Marcelle Cahn. En quête d'espace

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Marcelle

En quête d’espace Marcelle Cahn

Marcelle Cahn (1895-1981) a longtemps été présentée comme une artiste « discrète », développant humblement son œuvre à l’ombre des grands noms des avant-gardes. L’artiste fait aujourd’hui l’objet d’une nécessaire redécouverte : de l’infiniment petit à la quête d’un espace total, elle a développé un langage épuré et sensible où rigueur et fantaisie constituent le point d’équilibre d’une œuvre portée par la liberté et la poésie du geste, ainsi que le jeu des infinies variations.

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p. 2-8 Cat. 1 à 9 Sans titre, vers 1970-1975

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10 Préface Paul Lang, Aurélie Voltz et Jean-Roch Bouiller 12—31 Marcelle Cahn ou l’envol d’une solitaire Cécile Godefroy 30—41 Marcelle Cahn et Jean Arp ou la « double face » strasbourgeoise Barbara Forest 42—49 Une ambassadrice du musée de Saint-Étienne Entretien de Bernard Ceysson avec Alexandre Quoi 52

Premières trajectoires

54—59 Marcelle Cahn à Berlin Sophie Goetzmann 72

Autour du purisme

74—81 Les années puristes de Marcelle Cahn Serge Lemoine 102

La figure-refuge

104—111 La modernité mise à nu par sa célibataire, même Anne Montfort-Tanguy 132

Récréations

134—139 Marcelle Cahn et le Salon des Réalités nouvelles : une voie tracée « vers l’espace total » Domitille d’Orgeval 154

En quête d’espace

156—161 Autour de l’Hommage à Dijon Entretien de Serge Lemoine avec Cécile Godefroy et Alexandre Quoi 200

Musique et poésie

202—205

Petites raisons pour une grande vie

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Le collage en jeu

239—243 À propos des collages de Marcelle Cahn Isabelle Ewig 284

Annexes

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Biographie Textes en anglais Liste d’œuvres Fonds et archives consultés Bibliographie sélective 9

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« Et ce sont justement les plus solitaires qui ont la plus grande part à la communauté […]. Celui qui percevrait la totalité de la mélodie serait à la fois le plus solitaire et le plus communautaire. Car il entendrait ce que personne n’entend, et cela seulement parce qu’il comprend dans son achèvement ce que les autres tentent obscurément et de façon lacunaire de saisir. » Rainer Maria Rilke, Notes sur la mélodie des choses, 1898

Cat. 11 Le Vide, 1977

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Marcelle Cahn ou l’envol d’une solitaire Cécile Godefroy

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Cat. 26 Femme et voilier, 1926-1927

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Marcelle Cahn est à Paris quand le complexe de loisirs de l’Aubette réaménagé et décoré par Sophie Taeuber-Arp, Jean Arp et Theo van Doesburg ouvre ses portes à Strasbourg en 1928. Un an plus tard, Michel Seuphor l’invite à prendre part à la première exposition du groupe Cercle et Carré qui réunit les trois artistes parmi des dizaines d’autres. Malgré les fréquents séjours de Cahn à Strasbourg jusqu’à la fin des années 1930, rien n’indique qu’elle ait été marquée par ce qui est aujourd’hui décrit comme la chapelle Sixtine de la modernité1. La commande, l’échelle, les proportions, le système décoratif et la fonctionnalité du lieu l’ont sans doute peu séduite, elle qui a cherché, sa vie durant, à concilier espace et intimité dans une confrontation directe et frontale avec l’œuvre. Cahn ne semble pas non plus avoir considéré Strasbourg autrement que comme sa ville natale, invoquant une vie artistique moribonde et la quittant dès qu’une opportunité s’offrait. Seules la Crucifixion de Matthias Grünewald à Colmar et la musique, si présente à Strasbourg, lui auront procuré des moments agréables et des souvenirs inoubliables. En compagnie d’une mère pianiste, elle se rappelle avoir découvert Arnold Schönberg dans cette ville2. C’est pourtant à Strasbourg, en 1980, un an avant sa disparition, que Marcelle Cahn fait don au musée d’Art moderne de tout ce qu’elle conserve encore de son travail, ainsi que sa documentation, archives, lettres et livres3. Ce fonds d’atelier est constitué de plus de trois cents œuvres : deux cent dix collages réalisés entre 1975 et 1978, des dizaines de dessins anciens des années 1920 et 1930, des estampes, cinq peintures, pour certaines inachevées, exécutées dans les années 1910 et 1920, et cinq sculptures intitulées spatiaux, datées

entre 1966 et 1972. À ces œuvres s’ajoutent ses archives privées – photographies, cartes de vœux, cartons d’invitation, coupures de presse –, mais aussi toute sa correspondance personnelle et professionnelle. Parmi cette dernière, celle avec Maurice Allemand, directeur du musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne de 1947 à 1966, est la plus fournie : cent seize lettres et cartes postales ont ainsi été échangées à partir de 1957 et jusqu’en 1971. La correspondance de Cahn se compose par ailleurs de plus de cinq cents courriers, reçus pour la plupart après la Seconde Guerre mondiale, d’artistes, de musiciens, d’écrivains, d’éditeurs, de galeristes et d’historiens de l’art, tels que Daniel Abadie, Paul Arma, Jean Arp, Sophie Taeuber-Arp, Marguerite Arp-Hagenbach, Willi Baumeister, André Bloc, Max Bucaille, Henri Chopin, Franciska Clausen, Sonia Delaunay, Jean Dubuffet, Marcel Duchamp, Walter vom Endt, Georges Folmer, Henri Goetz, Simone Heller, Gottfried Honegger, Friedensreich Hundertwasser, Annely Juda, Otto Hahn, Karskaya, Serge Lemoine, Nadia Léger, Jean Leppien, André Masson, Aurelie Nemours, Amédée Ozenfant, Imre Pan, Luc Peire, Michel Ragon, Guy Resse, Édouard Roditi, Wolfgang Saure, Day Schnabel, Michel Seuphor, Victor Vasarely, Jean des Vignes Rouges, Nicolaas Warb, Waldemar George, etc. Enfin, la donation comprend des œuvres de ses amis artistes : Jozef Peeters (dix-huit gravures), Michel Seuphor (six gravures et dessins), Walter vom Endt (trois dessins et collages), Jean Leppien (un collage), Wifredo Arcay (une gravure), Willy Maywald (deux photographies) et Florence Henri (une photographie). Ce fonds traduit une participation dynamique de Marcelle Cahn à la vie artistique de son temps.

1 À ce jour, aucune mention de sa part à propos de ce site emblématique de l’art abstrait, ni aucune manifestation d’intérêt, de surprise ou de curiosité n’ont été relevées dans son autobiographie, pas plus que dans ses entretiens avec Daniel Abadie ou dans des conversations ultérieures. 2 Retranscription manuscrite de l’entretien de Marcelle Cahn avec Daniel Abadie, 1971, Paris, bibliothèque Kandinsky, boîte Marcelle Cahn. 3 Une note dactylographiée datée du 18 janvier 1980 à Neuilly-sur-Seine et signée de Marcelle Cahn indique que celle-ci fait don aux musées de Strasbourg de ce qui reste en sa possession de son œuvre, ainsi que de sa documentation et de ses papiers personnels. Elle dresse une liste approximative des éléments à récupérer chez Mme Langevin, sa cousine. Jean-François Biellmann, ami strasbourgeois de Cahn depuis 1970, a encouragé cette donation suite à une conversation en 1979 avec l’artiste, qui se proposait de donner deux sculptures au musée d’Art moderne. En 1979 et 1980, des échanges réguliers entre Nadine Lehni, conservateur au musée d’Art moderne de Strasbourg, et Mme Langevin, ainsi qu’avec les avocats de Marcelle Cahn et de Denise René, ont abouti à une donation globale et intégrale en 1980. Correspondance de Jean-François Biellmann. Strasbourg, archives du Mamcs.

Fig. 7 Willy Maywald, Arène, vers 1955 Strasbourg, MAMCS

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Fig. 11 à 19 Divers vernissages à la galerie Denise René ; photographies d’André Morain. De haut en bas et de gauche à droite, Marcelle Cahn en compagnie de Olle Baertling, Luis Tomasello et Jesús-Rafael Soto en 1972 ; Iris Clert en 1975 ; François Pluchart, Denise René et Olle Baertling, en 1972 ; André Wogenscky et Marta Pan, en 1975 ; Willy Maywald en 1975 ; Yaacov Agam en 1975 ; Wilfredo Arcay en 1975 ; André Cadere en 1976.

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Les années 1925-1926 sont déterminantes dans la carrière et l’élaboration du vocabulaire plastique de Marcelle Cahn. Par l’intermédiaire du galeriste Léonce Rosenberg, l’artiste intègre les cours de Fernand Léger et Amédée Ozenfant à l’Académie moderne. Sa personnalité artistique s’affirme, mélange de rigueur géométrique et de sensibilité poétique. Assimilant très rapidement l’esthétique puriste, Marcelle Cahn s’affranchit des scènes d’intérieur et des natures mortes caractéristiques du mouvement et intègre des points de fuite subtils qui creusent l’espace. Entre 1925 et 1930, elle participe à de nombreuses manifestations décisives et se retrouve au cœur d’un foisonnement artistique international aux côtés non seulement de Léger, Ozenfant et leurs élèves, mais aussi de Jean Arp, Piet Mondrian, Theo van Doesburg, Willi Baumeister, Wassily Kandinsky ou Le Corbusier. Son ascension est rapide. En 1929, elle devient membre du groupe Cercle et Carré, qui, fondé par Michel Seuphor et Joaquín Torres García, prône la rigueur d’une abstraction géométrique en opposition aux irrationalités des surréalistes que Cahn, en artiste indépendante et non partisane, fréquente parallèlement. L’année suivante elle prend part à la première et unique exposition de Cercle et Carré avec quatre peintures, dont La Rame (cat. 64) et Femme à la raquette (cat. 76 p. 109).

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Cat. 52 Composition puriste ou Le Tram, 1925

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Cat. 139 Étendue, 1955

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Cat. 158 Spatial 2 Alternances, 1969

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Cat. 168-171 Photocollages, vers 1976

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Cat. 266 Sans titre, 1978 Cat. 267 Sans titre, 1979

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Cat. 268 Sans titre, 1972

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Biographie 1895 Naissance le 1er mars de Marcelle Delphine Cahn, aînée d’une famille juive alsacienne, à Strasbourg, alors capitale du Reichsland Elsaß-Lothringen rattaché à l’Empire allemand. Le père, Anselme Cahn, est négociant en tricot ; la mère, Alice Sophie Blum, descend d’une famille de banquiers strasbourgeois, les frères Ratisbonne. Comme Jean Arp, Marcelle Cahn grandit imprégnée de cette double culture franco-allemande, dont elle parle les deux langues ainsi que l’alsacien.

compositeur Giacomo Meyerbeer. Cet héritage musical amène la jeune fille à jouer du piano et du violon, et à s’intéresser à un répertoire varié, incluant jusqu’aux compositions atonales d’Arnold Schönberg.

Fig. 53 1901. Photographie de Gerschel, Strasbourg. Strasbourg, MAMCS

Fig. 52 Vers 1900. Photographie de Van Bosch, Strasbourg. Strasbourg, collection Jean-François Biellmann

1896 Installée 5, rue de la Mésange à Strasbourg, la famille emménage en mars dans un appartement cossu situé 1, rue du Marais-Vert. Naissance le 3 mai de Roger Cahn, le frère de Marcelle. 1904 Déménagement au 14, rue Lamey, où les Cahn resteront jusqu’à la guerre. Tandis qu’Anselme Cahn se passionne pour l’astronomie, Alice joue du piano et fait découvrir la musique à Marcelle. La grand-mère maternelle, d’origine allemande, descend du

1906–1913 École supérieure de jeunes filles des Pontonniers. Cours de dessin à l’école d’Émilie Gross auprès d’Émile Schneider, Joseph Sattler et Georges Ritleng, trois artistes strasbourgeois renommés. Sympathise avec la peintre et affichiste Dorette Muller. Voyages en Allemagne, en France et en Suisse, où les Cahn visitent de nombreux musées. Marcelle est frappée très jeune par le Retable d’Issenheim de Matthias Grünewald exposé au musée Unterlinden à Colmar. « Je me suis mise à dessiner, à essayer de faire des formes qui correspondent aux formes de la nature et qui soient, en quelque sorte, justes. » 1914 Est inscrite à l’École des arts décoratifs de Strasbourg (transférée au château des Rohan, les bâtiments de l’école étant réquisitionnés), où elle

s’essaie au modelage durant un trimestre dans l’atelier de Wetzel. En parallèle, elle étudie la philosophie à l’université de Strasbourg. Sa rencontre avec le peintre Simon Lévy, futur fondateur du groupe de Mai, lui ouvre des horizons artistiques en lui faisant découvrir Cézanne et Van Gogh. Premiers ouvrages sur l’art. « C’est alors que j’ai voulu quitter Strasbourg car je me suis parfaitement rendu compte qu’il n’y avait aucune ouverture possible et que je ne pouvais pas y rester. » 1915 Son fils Roger risquant d’être appelé au front, Alice Cahn emmène ses deux enfants vivre à Berlin ; ils s’installent au 45, Mommsenstrasse, dans le quartier de Charlottenbourg. Marcelle Cahn fréquente les cours d’Eugen Spiro (un oncle de Balthus), où elle s’initie au portrait, et l’atelier de Lovis Corinth à l’école Lewin-Funcke, où elle étudie le nu. Découvre les œuvres impressionnistes et expressionnistes exposées à la galerie Der Sturm dirigée par Herwarth Walden. Suite à un concours, elle intègre, avec son amie Eva Steinthal,

les cours du soir de dessin académique du musée des Arts décoratifs de la ville. « Les ‹ tics › des artistes expressionnistes m’ont beaucoup intéressée. J’ai aimé l’exaltation de la couleur, de la forme. »

Fig. 54 Marcelle avec son frère et Marguerite Steinberger à Kreuznach, vers 1905 Strasbourg, collection Jean-François Biellmann

1917 Fait la connaissance de la poétesse allemande Else Lasker-Schüler. Prend des cours auprès du portraitiste Leo Freiherr von König. 1918 Départ des Cahn de Berlin peu après l’armistice, quelques mois après l’ouverture d’un club Dada dans le quartier de

Fig. 55 Marcelle Cahn avec son frère et sa mère, vers 1905. Strasbourg, MAMCS, don Cercle des amis de Marcelle Cahn et Marie‑Luise Syring

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Charlottenbourg. Marcelle reste jusqu’en 1920 à Strasbourg, où elle travaille seule à des « compositions libres ». « J’ai peint des christs avec des croix vermillon, des tableaux où j’exaltais la couleur. C’était, en somme, une sorte de prolongement de mes contacts avec la peinture expressionniste. » 1920 S’installe à Paris dans une pension de famille située rue Lauriston (16e arr.). C’est le début d’une période de va-et-vient entre Paris et Strasbourg, entre le bouillonnement artistique de la capitale et la solitude alsacienne. Cahn passe ses journées avec sa mère au café du Dôme, dans le quartier de Montparnasse, où se croisent et se côtoient les représentants de l’avant-garde artistique. Les œuvres de Picasso et surtout de Cézanne lui font forte impression. Par l’intermédiaire de la peintre Jacqueline Baumann, elle suit les cours de l’atelier d’Arraujo, que fréquentent aussi Jean Dubuffet et Suzanne Phocas. S’inscrit ensuite durant deux mois à l’académie Ranson, où enseignent Édouard Vuillard, Maurice Denis et Félix Vallotton. « Cézanne m’a marquée. Il est resté pour moi un sommet de la peinture moderne […]. J’ai toujours senti, en somme, dans ses œuvres l’essence de Picasso, quelque chose d’inimitable et d’unique qui est dans chaque ligne, qu’on retrouve dans tout ce qu’il fait. » 1921 De retour à Strasbourg, elle travaille seule et assimile les leçons de ce premier séjour parisien. « À ce moment-là, j’intellectualisais ce que je faisais. C’est ce que j’ai fait par la suite en devenant cubiste puis abstraite. Je me rappelle une énorme nature morte avec beaucoup de pommes, et je cherchais la rondeur de chaque pomme. »

1922 Déménagement dans un immeuble appartenant à la famille d’Alice Cahn, situé 2, boulevard Tauler. 1923 Passe six mois avec sa mère à Zurich, où Marcelle suit des cours de philosophie à l’université, s’intéressant particulièrement à l’œuvre de Nietzsche et de Kant. À l’hôtel, elle fait par hasard la connaissance d’Edvard Munch. Séjourne ensuite, toujours avec sa mère, dans la station suisse de Sils-Maria avant de revenir à Paris. Suit les cours d’Othon Friesz à l’Académie moderne. Figures et natures mortes prédominent dans les œuvres dès cette époque.

Fig. 56 Vers 1911, rue Lamey, Strasbourg Strasbourg, MAMCS, don Cercle des amis de Marcelle Cahn et Marie‑Luise Syring

1924 Retour au travail en solitaire à Strasbourg. « À ces moments-là, je me repliais sur moi-même et je faisais mes recherches. Je m’isolais des autres. Je me suis souvent demandé si, sans ces replis sur moi-même, je serais arrivée à m’exprimer avec la même intensité […]. Je pense aujourd’hui que si je devais recommencer, j’agirais peut-être différemment […]. J’ai éliminé très facilement des choses que j’aurais pu et probablement dû faire, qui m’auraient située. »

1925 Cahn s’installe de nouveau à Paris jusqu’en 1930. Logée à l’hôtel Farnèse, 32, rue Hamelin (16e arr.), elle s’inscrit à l’académie de la Grande Chaumière, où elle dessine le nu d’après modèle. Elle fait la connaissance de Léonce Rosenberg, directeur de la galerie de L’Effort moderne et de la revue éponyme, qui promeut le cubisme. Par son intermédiaire, elle rencontre Fernand Léger, fondateur de l’Académie moderne : elle y suit les corrections de Léger et d’Amédée Ozenfant, ce dernier ayant théorisé le purisme en 1918 avec Charles-Édouard Jeanneret, futur Le Corbusier, dans leur livre Après le cubisme. Premiers tableaux abstraits. Côtoie de nombreux artistes, parmi lesquels Léon Arthur Tutundjian et Nadia Khodossievitch-Grabowska, future épouse de Léger, tout juste arrivée de Russie. Par l’intermédiaire d’un ami de la famille, elle entre par ailleurs en contact avec André Breton et prend part à une des premières réunions surréalistes au café Cyrano, en présence de Louis Aragon, mais sans donner suite. Le 30 novembre, elle participe pour la première fois à une exposition collective, « L’Art d’aujourd’hui », à la Chambre syndicale de la curiosité et des beaux-arts, qui présente un panorama des principaux courants d’avant-garde de l’époque, avec des œuvres de Léger et d’Ozenfant, mais aussi de Pablo Picasso, Paul Klee, Piet Mondrian ou encore Robert Delaunay. En fin d’année, de mauvais placements financiers confiés à son oncle ruinent Marcelle Cahn. C’est le début des difficultés matérielles qui seront son lot sa vie durant. « Mes intérêts en peinture étaient alors dominés par les œuvres de Picasso, Léger et Juan Gris. […] Ozenfant a eu sur moi une influence véritable et je pense que le purisme est présent dans mes choses abstraites […]. Je suis marquée par ce dépouillement total,

absolu du purisme. Et je pense que mes œuvres linéaires depuis 1952 sont une forme puriste de l’abstraction géométrique. » 1926 Adhère à la Société des artistes indépendants, au Salon de laquelle elle figurera l’année suivante, puis périodiquement jusqu’en 1972. En juin-juillet, elle participe avec d’autres élèves de Léger à une exposition à la Galerie d’art contemporain, 138, boulevard Raspail, juste avant de rentrer pour quelques mois à Strasbourg. Le 19 novembre, inauguration de l’exposition de la Société anonyme au Brooklyn Museum à New York, où Cahn, qui a rencontré Marcel Duchamp, créateur de ladite Société avec Katherine Dreier et Man Ray, présente deux tableaux.

Fig. 57 En 1913 au parc de l’Orangerie, Strasbourg. Strasbourg, MAMCS, don Cercle des amis de Marcelle Cahn et Marie‑Luise Syring

1927 Des tableaux de Marcelle Cahn sont montrés à deux reprises dans la galerie de l’éditeur Fernand Aubier qui souhaite prendre l’artiste sous contrat, ce que celle-ci refuse, possiblement en raison de ses engagements auprès de Léonce Rosenberg, et ce malgré ses difficultés financières. Noue des liens d’amitié durables avec Willi Baumeister, 287

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Marcelle Cahn (1895-1981) a longtemps été présentée comme une artiste « discrète », développant humblement son œuvre à l’ombre des grands noms des avant-gardes. L’artiste fait aujourd’hui l’objet d’une nécessaire redécouverte : de l’infiniment petit à la quête d’un espace total, elle a développé un langage épuré et sensible où rigueur et fantaisie constituent le point d’équilibre d’une œuvre portée par la liberté et la poésie du geste, ainsi que le jeu des infinies variations.

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