Joana Vasconcelos I Want To Break Free
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 6-7
17/09/2018 10:11
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 6-7
17/09/2018 10:11
16
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 16-17
17
17/09/2018 10:12
16
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 16-17
17
17/09/2018 10:12
26
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 26-27
27
17/09/2018 10:12
26
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 26-27
27
17/09/2018 10:12
36
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 36-37
37
17/09/2018 10:12
36
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 36-37
37
17/09/2018 10:12
38
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 38-39
39
17/09/2018 10:12
38
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 38-39
39
17/09/2018 10:12
48
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 48-49
49
17/09/2018 10:13
48
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 48-49
49
17/09/2018 10:13
— page 01 – 04 Precious, 2018 Évier en acier inoxydable, crochet en laine fait à la main, tissus, ornements, LED, bloc d’alimentation, contrôleur, polyester Collection de l’artiste
Joana Vasconcelo
— page 01 – 04 Coração Independente Vermelho #1 (Cœur Indépendant Rouge #1), 2008 Couverts en plastique translucide, fer peint, chaîne en métal, moteur, bloc d’’alimentation, installation sonore Chansons interprétées par Amália Rodrigues : Estranha Forma de Vida [Étrange Forme de Vie] (Alfredo Rodrigo Duarte/Amália Rodrigues), Maldição [Malédiction] (Joaquim Campos da Silva/Armando Vieira Pinto), Gaivota [Mouette] (Alain Oulman/Alexandre O’Neill). Autorisation de IPLAY - Som e Imagem/(P) Valentim de Carvalho. Pinault Collection
I Want to Break Free
— page 01 – 04 War Games, 2011 Morris Oxford VI, fusils en plastique, peluches et jouets en plastique, LED, contrôleurs Collection de l’artiste Commande de Modelo Continente Hipermercados, S.A. — page 01 – 04 Spot Me, 1999 Guérite et chaise en bois et fer peints, miroirs, PVC, lampe fluorescente Collection Luis Adelantado, Valence — page 01 – 04 Em Família (En famille), 2004 Tricot en laine fait à la main, cuir nappa, bois, polystyrène Collection de l’artiste — page 01 – 04 Plastic Party, 1997 Contenants en plastique alimentaire, fer métallisé et thermolaqué, MDF peint et vernis, caoutchouc Fundação Joana Vasconcelos, Lisbonne Œuvre produite avec le soutien de Plastidom – Plasticos Industriais e Domésticos — page 01 – 04 Una Dirección, 2003 Cheveux synthétiques, acier inoxydable Collection de l’artiste
64
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 64-65
65
17/09/2018 10:13
— page 01 – 04 Precious, 2018 Évier en acier inoxydable, crochet en laine fait à la main, tissus, ornements, LED, bloc d’alimentation, contrôleur, polyester Collection de l’artiste
Joana Vasconcelo
— page 01 – 04 Coração Independente Vermelho #1 (Cœur Indépendant Rouge #1), 2008 Couverts en plastique translucide, fer peint, chaîne en métal, moteur, bloc d’’alimentation, installation sonore Chansons interprétées par Amália Rodrigues : Estranha Forma de Vida [Étrange Forme de Vie] (Alfredo Rodrigo Duarte/Amália Rodrigues), Maldição [Malédiction] (Joaquim Campos da Silva/Armando Vieira Pinto), Gaivota [Mouette] (Alain Oulman/Alexandre O’Neill). Autorisation de IPLAY - Som e Imagem/(P) Valentim de Carvalho. Pinault Collection
I Want to Break Free
— page 01 – 04 War Games, 2011 Morris Oxford VI, fusils en plastique, peluches et jouets en plastique, LED, contrôleurs Collection de l’artiste Commande de Modelo Continente Hipermercados, S.A. — page 01 – 04 Spot Me, 1999 Guérite et chaise en bois et fer peints, miroirs, PVC, lampe fluorescente Collection Luis Adelantado, Valence — page 01 – 04 Em Família (En famille), 2004 Tricot en laine fait à la main, cuir nappa, bois, polystyrène Collection de l’artiste — page 01 – 04 Plastic Party, 1997 Contenants en plastique alimentaire, fer métallisé et thermolaqué, MDF peint et vernis, caoutchouc Fundação Joana Vasconcelos, Lisbonne Œuvre produite avec le soutien de Plastidom – Plasticos Industriais e Domésticos — page 01 – 04 Una Dirección, 2003 Cheveux synthétiques, acier inoxydable Collection de l’artiste
64
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 64-65
65
17/09/2018 10:13
Joana Vasconcelos Flawless Julie Crenn
origine dans la détermination de l’ensemble de l’équipe des musées à qui je renouvelle mes remerciements : Joëlle Pijaudier-Cabot, qui m’a précédé à la direction des musées, Estelle Pietrzyk, conservatrice en chef du MAMCS, Daniel Del Degan et l’ensemble de l’équipe technique, Delphine Dupuy pour la coordination, Hélène Fourneaux pour le service éducatif et culturel, et plus particulièrement Flore Poindron et Stéphane Lentz pour la médiation, Anne Bocourt et le service communication, Lize Braat et le service éditorial, et bien sûr toutes celles et ceux qui ont contribué à concevoir, coordonner et faire vivre ce projet.
« Pour moi, la sculpture est le corps. Mon corps est ma sculpture. » Louise Bourgeois (1997) 1.
J’adresse mes plus sincères remerciements à la Direction de la culture, à sa directrice Aymée Rogé, ainsi qu’à Marianne Moller, Camille Giertler et Élise Bourgon, pour avoir ardemment soutenu cette saison « Happy 20 », et tout spécialement l’exposition « I Want to Break Free ».
Depuis la fin des années 1990, Joana Vasconcelos se livre à une pratique de la sculpture spectaculairement politique. Ses armes : la démesure, l’humour et un sens aiguisé de la critique. Son œuvre s’inscrit au croisement de mouvements artistiques tels que le surréalisme, le pop art et l’art féministe actif depuis les années 1960. Elle développe une réflexion construite sur la notion d’empowerment telle que celle-ci était utilisée par les militant.e.s féministes dès les années 1970. Elle implique une autonomisation, une reconstruction d’une conscience politisée des systèmes d’oppression, une volonté individuelle et collective de surmonter toutes les formes de domination. Anne-Emmanuèle Calvès précise : « L’empowerment renvoie à des principes, tels que la capacité des individus et des collectivités à agir pour assurer leur bien-être ou leur droit de participer aux décisions les concernant, qui guident la recherche et l’intervention sociale auprès des populations marginalisées et pauvres 2. […]. » Joana Vasconcelos ne fait pas dans la demi-mesure. Elle enfonce le clou d’un pouvoir non partagé en manipulant les stéréotypes et les lieux communs. Elle s’emploie à déconstruire les rapports de domination, mais aussi la binarité et la pensée hiérarchisée. Pour cela, elle se joue des dichotomies féminin/masculin, public/ privé, art/artisanat, kitsch/classique, populaire/élitiste, archaïsme/actualité ou encore tradition/modernité, pour nous amener à penser autrement les idées reçues et les normes imposées. Les retournements, les hybridations et les confrontations favorisent un sens élargi des objets et des matériaux qu’elle utilise dans son travail. À travers une esthétique à la fois percutante et pertinente, elle sélectionne une matière première prélevée dans la culture globalisée – touchant ainsi à des problématiques qui ne connaissent pas de frontières –, mais aussi dans une culture spécifique. Elle s’approprie en effet la culture populaire, l’imagerie et les symboles du Portugal en opérant des déplacements visant à une lecture critique, ou bien à une valorisation de gestes, de techniques, de matériaux, de traditions ou de rituels. Les objets de la vie quotidienne constituent le socle de son œuvre. Joana Vasconcelos s’empare des artefacts de la banalité et les transforme en œuvres
Enfin, cette année-anniversaire prend une dimension très singulière en raison de l’ampleur que la Ville de Strasbourg a bien voulu donner à cette célébration de la création contemporaine, et c’est à ce titre que je tiens à exprimer ma plus vive reconnaissance à M. le Maire, Roland Ries, et à M. le Premier Adjoint en charge de la Culture et du Patrimoine, Alain Fontanel, pour avoir non seulement encouragé, mais tout simplement rendu possible ce moment d’art et de fête. Paul Lang Directeur des Musées de la Ville de Strasbourg
1. Louise Bourgeois : Œuvres récentes, Bordeaux : CAPC-Musée d’art contemporain, 1997. 2. Anne-Emmanuèle Calvès, « Empowerment : généalogie d’un concept clé du discours contemporain sur le développement », Revue Tiers Monde, n° 200, avril 2009, p. 210.
70
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 70-71
71
17/09/2018 10:12
Joana Vasconcelos Flawless Julie Crenn
origine dans la détermination de l’ensemble de l’équipe des musées à qui je renouvelle mes remerciements : Joëlle Pijaudier-Cabot, qui m’a précédé à la direction des musées, Estelle Pietrzyk, conservatrice en chef du MAMCS, Daniel Del Degan et l’ensemble de l’équipe technique, Delphine Dupuy pour la coordination, Hélène Fourneaux pour le service éducatif et culturel, et plus particulièrement Flore Poindron et Stéphane Lentz pour la médiation, Anne Bocourt et le service communication, Lize Braat et le service éditorial, et bien sûr toutes celles et ceux qui ont contribué à concevoir, coordonner et faire vivre ce projet.
« Pour moi, la sculpture est le corps. Mon corps est ma sculpture. » Louise Bourgeois (1997) 1.
J’adresse mes plus sincères remerciements à la Direction de la culture, à sa directrice Aymée Rogé, ainsi qu’à Marianne Moller, Camille Giertler et Élise Bourgon, pour avoir ardemment soutenu cette saison « Happy 20 », et tout spécialement l’exposition « I Want to Break Free ».
Depuis la fin des années 1990, Joana Vasconcelos se livre à une pratique de la sculpture spectaculairement politique. Ses armes : la démesure, l’humour et un sens aiguisé de la critique. Son œuvre s’inscrit au croisement de mouvements artistiques tels que le surréalisme, le pop art et l’art féministe actif depuis les années 1960. Elle développe une réflexion construite sur la notion d’empowerment telle que celle-ci était utilisée par les militant.e.s féministes dès les années 1970. Elle implique une autonomisation, une reconstruction d’une conscience politisée des systèmes d’oppression, une volonté individuelle et collective de surmonter toutes les formes de domination. Anne-Emmanuèle Calvès précise : « L’empowerment renvoie à des principes, tels que la capacité des individus et des collectivités à agir pour assurer leur bien-être ou leur droit de participer aux décisions les concernant, qui guident la recherche et l’intervention sociale auprès des populations marginalisées et pauvres 2. […]. » Joana Vasconcelos ne fait pas dans la demi-mesure. Elle enfonce le clou d’un pouvoir non partagé en manipulant les stéréotypes et les lieux communs. Elle s’emploie à déconstruire les rapports de domination, mais aussi la binarité et la pensée hiérarchisée. Pour cela, elle se joue des dichotomies féminin/masculin, public/ privé, art/artisanat, kitsch/classique, populaire/élitiste, archaïsme/actualité ou encore tradition/modernité, pour nous amener à penser autrement les idées reçues et les normes imposées. Les retournements, les hybridations et les confrontations favorisent un sens élargi des objets et des matériaux qu’elle utilise dans son travail. À travers une esthétique à la fois percutante et pertinente, elle sélectionne une matière première prélevée dans la culture globalisée – touchant ainsi à des problématiques qui ne connaissent pas de frontières –, mais aussi dans une culture spécifique. Elle s’approprie en effet la culture populaire, l’imagerie et les symboles du Portugal en opérant des déplacements visant à une lecture critique, ou bien à une valorisation de gestes, de techniques, de matériaux, de traditions ou de rituels. Les objets de la vie quotidienne constituent le socle de son œuvre. Joana Vasconcelos s’empare des artefacts de la banalité et les transforme en œuvres
Enfin, cette année-anniversaire prend une dimension très singulière en raison de l’ampleur que la Ville de Strasbourg a bien voulu donner à cette célébration de la création contemporaine, et c’est à ce titre que je tiens à exprimer ma plus vive reconnaissance à M. le Maire, Roland Ries, et à M. le Premier Adjoint en charge de la Culture et du Patrimoine, Alain Fontanel, pour avoir non seulement encouragé, mais tout simplement rendu possible ce moment d’art et de fête. Paul Lang Directeur des Musées de la Ville de Strasbourg
1. Louise Bourgeois : Œuvres récentes, Bordeaux : CAPC-Musée d’art contemporain, 1997. 2. Anne-Emmanuèle Calvès, « Empowerment : généalogie d’un concept clé du discours contemporain sur le développement », Revue Tiers Monde, n° 200, avril 2009, p. 210.
70
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 70-71
71
17/09/2018 10:12
Entretien avec Joana Vasconcelos – 29 mai 2018
Estelle Pietrzyk : Votre exposition arrive à un moment particulier de la vie du musée puisque ce sont les vingt ans du musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg. S’il fallait résumer la pensée qui a présidé à la conception de la saison « Happy 20 », je dirais que l’idée était vraiment de tendre la main aux personnes qui ne sont jamais venues au musée depuis vingt ans. Pour ce faire, le « musée-maison » que vous avez imaginé m’apparaît comme la plus belle des propositions. Joana Vasconcelos : Ce lien entre le musée et la maison m’intéresse tout particulièrement car il est depuis toujours présent dans ma démarche artistique. Sans forcément traduire littéralement l’idée de domesticité, mon travail y est étroitement lié et plusieurs de mes expositions y ont fait référence. Bien souvent, mes œuvres partent de la dimension domestique et je me plais à les faire s’approcher de la monumentalité, en les multipliant, en les magnifiant. Ce faisant, elles passent de l’intimité de la maison aux grands espaces institutionnels. J’aime transformer les objets du quotidien ; tous les objets usuels que nous trouvons dans une maison sont dignes d’être regardés autrement que pour leur usage. Pour qu’ils puissent se confronter aux grands espaces, pour qu’ils soient « à la hauteur » d’espaces considérés comme nobles (qu’il s’agisse d’un musée, d’un palais ou de la place publique), je les agence différemment, je les pare et je leur fais dire de nouvelles choses. Pour « I Want to Break Free », le projet de Strasbourg, je suis très heureuse, d’une certaine façon, de faire le chemin inverse : ici, il s’agissait plutôt « de transporter la maison dans le musée », ce que nous avons fait en transformant la salle d’exposition en appartement. À ce titre, c’est une exposition différente pour moi car elle touche à la sphère privée. J’ai privilégié les petits et moyens formats, option que je n’avais jamais développée jusqu’à présent et dont je suis curieuse du résultat. E. P. : Même si elle peut apparaître comme extrêmement fantaisiste, cette maison est en réalité très organisée : toutes les salles s’enchaînent parfaitement, à la façon des chansons dans les albums-concepts de Pink Floyd ou de David Bowie, où chacune d’entre elles a une place bien déterminée dans le disque. Est-ce aussi précisément scénarisé ? J. V. : Absolument. On entre dans une grande salle, très ouverte, pour aller ensuite vers des espaces plus pincés et ramassés, pour terminer avec à nouveau une ouverture sur le monde. C’est comme un récit avec ses moments
82
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 82-83
83
17/09/2018 10:12
Entretien avec Joana Vasconcelos – 29 mai 2018
Estelle Pietrzyk : Votre exposition arrive à un moment particulier de la vie du musée puisque ce sont les vingt ans du musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg. S’il fallait résumer la pensée qui a présidé à la conception de la saison « Happy 20 », je dirais que l’idée était vraiment de tendre la main aux personnes qui ne sont jamais venues au musée depuis vingt ans. Pour ce faire, le « musée-maison » que vous avez imaginé m’apparaît comme la plus belle des propositions. Joana Vasconcelos : Ce lien entre le musée et la maison m’intéresse tout particulièrement car il est depuis toujours présent dans ma démarche artistique. Sans forcément traduire littéralement l’idée de domesticité, mon travail y est étroitement lié et plusieurs de mes expositions y ont fait référence. Bien souvent, mes œuvres partent de la dimension domestique et je me plais à les faire s’approcher de la monumentalité, en les multipliant, en les magnifiant. Ce faisant, elles passent de l’intimité de la maison aux grands espaces institutionnels. J’aime transformer les objets du quotidien ; tous les objets usuels que nous trouvons dans une maison sont dignes d’être regardés autrement que pour leur usage. Pour qu’ils puissent se confronter aux grands espaces, pour qu’ils soient « à la hauteur » d’espaces considérés comme nobles (qu’il s’agisse d’un musée, d’un palais ou de la place publique), je les agence différemment, je les pare et je leur fais dire de nouvelles choses. Pour « I Want to Break Free », le projet de Strasbourg, je suis très heureuse, d’une certaine façon, de faire le chemin inverse : ici, il s’agissait plutôt « de transporter la maison dans le musée », ce que nous avons fait en transformant la salle d’exposition en appartement. À ce titre, c’est une exposition différente pour moi car elle touche à la sphère privée. J’ai privilégié les petits et moyens formats, option que je n’avais jamais développée jusqu’à présent et dont je suis curieuse du résultat. E. P. : Même si elle peut apparaître comme extrêmement fantaisiste, cette maison est en réalité très organisée : toutes les salles s’enchaînent parfaitement, à la façon des chansons dans les albums-concepts de Pink Floyd ou de David Bowie, où chacune d’entre elles a une place bien déterminée dans le disque. Est-ce aussi précisément scénarisé ? J. V. : Absolument. On entre dans une grande salle, très ouverte, pour aller ensuite vers des espaces plus pincés et ramassés, pour terminer avec à nouveau une ouverture sur le monde. C’est comme un récit avec ses moments
82
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 82-83
83
17/09/2018 10:12
de grâce et de tension qui s’achève par un retour à la réalité après un moment de déconnexion.
Ill. 1 : Esposas (Épouses/Menottes), 2005 Ill. 2 : Spin, 2001
E. P. : Cette exposition confronte plusieurs de vos œuvres très connues (Betty Boop ou Coração Independente Vermelho #1 (Cœur #1)) et des pièces moins vues, plus anciennes et beaucoup plus tendues aussi. Je pense à Esposas (Épouses/Menottes), par exemple.
ll. 3 : Coração Independente Preto, 2006, Coração Independente Dourado, 2004 et Coração Independente Vermelho, 2005 Ill. 4 : Oopsy Daisy, 2016
J. V. : Oui, c’est vrai. Quand on travaille sur une exposition, il y a toujours, au fil de la préparation, des œuvres auxquelles on renonce. Souvent, ce sont les œuvres les plus dures qui sont mises de côté ; il s’avère que ce sont aussi, la plupart du temps, les plus intimes. Au MAMCS cette année, j’expose des œuvres que je n’avais jamais ou quasiment jamais montrées. C’est le cas de Esposas, qui met en scène des mannequins hommes s’éloignant de mannequins femmes, tous étant entravés par des menottes et ne croisant jamais leurs regards, tandis qu’au mur la photo en pied d’une femme, elle aussi entravée, plonge ses yeux dans ceux du regardeur [Ill. 1 et p. xx]. Esposas est pour moi une œuvre extrêmement personnelle – je dirais même autobiographique –, que je n’ai présentée que très peu de fois mais qui fait sens dans le contexte de l’exposition « I Want to Break Free ». À Strasbourg, tout le projet scénographique (les corniches qui abaissent le niveau de la hauteur sous plafond, très importante dans cette salle, et qui lui redonnent une échelle domestique, les arrondis qui viennent se substituer aux arêtes saillantes) a été conçu pour être un écrin à même d’accueillir cette intimité. Parallèlement au projet de Strasbourg, je travaillais sur l’exposition du musée Guggenheim 1. où, là, j’ai privilégié les formats monumentaux. C’était très étrange de penser deux projets aussi différents quasiment simultanément – étrange et intéressant car cela m’a permis de regarder à nouveau certaines œuvres.
Ill. 1
E. P. : Pour « I Want to Break Free », le parti pris scénographique est, il est vrai, manifeste, orienté. Il laisse néanmoins une grande liberté au visiteur qui demeure véritablement acteur de sa visite. Comment percevez-vous l’appropriation que peut faire le public de votre travail ?
Ill. 2
J. V. : Cette exposition est très interactive mais pas seulement pour la sollicitation physique – qu’elle soit visuelle, sonore, tactile ou même olfactive (je pense à Brise) – qu’elle offre au visiteur. Elle fait aussi appel à sa mémoire, son intimité, son quotidien : la plupart des objets que l’on y rencontre sont des objets connus de tous, que l’on conserve chez soi. Dès lors, il y a une relation immédiate qui se crée entre les œuvres réalisées à partir de ces objets « chargés » et celui ou celle qui parcourt l’exposition : bien que se trouvant dans un musée, il ou elle retrouve sa casserole (Betty Boop), son sèche-cheveux (Spin) [Ill. 2], son réfrigérateur (Menu do Dia (Menu du jour)), dont il conserve un souvenir précis lié à sa vie de tous les jours. Et bien souvent, ce souvenir sera, en effet, un souvenir sensoriel. Ce sont ces deux niveaux d’interactions
Ill. 3
1. Exposition « Je suis ton miroir », Guggenheim Museum, Bilbao, 26 juin-11 novembre 2018.
Ill. 4
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 84-85
84
85
17/09/2018 10:13
de grâce et de tension qui s’achève par un retour à la réalité après un moment de déconnexion.
Ill. 1 : Esposas (Épouses/Menottes), 2005 Ill. 2 : Spin, 2001
E. P. : Cette exposition confronte plusieurs de vos œuvres très connues (Betty Boop ou Coração Independente Vermelho #1 (Cœur #1)) et des pièces moins vues, plus anciennes et beaucoup plus tendues aussi. Je pense à Esposas (Épouses/Menottes), par exemple.
ll. 3 : Coração Independente Preto, 2006, Coração Independente Dourado, 2004 et Coração Independente Vermelho, 2005 Ill. 4 : Oopsy Daisy, 2016
J. V. : Oui, c’est vrai. Quand on travaille sur une exposition, il y a toujours, au fil de la préparation, des œuvres auxquelles on renonce. Souvent, ce sont les œuvres les plus dures qui sont mises de côté ; il s’avère que ce sont aussi, la plupart du temps, les plus intimes. Au MAMCS cette année, j’expose des œuvres que je n’avais jamais ou quasiment jamais montrées. C’est le cas de Esposas, qui met en scène des mannequins hommes s’éloignant de mannequins femmes, tous étant entravés par des menottes et ne croisant jamais leurs regards, tandis qu’au mur la photo en pied d’une femme, elle aussi entravée, plonge ses yeux dans ceux du regardeur [Ill. 1 et p. xx]. Esposas est pour moi une œuvre extrêmement personnelle – je dirais même autobiographique –, que je n’ai présentée que très peu de fois mais qui fait sens dans le contexte de l’exposition « I Want to Break Free ». À Strasbourg, tout le projet scénographique (les corniches qui abaissent le niveau de la hauteur sous plafond, très importante dans cette salle, et qui lui redonnent une échelle domestique, les arrondis qui viennent se substituer aux arêtes saillantes) a été conçu pour être un écrin à même d’accueillir cette intimité. Parallèlement au projet de Strasbourg, je travaillais sur l’exposition du musée Guggenheim 1. où, là, j’ai privilégié les formats monumentaux. C’était très étrange de penser deux projets aussi différents quasiment simultanément – étrange et intéressant car cela m’a permis de regarder à nouveau certaines œuvres.
Ill. 1
E. P. : Pour « I Want to Break Free », le parti pris scénographique est, il est vrai, manifeste, orienté. Il laisse néanmoins une grande liberté au visiteur qui demeure véritablement acteur de sa visite. Comment percevez-vous l’appropriation que peut faire le public de votre travail ?
Ill. 2
J. V. : Cette exposition est très interactive mais pas seulement pour la sollicitation physique – qu’elle soit visuelle, sonore, tactile ou même olfactive (je pense à Brise) – qu’elle offre au visiteur. Elle fait aussi appel à sa mémoire, son intimité, son quotidien : la plupart des objets que l’on y rencontre sont des objets connus de tous, que l’on conserve chez soi. Dès lors, il y a une relation immédiate qui se crée entre les œuvres réalisées à partir de ces objets « chargés » et celui ou celle qui parcourt l’exposition : bien que se trouvant dans un musée, il ou elle retrouve sa casserole (Betty Boop), son sèche-cheveux (Spin) [Ill. 2], son réfrigérateur (Menu do Dia (Menu du jour)), dont il conserve un souvenir précis lié à sa vie de tous les jours. Et bien souvent, ce souvenir sera, en effet, un souvenir sensoriel. Ce sont ces deux niveaux d’interactions
Ill. 3
1. Exposition « Je suis ton miroir », Guggenheim Museum, Bilbao, 26 juin-11 novembre 2018.
Ill. 4
MDS _Vasconcelos_catalogue_Interior_03.indd 84-85
84
85
17/09/2018 10:13
I Want To Break Free
I Want To Break Free
JoanaVasconcelos
Joana Vasconcelos