1518 La fièvre de la danse

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MORBUS SANCTI VITI

18 ,00 € prix France

ST VITS TANZ

ÉPIDEMIE DE DANSE

TANZWUT

MANIE DANSANTE

CHORÉOMANIE

KRANCKHEIT DANSE TRANSE DES DANTZES DE SAINT-GUY

1518 LA FIÈVRE DE LA DANSE




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1518  La fièvre de la danse


Élisabeth Clementz La danse de 1518 à l’épreuve des sources 33 Georges Bischoff Vérités historiques 65 Roberto Poma Paracelse et la danse de Saint-Guy 99 Kélina Gotman Danse et désordre 119 Documents concernant la danse de Saint-Guy (Veitstanz) à Strasbourg ou dans sa région rassemblés, transcrits et traduits par Élisabeth Clementz 136 Extraits d’ouvrages de Paracelse choisis par Roberto Poma 153 Bibliographie sélective 155


Élisabeth Clementz La danse de 1518 à l’épreuve des sources 33 Georges Bischoff Vérités historiques 65 Roberto Poma Paracelse et la danse de Saint-Guy 99 Kélina Gotman Danse et désordre 119 Documents concernant la danse de Saint-Guy (Veitstanz) à Strasbourg ou dans sa région rassemblés, transcrits et traduits par Élisabeth Clementz 136 Extraits d’ouvrages de Paracelse choisis par Roberto Poma 153 Bibliographie sélective 155


2 Scène de la Danse macabre d’après les pein­tures murales de l’ancienne église des Dominicains de Strasbourg , 1474–1475 , gravure sur bois . Strasbourg , Cabinet des estampes et des dessins .

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

2 Scène de la Danse macabre d’après les pein­tures murales de l’ancienne église des Dominicains de Strasbourg , 1474–1475 , gravure sur bois . Strasbourg , Cabinet des estampes et des dessins .

la manifestation d’une communauté , par exemple quand les artisans d’un même métier exécutent ensemble une danse , ou quand des clercs dansent entre eux . D’autre part , on distingue deux sortes de danses , les hautes danses et les basses danses . Les basses danses sont des danses à pas glissés , elles sont pratiquées par la bonne société . Les hautes danses sont celles où l’on saute et où l’on gesticule , ce sont celles du peuple , connues par de nombreuses gravures (Bauerntanz) , évidemment considérées comme désordonnées , vulgaires , inconvenantes [ Ill . 3 ] . La danse de SaintGuy est gesticulante et désordonnée . Revenons à Strasbourg [ Ill . 1 ] . L’alerte de 1518 est suffisamment grave pour que le Magistrat  13 prenne des dispositions pour circonscrire le phénomène et éviter ainsi que d’autres ne soient atteints et qu’ils n’entrent à leur tour dans la «   danse   » . En effet , dans les textes réglementaires de l’époque , les autorités municipales évoquent une maladie terrible  14.  D’emblée , elles se placent donc sur le plan médi­ cal . Il n’y a aucune allusion à une quelconque forme de sor­cellerie ou de possession démoniaque . Cette remarque vaut pour l’ensemble des documents qui nous sont parvenus , quelle que soit leur origine  : jamais le diable ou la sorcellerie ne sont évoqués . Par contre , d’après une chronique postérieure à 1468 , l’«   épidémie    » de 1374 aux Pays-Bas s’explique­rait uniquement par l’action du diable . Dans ce cas , la ma­ladie est d’ailleurs appelée « h  aec daemoniaca pestis  15 » . Pour Strasbourg , d’aucuns ont tenté d’expliquer cette «  danse  » par la famine qui aurait régné à Strasbourg en 1518 16 , ce qui 13 Le

mot « Magistrat  » (avec majuscule) traduit l’expression allemande « Meister und Rat  », c’est - à - dire l’ensemble du Conseil de la ville . de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg (aMs ), 1MR 3  f o 72 r, 2 août 1518 : Als dan sich leider dise zit ein erschröcklich wesen mit den krancken dantzenden personen erhebt, und noch kein uffhören daran sin wil… ( no  7) . Les numéros renvoient aux sources en annexe. 15 M agnum chronicon belgicum, Francofortum , 1607, p .  319   –  320 [ écrit par un chanoine régulier peu après 1468]. 16 John Waller, Les Danseurs fous de Strasbourg . Une épidémie de transe collective en 1518 , Strasbourg, La Nuée bleue , 2016 , 223 p .  (trad . de A Time to Dance, a Time to Die , Thriplow , Icon Books, 2008 ), p .  25. Voir mon compte rendu dans la Revue d’Alsace 142 , 2016, p .  451  – 453 .

14 Archives


 georges bischoff

 l’Allemagne actuelle , converties plus tard par des missionnaires anglo -  saxons dont la religiosité était ascétique et qui rejetaient la danse comme forme de dévotion alors qu’en France , la danse comme pratique religieuse est attestée . Selon la thèse de Rohmann , ces tensions théologiques furent à l’origine de la manie dansante , qui se manifesta dans les régions à la limite de ces deux espaces culturels , à la fin du Moyen Âge . C’est là aussi que la chasse aux sorcières a été particulièrement virulente (en Alsace entre 1560 et 1630) . On pourrait en conclure qu’il y a bien un climat religieux ou culturel propre à ces régions , mais chercher au Haut Moyen Âge les causes de phénomènes postérieurs de plus d’un demi -  millénaire semble passablement téméraire . L’exercice de comparaison auquel je me suis livrée doit in­citer à utiliser avec toute la prudence requise les chroniques tardives , rédigées par des personnes qui n’ont pas vécu les événements relatés et qui ignorent , du moins en partie , les sources contemporaines des faits . Cet exercice nous rappelle aussi que si nous oublions de garder la distance nécessaire par rapport à la masse d’informations dont nous sommes abreuvés quotidiennement , nous risquons fort d ’être bernés …

vérités historiques Frau Troffea n’a jamais existé. Et elle n’a pas com­ mis d’infanticide dans l’indifférence générale pour échapper aux pulsions de cannibalisme ou de co­ prophagie imputées aux Strasbourgeois de l’été 1518. La femme qui a ouvert le bal des «   danseurs fous de Strasbourg    » et qui aurait dansé sans dis­ continuer pendant quatre ou six jours est restée anonyme dans le seul document authentique qui lui attribue les débuts de cette mystérieuse épidé­ mie. Elle ne se prénommait pas davantage Ennelin , n’était pas la femme d’un graveur et ne demeurait pas rue du Jeu  -   des   - Enfants , pour au­tant qu’on puisse l’affirmer d’après les sources de première main . Son patronyme est une inven­tion pédante de Paracelse (1493 – 1541), à partir du substantif grec tropaia (τϱοπαία), dont le sens est «  qui fait tourner   »  : c’est un proche parent du mot «  psycho­ t­ rope  » . Il est impossible de dire quand il l’en a affublée , puisque sa première mention n’apparaît qu’en 1565, dans la publication posthume de son traité sur les causes et les origines des maladies , plus précisément dans le sous  -  chapitre sur «  la maladie appelée danse de Saint - Guy   »   1. Rien ne permet de dire s’il se rapporte , explicite­ment , au cas Paracelsi Lib . II. De Causa Et Origine Morborum. Das ist :Von ursachen und herkomen der kranck­ heite[n], Cologne, Byrckmannus, 1565. Voir aussi p .  99 à 118 du présent ouvrage, l’article de Roberto Poma.

1 Theophrasti


 georges bischoff

 l’Allemagne actuelle , converties plus tard par des missionnaires anglo -  saxons dont la religiosité était ascétique et qui rejetaient la danse comme forme de dévotion alors qu’en France , la danse comme pratique religieuse est attestée . Selon la thèse de Rohmann , ces tensions théologiques furent à l’origine de la manie dansante , qui se manifesta dans les régions à la limite de ces deux espaces culturels , à la fin du Moyen Âge . C’est là aussi que la chasse aux sorcières a été particulièrement virulente (en Alsace entre 1560 et 1630) . On pourrait en conclure qu’il y a bien un climat religieux ou culturel propre à ces régions , mais chercher au Haut Moyen Âge les causes de phénomènes postérieurs de plus d’un demi -  millénaire semble passablement téméraire . L’exercice de comparaison auquel je me suis livrée doit in­citer à utiliser avec toute la prudence requise les chroniques tardives , rédigées par des personnes qui n’ont pas vécu les événements relatés et qui ignorent , du moins en partie , les sources contemporaines des faits . Cet exercice nous rappelle aussi que si nous oublions de garder la distance nécessaire par rapport à la masse d’informations dont nous sommes abreuvés quotidiennement , nous risquons fort d ’être bernés …

vérités historiques Frau Troffea n’a jamais existé. Et elle n’a pas com­ mis d’infanticide dans l’indifférence générale pour échapper aux pulsions de cannibalisme ou de co­ prophagie imputées aux Strasbourgeois de l’été 1518. La femme qui a ouvert le bal des «   danseurs fous de Strasbourg    » et qui aurait dansé sans dis­ continuer pendant quatre ou six jours est restée anonyme dans le seul document authentique qui lui attribue les débuts de cette mystérieuse épidé­ mie. Elle ne se prénommait pas davantage Ennelin , n’était pas la femme d’un graveur et ne demeurait pas rue du Jeu  -   des   - Enfants , pour au­tant qu’on puisse l’affirmer d’après les sources de première main . Son patronyme est une inven­tion pédante de Paracelse (1493 – 1541), à partir du substantif grec tropaia (τϱοπαία), dont le sens est «  qui fait tourner   »  : c’est un proche parent du mot «  psycho­ t­ rope  » . Il est impossible de dire quand il l’en a affublée , puisque sa première mention n’apparaît qu’en 1565, dans la publication posthume de son traité sur les causes et les origines des maladies , plus précisément dans le sous  -  chapitre sur «  la maladie appelée danse de Saint - Guy   »   1. Rien ne permet de dire s’il se rapporte , explicite­ment , au cas Paracelsi Lib . II. De Causa Et Origine Morborum. Das ist :Von ursachen und herkomen der kranck­ heite[n], Cologne, Byrckmannus, 1565. Voir aussi p .  99 à 118 du présent ouvrage, l’article de Roberto Poma.

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3 Relief avec la Vierge à l’Enfant , saint Guy et un saint pape , début du xvi e siècle , sculpture sur bois polychromée provenant de la chapelle Saint  - Guy près de Saverne , Musée de Saverne .

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5 Le pèlerinage savernois de Saint-Vit remonte au moins au xV e siècle. Le livre de donations daté de 1508 établit la liste des paroisses où résident les pèlerins donateurs. Livre des donations de la chapelle Saint -Guy près de Saverne , 1508 , encre sur papier . Saverne , Archives de Saverne , liasse 295 .

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1 Portrait de Paracelse, eau-forte, dans L’Europe illustre, Paris, Odieuvre, 1755, Strasbourg, Cabinet des estampes et des dessins.

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

1 Portrait de Paracelse, eau-forte, dans L’Europe illustre, Paris, Odieuvre, 1755, Strasbourg, Cabinet des estampes et des dessins.

les honoraires que par le désir de soulager la souffrance des malades. C’est le cas de la danse de Saint-Guy, des maladies de ceux qui travaillent dans les mines et des maladies touchant le plus souvent une frange de la population qui n’a pas les moyens de payer les services d’un médecin. Dans les Sept défenses et dans le Labyrinthe des médecins errants, sa critique de la médecine universitaire, dogmatique et rationnelle de surcroît, fournit des arguments qui inciteront d’autres médecins à se rallier à sa cause et nourriront la satire médicale. De plus, le lien établi entre médecine et alchimie inspirera, chez Jean-Baptiste Van Helmont, la consti­tution de la «  iatrochimie  » au xvii e siècle : la médecine fondée sur l’idée que le corps humain est l’ana­logue d’un four, d’un alambic ou d’une matière en train de fermenter [ Ill. 4].  Enfin, l’attention portée aux qualités morales du médecin ranimera le débat sur la place à accorder à l’éthique au sein de la formation et de la profession médicales. Sa manière d’écrire est pour le moins singulière. L’éditeur humaniste bâlois Johannes Oporinus, qui avait été disciple et famulus de Paracelse pendant deux ans, brosse un portrait peu ragoûtant de son maître dans une lettre adressée en novembre 1555 à Johann Wier  : « Jour et nuit, il était tellement coutumier des banquets et des libations qu’on ne pouvait pu le voir sobre plus d’une heure ou deux. [...] Cependant, même lorsqu’il était gris au- delà de toutes limites,  une fois


 

S ources d ’ archives antérieures aux événements de 1518 1. Comptes de la ville d’Obernai 1463  b

Archives municipales d’Obernai, CC, 66.

Item den siechen tantzenden luten , die von sant Donné un sou aux malades qui dansaient et Johans zu Passel [ Saint -Jean- de -Bassel ] har­ qui venaient de Saint -Jean- de -Bassel . koment, geben 1 ß .

2. Chronique de Philippe de Vigneulles, 1463, Vengence de Dieu. Les documents concernant la danse de Saint  - Guy se répartissent en deux grandes catégories * : 1. Les sources d’archives qui nous renseignent sur des faits réels ; 2. Les chroniques, souvent écrites après les événements, qui dé­forment parfois la réalité en ajoutant des éléments qui n’exis­tent pas dans les sources d’archives.

Charles Bruneau (éd.), t. 2, Metz, Société d’histoire et d’archéologie de la Lorraine, 1929, p. 347. Or avint, en celle année [ 1463 ], ung grant cas et une chose admirative , car jamais l’on n’avoit veu la pareil . Le cas fut telz que plusieurs gens ,  jonnes et vieulx , et la plus part gens estrangiers ,  dansoient et tripoient qausy [ pour quasy ] jour et nuyt , sans laichier [ = laisser, pour cesser ] ,   par X , par XII , et par grant troppeau , tant qu’il estoient sy lassez qu’il ne se povoient soustenir .  Et voloit on dire que c’estoit du bien [ euphémisme pour mal ] sainct Jehan ; mais on n’en sçavoit la vérités , car jay [ = jamais ] aultreffois on ait veu telle chose advenir .

* Certains documents ont été édités par Alfred Martin, «  Geschichte der Tanzkrankheit in Deutschland  » , Zeitschrift des Vereins für Volkskunde in Berlin , 24 , 1914 , p .  113 – 134 et p  .  225–239 , en particulier p. 122–124. Nouvelle édition et traduction de certains documents par Pierre Vonau, «  Documents concernant l’histoire du pèlerinage de Saint Vite  » , Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 109, 1979 - iv , p .   21–22.



S ources d ’ archives contemporaines aux événements de 1518 3. 2 3 juillet 1518, Délibérations de la commission nommée par le Magistrat de Strasbourg : interrogatoire des parents dont les enfants (ou l’épouse) participent à la danse. Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, AMS iii 200 / 15, (édité en presque totalité en annexe de Johann Schilter, Die Alteste Teutsche so wohl Allgemeine als insonderheit Elsassische und Strassburgische Chronicke von Jacob von Königshoven, Strassburg, Staedel, 1698, p. 1088  – 1089). [  Danzende arme personen, so zu St. Vit zum Les pauvres personnes qui dansaient, et qu’on Rotestein geschickt (titre de la liasse) ] . Uff Fritag a envoyées à Saint - Guy  «  au Rotenstein  » [  recte post Marie Magdalene, in presencia her Glade Hohlenstein  ]: Le vendredi après la Sainte Bocklin , Caspar Hoffmeister unnd Martin Herlin Marie -Madeleine , en présence de Claude als verordent herren, ist geradtslagt der armen Bocklin , Caspar Hoffmeister et Martin Herlin , men­schen halb, so itze dantzen . Haben sy anfeng­ délégués à cet effet , on a pris les décisions suilich geradtslagt, die burger, so kind daby haben ,  vantes en ce qui concerne les pauvres perzu beschicken, und sagen , das sy ir kind versor- sonnes qui dansent actuellement. Ils ont déligen und by in haben oder aber nach anzall costen béré de faire savoir aux bourgeois dont les mittheilen. enfants participent à la danse de s’occuper Staden Jerg doruff beschickt und im solchs fur- d’eux , de les garder chez eux , ou alors de les gehalten ; sagt er sy selber ein armer dienstknecht ,  faire participer aux frais. sy im syn vermugen nit , in zu im zu halten und On a convoqué Staden Jerg. Il déclare être nemen, bit aber in by den andern zu behalten oder un pauvre valet  , il ne peut garder [  son fils  ] zu dem heiligen zu füren , wil er nach sym ver- chez lui  , mais demande qu’on le garde avec miegen nach miner herren erkantnus und willen les autres ou qu’on le conduise chez le saint  . leben . Sin mume hab ouch dem knaben, sim son,  Il se conformera à la volonté du Magistrat XV  ß gesamlet , die haben die uff der zimmerlut selon ses possibilités  . Sa parente a quêté 15   ß stube hinder sich genommen . pour son fils (à lui), que les responsables du Wither geradtslagt, die armen personen in dry poêle des charpentiers ont gardés. huffen theilen und nacheinander zu dem heiligen On a encore délibéré de partager les malades schicken und , so es sin mag, dry gesungen emp- en trois groupes et de les envoyer l’ un après ter singen lossen, so nit, eins singen und zwey l’autre chez le saint et de faire chanter si poslesen lassen, vor ein ambt XVIII   d geben und sible trois grand’messes , ou sinon de faire VI d fur ein oppfer fur eins, darzu 1  d zu pfryn- chanter une messe et en dire deux, en donnen  1 und 1  d zu oppfern dem heiligen geben,  nant 18   d pour une grand ’messe , 1 denier… , und 1  d in stock fur das oppfer. 1 denier d’offrande au saint , et 1 denier dans Balthasar Burgauwer, der lermeister hinder den le tronc . barfusen, beschickt und im solchs ouch furge- On a également convoqué Balthasar Burg­auwer, halten , sagt , sin son Bernhart hab zugesehen und maître d’école résidant derrière les Franciscains , hut morgen angefangen dantzen, do er im die et on l’a interrogé à ce sujet . Il dit que son fils kindt solt helfen underwisen ; hab er in gedutzet Bernhard a regardé [  les danseurs  ] et a combitz nach mittag ; nach den zweien , hab er zu mencé à danser ce matin , alors qu’il devait le dem dantz gewolt , hab in dohin mussen furen.  seconder pour faire classe aux enfants. Il l’a mot signifie probablement «  donner une offrande  », mais la nuance entre opfern et pfrynnen nous échappe.

1 Ce


 

S ources d ’ archives antérieures aux événements de 1518 1. Comptes de la ville d’Obernai 1463  b

Archives municipales d’Obernai, CC, 66.

Item den siechen tantzenden luten , die von sant Donné un sou aux malades qui dansaient et Johans zu Passel [ Saint -Jean- de -Bassel ] har­ qui venaient de Saint -Jean- de -Bassel . koment, geben 1 ß .

2. Chronique de Philippe de Vigneulles, 1463, Vengence de Dieu. Les documents concernant la danse de Saint  - Guy se répartissent en deux grandes catégories * : 1. Les sources d’archives qui nous renseignent sur des faits réels ; 2. Les chroniques, souvent écrites après les événements, qui dé­forment parfois la réalité en ajoutant des éléments qui n’exis­tent pas dans les sources d’archives.

Charles Bruneau (éd.), t. 2, Metz, Société d’histoire et d’archéologie de la Lorraine, 1929, p. 347. Or avint, en celle année [ 1463 ], ung grant cas et une chose admirative , car jamais l’on n’avoit veu la pareil . Le cas fut telz que plusieurs gens ,  jonnes et vieulx , et la plus part gens estrangiers ,  dansoient et tripoient qausy [ pour quasy ] jour et nuyt , sans laichier [ = laisser, pour cesser ] ,   par X , par XII , et par grant troppeau , tant qu’il estoient sy lassez qu’il ne se povoient soustenir .  Et voloit on dire que c’estoit du bien [ euphémisme pour mal ] sainct Jehan ; mais on n’en sçavoit la vérités , car jay [ = jamais ] aultreffois on ait veu telle chose advenir .

* Certains documents ont été édités par Alfred Martin, «  Geschichte der Tanzkrankheit in Deutschland  » , Zeitschrift des Vereins für Volkskunde in Berlin , 24 , 1914 , p .  113 – 134 et p  .  225–239 , en particulier p. 122–124. Nouvelle édition et traduction de certains documents par Pierre Vonau, «  Documents concernant l’histoire du pèlerinage de Saint Vite  » , Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 109, 1979 - iv , p .   21–22.



S ources d ’ archives contemporaines aux événements de 1518 3. 2 3 juillet 1518, Délibérations de la commission nommée par le Magistrat de Strasbourg : interrogatoire des parents dont les enfants (ou l’épouse) participent à la danse. Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, AMS iii 200 / 15, (édité en presque totalité en annexe de Johann Schilter, Die Alteste Teutsche so wohl Allgemeine als insonderheit Elsassische und Strassburgische Chronicke von Jacob von Königshoven, Strassburg, Staedel, 1698, p. 1088  – 1089). [  Danzende arme personen, so zu St. Vit zum Les pauvres personnes qui dansaient, et qu’on Rotestein geschickt (titre de la liasse) ] . Uff Fritag a envoyées à Saint - Guy  «  au Rotenstein  » [  recte post Marie Magdalene, in presencia her Glade Hohlenstein  ]: Le vendredi après la Sainte Bocklin , Caspar Hoffmeister unnd Martin Herlin Marie -Madeleine , en présence de Claude als verordent herren, ist geradtslagt der armen Bocklin , Caspar Hoffmeister et Martin Herlin , men­schen halb, so itze dantzen . Haben sy anfeng­ délégués à cet effet , on a pris les décisions suilich geradtslagt, die burger, so kind daby haben ,  vantes en ce qui concerne les pauvres perzu beschicken, und sagen , das sy ir kind versor- sonnes qui dansent actuellement. Ils ont déligen und by in haben oder aber nach anzall costen béré de faire savoir aux bourgeois dont les mittheilen. enfants participent à la danse de s’occuper Staden Jerg doruff beschickt und im solchs fur- d’eux , de les garder chez eux , ou alors de les gehalten ; sagt er sy selber ein armer dienstknecht ,  faire participer aux frais. sy im syn vermugen nit , in zu im zu halten und On a convoqué Staden Jerg. Il déclare être nemen, bit aber in by den andern zu behalten oder un pauvre valet  , il ne peut garder [  son fils  ] zu dem heiligen zu füren , wil er nach sym ver- chez lui  , mais demande qu’on le garde avec miegen nach miner herren erkantnus und willen les autres ou qu’on le conduise chez le saint  . leben . Sin mume hab ouch dem knaben, sim son,  Il se conformera à la volonté du Magistrat XV  ß gesamlet , die haben die uff der zimmerlut selon ses possibilités  . Sa parente a quêté 15   ß stube hinder sich genommen . pour son fils (à lui), que les responsables du Wither geradtslagt, die armen personen in dry poêle des charpentiers ont gardés. huffen theilen und nacheinander zu dem heiligen On a encore délibéré de partager les malades schicken und , so es sin mag, dry gesungen emp- en trois groupes et de les envoyer l’ un après ter singen lossen, so nit, eins singen und zwey l’autre chez le saint et de faire chanter si poslesen lassen, vor ein ambt XVIII   d geben und sible trois grand’messes , ou sinon de faire VI d fur ein oppfer fur eins, darzu 1  d zu pfryn- chanter une messe et en dire deux, en donnen  1 und 1  d zu oppfern dem heiligen geben,  nant 18   d pour une grand ’messe , 1 denier… , und 1  d in stock fur das oppfer. 1 denier d’offrande au saint , et 1 denier dans Balthasar Burgauwer, der lermeister hinder den le tronc . barfusen, beschickt und im solchs ouch furge- On a également convoqué Balthasar Burg­auwer, halten , sagt , sin son Bernhart hab zugesehen und maître d’école résidant derrière les Franciscains , hut morgen angefangen dantzen, do er im die et on l’a interrogé à ce sujet . Il dit que son fils kindt solt helfen underwisen ; hab er in gedutzet Bernhard a regardé [  les danseurs  ] et a combitz nach mittag ; nach den zweien , hab er zu mencé à danser ce matin , alors qu’il devait le dem dantz gewolt , hab in dohin mussen furen.  seconder pour faire classe aux enfants. Il l’a mot signifie probablement «  donner une offrande  », mais la nuance entre opfern et pfrynnen nous échappe.

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 fallen wurde . So sind viele Krankheiten entstan- nous y comportons comme un homme qui den ,  die jetzt etwas ganz Alltägliches sind . Auf bien équipé en armes et en moyens de dédiese Weise können Krankheiten auftreten , die es fense , mais qui , voyant un petit boiteux devorher nie gegeben hat . vant lui avec un fusil dont on a allumé la …       So bewirkt der Glaube vielfach Dinge , die mèche , s’effraye et redoute l’arme de l’ennemi . ohne ihn nicht geschehen . Er bringt uns viel Nous avons de même assez de force pour nous schreckliche Krankheiten und Jammer, und wenn opposer aux astres et pour bien utiliser notre wir krank sind , bringt er uns dahin , daß wir foi , mais dès que nous nous affaiblissons , einem Manne gleichen , der wohl gut bewaffnet celle- ci se retourne contre nous comme une ist , doch wenn er ein hinkendes Männlein sich arme et nous devons subir et souffrir ce que gegenüber sieht , mit einer angelegten Büchse ,  sich nous voulions provoquer chez notre prochain. vor dem Geschütz fürchtet und davor zurück- (   Traduction française par Bernard Gorceix schreckt . So ist es auch hier. Wir sind stark genug dans Paracelse, Œuvres médicales , «   Les causes gegen dus Gestirn und wir sind auch stark genug,  des maladies invisibles   »  , Paris , P  U  F, 1968 , den Glauben richtig zu gebrauchen  . Werden wir p.   211 –  212 .  ) aber schwach , so wird der starke Glaube , wie eine Büchse gegen uns , und wir müssen dulden und leiden , was wir einer dem anderen zusenden.

2. Paracelse, Sieben Defensiones.Verantwortung über etliche Verunglimpfungen seiner Mißgönner, 1537  – 38, (éd. Sudhoff, Paracelsus. Sämtliche Werke, Munich, Oldenbourg, 1928, XI , p. 472, reproduit la version modernisée réalisée par B. Aschner). Ich schreibe über den unsinnigen Tanz , den der J’écris sur la danse folle que l’homme de la gemeine Mann S .Veitstanz nennt , auch über rue appelle danse de Saint-Guy. J’écris sur le die , die sich selbst töten , auch über die falschen suicide   , sur les maladies imaginaires nées de Krankheiten , die durch Zauberei entstehen , auch la sorcellerie   , j’écris aussi sur les possédés. über die besessenen Leute . Diese Krankheiten Ces maladies n’ont jamais été décrites par la sind in der Arznei noch nie beschrieben worden . médecine   . Il me paraît injuste qu’on les ait Ich glaube , daß es unrichtig ist , daß man an oubliées. Or la cause qui m’y conduit est la sie vergessen hat . Die Astronomie , die bei den sui­vante   : l’astronomie dont ne se sont jamais Ärzten bisher noch nie vorgenommen worden ist ,  occupés les médecins jusqu’ajourd’hui m’apver­ursacht mich und bringt mich dazu , denn prend à connaître de telles maladies. sie lehrt mich solche Krankheiten erkennen . (   Traduction française par Bernard Gorceix dans Paracelse , Œuvres médicales , «    Les sept défenses   » , Paris , P  U  F , 1968 , p  .   8 .  )



Bibliographie sélective Essais Geneviève Aubert  , «  Charcot Revisited  , The Case of Bruegel ’ s Chorea  » , Archives of Neurology , vol . 62 ,n o 1 , 2005 , p .   155   –  161. Eugene Louis Backman, Religious Dances in the Christian Church and in Popular Medicine , Londres , George Allen & Unwin , 1952, p .   295  –  327.

Gregor Rohmann , Tanzwut . Kosmos , Kirche und Mensch in der Bedeutungs­geschichte eines mittelalterlichen Krankheits­konzepts ( Historische Semantik 19 ), Göttingen et Bristol , Vandenhoeck & Ruprecht , 2013 . Pierre Vonau, «  La chapelle et la grotte de Saint Vite  », Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs , 109, 1979  / I V.

John Waller, Les Danseurs fous de Strasbourg. Une épidémie de Claire Biquard , «  Le mal de transe collective en 1518, Strasbourg , saint Vit (ou saint Guy)  », Bulletin Éditions de la Nuée bleue, 2016 , du Centre d’étude d’histoire de ( trad. de A Time to Dance, a o la médecine, n  39 , 2002, Time to Die . The Extra­ordinary p .   33– 50. Story of the Dancing Plague of 1518 , Londres , 2008). Kélina Gotman, Choreomania, Dance and disorder, Oxford , Littérature Oxford University Press, 2018. Marie Frering , Les Alfred Martin, «  Ge­schichte Souliers rouges, Vitré , der Tanzkrank­heit in Lunatique , 2017. Deutschland  » , Zeitschrift des Vereins für Volkskunde, Berlin, Jean Teulé , Entrez dans Behrend & Co, 1914 , p .   113 – 134 la danse, Paris , Julliard , 2018. et 225  – 239 . Emmanuel Viau , Les Hans C . Erik Midelfort , Légions furieuses, Strasbourg , A History of Madness in Éditions du Signe , 2018. Sixteenth - Century Germany , Stanford , Stanford University Press, 1999.


 fallen wurde . So sind viele Krankheiten entstan- nous y comportons comme un homme qui den ,  die jetzt etwas ganz Alltägliches sind . Auf bien équipé en armes et en moyens de dédiese Weise können Krankheiten auftreten , die es fense , mais qui , voyant un petit boiteux devorher nie gegeben hat . vant lui avec un fusil dont on a allumé la …       So bewirkt der Glaube vielfach Dinge , die mèche , s’effraye et redoute l’arme de l’ennemi . ohne ihn nicht geschehen . Er bringt uns viel Nous avons de même assez de force pour nous schreckliche Krankheiten und Jammer, und wenn opposer aux astres et pour bien utiliser notre wir krank sind , bringt er uns dahin , daß wir foi , mais dès que nous nous affaiblissons , einem Manne gleichen , der wohl gut bewaffnet celle- ci se retourne contre nous comme une ist , doch wenn er ein hinkendes Männlein sich arme et nous devons subir et souffrir ce que gegenüber sieht , mit einer angelegten Büchse ,  sich nous voulions provoquer chez notre prochain. vor dem Geschütz fürchtet und davor zurück- (   Traduction française par Bernard Gorceix schreckt . So ist es auch hier. Wir sind stark genug dans Paracelse, Œuvres médicales , «   Les causes gegen dus Gestirn und wir sind auch stark genug,  des maladies invisibles   »  , Paris , P  U  F, 1968 , den Glauben richtig zu gebrauchen  . Werden wir p.   211 –  212 .  ) aber schwach , so wird der starke Glaube , wie eine Büchse gegen uns , und wir müssen dulden und leiden , was wir einer dem anderen zusenden.

2. Paracelse, Sieben Defensiones.Verantwortung über etliche Verunglimpfungen seiner Mißgönner, 1537  – 38, (éd. Sudhoff, Paracelsus. Sämtliche Werke, Munich, Oldenbourg, 1928, XI , p. 472, reproduit la version modernisée réalisée par B. Aschner). Ich schreibe über den unsinnigen Tanz , den der J’écris sur la danse folle que l’homme de la gemeine Mann S .Veitstanz nennt , auch über rue appelle danse de Saint-Guy. J’écris sur le die , die sich selbst töten , auch über die falschen suicide   , sur les maladies imaginaires nées de Krankheiten , die durch Zauberei entstehen , auch la sorcellerie   , j’écris aussi sur les possédés. über die besessenen Leute . Diese Krankheiten Ces maladies n’ont jamais été décrites par la sind in der Arznei noch nie beschrieben worden . médecine   . Il me paraît injuste qu’on les ait Ich glaube , daß es unrichtig ist , daß man an oubliées. Or la cause qui m’y conduit est la sie vergessen hat . Die Astronomie , die bei den sui­vante   : l’astronomie dont ne se sont jamais Ärzten bisher noch nie vorgenommen worden ist ,  occupés les médecins jusqu’ajourd’hui m’apver­ursacht mich und bringt mich dazu , denn prend à connaître de telles maladies. sie lehrt mich solche Krankheiten erkennen . (   Traduction française par Bernard Gorceix dans Paracelse , Œuvres médicales , «    Les sept défenses   » , Paris , P  U  F , 1968 , p  .   8 .  )

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Bibliographie sélective Essais Geneviève Aubert  , «  Charcot Revisited  , The Case of Bruegel ’ s Chorea  » , Archives of Neurology , vol . 62 ,n o 1 , 2005 , p .   155   –  161. Eugene Louis Backman, Religious Dances in the Christian Church and in Popular Medicine , Londres , George Allen & Unwin , 1952, p .   295  –  327.

Gregor Rohmann , Tanzwut . Kosmos , Kirche und Mensch in der Bedeutungs­geschichte eines mittelalterlichen Krankheits­konzepts ( Historische Semantik 19 ), Göttingen et Bristol , Vandenhoeck & Ruprecht , 2013 . Pierre Vonau, «  La chapelle et la grotte de Saint Vite  », Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs , 109, 1979  / I V.

John Waller, Les Danseurs fous de Strasbourg. Une épidémie de Claire Biquard , «  Le mal de transe collective en 1518, Strasbourg , saint Vit (ou saint Guy)  », Bulletin Éditions de la Nuée bleue, 2016 , du Centre d’étude d’histoire de ( trad. de A Time to Dance, a o la médecine, n  39 , 2002, Time to Die . The Extra­ordinary p .   33– 50. Story of the Dancing Plague of 1518 , Londres , 2008). Kélina Gotman, Choreomania, Dance and disorder, Oxford , Littérature Oxford University Press, 2018. Marie Frering , Les Alfred Martin, «  Ge­schichte Souliers rouges, Vitré , der Tanzkrank­heit in Lunatique , 2017. Deutschland  » , Zeitschrift des Vereins für Volkskunde, Berlin, Jean Teulé , Entrez dans Behrend & Co, 1914 , p .   113 – 134 la danse, Paris , Julliard , 2018. et 225  – 239 . Emmanuel Viau , Les Hans C . Erik Midelfort , Légions furieuses, Strasbourg , A History of Madness in Éditions du Signe , 2018. Sixteenth - Century Germany , Stanford , Stanford University Press, 1999.


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ST VITS TANZ

ÉPIDEMIE DE DANSE

TANZWUT

MANIE DANSANTE

CHORÉOMANIE

KRANCKHEIT DANSE TRANSE DES DANTZES DE SAINT-GUY

1518 LA FIÈVRE DE LA DANSE


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