N°1 MARS / AVRIL 2006
revue de formation à comité de lecture
Actualités en perspective - Grippe humaine et peste aviaire - Peste aviaire et diagnostic différentiel des mortalités brutales des volailles
Ruminants - Maîtrise des mammites cliniques postpartum : épidémiologie, diagnostic traitement et prévention - Les mammites cliniques ovines : étiologie - Mammites et troubles dys-immunitaires : mythe ou réalité ? - Synthèse d’essais efficacité des traitements préventifs - La non délivrance des vaches : traiter ou ne pas traiter ? - Chirurgie réparatrice lors de la mise bas - Nutrition - Réduction de la durée de tarissement - Observation clinique : Stéato-cétoses sévères avec mortalité sur des vaches laitières
Porcs - volailles
DOSSIERS : - LE PERIPARTUM des ruminants - LA PESTE AVIAIRE
FMCvét
formation médicale continue vétérinaire
- Comprendre l’épidémiologie L’incidence et la prévalence - Étude de cas de l’internat - Mortinatalités atypiques en élevage bovin allaitant - Synthèse - Les effet de l’infection par l’agent de la paratuberculose bovine - Revue de presse internationale - Une sélection des meilleurs articles - Tests de formation - Les réponses
- L’herpès virose du canard ou peste du canard : - une maladie mésestimée ? - comment prévenir la maladie chez le canard ? - Observation clinique dans un élevage multi-espèces - Cas d’élevage - Diarrhée hémorragique fatale dans un atelier de porcs
Comprendre et agir - Enjeux économiques La nouvelle PAC et sa mise en œuvre en France - L’abord du troupeau Comment interpréter les comptages cellulaires dans un troupeau laitier - Management de l’entreprise 2006, année de la valorisation des services
sommaire Éditorial par Maryvonne Barbaray Éditorial scientifique par François Schelcher Test clinique - Ulcérations du trayon chez une vache laitière
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Nicolas Flament, Jean-Marie Gourreau, Éric Dulau, Jean-Pierre Brunetière
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ACTUALITÉS EN PERSPECTIVE - Grippe humaine et peste aviaire, la confusion des mots et l’imbroglio des mots - Peste aviaire : diagnostic différentiel des mortalités brutales chez les volailles Arlette Laval
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Paul-Julien Charlety, Gilles Lagriffoul, Xavier Berthelot
- Mammites et troubles dysimmunitaires du péripartum chez la vache : mythe ou réalité ? - Comment renforcer la résistance de la vache aux infections mammaires du peripartum : les mesures à court et à moyen terme Gilles Foucras, Fabien Corbières, Gilles Meyer, François Schelcher
MARS / AVRIL 2006
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BOVINS ET PETITS RUMINANTS - Maîtrise des mammites cliniques en peripartum : une nouvelle priorité, épidémiologie descriptive et diagnostic Xavier Berthelot, Dominique Bergonier - Maîtrise des mammites cliniques en peripartum : traitement et prévention - Les mammites clinique ovines viennent de livrer leurs “derniers” secrets étiologiques ... Dominique Bergonier, Régis Duquesnel, Roland Brugidoux,
N°1
DOSSIERS 17 23
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- LA PESTE AVIAIRE - LE PERIPARTUM des ruminants
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Synthèse d’essais - Nouvelles infections intramammaires pendant la période de tarissement : l’efficacité des traitements préventifs Nathalie Bareille, Aurélie Robert, Henri Seegers
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- La non délivrance : traiter ou ne pas traiter chez la vache ? Nicole Picard-Hagen, Philippe Le Page, Xavier Berthelot
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- Délivrance manuelle, le point de vue du praticien : résultats d’une enquête Philippe Le Page, Xavier Berthelot, Nicole Picard-Hagen
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- Chirurgie réparatrice lors de la mise bas Sébastien Assié, Raphaël Guattéo, Frédéric Lemarchand, Simon Bouisset
Nutrition - Réduction de la durée de tarissement : quels effets zootechniques et métaboliques, actualité bibliographique Francis Enjalbert Observation clinique - Stéato-cétoses sévères avec mortalité sur des vaches laitières Didier Raboisson, Clément Mestdagh, François Roumegous, Francis Enjalbert, François Schelcher
54 59
61
PORCS - VOLAILLES - L’herpèsvirose ou peste du canard : - une maladie mésestimée ? - comment prévenir la maladie chez le canard ? - Observation clinique - Herpèsvirose dans un élevage multi-espèces
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Cyril Boissieu, Antoine Mercier, Thierry Gavaret, Jean-Luc Guérin 73 Cas d’élevage - Diarrhée hémorragique fatale dans un atelier d’engraissement de 74 porcs Hervé Morvan, Bruno Nevers, Philippe Dorchies, Guy-Pierre Martineau
COMPRENDRE ET AGIR Enjeux économiques - La nouvelle P.A.C. et sa mise en œuvre en France Pierre Sans
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L’abord du troupeau - Savoir interpréter les comptage cellulaires dans un troupeau bovin laitier Henri Seegers, Nathalie Bareille Management de l’entreprise - 2006, année de la valorisation des services
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Philippe Baralon
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FMCvét - formation médicale continue vétérinaire Comprendre l’épidémiologie - 1. Incidence et prévalence Bernard Toma Étude de cas de l’internat - Mortinalités atypiques en élevage bovin allaitant
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Simon Quilly, Nathalie Bareille, Alain Girard, Sébastien Assié 91 Revue de presse internationale - Rubrique dirigée par Sébastien Assié, Didier Raboisson, François Schelcher et Henri Seegers? Un panorama des meilleurs articles : notre sélection Sébastien Assié, Catherine Belloc, Pierre Le Mercier, Alexis Kiers 96
Synthèse - Les effets de l’infection par l’agent de la paratuberculose sur la production laitière des vaches François Beaudeau, Maud Belliard, Alain Joly, Henri Seegers
Test clinique - Les réponses Tests de formation continue et d’épidémiologie - Les réponses
Souscription d’abonnement en page 90
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ACTUALITÉS RUMINANTS PORCS-VOLAILLES COMPRENDRE ET AGIR FMC Vét LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 3
test clinique
NÉVA Europarc - 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 E-mail neva@neva.fr
ulcérations du trayon
Conseil scientifique Jean-Pierre Alzieu (praticien), Xavier Berthelot (E.N.V.L.) Jean-Luc Chatré (praticien), Gérard Desjouis (praticien) Philippe Dorchies (E.N.V.T.), Marc Gogny (E.N.V.N.) Arlette Laval (E.N.V.N.), Marc Savey (A.F.S.SA.) François Schelcher (E.N.V.T.), Henri Seegers (E.N.V.N.) Bernard Toma (E.N.V.A.), Pierre-Louis Toutain (E.N.V.T.)
Rédacteurs en chef Sébastien Assié (E.N.V.N.) Nicole Picard-Hagen (E.N.V.T.)
Comité de rédaction Marie-Anne Arcangioli (Pathologie des ruminants, E.N.V.L.) Philippe Baralon (Management de l’entreprise, Phylum) François Baudeau (Gestion de la santé animale, E.N.V.N.) Nathalie Bareille (Gestion de la santé animale, E.N.V.N.) Dominique Bergonier (Reproduction, E.N.V.T.) Florence Buronfosse (Toxicologie, E.N.V.L.) Didier Calavas (A.F.S.SA., Lyon) Alain Douart (Pathologie des ruminants, E.N.V.N.) Francis Enjalbert (Nutrition, E.N.V.T.) Gilles Foucras (Pathologie des ruminants, E.N.V.T.) Olivier Gauthier (chirurgie, E.N.V.N.) Norbert Giraud (praticien) Jean-Marie Gourreau (A.F.S.SA.Alfort) Jean-Luc Guérin (Élevages avicoles et porcins, E.N.V.T.) Jacques Guillot (Parasitologie - mycologie, E.N.V.A.) Hervé Hoste (Parasitologie, E.N.V.T.) Christophe Hugnet (praticien) Jean-François Jamet (praticien) Frédéric Lemarchand (Terrena) Guy-Pierre Martineau (Élevages porcins, E.N.V.T.) Gilles Meyer (Pathologie des ruminants, E.N.V.T.) Yves Milleman ((Pathologie des ruminants, E.N.V.T.) Jean-Marie Nicol (praticien) Didier Raboisson (Pathologie des ruminants, E.N.V.T.) Frédéric Rollin (Liège) Pascal Sanders (A.F.S.SA.Fougères) Pierrer Sans (Économie, E.N.V.T.)
chez une vache laitière
E
Nicolas Flament1 Jean-Marie Gourreau2 Éric Dulau1 Jean-Pierre Brunetière3
n septembre 2005, le propriétaire d’un élevage de 50 vaches laitières de race Prim’Holstein et de 130 taurillons fait appel à son vétérinaire pour une boiterie sur une vache de 30 mois.
1 Clinique
vétérinaire Saint-Léonard La Barre-Melay, 49120 Chemillé. 2 A.F.S.S.A.-L.E.R.P.A.Z. B.P. 67, 94703 Maisons-Alfort cedex 3 S.A.R.L. Godin Z.I. de la Guimonière 49620 La Pomeraye-sur-Loire.
L’ABORD DE L’ANIMAL Lors de l’examen clinique, un énorme ulcère profond de 2 cm de largeur, situé à la base du trayon antérieur gauche est observé sur l’animal. Cette lésion, qui s’étend sur tout le pourtour du trayon, est recouverte, à sa partie antérieure, d’une volumineuse croûte (photo 1). La partie distale de l’organe est œdématiée. Un ulcère superficiel est présent sur la face arrière droite de la mamelle (photo 2). pasuite page 8 ●
Chargée de mission rédaction Valérie Colombani
Secrétaire de rédaction David Jourdan Abonnements : Maryse Mercan Infographie, mise en page : Maxime Roguier Gestion des abonnements et comptabilité : Marie Servent Publicité : Maryvonne Barbaray
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NÉVA Europarc - 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 e-mail neva@neva.fr
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Ulcère profond en anneau à la base du trayon. - La lésion est recouverte d’une croûte cicatricielle attestant de l’ancienneté du processus pathologique (photos N. Flament).
Directeur de la publication
Ulcère superficiel sur la face postérieure de la mamelle, en arrière du trayon ulcéré. - Comme sur la photo 1, la lésion est ancienne.
Maryvonne Barbaray
comité de lecture
Revue bimestrielle éditée par LES NOUVELLES ÉDITIONS VÉTÉRINAIRES ET ALIMENTAIRES - NÉVA Prix de vente au N° : 37€, U.E. :38€ Tarifs d’abonnement : voir p. 90 S.A.R.L. au capital de 7622€ Siège social : Europarc 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX C.P.P.A.P en cours I.S.S.N. en cours Impression - photogravure : Imprimerie Nouvelle Normandie 24, rue Haëmers B.P. 14 - 76191 YVETOT Cedex
Toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de la présente publication sans autorisation est illicite et constitue une contrefaçon. L’autorisation de reproduire un article dans une autre publication doit être obtenue auprès de l’éditeur, NÉVA. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit de la copie (C.F.C.). LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE Élevages et santé 4 - MARS / AVRIL 2006
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Laurent Alves de Oliveira, Thierry Baron, Jean-Jacques Bénet, Maud Belliard, Catherine Belloc, Pierre Bézille, Simon Bouisset, André Desmecht, Cyril Boissieu, Alain Bousquet-Melou, Gilles Bourdoiseau, Régis Braque, Christophe Chartier, Sylvie Chastant-Maillard, René Chermette, Eric Collin,
Fabien Corbières, Roland Darré, Stéphane Daval, Jean-Claude Desfontis, André Desmecht (Liège), Alain Ducos, Pascal Dubreuil (Québec) Barbara Dufour, Jean-Michel Fabre, Pascal Fanuel, Gilles Fecteau (Québec) Cécile Ferrouillet (U.S.A.), Christine Fourichon,
Bruno Garin-Bastuji , François Gary, Christian Gipoulou Norbert Gauthier, Denis Grancher, Raphaël Guatteo, Christian Hanzen (Liège), Philippe Jacquiet, Alain Joly, Martine Kammerer, Caroline Lacroux, Dominique Legrand, Xavier Malher, Hervé Morvan, Hervé Navetat,
Philippe Le Page, Bertrand Losson (Liège), Renaud Maillard, Hervé Pouliquen, Jean-Dominique Puyt, Paul-Pierre Pastoret (Liège), Pierre- Emmanuel Radigue, François Roumegous, Adrian Steiner (Suisse), Étienne Thiry (Liège), Olivier Salat, Brigitte Siliart, Henri Viel, Lionel Zenner.
éditorial Notre défi : s’adresser à tous et à toutes dans chaque numéro, et construire ensemble un langage commun à tous les vétérinaires qui participent au développement des productions animales ...
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l’heure où la demande de formation continue vétérinaire validée se fait de plus en plus forte, NÉVA propose le NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé, déclinant le concept du NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE canine, féline (créé en 2000) et du NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE équine (créé en 2004) avec des originalités fortes, liées aux problématiques des productions animales et à la place du vétérinaire dans les élevages. Notre objectif éditorial qui est aussi notre défi est de s’adresser à tous et à toutes dans chaque numéro, pour construire ensemble un langage commun à tous les vétérinaires qui participent au développement des productions animales. Une double originalité fonde notre démarche : d’une part, former et informer sur la pathologie dans l’ensemble des systèmes d’élevage, d’autre part, approfondir la compréhension de l’actualité médiatique, économique, politique, et des grands enjeux les concernant. Ainsi, le cœur de la revue sera consacré aux affections qui sont présentes dans l’ensemble des animaux d’élevage regroupées en deux pôles, les ruminants d’un côté, les porcs et volailles de l’autre. Chacun d’entre eux fera l’objet d’un “cahier” distinct autour d’un thème constituant un dossier clair et pratique, assurant une mise à jour des connaissances essentielles. Chez les ruminants, le but est de continuer à approfondir l’abord de l’individu tout en l’intégrant dans son unité de vie : le troupeau ; chez les porcs et les volailles, il s’agit de privilégier l’abord de la pathologie dans son contexte de production, notamment en ce qui concerne les affections émergentes ou réémergentes.
Maryvonne Barbaray
NÉVA Europarc - 15, rue Le Corbusier 94035 Créteil Cedex neva@neva.fr
Ces informations, en relation directe avec l’action du vétérinaire en élevage ne peuvent pas être déconnectées de l’actualité, ni des déterminants économiques et manageriaux des entreprises, aussi bien de l’entreprise vétérinaire que de la macro et de la micro-économie des élevages : aussi, deux “cahiers” encadrent ces dossiers centraux : l’un propose une mise en perspective de l’actualité, indispensable dans une époque marquée par l’instantanéité des analyses et des réactions, l’autre permet de comprendre et d’agir en focalisant l’information sur les aspects macro-économiques (rubrique “enjeux économiques”), micro-économiques (rubriques “management de l’entreprise”), et méthodologiques (rubrique “l’abord du troupeau”).
Si ces “cahiers” contribuent à la formation permanente, un effort particulier est mis en œuvre pour la valoriser dans le 5e cahier intitulé : “FMC Vét” : celui-ci comprend la “Revue internationale”, rubrique qui apporte aux lecteurs une ouverture sur les publications internationales, à travers une sélection d’articles choisis et résumés, et une rubrique de “Synthèses” thématiques. Afin de contribuer à l’actualisation permanente des connaissances nécessaires à l’exercice professionnel en productions animales, les travaux conduits dans le cadre des internats spécialisés des Écoles disposeront, dans cette perspective, d’une rubrique régulière qui permettra de suivre le développement de la formation des futurs spécialistes et son apport à l’ensemble des vétérinaires. Ce cahier inclura de plus, une série d’articles consacrés à une discipline dont l’évolution et l’importance justifient qu’elle fasse l’objet d’une mise au point synthétique ; cette première série sera consacrée à l’Épidémiologie descriptive. Enfin, ce dernier cahier de la revue sera le lieu des réponses des tests d’auto-évaluation auxquels nous vous proposons de répondre, avant ou après la lecture des articles ... e NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé sera une revue bimestrielle : déclinée chaque année en cinq numéros à thème et un Hors-série : en 2006, celui-ci sera consacré à “Vaccins et vaccinations : le renouveau”.
pour recevoir le prochain numéro ... abonnez-vous dès maintenant pour recevoir le N°2 (mai-juin-juillet) cf. la lettre d’abonnement jointe à ce numéro et le bulletin d’abonnement page 90
L
Ces informations ont été organisées par l’équipe qui a conçu le projet et qui dirige la rédaction : un conseil scientifique composé d’enseignants-chercheurs, de chercheurs, de spécialistes, de praticiens animés par deux rédacteurs en chef. Des comités de rédaction et de lecture pluridisciplinaires appuient cette équipe. Leur objectif : mettre à la portée du plus grand nombre de vétérinaires et d’étudiants des informations évaluées et pédagogiques. Nous espérons que cette revue devienne la vôtre. N’hésitez pas à nous confier vos impressions et vos propositions dès votre lecture de ce N°1 ! Bonne lecture à tous. ❒
Pour tout renseignement : NÉVA - Nouvelles Éditions Vétérinaires et Alimentaires EUROPARC 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX - FRANCE
tél : (33) 1 41 94 51 51 fax : (33) 1 41 94 51 52 e-mail neva@neva.fr
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LE NOUVEAU PRATCIEN VÉTÉRINAIRE Élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 7
éditorial Gageons que ces publications constitueront un fond de référence sur les thèmes abordés ...
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ans le dossier Ruminants de ce 1er numéro du NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE Élevages et santé sont développés différents aspects cliniques, physiopathologiques et de maîtrise des troubles du peripartum, articulés autour de deux entités majeures, les mammites et les non délivrances. La mise bas s'accompagne en effet de très profonds bouleversements physiologiques, caractérisés bien évidemment par la naissance du veau, par l'expulsion des enveloppes fœtales, mais aussi par le démarrage de la lactation. Le climat hormonal est fortement modifié dans les quelques jours qui entourent la mise bas. La demande en nutriments, nécessaires à la production de lait, s'accroît de façon considérable. Les modifications induites concernent, outre l'utérus et la glande mammaire, l'appareil digestif 2. Ce contexte est favorable à l'expression d'un grand nombre de troubles qui se manifestent ou sont initiés dans les deux semaines après la mise bas : rétention placentaire, fièvre de lait, cétose, déplacements de la caillette, mammites. Des causes alimentaires sont directement à l'origine des fièvres de lait, des cétoses avec en résumé l'incapacité des vaches atteintes à maintenir leur homéostasie face, respectivement, à des bilans calciques et énergétiques négatifs. Par ailleurs, des facteurs nutritionnels interviennent également, de manière indirecte via l'immunité, dans la sensibilité aux maladies à composante infectieuse, et jouent un rôle dans l'apparition de troubles d'origine complexe tels que les rétentions placentaires, les œdèmes mammaires et les déplacements de la caillette 3. La gestion de l'alimentation dans les trois dernières semaines de gestation et dans les six semaines post-partum (qualifiée de transition period par les anglo-saxons) constitue un des leviers majeurs de la prévention des troubles cliniques 1. Ce dossier propose un ensemble d’informations issues des plus récentes études françaises et étrangères, consacrées à l’ensemble des affections qui se développent dans cette période du peripartum. Elles intéressent en premier lieu les mammites. Les mammites aiguës du post-partum constituent une dominante pathologique dont l’importance ne cesse de croître chez les bovins (article de X. Berthelot et coll.). En symétrique, chez la brebis, sont rapportés les résultats diagnostiques et thérapeutiques sur des mammites aiguës en post partum (article de D. Bergonier et coll). Un point bibliographique est réalisé sur la réponse immunitaire de la vache en péri-partum, facteur de développement des infections mammaires et utérines (article de G. Foucras et coll). L'efficacité des traitements préventifs des nouvelles infections mammaires est discutée (article de N. Bareille et coll). La non délivrance dans l'espèce bovine est abordée sous forme d'une revue de synthèse (article de N. Hagen et coll), et sous l'angle d'une enquête de terrain dans l'ouest de la France (article de Ph. Le Page et coll). La gestion des risques de maladies métaboliques est envisagée, à la lumière d’actualités bibliographiques, sous l'angle original de la durée de tarissement (article de F. Enjalbert). Un cas de clinique collective est consacré à un syndrome de céto-stéatose avec mortalité sur vaches laitières (article de D. Raboisson et coll). Les aspects médico-chirurgicaux individuels ne sont pas oubliés, avec une revue des accidents de vêlage et des techniques de réparation (article de S. Assié et coll). En résumé, ce dossier, évidemment non exhaustif, aborde plusieurs aspects sanitaires importants du peri-partum, aussi bien dans les systèmes laitiers qu'allaitants, sous des éclairages explicatifs et de conduites à tenir pratique. Le souci de rigueur scientifique est constamment affiché non seulement dans les articles de synthèse mais aussi dans les articles d'observations cliniques.
François Schelcher Département Élevage, produits et Santé publique E.N.V.T. 23, chemin des Capelles, BP 87614 31076 Toulouse cedex 03
Références 1. Cook et Nordlund. Vet Clin North Am 2004;20:xi.
L’actualité de ces derniers mois a été indubitablement marquée chez les oiseaux par la progression épizootique de la peste aviaire de l’Asie vers l’Europe occidentale. Deux articles y sont consacrés avec une mise en perspective du risque zoonotique, et un rappel sur le diagnostic différentiel de la peste du canard, bien présente en France, et mieux connue dans notre pays grâce aux travaux de l’équipe qui a rédigé la mise au point (J.-L. Guérin école).
2.Goff et Horst J. Dairy Science 1997;80:1260. 3. Goff et al J. Dairy Science 2006, 89, 1292.
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ageons que pour les praticiens et les étudiants, ces publications seront lues, dès la réception de la revue avec un plaisir et un attrait majeurs, et qu'elles constitueront un fond de référence sur les thèmes abordés. ❒
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LE NOUVEAU PRATCIEN VÉTÉRINAIRE Élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 7
test clinique - ulcérations du trayon chez une vache laitière suite de la page 4
À la visite suivante, 10 jours plus tard, l’animal est anorexique, en hyperthermie. La lésion du trayon n’a pas évolué. En revanche l’ulcère cutané de la mamelle s’est accentué (photo 3). ● L’examen clinique révèle : - un cœur difficilement audible ; - des veines jugulaires hypertendues ; - une arumination. ● Une réticulo-péritonite traumatique est suspectée. ● Des antibiotiques et des corticoïdes sont administrés à l’animal (Histacline®, 50 ml par jour pendant 5 jours, par voie intramusculaire). Un aimant est posé. ● Le lendemain, une légère amélioration est notée, l’appétit et la rumination sont retrouvés. Mais la boiterie est toujours présente et, selon l’éleveur, "la vache semble souffrir de toutes ses articulations". ● L’état de l’animal ne cesse alors de se détériorer et, un mois et demi plus tard, elle est euthanasiée chez l’éleveur en raison de son mauvais état général : décubitus latéral, escarres et abcès. Les lésions mammaires ne se sont pas améliorées (photo 4). ● L’état du trayon lors de la visite initiale nous a conduit à suspecter un mauvais réglage de la machine à traire et à envisager une visite de traite. ●
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Même lésion que sur la photo 3, un mois et demi plus tard. - L’ulcère s’est creusé et s’est recouvert d’une croûte épaisse, mais aucune amélioration n’est notée.
L’ABORD DU TROUPEAU L’examen des trayons des autres animaux au moment de cette visite a révélé, sur une vingtaine d’entre, eux : - la présence d’anneaux de compression (photo 5) ; - des lésions de parakératose ; - quelques éversions de sphincter. ● Cette affection semble assez récurrente dans l’élevage : une autre vache de 24 mois a été suivie au cours de l’hiver précédent pour une lésion du trayon. L’atteinte était similaire à celle présentée par la 1re vache, mais la croûte recouvrait l’ensemble du trayon. La non valeur économique de cette 2nde vache a conduit à la faire admettre, en mars 2005, dans le service de médecine des animaux d’élevage de l’École nationale vétérinaire de Nantes. Entre temps, le trayon était tombé, ce qui avait entraîné une mammite du quartier antérieur et une polyarthrite du grasset et du jarret gauches. L’arthrite a été considérée comme vraisemblablement consécutive à la dissémination
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Anneau de compression typique à la base du trayon de l’un des autres animaux de l’exploitation. - Cette lésion caractéristique est due à un vide trop poussé dans la machine à traire (photos N. Flament).
TEST CLINIQUE
Réponses à ce test page 101 LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 8 - MARS / AVRIL 2006
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Ulcération de grande taille en arrière du trayon atteint. - Du bleu de méthylène est appliqué par l’éleveur sur l’ensemble des lésions dans le but d’accélérer la cicatrisation et d’éviter les surinfections. Le trayon est très œdématié.
de germes par voie hématogène à partir de la mamelle. ● Les boiteries et les affections des membres sont également récurrentes dans cet élevage : à la suite d’un abcès qui s’étendait sur une grande partie du membre postérieur, une vache a été euthanasiée en octobre 2005. ● Auparavant, en décembre 2004, sept animaux de 2 à 3 ans ont été malades : agalaxie, anorexie, hyperthermie ; en outre, l’une des vaches présentait un œdème du membre postérieur. Si l’origine de cette épidémie était inconnue, la guérison a été obtenue rapidement avec un traitement à base d’oxytétracycline (Terramycine®, 50 ml/j pendant 4 jours), et les animaux ont vite récupéré leur niveau de production antérieur. Des sérologies ont été effectuées afin d’essayer d’en trouver l’origine : - la sérologie de la maladie de Lyme par ELISA, puis par immunofluorescence indirecte a révélé des taux d’anticorps supérieurs au 1/256e chez trois des cinq animaux prélevés ; - un animal présentait également une réaction sérologique positive vis-à-vis d’Anaplasma phagocytophilum, agent de l’ehrlichiose bovine. ● Les animaux de l’élevage reçoivent quotidiennement une alimentation vache laitière (27 kg) comportant de l’ensilage de maïs (11 kg de matière sèche), de l’ensilage de ray-grass (4 kg de matière sèche), 500 g de foin, 1 kg de paille de ray-grass broyé, 3 kg de correcteur azoté (produit par Terrena) et 300 g d’un complément minéral vitaminé phosphore : 7, calcium : 24 ,magnésium : 6. 1 Que pensez-vous de cette affection mammaire ? 2 Vous semble-t-elle liée à l’arthrite ? Celle-ci pourrait-elle être due à la maladie de Lyme ?
actualités en perspective
grippe humaine et peste aviaire la confusion des mots et l’imbroglio des maux
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’identification le 17 février dernier, pour la première fois en France, du virus dit "de la grippe aviaire" sur un canard milouin, puis une semaine plus tard dans un élevage de 11 000 dindes de la même région des Dombes, a relancé l’intérêt des médias pour le sujet. Remettons en perspective ces événements en commençant par le commencement : la définition des maux, c’est-à-dire le sens des mots. UN AMALGAME PERNICIEUX ● Depuis la mi-août, les médias nous abreuvent en effet d’informations sur la "grippe aviaire". Malgré des tentatives courageuses et pédagogiques issues du monde vétérinaire, l’amalgame pernicieux entre maladie à virus influenza d’origine aviaire chez l’Homme et épizootie / panzootie de peste aviaire chez les oiseaux (domestiques et migrateurs) n’a pu être évité (photo 1). Bien entendu, derrière le vocable grippe aviaire ("avian flu"), on retrouve un seul et même virus influenza de type A sous-type H5 N1 H.P., (c’est-à-dire hautement pathogène pour le poulet). ● Mieux, depuis plus de deux ans, c’est un même génotype, le génotype Z, qui continue à se répandre dans le monde, de la Chine à l’Indonésie, de la Sibérie à la Roumanie, au Kurdistan qu’il soit turque, irakien ou iranien. ● Ce virus provoque des maladies cliniquement et épidémiologiquement très différentes en fonction des espèces infectées. Cette règle élémentaire du raisonnement en matière de maladies transmissibles s’applique tout particulièrement pour les zoonoses. Elle vient de se vérifier quasi expérimentalement depuis plus de 2 ans, puisque des dizaines de millions d’oiseaux atteints sont morts alors qu’on recense moins de 100 cas mortels parmi les centaines de millions d’êtres humains à leur contact ; ce qui montre combien le comportement d’un même virus peut être différent en fonction de l’espèce zoologique infectée. On constate au sein des différentes espèces d’oiseaux domestiques et de la faune sauvage des différences comparables.
LA CONFUSION DANS L’ANALYSE DES RISQUES Alors pourquoi cette confusion dans l’analyse des risques présents et surtout futurs ? Probablement pour deux raisons essentielles. 1. La 1re est liée aux prises de position très alarmistes de l’O.M.S. dès l’hiver 2004. Selon l’Organisation mondiale de la santé, cette nouvelle épizootie annonçait la prochaine pandémie de grippe humaine, d’origine aviaire, qui pouvait être comparable à la "grippe espagnole" (de 1918). Ces déclarations, largement médiatisées, surtout depuis l’arrivée de H5 N1 en Russie d’Europe (août 2005) ont accentué la perception d’une maladie essentiellement menaçante pour l’Homme. Nous n’y reviendrons pas. 2. La seconde est liée à la confusion autour du mot grippe chez la plupart de nos contemporains. Cette confusion a été accentuée par le refus de désigner la maladie aviaire sous son nom réel de peste aviaire ("fowl plague"), quelles que soient les révisions, passablement complexes, de la nomenclature des virus influenza associés dans les différentes instances internationales. ● Aussi, il convient de rappeler que la peste aviaire est provoquée par certaines souches de virus influenza aviaire de type A (V.I.A.) sous-type H5 ou H7 (quelques formes liées à H9 ont été identifiées aux Amériques). Ces souches sont Hautement Pathogène (H.P.) chez le poulet, ce qui permet de les distinguer des souches Faiblement Pathogène (F.P.). Ces souches F.P. comprennent l’ensemble des virus influenza aviaire (V.I.A.) de type A (de H1 à H9 et de N1 à N16, y compris certaines souches H5, H7 ou H9) dont on sait qu’ils circulent chez les oiseaux domestiques ou sauvages depuis que l’on a identifié les V.I.A. dans les années 1950. Leur pouvoir pathogène intrinsèque est nul ou faible. ● Longtemps considérée comme une maladie purement animale, la peste aviaire a acquis progressivement un statut de zoonose (encadré). Néanmoins, ce sont essentiellement les V.I.A.H.P. H5 N1 issus d’Asie qui ont provoqué les cas les plus nombreux et les plus gra-
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Depuis la mi-août, l’amalgame entre maladie à virus influenza d’origine aviaire chez l’Homme et peste aviaire chez les oiseaux (domestiques et migrateurs) n’a pu être évité (photo J.-M. Gourreau).
Essentiel ❚ Le virus influenza de type A, sous-type H5 N1 H.P. (génotype Z) provoque des maladies cliniquement et épidémiologiquement très différentes en fonction des espèces infectées.
ACTUALITÉS
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actualités en perspective - grippe humaine et peste aviaire Encadré - Les derniers épisodes de peste aviaire
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La région des Dombes et les étangs en général : des zones sensibles (photo J.-M. Gourreau).
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La peste aviaire avait pratiquement disparu d’Europe depuis plus de 30 ans quand elle est réapparue en Italie (1999-2000, virus influenza aviaire hautement pathogène, V.I.A.H.P. H7 N1), puis au Bénélux (2003, V.I.A.H.P. H7 N7). ● Elle avait néanmoins continué à sévir en Asie et sur le continent américain sous forme d’épizooties localisées. C’est ainsi, qu’au cours d’un épisode (à V.I.A.H.P. H5 N1) à Hong Kong en 1997, 18 cas prouvés d’infection humaine, dont six mortels, ont été identifiés.
● À partir de ces premières constatations de transmission à l’Homme, les différents foyers identifiés de peste aviaire ont provoqué une surveillance accrue des épisodes cliniques temporellement associés chez l’Homme. Des cas d’infections, asymptomatiques le plus souvent, quelquefois accompagnés d’une conjonctivite, ont été identifiés chez l’être humain, au décours d’épisodes de peste aviaire à H7 N7 (au Bénélux, en 2003) ou H7 N3 (en Colombie Britannique, en 2004).
ves chez l’Homme par atteinte du poumon profond. En effet, le nombre de cas recensés chez l’Homme, en Asie et en Afrique, tout en restant modeste, compte tenu du bassin de population exposé, est passé de 23 (début février 2004) à 191 (fin mars 2006) dont 107 sont morts. ● C’est le taux de létalité (nombre de morts/nombre de malades infectés) de plus de 50 p. cent qui semble beaucoup inquiéter les autorités sanitaires. Pourtant, le taux de mortalité (nombre de morts/nombre d’exposés) est infiniment plus faible, et en tout cas significativement moins élevé que celui attribué à la grippe saisonnière épidémique humaine. Cette grippe "ordinaire", "classique", qui sévit chez l’Homme chaque hiver, atteint dans un pays comme la France plusieurs centaines de milliers de personnes, plus de 3000 mortalités lui sont associées. Les virus responsables de cette grippe sont connus depuis longtemps. Il s’agit de virus influenza de type A ou B. Parmi les virus de type A, ce sont les virus H3 N2 et H1 N1 qui circulent actuellement et depuis plusieurs années. Ces virus sont tout à fait différents des H5 N1, l’épidémiologie et la clinique des maladies humaines associées le sont aussi.
tituent en fait trois scénarios d’évolution possibles du H5 N1 que l’on a cristallisé la confusion et porté l’inquiétude à son comble : 1. le premier scénario est la possibilité d’une adaptation progressive à l’Homme du virus H5 N1 H.P. par glissement antigénique qui serait associé à l’acquisition d’une capacité de transmission interhumaine, directement entre malade et contact ; 2. le second scénario est celui d’une recombinaison avec des virus de la grippe humaine ordinaire sans modifications de l’identité H et N du virus obtenu, qui resterait de type H5 N1, mais avec changement d’un ou de plusieurs des six autres gènes présents dans son génome ; 3. le troisième scénario produirait un virus recombinant d’identité différente, par exemple de type H3, H9 ou H2 avec là aussi un ou plusieurs autres gènes d’origine humaine. ● Depuis deux ans, les souches H5 N1, régulièrement isolées des oiseaux et des êtres humains, sont très précisément analysées. Aucun de ces scénarios ne s’est réalisé même si récemment, en Chine, les premiers signes de glissement antigénique sont apparus sur les souches isolées des oiseaux domestiques. ● Personne ne peut réellement prévoir la suite des événements. Néanmoins, on possède actuellement la connaissance et les moyens de détecter très précocement des changements significatifs. Ceux-ci ne se traduiraient d’ailleurs pas obligatoirement par une catastrophe, un virus s’adaptant à une nouvelle espèce peut à la fois mieux diffuser et moins tuer. ● Pourtant on comprend aisément que les autorités sanitaires redoutent le déclenchement d’une quatrième pandémie après celles de 1918, 1957 et 1968 qui ont fait plusieurs millions de victimes humaines sur le globe en un seul hiver. Les prévisions publiées envisagent donc le plus souvent le seul scénario pandémique. Ainsi mi-janvier 2006, les modélisateurs de l’I.N.V.S. (Institut national de veille sanitaire)
LA CONFUSION DES DEUX “GRIPPES” POUR LA SANTÉ PUBLIQUE
ACTUALITÉS
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 10 - MARS / AVRIL 2006
Comment a-t-on pu les associer en terme de risques pour la santé publique ? ● Tout d’abord, en ne distinguant pas ou mal (surtout entre août et début novembre 2005) les deux "grippes" existant chez l’Homme : - d’une part, la grippe à H5 N1 évoluant sous forme de cas sporadiques au contact d’oiseaux atteints de peste aviaire ; - d’autre part, la grippe à H3 N2 et H1 N1 récurrente chaque année, et épidémique chaque hiver, pour laquelle il existe un vaccin dont la composition est actualisée tous les ans. ● C’est en mélangeant trois notions qui cons-
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actualité en perspective - grippe humaine et peste aviaire ont publié le nombre de morts que provoquerait une nouvelle pandémie grippale chez l’Homme en France ; ils l’estiment compris entre 91 000 et 215 000. ET LE LOINTAIN CHIKUNGUNYA ? Pendant ce temps, les 7 à 10 000 cas (non mortels) de chikungunya (arbovirus appartenant à la famille des togaviridés) constatés dans la lointaine Ile de la Réunion entre février et décembre 2005 n’ont, eux, pas suffi pour faire "tourner les modèles" afin de prévoir leur croissance exponentielle et leur véritable explosion (15 000 cas incidents) constatée dans la dernière semaine de janvier 2006. Il y a là une véritable épidémie (plus de 200 000 cas cumulés en un an constatés fin mars 2006, soit plus de 20 p. cent d’une population de plus de 700 000 personnes) mais l’O.M.S. n’a pas sonné le tocsin fin 2005. Il est vrai qu’il n’y avait ni molécule "miracle" à vendre (donc à stocker) ni vaccin "prototype" à promouvoir pour la santé humaine. De plus, cette étrange "épidémie de pays en voie de développement qui survient dans un pays développé" (Le Monde du 4 février 2006) n’est pas une zoonose et était réputée non mortelle ("réputation" sérieusement remise en cause fin mars avec cinq à 80 morts "associés"). a sagesse populaire enseigne qu’à prendre les vessies pour des lanternes, on finit par se brûler. Le semestre "grippe aviaire" que nous venons de vivre montre ●
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comment, à partir d’une confusion (volontaire ou non, là n’est pas le propos) dans la dénomination (les mots) de deux maladies, l’une humaine et l’autre animale, on peut aboutir à une altération très profonde de leur description et de la compréhension des conséquences associées (les maux), tant en santé animale qu’en santé publique. Cette confusion a beaucoup pesé sur la perception des décideurs et du grand public, notamment en ce qui concerne l’estimation des risques potentiels (futurs) associés. Il ne s’agit pas de nier le caractère exceptionnel de l’actuelle panzootie de peste aviaire, ni la légitime prudence que doit susciter les cas associés observés chez l’Homme. Il s’agit plus simplement de mobiliser les connaissances disponibles, rigoureusement et honnêtement, pour mieux comprendre et faire comprendre ce qui se passe, sans succomber aux sirènes (trop souvent intéressées) des docteurs catastrophes. "Qui craint de souffrir souffre déjà de ce qu’il craint" (Montaigne). Il reste maintenant à suivre l’évolution de la situation qui ne manquera probablement pas de surprises ni de rebondissements. Un nouveau rendez-vous avec la “grippe aviaire” étant fixé aux grandes migrations de printemps, la prochaine chronique devrait permettre d’aborder le rôle, encore discuté, des oiseaux migrateurs. ❒ Zénon
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actualités en perspective peste aviaire :
diagnostic différentiel des mortalités brutales Arlette Laval Département Santé des animaux d’élevage et Santé publique Unité de médecine des animaux d’élevage E.N.V.N. Atlanpôle la Chantrerie BP 40706 44307 Nantes cedex 03
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Goutte viscérale aiguë : dépôts d'urates dans les reins et les uretères (photos A. Laval, E.N.V.N.).
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Goutte viscérale aiguë : dépôts d'urates sur les séreuses : foie, mésentère, péritoie, sacs aériens.
Essentiel ❚ Les palmipèdes sont particulièrement sensibles au choléra aviaire. ❚ Les volailles sont très sensibles à l’intoxication par le chlorure de sodium.
ACTUALITÉS
chez les volailles La peste aviaire vraie, ou influenza aviaire hautement pathogène, provoque une mortalité brutale et rapide qui peut être confondue avec plusieurs affections. Cet article présente les caractéristiques essentielles de ces affections et les moyens de diagnostic direct, car il est souvent plus facile de réaliser des tests sérologiques quelques jours après le début des symptômes, lorsqu’il reste encore quelques survivants …
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mproprement dénommée grippe aviaire, l’influenza aviaire hautement pathogène est une maladie virale consécutive à une infection par un virus Influenza, appartenant à la famille des Orthomyxoviridae, type A. Ces virus sont classés en sous-types selon les propriétés de leurs antigènes de surface, hémagglutinine, d’une part, neuraminidase, d’autre part. La souche H5 N1, qui circule en Asie depuis la fin de l’année 2003 et qui s’est répandu très largement depuis lors, est une souche hautement pathogène (Highly Pathogenic Avian Influenza, H.P.A.I.). ● De nombreuses espèces aviaires sont réceptives, mais leur sensibilité, c’est-à-dire leur aptitude à exprimer la maladie, est très variable. ● Cet article ne s’intéresse qu’aux espèces très sensibles, chez lesquelles l’infection provoque une mort rapide, survenant à tous âges et frappant jusqu’à 100 p. cent de l’effectif. C’est en particulier le cas dans l’espèce poule, chez la dinde, chez la pintade et, dans une moindre mesure, chez le canard. LES MORTALITÉS BRUTALES SURVENANT DANS TOUTES LES ESPÈCES Les affections à mortalités brutales et importantes survenant dans toutes les espèces sont le choléra aviaire, l’intoxication par le chlorure de sodium et la goutte aiguë, et le botulisme. Le choléra aviaire La plupart des espèces aviaires peuvent être concernées par le choléra aviaire, mais
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les palmipèdes sont particulièrement sensibles. C’est la forme septicémique suraiguë de l’infection par Pasteurella multocida. ● La mortalité survient surtout sur des sujets démarrés, à la saison chaude et à l’occasion d’un stress. Les animaux meurent brutalement ou sont malades pendant quelques heures, au cours desquelles ils présentent un état d’abattement profond, une soif intense, et une diarrhée hémorragique. ● À l’autopsie, des lésions de septicémie hémorragique sont relevées, avec des suffusions sur tous les tissus et organes. L’intestin est rempli de sang, sa paroi est amincie et parsemée d’hémorragies. La bactérie est facile à isoler sur les milieux enrichis, et la caractérisation ne présente pas de difficulté. L’intoxication par le chlorure de sodium et la goutte aiguë ● Les volailles sont très sensibles à l’intoxication par le chlorure de sodium ; elle peut se produire accidentellement ou être la conséquence d’un défaut d’abreuvement. Les déchets azotés sont éliminés sous formes d’urates insolubles : ceux-ci se déposent sur les séreuses et provoquent un blocage complet du fonctionnement rénal. Il en résulte une goutte viscérale aiguë, responsable d’une mortalité importante, souvent précédée d’une diarrhée crayeuse. ● Les lésions de goutte sont bien visibles ; toutes les séreuses, viscères et organes apparaissant saupoudrés de blanc. Les dépôts d’urates sont aussi retrouvés massivement dans les reins, en particulier dans les uretères, dilatés d’une façon très spectaculaire (photos 1, 2). ● L’examen de la ration et la vérification de la distribution de l’eau permettent de préciser le diagnostic.
Le botulisme ● Très puissante, la toxine botulinique peut provoquer une mortalité brutale et massive sur de très nombreuses espèces d’oiseaux domestiques ou sauvages. Les sérotypes C, D et parfois E de Clostridium botulinum sont les plus souvent impliqués chez les oiseaux. ● La maladie est très fréquente l’été sur les oiseaux sauvages aquatiques, lorsque l’eau
la maîtrise des mammites cliniques en peripartum : une nouvelle priorité épidémiologie descriptive et diagnostic
L'incidence des mammites cliniques varie de 13 à plus de 100 cas pour 100 vaches et par an. Ces mammites surviennent principalement en début de lactation dans des troupeaux à faibles comptages de cellules somatiques de tank (CCSt). E. coli et Str. uberis sont les germes les plus souvent isolés. La prévision de la nature des agents responsables mammites cliniques à partir des symptômes est difficile, sinon impossible.
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ans un contexte européen de réglementation de la qualité cellulaire du lait*, l'application de programmes de lutte adaptés a permis de réduire fortement la prévalence des mammites subcliniques. ● En revanche, l'incidence des mammites cliniques a, le plus souvent, augmenté : ce phénomène peut en partie être expliqué par le fait qu'elles ne sont pas la cible première des "plans anglais". ● La maîtrise des mammites cliniques devient donc une nouvelle priorité pour la gestion de la santé des mamelles, particulièrement en peripartum (photo 1). INCIDENCE, FACTEURS DE RISQUE ET ÉTIOLOGIE DES MAMMITES CLINIQUES Incidence et facteurs de risque Une incidence moyenne très variable
L’incidence moyenne des mammites cliniques est très variable selon les études et les pays (tableau 1). Ainsi, en fonction des études, la fréquence varie : - en France, de 22 à 140 cas pour 100 vaches et par an ; - en Grande-Bretagne, de 22,8 à 37,3 ; - aux Pays-Bas, de 12,7 à plus de 130. ● Une partie de ces variations est liée à la méthode d'étude et tient à : - la définition de l'unité épidémiologique (le quartier ou la femelle), du cas (mammite modérée à suraiguë), de l'effectif de réfé●
Xavier Berthelot Dominique Bergonier Département Élevages et Produits et UMR 1225 E.N.V.T. 23, chemin des Capelles B.P. 87614 31076 Toulouse cedex 3
Objectif pédagogique Comprendre, dépister et diagnostiquer les mammites en peripartum.
NOTE 1
La détection des mammites cliniques est relativement facile, en particulier par l'examen systématique des premiers jets de lait avant la traite dans un bol à fond noir (photo reproduction E.N.V.T.).
rence (les vaches présentes, les vaches traites, les primipares, les multipares, ...) ; - la période de référence (une ou plusieures années) ; - la prise en compte ou non des récidives (sur un même quartier ou chez une même femelle). Incidence et taux de réforme
L'incidence et le taux de réforme pour mammite sont liés et semblent augmenter au cours du temps (tableau 2). Dans une étude sur 1 000 primipares traitées pour mammite en peripartum, Waage et al. (2000) ont observé que le taux de réforme dans le 1er mois est plus de deux fois plus élevé (10,9 contre 4,5 p. cent) que celui des femelles n'ayant pas présenté de mammite. Un mois après traitement, 25 p. cent des femelles non réformées présentent un quartier non fonctionnel (avec, le plus souvent, une thélite), et 14 p. cent des quartiers présentent encore une mammite clinique [25]. ● Ces observations doivent être rapprochées de celles de Nickerson et al. (1995), qui ont constaté que 29 p. cent de 116 génisses en âge de reproduire (15 p. cent des quartiers) présentaient des signes de mammite clinique. Chez 600 génisses, le pourcentage de quartiers atteints de mammite clinique est passé de 7 p. cent pendant la gestation à 24 p. cent au vêlage [22]. ●
* Directive 92/46, puis règlement 853/2004.
Essentiel ❚ L’incidence moyenne des mammites cliniques varie selon les études et les pays en fonction de : - la définition de l'unité épidémiologique du cas de l'effectif de référence ; - la période de référence ; - la prise en compte ou non des récidives. ❚ L’incidence clinique est plus forte en début de lactation. ❚ Des différences importantes dans la fréquence de certaines espèces bactériennes ont été observées, selon que les élevages étaient ou non adhérents au contrôle laitier. ❚ Les mammites suraiguës surviennent essentiellement au cours du 1er mois postpartum, surtout dans les quatre 1ers jours.
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Les facteurs de risques ● L'incidence semble plus élevée dans les troupeaux à faibles comptages de cellules somatiques de tank (C.C.S.t.) pour certains auteurs [3, 19], y compris pour les primipares
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maîtrise des mammites cliniques en peripartum : traitement et prévention
Les traitements des mammites cliniques reposent sur l'antibiothérapie locale et générale associée aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les mesures de prévention portent sur la maîtrise des conditions de logement des animaux de tous âges, la réduction de la transmission et la stimulation des défenses.
Département Élevage et Produits et UMR 1225 E.N.V.T. 23, chemin des Capelles B.P. 87614, 31076 Toulouse cedex 3
Objectif pédagogique Mieux traiter et prévenir les mammites cliniques du peripartum.
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Lors du traitement d’une mammite clinique, le lait des quartiers doit être éliminé pendant toute la durée du traitement et du délai d’attente (photos reproduction E.N.V.T.).
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Essentiel
a maîtrise des mammites repose, comme pour tout processus infectieux, sur l'élimination des infections existantes et sur la prévention des nouvelles infections ; l'élimination des infections est à considérer comme faisant partie de la prévention dans la mesure où elle revient à supprimer des sources de germes. LE TRAITEMENT DES MAMMITES CLINIQUES
Nécessité à la fois médicale, zootechnique (ou économique) et éthique, le traitement des mammites cliniques doit assurer le plus rapidement possible la guérison clinique pour limiter la souffrance des animaux et permettre le retour à une production normale, tant d'un point de vue quantitatif que qualitatif (comptages de cellules somatiques faibles, absence de bactéries). ● Il a aussi pour but d’assurer, autant que possible, la guérison bactériologique de l'infection afin d'éviter le passage à une infection chronique et de limiter le risque de contamination d'autres quartiers ou animaux. ● L'antibiothérapie locale reste la base du traitement des mammites cliniques (photos 1, 2). Compte tenu de l'impossibilité de prévoir la nature des agents responsables à partir des seuls symptômes, et de la nécessité de traiter rapidement sans attendre les résultats d'éventuelles analyses bactériologiques, une antibiothérapie à large spectre est souvent mise en oeuvre en 1re intention. Cependant, Pyörälä (2002) remet en question le concept d'un traitement à large spectre administré selon un protocole standard, ●
Xavier Berthelot Dominique Bergonier
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La partie consistant à n’éliminer que le lait du quartier atteint doit être proscrite.
s'interroge sur l'intérêt d'utiliser, chez l'animal, des antibiotiques récents à large spectre, notamment les céphalosporines de 3e ou 4e génération, et considère que les pénicillines G restent le traitement de choix pour les infections à germes gram positif [21]. ● Dans une étude réalisée en France de janvier 1999 à juin 2001 et portant sur plus de 15000 cas, Gay et al. (2002) relèvent que plus de 95 p. cent des mammites cliniques sont traitées par l'éleveur, uniquement par voie locale (59,5 p. cent), ou en association avec un traitement parentéral (33,4 p. cent) [10]. Le vétérinaire n'intervient que pour traiter les mammites sévères ; dans ces cas, les traitements font plus souvent appel à l'antibiothérapie par voie générale (82,3 p. cent) et à l'administration d'anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les auteurs précisent qu'une seule spécialité représentait 57,2 p. cent des produits intramammaires utilisés. ● Les traitements par voie générale sont, le plus souvent, mis en œuvre lors de mammites sévères et associés à des traitements
❚ L'antibiothérapie locale à long spectre reste le traitement de base des mammites cliniques. ❚ Ce type de traitement est actuellement controversé. ❚ Les traitements par voie générale sont, le plus souvent, mis en œuvre lors de mammites sévères et associés à des traitements intramammaires visant les germes à Gram positif. ❚ Lors d'infections par Streptococcus uberis, le traitement parentéral n'apporte pas de guérison supplémentaire alors que le doublement du nombre d'administrations locales permet d'augmenter le taux de guérison clinique et bactériologique.
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les mammites cliniques ovines viennent de livrer leurs “derniers” secrets étiologiques ...
La confrontation des résultats de synthèse de 12 ans d’activité ambulatoire et d’enquêtes épidémiologiques de l’E.N.V.T. et des bilans bactériologiques des laboratoires vétérinaires départementaux des zones ovines laitières, a permis d’aboutir à une caractérisation fine de l’étiologie et de l’épidémiologie des mammites cliniques fondée sur plus de 2 000 résultats analytiques (400 troupeaux).
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1 E.N.V.T.-I.N.R.A. UMR 1225 Département Élevage et produits (Pathologie de la reproduction) 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03 2 L.D.A. 81 3 L.V.D. 12 4 L.D.L.. 64 5 Comité national brebis laitière et Institut de l’élevage
Objectif pédagogique
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Cet article présente une synthèse originale de données bactériologiques et épidémiologiques complémentaires provenant de diverses sources françaises. L’un des objectifs principaux est de fournir au praticien les bases de l’interprétation des analyses de laboratoire*.
L’importance est aussi génétique puisque, dans les deux espèces, une sélection sur la résistance aux mammites au travers des comptages cellulaires a été respectivement mise en place depuis 1997 et 2002.
Les résultats d’analyses sont relatifs aux différents agents bactériens et mycosiques, à l’exception des mycoplasmes.
En 3e lieu, apparaît l’une des spécificités des filières ovines laitières déterminant l’importance des mammites vis-à-vis de la Santé publique et de la réglementation : la majorité de la matière première est transformée en fromages au lait cru. Or, plus de 75 p. cent des toxi-infections alimentaires dues aux produits laitiers sont attribuées à Staphylococcus aureus, bactérie qui constitue l’agent étiologique majeur présumé des mammites cliniques ovines. À cet égard, l’application depuis le 1er janvier 2006 du nouveau règlement européen 2073/2005, concernant les critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires, renforce la nécessité de prévenir et de détecter les mammites staphylococciques, source majeure de contamination du lait. ●
Connaître les causes des mammites cliniques ovines.
Mammite à Staphylococcus aureus. Forme gangréneuse en phase de début, avec inflammation et troubles de la vascularisation à droite (pathognomonique).
a maîtrise des mammites constitue un enjeu majeur en filières laitières ovine et bovine. L’importance est d’abord économique, au travers des pertes et des coûts induits, au 1er rang desquels figure, chez les ovins, un paiement différentiel du lait à la qualité cellulaire plus pénalisant que chez la vache (ratio pénalité maximale/prix moyen du litre de l’ordre de 4 p. cent chez la vache, contre 8 p. cent chez la brebis dans le rayon de Roquefort). ●
Dominique Bergonier1 Régis Duquesnel2 Roland Brugidoux3 Paul-Julien Charlety4 Gilles Lagriffoul5 Xavier Berthelot1
BILAN DESCRIPTIF DE DIVERSES APPROCHES MÉTHODOLOGIQUES DE L’ÉTIOLOGIE DES MAMMITES
Enquête épidémiologique (E.N.V.T.) : l’étiologie des mammites cliniques sporadiques Le cadre méthodologique de l’enquête épidémiologique de l’E.N.V.T. sur l’étiologie des mammites cliniques sporadiques menée en 2003 est présenté dans l’encadré 1. Les résultats étiologiques ● Un résultat négatif a été obtenu dans 13 p. cent des cas.
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Mammite à Staphylococcus aureus. Forme gangréneuse unilatérale en phase d’état, après disjonction et élimination des territoires parenchymateux et abdominaux nécrosés (pathognomonique) (photos E.N.V.T., Pathologie de la reproduction).
NOTE * Un second article à paraître, présentera une synthèse de ces trois études complémentaires et en dégagera les principales applications diagnostiques.
● Une co-infection avec une signification pathologique (deux types de bactéries) a été mise en évidence dans 4,5 p. cent des mammites (à partir de trois types de microorganismes isolés, le prélèvement doit être considéré comme contaminé). La figure 1 présente le reste des résultats (dont le pourcentage de contamination, faible : 2,1 p. cent).
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 27
mammites et troubles dysimmunitaires du peripartum chez la vache : mythe ou réalité ? À la lumière des connaissances les plus récentes, cet article évalue, à travers l’étude des mammites, les conséquences et les mécanismes d’apparition de l’immunodépression chez la vache laitière durant le peripartum.
A
u cours du cycle de production, la fin de la période sèche et le début de la lactation correspondent à une période où l’apparition des infections intramammaires est plus fréquente, et leurs conséquences beaucoup plus sévères que durant le reste de la lactation [13]. Les mammites du post-partum sont, le plus souvent, provoquées par des germes Gramnégatif (40 p. cent des isolements), parmi lesquels Escherichia coli prédomine. ● L’apparition de ces infections repose sur l’interaction de trois facteurs : 1. la présence d’agents potentiellement pathogènes, communs et abondants dans l’environnement ; 2. l’altération des mécanismes de défense ; 3. divers facteurs favorisants. ● L’altération d’un certain nombre de fonctions immunitaires a été décrite chez la vache laitière durant le peripartum [7]. ● La sévérité des mammites à E. coli semble principalement déterminée par des facteurs liés à l’hôte, que cet article évalue dans le contexte de la physiologie de la fin de la gestation, de la parturition et du début de la lactation [6]. ● Les interactions du système immunitaire avec le système endocrinien, mais aussi avec les fonctions métaboliques, sont de mieux en mieux connues. Ces effets expliquent une partie au moins des modifications des fonctions immunitaires. ÉTIOLOGIE ET PATHOGÉNIE DES MAMMITES AUTOUR DU VÊLAGE Le terme de "maladie de production" peut s’appliquer aux mammites car elles sont le plus souvent exacerbées par des facteurs nutritionnels, ou liées à la conduite d’élevage [20]. Cette notion est particulièrement vraie dans le contexte du peripartum.
●
Gilles Foucras Fabien Corbières Gilles Meyer François Schelcher E.N.V.T. Pathologie des ruminants Département Élevage et Produits et U.M.R. I.N.R.A.-E.N.V.T. 1225, Interactions Hôtes - Agents pathogènes 23, chemin des Capelles BP 87614 31076 Toulouse cedex 03
● La pathogénie des mammites colibacillaires, pour sa part, est liée à des modifications des fonctions immunitaires (encadré 1).
Quelle est la nature et la fréquence des infections mammaires du peripartum ? Au cours des dernières années, les études épidémiologiques ont mis l’accent sur la fréquence élevée d’isolements, à partir des sécrétions mammaires dans la période qui entoure la mise bas. ● Une étude, réalisée au Danemark sur 180 vaches primipares réparties dans 20 troupeaux, a montré que Staphylococcus chromogenes était isolé de 15 p. cent des quartiers, lors de prélèvements réguliers et systématiques réalisés sur une période de deux mois autour du vêlage [1]. Ces infections régressaient spontanément et rapidement après le vêlage ; les infections par Staphylococcus aureus apparaissaient surtout après la mise bas. ● La présence d’une infection intramammaire avant la mise bas est positivement corrélée avec le développement d’une mammite clinique au cours de la lactation suivante ; ces infections ne sont donc pas forcément la conséquence d’une diminution temporaire de l’immunité mammaire au moment du vêlage. ● Une autre étude bactériologique, réalisée en Grande-Bretagne sur 480 vaches du tarissement jusqu’à la 1re semaine de lactation, rapporte l’isolement d’un pathogène majeur à partir d’un quartier au moins, chez 45,8 p. cent des vaches [10]. Les pathogènes les plus fréquemment isolés étaient Escherichia coli, suivis de Streptococcus uberis et des staphylocoques coagulase-positive, dont S. aureus. ● Ces données indiquent qu’une infection avant le vêlage est fréquente, et qu’elle pourrait s’exprimer cliniquement à la faveur d’une baisse transitoire de l’immunité. ● De plus, l’isolement d’un de ces germes pendant le tarissement est associé à un risque plus élevé de réforme au cours de la lactation suivante [10]. Ces isolements au peripartum traduisent probablement une prédisposition aux infections intramammaires, qui provoquent ultérieurement une diminution de la sécrétion lactée et/ou ●
Objectif pédagogique Comprendre la nature et les causes de l’immunodépression puerpérale et son rôle dans le développement des mammites du peripartum.
Essentiel ❚ Les mammites environnementales du tarissement ou du début de lactation reposent sur l’interaction de : - la présence d’agents potentiellement pathogènes ; - l’altération des mécanismes de défense ; - divers facteurs environnementaux. ❚ La transition brutale nutritionnelle et hormonale peut faciliter le développement de ces mammites. ❚ Chez la vache laitière, l’altération des fonctions immunitaires débute dès la 3e semaine prepartum, est maximale au moment de la mise bas, et dure jusqu’à la 3e semaine de lactation.
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 33
comment renforcer
la résistance de la vache Gilles Foucras Fabien Corbières Gilles Meyer François Schelcher E.N.V.T. Pathologie des ruminants Département Élevage et Produits et U.M.R. I.N.R.A.-E.N.V.T. 1225, Interactions Hôtes - Agents pathogènes 23, chemin des Capelles BP 87614 31076 Toulouse cedex 03
aux infections mammaires du peripartum : les mesures à court et à moyen terme Alors que la manipulation de la réponse immunitaire au profit d’une résistance accrue aux infections mammaires reste très limitée, des mesures permettent de limiter l’incidence des mammites cliniques chez la vache en peripartum.
Comment agit la vaccination ? ● La
production d’anticorps contre le lipopolysaccharide (L.P.S.) pourrait : 1. réduire l’effet toxinique du L.P.S. ; 2. augmenter la bactériolyse liée au complément ; 3. augmenter l’opsonisation et la phagocytose des bactéries ; 4. augmenter la diapédèse des neutrophiles.
O
utre les mesures prophylactiques (antibiothérapie au tarissement, obturateur du trayon) et hygiéniques que nous n’abordons pas dans cet article, diverses actions plus ou moins spécifiques peuvent être proposées pour renforcer l’immunité du péripartum. Ce sont essentiellement des mesures nutritionnelles et des mesures vaccinales. Elles ne sont pas, à elles seules, suffisantes. LES MESURES NUTRITIONNELLES
Outre la prévention des désordres métaboliques, le respect des recommandations alimentaires pendant la période sèche et en début de lactation influence favorablement l’immunité au péripartum. ● Ainsi, veiller notamment à : - limiter le déficit énergétique en début de lactation : la gestion raisonnée du rationnement débute dès la période sèche ; - respecter les apports en vitamines A, et E, et en oligo-élements (Se). Le dépassement des doses recommandées ne se justifie pas. ●
Références 1. Hogan JS, Weiss WP, Todhunter DA, Smith KL, Schoenberger PS. Efficacy of an Escherichia coli J5 mastitis vaccine in an experimental challenge trial. J Dairy Sci 1992;75:415-22. 2. Tomita GM, Todhunter DA, Hogan JS, Smith KL. Immunization of dairy cows with an Escherichia coli J5 lipopolysaccharide vaccine. J Dairy Sci 1995;78:2178-85.
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 40 - MARS / AVRIL 2006
LES MESURES VACCINALES Des mesures plus spécifiques peuvent être mises en œuvre, à condition que le pathogène responsable des mammites soit connu. - L’utilisation de vaccins contenant des fractions antigéniques de germes Gram-négatif (souche J5 de E. coli) permet de réduire l’incidence et la gravité des mammites provoquées par E. coli, alors qu’elle modifie peu la prévalence des infections intramammaires. - Lorsque l’incidence de ce type de mammites est élevée, le rapport coût-bénéfice semble être favorable [2]. ● Le mode d’action de la vaccination n’est pas connu avec certitude (encadré ci-contre). ●
40
● Les
données expérimentales sont plutôt en faveur d’une augmentation de la phagocytose grâce à l’opsonisation [1].
● La principale difficulté de la vaccination contre les mammites réside dans le choix d’un protocole vaccinal induisant une réponse protectrice. En effet, les rappels de vaccination effectués durant le péripartum sont d’une efficacité extrêmement limitée, voire nulle. De nouveaux essais sont nécessaires pour optimiser l’effet adjuvant, la dose antigénique et le protocole d’administration.
LES MESURES À LONG TERME L’existence d’une variabilité individuelle de la résistance aux infections mammaires permet d’envisager une sélection d’animaux plus résistants. Comme tout phénomène complexe dont les mécanismes ne sont pas connus avec précision, le choix du critère de sélection est difficile. ● Plusieurs approches ont été choisies selon les pays : - la Norvège, qui dispose de l’enregistrement des mammites cliniques, a choisi d’indexer les reproducteurs sur ce critère ; - dans les autres pays, où cet enregistrement n’est pas systématique, la sélection est fondée sur les comptages de cellules somatiques individuels (i.C.C.S.). ● Cette sélection repose sur la diminution linéaire des comptages de cellules somatiques, dont on sait qu’ils sont favorablement corrélés à la diminution d’incidence des mammites cliniques. Ces index sont désormais disponibles. ● Les effets à long terme de cette sélection, qui a débuté au début des années 2000, ne sont pas encore connus. ❒ ●
synthèse d’essais
nouvelles infections intramammaires pendant la période tarie : l’efficacité des traitements préventifs
Nathalie Bareille1 Aurélie Robert1,2 Henri Seegers1 1 U.M.R.
L’objectif de cet article est d’évaluer quel est le risque pris en ne traitant pas une vache non infectée au tarissement. Ce travail se fonde sur une synthèse de données publiées. Les auteurs rapportent des incidences d’infections intramammaires pendant la période sèche, selon le traitement reçu au tarissement.
P
endant la période tarie, la vache laitière présente un risque élevé de nouvelles infections intramammaires, en particulier juste après le tarissement ou autour du vêlage. ● Depuis une cinquantaine d’années, les plans de maîtrise des mammites proposent de traiter systématiquement des vaches au tarissement dans le double but de : - prévenir ces nouvelles infections intramammaires (photo 1) ; - guérir celles qui ont persisté jusqu’en fin de lactation.
Objectif pédagogique Déterminer l’intérêt d’un traitement systématique ou sélectif pour éviter les infections intramammaires pendant la période tarie.
1
Les plans de maîtrise des mammites proposent de traiter systématiquement les vaches au tarissement (photo J.-M. Nicol).
En France, le traitement systématique est aujourd’hui très largement répandu. ● Cependant, des polémiques autour des risques liés à l’utilisation des antibiotiques en élevage et de leur coût amènent les professionnels de la filière laitière à réfléchir à des allégements des traitements antibiotiques à but préventif dans les troupeaux,
Encadré - Méthodologie Trente-six publications (de 1966 à 2003) ont été sélectionnées : elles apportent des données sur l’incidence des infections intramammaires en conditions d’élevage, de 30 études différentes, conduites dans 10 pays d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Océanie, sur environ 14 000 vaches au total, et classées en plusieurs catégories. - La catégorie 1 regroupe les études ayant pour but de comparer l’effet d’un traitement (versus un non traitement) fondées sur la répartition aléatoire en deux lots : - la catégorie 1a : des quartiers d’une même vache ou de vaches d’un même élevage : traités avec antibiotiques versus non traités (24 études) ; - la catégorie 1b : des vaches présumées saines d’un même élevage ou des quartiers d’une même vache présumée saine traités avec un obturateur de trayon versus traitées avec des antibiotiques (deux études), ou traités avec un obturateur de trayon versus non traités (deux études). - La catégorie 2 regroupe les études ayant pour but de comparer l’effet d’un traitement sélectif au tarissement (versus un traitement systématique), fondées sur la répartition aléa●
Gestion de la santé animale E.N.V.N./I.N.R.A. Atlanpôle La Chantrerie BP 40706 Nantes cedex 03 2 Arilait Recherches 42, rue de Châteaudun 75314 Paris cedex 09
toire en deux lots des vaches d’un même élevage, selon des critères de choix appliqués aux vaches ou aux quartiers : - la catégorie 2 a : des vaches en traitement sélectif des quatre quartiers versus les vaches en traitement systématique (quatre études) ; - la catégorie 2 b : des vaches en traitement sélectif des quartiers (0 à 4 quartiers traités) versus les vaches en traitement systématique (trois études). Pour les lots en traitement sélectif, les critères de choix de traiter ou de ne pas traiter étaient fondés sur : - un examen bactériologique du lait ; - ou la concentration en cellules somatiques du lait ; - ou un score au California Mastitis Test. ● Pour chaque étude, le risque relatif de nouvelle infection en l’absence de traitement antibiotique (ou en l’absence de traitement antibiotique systématique) est calculé par le rapport d’incidence d’infections dans chacun des deux lots. ● De plus, pour les études de type 1a et 2a, qui étaient suffisamment nombreuses, un risque relatif synthétique tenant compte des effectifs inclus dans chacune des études est calculé.
Synthèse d’après l’article de : Robert A, Seegers H, Bareille N. Incidence of intramammary infections during the dry period without or with antibiotic treatment in dairy cows - a quantitative analysis of published data Veterinary Research 2006;37:25-48
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 41
la non délivrance
traiter ou ne pas traiter ? chez la vache
Nicole Picard-Hagen1 Philippe Le Page2 Xavier Berthelot1 1
Département Élevage et produits pathologie de la reproduction E.N.V.T. 23, chemin des Capelles BP 87614 31076 Toulouse cedex 03
Malgré la mise en évidence de certaines répercussions néfastes sur la santé de l'animal, la délivrance manuelle est encore largement pratiquée en Europe. Le vétérinaire doit pouvoir adapter son intervention au contexte, et convaincre l’éleveur de veiller avant tout à l’état de l’utérus, un mois après le part.
L
a rétention annexielle est une complication classique de la parturition chez les bovins, caractérisée par la persistance prolongée des enveloppes fœtales dans l'utérus après la mise bas. Cette rétention placentaire est physiologique les 1res heures après la mise bas. Ainsi, les trois quarts des vaches environ expulsent leur placenta dans les six heures post-partum, et une plus faible proportion (5 p. cent) après 12 h [19]. ● Au-delà d'un certain délai, la rétention est considérée comme pathologique, car : - elle augmente l'incidence des métrites ; - elle dégrade la fertilité. ● On considère classiquement qu'il y a non délivrance lorsque les membranes placentaires ne sont pas expulsées dans les 12 à 24 h après la mise bas, mais sa définition peut varier en fonction des auteurs et de l'âge des animaux (photo 1). ● En pratique, l'éleveur n'appelle son vétérinaire, le plus souvent, que 24 à 48 h après la mise bas. L’IMPORTANCE DE LA NON DÉLIVRANCE ● À l'exception de situations pathologiques enzootiques, telles que des maladies infectieuses abortives ou des déséquilibres nutritionnels prononcés, l'incidence annuelle de la rétention placentaire varie de 4 à 11 p. cent selon les auteurs, les enquêtes et les pays [11, 13]. ● Elle entraîne des pertes économiques importantes, liées à des réformes prématurées, à une dégradation des paramètres de reproduction et aux frais vétérinaires. En effet, c'est un facteur qui favorise les métrites et l'infertilité, à l'origine d'un allon-
2 Clinique vétérinaire 3, place du Champ-de-Bataille 29260 Lesneven
Objectif pédagogique Adapter le traitement de la non délivrance en fonction de la physiopathologie.
1
Lorsque les membranes placentaires ne sont pas expulsées dans les 12 à 24 h après la mise bas, on considère classiquement qu'il y a non délivrance (photo J.-M. Nicol).
gement de l'intervalle entre le vêlage et l'insémination fécondante. ● À l'échelle du troupeau, le pronostic économique est mauvais quand la fréquence des non délivrances est supérieure à 15 p. cent. ● De nombreux facteurs ont été impliqués dans la non délivrance, parmi lesquels : - les avortements ou les veaux mort-nés qui peuvent être liés à des agents zoonotiques comme la brucellose, la chlamydiose ou la fièvre Q ; - les dystocies ; - les gestations multiples ; - les mises bas induites par les glucocorticoïdes ; - l'âge ; - la saison de vêlage ; - la durée de gestation (tableau 1). ● Nous n’envisageons pas dans cet article les non délivrances liées aux avortements d’origine infectieuse spécifique.
Essentiel ❚ À l’échelle du troupeau, le pronostic économique est mauvais quand la fréquence des non délivrances est supérieure à 15 p. cent. ❚ La rétention annexielle est associée à une augmentation importante de l'incidence des métrites, mais aussi les mammites ou des déplacements de la caillette.
PATHOGÉNIE ● La rétention annexielle est associée : - soit à un défaut de désengrènement des membranes fœtales et des caroncules maternelles ; - soit à un défaut d'expulsion des membranes fœtales (encadré 1, figure). ● La non expulsion du placenta associée à une atonie utérine ou à un obstacle physique (col fermé, brides, rétroflexion utérine, …)
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 45
délivrance manuelle le point de vue du praticien :
Philippe Le Page1 Xavier Berthelot2 Nicole Picard-Hagen2 1 Clinique vétérinaire 3, place du Champ-de-Bataille 29260 Lesneven 2 Département Élevage et produits (Pathologie de la reproduction) E.N.V.T. 23, chemin des Capelles BP 87614, 31076 Toulouse cedex 03
Objectif pédagogique Connaître le point de vue des praticiens sur la pratique de la délivrance manuelle.
résultats d’une enquête Une enquête réalisée auprès de vétérinaires francophones permet de mieux cerner la façon dont les praticiens appréhendent la délivrance placentaire manuelle.
L
’intérêt de la délivrance manuelle sur les vaches présentant une rétention placentaire après vêlage est discuté depuis plusieurs années. Une enquête sur les non délivrances a été menée en 2000 auprès de vétérinaires praticiens francophones sur les listes de discussion «Veto-rural» en France et «Vet-Bovin» au Québec (encadré). Au total, 32 réponses (19 de France, 8 du Québec, deux de Belgique, une de Suisse, une du Portugal et une du Burkina Faso, étaient partiellement ou totalement exploitables (tableau). ● Les résultats permettent de déterminer le taux de pratique de la délivrance manuelle, de connaître l’avis des praticiens sur ses conséquences, et de savoir quelles sont les précautions prises lors de l’intervention.
Encadré – Le questionnaire sur la délivrance placentaire utilisé lors de l’enquête 1. Je pratique régulièrement les délivrances manuelles : ❑ oui ❑ non 2. Je pense que cette pratique est efficace : ❑ oui ❑ non 3. Je pense qu'il faut pousser nos clients à la pratiquer : ❑ oui ❑ non 4. La délivrance manuelle peut avoir des conséquences sur l'animal : ❑ oui ❑ non Si oui, lesquelles ? 5. L'absence de délivrance manuelle peut avoir des conséquences pour l'animal : ❑ oui ❑ non Si oui, lesquelles ? 6. Utilisez-vous des oblets gynécologiques ? ❑ oui ❑ non Si oui, dans quels cas ? 7. Utilisez-vous un traitement antibiotique par voie générale ? ❑ oui ❑ non Si oui, dans quels cas ? 8. Utilisez-vous des traitements homéopathiques ? Si oui, dans quels cas ?
❑ oui ❑ non
LA PRATIQUE DE LA DÉLIVRANCE MANUELLE ● Selon cette enquête, les deux tiers des vétérinaires qui ont répondu (21) pratiquent régulièrement la délivrance manuelle et la jugent efficace (23 vétérinaires, dont 11 uniquement si elle est rapide et facile). ● Cette proportion diffère en fonction du pays : - 83 p. cent (16/19) des vétérinaires européens pratiquent la délivrance manuelle (photos 1, 2) ;
1
Vache atteinte de rétention placentaire : efforts expulsifs (photo Ph. Le Page).
Tableau - Répartition des vétérinaires pratiquant la délivrance manuelle en fonction des pays Pays
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 52 - MARS / AVRIL 2006
52
Délivrance manuelle
Pas de délivrance manuelle
Exploration utérine uniquement
Total vétérinaires
●
France
16
2
1
19
●
Québec
1
6
1
8
●
Belgique
2
0
0
2
●
Suisse
1
0
0
1
●
Portugal
0
1
0
1
●
Burkina Faso
1
0
0
1
●
Total
21
9
2
32
chirurgie réparatrice Sébastien Assié* Raphaël Guattéo* Frédéric Lemarchand* Simon Bouisset** * Unité de Médecine des animaux d'élevage, E.N.V.N. B.P. 40706, 44307 Nantes Cedex 3 ** 15, allée de la Garonnette 31770 Colomiers
Objectif pédagogique ❚ Savoir diagnostiquer les principaux accidents pathologiques survenant à la mise bas. ❚ Connaître le principe des techniques chirurgicales réparatrices adaptées.
lors de la mise bas Lors d’accidents du vêlage, la chirurgie réparatrice vise à réduire les lésions observées, en facilitant la récupération des organes touchés, tout en prévenant les complications infectieuses.
D
ans l'espèce bovine, à la mise bas, en particulier lors d’intervention humaine, toute une série d'accidents pathologiques de gravité variable peuvent survenir. Les organes traumatisés sont le vagin, le col utérin, l'utérus et, plus rarement, la vessie. ● Cet article aborde successivement la clinique des difficultés rencontrées et les techniques chirurgicales réparatrices adaptées. Il insiste sur les points critiques de chaque intervention, mais ne détaille pas chacune des techniques. COMMENT INTERVENIR SUR LE VAGIN Les lacérations vaginales Les lacérations du 1er degré n'intéressent que la muqueuse vaginale. Liées à une absence de lubrification, elles passent le plus souvent inaperçues. ● Des soins locaux sont suffisants (antiseptique- cicatrisant, Vagizan®, par exemple). ●
1
Correction des lacérations vaginales du 3e degré. Aspect de la plaie après incision horizontale de la cicatrice. (photo Médecine des animaux d’élevage, E.N.V.N.).
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 54 - MARS / AVRIL 2006
Aspects cliniques ● Dans les lacérations du 2e degré, la muqueuse, la sous-muqueuse vestibulaire (caudale à l'orifice uréthrale) ainsi que les muscles périnéaux sont déchirés ● Cette déchirure est souvent consécutive à un manque de préparation (rigidité et étroitesse du vagin chez les primipares), lors de corrections de posture ou de position anormales (ex. membre retenu), ou lors de fétotomie. ● Une extraction forcée, trop rapidement tentée, a pour effet une distension excessive des tissus qui composent la paroi, une rupture longitudinale de la muqueuse et de la musculeuse, accompagnée parfois de celle des artères vaginales qu'elle renferme. ● L'hémorragie qui s'ensuit représente toujours un danger pour la vie de l'animal et doit
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faire l'objet d'une intervention immédiate. Interventions
Les interventions requises sont : 1. la compression manuelle du ou des vaisseaux ou la mise en place dans le vagin de torchons imbibés d'eau froide ; 2. la mise en place d'une pince hémostatique qui reste à demeure jusqu'à la chute de la pince ; 3. ou de préférence, la ligature du vaisseau à l'aide d'une aiguillée double d'un fil résorbable. Ce point sert d'ancrage au surjet qui ferme la plaie vaginale. Bien souvent, par cette plaie, s'échappe du tissu graisseux péri-vaginal. Ce signe impose un examen manuel attentif du vagin, une ablation de ce tissu graisseux et la suture de la lacération. Les fistules recto-vaginales Aspects cliniques
Les lacérations du 3e degré, ou fistules recto-vaginales, sont les plus graves par leurs conséquences pathologiques. Le front du fœtus (présentations antérieures), ou ses cuisses, ou sa queue rétroflexée (en cas de présentation postérieure) bute sur la commissure supérieure des lèvres de la vulve. Le périnée finit par céder à la pression après avoir été tiré vers l'arrière. Sa déchirure est le plus souvent suivie par celles de l'anus et du plancher du rectum. ● Il se forme alors un cloaque dans lequel les souillures provenant du rectum contaminent le vagin. La contusion, l’ischémie et la nécrose qui s'ensuivent rendent vaine toute tentative de suture immédiate. ●
Intervention ● La prescription d'une antibiothérapie (pénicilline streptomycine 20 000 UI, 12,5 mg/kg par jour pendant 5 jours) permet d'obtenir une disparition de l'inflammation consécutive à la déchirure, et un début de cicatrisation. ● L'intervention chirurgicale peut alors avoir lieu lorsque les tissus sont souples et les muqueuses rectales et vaginales complètement guéries (après 40 jours). C'est un des facteurs les plus importants pour éviter les récidives [1] (encadré 1).
nutrition
réduction de la durée de tarissement :
quels effets zootechniques et métaboliques ? actualité bibliographique
Francis Enjalbert Département Alimentation E.N.V.T 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03
La réduction de la durée du tarissement, sans changement de ration a-t-elle des effets sur les résultats zootechniques et le statut énergétique des animaux ?
Figure 1 - Effet de la durée
Figure 2 - Effet
de tarissement sur la quantité
de la durée de tarissement
de matière sèche ingérée (M.S.I.) autour du vêlage (d’après Rastani et al., 2005)
sur le déficit énergétique autour du vêlage (d’après Rastani et al., 2005)
L
a durée classique de tarissement de la vache laitière en France et dans la majorité des pays du monde est de deux mois. Au plan alimentaire, ce tarissement s’accompagne normalement d’une ration relativement pauvre par rapport à la ration de lactation, avec retour à une ration riche en début de lactation. Or, les changements alimentaires sont générateurs de difficultés d’adaptation digestive (muqueuse et micro-organismes) chez les ruminants. ● En pratique, nombre de troubles digestifs ou métaboliques en peripartum sont favorisés par un changement de ration mal conduit. ● Dans ce cadre, des travaux récents ont étudié les effets d’une réduction de la durée de tarissement, sans changement de ration, sur les résultats zootechniques et le statut énergétique des animaux. Nous présentons ici les résultats d’une expérimentation réalisée aux États-Unis par Rastani RR et al. [3] et par Gumen A et al [2]. ● Trois systèmes de gestion du tarissement ont été comparés sur 65 vaches : - le tarissement classique de 56 j, avec une ration pauvre en énergie (86 p. cent de fourrages) pendant les quatre premières semaines et une ration à teneur moyenne en énergie (67 p. cent de fourrages) pendant les quatre dernières semaines ; - le tarissement court de 28 j, avec une ration riche en énergie (45 p. cent de fourrages), identique à la ration de lactation, pendant tout le tarissement ; - l’absence de tarissement programmé. Dans les trois cas, la ration était disponible à volonté.
LES EFFETS DE L’ABSENCE DE TARISSEMENT La figure 1 montre l’effet de la durée de tarissement sur la quantité de matière sèche ingérée (M.S.I.) pendant le tarissement et en début de lactation. - L’absence de tarissement s’est traduite par une augmentation significative de quantité ingérée pendant le dernier mois de gestation et les trois 1res semaines de lactation ; - alors que le raccourcissement du tarissement de 56 à 28 j n’a pas eu d’effet significatif. ● Les vaches non taries n’ont eu qu’une faible production de lait pendant le dernier mois de gestation, inférieure à 10 kg en moyenne, avec une durée moyenne de tarissement spontané de 13 j. ● Le démarrage de production laitière a été très lié au mode de gestion du tarissement. ● Sur les 70 premiers jours de lactation, la production moyenne a été de 42,4, 37,9 et 33,9 kg de lait par jour respectivement pour des durées de tarissement de 56, 28 et 0 jours. ●
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 59
observation clinique stéato-cétoses sévères avec mortalité
sur des vaches laitières
Didier Raboisson1,2 Clément Mestdagh2,3 François Roumegous4 Francis Enjalbert2 François Schelcher2 1
Gestion de la santé des bovins Département Élevage, produits et Santé publique 3 T1 pro Santé et production en élevage bovin laitier et allaitant E.N.V.T. 23, chemin des Capelles, BP 87614 31076 Toulouse cedex 03 4 Cabinet vétérinaire 8, rue Aristide-Briand 81600 Gaillac
L'objet de cet article est de décrire la démarche qui a permis d'identifier un syndrome de céto-stéatose et de ses principales causes sur des vaches laitières en début de lactation.
2
L
es troubles métaboliques et nutritionnels après la mise bas sont liés à une forte et brutale augmentation des besoins, en liaison avec le démarrage de la lactation. La gestion de l'alimentation en fin de période sèche et en début de lactation (transition period des anglosaxons) constitue un des leviers majeurs de la prévention. ● L'expression clinique est très diverse et peut être immédiate (fièvre de lait) ou différée (infertilité par exemple). Les troubles du métabolisme minéral (œdème mammaire, fièvre de lait) et énergétique (cétose, stéatose hépatique) sont les plus fréquents. ● La stéatose hépatique, caractérisée par une accumulation excessive de triglycérides dans le foie, est associée à différents symptômes ou affections : amaigrissement, sous production laitière, cétose, non délivrance, encéphalose hépatique [1, 9, 6]. PRÉSENTATION DE L’ÉLEVAGE ET DES TROUBLES L’exploitation et la conduite d'élevage
L'exploitation laitière (400 000 L de quotas laitiers ; 60 Prim'holstein en lait) est gérée en GAEC par deux frères, dont l'un s'est récemment retiré. Les vaches sont conduites en zéro-pâturage dans un bâtiment avec logettes paillées et aire d'exercice raclée couverte (photo 1). Les 25 vaches taries et les génisses gravides sont sur un parcours de 2 ha sans abri, avec une auge d'alimentation non couverte. ● Un pic de vêlages (20/60) a eu lieu en août. Un sureffectif de génisses a conduit l'éleveur à décaler quelques vêlages à 3 ans, alors qu'ils sont habituellement programmés à 2 ans. ●
Les troubles cliniques Sur les 20 vêlages du mois d'août, 15 nondélivrances (75 p. cent) ont été rapportées par l'éleveur. ●
Objectif pédagogique Diagnostiquer un syndrome de céto-stéatose dans un troupeau.
1 Les vaches sont conduites en zéro-pâturage dans un bâtiment avec logettes paillées (photo Pathologie des ruminants, E.N.V.T.).
Par ailleurs, la production de lait en début de lactation n'augmentait pas comme souhaitée sur tout le troupeau. L'absence de donnée chiffrée individuelle s'explique par l'absence de contrôle de production au mois d'août, et l'absence de résultats disponibles en septembre lors de la visite. ● Les quatre primipares ayant mis bas à 3 ans en août sont mortes dans un délai de 18 à 21 jours après le vêlage, avec au préalable des signes cliniques évocateurs de cétose (amaigrissement très prononcé, montée en lait insuffisante, appétit diminué…). ● Une des quatre génisses a été hospitalisée à l'E.N.V.T. L'examen clinique a conclu à un faible état corporel avec déplacement de la caillette à gauche. De fortes perturbations biochimiques sanguines ont été observées : acidose métabolique légère (HCO3- = 17 mmol/l), hypokaliémie sévère (2,1 mmol/l),
Motifs de la visite ❚ Mort de vaches primipares, 18 à 21 jours après le vêlage. ❚ Amaigrissement très prononcé, montée de lait insuffisante, appétit diminué. ❚ 15 non délivrances sur 20 vêlages du même mois.
Hypothèses diagnostiques ❚ Stéatose hépatique sévère. ❚ Infection parasitaire (douve). ❚ Hypocalcémie peripartum.
Tableau 1 - Notes d'états corporels de 8 animaux, selon la grille européenne (note de 1 à 5) Nombre de Jours État corporel depuis le vêlage 40 j
2,5
39 j
3,5
38 j 34 j
3
32 j 20 j
2,5
RUMINANTS
3 2
15 j
3
8j
1,5
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 61
l’herpèsvirose ou peste du canard
une maladie mésestimée ?
L’essor de la production des palmipèdes observé depuis quelques années en France a modifié les dominantes pathologiques. Alors que la peste du canard (ou herpèsvirose) n’était plus rencontrée que ponctuellement en France, une augmentation significative de l’incidence de cette maladie a été observée en 2005.
L
a peste du canard (ou entérite virale du canard, ou herpèsvirose du canard) se caractérise par des manifestations cliniques souvent spectaculaires et des conséquences économiques redoutables. Elle constitue ainsi une menace sanitaire réelle, dont on ne mesure sans doute pas toute l’importance, par défaut de diagnostic. ● Cet article présente l’agent de la maladie et son pouvoir pathogène (encadré 1) et fait le point sur les circonstances d’apparition, sur les signes cliniques et lésionnels et sur le diagnostic. Les éléments de prévention sont présentés dans le second article de ce dossier. L’APPROCHE ÉPIDÉMIOLOGIQUE L’incidence et la distribution
La peste du canard a été rapportée dans de nombreux pays. - Outre les Pays-Bas, elle a été observée en Chine, en France, en Belgique, en Inde, en Thaïlande, en Angleterre, au Canada, aux États-Unis, en Hongrie, au Danemark, en Autriche et au Vietnam [22]. - La maladie existe dans toutes les zones de production de palmipèdes. ● Chez les palmipèdes domestiques, l’herpèsvirose est extrêmement contagieuse dans les élevages touchés, mais elle reste rare (environ quatre cas décrits chaque année aux États-Unis de 1967 à 1995) [5, 6]. ● Chez les palmipèdes sauvages, le statut des animaux est difficile à évaluer et semble varier d’une région du monde à l’autre ●
Cyril Boissieu1 Antoine Mercier2 Thierry Gavaret3 Jean-Luc Guérin1 1 E.N.V.T. Unité Productions animales Clinique des élevages avicoles et porcins 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03 2 Anilab, 56140 Malestroit, Réseau Cristal 3 Labovet, 53, route de Nantes, 85300 Challans Réseau Cristal
Encadré 1 - L’agent de la maladie et son pouvoir pathogène ● Décrite pour la 1 ère fois en 1923 aux PaysBas, la peste du canard est d’abord attribuée au virus de l’influenza aviaire. Cette croyance persiste jusqu’aux travaux de Jansen qui, en 1949, infirment cette hypothèse. ● En 1968, l’agent étiologique est identifié : il s’agit de l’herpèsvirus des anatidés de type 1, au sein de la sous-famille des alpha-herpesvirinae [2, 11, 16, 18, 22]. Des souches de virulence variable sont observées, mais elles sont toutes identiques d’un point de vue antigénique [2, 11, 14]. ● Le virus est sensible à l’éther et au chloroforme. Il est détruit par la chaleur : 10 min à 56°C, 1 mois à 22°C. Il résiste en revanche des semaines dans l’eau à 4°C. Des pH inférieurs à 3 ou supérieurs à 11 l’inactivent rapidement. Les désinfectants usuels sont efficaces [14, 22]. ● Chez un hôte sensible, le virus se réplique tout d’abord dans la muqueuse du tractus digestif, principalement l’œsophage. Puis, on le retrouve dans la bourse de Fabricius, dans le thymus et enfin, dans la rate et dans le foie. ● Les cellules épithéliales et les macrophages sont les principaux sites de réplication [22, 24]. La réplication virale est rapide dans les cellules cibles, avec une phase de latence de 6 à 8 h [2, 14].
[1, 6]. Des épisodes cliniques sont reconnus chez des palmipèdes sauvages, se traduisant par une forte mortalité [15]. ● Les données épidémiologiques sur une influence saisonnière sont sujettes à discussion. Cependant, il semble qu’une augmentation de cas soit observée au printemps, avec un pic entre mars à juin [6, 8]. ● Les foyers de peste du canard seraient liés à l’arrivée massive de palmipèdes sauvages durant les périodes de reproduction [14, 22] (encadré 2). En France, les quelques cas observés chaque année sont essentiellement localisés dans les zones humides, notamment le marais vendéen.
Objectif pédagogique ❚ Savoir suspecter et gérer un cas d’herpèsvirose du canard.
1
Cane Pékin malade. - Noter la prostration et les ailes tombantes. L’animal ne réagit pas à l’approche de l’Homme.
2
Nombreuses pétéchies sur le cœur d’une cane Pékin (photos J.-L. Guérin ENVT Toulouse).
Essentiel ❚ La maladie existe dans toutes les zones de production de palmipèdes. ❚ La sensibilité à la maladie est variable selon l’espèce.
Les modes de transmission directs et indirects ● La transmission du virus de la peste du canard s’effectue essentiellement par transmission horizontale directe par contact entre des oiseaux infectés et des oiseaux sensibles.
PORCS- VOLAILLES
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 67
herpèsvirose
Cyril Boissieu1 Antoine Mercier2 Thierry Gavaret3 Jean-Luc Guérin1 1 E.N.V.T. Unité Productions animales Clinique des élevages avicoles et porcins 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03 2 Anilab, 56140 Malestroit Réseau Cristal 3 Labovet, 53, route de Nantes, 85300 Challans Réseau Cristal
La surveillance de l’avifaune ❚ Les relations épidémiologiques entre la faune sauvage et les palmipèdes domestiques font l’objet d’une attention très soutenue au regard du risque d’introduction de l’influenza aviaire. ❚ Pour ce qui concerne l’herpèsvirose, la fréquence des cas reliés à la faune sauvage pose la question du statut des oiseaux sauvages. ❚ Grâce aux nouveaux outils de diagnostic, comme la polymerase chain reaction (P.C.R.), il sera sans doute plus facile à l’avenir d’étudier le statut des colonies d’oiseaux sauvages vis-à-vis du virus de la peste. ❚ Déterminer si des canards sauvages, voisins de zones d’élevage de palmipèdes domestiques, sont infectés excréteurs pourrait permettre de mieux évaluer les mesures de biosécurité à adopter [15].
NOTES Cf. mêmes auteurs dans ce N° : * “L’herpèsvirose ou peste du canard, une maladie mésestimée”
Essentiel ❚ La lutte contre cette maladie est fondée sur la prévention. ❚ En milieu contaminé, il est recommandé de sacrifier tous les animaux sensibles survivants.
PORCS- VOLAILLES
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 72 - MARS / AVRIL 2006
comment prévenir la maladie ? chez le canard
I
l n’existe pas de traitement médical contre la peste du canard, ou herpèsvirose* [5, 22]. La lutte contre cette maladie est donc fondée sur la prévention. Dans des cas particuliers, les traitements médicaux peuvent cependant être utilisés, pour lutter contre les infections opportunistes. L’APPROCHE SANITAIRE
● Le contrôle de l’herpèsvirose du canard dans l’avifaune se révèle impossible, notamment à cause de la difficulté à identifier le statut des palmipèdes sauvages (encadré). Une part importante de la lutte consiste à empêcher son apparition dans l’élevage. ● Les règles principales de prévention consistent à : - maintenir les oiseaux sensibles dans un environnement vierge de toute contamination ; - établir des mesures préventives pour éviter l’exposition des oiseaux au virus ; - éviter le contact avec des palmipèdes sauvages toujours suspects et avec des matériaux contaminés (eau, sol) [5]. ● Ces mesures s’avèrent difficiles à mettre en place, surtout dans les élevages avec accès à un parcours extérieur. ● En milieu sain, les mesures sanitaires classiques sont à appliquer. Il faut éviter le plus possible le contact canard domestiquecanard sauvage. ● Le virus est connu pour être stable et persistant dans un environnement froid et humide. De plus, les oiseaux infectés peuvent devenir porteurs. ● En milieu contaminé, il est recommandé de sacrifier tous les animaux sensibles survivants. Il convient ensuite de mettre en œuvre un protocole de nettoyage et de désinfection rigoureux des bâtiments et de l’environnement où vivaient les palmipèdes contaminés, en respectant une période de vide sanitaire. La repopulation peut être envisagée [5].
LA VACCINATION L’immunité active de l’herpèsvirose du canard met en jeu à la fois l’immunité humorale et l’immunité cellulaire. L’immunité passive a également été décrite. Cependant, le titre en anticorps d’origine maternelle chez les canetons décline rapidement et disparaît pratiquement sur des individus de 15 jours [22]. ● La vaccination peut être utilisée comme ●
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mesure préventive, mais aussi comme instrument de lutte lors d’un épisode de peste du canard. Il semble que les canards vaccinés n’excrètent pas le virus [13]. Cependant, notre expérience de cas récents montre les limites de cette approche**. ● Expérimentalement, les vaccins atténués sont nettement plus efficaces que les vaccins inactivés en pratique. Un seul vaccin atténué a une A.M.M. en France (Vaxiduck®, Merial). La souche vaccinale Janssen a été atténuée par passages successifs sur des œufs embryonnés. Ce vaccin s’administre par voie sous-cutanée ou intramusculaire, sur des animaux de plus de 2 semaines. Il confère une protection solide, mais peu durable (un ou deux mois) : il peut être utilisé avant les périodes à risque [13, 22]. ● La protection pourrait intervenir très rapidement après administration du vaccin, même si les travaux concernant cette réponse vaccinale et son effet sur la dynamique d’infection sont à la fois peu nombreux et très anciens. ● Le repeuplement d’un élevage après un accident de peste est une indication de la vaccination, afin de limiter de risque de contamination [5]. ● En revanche, la vaccination d’un lot déjà infecté doit être envisagée avec extrême réserve, car son efficacité est aléatoire et elle n’empêche pas complètement l’excrétion par les sujets porteurs asymptomatiques. Le phénomène de latence explique ce statut de porteur à long terme du virus. Un lot infecté sous couvert de vaccination doit donc être considéré comme une source de virus et ce, jusqu’à son abattage. CONCLUSION ● La gestion d’un cas d’herpèsvirose doit s’envisager sur la base d’une analyse coûtbénéfice, en prenant néanmoins en compte le risque de rechute (surtout pour les canards destinés au gavage) et en 1er lieu, le risque épidémiologique que représentent les sujets infectés latents, même s’ils sont vaccinés. ● Chaque fois que cela est possible, l’élimination de tous les lots infectés est à réaliser dans les meilleurs délais, en prenant toutes les protections de biosécurité. ❒
observation clinique herpèsvirose dans un élevage multi-espèces chez le canard
Le cas de cet élevage multi-espèces illustre la difficulté de combattre cette maladie lorsqu’elle s’abat sur un élevage.
P
lusieurs espèces de palmipèdes sont regroupées sur un même site d’élevage : des lots de canards mulards prêt-àgaver d’âges différents, des canards mulards en gavage et des reproducteurs, des canards mâles de Barbarie, et des canes Pékin. MOTIF DE LA VISITE
Le motif de la visite du vétérinaire est une forte mortalité sur les canards mulards, les canards de Barbarie et les canes Pékin. ● La mortalité commence sur un lot de mulards de 7 semaines élevés sur parcours. Cette mortalité est forte. ●
DIAGNOSTIC La suspicion est d’abord tournée vers un épisode de choléra aigu ou vers une intoxication, mais l’échec du traitement antibiotique et celui de la recherche de toxiques entraînent de nouvelles recherches. ● Un examen histologique conduit au diagnostic d’herpèsvirose du canard. ● La maladie s’étend à d’autres lots de mulards, dont certains sont déjà en gavage. Il est alors décidé d’éliminer les lots affectés et de vacciner (Vaxiduck®, Mérial) les autres lots, apparemment indemnes. ●
ÉVOLUTION Quelques jours plus tard, et malgré la vaccination, la mortalité s’étend à d’autres lots : mulards, canes Pékin en mue et en ponte et canards de Barbarie reproducteurs. ● Les animaux sont prostrés, assoiffés, avec les ailes tombantes. Les canes présentent une forte chute de ponte. ● Des autopsies révèlent des lésions compatibles avec la peste du canard : - un tableau congestivo-hémorragique ; - des pétéchies sur le proventricule ; - des ulcères et des nécroses dans le gésier ; - des ulcères et des lésions annulaires dans l’intestin ; - des pétéchies sur le cœur et dans la trachée. ●
Cyril Boissieu1 Jean-Luc Guérin2 1 E.N.V.T. Unité Productions animales Clinique des élevages avicoles et porcins 2 U.M.R. INRA E.N.V.T. Intéractions Hôtes Agents Pathogènes E.N.V.T. 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES ● Des examens complémentaires sont entrepris : des écouvillons cloacaux sont réalisés sur plusieurs lots et analysés par polymerase chain reaction (P.C.R.). à l’ENV Toulouse. Les résultats de la P.C.R. sont positifs pour les canes, pour les mâles Barbarie, et douteux pour les mulards. ● Au regard de ces résultats et de la mortalité qui s’étend à l’ensemble du site, il est finalement décidé de procéder à l’abattage de tous les lots.
ORIGINE DE LA CONTAMINATION ● Le site est proche d’un point d’eau qui abrite des canards Colverts. Certains sont régulièrement observés sur les parcours des mulards. ● L’hypothèse de la contamination du site par les canards sauvages est validée par des analyses P.C.R. positives sur certains de ces canards Colverts.
DISCUSSION ● Dans un contexte "multibande" ou "pluriespèces", l’introduction de l’herpèsvirus du canard* entraîne toujours des difficultés, car il est quasiment impossible d’empêcher la diffusion du virus. Les animaux infectés constituent la source majeure de matières infectieuses. ● Seul le dépeuplement complet du site, suivi d’un protocole très rigoureux de nettoyage et désinfection, permet d’enrayer de la circulation virale**. Une telle décision est évidemment très lourde de conséquence, surtout si des reproducteurs sont concernés. ● La vaccination peut être envisagée pour protéger des lots exposés à l’introduction du virus, en appui des mesures sanitaires. ● En revanche, la vaccination d’un lot déjà infecté est contestable, car la protection clinique qu’elle confère est très aléatoire et dans tous les cas, il subsiste des animaux porteurs et excréteurs à long terme du virus.
Symptômes ❚ Animaux prostrés, assoiffés avec les ailes tombantes. ❚ Forte chute de ponte. ❚ Lésions compatibles avec la peste du canard.
NOTES Cf. des mêmes auteurs : * “L’herpèsvirose ou peste du canard, une maladie mésestimée ?” ; ** “Herpèsvirose chez le canard : comment prévenir la maladie ?".
Essentiel ❚ Seul le dépeuplement complet du site, suivi d’un protocole très rigoureux de nettoyage et désinfection, permet d’enrayer la circulation virale.
CONCLUSION ● Ce cas clinique montre la difficulté de la gestion de l’herpèsvirose dans un élevage “multi-espèces”. La décision d’abattage retenue ici est en principe la plus indiquée. ● Elle repose largement sur l’analyse de risque et les considérations économiques. ❒
PORCS- VOLAILLES
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 73
cas d’élevage
diarrhée hémorragique fatale Hervé Morvan1 Bruno Nevers2 Philippe Dorchies3 Guy-Pierre Martineau3 1 L.D.A. 22 7, rue du Sabot B.P. 54, 22440 Ploufragan 2 Sud-Ouest Conseil, 11, rue d’Ariane, 31240 L’Union 3 E.N.V.T., 23, chemin des Capelles BP 87614, 31076 Toulouse cedex 3
Objectif pédagogique Diagnostiquer une trichurose dans un élevage, en extérieur ou non. Hypothèses diagnostiques ❚ Dysenterie porcine classique à Brachyspira hyodysenteriæ. ❚ Trichurose Motif de consultation ❚ Dysenterie mortelle chez des porcs d’engraissement, qui ne répond pas aux antibiotiques classiques.
3
Présence de nodules sur la muqueuse colique : - Ces nodules sont beaucoup plus visibles que les nématodes de la photo 2. - Dans ce cas, on observe à la fois des Œsophagostomum et des Trichuris suis.
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 74 - MARS / AVRIL 2006
dans un atelier d’engraissement
de porcs
Le cas d’élevage présenté dans cet article est survenu au début des années 2000 dans un engraissement sur terre battue et paillé du Sud-Ouest. Le site affecté n’avait pas été utilisé pour l’engraissement de porcs depuis plusieurs mois.
E
n raison de difficultés de gestion de flux d’animaux, l’éleveur multiplicateur, a dû trouver un site tampon pour engraisser temporairement les porcs mâles castrés de son élevage. Il a donc loué temporairement la porcherie.
1
Affection classique des élevages extérieurs, la trichurose peut aussi se rencontrer dans d’autres cadres (photo H. Morvan L.D.A.).
COMMÉMORATIFS ET DIAGNOSTIC À DISTANCE Des mortalités aiguës sont notées chez des porcs en fin d’engraissement, au mois de juillet. Le technicien de l’élevage, alors en vacances, ne peut assurer le suivi. L’éleveur, qui n’habite pas sur le site, n’a pas pu intervenir. Le technicien suppléant ne réagit pas rapidement et ne fait appel au vétérinaire tout de suite. Nous n’avons pu nous rendre immédiatement dans l’élevage pour des raisons de disponibilité et avons agi à distance. ● Des autopsies ont été effectuées dans l’élevage. Les lésions macroscopiques mises en évidence sont compatibles avec un diagnostic de dysenterie porcine classique à Brachyspira hyodysenteriæ (photo 1). ● Toutefois, les données épidémiologiques ne militent pas en faveur de ce diagnostic, puisqu’il n’y a aucun cas sur le site principal de l’élevage, et qu’aucun médicament n’est utilisé préventivement en regard de cette affection. ● En dehors de la dysenterie porcine, la seule autre cause possible d’une colite hémorragique est la trichurose. Mais cette affection n’est pas compatible avec l’élevage d’origine, en confinement. ● Aussi, le vétérinaire traitant n’a pas d’autre choix que d’”ouvrir son parapluie”, et d’envisager à la fois la dysenterie à Brachyspira hyodysenteriae et une affection parasitaire. C’est ainsi qu’un traitement associant lincomycine et ivermectine est mis en place. ●
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2
À l’œil nu et dans des conditions sub-optimales (autopsie en élevage, lumière ambiante), un diagnostic anatomopathologique de colite hémorragique est établi. - L’examen dans de bonnes conditions et l’utilisation d’une loupe permet de voir les parasites. - Il est possible de voir des trichures (ou “tricocéphale”), des formes adultes : corps en deux parties : un filament long et grêle en parie antérieure (2 à 3 cm) et la partie postérieure du corps : forme d’une banane en prolongement du filament antérieure.
AUTOPSIES Comme les mortalités perdurent et que la situation devient chaque jour plus catastrophique, le vétérinaire conduit plusieurs autopsies en élevage. ● Une colite hémorragique constante (photo 2) et des nodules sur la muqueuse (photo 3) sont mis en évidence. Ces nodules se révèlent être associés à Œsophagostomum (photo 3). ●
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES ● Des prélèvements de matières fécales sont envoyés au laboratoire. Les examens bactériologiques mettent en évidence : - E. coli, ce qui n’est pas une véritable découverte ; - Escherichia fergusoni fergusoni : l’un d’entre nous s’est posé la question de l’intérêt
enjeux économiques
la nouvelle P.A.C. et sa mise en œuvre en France
En une décennie, la Politique agricole commune européenne a connu trois réformes en 1992, en 2000, et en 2003 qui ont profondément modifié ses contours initiaux. Cet article présente les grands traits de la réforme décidée en 2003, de sa mise en œuvre en France et de ses conséquences prévisibles.
la production et le versement de certaines aides directes (re-couplage) lorsque le découplage total pourrait entraîner des perturbations des marchés agricoles, ou l’abandon de certaines productions. ● Par ailleurs, les États peuvent accorder des paiements additionnels (dans la limite de 10 p. cent du plafond national) afin de soutenir des activités agricoles qui encouragent la protection de l’environnement ou améliorent la qualité des produits agricoles ou leurs conditions de commercialisation.
L
La conditionnalité des aides
a réforme de la Politique agricole commune, prévue lors de la signature du compromis de Luxembourg (26 juin 2003), s’articule autour de trois axes : - l’introduction d’un régime de paiement unique, qui supprime les liens entre les productions et les subventions ; - la conditionnalité des aides ; - la modulation des paiements directs. LES POINTS ESSENTIELS DE LA RÉFORME DE 2003 Le régime de paiement unique
Pivot de la réforme de 2003, le régime de paiement unique (R.P.U.) est fondé sur la notion de découplage total (cf. Définition). ● L’objectif poursuivi par la Commission européenne est de permettre une meilleure adéquation entre l’offre agricole et la demande des consommateurs, en déconnectant l’octroi d’aides des types et volumes de production. ● Le montant que chaque État peut dépenser sous forme d’aides directes dans le cadre du régime de paiement unique (R.P.U.) est appelé plafond (ou enveloppe) national(e). Son calcul se fonde sur le total des aides payées sur la période de référence 20002002. Le régime du R.P.U. peut être introduit depuis du 1er janvier 2005 et doit être appliqué dans tous les États avant le 1er janvier 2007. ● Toutefois, l’application du principe de découplage n’est que partiel : les États se voient autorisés à maintenir le lien entre ●
L’attribution des aides est conditionnée : - au respect des 19 directives et règlements européens concernant la protection de l’environnement, la santé publique et animale, les règles phytosanitaires et le bien-être des animaux ; - au maintien des terres en bon état agricole et environnemental (cf infra). La modulation des paiements directs La modulation des paiements directs poursuit deux objectifs : - réduire les inégalités de leur répartition entre exploitants ; - renforcer les politiques de développement rural, 2e pilier de la Politique agricole commune (P.A.C.) ● Ainsi, les exploitants recevant plus de 5 000 € par an de soutiens communautaires voient tous leurs paiements directs amputés de : - 3 p. cent en 2005 ; - 4 p. cent en 2006 ; - 5 p. cent à partir de 2007 et jusqu’en 2012. Ces fonds serviront à financer des programmes de développement rural. ● La nouvelle P.A.C. perd le caractère d’union qui caractérisait les versions précédentes : une latitude importante est laissée à chaque État membre sur les choix techniques (découplage total ou partiel), et sur le calendrier d’application (entre 2005 et 2007). ● Cela introduit, de fait, une renationalisation partielle de cette politique commune fondatrice de l’Union européenne. ●
Pierre Sans E.N.V.T Département Élevage et produits / santé publique vétérinaire Unité pédagogique Productions animales 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03
Objectif pédagogique ❚ Comprendre les principes de la réforme de la Politique agricole commune et ses conséquences. Définition ❚ L’application d’une politique “qui n’influence pas les décisions en matière de production des agriculteurs recevant des paiements et qui permet la libre détermination des prix par le marché”.
Essentiel ❚ Le régime de paiement unique (R.P.U.) doit être appliqué dans tous les états avant le 1er janvier 2007 et peut être introduit depuis le 1er janvier 2005. ❚ La France a choisi d’appliquer le R.P.U. en 2006. ❚ La réforme de la P.A.C. conduit à un découplage partiel des aides à l'agriculture. ❚ Les aides sont accordées sous conditions. ❚ Une partie des aides est réaffectée à des mesures visant au développement rural.
COMPRENDRE ET AGIR
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 77
l’abord du troupeau
savoir interpréter les comptages cellulaires
en troupeau bovin laitier
Henri Seegers Nathalie Bareille
Les comptages cellulaires en troupeau laitier peuvent permettre d’évaluer la présence des infections, les pertes de production, la prévention des nouvelles infections, ou leur élimination.
U.M.R. Gestion de la Santé animale E.N.V.N./I.N.R.A. Atlanpôle La Chantrerie B.P. 40 706, 44307 Nantes cedex
Objectif pédagogique Tenir compte efficacement des comptages cellulaires en troupeau bovin laitier.
selon le type d’infection en fonction de la concentration en cellules du lait de troupeau
L
NOTES 1. Rythme de prélèvement le plus fréquent. 2. Périodicité la plus répandue dans le cadre du Contrôle laitier. 3. Cf. “Comprendre l’épidémiologie - Incidence et prévalence”, de B. Toma, dans ce numéro.
Essentiel ❚ La teneur du lait en cellules somatiques est un indicateur d’inflammation, et non une mesure directe de l’infection. ❚ La mesure de la teneur en cellules dans le lait de tank reflète plus ou moins la prévalence des infections intramammaires, selon le tri effectué en amont.
es infections intramammaires sont le seul trouble de santé enzootique pour lequel les éleveurs et leurs conseillers disposent d’une information produite en routine : - chaque décade, tout troupeau laitier fait l’objet de comptages de cellules somatiques sur le lait de tank livré1 ; - chaque mois, environ six troupeaux sur 10 ont des résultats de concentrations en cellules des laits individuels (C.C.I.) pour les vaches traites2. ● Cette information peut être utilisée pour évaluer la présence des infections et l’efficacité des mesures de prévention ou de traitement. ● En fait, la teneur du lait en cellules somatiques est un indicateur d’inflammation, et non une mesure directe de l’infection. - Sa décroissance après une guérison bactériologique n’est pas immédiate, mais progressive. - L’information est exprimée pour l’ensemble des quartiers d’une vache, ou pour l’ensemble des quartiers du troupeau, ce qui tend à brouiller sa signification. - Par ailleurs, les différentes bactéries impliquées dans les infections intramammaires sont associées à des élévations de cellules somatiques plus ou moins marquées. Ainsi, les agents pathogènes dits mineurs tels que les staphylocoques coagulase négative et Corynebacterium bovis ne donnent lieu qu’à des élévations très modérées : + 200 000 cellules/ml dans le lait d’un quartier, soit + 50 000 cellules/ml pour le lait des quatre quartiers réunis. Certaines souches de Staphylococcus aureus peuvent également, à certaines phases d’une évolution sur le mode chronique, donner des élévations très faibles. ● Utiliser convenablement les comptages cellulaires nécessite donc de considérer leur valeur informative : - intrinsèque (la valeur de l’indicateur en soi) ; - extrinsèque (la valeur dans le contexte particulier d’un troupeau).
COMPRENDRE ET AGIR
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 80 - MARS / AVRIL 2006
Figure 1 - Répartition courante des vaches à un contrôle laitier mensuel
80
POUR ÉVALUER LA PRÉVALENCE DES INFECTIONS ● La mesure de la teneur en cellules dans le lait de tank reflète plus ou moins la prévalence des infections intramammaires. Celleci dépend du tri effectué en amont : l’éleveur peut utiliser le lait de vaches à concentration en cellules des laits individuels (C.C.I.) élevée pour alimenter les veaux. ● C’est pourquoi, dans les troupeaux où elle est disponible, la concentration en cellules recalculée pour le troupeau à partir des C.C.I. et pondérée par les quantités de lait produites individuellement est préférable. Toutefois, celle-ci est moins informative que le pourcentage de C.C.I. individuels au-dessus d’un seuil de 200 000 à 300 000/ml. - Vers 10 p. cent au-dessus du seuil : environ 17 p. cent de vaches sont infectées par un pathogène majeur au moins ; - vers 20 p. cent : environ 33 p. cent ; - vers 30 p. cent : environ 50 p. cent. Les variations autour de ces valeurs sont importantes.
L’objectif est de maintenir : - le % des concentrations en C.C.I. > 300 000/ml en dessous de 13 p. cent (tableau 1) ; - ou le % des C.C.I. > 200 000 /ml en dessous de 18 p. cent.
●
La prévalence3 des infections intramammaires dans le troupeau résulte d’une combinaison de l’incidence3 (la survenue de nouvelles infections) et de l’élimination/persistance des infections (spontanée ou sur ●
management de l’entreprise
2006 : année de la valorisation des services Philippe Baralon Phylum BP 17530 31675 Labège Cedex
2006 a commencé par une modification majeure de l'économie des entreprises vétérinaires en productions animales. La loi Dutreil1, succédant à la loi Galland2, renouvelle la concurrence sur le médicament et rogne, à un rythme et dans des proportions variables, la marge réalisée dans ce secteur. Cette nouvelle donne appelle une réaction sur le marché du médicament3, mais ne reste pas sans conséquence dans le domaine des services.
L
e contexte favorable qui a prévalu sur le marché du médicament de 1996 à 2005 a permis aux entreprises vétérinaires de prospérer sur un modèle économique déséquilibré : les meilleures marges d'Europe prélevées sur le médicament ont compensé une valorisation faible des services. Ce modèle connaît des variantes. ● Nombre de clientèles avicoles ou porcines ne rémunèrent le service, essentiel sur le plan technique, que par la marge sur le médicament. ● Les clientèles rurales traditionnelles valorisent bien certains gestes techniques (obstétrique, chirurgie…) mais facturent couramment le couple "déplacement + visite" moins de 40 € hors taxes … hors médicaments. DES SERVICES GLOBALEMENT SOUS VALORISÉS
● Face à un tel constat, la première étape de la réponse tient dans la prise de conscience des deux effets délétères du modèle économique actuel. 1. L'économie de la "filière vétérinaire" repose trop sur la pharmacie. Compenser des services mal valorisés par la marge sur les médicaments conduit à une inflation du budget pharmacie pour les éleveurs, rend les entreprises vétérinaires très dépendantes de leurs ventes de médicaments, et pose un problème aux laboratoi-
res pharmaceutiques placés en position de "sponsors" de toute la filière. 2. Paradoxalement, la faible valorisation des services limite leur développement. Les innovations restent rares car elles se heurtent à l'incapacité du marché - clients et prestataires - à rémunérer correctement de nouveaux services. Confrontés à de telles perspectives et anesthésiés par une situation confortable, les cabinets ont orienté investissements et innovations dans d'autres directions, principalement sur le marché des animaux de compagnie. Or, les éleveurs évoluent, leurs besoins de services aussi. ● Ces problèmes ont été masqués par une situation favorable. Malgré la stagnation du marché des productions animales en valeur, donc son déclin en volume, les entreprises vétérinaires qui ont misé sur ce secteur y ont connu une bonne croissance sous l'effet de deux facteurs : - un effet "restructuration" : les entreprises vétérinaires qui comptent en productions animales sont moins nombreuses qu'il y a 10 ans, plus grosses et plus efficaces. Elles ont prospéré sur la sortie du marché d'autres cabinets (cessation d'activité, réorientation stratégique) ; - un effet "concurrence" : les vétérinaires ont amélioré leur position sur le marché du médicament par rapport aux autres ayants droit4. La loi Galland neutralisant la concurrence par les prix, il a été possible de regagner des parts de marché par un meilleur service de conseil et de prescription … gratuit. ● Aujourd'hui, l'effet restructuration joue moins, même si le mouvement n'est pas terminé, et la loi Dutreil relance la concurrence par les prix. TROIS ACTIONS À COURT TERME Il n'est ni possible ni souhaitable de se lancer dans un "grand soir" de la revalorisation des services en pensant compenser brutalement des années d'érosion. ● Au contraire, il importe d'agir de manière ciblée et pragmatique, avec comme objectif premier de se remettre dans le sens de la marche. Nous proposons ici trois actions concrètes, applicables à court terme (encadré). ●
Objectifs pédagogiques ❚ Comprendre les enjeux de la valorisation des services. ❚ Proposer des actions à entreprendre à court et à moyen terme.
NOTES 1. La loi Dutreil autorise la prise en compte d'une partie des remises arrières, ce qui abaisse le seuil de revente à perte et peut relancer la concurrence par les prix. 2. La loi Galland définissait le seuil de revente à perte d'un produit par un distributeur, comme le prix net figurant sur la facture d'achat. 3. Surveillance concurrentielle accrue, fixation raisonnée des prix des produits clés, refonte des systèmes de fidélisation. 4. De 2000 à 2004, la part de marché des vétérinaires, tous produits confondus, est passée de 66 à 73 p. cent (source : www.simv.org).
Essentiel ❚ Les services sont globalement sous-valorisés en productions animales. ❚ Les innovations peuvent concerner à la fois les services au cabinet et en élevage. ❚ L'utilisation d'un système d'information organisé autour du client permet de mieux cibler son offre de service.
COMPRENDRE ET AGIR
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 83
N°1
FORMATION MÉDICALE
MARS AVRIL 2006
CONTINUE VÉTÉRINAIRE FMCvét
A
comprendre l’épidémiologie incidence et prévalence par Bernard Toma Un rappel sur l’incidence et la prévalence, deux indicateurs de fréquence d’une maladie, et de la relation qui les lie. Page 88 découvrez les
exercices pratiques d’épidémiologie ... .. et leurs réponses
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étude de cas de l’internat mortinatalités atypiques en élevage bovin allaitant
par Simon Quilly, Nathalie Bareille, Alain Girard, Sébastien Assié Page 91
L’objectif de cet article est de présenter une démarche personnelle appliquée à la recherche de la cause d’un trouble pathologique collectif non standard ...
revue internationale un panorama
des meilleurs articles rubrique dirigée par Sébastien Assié, Didier Raboisson, François Schelcher, Henri Seegers Page 89 - effet de la taille du lot sur la santé et la vitesse de croissance de veaux laitiers suédois élevés en case équipées de distributeurs automatiques de lait par Sébastien Assié (E.N.V. Nantes) - affections de l’onglon et évaluation subjective de la posture des vaches laitières par Sébastien Assié (E.N.V. Nantes)
- la maladie de Crohn chez des personnes exposées à des cas cliniques de paratuberculose bovine par Sébastien Assié (E.N.V. Nantes) - étude des facteurs associés aux performances de porcelets en post-sevrage par Catherine Belloc (E.N.V. Nantes)
- effets du lactate d’halofuginone sur l’apparition de Cryptosporidium parvum et sur la croissance des veaux nouveau-nés dans des troupeaux laitiers par Pierre Le Mercier (E.N.V. Toulouse) - évaluation des effets de l'érythromycine, de la néostigmine et du métoclopramide sur la motilité et la vitesse de vidange de la caillette chez le veau par Alexis Kiers (E.N.V. Toulouse)
synthèse les effets de l’infection par l’agent de la paratuberculose sur la production laitière des vaches par François Beaudeau, Maud Belliard, Alain Joly, Henri Seegers
u sein de l’épidémiologie, science qui étudie les maladies à l’échelle d’une population, on distingue notamment deux grands domaines : - l’épidémiologie descriptive ; - l’épidémiologie explicative. L’épidémiologie descriptive a pour objectif de décrire la situation d’une maladie ou son évolution dans le temps, sa distribution dans l’espace et ses fluctuations dans la population étudiée. Elle précède l’épidémiologie explicative dans le temps et permet de formuler des hypothèses sur les facteurs qui influencent l’évolution de la maladie au sein de la population. L’épidémiologie explicative a pour objectif de tenter de comprendre (d’expliquer) les mécanismes qui déterminent le "fonctionnement" de la maladie au sein d’une population. En quelque sorte, la 1re peut être comparée à l’anatomie de la maladie dans la population, et la 2nde à la physiologie.
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ette série d’articles du NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE Élevages et santé portera exclusivement sur l’épidémiologie descriptive. Les thèmes abordés seront : - incidence et prévalence ; - représentativité de l’échantillon ; - nombre de sujets nécessaire ; - expression des résultats d’une enquête ; - y a-t-il une différence ? ; - la différence est significative ; - élevage ou région indemne. Pour soutenir l’attention pendant et après la lecture, des exercices pratiques sous forme de Q.C.M. vous sont proposés. N’hésitez pas à “jouer le jeu” avant d’en vérifier la solution ... quelques pages plus loin. ❒
C
Bernard Toma
comprendre l’épidémiologie Bernard Toma
incidence et prévalence
Service Maladies contagieuses E.N.V.A. 7, avenue du Général-de-Gaulle 94704 Maisons-Alfort cedex
Ces deux mots : incidence et prévalence sont devenus banals dans tout article traitant d’une maladie dans une population animale. Pourtant, leur signification n’est pas forcément claire pour chacun d’entre nous. Cet article est destiné à rappeler les caractéristiques de ces deux indicateurs de fréquence d’une maladie et la relation qui les lie.
L
es termes "incidence" et "prévalence" font partie du vocabulaire de base pour décrire la situation épidémiologique d’une maladie, tant animale qu’humaine. Ils correspondent à deux notions tout à fait différentes, mais liées. Elles sont très simples à comprendre, donc à utiliser : - l’incidence correspond à la notion de vitesse. C’est, en quelque sorte, la vitesse d’apparition d’une maladie, puisqu’elle quantifie les nouveaux cas ; - la prévalence correspond à la notion de bilan (inventaire), de somme. Elle quantifie le total des cas à un moment donné ou pendant une période donnée. ● Chacune de ces deux notions est indispensable pour décrire l’évolution d’une maladie
Figure 1 - Représentation schématique de la relation entre la prévalence au cours d’une période donnée, et l’incidence
Encadré 1 - Principales expressions relatives à l’incidence et à la prévalence L’incidence : Nombre de cas ou de foyers nouveaux d’une maladie, dans une population déterminée, au cours d’une période donnée. ● Le taux d’incidence : Incidence rapportée à l’effectif de la population à risque. ● La prévalence : Nombre total de cas ou de foyers d’une maladie, dans une population déterminée, au cours d’une période donnée ou à un instant donné. ● Le taux de prévalence : Prévalence rapportée à l’effectif de la population à risque. ● La prévalence instantanée : Prévalence à un instant donné. ●
dans une population. C’est exactement comme pour un trajet en voiture que l’on souhaite décrire : on peut dire à quelle vitesse (incidence) ce trajet est effectué, mais la vitesse ne renseigne pas sur le nombre de kilomètres parcourus (prévalence). ● L’encadré 1 donne les définitions des expressions relatives à l’incidence et à la prévalence, utilisées communément pour décrire l’évolution ou la situation épidémiologique d’une maladie (tant animale qu’humaine). ● L’encadré 2 présente des exemples. ● Dans les relations entre incidence et prévalence, on peut distinguer deux situations : 1. la prévalence au cours d’une période ; 2. la prévalence instantanée. LA PRÉVALENCE AU COURS D’UNE PÉRIODE ● La prévalence au cours d’une période correspond à la somme des cas (ou des foyers) présents à un moment quelconque de la période considérée.
Il s’agit donc de la somme des cas (ou des foyers) présents le 1er jour de la période considérée (prévalence instantanée du premier jour de la période) et de l’incidence pendant cette période (figure 1) : ●
Prévalence annuelle = prévalence instantanée au 1er janvier + incidence annuelle
FMC Vét LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 88 - MARS / AVRIL 2006
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étude de cas de l’internat mortinatalités atypiques en élevage bovin allaitant
1E.N.V.N., B.P. 40 706 44307 Nantes cedex 3 2Clinique vétérinaire 49620 La Pommeraye
L’objectif de cet article est de présenter une démarche personnelle appliquée à la recherche de la cause d’un trouble pathologique collectif non standard. Cette démarche, conduite dans le cadre d’un troupeau particulier, constitue un exemple de raisonnement.
E
n élevage bovin, le vétérinaire praticien est fréquemment confronté à la gestion de troubles de santé affectant un groupe d’animaux. La gestion de ce type de trouble est souvent complexe, a fortiori si leur nature s’éloigne des diarrhées et des affections respiratoires. Les vétérinaires sont en effet plus souvent appelés pour résoudre ce type d’affections, pour lesquels existent des démarches assez standardisées. ● Le motif d’appel de l’éleveur est une morbidité et surtout une mortalité importantes sur les veaux nouveau-nés. Ce trouble persiste dans l’élevage depuis plusieurs années. L’éleveur aimerait au moins le contrôler, et si possible, savoir quelle en est la cause. ● Cet article décrit la démarche suivie sur la recherche des causes et la mise en place d’un plan d’action visant à faire régresser les troubles rencontrés au sein de cet élevage. L’ÉLEVAGE
Il s’agit d’un élevage bovin allaitant situé dans le Maine-et-Loire et comptant une quarantaine de vaches de race Rouge des Prés (anciennement Maine-Anjou), conduites sur une quarantaine d’hectares. L’exploitation est tournée vers une production de viande de vaches AOC ainsi que de taurillons (photo 1). En-dehors du problème traité, la situation sanitaire du troupeau est satisfaisante. ● Nous avons effectué deux visites dans l’exploitation : 1. La première visite a permis de préciser la nature des troubles rencontrés, les catégories d’animaux affectées et de recueillir des informations sur la conduite de l’élevage. L’analyse des différents facteurs de risque a alors permis de tester différentes hypothè●
Simon Quilly1 Nathalie Bareille1 Alain Girard2 Sébastien Assié 1
Objectif pédagogique Proposer un plan d’action en appliquant une méthode hypothético-déductive, en l’absence de diagnostic précis. 1
Vache et son veau de 15 jours, né par césarienne (photo E.N.V.N)
ses étiologiques formulées préalablement, et de proposer un plan d’action dans le but d’approfondir le diagnostic et de diminuer l’incidence des troubles. 2. Au cours d’une seconde visite, ces facteurs de risque, ainsi que le plan d’action, ont été discutés avec l’éleveur.
Hypothèses diagnostiques ❚ Syndrome de détresse respiratoire. ❚ Myopathie nutritionnelle. ❚ Cause génétique.
LA DESCRIPTION DES TROUBLES RENCONTRÉS Le motif d’appel est une mortinatalité importante, avec un taux de l’ordre de 10 p. cent. ● Chaque année, 3 à 5 veaux meurent dans les 48 h qui suivent la naissance après avoir présenté des signes "cardiaques" : un abattement brutal et un essoufflement. - Certains veaux sont retrouvés morts sans même avoir présenté de signe clinique ("mort subite"). - D’autres meurent malgré la mise en place d’un traitement parfois très lourd à base de Biodyl® et d’une association fréquente de Candilat® RS, de Vetmedin® et de Tonarsyl® . La digoxine (spécialité humaine) est également souvent employée. ● Le taux de morbidité est d’environ 25 p. cent (une dizaine de veaux chaque année), et le taux de létalité est compris entre 20 et 40 p. cent. Les mortalités surviennent tout au long de l’année (figure 1). ● L’éleveur déplore une proportion excessive de vêlages difficiles, et un taux de gémellité important : - seulement 10 à 15 p. cent des vaches vêlent sans assistance chaque année ; - le taux de césarienne avoisine les 25 p. cent (11 césariennes en 2005) ; ●
Essentiel ❚ Le préalable à toute analyse d’une affection collective est de quantifier le trouble réel et de la décrire avec précision. ❚ Ce trouble réel est parfois assez différent du motif d’appel de l’éleveur. ❚ Les objectifs de l’éleveur doivent être clairement identifiés ; au besoin, les discuter et les réajuster. parfois avant d’en avoir préciser le diagnostic.
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FMC Vét LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 91
revue internationale un panorama
des meilleurs articles EFFET DE LA TAILLE DU LOT SUR LA SANTÉ ET LA VITESSE DE CROISSANCE de veaux laitiers suédois élevés en case équipées de distributeurs automatiques de lait - Il a été démontré que les veaux laitiers logés en cases collectives et nourris au distributeur automatique de lait présentent un risque d’apparition de troubles sanitaires supérieur aux veaux laitiers logés en cases individuelles et nourris manuellement. - Cette différence est-elle due au logement collectif ou à la présence du distributeur automatique de lait ?
Objectifs de l’étude ❚ Étudier l’effet de la réduction de la taille du lot sur la santé et les performances de croissance, chez des veaux élevés en cases collectives équipées de distributeurs automatiques de lait. ❚ En déduire la taille du lot la plus adaptée.
Matériel et méthode Type d’étude - L’étude expérimentale a été conduite dans neuf élevages laitiers du Sud-Ouest de la Suède. - Dans chaque élevage, deux lots de veaux nourris au distributeur automatique de lait ont été constitués, l’un de 6 à 9 veaux et un autre de 12 à 18 veaux. Les contacts directs entre les veaux des deux cases étaient impossibles. - 892 veaux ont été suivis : 297 dans les petits lots, et 595 dans les lots de grande taille. ● Suivi des animaux - Le tour de poitrine a été mesuré à la naissance et à 56 jours d’âge. - Le taux d’haptoglobine sérique a été mesuré entre 4 semaines et 8 semaines d’âge. - Les troubles sanitaires ont été détectés et enregistrés par les éleveurs (quotidiennement) et lors d’un examen clinique par un vétérinaire (une fois toutes les trois semaines). ●
Preventive Veterinary Medicine 73;2006:43-53 The effect of group size on health and growth rate of Swedish dairy calves housed in pens with automatic milk-feeders Svensson C, Liberg P
Synthèse par Sébastien Assié, E.N.V. Nantes
Journal of Dairy Science 89;2006:139-46 Effect of Hoof Pathologies on Subjective Assessments of Dairy Cow Gait Flower FC, Weary DM Synthèse par Sébastien Assié, E.N.V. Nantes
FMC Vét LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 96 - MARS / AVRIL 2006
Résultat - Les veaux élevés en lots de 12 à 18 veaux avaient une incidence plus forte de troubles respiratoires (odds ratio = 1,4) et une croissance plus faible que les animaux élevés en lots de 6 à 9 veaux 0,022 cm/j de tour de poitrine en moins, ce qui équivaut approximativement à 40 g de gain moyen quotidien/j en moins. - En revanche, aucune différence n’a été détectée en ce qui concerne l’incidence des diarrhées et le taux d’haptoglobine sérique. Conclusion - Les auteurs concluent que la réduction de la taille du lot de veaux est préférable pour réduire les risques de troubles respiratoires et favoriser la croissance des veaux. Ils suggèrent que les veaux nourris avec des distributeurs automatiques de lait devraient être élevés en lots de moins de 10 veaux. ❒
AFFECTIONS DE L’ONGLON et évaluation subjective de la posture des vaches laitières
Objectifs de l’étude ❚ Comparer les résultats obtenus en notant par plusieurs méthodes subjectives les modifications de la démarche des vaches laitières ayant ou non des affections de la boîte cornée, et évaluer : - leur validité ; - leur fiabilité ; - si les évaluations continues sont plus efficaces que les grilles de scores pour évaluer les lésions ; - si des modifications de la démarche sont prédictives de la nature de la lésion.
Méthodes statistiques L’effet de la taille du groupe sur le risque d’apparition de diarrhée néonatale, de troubles respiratoires (atteinte clinique ou simple augmentation des bruits respiratoires), la vitesse de croissance et la concentration en haptoglobine sérique a été étudié par des modèles multivariés (nombreuses variables d’ajustement) de régression logistique et linéaire avec l’élevage comme effet fixe.
●
- L’observation des modifications de la démarche est fréquemment utilisée pour détecter les boiteries chez les bovins. Différents systèmes permettent d’évaluer subjectivement la démarche. - L’utilité d’une méthode d’évaluation est conditionnée à sa validité (les modifications de la démarche évaluées sont-elles réellement associées à des lésions de la boîte cornée ?), à sa fiabilité (quelles sont les variations intra et interopérateurs) et à sa sensibilité. Matériel et méthode ● Animaux :quatorze vaches avec des hémorragies de la sole, 7 avec des ulcères de la sole et 17 sans lésion sont observées. ● Méthodes d’évaluation : la démarche est notée par un clinicien expérimenté en utilisant : - une grille d’évaluation numérotée de 1 à 5 ; - une échelle visuelle analogique* globale ; - une échelle visuelle analogique permettant d’évaluer successivement six types de modifications de la démarche.
Résultats - Quelle que soit la méthode utilisée, les vaches ayant des ulcères de la sole ont présenté une
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modification de la démarche par rapport aux vaches saines. - En comparaison à des vaches saines, les vaches avec ulcères de la sole marchent avec le dos voûté, en faisant des mouvements saccadés de la tête, des plus petits pas et en répartissant leur poids de manière inégale sur les membres. - La grille d’évaluation numérotée de 1 à 5 était plus efficace que l’échelle visuelle analogique pour discriminer les vaches saines des vaches ayant un ulcère de la sole. - Aucune différence de démarche n’a été détectée entre des vaches ayant une hémorragie de la sole et des vaches saines. - Les mesures étaient répétables intra et interopérateurs. Conclusion Les auteurs concluent que l’évaluation de la démarche des bovins est une méthode valide et fiable pour détecter les vaches ayant des ulcères de la sole. ❒
NOTE * Échelle visuelle analogique : par exemple, réglette permettant une évaluation subjective de la douleur en pédiatrie.
revue internationale - un panorama des meilleurs articles d’équine LA MALADIE DE CROHN CHEZ DES PERSONNES EXPOSÉES à des cas cliniques de paratuberculose bovine - L'incidence de la maladie de Crohn a augmenté au cours des dernières décennies dans de nombreux pays développés. Malgré des efforts de recherche considérables, les causes de cette maladie ne sont pas encore connues. - Alors que, dans certaines revues scientifiques, le rôle de l'agent de la paratuberculose bovine, Mycobacterium avium subspecies paratuberculosis est écarté ou ignoré, dans d'autres, il est présenté comme central. Matériels et méthodes Un questionnaire anonyme a été envoyé à 2 897 éleveurs laitiers pour lesquels le statut de l’élevage vis-à-vis de la paratuberculose était connu. Résultat - 1 686 questionnaires concernant 5 439 individus de plus de 15 ans (éleveur et famille proche)
Objectif de l’étude
étaient exploitables. Parmi ces individus, 7 ont la maladie de Crohn et 18, une colite ulcérative. - La prévalence de la maladie de Crohn est identique à celle reportée dans d'autres études réalisées au Royaume-Uni, et aucune association avec l'exposition à des cas de paratuberculose bovine n'est démontrée. - En revanche, l'incidence de la maladie de Crohn varie selon la région. - La présence de colite ulcérative est associée à l'âge, à la fréquence, à la consommation de tabac et au contact avec des bovins.
Matériel et méthodes L'étude a porté sur 3 736 porcelets dans huit troupeaux conventionnels présentant des différences sur la conduite et sur le statut sanitaire. Résultats - Un poids plus important à 7 semaines est associé à un poids à la naissance (p = 0,001) et au sevrage (p = 0,001) supérieurs. La part explicative dans la variation du poids à 7 semaines est plus
Les résultats trouvés ne confortent pas l'hypothèse selon laquelle Mycoplasma bovis subspecies Paratuberculosis joue un rôle dans l'appari❒ tion de la maladie de Crohn.
Matériel et méthodes Animaux - 31 veaux Prim'Holstein retirés de leur mère après tétée colostrale contaminés naturellement. - Élevage en niches individuelles de J2 à J56 (University of Guelph, Ontario, Canada). - Alimentation : 2,5 litres de lait deux fois par jour, eau, aliment de démarrage (18 p. cent de M.A.T.). ● Groupes expérimentaux - Un lot de 15 veaux (lot HL) reçoit 10 ml d'Halocur® (soit 5 mg de lactate d'halofuginone) par voie orale pendant 7 jours. - Un lot témoin de 16 veaux (lot T) reçoit un placebo (Halocur® sans lactate d'halofuginone) ●
Crohn's disease in people exposed to clinical cases of bovine paratuberculosis Jones PH, Farver TB, Beaman B, Cetinkaya B, Morgan KL
Synthèse par Sébastien Assié, E.N.V. Nantes
Objectif de l’étude
importante pour le poids au sevrage (12,7 p. cent) que pour le poids à la naissance (4,7 p. cent). - Un poids supérieur à 7 semaines est également associé à un sevrage plus précoce (< 18 jours). - Dans l'étude, les éleveurs ont tendance à conserver les porcelets les plus légers en maternité et à les sevrer plus tardivement. - Le taux de mortalité en post-sevrage est plus élevé sur les porcelets les plus légers au sevrage. - La conduite en tout-plein tout-vide du post-sevrage est également un facteur favorable pour le poids à 7 semaines (p = 0,01). - L'effet truie s'est avéré plus important que l'effet élevage sur le poids à 7 semaines. Toutefois, aucun effet du nombre total de porcelets par truie et de la parité de la truie n'a été observé. ❒
EFFETS DU LACTATE D’HALOFUGINONE sur l’apparition de Cryptosporidium parvum et sur la croissance des veaux nouveau-nés dans des troupeaux laitiers Cryptosporidium parvum est une cause très fréquente de diarrhée néonatale, avec un enjeu économique majeur.
Epidemiology and Infection 2006;134:49-56
Conclusion
ÉTUDE DES FACTEURS ASSOCIÉS aux performances de porcelets en post-sevrage - Réduire l'hétérogénéité de croissance en postsevrage constitue un enjeu important pour pouvoir conduire l'atelier en tout-plein tout vide. - Or, les facteurs explicatifs de l'hétérogénéité de croissance au niveau individuel sont peu renseignés.
❚ Déterminer si l'exposition à des cas cliniques de paratuberculose bovine est un facteur de risque d'apparition de la maladie de Crohn.
❚ Mettre en relation le poids des porcelets à 7 semaines d'âge avec : - les poids antérieurs (naissance et sevrage) ; - les facteurs de conduite en post-sevrage.
The Canadian Journal of Veterinary Research 2005;69:241-5 Observational study of factors associated with nursery pig performance De Grau A, Dewey C, Friendship R, de Lang K Synthèse par Catherine Belloc, E.N.V. Nantes
Objectif de l’étude
selon le même schéma thérapeutique. ● Critères évalués - Intensité de la diarrhée une fois par jour, échelle de 1 à 4. - Dénombrement de cryptosporidies fécales après flottation au sucre une fois par semaine. - Poids, prise alimentaire et âge au sevrage. ● Traitements lors de diarrhées - Sulfaméthazine et réhydratant oral. Résultats - Une diarrhée a été observée sur l'ensemble des veaux de l'expérience, durant les 2e et 3e semaines de vie. Cependant, aucune recherche infectieuse autre que les cryptosporidies n’a été réalisée. De plus, aucune donnée sur la durée de la diarrhée, l'état général ou la déshydratation n’a été reportée.
❚ Évaluer l'effet du lactate d'halofuginone sur la diarrhée, l'excrétion de Cryptosporidium parvum et les performances du veau nouveau-né.
Journal of Dairy Science 2005;88:1801-6 Effect of halofuginone lactate on the occurrence of Cryptosporidium parvum and growth of neonatal dairy calves Jarvie BD, Trotz-Williams LA, McKnight DR, Leslie KE, Wallace MM, Todd CG, Sharpe PH, Peregrine AS
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FMC Vét LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 97
revue internationale - un panorama des meilleurs articles d’équine
Synthèse par Pierre Le Mercier E.N.V. Toulouse
- L'âge moyen d'apparition de la diarrhée a été significativement (p < 0,05) plus précoce pour le lot T (11,6 jours) que pour le lot HL (14,6 jours). - Le nombre de prélèvements fécaux positifs en C. parvum a été significativement (p < 0,01) supérieur pour le lot T (42,5 p. cent) par rapport au lot HL (22,4 p. cent). - Aucune donnée individuelle sur le score diarrhée et l'excrétion n'est disponible. - Pour le lot HL, l'excrétion d'oocystes a atteint une concentration maximale moyenne de 670 000 oocystes/g au cours de la 3e semaine. - Pour le lot T, l'excrétion d'oocystes a atteint une concentration maximale moyenne de 1 070 000/g au cours de la 2e semaine. - La concentration moyenne d'oocystes excrétés
American Journal of Veterinary Research 2005;66(3):545-52 Assessment of the effects of erythromycin, neostigmine, and metoclopramide on abomasal motility and emptying rate in calves Wittek T, Constable PD
Synthèse par Alexis Kiers E.N.V. Toulouse
FMC Vét LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 98 - MARS / AVRIL 2006
Conclusion Les auteurs concluent que le lactate d'halofuginone administré préventivement pendant 7 jours à la dose de 5 mg in toto entraîne une forte diminution de l'excrétion de C. parvum chez le veau nouveau-né. ❒
ÉVALUATION DES EFFETS de l'érythromycine, de la néostigmine et du métoclopramide sur la motilité et la vitesse de vidange de la caillette chez le veau
Objectif de l’étude ❚ Déterminer et comparer les effets de l'érythromycine, de la néostigmine et du métoclopramide sur la motricité et la vidange de la caillette chez le veau sain.
a été 1,5 fois plus basse pour le lot HL par rapport au lot T. Aucune donnée individuelle du nombre d'oocystes excrétés n'est disponible. - Le gain moyen quotidien (G.M.Q) moyen (de J 2 à J 28) est de 416 g/j pour le lot HL, pour une valeur de 278 g/j pour le lot T. Cependant, la différence n'est pas statistiquement significative.
- Les perturbations de motricité de la caillette et de sa vidange sont fréquentes chez le veau et, à un degré moindre, chez l’adulte. - L’efficacité des molécules à activité prokinétique reste mal connue et leur évaluation difficile. Matériel et méthodes Animaux Six veaux mâles Prim'holstein, âgés de 15 à 40 jours, ont été suivis pendant 4 h : - 1 h avant la buvée (lait, 60 ml/kg, t = 0 min) et pendant 3 h après la buvée. ● Groupes expérimentaux Six traitements ont été évalués dans un ordre aléatoire : - érythromycine, 8,8 mg/kg, intramusculaire (dose antibiotique) ; - érythromycine, 0,88 mg/kg, intramusculaire ; - érythromycine, 8,88 mg/kg, par voie intramusculaire plus néostigmine, 0,02 mg/kg, sous-cutanée ; - néostigmine, 0,02 mg/kg, sous-cutanée ; - métoclopramide, 0,1 mg/kg, intramusculaire ; - NaCl 0,9 p. cent (placebo), 2 ml, sous-cutanée. ● Modalités d’administration des traitements - L'érythromycine et le traitement placebo ont été injectés à t = -30 min, la néostigmine et le métoclopramide à t = -30 min et t = + 90 min en raison de leur temps de demi-vie bref. - Chaque traitement est effectué au moins 10 h après le repas précédent et 48 h après le traitement précédent. ● Critères évalués - Les 4 h de suivis ont été divisées en cinq périodes (de - 60 min à - 30 min, de - 29 min à 0 min, de 1 min à 60 min, de 61 min à 120 min et de 121 min à 180 min). - Le pH et la pression dans la lumière de la caillette ont été mesurés en continu, ainsi que la position des veaux et les mouvements pouvant entraîner une modification (défécation, toux). ●
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- La motricité abomasale est évaluée via le calcul de trois paramètres : la pression intraluminale moyenne (mmHg), le nombre de vagues de contractions abomasales (/min, une vague = P > 10mm Hg et t > 4 s) et un index de motilité abomasale (mmHg/min). - Le volume de la caillette, évalué par échographie à t - 60, t 0, t + 10, t + 20, t + 45, t + 60, t + 120, t + 150 et t + 180 (technique validée par rapport à la scintigraphie, méthode de référence), a permis d’estimer la vitesse de vidange abomasale en mesurant la durée nécessaire à une diminution de 50 p. cent du volume abomasal par rapport au volume mesuré à t 0. Résultats ● L'administration de l'érythromycine à 8,8 mg/kg : - augmente significativement la fréquence des vagues de contractions abomasales et la motricité abomasale sur la période t - 30/t 0 par rapport à la période avant traitement (t - 60/t - 30) ;
- augmente significativement la pression intraluminale moyenne par rapport au placebo ; - diminue le T1/2 de vidange de la caillette de 37 p. cent par rapport au placebo. ● Les autres traitements paraissent n’avoir pas ou peu d’effet, voire, dans certains cas, un effet négatif. Cependant, les doses de métoclopramide et de néostigmine administrées (respectivement 0,1 mg/kg et 0.02 mg/kg) sont inférieures aux doses habituellement recommandées (respectivement 1 mg/kg et 0,025-0,05 mg/kg).
Conclusion Les auteurs concluent que l’administration d’érythromycine à dose antibiotique (8,8 mg/kg, intramusculaire) exerce un effet prokinétique ❒ marqué et immédiat chez le veau sain.
synthèse
les effets de l’infection
par l’agent de la paratuberculose
sur la production laitière des vaches Cette synthèse se propose d’analyser les différentes études récentes publiées tant en France qu’à l’étranger, sur les effets de l’infection par l’agent de la paratuberculose sur la production laitère des vaches.
L
es plans de maîtrise de la paratuberculose bovine sont en général coûteux en analyses et en réformes anticipées. Afin d’évaluer leur rentabilité, il est nécessaire de bien connaître les effets zootechniques négatifs liés à l’infection qu’ils permettent d‘éviter, notamment sur la production laitière. Plusieurs études étrangères ont été publiées sur ce sujet ces dernières années et une étude récente menée sur 23 219 vaches de 569 troupeaux vient d’être conduite en Bretagne (encadré) [1, 2]. Elle repositionne l’ensemble des aspects à considérer. LA PRODUCTION LAITIÈRE DES VACHES DÉTECTÉES COMME INFECTÉES SUB-CLINIQUES
Les animaux sont considérés comme infectés après un test ELISA (enzyme-linked immuno-sorbent assay) ou après une coproculture positifs. - Chez des vaches détectées excrétrices suite à une culture fécale, la diminution de production laitière par rapport à des vaches contemporaines négatives pour ce test varie de 220 kg à 1 485 kg/lactation sur 305 j [7, 9]. - Les études utilisant le test ELISA comme méthode de diagnostic rapportent des résultats qui divergent : les vaches séropositives produisent, soit moins de lait, soit plus de lait que les vaches séronégatives [4, 9]. Cependant, deux études récentes portant respectivement sur plus de 2 000 et 6 000 animaux rapportent une diminution de production laitière importante, qui varie de 1,9 à 4,5 kg/j selon l’âge de l’animal au moment du test [5, 8]. ● Dans l’étude récemment conduite en Bretagne, en comparaison à celle d’une vache issue d’un troupeau attesté "indemne", la production laitière journalière au même stade de lactation contemporaine ●
François Beaudeau1 Maud Belliard1 Alain Joly2, Henri Seegers1 1 U.M.R. E.N.V.N.-I.N.R.A. Gestion de la Santé animale B.P. 40 706, 44307 Nantes cedex 03 2 Union bretonne des Groupements de défense sanitaire B.P. 110, 56000 Vannes cedex
Encadré - Méthodologie ● Dans l’ensemble des études, la production d’animaux positifs est comparée à celle d’animaux négatifs en fonction des tests utilisés, différents selon les études et dans le temps. ● Dans
les études étrangères, les comparaisons ont porté sur des vaches positives et négatives appartenant aux mêmes troupeaux infectés (avec au moins une vache détectée positive). - La sensibilité des tests ELISA et de la coproculture étant assez faible, il est possible que des animaux considérés comme témoins négatifs soient en fait infectés (faux-négatifs). - L’impact de l’infection sur la production laitière serait donc potentiellement sous-estimé dans ces différents travaux.
Objectif pédagogique Déterminer l‘impact sur la production laitière de l’infection par Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis.
● C’est pourquoi le protocole de la nouvelle étude bretonne a considéré comme "témoins" les vaches de troupeaux certifiés indemnes de paratuberculose, ce qui constitue une référence plus pertinente pour une telle évaluation. - Dans ces élevages certifiés, le statut de tous les bovins âgés de plus de 24 mois vis-à-vis de l’infection par Mycobacterium avium subspecies paratuberculosis (M.a.p.) doit être testé et négatif. - De plus, l’éleveur et le vétérinaire traitant du troupeau doivent certifier qu’aucun animal n’a développé de signes cliniques au cours des trois ans écoulés. - Enfin, le statut des animaux introduits dans ce type de cheptel vis-à-vis de l’infection par M.a.p. est contrôlé à l’aide d’un test ELISA.
Dans cette nouvelle étude, 23 219 vaches au total, issues de 569 troupeaux du Morbihan, ont été incluses.
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● Huit classes ont été déterminées vis-à-vis de l’infection par M.a.p. en combinant les informations relatives : - aux analyses individuelles de chaque vache (ELISA, coproculture, polymerase chain reaction ou P.C.R., Ziehl) ; - au statut de son troupeau ; - à son éventuelle vaccination contre M.a.p. (tableau ci-après).
Étant donnés les faibles effectifs d’animaux vaccinés, les vaches vaccinées et non vaccinées ayant le même statut individuel et le même statut de troupeau ont été regroupées, à l’exception des vaches ayant un statut individuel ELISApositif. En effet, comme la vaccination influence le résultat aux tests sérologiques, les animaux vaccinés et ELISA-positifs ne sont pas obligatoirement infectés.
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rappels sur la paratuberculose Maladie infectieuse chronique transmissible affectant les ruminants domestiques et sauvages, la paratuberculose est causée par une mycobactérie, Mycobacterium avium subspecies paratuberculosis (M.a.p.). - La phase clinique d’état est caractérisée par une diarrhée chronique intermittente qui provoque un amaigrissement progressif avant d’aboutir à une phase terminale fatale de cachexie avec diarrhée profuse. - L’animal s’infecte jeune, mais il ne déclare la phase à signes cliniques que des années plus tard. - La prévalence élevée de l’infection et son impact économique potentiel conduisent à mettre en place des plans de maîtrise pour les élevages bovins.
FMC Vét LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 99
test clinique
les réponses
une affection de traite liée à un vide trop poussé de la machine à traire
Nicolas Flament1 Jean-Marie Gourreau2 Éric Dulau1 Jean-Pierre Brunetière3 1
1 Que pensez-vous de cette affection mammaire ? ● Les anneaux de compression typiques observés sur les autres animaux du troupeau lors de la visite initiale doivent permettre d’orienter le diagnostic (encadré). Ces lésions s’observent souvent lors d’un vide trop poussé de la machine à traire. Il est en effet assez fréquent que ces machines se dérèglent. Une dépression supérieure à 43 kPa entraîne ce phénomène, ainsi qu’une élévation du taux cellulaire, puis la survenue de mammites.
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●Suivant la texture de la peau du trayon, on peut aussi observer la formation d’ulcères plus ou moins importants, ainsi que des lésions de parakératose, des ulcères de l’extrémité du trayon (photo 6) et des éversions de sphincter. ● Cependant, dans ce cas, les manchonstrayeurs utilisés sont en silicone à base souple ; le niveau de vide relevé n’est pas très élevé, puisque la dépression mesurée est de 42,4 kPa. ● Un réglage légèrement supérieur à 39 kPa a permis de voir les lésions les moins avancées régresser en moins d’une semaine. Trois mois plus tard, il ne subsiste qu’une légère déformation du trayon, sensible au toucher, mais peu visible à l’œil nu. ● Les lésions de la base du trayon de la vache la plus gravement touchée n’ont évidemment pas régressé, malgré les soins locaux (vétédine, violet de gentiane) entrepris. ● Tout est rentré dans l’ordre, à l’exception d’une vache qui présente encore une éversion du sphincter et quelques traces d’anneau de compression. Il est à noter cependant que l’iode peut dessécher les trayons et entraîner l’apparition de crevasses, d’où la nécessité d’utiliser en post-trempage des pommades contenant des émollients et des hydratants. 2 Cette affection vous semble-t-elle liée à l’arthrite ? Celle-ci pourrait-elle être due à la maladie de Lyme ? ● Étant donnée la présence antérieure de la maladie de Lyme dans l’élevage, il est logique de rechercher si les animaux malades ont des anticorps. Aussi, avons-nous effectué des sérologies spécifiques sur les deux ani-
Clinique vétérinaire Saint-Léonard La Barre-Melay, 49120 Chemillé. 2 A.F.S.S.A.-L.E.R.P.A.Z. B.P. 67, 94703 Maisons-Alfort cedex 3 S.A.R.L. Godin Z.I. de la Guimonière 49620 La Pomeraye-sur-Loire.
Encadré - Les éléments de diagnostic différentiel Le diagnostic différentiel de telles lésions doit prendre en compte : - la nécrobacillose : mais la lésion, un ulcère profond également, ne serait pas en couronne au pourtour du trayon, mais plutôt ovale ou circulaire (photo 7) ; - un écrasement ou tout autre traumatisme du trayon, mais la localisation des lésions serait plus distale ; - la surinfection par un germe anaérobie d’une lésion préexistante, mais l’ulcère ne serait pas localisé sur la totalité du pourtour du trayon ; - des engelures, mais la totalité du trayon serait affectée. De plus, ces lésions ont débuté à la fin du printemps ou au début de l’été, les températures extérieures sont largement supérieures à 10 °C (photo 8).
maux les plus atteints : - les deux sérums du 1er bovin, qui fait l’objet de ce cas, prélevés à trois semaines d’intervalle, se révèlent négatifs ; - il en est de même du sérum de l’animal prélevé juste avant son euthanasie, en octobre 2005. La recherche d’anticorps anti-Anaplasma phagocytophilum n’est pas effectuée. ● En outre, il ne semble pas que l’arthrite récurrente puisse être imputée aux thélites observées, car certaines boiteries surviennent sur des animaux qui ne présentent ni thélite, a fortiori ulcérée, ni mammite. ● Devant ces résultats négatifs, nous proposons à l’éleveur d’explorer les causes classiquement associées (aliment, bâtiment) aux boiteries. Les résultats ne sont pas encore connus ; la cause de ces boiteries reste donc, pour l’instant, indéterminée.
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Ulcère de l’extrémité du trayon dû à un vide trop poussé de la machine à traire. - Cette lésion peut s’accompagner d’une éversion du trayon.
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Ulcère profond dû à la nécrobacillose. - La lésion, ovale, n’occupe pas la totalité du pourtour du trayon, elle reste localisée sur une face.
CONCLUSION ● Au début de février 2006, 51 vaches sont présentes dans l’élevage. ● La traite est effectuée, dans le calme, en utilisant la solution de pré-trempage Westamouss®. L’essuyage est réalisé avec des lavettes sèches (lavées à la machine à laver tous les 3 jours). Le post-trempage est effectué avec un produit filmogène iodé (à 5 000 ❒ parties par million), le Dermoprotect®.
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Engelures. - Ces lésions, dues au froid, se caractérisent par la présence d’ulcères en stries dans différentes directions, qui peuvent être coalescents (photos J.-M. Gourreau).
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé MARS / AVRIL 2006 - 101