EPÎTRES À THÉODULE

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3 mai 410

(Sur un petit papyrus illustré au verso) : Blandine m’a envoyé une bonne et fantastique nouvelle ! Alors veux-tu bien transmettre un immense baiser à Elisabeth et à Etienne ! Et bien sûr aux magnifiques jumelles Sybille et Lucie ! Tancrède

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10 – 12 avril 411

Très cher Théodule, Sais-tu que, dans notre chère ville de Genava, depuis deux mois, les Saints sont (presque) tous bouleversés. Et moi avec. Nous avions un ami presbytre qui avait réchauffé le cœur de quantité de Saints et remis en route bien des cœurs très abîmés par la vie. Dans sa carrière presbytérale, il avait planté sa tente en trois lieux successifs. Aux trois communautés, il a toujours proposé une immense joie de croire et de vivre. Il était sensible, fragile, attachant, enthousiaste... Et travailler avec lui était insupportable. Avant de rencontrer Christ et de vouloir devenir presbytre, il avait été savant, paraît-il, puis avait aidé le monde pauvre, était passionné d’art, tout en professant le désespoir de certains philosophes et en jouissant d’un maximum d’expériences peut-être scabreuses. Il nous avait permis de rencontrer quelques magnifiques chanteuses et chanteurs, comédiens, musiciens, etc. Bref, tu dois très bien voir de qui je parle. Mais toi, épiscope plein de délicatesse, d’intelligence et d’ouverture (en quoi tu diffères totalement de certains de tes collègues cons et obtus au possible ; c’est très rare, mais ça existe !), toi, disais-je, peux-tu me dire qu’est ce qui a fait que notre ami en soit arrivé là ? Là ? Déprime, alcool peut-être, accusations à coup sûr infondées d’aimer un peu trop les enfants et finalement suicide. A soixante-quatorze ans... Et il y a une année, il se disait « reposé et heureux », depuis qu’il n’avait plus de mandat officiel ; et donc ne travaillait qu’en des lieux qu’il choisissait.

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Pourquoi cette chute et cette déréliction ? Comment se soucie-t-on des presbytres ayant accompli leur labeur et étant censé mériter leur repas et leur repos ? Combien d’entre eux se sont-ils tellement donnés à leur ministère qu’ils se retrouvent totalement perdus, dès lors qu’ils n’ont plus de tâches à accomplir ? Nous leur demandons trop et sommes étonnés, après, qu’ils s’effondrent... Donne-moi s’il te plaît ton point de vue, mon ami Théodule. Chez toi, comme cela se passe-t-il ? Je ne sais que penser, d’autant plus que j’arrive bientôt à cet âge du devoir accompli et du repos dit mérité. Il me faut m’y préparer ; d’autant plus que j’ai parfois des tentations, tu le sais. Oui, j’aime la vie passionnément, mais le monde d’ici ne me fait pas toujours envie de vivre la vie avec toutes les horreurs qui parfois l’accompagnent, tu m’as déjà entendu le dire... Ce monde me fait horreur. Je ne pourrais supporter de voir les glaciers disparaître, les loups itou ; de voir progresser un certain nombre de maladies inexplicables, du moins c’est ce qui se dit. Et de voir se creuser le fossé entre les pauvres gens et les princes de ce monde, repus de bijoux et de chars luxueux quand d’autres n’ont pas de quoi se sustenter correctement, tout cela me glace. La révolte éclatera tôt ou tard et alors arrivera le grand carnage. J’ai peur. Partir... ? J’espère une lettre de toi ! C’est tout. Embrasse tous les tiens. Tancrède

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Nuit du 12 au 13 avril

Mon grand ami Théodule, Il est 2 h 40 du matin ; cela fait deux nuits que je ne peux fermer l’œil. Je suis à la fois noir de colère et complétement détruit de l’intérieur. Je te parlais d’un ancien compagnon de route et de pastorale que beaucoup de bonnes gens avaient tellement apprécié ! Officiellement, il a mal fini, comme diraient les péteux et les jocrisses. Notre épiscope auxiliaire et quelques-uns de ses acolytes ont laissé se répandre les étrons tabellistiques et ont donc accrédité la rumeur. Ils n’ont absolument pas cherché à en savoir plus, ni à comprendre ce qui aurait pu se passer dans la tête de cet homme ; ils ont encore moins cherché à le défendre ou à le réhabiliter. J’irai même jusqu’à dire que bien des cons frères se sont réjouis de tout cela. La jalousie a enfin pu s’exprimer... Bref, depuis sa mort, deux mois ou presque sont passés. Entre-temps, de plus en plus de questions quant à ses soi-disant dérapages sont nées dans le cœur des personnes : tous ceux qui l’ont vraiment côtoyé, je dis bien tous, non seulement nourrissent de gros doutes quant à sa culpabilité, mais beaucoup ont l’absolue certitude qu’il était et qu’il est innocent, victime de vengeances sordides. Et je ne te parle pas de la manière dont l’épiscope avait géré les annonces à faire aux communautés concernées, déjà au moment du drame, puis encore actuellement, comme je te l’explique ci-dessous. J’en viens bientôt à ce que j’ai besoin de te partager. Il y a deux semaines, notre tenant-lieu d’épiscope, chargé d’administrer temporairement l’Assemblée des Saints de notre diocèse, et accessoirement donc épiscope suffragant résidant à Genava, ce tenant-lieu, disais-je, a exprimé le souhait de venir présider

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une célébration dans une des communautés que conduisit notre ancien compagnon. Tout à coup, comme ça ! Cela était tout soudain d’une urgence insondable. Pendant plus d’un mois il ne nous fit jamais le moindre signe, et donc subitement, crac, il se rappelle de notre existence. Curieux ! Il déclara nous donner carte blanche pour la préparation de cette célébration. Bref, quelques-uns des Saints de notre îlot, avec leur actuel presbytre, se fendirent en quatre pour trouver une date qui conviendrait à ce simili-épiscope. Plusieurs d’entre nous annulèrent d’autres rencontres prévues. Puis, très récemment ils décidèrent d’en informer les Saints en un bref article inséré dans le libelle dominical habituel. C’est évidemment moi qui l’avais suggéré et, ne voyant rien venir, ai pris mon stylet pour rédiger ce petit document, ceci il y a une dizaine de jours. Ce petit texte a été publié après relecture et approbation de mes collègues. Depuis, les événements ne cessent de se bousculer et moi j’en prends plein la figure pour pas un sesterce, ni un solidus * ! Cela commença par un ancien gratte-papyrus qui fut jadis au service de l’Assemblée des Saints qui est à Genava. Vraisemblablement viré avec élégance, il continue néanmoins d’avoir des crises de bons offices à rendre. Ce cher homme n’avait rien trouvé de mieux que d’envoyer mon petit mot à une multitude de gens. Lundi soir, en revenant d’Agaune, je découvre tout un pataquès. Très embêté, ce dévoué personnage m’avait envoyé une longue missive de la famille récemment endeuillée. Cette famille ne souhaitait ni la célébration prévue, ni aucune autre, tenant à ce que soient respectés les derniers vœux de l’ami défunt. Cette missive disait toute leur lassitude, leur désespoir et leur révolte face au long silence épiscopal ; ils se sentaient totalement abandonnés par l’Assemblée des Saints – ou supposés tels (saints). J’ai pris tout mon courage et ai réussi à parler à la famille en deuil ; et surtout à les écouter longuement, du mieux que je pouvais. * Solidus : monnaie frappée à Rome depuis l’empereur Constantin.

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Ils avaient finalement compris que nous avions besoin de prier et de faire nous aussi notre deuil ; ils ont donc donné leur accord. J’ai aussi compris que l’épiscope auxiliaire était à leurs yeux mal placé pour prendre cette initiative. Et moi, toujours aussi naïf, j’ai tenté de leur expliquer l’attitude du tenant-lieu. Précisons en passant que le scribe grattouilleux de service n’avait rien trouvé de mieux que d’envoyer une copie de la missive familiale à l’auxiliaire administrateur et épiscope (J’ignore par contre comment et par qui, réellement, une copie de notre propre papyrus a pu arriver au sein de la famille endeuillée). Le lendemain matin, j’étais plutôt content de mon intervention, laquelle avait mis un tout petit peu de sérénité. Je trouvais cette famille très noble, dans ses réactions, bien sûr en colère, mais très écoutante à la fois ; et évidemment effondrée. Bref, j’étais un peu rassuré, si l’on excepte ce que j’appelle les brasse-étrons, ces gens qui empochent des solidi en écrivant plein de papyrus sur les misères et sur le dos du pauvre monde. Moi, malgré que je fusse plein de travail, j’avais consacré des heures et des heures à sauver à plusieurs reprises les quelques meubles encore debout, dans cette histoire. Et voilà qu’en fin d’après-midi, un des presbytres avec qui je collabore m’amène une missive qu’il venait de recevoir via un quelconque chargé de messages. Ils appellent habituellement ce travail la communication ou plus vulgairement la « comm’ »... L’épiscope avait été très vexé par notre avis et avait reçu des messages peu flatteurs à son égard, pour des raisons que j’ignore et veux ignorer... En fait, avec le recul, je pense que ces messages-là sont parfaitement justifiés ; passons. Courageux comme toujours, il le faisait dire par ses scribes, ceci en s’adressant au collègue, mais pas à moi. Ce bref papyrus que nous avions fait, avait été peaufiné, chaque mot pesé, car nous savions que c’était très délicat. Nous ne voulions pas nous étaler sur la face sombre – ça, les brasse-étrons savent tellement bien le faire ! – mais plutôt évoquer la tristesse, le désarroi et la gratitude. Quels sont les exacts reproches faits à ce papier, je ne sais. Mais ce monsieur l’épiscope

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accessoire a demandé que nous retirions l’avis et nous a envoyé un autre avis, pondu par le ou la spécialiste de la « comm’ » et parfaitement lénifiant. Et moi, et nous, nous passions pour des cons. Monsieur l’Accessoire nous donnait carte blanche, nous faisait confiance et gnagnagna, tu parles ! D’ailleurs, tu n’es certainement pas sans savoir que l’atmosphère de son lieu d’habitation est nauséabonde. On y sent une défiance grandissante, une ambiance de délation de plus en plus forte, un sens de la promesse à géométrie très variable. A moi, à nous, ce n’est pas la première fois qu’on nous plante un couteau dans le dos... Alors oui, mon bon Théodule, j’ai une colère noire en même temps qu’une blessure très profonde. Quelque chose s’est cassé en moi. Honnêtement, je n’ai plus aucun plaisir ni aucun désir de travailler à l’œuvre de Notre Seigneur, dans ce climat-là. En l’Assemblée des Saints, au Peuple de Dieu, en tous les articles du Symbole des Apôtres, je crois encore, mais plus du tout en ceux qui gouvernent l’Assemblée des Saints. La confiance est définitivement rompue, confiance en l’épiscope, ses sbires et ses scribes, confiance en plusieurs presbytres jaloux à mort de notre ami décédé ; oui, tout cela est mort. Plus globalement, par voie de conséquence, les « fifres et sous-fifres » dépendant du Patriarche d’Occident deviennent vraiment pathétiques, dans leur interminable descente et dans leur agonie sans fin, doublées d’une cécité accablante. Ils n’ont jamais – ou presque – voulu se convertir comme le souhaitait celui que tous appelaient le Bon Patriarche Johannes. Bref, tout cela devient minable et mesquin, du fait de l’entêtement de cette hiérarchie. Tu le vois, mon ami, je suis écœuré et découragé. Totalement. Désormais, je ne ferai que le strict minimum, éviterai soigneusement toute conversation autre que strictement professionnelle avec toute cette troupe de faux jetons. A leurs séances imbéciles, je ferai acte de présence silencieuse ; je ne ferai que rendre brièvement compte de mon propre travail, mais me désintéresse définitivement de tout le reste. Quant à l’épiscope auxiliaire, je l’éviterai

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le plus possible. Et comme je n’exerce pas le métier de communication, me voilà au chômage technique, si je puis dire, puisqu’il nous a été précisé que la « comm’ » est affaire de professionnels ; or, annoncer une Bonne Nouvelle, c’est communiquer ; c’est pourquoi, n’étant pas formé à cela, je n’ai plus qu’à me taire, donc ! J’attendrai leurs réactions... Et pour la fameuse célébration à venir, si nous devons en modifier tout l’esprit et le contenu, je n’y serai point. Et je dirai pourquoi, en son temps. Ce soi-disant veilleur n’est devenu qu’un surveillant accumulant les maladresses à qui mieux mieux. Un simple exemple : il lui a fallu au moins deux semaines avant de penser à écrire à la famille éprouvée. Mal conseillé, n’écoutant qu’un dangereux rayeur de parquet, il additionne les mufleries et devient complétement inhumain, en fait et en vérité. Mon pauvre Théodule, excuse-moi de te parler si amèrement et si longuement, mais il fallait d’urgence que je parle à quelqu’un. Parce que de réaliser avoir travaillé plus de trente ans pour « ça », il y aurait presque de quoi suivre le chemin de cet ancien compagnon... Oui, je suis désespéré d’avoir gaspillé ma vie pour deux ou trois solidi clopinants *, pour ne récolter aucune reconnaissance – à tous les sens du terme – et pour finalement être usé prématurément. Comme le disait un libelle pamphlétaire et amusant : « tout ça pour ça ! », à propos d’autre chose, bien sûr. J’ai juste le sentiment d’avoir été exploité jusqu’au trognon. Et d’avoir à tenter désespérément de me sortir de leur cloaque. J’ai tellement hâte de pouvoir prendre le repos des Anciens, voire même le repos définitif... Et pour l’heure, je n’arrive même pas à dormir... Encore trois ans et demi à travailler pour ces éteignoirs ambulants... Je n’en peux plus, là, cette nuit. J’aimerais seulement aller contempler les sommets, depuis notre maison de montagne. Et c’est tout ; même pas avec une * Solidi clopinants : nous dirions maintenant « clopinettes » (pour des...).

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Heida ! Et demain, et les jours suivants, il me faut aller travailler... Je suis en petits morceaux. Théodule, j’aurais besoin de t’entendre ou te lire... A bientôt, j’espère. Fortement. Tancrède

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Vendredi Saint 22 avril 411

Mon ami, C’est dans une grande espérance que j’ai pu cette semaine me libérer de mes tâches quotidiennes pour venir vivre la Semaine Sainte, ici, dans ce lieu que nous aimons tant, Magdalena et moi, en terre allobroge. Il y a bien sûr quelques éléments gênants, cela n’a guère changé depuis mes épîtres du 22 octobre 399 ou du 6 novembre 409, mais je me sens beaucoup plus libre que par le passé, de ce côté-là. Il y a un peu plus d’une année, nous y étions venus avec des amis, lesquels nous avaient semblé rester sur la réserve ; mais baste ! Cette fois-là, déjà, j’avais été violemment ébranlé dans mes certitudes et mes blocages ; et c’est là l’essentiel. Il s’était passé quelque chose d’indicible, en moi. J’avais réussi à m’abandonner beaucoup plus, d’une part ; d’autre part à rester longtemps dans la chapelle, parlant librement à Dieu – en un ou en trois, peu importe ! – notamment dans ce qu’on appelle communément l’adoration du Saint-Sacrement ; et enfin j’avais pu vivre une belle réconciliation sacramentelle, une réconciliation avec le père, aussi, lequel venait de repartir pour toujours « dans ses montagnes ». Pour couronner le tout, j’étais entré sans difficulté dans les célébrations consacrées à Marie. C’est à ce moment-là que j’avais décidé d’aller une fois (ou plus, si entente !) en pèlerinage marial avec Magdalena. Obscurément (et naïvement), j’espérais une guérison pour elle... Qu’elle retrouve toutes ses forces et ses capacités physiques et que les séquelles fichent le camp, une bonne fois pour toutes. Il y a quelques mois, nous y sommes allés, là, près de Tarba. Nous n’avons pas vécu de miracle tangible, bien sûr, mais il s’est

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passé d’autres choses, plus intérieures. Et ma Magdalena rajeunit littéralement, de mois en mois ! Pour en revenir à maintenant, oui, j’éprouve très fort cette libération, si longue à venir. Quant à arriver au pardon, eu égard à mon cher épiscope, je n’y suis de loin pas encore... Mais j’ai confié le colis à Qui de droit et je sais que tôt ou tard je serai là aussi libéré. Vivre une Semaine Sainte en ces montagnes, c’est vraiment merveilleux. Mais, mon vieux Théodule, je voudrais aussi te parler des prédications entendues. Ô comme elles rejoignent les préoccupations qui habitent les personnages de mon deuxième roman... Le « père » de ce lieu béni par le Dieu Trinitaire évoque beaucoup la tristesse de nos contrées d’Occident, lesquelles ont cru bon de totalement évacuer Dieu, précisément. Ces contrées n’ont vraiment pas l’air de s’en mieux porter... au contraire. Quant à l’accusation classique disant qu’il y en a assez, de ce Dieu qui juge les hommes, le père Silvanus, lui, a retourné l’argument avec raison : c’est le monde, qui a jugé Dieu, condamné Dieu. Cela avait commencé dès Madame et Monsieur Eve et Adam, lorsqu’ils « eurent peur » ; ils voyaient un dieu-juge et punisseur, déjà ! Cela s’est prolongé dans l’expérience de Moïse, des prophètes, du psalmiste et surtout envers Christ, jusqu’à la Croix. Et cela a continué après, si souvent en s’accentuant au fil des années jusqu’à maintenant. Oui, Dieu est jugé, ainsi. Oui, nous crucifions le Fils à tour de bras. Le père prédicateur suggère que les décennies à venir vont inévitablement redécouvrir ce qu’il appelle « le cœur de Jésus », crevé d’épées et de lances. Il faudra qu’un jour (un ???), j’écrive roman ou poèmes pour évoquer la folie et le scandale de tout cela, dans la suite de l’ami Paul. Pour alerter le monde. Monde, tu as tout raté... Monde, veux-tu périr ? Que te faudra-t-il, pour que tu te réveilles, ô toi qui dors ?

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La question du cœur de Dieu – ou de Jésus – ne te fait-elle pas sursauter quelque peu ? Cela à son petit côté soit sanguinolent, soit doucereux, soit telle une construction issue de théologiens ou de mystiques du pays des Gothes, au levant de la Germanie. Cela pourrait rappeler de mauvais souvenirs d’enfance, non ? Te souviens-tu de ce sale temps des culpabilisations excessives, de ce temps aussi des images mièvres, sirupeuses, efféminées ou cruelles ? Et pourtant ne crois-tu pas qu’il y a quelque chose de profondément vrai, finalement, quand il est dit que Dieu est jugé, condamné et tué ? Il y a aussi à constater que si Dieu est tout amour, il a dû pisser des larmes de sang jusqu’à en mourir, à force de douleur intérieure... Mort d’amour, et pas d’étouffement... D’ailleurs, Christ sur la croix est mort AVANT ses deux compagnons d’infortune. Mort d’amour... J’ai été interloqué, d’abord, d’entendre ces propos, puis franchement bouleversé. Si, comme il est dit communément, des hommes ont « inventé » le christianisme, il fallait une sacrée dose de maladie psychique, doublée d’une imagination des plus débordantes, pour trouver tout cela ! Impossible, à mon avis, que l’humanité seule ait pu inventer ce Dieu-là, qui va à rebours de tout bon sens. Et surtout cela n’aurait jamais pu survivre plus de trente ans... Nous en sommes à combien ? Hein ? Et que dire, lorsque des gens acceptent de mourir pour affirmer une telle folie, si c’en est une ? Ces innombrables témoins attestent autre chose qu’une seule folie... Ce n’est pas possible autrement. Il me revient encore deux choses : oui, j’ai besoin d’écrire sur le monde athée (sans dieu), car je ne crois absolument pas en une telle humanité ; elle ne peut que disparaître (tant mieux pour les loups, les abeilles et tout ce qui est en péril mortel du fait des hommes). Et j’ai oublié de dire qu’étrangement cette retraite en montagnes allobroges à la frontière avec le pays des Ceutrons a pour moi un énorme manque, cette année, du moins pour le moment : nous n’avons presque pas eu le temps de vraiment parler à

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