis on réintègre la famille. V. G.: Quand la faute est payée, on peut passer à autre chose, on sort de l’obsessionnalisation. Et personne ne paye sa dette avec des mots… La juste culpabilité est aussi utile au lien. Elle protège la vie en famille et le « vivre ensemble ». Aimer, ce n’est pas tout permettre, mais aussi et surtout accompagner la frustration, et être au clair avec les interdits.

Pourrait-on dire « heureuse culpabilité » ? Elle construit l'humain et c'est la juste culpabilité qui permettra que la vie puisse s'écouler encore et encore en chacun.

Jean-François Grégoire : docteur en théologie et en philosophie et lettres, aumônier de prison et prêtre en paroisse, accompagnateur théologique de la pastorale scolaire et d'Entraide et Fraternité/Vivre Ensemble. Vanessa Greindl, est psychanalyste, psychothérapeute, elle reçoit enfants et adultes en consultation, donne de nombreuses formations et conférences et collabore depuis quelques années au Psychologie magazine dans lequel elle rédige le courrier des lecteurs. Elle est également cofondatrice d’Espace analytique de Belgique.

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L'art de vivre consiste à garder intact le sentiment de la vie et à ne jamais déserter le point d'émerveillement et de sidération qui seul permet à l'âme de voir. Christian Bobin, Les ruines du ciel.

Fresque de la Nativité, attribuée à Paul de Cespedes, église de la Trinité-des-Monts, Rome, XVIe siècle.

Prix TTC : 5,00 €


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