DU MUSÉE TOMI UNGERER
isbn 978-2-35125-193-5
LA COLLECTION D’ILLUSTRATION
CENTRE INTERNATIONAL DE L’ILLUSTRATION
prix 35 Euros
DU MUSÉE TOMI UNGERER
CENTRE INTERNATIONAL DE L’ILLUSTRATION
LA COLLECTION D’ILLUSTRATION
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Autoportrait de l’artiste, s. d.
LA COLLECTION D’ILLUSTRATION DU MUSÉE TOMI UNGERER CENTRE INTERNATIONAL DE L’ILLUSTRATION
ARCHITECTURE
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CONTES & HISTOIRES
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Sommaire
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Un musée pour le dessin d’illustration Thérèse Willer
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BEATRICE ALEMAGNA 36 JEAN ALESSANDRINI 37 CHRISTIAN ANTONELLI 42 ROBERT BELTZ 43 R. O. BLECHMAN 46 BLUTCH 50 BOLL 53 BOSC 54 MICHEL BRIDENNE 58 CABU 59 MICHEL CAMBON 61 CHAVAL 64 OLIVIER DANGLA 65 PAUL DAVIS 67 MARION DUVAL 68 JEAN EFFEL 70 MAX FABRE 72 PAUL FLORA 75 F’MURRR 76 ANDRÉ FRANÇOIS 79 GÉRARD GACHET 83 MILTON GLASER 85 JEAN JACQUES GRANDVILLE 86 RUDI GROSSMANN 88 DIETER HANITZSCH 89 GUY HEITZ 90 MAURICE HENRY 92 FRANÇOISE HOLLE & MARCEL ARTHAUD FRANK HOPPMANN 100 PETER KNAPP 102 YANNICK LEFRANÇOIS 105 PASCAL LEMAÎTRE 108 MUSEE_STRASBOURG_INTERIEUR_INTRO_NB_EXE.indd 24
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Sommaire
DAVID LEVINE 110 JEAN-JACQUES LOUP 112 MOREZ 113 MOSE 114 RENÉ NOËL 115 LA NOUVELLE ÉCOLE DE FRANCFORT PHIL 122 LA COLLECTION NICOLE PHILIPPOU FERNANDO PUIG ROSADO 126 REISER 127 CLAUDE RIBOT 130 JACQUES ROUXEL 133 SAJTINAC 134 SAVIGNAC 140 RONALD SEARLE 141 SEMPÉ 143 MAURICE SENDAK 146 SERGUEI 148 JIŘÍ SLÍVA 149 SMUDJA 150 EDWARD SOREL 151 WILLIAM STEIG 153 SAUL STEINBERG 156 ROLAND TOPOR 158 « TOMI UNGERER FOREVER » 160 FAMILLE UNGERER 166 AUGUSTE WACKENHEIM 171 R. E. WAYDELICH 172 ROBERT WEAVER 173 ANDRÉ WENGER 175 HENRI ZISLIN 177 Index Mentions d'acquisition & numéros d'inventaire
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UN MUSÉE POUR LE DESSIN D’ILLUSTRATION
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Le dessin d’illustration est longtemps resté en marge du dessin que Giorgio Vasari, l’inventeur de l’histoire de l’art, avait défini comme étant le « père de nos trois arts – architecture, sculpture, peinture 01». Sans doute parce que le statut d’œuvre autonome lui a été dénié, il a été l’objet de peu de considération, voire de condescendance de la part des institutions muséales françaises. À l’exception de la bande dessinée et du livre de jeunesse auxquels deux musées publics sont dédiés 02, il demeure souvent l’apanage des bibliothèques et des cabinets d’art graphique 03.
Les raisons de ce désintérêt sont multiples et remontent à loin. La fonction du dessin d’illustration, qui consiste à « illuminer 04» un texte et à être reproduit par des multiples, et qui dans la plupart des cas est le résultat d’une commande, a contribué à lui conférer un statut à part. Loin d’être une simple image, il possède pourtant une qualité qui lui est propre et mérite de ce fait une appréciation différente. Depuis quelques années, historiens de l’art et conservateurs de musées en ont pris conscience et ont suscité grâce à leurs travaux et à leurs expositions
Sebastian Brant, Das Narrenschiff. Faksimile der Erstausgabe von 1494, Strasbourg, Verlag von Karl J. Trübner, 1913
01 Giorgio Vasari, Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, dans Georges DidiHuberman, « Le disegno de Vasari ; ou le bloc-notes magique de l’histoire de l’art », dans La Part de l’œil, no 6, « Dossier : Le dessin », 1990, p. 47.
02 Le musée de la Bande dessinée à Angoulême et le musée de l’Illustration jeunesse à Moulinssur-Allier.
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03 Comme la Bibliothèque nationale de France et le Cabinet d’art graphique du musée national d’Art moderne. Sur ce sujet, il existe également de remarquables collections privées, ainsi que des musées privés et des centres (Médiathèque André François à Margnylès-Compiègne).
04 Le mot vient du latin illustrare, éclairer, illuminer.
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un intérêt croissant pour cette forme d’art, dépassant la distinction qui a été définie entre high art et low art 05. De manière concomitante s’est développée la dimension patrimoniale du sujet. En effet, la conservation des dessins originaux est essentielle pour ces œuvres que leur support, le papier 06, et sa combinaison avec certains procédés techniques utilisés par les artistes, rendent tout particulièrement fragiles. C’est à ce thème encore en friche que le musée Tomi Ungerer – Centre international de l’Illustration à Strasbourg se consacre depuis son ouverture en 2007. À l’origine, l’institution avait pour but de mettre en valeur un ensemble exceptionnel résultant de plusieurs donations de Tomi Ungerer (1931-2019) à sa ville natale et comportant 14 000 dessins originaux, un fonds d’affiches et d’estampes, ainsi que sa bibliothèque personnelle 07.
Les origines de la collection Né dans une ville considérée comme un haut-lieu du dessin d’illustration depuis le Moyen Âge 08, l’artiste était lui-même un infatigable promoteur de ce registre. Il a fait don au musée d’œuvres de ses amis dessinateurs, en particulier de Maurice Sendak et de R. O. Blechman, qui faisaient partie de sa propre collection. Développer en parallèle au projet monographique initial une collection qui se base sur le dessin d’illustration tenait par conséquent de l’évidence. Celle-ci compte aujourd’hui 2 179 œuvres graphiques originales provenant de 122 artistes de France et d’ailleurs, et s’échelonne du xxe siècle à nos jours. Si le musée a trouvé des résonances dans des structures apparentées en Europe 09, aux États-Unis et au Japon, il a été novateur en France et reste encore à ce jour unique en son genre sur le territoire national. La collection d’illustration s’est constituée certes à la faveur d’opportunités qui se sont présentées mais surtout et en grande partie grâce à des contacts tissés au fil des années et grâce à de patientes recherches 10. En effet, la quête d’œuvres originales d’illustration 27 s’avère parfois longue et même semée d’embûches. Leur raison d’être étant la reproduction et le multiple, celles-ci n’ont pas fait l’objet d’attention particulière, ni de la part de leurs auteurs ni de celle des ayants droit ou des éditeurs. Dans la plupart des cas, elles ont de ce fait été peu ou mal conservées 11. Certaines œuvres, qui ne sont connues
Wilhelm Busch, Max und Moritz (eine Bubengeschichte in sieben Streichen), Munich, Verlag von Braun und Schneider, 1923
05 Cette opposition a été formalisée par l’exposition « High and low : Modern Art and Popular Culture » (7 octobre 1990 – 15 janvier 1991) au Museum of Modern Art de New York.
06 Notamment le papiercalque. 07 La collection compte également un ensemble de 1 600 jouets et jeux, réunis par l’artiste pendant plus de quarante ans.
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08 L’atelier d’illustration de l’École des arts décoratifs de Strasbourg, actuelle HEAR (Haute École des arts du Rhin), créé par Claude Lapointe, perpétue cette tradition.
09 Wilhelm BuschDeutsches Museum für Karikatur und Zeichenkunst à Hanovre, Caricatura Museum de Francfort-surle-Main, Cartoon Museum de Bâle, musée Jenisch à Vevey, entre autres.
10 C’est le cas pour plusieurs ensembles d’artistes, comme celui de Sajtinac.
11 On assiste depuis quelques années à une prise de conscience des artistes et des institutions sur cette question : une grande partie des œuvres originales de Willem et de Plantu est, par exemple, conservée à la Bibliothèque nationale de France.
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Alemagna
BEATRICE ALEMAGNA (Bologne, 1973)
Beatrice Alemagna est née à Bologne, capitale mondiale de l’illustration jeunesse, où se tient tous les ans la « Fiera del libro per ragazzi » (Foire du livre jeunesse), dont le premier lauréat fut Tomi Ungerer en 1967. Elle suit l’enseignement en graphisme de l’ISIA (Instituto superiore per le industrie artistiche) d’Urbino. Si elle travaille dans l’illustration d’affiches pour le Centre Pompidou entre 1998 et 2010, elle se fait surtout connaître dans le domaine du livre pour la jeunesse. Trente-cinq albums sont parus à ce jour, dont Gisèle de verre (2002), Le Singe garçon et Un lion à Paris (2010), Harold Snipperpot’s Best Disaster Ever (Le Fabuleux Désastre d’Harold Snipperpott, 2018), qui lui ont valu de nombreux prix internationaux, dont en 2017 la médaille d’or de la Society of Illustrators à New York pour Un grand jour de rien, également couronné par le grand prix de l’illustration et le prix Landerneau Jeunesse. L’illustratrice use généralement d’une combinaison raffinée de techniques – craie,
encre de Chine, feutre, fil, aquarelle, huile, collage, crayons de couleur, pastels – pour développer un univers poétique à michemin entre le rêve et la réalité. Parmi ses modèles figurent au premier plan, outre Bruno Munari, Tomi Ungerer. Déjà, quand elle dessinait la file d’attente des visiteurs devant le Centre Pompidou dans Un lion à Paris, elle affirmait s’être inspirée de celle que formaient les orphelins en uniformes dans Les Trois Brigands. C’est dans un dessin réalisé pour son quatre-vingtième anniversaire qu’elle a rendu pour la première fois un hommage formel à l’auteur. De nombreuses références à l’œuvre pour la jeunesse de celui-ci y sont reconnaissables. Les héros emblématiques de ses ouvrages, Jean de la Lune, Toby le chat, la grandmère de Crictor le boa, Adélaïde le kangourou, Les Trois Brigands, l’ours en peluche Otto, un petit cochon Mellops, La Grosse Bête de Monsieur Racine, Zeralda, Rufus la chauve-souris, sont regroupés dans un médaillon à l’ancienne qui rappelle celui que leur auteur a dessiné pour Crictor. À l’univers haut en couleur qu’elle déploie habituellement dans ses
A livres, elle a préféré ici une palette de teintes sourdes, qui évoque les images en noir et blanc de Pas de baiser pour Maman. Seuls Jean de la Lune et La Grosse Bête de Monsieur Racine se démarquent par une opacité grisée, peut-être parce qu’ils sont encore plus imaginaires que les autres. L’ensemble de la composition dégage une ambiance nostalgique : une manière pour Beatrice Alemagna de se souvenir de son enfance, quand elle lisait les livres de Tomi Ungerer qui l’ont tant marquée. T.W. Bibliographie • Isabelle Nières-Chevrel, Jean Perrot et al., Dictionnaire du livre de jeunesse : la littérature d’enfance et de jeunesse en France, Paris, Électre / Éditions du Cercle de la librairie, 2013
01 Sans titre, 2011. Encre de Chine, crayons gras, crayon de papier, rehauts de gouache blanche, crayons et feutres de couleur sur papier dessin, 30 × 20,6 cm
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Alessandrini
JEAN ALESSANDRINI
(Marseille, 1942)
Jean Alessandrini est un illustrateur, écrivain et typographe qui vit à Strasbourg. Après des études au collège technique d’art graphique Corvisart à Paris et un apprentissage chez Raymond Gid, il devient maquettiste et illustrateur de presse pour Paris Match, puis Lui, dont il dessine le logo. Illustrateur indépendant depuis 1966, il a collaboré à divers journaux, Elle, Lire, Le Point, Novum Gebrauchsgraphik, Pilote, Playboy, et avec plusieurs maisons d’édition. En parallèle à sa production graphique, il a édité plusieurs de ses créations typographiques, dont les plus connues, Hypnos et Mirago, à l’atelier Phototypo d’Albert Hollenstein, ainsi qu’une classification des caractères typographiques, Codex 1980. Il mène également une carrière d’écrivain, notamment en publiant comme auteurillustrateur à l’École des Loisirs (Henri à l’Amuséum, 1974), chez Bayard Jeunesse (Le Canarama, 1978), chez Bayard Presse J’aime lire (Paul et le robot, 1979), chez Rageot, collection « Cascade » (L’Ours sort ses griffes, 2004).
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L’acquisition de 106 dessins, faite auprès de l’artiste, se concentre sur le travail d’illustration pour le livre et la presse des années 1970 et 1980. Elle porte sur des esquisses préparatoires au crayon ou à l’encre de Chine présentant parfois plusieurs variantes, et sur des dessins achevés colorisés à la gouache et à l’aquarelle. Des croquis exécutés au verso de planches imprimées en noir et blanc du magazine Playboy montrent que l’artiste utilisait fréquemment des papiers de récupération pour son travail. Pour le magazine Lire, il a illustré diverses rubriques qui lui ont donné l’occasion d’aborder des thématiques très différentes 02 .
Pour les collections « Folio » et « Idées » chez Gallimard et sous la direction artistique de Massin, il a conçu des couvertures pour quelques chefs-d’œuvre de la littérature, comme Le Diable et le bon Dieu de Jean-Paul Sartre, De l’assassinat considéré comme l’un des beaux-arts de Thomas de Quincey, Le Chevalier des Touches de Jules Barbey d’Aurevilly, 1984 de George Orwell, et pour des essais comme L’Histoire du roman américain de Marc Saporta. Certaines illustrations, en particulier celles prévues pour Les Têtes de Stéphanie de Romain Gary, Voyage au bout de la nuit de Céline, Le Sable vif de Pierre Moinot, Le Grand d’Espagne de Roger Nimier, Le Nommé Jeudi de
02 Sans titre, dessin pour Lire – « Rubrique historique », 1985. Crayon, 29,7 × 21 cm
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Dessin pour le tome 10 des Livres de la Santé, 1968. Encre de Chine, aquarelle et gouache sur papier, 31,5 × 49,5 cm
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39 Dessin pour Si de Gaulle était petit, 1968. Encre de Chine, 30,8 × 27,8 cm
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Dessin pour Minute no 5, 4 mai 1962. Encre de Chine et collage, 31,2 × 24,5 cm
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Dessin pour Minute no 5, 4 mai 1962. Encre de Chine, 21,2 × 28,1 cm
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Dessin pour Minute, années 1960. Encre de Chine, 28,3 × 18,9 cm
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D MARION DUVAL
(Nancy, 1982)
Marion Duval est une illustratrice française, installée à Strasbourg depuis 2005. Diplômée de l’école Estienne et de l’École des arts décoratifs de Strasbourg (actuelle HEAR, Haute École des arts du Rhin), elle travaille pour la presse, Bayard, Le Magazine Littéraire, Le Mouton fiévreux, et l’édition jeunesse, Nathan, Gautier-Languereau, Lito, Milan, Larousse, Chandeigne et Didier Jeunesse, qui a publié son premier livre d’autrice-illustratrice, Le Piano, en 2011. Il existe dans ce registre de son œuvre certaines récurrences comme les rapports familiaux, à l’exemple de Toi-Même, édité chez Albin Michel en 2017, qui relate l’histoire de sœurs jumelles, Louison et Adèle. Marion Duval utilise des techniques traditionnelles qu’elle adapte à ses supports, comme le crayon de couleur, le pastel sec et l’encre, mais la peinture à l’acrylique reste son médium de prédilection. Ses compositions dessinées sont structurées avec des effets de perspective et fonctionnent visuellement comme des tableaux peints, dépassant le strict cadre de l’illustration.
Duval Elle s’inspire en effet autant du monde de l’illustration – Anne Brouillard, Anthony Browne, Quint Buchholz, Nikolaus Heidelbach, Daisy Mrazkova, Komako Sakaï, Chris Van Alsburg – que de celui de la peinture – Balthus, Kim Dorland, David Hockney, Paula Moderson-Becker. Une autre facette de l’œuvre de Marion Duval est l’art de l’affiche. Dans celle qu’elle a conçue pour les Rencontres de l’Illustration de Strasbourg 2020, elle a rendu hommage aux Trois brigands de Tomi Ungerer et montré l’influence que le dessinateur continue d’exercer sur la création contemporaine en illustration. L’ensemble qui a été acquis auprès de l’artiste comprend toutes les étapes de son processus de création, des travaux préparatoires jusqu’à la version finale. Plusieurs esquisses au crayon très spontanées, accompagnées parfois de commentaires, témoignent du cheminement de ses idées : le gigantesque chapeau d’un brigand est porté comme une statue par quelques personnages, la cape géante d’un autre s’entre-ouvre pour laisser sortir des jeunes gens, un nid contient trois œufs en forme de brigands . Selon ses propres termes,
D c’est finalement une image qui « valorise la jeune création portée par la montagne géant-brigand, donnant à voir un océan de nuages, symbole de réussite », que l’autrice a retenue et qu’elle a formalisée en un crayonné . La composition de l’affiche a été réalisée à partir d’éléments dessinés séparément : la tête du brigand, une jeune fille et un jeune homme qui dansent au sommet de celle-ci, le ciel nuageux qui sert d’arrière-plan, ont été numérisés puis assemblés pour créer l’image destinée à la reproduction 63 . T.W.
61 Dessin pour l’affiche des Rencontres de l’Illustration Strasbourg 2020, 2019. Peinture sur feuille cartonnée, 21 × 29,7 cm
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62 Dessin pour l’affiche des Rencontres de l’Illustration Strasbourg 2020, 2019. Peinture sur feuille cartonnée, 21,5 × 30 cm
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Tiré à part de l’affiche des Rencontres de l’Illustration Strasbourg 2020, 2020. Tirage fine-art sur papier Hahnemühle Photo Rag, 41,9 × 29,5 cm
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François
Si Robert Delpire a souligné à juste titre la variété des styles qui caractérise l’œuvre d’André François, il en est de même pour les techniques qu’il a utilisées, et que l’artiste lui-même a qualifiées d’éclectiques. Pour les dessins d’humour, il privilégie l’emploi de la plume et de l’encre qui confèrent au graphisme l’acuité souhaitée. Dans le dessin « Chez le tatoueur », qui servit de couverture au recueil The Tattooed Sailor. Cartoons from France, le trait à la plume semble ainsi rejoindre celui de l’artisan à l’œuvre sur le corps du marin 85 . Dans « Amoureux de la Bibliothèque nationale », une illustration pour Cosmopress, il s’est représenté avec son épouse Marguerite. Tous deux sont en train de lire, amoureusement enlacés, dans la grande salle de la Bibliothèque nationale de France 86 . Pour préserver leur intimité, André a éteint la lampe de table : c’est l’introduction dans la scène de cet élément inattendu qui va créer la surprise et faire sourire. L’artiste ne se limite cependant pas à l’univers noir et blanc, il utilise aussi avec brio la couleur, ce dont témoignent non seulement ses œuvres picturales mais également ses illustrations. Des inédits pour The New Yorker, auquel il a collaboré pendant vingt-huit ans avec cinquante-neuf illustrations de couverture, ainsi que pour Vogue et pour Punch, montrent combien la couleur contribue à l’expressivité de ses images 83 89 . Toutefois, c’est sans doute dans ses illustrations pour la revue
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Graphis, publiées entre 1949 et 1980, qu’André François s’est senti le plus libre pour mener de nouvelles expérimentations dans ce domaine : dans des variantes pour un projet de couverture en 1973 sur le thème des Indiens, il a opté pour une palette de teintes qui évoque celles de Paul Klee et de Miró 88 . L’univers de la couleur fait partie intégrante de l’œuvre d’affichiste d’André François : celui qui fut l’élève d’A. M. Cassandre était tout particulièrement à l’aise dans ce médium, auquel il est resté fidèle durant tout son parcours, et qui atteste sa puissance d’imagination dans des sujets très différents. Il a tout spécialement recours à un univers formel où l’animal et l’homme se confondent, comme dans la campagne publicitaire pour Le Nouvel Observateur 80 . Il opte tout autant pour des motifs d’une grande simplicité comme dans la dernière affiche qu’il a réalisée, destinée à la « Fête de la musique » de 2003, dont l’image de l’oiseau qui laisse échapper une note de musique suffit à provoquer un choc visuel auprès du spectateur 84 .
Si l’œuvre graphique d’André François se caractérise par éventail très large de thèmes, certains d’entre eux traversent tous les aspects de son œuvre, comme la métamorphose, le temps, la mort. Il les traite d’une manière très singulière, qui associe intimement l’absurde à la fantaisie, dans l’esprit de la Mitteleuropa dont il était originaire 82 . T.W.
Bibliographie • François Mathey, André François, Paris, Herscher, 1986 • André François, Paris, Delpire, coll. « Poche illustrateur », 2006
84
« Fête de la musique », 2003. Reproduction offset, 116 × 77 cm
80
83 Projet de couverture pour Vogue, 1949. Gouache et crayon gras sur carton, 40 × 30,5 cm
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« Le tatoué enlacé », dessin pour The Tattooed Sailor, 1951. Encre de Chine, 20 × 24 cm
81 86 « Amoureux de la Bibliothèque nationale », dessin pour Cosmopress, 1952. Encre de Chine et aquarelle, 35 × 25 cm
87 « School Boy with coronation badge 1 », 1953. Encre de Chine, 25,5 × 18,7 cm
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NOUVELLE ÉCOLE DE FRANCFORT (LA)
Friedrich Karl Waechter (Dantzig, 1937 – Francfort-sur-le-Main, 2005) F. K. Waechter est un dessinateur précoce : il commence en effet sa carrière un an avant l’obtention de son Abitur (baccalauréat allemand), en travaillant pour un service d’annonces. Il se spécialise très vite dans le dessin d’humour et de satire et se fait remarquer par la rédaction de Pardon, pour laquelle il dessine le logo. Il publie par la suite des albums satiriques, dont plusieurs originaux sont conservés dans la collection. Actif dans divers registres graphiques, dont la publicité et le livre pour enfants, il se fait connaître en 1970 pour son personnage AntiStruwwelpeter, une version satirique antiautoritaire du personnage Struwwelpeter (Pierre l’Ébouriffé en français) créé par Hoffmann. À partir de 1992, il abandonne le dessin satirique pour se consacrer au livre pour enfants, registre dans lequel il obtient un succès important, ainsi qu’au théâtre et au cinéma. Grand admirateur de Steinberg, dont il a hérité du trait synthétique et linéaire, Waechter travaille à l’encre de Chine, rehaussée parfois à l’aquarelle ou aux crayons de couleur. Ses dessins prennent le plus souvent la forme de petites vignettes mettant en scène un comique de situation, renforcé par le texte
qui apporte un niveau de compréhension supplémentaire au dessin 164 . Waechter pratique la hachure, qui rappelle la gravure, donne de la profondeur aux scènes et du volume au graphisme . C’est également un amateur de calembours, qui n’hésite pas à tourner en dérision des classiques, comme le poème surréaliste de Gertrude Stein « a rose is a rose is a rose » 163 . Un des thèmes récurrents de son œuvre est la guerre des sexes, où l’homme et la femme deviennent tour à tour la victime de l’autre 162 , coincés dans une lutte sans fin pour le pouvoir au sein du couple. Avec un trait épuré qui vise à l’essentiel, une ligne souple qui restitue une impression de spontanéité, Waechter parvient à livrer avec expressivité une critique acide du monde moderne.
Bien que graphiquement éloignés, ces deux artistes se répondent et se complètent l’un l’autre grâce à leur exigence graphique, leur goût de la satire sociale et leur amour du « bon mot ». Gernhardt et Waechter sont les représentants les plus marquants du dessin satirique allemand de la seconde moitié du xxe siècle, qui ont apporté un véritable renouveau dans un registre jusqu’alors marqué par le trait rond et travaillé de Loriot. J.R.
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Bibliographie • W. P. Fahrenberg (dir.), Die Neue Frankfurter Schule, Göttingen, ARKANA, 1987 • Matthias Kammermeoer (commissaire), Karikatur & Satire : fünf Jahrhunderte Zeitkritik, cat. exp., Munich, Kunsthalle der Hypostiftung (5 juin – 18 octobre 1992), Munich, Hirmer Verlag, 1992 • Severin Heinisch et Walter Koschtazky (dir.), Alles Karikatur, catalogue des collections du Karikaturmuseum de Krems, 2001 • Klaus Cäsar Zehrer, Dialektik der Satire. Zur Komik von Robert Gernhardt und der “Neuen Frankfurter Schule”, mémoire de maîtrise, Université de Brême, 2002 • Gisela Vetter-Liebenow (commissaire), Friedrich Karl Waechter. Zeichenkunst, cat. exp., Hanovre, Wilhelm-BuschMuseum (15 février – 10 mai 2009), Hanovre, Hirme Verlag, 2009 • W. P. Fahrenberg et Jutta M. Pichler (dir.), Tierisch komisch !, cat. exp., Krems, Karikaturmuseum (5 avril – 8 novembre 2009), Vienne, Residenz Verlag, 2009 • W. P. Fahrenberg (dir.), Friedrich Karl Waechter, Munich, Verlag Antje Kunstmann, coll. « Meister derkomischen Kunst », 2011
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162 « Otto Plumsack und Tante Mili », dessin pour Warscheinlich guht wieder kein Schwein, 1989. Encre de Chine sur papier, 28 × 26 cm
163 « Eine Rose ist eine Rose ist eine Rose », dessin pour Warscheinlich guht wieder kein Schwein, 1989. Encre de Chine sur papier, 24,5 × 16,6 cm
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164 « Adele zeigt ihren Brüsten die Männer » (Adèle montre les hommes à ses seins), dessin pour Glückliche Stunde, 1986. Encre de Chine et crayons de couleur sur papier, 41,3 × 29,7 cm
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Bibliographie • Matthias Kammermeoer (commissaire), Karikatur & Satire : fünf Jahrhunderte Zeitkritik, cat. exp., Munich, Kunsthalle der Hypostiftung (5 juin – 18 octobre 1992), Munich, Hirmer Verlag, 1992 • Severin Heinisch et Walter Koschtazky (dir.), Alles Karikatur, catalogue des collections du Karikaturmuseum de Krems, 2001 • W. P. Fahrenerg et Jutta M. Pichler (dir.), Tierisch komisch !, cat. exp., Krems, Karikaturmuseum (5 avril – 8 novembre 2009), Vienne, Residenz Verlag, 2009 • Marc Lecarpentier (dir.), Sempé, un peu de Paris et d’ailleurs, Paris, Éditions Martine Gossieaux, 2012 • Frédéric Pajak et Martine Lusardy (commissaires), Les Cahiers Dessinés, cat. exp., Halle-Saint-Pierre (21 janvier – 14 août 2015), Paris, Les Cahiers dessinés, 2015
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• Thérèse Willer (commissaire), Bosc. De l’humour à l’encre noire, cat. exp., Strasbourg, musée Tomi Ungerer – Centre international de l’Illustration (17 octobre 2014 – 1er mars 2015), Strasbourg, Musées de la Ville de Strasbourg, 2015 • Frédéric Pajak (commissaire), Dessin politique, dessin poétique, cat. exp., Vevey, musée Jenisch (2 novembre 2018 – 24 février 2019), Paris, Les Cahiers Dessinés / musée Jenisch Vevey, 2018 • Marc Lecarpentier (dir.), Sempé, itinéraire d’un dessinateur d’humour, Paris, Éditions Martine Gossieaux, 2019
210 « The Times covers baseball like Cerone covers the plate », affiche pour The New York Times, s. d. Impression offset, 117 × 76 cm
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« Paris sous la pluie », 1990. Encre de Chine sur papier, 75 × 56,5 cm
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S MAURICE SENDAK
(Brooklyn, 1928 – Danbury, Connecticut, 2012) Maurice Sendak est sans doute l’un des auteurs pour la jeunesse les plus connus, dont l’œuvre a été couronnée par le prestigieux prix Hans Christian Andersen en 1970. Ses livres, la série de Petit-Ours d’Else Holmelund Minarik (cinq volumes à partir de Little Bear’s, New York, Harper & Brothers, 1957), Max et les Maximonstres (Where the Wild Things Are, New York, Harper & Row, 1963), Cuisine de nuit (New York, Harper & Row, In the Night Kitchen, 1970), comptent parmi les plus populaires. Il était aussi un grand amateur
Sendak de musique et d’opéra, pour lesquels il a conçu à partir des années 1970 des affiches et des décors. Unique dans une collection publique française, alors que les œuvres originales de Maurice Sendak font partie de The Maurice Sendak Collection à l’université du Connecticut depuis 2019, ce dessin de Max et les Maximonstres provient d’une donation de Tomi Ungerer au musée. Les deux illustrateurs, qui s’étaient connus à New York par l’intermédiaire de leur éditrice Ursula Nordstrom (New York, Harper & Brothers), étaient devenus amis. C’est Tomi Ungerer qui présenta ensuite Maurice Sendak à Daniel Keel, qui en fit l’un des auteurs phares de sa maison
S d’édition Diogenes. Le dessinateur fit cadeau de cet original à Tomi Ungerer, avec une dédicace : « For Tomi – with Pleasure ». Bien qu’ils aient manifesté une grande admiration l’un pour l’autre, les relations entre les deux artistes n’étaient toutefois pas de tout repos. En effet, Pas de baiser pour Maman (No Kiss for Mother, New York, Harper & Row, 1973) est une réplique à la série des Petit-Ours que Tomi Ungerer jugeait trop convenus. L’œuvre de Maurice Sendak a pourtant elle aussi suscité des polémiques : Cuisine de nuit a été censuré à maintes reprises dans plusieurs pays en raison de la nudité de son petit héros, et apparaissait régulièrement sur la liste des bibliothèques américaines comme
212 « And an Ocean Tumbled with a Private Boat for Max and he Sailed off Through Night and Day », vers 1960. Encre de Chine et lavis d’encres de couleur sur carton, 25,6 × 55,8 cm
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S l’un des livres les plus contestés entre 1990 et 1999 (« 100 most frequently challenged books : 1990-1999 », American Library Association). De même, la réception de Max et les Maximonstres fut mitigée : les êtres de cauchemar aux dents menaçantes faisaient peur aux parents – sans doute davantage qu’à leurs enfants ; plus grave, ils jugeaient que l’autorité familiale y était remise en question. Ce dessin est une variante de celui qui est reproduit dans le livre et illustre ces lignes manuscrites : « And an Ocean Tumbled by with a Private Boat for Max and he Sailed off Through Night and Day » (Un océan gronda, il portait un bateau qui attendait Max. Alors Max fit voile ; il navigua nuit
Sendak et jour). Quelques éléments diffèrent de la version imprimée, comme l’attitude du petit garçon sur le bateau et le traitement graphique des feuilles de l’arbre. L’original permet d’apprécier la finesse du trait à l’encre de Chine qui cerne les contours et qui, en fines hachures, confère de la profondeur aux vagues et au ciel. Maurice Sendak représente son héros avec l’air satisfait de celui qui joue un bon tour à ses parents en s’échappant dans un rêve. Il rend ainsi un premier hommage à Little Nemo de Winsor McCay, dont il était un fervent admirateur, avant même la citation explicite qui en est faite dans Cuisine de nuit. T.W.
S Bibliographie • Michèle Cochet, « Entretien avec Maurice Sendak », Revue La joie par les livres, no 122-123, 1988, p. 38-43 • Justin G. Schiller, Dennis M.V. David, Leonard S. Marcus (trad. Agnès Desarthe), Maurice Sendak, Paris, Little Urban, 2016
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DU MUSÉE TOMI UNGERER
isbn 978-2-35125-193-5
LA COLLECTION D’ILLUSTRATION
CENTRE INTERNATIONAL DE L’ILLUSTRATION
prix 35 Euros
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Autoportrait de l’artiste, s. d.
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