DOSSIERS : MYCOPLASMES ET MYCOPLASMOSES LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé - N°3 - AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006
N°3 AOÛT SEPTEMBRE OCTOBRE 2006 revue de formation à comité de lecture
Actualités en perspective - La bluetongue dans le nord de la France - La fièvre catarrhale ovine dans le nord de l’Europe
Ruminants - Les mycoplasmes : stratégies d’adaptation et de persistance - VIGIMYC, le réseau français d’épidémio-surveillance des mycoplasmes des ruminants - Diagnostic de laboratoire et mesures de contrôle de Mycoplasma bovis - La prévalence des infections à Mycoplasma bovis en France dans la filière laitière - Exposition des veaux charolais non sevrés en pays de la Loire à Mycoplasma bovis - Observation clinique Épisodes récurrents de maladies respiratoires des veaux associés à Mycoplasma bovis en élevage allaitant
DOSSIERS :
MYCOPLASMES ET MYCOPLASMOSES - chez les ruminants - en aviaire
FMCvét
formation médicale continue vétérinaire
- Comprendre l’épidémiologie Quel est le nombre de sujets nécessaire dans un échantillon ? - Étude de cas de l’internat Huit cas de syndrome jéjunal hémorragique sur des bovins - Synthèse - Protection vaccinale contre les infections respiratoires des bovins : intérêts et limites de la vaccination par voie intra-nasale - Revue de presse internationale - Tests de formation - Les réponses
Porcs - volailles - La paramyxovirose du pigeon domestique - Diagnostic et contrôle des mycoplasmoses aviaires - Observation clinique Purpura thrombocytopénique chez des porcelets
Comprendre et agir - Enjeux économiques Le jeune bovin en France : les raisons d’un regain d’intérêt - Management de l’entreprise Utiliser son analyseur de biochimie en rurale - L’abord du troupeau Démarche d’analyse de la quantité et de la composition du lait
sommaire Éditorial Didier Calavas Test clinique - Hypertrophie ovarienne chez une vache limousine Nicole Hagen
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ACTUALITÉS EN PERSPECTIVE - La bluetongue dans le nord de la France, beaucoup de questions restent sans réponses Zénon - La fièvre catarrhale ovine ou bluetongue dans le nord de l’Europe Stéphan Zientara, Corinne Sailleau, Catherine Cetre-Sossah, Lotfi Bounaadja, Emmanuel Bréard, Guillaume Gerbier, Thierry Baldet, Emmanuel Albina
N°3 AOÛT SEPTEMBRE OCTOBRE 2006
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DOSSIERS 8
BOVINS ET PETITS RUMINANTS Conduites à tenir clinique et thérapeutiques - Les mycoplasmes : stratégies d’adaptation et de persistance de bactéries minimales Christine Citti 15 - Vigimyc : le réseau français d’épidémio-surveillance des mycoplasmoses des ruminants (bilan 2003-2005) François Poumarat, Dominique Le Grand, Pascale Mercier, Florence Tardy, Patrice Gaurivaud, Didier Calavas 22 - Diagnostic de laboratoire et mesures de contrôle de Mycoplasma bovis Dominique Le Grand, Marie-Anne Arcangioli, François Poumarat, Pierre Bézille 27 - Épidémiologie - La prévalence des infections à Mycoplasma bovis en France dans la filière laitière François Poumarat, Marie-Anne Arcangioli, Dominique Le Grand, Myriam Chazel, Éric Sellal, Arnaud Duet, Pierre Bézille, Didier Calavas 32 - Exposition des veaux charolais non sevrés à Mycoplasma bovis en Pays de Loire Sébasien Assié, Henri Seegers, Myriam Ogier de Baulny, François Beaudeau 37 - Observation clinique - Épisodes récurrents de maladies respiratoires des veaux associés à Mycoplasma bovis en élevage allaitant Sébastien Cousin, Sébastien Assié, Raphaël Guattéo, Laurent Hérault, Nathalie Bareille 41
- MYCOPLASMES ET MYCOPLASMOSES
chez les ruminants - en aviaire
PORCS - VOLAILLES - La paramyxovirose du pigeon domestique Samuel Boucher - Aviaire - Diagnostic et contrôle des mycoplasmoses aviaires Isabelle Kempf - Porcs - Observation clinique - Purpura thrombocytopénique chez des porcelets Hervé Morvan, Chantal Berthelot, Jean-Marie Gourreau, Guy-Pierre Martineau
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COMPRENDRE ET AGIR - Enjeux économiques - Le jeune bovin en France : les raisons d’un regain d’intérêt Patrick Sarzeaud 59 - Management de l’entreprise vétérinaire - Utiliser son analyseur de biochimie en rurale Philippe Baralon, Gilles Foucras 63 - L’abord du troupeau - Démarche d’analyse de la quantité et de la composition du lait au niveau du troupeau Nathalie Bareille, Henri Seegers 67
Souscription d’abonnement en page 74
FMCvét - formation médicale continue vétérinaire - Comprendre l’épidémiologie - Quel est le nombre de sujets nécessaire dans un échantillon ? Bernard Toma 71 - Les études de cas de l’internat - Huit cas de syndrome jéjunal hémorragique sur des bovins Pierre Le Mercier, Alexis Kiers, Caroline Lacroux, François Schelcher 75 - Synthèse - Protection vaccinale contre les infections respiratoires des bovins : intérêts et limites de la vaccination par voie intra-nasale Didier Raboisson, François Schelcher 80 - Revue de presse internationale - Rubrique dirigée par Sébastien Assié, Didier Raboisson, François Schelcher et Henri Seegers. Notre sélection d’articles par Sébastien Assié, Catherine Belloc, Raphaël Guattéo, Pierre Le Mercier, Édouard Timsit
- Test clinique - Les réponses - Tests de formation continue et d’épidémiologie - Les réponses
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ACTUALITÉS RUMINANTS PORCS-VOLAILLES COMPRENDRE ET AGIR FMC Vét
Résultats originaux ou observation originale
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006 - 191
test clinique
NÉVA Europarc - 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 E-mail neva@neva.fr
Conseil scientifique Jean-Pierre Alzieu (praticien), Xavier Berthelot (E.N.V.T) Jean-Luc Chatré (praticien), Gérard Desjouis (praticien) Philippe Dorchies (E.N.V.T.), Marc Gogny (E.N.V.N.) Arlette Laval (E.N.V.N.), Marc Savey (A.F.S.SA.) François Schelcher (E.N.V.T.), Henri Seegers (E.N.V.N.) Bernard Toma (E.N.V.A.), Pierre-Louis Toutain (E.N.V.T.)
Rédacteurs en chef Sébastien Assié (E.N.V.N.) Nicole Picard-Hagen (E.N.V.T.)
Comité de rédaction Marie-Anne Arcangioli (Pathologie des ruminants, E.N.V.L.) Philippe Baralon (Management de l’entreprise, Phylum) François Baudeau (Gestion de la santé animale, E.N.V.N.) Nathalie Bareille (Gestion de la santé animale, E.N.V.N.) Dominique Bergonier (Reproduction, E.N.V.T.) Florence Buronfosse (Toxicologie, E.N.V.L.) Didier Calavas (A.F.S.SA., Lyon) Alain Douart (Pathologie des ruminants, E.N.V.N.) Francis Enjalbert (Nutrition, E.N.V.T.) Gilles Foucras (Pathologie des ruminants, E.N.V.T.) Olivier Gauthier (chirurgie, E.N.V.N.) Norbert Giraud (praticien) Jean-Marie Gourreau (A.F.S.SA. Alfort) Jean-Luc Guérin (Élevages avicoles et porcins, E.N.V.T.) Jacques Guillot (Parasitologie - mycologie, E.N.V.A.) Hervé Hoste (Parasitologie, E.N.V.T.) Christophe Hugnet (praticien) Jean-François Jamet (praticien) Frédéric Lemarchand (Terrena) Guy-Pierre Martineau (Élevages porcins, E.N.V.T.) Gilles Meyer (Pathologie des ruminants, E.N.V.T.) Yves Milleman ((Pathologie des ruminants, E.N.V.T.) Jean-Marie Nicol (praticien) Didier Raboisson (Pathologie des ruminants, E.N.V.T.) Frédéric Rollin (Liège) Pascal Sanders (A.F.S.SA. Fougères) Pierre Sans (Économie, E.N.V.T.) Chargée de mission rédaction Charlotte Rey-Laurendeau Infographie, mise en page : Maxime Roguier Gestion des abonnements et comptabilité : Marie Servent Publicité : Maryvonne Barbaray NÉVA Europarc - 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 e-mail neva@neva.fr
Directeur de la publication Maryvonne Barbaray Revue bimestrielle éditée par LES NOUVELLES ÉDITIONS VÉTÉRINAIRES ET ALIMENTAIRES - NÉVA Prix de vente au N° : 37€, U.E. :38€ Tarifs d’abonnement : voir p. 74 S.A.R.L. au capital de 7622€ Siège social : Europarc 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX C.P.P.A.P 0508 T 88300 I.S.S.N. 1777-7232
U
n vétérinaire est appelé pour effectuer des diagnostics de gestation sur un lot de vaches limousines à la rentrée des pâtures en novembre (photo 1). Les femelles sont restées au pâturage avec le taureau pendant toute la période estivale. ● L’examen de l’appareil génital d’une vache limousine primipare âgée de 4 ans est difficile : l’utérus est situé dans la cavité abdominale et n’est pas "rétractable". L’ovaire gauche mesure 2 cm sur 3 cm, et ne présente pas d’organite fonctionnel à la palpation ; l’ovaire droit ne peut être palpé. ● En avant du col, la consistance de l’utérus est "charnue" ; à droite, la partie ventrale de la corne ne peut être contournée et est masquée par une masse intra-abdominale ferme, bien délimitée, de diamètre estimé à 25 cm, dans la continuité de l’utérus ou jouxtant l’utérus. ● Cette masse est profonde et relativement mobilisable, seule la partie caudale peut être palpée avec l’extrémité des doigts. ● L’image échographique de la partie caudale de cette masse intra-abdominale montre une échogénicité importante et relativement uniforme, qui suggère une structure tissulaire dense et homogène (photo 2). ● L’état général de la femelle est bon, elle présente un état corporel moyen. La vache n’a pas présenté de comportement sexuel depuis la rentrée en stabulation. L’éleveur décide de réformer l’animal qui est abattu.
comité de lecture
Impression - photogravure : Imprimerie Nouvelle Normandie 24, rue Haëmers B.P. 14 - 76191 YVETOT Cedex
Toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de la présente publication sans autorisation est illicite et constitue une contrefaçon. L’autorisation de reproduire un article dans une autre publication doit être obtenue auprès de l’éditeur, NÉVA. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit de la copie (C.F.C.). LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE Élevages et santé 192 - AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006
une masse intra-abdominale chez une vache limousine
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Laurent Alves de Oliveira, Thierry Baron, Jean-Jacques Bénet, Maud Belliard, Catherine Belloc, Pierre Bézille, Simon Bouisset, André Desmecht, Cyril Boissieu, Alain Bousquet-Melou, Gilles Bourdoiseau, Régis Braque, Christophe Chartier, Sylvie Chastant-Maillard, René Chermette,
Eric Collin, Fabien Corbières, Roland Darré, Stéphane Daval, Jean-Claude Desfontis, André Desmecht (Liège), Alain Ducos, Pascal Dubreuil (Québec) Barbara Dufour, Jean-Michel Fabre, Pascal Fanuel, Gilles Fecteau (Québec) Cécile Ferrouillet (U.S.A.), Christine Fourichon, Bruno Garin-Bastuji,
Nicole Picard-Hagen Isabelle Raymond-Letron Xavier Berthelot E.N.V.T. Département Élevage et produits (Pathologie de la reproduction) 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03
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Vache limousine de 4 ans présentant une masse intra-abdominale qui jouxte l’appareil génital ou qui est dans sa continuité (photos U.P .Pathologie de la reproduction, E.N.V.T.).
2 L’image échographique d’une coupe transversale de la tumeur ovarienne dans un bain d’eau présente une échogénicité caractéristique des tissus denses.
1 Quel est votre diagnostic ? 2 Quel traitement auriez-vous pu envisager ? Réponses à ce test page 89
François Gary, Christian Gipoulou, Norbert Gauthier, Denis Grancher, Raphaël Guatteo, Christian Hanzen (Liège), Philippe Jacquiet, Alain Joly, Martine Kammerer, Caroline Lacroux, Dominique Legrand, Xavier Malher, Hervé Morvan, Hervé Navetat, Philippe Le Page,
Bertrand Losson (Liège), Renaud Maillard, Hervé Pouliquen, Xavier Pineau, Jean-Dominique Puyt, Paul-Pierre Pastoret (Liège), Pierre- Emmanuel Radigue, François Roumegous, Adrian Steiner (Suisse), Étienne Thiry (Liège), Olivier Salat, Brigitte Siliart, Henri Viel, Lionel Zenner.
actualités en perspective
la bluetongue dans le nord de la France beaucoup de questions restent sans réponses ...
D
écidément les Pays-Bas et la Belgique restent à la pointe de l’actualité en matière d’épizootie ! ● Après la fièvre aphteuse en 2001, l’épizootie de peste aviaire (Influenza aviaire hautement pathogène) à H7 N7 en 2003, ces deux pays ont repéré, au 20 septembre de cette année, plus de 130 élevages de ruminants infectés par le virus de la bluetongue, depuis l’identification le 17 août dernier dans un élevage ovin du 1er cas confirmé dans la commune de Kerkrade, près de Maastricht, dans le Limbourg hollandais. ● Dans cette région en “doigt de gant”, entre la Belgique (régions de Limbourg et de Liège) et l’Allemagne (Rhénanie du Nord-Westphalie), de nombreux élevages infectés ont donc été rapidement, et logiquement, repérés dans la partie de la Rhénanie du Nord, adjacente à la zone de Maastricht autour d’Aix La Chapelle (Aachen) et dans les régions symétriques en Belgique.
Essentiel ❚ Le virus de la fièvre catarrhale ovine identifié est de sérotype 8, qui n’avait été identifié jusqu’à présent qu’en Afrique sub-saharienne, aux caraïbes et en Amérique du Nord. ❚ Contrairement à ce qui est observé pour les précédents foyers de fièvre catarrhale ovine : - les élevages reconnus infectés sont essentiellement des élevages bovins ; - les taux de morbidité et de mortalité sont très bas, y compris chez les ovins en Hollande et en Belgique. ❚ La situation atypique actuelle peut-elle être uniquement liée à la combinaison du sérotype 8 et d’un vecteur moins efficace que ceux existant dans le sud européen ?
L’ÉMERGENCE D’UN SÉROTYPE INHABITUEL EN EUROPE Au 20 septembre, il apparaît sur une carte régionale un nuage d’élevages infectés qui a diffusé aux Pays-Bas jusqu’à Best (près d’Eindhoven), et en Belgique, au delà de la Meuse jusqu’au Brabant flamand (c’est-àdire vers le centre du pays). ● Le virus de la fièvre catarrhale ovine (F.C.O.) associé est de sérotype 8, sérotype qui, jusqu’à présent, n’avait été identifié qu’en Afrique sub-saharienne, aux Caraïbes et en Amérique du Nord. ● D’autres originalités frappent dans l’évolution de cet épisode : - les élevages reconnus infectés sont essentiellement des élevages bovins ; - à l’intérieur de la plupart des élevages touchés, les taux de morbidité et de mortalité sont très bas : respectivement moins de 4 p. cent et de 0,5 p. cent en Belgique (au 4 septembre 2006), même si ces taux sont plus élevés chez les ovins (respectivement, près de 10 p. cent et 1 p. cent). ● Ces constatations sont tout à fait différentes de celles faites jusqu’à présent, quand le virus de la fièvre catarrhale ovine ●
ACTUALITÉS
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 194 - AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006
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apparaissait pour la 1ère fois dans une région (comme en Corse en 2000). Ce sont alors les élevages ovins, et seulement eux, qui payaient le plus lourd tribut avec des taux de morbidité et de létalité de plusieurs dizaines de pour cents. EN FRANCE, MALGRÉ UN PROGRAMME DE SURVEILLANCE RENFORCÉE ... ● En France, un programme de surveillance renforcée a été mis en place dès le 22 août 2006. ● Plus d’une trentaine de suspicions cliniques ont fait l’objet d’investigations complémentaires : - deux bovins ont été reconnus infectés dans le département des Ardennes, le 1er repéré le 28 août ne présentait plus aucun signe clinique le 7 septembre ; - par ailleurs, plus de 1000 sérums de bovins ont été analysés autour de cheptels suspects ou reconnus infectés dans la même région sans résultat positif ; ● Deux autres bovins ont été reconnus infectés sur 1800 testés sérologiquement, dans le cadre de la surveillance d’une soixantaine de cheptels organisée fin août le long de la frontière belge. ● De plus, près de 3000 ruminants (bovins essentiellement) importés de régions reconnues infectées dans les États membres touchés ont fait l’objet d’un dépistage sérologique. Trois bovins importés de Belgique (deux en Seine-Maritime, un dans les DeuxSèvres) ont été reconnus infectés et abattus.
... UNE ÉVOLUTION DIFFICILE À PRÉVOIR ET À COMPRENDRE La France apparaît donc, à ce jour, 20 septembre, atteinte de façon marginale. Néanmoins, il reste très difficile de prévoir l’évolution de la situation compte tenu des nombreuses informations manquantes. ● Il est donc bien difficile de comprendre la situation actuelle tant elle paraît atypique. Il n’en reste pas moins que le sérotype 8 du virus de la fièvre catarrhale ovine a été introduit et s’est répandu dans un large rayon (plus d’une centaine de kilomètres) autour de la zone de Maastricht. ●
actualités en perspective - la bluetongue dans le nord de la France Deux grandes questions, restent actuellement sans réponse : 1. comment ce virus tout à fait différent de ceux qui sont reconnus dans le sud de l’Europe depuis 2000 ( sérotypes 2, 4, 9, 16), est-il parvenu dans cette zone ? ; 2. quels sont les vecteurs spécifiques, indispensables à sa propagation, (puisque la fièvre catarrhale ovine n’est transmissible classiquement que par certaines espèces de culicoïdes, moucherons piqueurs hématophages) qui ont permis la dissémination de la fièvre catarrhale ovine dans les cheptels de ruminants ? ●
DES PISTES NON ENCORE ÉLUCIDÉES ● Dans le Limbourg hollandais existent un aéroport et trois zoos. Dès lors, peut-il y avoir eu introduction de vecteurs infectés ayant proliféré à la faveur de la canicule du mois de juillet, puis du temps chaud et pluvieux de début août ? Cette prolifération a-t-elle pu conduire au développement d’une espèce de vecteurs ayant pu s’infecter à partir d’animaux de zoos ? ● Ces possibilités qui semblent avoir été envisagées par les autorités hollandaises devraient pouvoir être investiguées rétrospectivement pour tenter d’apporter des éléments de réponse dans la semaine à venir. ● D’autres hypothèses sont aussi envisageables ; ainsi la F.A.O.1 a récemment attiré l’attention sur la vaccination vis-à-vis de la fièvre catarrhale ovine pratiquée en Bulgarie en 1999/2000, à l’aide d’un vaccin pentavalent (sérotypes 3, 8, 9, 10, et 11) atténué, importé d’Afrique du Sud. Là aussi, les travaux en cours devraient permettre d’apporter des réponses définitives.
UNE BLUETONGUE TRÈS ORIGINALE OU EN LIEN AVEC UNE AUTRE ORBIVIROSE ? Au total, l’expression clinique et épidémiologique de cet épisode fièvre catarrhale ovine ne manque pas de poser des problèmes de cohérence avec les connaissances acquises depuis plusieurs dizaines d’années. ● Dans ce cadre, la situation atypique actuelle peut-elle être uniquement liée à la combinaison du sérotype 8 (au pouvoir pathogène peut-être différent, en terme de virulence propre et de spectre d’hôtes, de celui classiquement reconnu pour les autres sérotypes) et d’un vecteur (nouveau ?) moins efficace que ceux existant dans le sud européen ? ● Par ailleurs, l’atteinte préférentielle des ●
bovins, les taux de morbidité, les signes et les symptômes observés sont comparables à des descriptions antérieures d’une maladie provoquée par un autre orbivirus, celui de la maladie épizootique hémorragique du cerf (E.H.D.) dont certains sérotypes provoquent chez les bovins une affection spécifique : la maladie d’Ibaraki. Celle-ci a été identifiée en 2003 dans l’île de la Réunion où les bovins atteints ont été rétrospectivement reconnus co-infectés par le virus de la fièvre catarrhale ovine (sérotype 3). ● Des épisodes antérieurs, comparables ont été signalés, chez des bovins, depuis plus de 10 ans dans d’autres parties du monde2 : ● À l’heure actuelle, de très nombreuses questions restent donc sans réponse et limitent notre compréhension d’un événement original et surprenant. es recherches et études entreprises, pour en comprendre tous les aspects, devraient permettre de prévoir son évolution qui préoccupe les services vétérinaires des États membres atteints, compte tenu des contraintes réglementaires associées, imposées depuis plus d’un mois aux nombreux élevages des régions et des pays compris dans les zones réglementées3. ● Les investigations mises en œuvre apporteront probablement beaucoup au renouvellement de la compréhension des arboviroses dans les régions tempérées. ● Vous trouverez dans ce numéro les dernières informations disponibles, décrivant l’évolution de la situation à ce jour. Elles sont synthétisées par les deux équipes de l’A.F.S.S.A. et du C.I.R.A.D. qui, en France et en Europe, ont joué un rôle majeur dans l’effort de recherche déployé en urgence à la mi-août pour caractériser et contrôler un épisode réellement imprévu. Que leurs auteurs soient très sincèrement remerciés pour leur disponibilité et la qualité de leur travail. Profitons en aussi pour saluer l’éditorial de J.L. Guérin dans le précédent numéro4 qui nous rappelait que “les grands classiques de la pathologie ont de l’avenir (...). Les maladies considérées comme rares sont susceptibles de ré-émerger subitement et le risque est exacerbé par l’intensification des mouvements internationaux des personnes, des animaux et de leurs produits (...). Les risques d’apparition de foyers de peste porcine, de fièvre aphteuse ou de bluetongue sont réels et la vigilance doit être de règle (...)” On ne pouvait vraiment mieux dire ! ❒ Zénon
Essentiel ❚ L’atteinte préférentielle des bovins, les taux de morbidité, les signes et les symptômes observés sont comparables à des descriptions antérieures d’une maladie provoquée par un autre orbivirus, celui de la maladie épizootique hémorragique du cerf, dans certains cas associé au virus de la F.C.O.
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NOTES 1
F.A.O. : Food and Agricultural Organisation : Organisation des nations unies pour l’agriculture et l’alimentation. 2 - en Colombie britannique (Canada, vallée de l’Okanagan), associant E.H.D. et sérotype 11 de la F.C.O. en 1987 et 1988 ; - en Afrique du Sud, en 1996, associant plusieurs sérotypes de F.C.O., dont le sérotype 8, avec un E.H.D. non précisé ; - en Israël, en 1950 : dans ce dernier pays, un syndrome identique est identifié depuis début septembre de cette année. 3 Cf. article ”La fièvre catarrhale ovine ou bluetongue dans le nord de l’Europe” de S. Zientara et coll. dans ce numéro. 4 Cf. le NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE, Élevages et santé N°2 Mai/Juillet 2006 p. 107.
ACTUALITÉS
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006 - 195
actualités en perspective
la fièvre catarrhale ovine ou bluetongue dans le nord de l’Europe
Stéphan Zientara1 Corinne Sailleau1 Catherine Cetre-Sossah2 Lotfi Bounaadja1 Emmanuel Bréard1 Guillaume Gerbier2 Thierry Baldet2 Emmanuel Albina2
Au milieu de l’été 2006, de façon inattendue, la fièvre catarrhale ovine a émergé aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne ainsi que sur la frontière nord de la France. Outre la surprise de trouver un sérotype exotique dans cette région de l’Europe, la symptomatologie observée a de quoi surprendre. Les bovins ont présenté des signes cliniques de gravité variable, alors que le virus de la fièvre catarrhale ovine ne provoque que très rarement des manifestations cliniques dans cette espèce.
1 Unité Mixte de Recherche en Virologie
1161 AFSSA-ENVA-INRA 7 Avenue du Général De Gaulle 94704 Maisons-Alfort 2 CIRAD-EMVT Campus international de Baillarguet 34398 Montpellier cedex 5
Objectif pédagogique Connaître les caractéristiques de cette épizootie de fièvre catarrhale ovine.
Essentiel ❚ La bluetongue est une maladie réputée légalement contagieuse inscrite sur la liste A de l’Office international des épizooties. ❚ Elle ne provoque habituellement de signes cliniques que chez les ovins, rarement chez les bovins et les caprins. ❚ L’épicentre de l’épizootie de bluetongue sérotype 8 se situe aux confins de la Belgique (région de Liège) et des Pays-Bas (région de Maastricht).
L
a fièvre catarrhale ovine (F.C.O.) ou bluetongue est une arbovirose non contagieuse transmise par un diptère hématophage, du genre Culicoides qui, sous nos latitudes, se manifeste cliniquement surtout chez les ovins, rarement chez les bovins et chez les caprins [9]. ● Cette maladie réputée légalement contagieuse (M.R.L.C.) en France est inscrite sur la liste A de l’office international des épizooties (O.I.E.). ● La bluetongue se traduit dans l’espèce ovine par une maladie généralisée et grave qui provoque la mort dans 10 à 20 p. cent des cas. ● Depuis l’année 1999, le virus responsable de cette affection s’est répandu dans des pays du sud de l’Europe jusqu’alors indemnes, et a persisté dans la plupart de ces régions en entraînant parfois des épizooties sévères. Les raisons de ces changements dans l’épidémiologie de la bluetongue sont complexes. Elles sont liées à différents facteurs et notamment : - à de récentes extensions dans la distribution de son vecteur majeur, le moucheron Culicoides imicola ; - à l’implication de nouveaux insectes vecteurs de l’espèce Culicoides ;
ACTUALITÉS
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 196 - AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006
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Encadré 1 - Le virus de la fièvre catarrhale ovine ou bluetongue Le virus de la bluetongue est un virus nu, constitué de deux capsides qui entourent 10 segments d’ARN bicaténaires (ARNdb) codant au moins 10 protéines. ● Sept des protéines sont structurales (VP1 à 7), elles forment les capsides externes et internes ; et trois protéines sont non structurales (NS1 à 3). ● La capside interne est constituée principalement de VP7 et VP3 et de trois protéines minoritaires (VP1, VP4 et VP6). ● La capside externe est composée exclusivement des protéines VP2 et VP5. ● La protéine VP2 (issue du segment 2), détermine la variabilité antigénique des 24 sérotypes du virus de la bluetongue. ● La protéine VP7, issue du segment 7, est conservée chez tous les sérotypes et comporte des épitopes très antigéniques, communs aux 24 sérotypes. ●
- à la capacité du virus de persister pendant l’hiver en l’absence de vecteurs adultes ; - au pouvoir pathogène variable de certaines souches [11]. ● En août 2006, la F.C.O. a émergé dans le nord de l’Europe (Belgique, Pays-Bas, ainsi que dans les régions limitrophes en Allemagne et en France). De nombreuses questions se posent sur l’origine du virus (sérotype 8), sur la nature des vecteurs et sur les caractéristiques cliniques de l’infection. LES SYMPTÔMES Chez les ovins C’est dans l’espèce ovine que la maladie peut exprimer toute sa gravité. ● Cependant, l’infection n’entraîne pas toujours l’apparition de symptômes en raison notamment des variations du pouvoir pathogène selon les sérotypes ou les souches, des vecteurs impliqués ou de la résistance particulière de certaines races ovines. ● Ainsi, tous les intermédiaires entre la forme aiguë et les formes inapparentes sont observés. ● Les formes cliniques graves ne sont décrites que chez des ovins vivants dans des régions contaminées pour la 1re fois (cas de la Corse en 2000) ou sur des races améliorées (comme les races corse ou sarde) [14]. ●
les mycoplasmes stratégies d’adaptation et de persistance de bactéries minimales
Christine Citti
Restés longtemps mal connus, il est maintenant établi que de multiples espèces de mycoplasmes sont à l’origine d’affections graves qui engendrent des pertes économiques considérables (pertes de production, retard de croissance, utilisation massive d’antibiotiques, …). Reconnues depuis longtemps dans les filières porcine et aviaire, elles le sont plus récemment dans les filières bovine, ovine et caprine.
L
es mycoplasmes ont d’abord été confondus avec des virus en raison de leur passage au travers de filtres bactériens, puis décrits comme des formes bactériennes L (bactéries avec absence transitoire de paroi). ● Dans les années 60, les mycoplasmes, enfin reconnus comme des bactéries à part entière, ont été dépeints comme des organismes primitifs. ● Depuis 1980, c’est la théorie inverse qui l’emporte : les mycoplasmes dérivent tardivement d’un ancêtre commun aux bactéries à Gram positif. ● De plus, pendant des décennies, les microbiologistes ont douté du pouvoir pathogène des mycoplasmes alors que plus d’une centaine d’espèces sont actuellement reconnues comme étant à l’origine de maladies chez l’Homme, les plantes ou l’animal. ● Actuellement, une question à multiples facettes est au centre des thématiques de
recherche en mycoplasmologie : comment ces bactéries en apparence si simples et si démunies sont-elles capables de coloniser et de se maintenir de façon souvent persistante chez des hôtes complexes ? ● Le terme ”mycoplasmes” est utilisé de façon commune pour désigner les bactéries appartenant à la classe des mollicutes. Cette classe est sous-divisée en quatre ordres (tableau 1). Le plus grand nombre d’espèces est répertorié dans l’ordre des Mycoplasmatales, lequel comprend une seule famille, celle des Mycoplasmataceæ. ● Dans cet article, nous nous intéressons plus particulièrement à cette famille qui inclut les mycoplasmes d’intérêt vétérinaire et médical, et présente la plupart des caractéristiques communes à l’ensemble des mollicutes. DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES Les mycoplasmes sont fréquemment associés à un hôte et rarement isolés dans l’environnement. Leurs besoins en nutriment dus à leur faible capacité de codage expliquent ce mode de vie de type parasitaire (encadré 1). ● Près d’une centaine d’espèces a été identifiée chez les poissons, les reptiles, les oiseaux et les mammifères. Régulièrement, de nouvelles espèces sont décrites, laissant supposer une répartition beaucoup plus large. ● Chez l’Homme et chez l’animal, les mycoplasmes commensaux ou pathogènes ont un tropisme tissulaire varié avec une prédilection pour les muqueuses respiratoires et génitales. La plupart des espèces pathogènes sont à l’origine de maladies à morbidité variable et à mortalité faible, souvent chroniques. ●
UMR INRA-ENVT 1225, École Nationale Vétérinaire de Toulouse, 23 chemin des Capelles, BP 87614, 31076 Toulouse Cedex
Objectif pédagogique Connaître les caractéristiques des mycoplasmes pour comprendre les particularités des mycoplasmoses.
Essentiel ❚ Les mycoplasmes humains et animaux sont des sortes de “caméléons” par leur extraordinaire capacité de modifier rapidement l’architecture de leur surface. ❚ Cette capacité contribuerait à l’échappement à la réponse humorale de l’hôte, et participerait à la persistance des infections à mycoplasmes. ❚ La formation de biofilm par les mycoplasmes de ruminants pourrait contribuer à leur persistance dans l’environnement, en particulier sur du matériel souillé. ❚ Cette capacité à former des biofilms pourrait expliquer en partie la persistance de ces infections chez l’hôte, et le manque de constance dans l’efficacité des traitements antibiotiques.
Tableau 1 - Taxonomie des mollicutes et hôtes Ordre - Mycoplasmatales
Famille - Mycoplasmataceae - Entomoplasmataceae
Genre - Mycoplasma - Ureaplasma
- Spiroplasmataceae
- Entomoplasma - Mesoplasma - Spiroplasma
- Acholeplasmatales
- Acholeplasmataceae
- Acholeplasma
- Anaeroplasmatales
- Anaeroplasmataceae
- Anaeroplasma - Asteroplasma
- Entomoplasmatales
Hôtes - Homme
et animaux
RUMINANTS
- Insectes et plantes - Homme, animaux,
insectes, plantes - Rumen
des ruminants
15
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006 - 203
résultats originaux
VIGIMYC : le réseau français François Poumarat1 Dominique Le Grand1 Pascale Mercier2 Florence Tardy1 Patrice Gaurivaud1 Didier Calavas1 1UMR
”Mycoplasmoses des ruminants” 31 av. Tony-Garnier 69364 LYON cedex 07 2 Afssa Niort 60, rue de Pied-de-Fond 79012 Niort
Objectif pédagogique Connaître l’existence et comprendre le fonctionnement du réseau VIGIMYC.
d’épidémio-surveillance des mycoplasmoses des ruminants bilan 2003-2005 Les mycoplasmes des ruminants peuvent être à l’origine de maladies parmi les plus délétères pour l’élevage au niveau mondial. Le réseau VIGIMYC, véritable réseau d’épidémio-surveillance des mycoplasmoses des ruminants, a été créé dans le but d’identifier et de surveiller ces affections. Cet article présente le bilan des trois années d’activité de ce réseau.
P Essentiel ❚ VIGIMYC est un réseau de type passif, fondé sur les demandes de recherche de mycoplasmes faites par les vétérinaires praticiens auprès des L.V.D. ❚ M. bovis intervient fréquemment dans les broncho-pneumonies infectieuses enzootiques des bovins (B.P.I.E.) avec 59 p. cent des isolements. ❚ Seule l’information sur les prélèvements positifs arrive au réseau.
RUMINANTS
armi la vingtaine d’espèces de mycoplasmes régulièrement retrouvées chez les ruminants (presque 40 avec les occasionnelles), certaines sont inscrites sur la liste de l’Office International des Épizooties (O.I.E.). Ce sont : - la péripneumonie contagieuse bovine (P.P.C.B.) due à M. mycoides subsp. mycoides biotype Small Colony ; - la pleuropneumonie contagieuse caprine (P.P.C.C.) due à M. capricolum subsp. capripneumoniae ; - le complexe de l’agalactie contagieuse des petits ruminants liée à différents mycoplasmes* [2, 6] : M. agalactiae, M. mycoides subsp. mycoides biotype Large Colony, M. capricolum subsp. capricolum et M. putrefaciens. ● Les affections à M. bovis sont d’autres mycoplasmoses non mentionnées par l’O.I.E. : de répartition mondiale, elles s’avèrent désormais d’une importance économique majeure en élevage intensif bovin. POURQUOI LE RÉSEAU VIGIMYC ? ● Une section de mycoplasmologie a été créée à l’AFSSA Lyon dès les années 80 suite à la résurgence de la P.P.C.B. sur le territoire national. Avec la création d’une unité propre de Mycoplasmologie en 2004, il est apparu opportun de valoriser l’activité d’aide au diagnostic des mycoplasmes, mise en place
NOTE * On distingue de plus en plus souvent l’agalactie contagieuse, sensu stricto, à M. agalactiae, du syndrome portant le même nom lié aux trois autres mycoplasmes appartenant à un même groupe dit “mycoides”. LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 210 - AOUT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006
22
Encadré 1 - Les objectifs de VIGIMYC
1 Identifier les mycoplasmes des ruminants 2 3 4 5
dans les laboratoires d’analyse vétérinaires départementaux (L.V.D.). Suivre l’évolution des mycoplasmoses des ruminants sur le territoire et détecter les espèces ou les variants émergents. Surveiller une éventuelle réémergence de la P.P.C.B. Partager et diffuser les informations concernant les mycoplasmes. Constituer et entretenir une collection re-présentative de la diversité des souches de terrain.
depuis plus de 10 ans, en formant un véritable réseau d’épidémio-surveillance : le réseau VIGIMYC. ● Même si l’existence officielle de VIGIMYC date de mars 2005, le réseau est formalisé depuis 2003, si bien qu’aujourd’hui il est possible de proposer ce bilan de 3 années d’activité. ● Actuellement, seuls la France et le Royaume-Uni (Veterinary Laboratories Agency (V.L.A.), Weybridge) entretiennent des réseaux structurés de vigilance sur les mycoplasmes des ruminants [1]. - Ces deux réseaux fonctionnent selon des principes très similaires et ont la même vocation de base : la surveillance des mycoplasmoses inscrites dans la liste de l’O.I.E. - Ils assurent un suivi continu minimum dans un domaine très mal couvert au niveau national. COMMENT FONCTIONNE LE RÉSEAU ? ● L’activité de VIGIMYC est pilotée par un comité composé de représentants des L.V.D. (A.D.I.L.V.A.), de vétérinaires praticiens (S.N.G.T.V.), de la direction générale de l’Alimentation et de l’A.F.S.S.A. ● VIGIMYC est un réseau de type passif fondé sur les demandes de recherche de mycoplasmes faites par les vétérinaires praticiens auprès des L.V.D (figure 1). Si un mycoplasme est isolé dans le laboratoire, l’isolat est envoyé pour identification à l’A.F.S.S.A. Lyon accompagné d’une fiche de commémoratifs normalisée. L’identification est réalisée à titre gracieux et les résultats rendus dans les 15 j maximum.
diagnostic de laboratoire et mesures de contrôle de Mycoplasma bovis
L’identification des mycoplasmes fait appel à des méthodes spécifiques qui diffèrent de celles utilisées en bactériologie générale. Cet article présente les techniques de diagnostic de Mycoplasma bovis et les mesures de contrôle de ces infections.
L
es particularités techniques des ”mycoplasmes” (terme générique utilisé pour désigner les bactéries appartenant à la classe des Mollicutes) constituent une entrave à la mise en œuvre de leur recherche systématique en diagnostic de routine. Ce sont en effet des micro-organismes sans paroi à génome de taille très réduite*, qui ont des capacités de biosynthèse très limitées. De ce fait, leur culture nécessite l’utilisation de milieux de composition complexe. Chez les bovins, environ une vingtaine
Dominique Le Grand Marie-Anne Arcangioli François Poumarat Pierre Bézille Unité mixte de recherche Mycoplasmoses des Ruminants AFSSA-ENV Lyon 1, av. Bourgelat 69280 Marcy-l'Étoile
d'espèces de mycoplasmes ont été isolées. Leur importance médicale et économique est toutefois variable selon l’espèce en cause (encadré 1). LE DIAGNOSTIC DE LABORATOIRE
Objectifs pédagogiques
Le diagnostic direct
❚ Connaître les contraintes d’identification de M. bovis. ❚ Appréhender les méthodes de contrôle des infections à M. bovis.
L’isolement
Comme pour tous les mycoplasmes, l'isolement de M. bovis exige l'utilisation de milieux spécifiques, complexes et onéreux, et nécessite une incubation prolongée (3 à 7 j). Un milieu de culture est actuellement commercialisé**. ● L’identification des espèces isolées est impossible sur la seule observation de la morphologie des colonies obtenues en milieu solide. Elle doit donc faire appel à des méthodes spécifiques. ● Cette étape d’identification est incontournable, compte tenu de l’existence fréquente d'espèces non pathogènes, parfois même en mélange. ●
Encadré 1 - Le pouvoir pathogène
NOTES * Cf. article “Les mycoplasmes, stratégies d’adaptation et de persistance de bactéries minimales” de C. Citti dans ce numéro. ** Axcell Biotechnologies, St Genis l’Argentière, France. *** Cf. article ”VIGIMYC : le réseau français d’épidémiosurveillance des mycoplasmoses des ruminants” de F. Poumarat et coll dans ce numéro.
de différentes espèces de mycoplasmes isolées chez les bovins ● Au niveau mammaire, deux espèces de mycoplasme pathogène dominent : Mycoplasma (M.) bovis et M. species bovine serogroup 7 (décrit en Australie principalement). D’autres espèces ont été isolées lors de mammites et présentent un certain pouvoir pathogène pour cet organe : M. californicum, M. canadense, M. alkalescens et M. bovigenitalium***. ● Au niveau de l’appareil respiratoire, de nombreuses espèces sont isolées. Elles peuvent être sommairement classées en quatre groupes suivant leur degré de pathogénicité. - On distingue ainsi, des espèces isolées exceptionnellement pour lesquelles, faute de données, on ignore tout du degré de pathogénicité dans l'espèce bovine : M. alkalescens, M. canadense, M. bovigenitalium, M. gallisepticum, ... - Viennent ensuite des espèces fréquemment isolées, mais qui n'ont jamais montré expérimentalement un pouvoir pathogène. Ce 2nd groupe est représenté par des espèces commensales (M. bovirhinis, M. bovigenitalium, Acholeplasma laidlawii) ou contaminantes secondaires qui s'installent en phase terminale du processus infectieux (M. arginini). - Le 3e groupe comprend des espèces fréquemment isolées qui présentent un certain pouvoir
pathogène expérimental, mais dont l’impact réel lors d'infection naturelle est mal cerné. Il s’agit de M. dispar et de Ureaplasma diversum. - Dans cette catégorie, pourrait venir se classer M. canis. - Normalement présent chez le chien, ce mycoplasme a été isolé pour la 1re fois chez des veaux aux Pays-Bas en 1993, puis en Angleterre en 1995, où sa fréquence d’isolement a augmenté rapidement entre 1996 et 2000 [2]. - Il a été également isolé en Belgique, durant la même période, chez des veaux présentant une affection respiratoire chronique. En outre, selon les récents travaux de Nicholas et coll., cette espèce présente un certain pouvoir pathogène expérimental chez le veau [2].
Essentiel ❚ L'isolement de M. bovis exige l'utilisation de milieux spécifiques, complexes et onéreux, et nécessite une incubation prolongée.
- Le dernier groupe comprend deux espèces au pouvoir pathogène expérimental dûment démontré et qui sont à l'origine de pertes économiques importantes en élevage : M. mycoides subsp. mycoides biotype Small Colony, agent de la péripneumonie contagieuse bovine (P.P.C.B.) et M. bovis (encadré 2).
RUMINANTS
La P.P.C.B. est absente en France depuis 1984 et aucun foyer n’a été signalé en Europe depuis 1999.
27
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006 - 215
résultats originaux
la prévalence des infections à Mycoplasma bovis en France dans la filère laitière
François Poumarat1 Marie-Anne Arcangioli1 Dominique Le Grand1 Myriam Chazel1 Éric Sellal2, Arnaud Duet3 Pierre Bézille1 Didier Calavas1
Mycoplasma bovis est, après l’agent de la péripneumonie contagieuse bovine, le mycoplasme le plus pathogène pour les bovins. Il est à l’origine de différentes affections ; les pneumopathies et les mammites sont les plus fréquentes. L’extension rapide de ces mycoplasmoses en élevage intensif ont des conséquences économiques majeures. Quelle est la situation en France ?
1 UMR
“Mycoplasmoses des ruminants” AFSSA Lyon ENVL, 2 Laboratoire Service International, 3 Clinique Vétérinaire, 01340 Montrevel en Bresse
Objectif pédagogique Connaître la prévalence de M. bovis dans les affections respiratoires des veaux et dans les mammites des vaches laitières en France.
NOTE * Cf. l’article “VIGIMYC : le réseau français d’épidémiosurveillance des mycoplasmoses des ruminants” de F. Poumarat dans ce numéro.
Essentiel ❚ Le rôle de M. bovis dans les pneumopathies des veaux diffère largement d’un département à l’autre, selon la seule étude statistique réalisée en France entre 1997 et 1998. ❚ Deux nouvelles enquêtes ont été menées en 2003 et 2005.
RUMINANTS
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 220 - AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006
E
n Europe, Mycoplasma bovis (M. bovis) serait incriminé dans un tiers à un quart des pneumopathies des veaux [7]. Cette moyenne cache cependant des disparités régionales importantes [13]. Quant aux formes mammaires, elles ne semblent atteindre des proportions vraiment alarmantes qu’en Amérique du Nord [6, 7]. ● En France, une seule étude statistiquement fiable est disponible. Réalisée entre 1997 et 98, elle porte sur la population adulte en élevage bovin allaitant. Cette enquête sérologique montre des disparités importantes entre les départements, avec respectivement 2 à 13 p. cent, et 28 à 90 p. cent des animaux et des troupeaux infectés [5]. ● Depuis cette enquête, les seules données au niveau national proviennent du réseau d’épidémio-surveillance des mycoplasmoses des ruminants VIGIMYC*. Elles indiquent une fréquence élevée d’isolement de M. bovis lors d’affection respiratoire chez les jeunes non sevrés (veaux de boucherie). En revanche, les formes mammaires semblent exceptionnelles, mais peutêtre sont-elles effectivement sous-diagnostiquées ? ● Pour préciser et actualiser ces informations, deux enquêtes ont été mises en place en 2003 et en 2005 par l’U.M.R. ”Mycoplasmoses des ruminants” AFSSAENVL.
32
- La 1re vise une pré-évaluation de l’incidence des affections à M. bovis en élevage de veaux de boucherie ; - la 2nde cherche à établir la prévalence de l’infection mammaire à M. bovis en élevage bovin laitier. 1RE ENQUÊTE M. BOVIS DANS LES AFFECTIONS RESPIRATOIRES DES VEAUX DE BOUCHERIE Le protocole de l’enquête ● En 2003, neuf bandes de veaux de races laitières ont été suivies sur une période de 1 à 2 mois, à compter du jour d’allotement. Collectés dans l’est de la France, à l’âge de 2 à 3 semaines, ils sont conduits en bande unique, entretenus sur aire paillée et disposent d’un distributeur automatique commun de lait reconstitué. ● Les bandes comptaient en moyenne une centaine d’animaux, sept étaient situées dans des établissements différents, deux dans des bâtiments distincts d’un même site (tableau 2). ● À l’entrée en bande, les animaux ont été vaccinés contre les virus B.V.D (Bovine Viral Diarrhea) et R.S.V. (Respiratory Syncitial Virus) (sauf le lot 7 : B.V.D. seulement) et mis sous antibiothérapie préventive pendant 10 jours. Le suivi sanitaire de ces bandes dépendait d’un même vétérinaire. ● Dans chacune des bandes, 15 veaux tirés au hasard ont fait l’objet d’un suivi selon le protocole décrit dans le tableau 1. ● Ce protocole visait à caractériser les agents infectieux présents au début de l’épisode respiratoire et à confirmer leur implication par analyse des cinétiques d’apparition des anticorps. Les analyses réalisées et les méthodes utilisées sont décrites dans le tableau 1. ● Par convention, dans cette enquête : - un épisode d’affection respiratoire dans une bande était considéré comme grave, donc justifiait la mise en place d’un traitement collectif quand au moins 30 p. cent des animaux étaient atteints, ou quand le taux de consommation de lait chutait de plus de 10 p. cent ;
résultats originaux exposition des veaux charolais non sevrés
Sébastien Assié1 Henri Seegers1 Myriam Ogier de Baulny2 François Beaudeau1
à Mycoplasma bovis, en Pays de la Loire
1 UMR ENV Nantes INRA Gestion de la santé Animale ENVN BP 40706 44307 Nantes Cedex 3 2 Laboratoire départemental d’analyses de la Vendée B.P. 802 85021 La Roche-sur-Yon
L’objectif de cette courte communication est de présenter l’exposition des veaux allaitants non sevrés dans les Pays de la Loire à Mycoplasma bovis en particulier, mais aussi au virus respiratoire syncytial bovin, au virus Parainfluenza 3, à l’Herpès virus bovin de type 1, au virus de la diarrhée virale bovine.
Objectif pédagogique Connaître l’exposition des veaux charolais non sevrés à différents agents pathogènes respiratoires dans les Pays de la Loire.
L
es niveaux d’exposition aux différents agents pathogènes des veaux non sevrés en système allaitant des Pays de la Loire ne sont pas connus. Les particularités liées à l’âge des veaux et au système d’élevage (double saison de naissances en Pays de la Loire) pourraient induire des différences d’exposition par rapport à d’autres systèmes d’élevage. Par analogie avec des bovins plus âgés d’autres systèmes d’élevage, il est cependant possible d’émettre l’hypothèse que ces agents sont nombreux. MATÉRIEL ET MÉTHODE Obtention des sérums
● Les sérums ont été prélevés lors de deux campagnes de vêlages consécutives : - pour un 1er groupe de veaux nés entre le 1er octobre 2001 et le 15 mai 2002 ; - pour un 2e groupe né entre le 1er octobre 2002 et le 15 mai 2003. ● Chaque veau a subi deux prélèvements sanguins à 90 j d’intervalle (P.S.1 et P.S.2). ● Au total, 104 lots d’environ dix veaux tous élevés dans une même case en bâtiments ont été prélevés (photo 1). ● Pour les veaux de 54 de ces lots, aucune vaccination dirigée contre les troubles respiratoires n’a été réalisée.
Analyses effectuées ● Une technique indirecte utilisée sur les sérums obtenus en P.S.2, reposant sur la détection d’immunoglobulines G2 (IgG2) a été utilisée pour mettre en évidence l’exposition au V.R.S.B. et au P.I.3 [1] (encadré ciaprès).
NOTES * Bommeli Diagnostics, Beaucouzé, France. ** L.S.I., Lisieu, France. 1
L’enquête a été menée sur 104 lots d’environ dix veaux tous élevés dans une même case en bâtiments (photo J.-M. Nicol). ● Des kits commerciaux fondés sur des tests ELISA détectant les Ig G totales ont été utilisés pour les autres agents : - pour le B.H.V.1, le kit de détection Chekit Trachitest 2e génération monocupule* a été utilisé sur des pools de sérums. En cas de positivité, les sérums ont alors été analysés individuellement à l’aide du kit de confirmation Chekit Trachitest monocupule* ; - pour le B.V.D. et M. bovis, les kits LSI BVD/BD p80 blocking one step®** et Chekit-M. bovis sero®*‚ ont été utilisés.
Interprétation des résultats ● Un veau a été considéré exposé : - au V.R.S.B. : si le ratio S/P en IgG2 était supérieur à 0,08, au P.I.3 si le ratio S/P en IgG2 était supérieur à 0,08 ; - au B.V.D.V. : si le pourcentage d’inhibition à la P.S.1 était inférieur à 50 p. cent et s’il augmentait d’au moins 30 p. cent entre le P.S.1 et le P.S.2. ● Pour le B.H.V.1 et M. bovis : l’interprétation a été faite selon les recommandations des fabricants des kits. ● À partir de ces résultats, un veau a été considéré comme exposé à un agent donné
Essentiel ❚ Lorsque M. bovis est mis en évidence, au moins un autre agent pathogène a été retrouvé dans le lot. ❚ L’exposition des lots au V.R.S.B. et au P.I.3 est quasi-systématique. ❚ Un tiers des lots de veaux ont été probablement en contact avec M. bovis.
RUMINANTS
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006 - 225
observation clinique
épisodes récurrents de maladies respiratoires des veaux associés à Mycoplasma bovis en élevage allaitant
Sébastien Cousin1 Sébastien Assié2 Raphaël Guattéo2 Laurent Hérault3 Nathalie Bareille4
1
Face à des épisodes récurrents de maladies respiratoires associés à la présence de Mycoplasma bovis dans un élevage de quelque 250 animaux, la conduite à tenir préconisée prend en compte les objectifs de l’éleveur. Cet article présente les démarches diagnostique et thérapeutique adoptées ainsi que les résultats.
N
ous sommes intervenus à la demande de confrères sur un élevage de veaux allaitants qui subit des épisodes de maladies respiratoires depuis deux ans. La demande de l’éleveur, sélectionneur en race charolaise, était de définir des protocoles d’intervention curatifs et préventifs réalisables par ses employés même en son absence, et ne nécessitant pas une intervention quotidienne, afin de maîtriser le temps de travail passé au soin et à la surveillance des animaux. ● Les données recueillies sont uniquement fondées sur les dires de l’éleveur (encadré 1). Elles peuvent donc être imprécises. ● L’intervention du vétérinaire traitant n’a été
Interne en Médecine Bovine, E.N.V.N. BP 40706, 44307 Nantes Cedex 3 2 Unité de Médecine des Animaux d'Élevage E.N.V.N. BP 40706, 44307 Nantes Cedex 3 3 Clinique Vétérinaire, 3 bd de Maumusson, 79700 St Amand-sur-Sèvre 4 Unité de Zootechnie, E.N.V.N. BP 40706, 44307 Nantes Cedex 3
Objectif pédagogique
1
Des troubles respiratoires affectent les veaux non sevrés (photo S. Cousin).
requise qu’à de rares occasions et très tardivement après l’apparition des troubles. ● Lors d’une autopsie, effectuée sur l’un des veaux morts au cours du 2e épisode, des lésions du parenchyme pulmonaire ont été observées. Une seule recherche étiologique a été entreprise à la faveur de cette autopsie. Elle a permis d’isoler M. bovis sur un échantillon de poumon. ● Cependant, il était alors impossible d’attribuer l’apparition de tous ces troubles au seul M. bovis (photo 1). ● Compte tenu de l’aspect suraigu des signes cliniques et du fort taux de mortalité, une hypothèse virale primaire a été suspectée à la suite de notre visite.
Décrire la démarche diagnostique et les choix thérapeutiques suivis face à des troubles respiratoires récurrents de veaux liés à Mycoplasma bovis.
Motif de consultation ❚ Épisodes récurrents de troubles respiratoires sur des veaux.
Encadré 1 - Description des troubles de la saison précédente Au cours de la saison 2004-2005, deux épisodes de troubles respiratoires affectent les veaux non sevrés. 1. Le 1er épisode en décembre 2004, soit un mois après le début des vêlages, concerne l’ensemble des jeunes veaux de 8 jours. Les signes cliniques sont peu spécifiques : hyperthermie, essoufflement, abattement. ● Le traitement administré est une double dose d’une association de lincomycine et de spectinomycine (Linco-spectin®) associée à de la flunixine (Finadyne®) le 1er jour, suivi d’une injection de tulathromycine (Draxxin®) le lendemain. ● Le taux de morbidité s’élève à 70 p. cent. 20 p. cent des malades récidivent. Six veaux meurent suite à celles-ci. 2. Le 2e épisode, après la mise à l’herbe, concerne une trentaine d’animaux âgés de 3 à 7 mois. Ils présentent de la toux et une détres●
se respiratoire marquée. Un traitement à base de corticoïde, diurétique et antibiotique de large spectre a été mis en place (pas de précision possible sur le traitement qui était variable). ● Six animaux meurent et une dizaine deviennent des non valeurs économiques. ●
Données sur l’élevage Surface de l’exploitation : 85 ha. ● 120 vaches et génisses, 120 veaux de race charolaise (+ un atelier d’engraissement de taurillons blonds d’aquitaine). ● 120 vêlages par an (70 multipares ; 50 primipares). ● Animaux à haute valeur génétique ; potentiel de croissance élevée (2 kg/jour) ● Deux bâtiments d’élevage : une stabulation entravée et une stabulation libre sur aire paillée. ● Main d’œuvre de l’exploitation : 1,5 U.T.H. (unité de travail horaire) ●
RUMINANTS
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006 - 229
la paramyxovirose du pigeon domestique Samuel Boucher LABOVET Conseil (Réseau Cristal), BP 539 85505 Les Herbiers cedex
La paramyxovirose du pigeon est une forme particulière de la maladie de Newcastle. C’est une maladie très contagieuse, de répartition mondiale, qui entraîne des pertes et des contre-performances importantes selon le pouvoir pathogène de la souche virale en cause. Cet article présente les symptômes caractéristiques de la maladie et la marche à suivre en cas de suspicion clinique.
Objectif pédagogique ❚ Savoir reconnaître et gérer un cas de paramyxovirose du pigeon.
1
Paramyxovirose 1992 : troubles nerveux chez un pigeon lors de l’épisode de paramyxovirose vélogène de 1992 (photos S. Boucher, Labovet).
L
a forme la plus grave (dite forme vélogène) de la paramyxovirose du pigeon est à déclaration obligatoire et classée depuis le 21 août 1948 parmi les M.R.C. (Maladies légalement Réputées Contagieuses). Elle est caractérisée par des troubles nerveux et digestifs évoluant rapidement vers la mort. Les cas cliniques de paramyxovirose dans les élevages qui vaccinent sont réduits à néant.
●
Des épizooties ont néanmoins eu lieu régulièrement en France (1972, 1981, 1992, 2005) dans des élevages non vaccinés (photo 1). ●
SYMPTÔMES ET SIGNES CLINIQUES Dans les formes suraiguës ou aiguës La durée de l’incubation de la maladie expérimentale est de 4 jours. Dans les conditions naturelles, elle varie de 4 à 15 j (encadré 1). ● Dans les formes suraiguës, qui touchent essentiellement les jeunes pigeonneaux, la maladie se développe très vite et les symptômes sont généraux (abattement, anorexie, plumes ébouriffées, tête basse, ...). La mortalité a lieu en 24 à 48 h et peut atteindre 100 p. cent des oiseaux contaminés. Les jeunes au nid meurent sans symptôme caractéristique alors que la mort des adultes est presque toujours précédée de signes cliniques. ●
NOTE *cf. article ”La maladie de Newcastle, l’autre peste” de J.-L. Guérin et C. Boissieu dans le NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE Élevages et santé mai/juillet 2006, N°2 p.154-158. 2
Les troubles nerveux sur un pigeon atteint de paramyxovirose sont fréquents.
Dans les formes aiguës, qui atteignent plutôt les adultes, les premiers symptômes sont simples à détecter. Les oiseaux sont d’abord abattus, anorexiques, présentent des plumes ébouriffées et boivent beaucoup. - Dans la moitié des cas, une diarrhée verdâtre très liquide peut être notée (l’oiseau ne mange presque plus, ce qui crée cette coloration des fientes chez un oiseau qui ne possède pas de vésicule biliaire). - Par la suite, la majorité des pigeons présente des troubles nerveux caractéristiques (photo 2). Il est donc nécessaire de les observer durant leur activité. Le système nerveux central est touché. - Des troubles de l’équilibre apparaissent : le comportement des oiseaux est tout à fait incohérent. Ainsi, ils peuvent marcher à reculons, présenter des convulsions, dévier la tête sur le côté, présenter une parésie des ailes et des pattes. Lorsqu’il essaye de saisir une graine, l’oiseau dévie la tête au dernier moment et, de façon saccadée, la ramène rapidement en arrière, puis sur le côté. ●
Essentiel ❚ Les paramyxovirus résistent 2 à 3 mois sur le sol du pigeonnier, 7 à 8 mois sur la coquille des œufs souillés, 3 mois dans une carcasse enterrée et plus de 2 ans dans les carcasses congelées. ❚ Dans les formes suraiguës, qui touchent essentiellement les jeunes pigeonneaux, la maladie se développe très vite et les symptômes sont généraux.
PORCS- VOLAILLES
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT /SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006 - 233
diagnostic et contrôle des mycoplasmoses aviaires Isabelle Kempf AFSSA site de Ploufragan BP53 22440 Ploufragan
Maladies infectieuses favorisées par l'intensification de la production avicole, les mycoplasmoses aviaires sont à l’origine de lourdes pertes économiques en raison des retards de croissance, des baisses de production d’œufs commercialisables, des diminutions d'éclosabilité et des saisies à l’abattoir.
E
n raison de la transmission verticale des mycoplasmes, et à l’instar des salmonelloses aviaires, la politique de contrôle des mycoplasmoses, dans les troupeaux de sélection et de multiplication, est fondée en France sur l’éradication des troupeaux infectés. ● Elle nécessite donc des méthodes de dépistage spécifiques et sensibles permettant de détecter rapidement les lots de reproducteurs infectés afin de les éliminer. ● Dans les troupeaux de production (poulets ou dindes de chair, poules pondeuses d’œufs de consommation), une part importante du contrôle des infections mycoplasmiques ou bactériennes est laissée à l'administration d'antibiotiques. ● Chez les oiseaux d’ornement ou le gibier, ces bactéries sont aussi responsables d’infections de l’appareil respiratoire supérieur. ● Cet article se limite aux principales mycoplasmoses de la poule et de la dinde. Quelques éléments relatifs à la biologie de ces bactéries sont d’abord à souligner (encadré 1). DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES ● Il existe peu de données précises de prévalence des infections mycoplasmiques, bien qu’elles soient inscrites sur la liste des maladies à déclarer à l’office international des épizooties (O.I.E) (Mycoplasma gallisepticum et M. synoviae) ou réglementées dans le cadre des échanges intra-communautaires de volailles (M. gallisepticum et M. meleagridis). ● En France, dans les troupeaux de sélection et de reproduction, les infections mycoplasmiques semblent rares*.
Objectifs pédagogiques
1 Mycoplasma gallisepticum : observation en microscopie électronique à transmission (photo A.F.S.S.A. Ploufragan).
Pour les troupeaux de production, les enquêtes épidémiologiques effectuées par l’Unité Mycoplasmologie Bactériologie de l’A.F.S.S.A. site de Ploufragan indiquent que M. gallisepticum reste rare chez la poule ou chez la dinde, de même que M. meleagridis, une espèce spécifique de la dinde. ● En revanche, M. synoviae infecte parfois la dinde ou le poulet de chair très fréquemment la poule pondeuse standard [6, 10]. ●
LES SYMPTÔMES ET LES LÉSIONS Les symptômes et les lésions pour Mycoplasma gallisepticum La maladie respiratoire chronique chez la poule (M.R.C. ou Chronic Respiratory Disease = C.R.D.) et la sinusite infectieuse (infectious sinusitis) chez la dinde résultent d'infections causées par M. gallisepticum (photo 1), associé à d’autres agents infectieux bactériens (E. coli très fréquemment, ou Ornithobacterium rhinotracheale, Pasteurella multocida, Avibacterium (Haemophilus) paragallinarum, Chlamydophila, …) ou viraux sauvages (coranavirus, metapneumovirus), ou vaccinaux, voire parasitaires (Aspergillus, ...) [13]. ● La maladie est aggravée par le stress lié à une mauvaise conduite d’élevage (ammoniac, poussières, humidité, ventilation mal réglée, stress sociaux, carences alimentaires, parasitisme, manipulations : vaccinations, tri, transfert, …). ● La période d'incubation expérimentale avoisine 5 à 10 jours, mais peut durer beaucoup plus longtemps lors d’infections naturelles. Ainsi, des poussins ou des dindonneaux issus d’œufs infectés ne présentent parfois de symptômes et de séroconversion que très tardivement, quelquefois seulement lors du pic de ponte. ●
❚ Savoir reconnaître les symptômes et les lésions des mycoplasmoses de la poule et de la dinde. ❚ Connaître les méthodes de diagnostic et les prélèvements associés.
NOTE * Les dernières données fournies par le réseau d’épidémiosurveillance RENESA de la D.G.A.l. qui datent de 2002 indiquaient des prévalences toutes inférieures à 1,05 p. cent dans les troupeaux surveillés.
Essentiel ❚ La mycoplasmose à M. gallisepticum est aggravée par le stress lié à une mauvaise conduite d’élevage. ❚ La période d'incubation expérimentale avoisine 5 à 10 jours, elle peut durer beaucoup plus longtemps lors d’infections naturelles. ❚ Des souches de M. gallisepticum ou de M. synoviae peuvent survivre hors de leur hôte pendant la durée d’un vide sanitaire ou d’un traitement antibiotique. ❚ La lésion la plus caractéristique de l’infection à M. gallisepticum est l’inflammation fibrineuse des sacs aériens.
PORCS- VOLAILLES
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observation clinique un purpura thrombocytopénique chez le porcelet
Hervé Morvan1 Chantal Berthelot2 Jean-Marie Gourreau3 Guy-Pierre Martineau4 1 Laboratoire
de Développement et d’Analyses des Côtes d’Armor, BP 54, 22440 Ploufragan 2 Laboratoire DELTAVIT, ZA du Bois de Teillay, 35150 Janzé 3 AFSSA – Lerpaz, 22, rue Pierre Curie, BP 67, 94703 Maisons – Alfort Cedex 4 Unité Productions animales Clinique des élevages avicoles et porcins E.N.V.T. 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03
Les purpura chez le porcelet peuvent avoir plusieurs causes ou origines. Leur diagnostic nécessite la mise en œuvre d’examens hématologiques, biochimiques et sérologiques approfondis.
D
Objectif pédagogique Savoir diagnostiquer un syndrome hémorragique et le différencier de la peste porcine, classique ou africaine.
Essentiel ❚ Il est recommandé de faire adopter les porcelets avant 24 h - 36 h de vie. ❚ Une suspicion de peste porcine, classique ou africaine est à envisager même si les porcelets ne présentent pas d’hyperthermie.
ans un élevage sélectionneur de porcs d’Ille-et-Vilaine apparaît brutalement, en mai 2006, un syndrome hémorragique sur cinq des huit porcelets d’une même portée dans les jours qui suivent leur naissance. Cet élevage qui présente d’excellentes normes de biosécurité et de haut niveau a rentré un autre verrat trois mois avant l’apparition des signes de purpura observés, ainsi qu’un lot de cochettes en décembre 2005. ● Ces porcelets, issus d’une autre truie, ont été adoptés par une truie nourrice suite à un problème d’anorexie de la truie qui leur avait donné naissance. ● Les porcelets ont été retirés le 4e jour après leur naissance pour être replacés sous une truie adoptive, qui a eu, à la même date, une portée de cinq porcelets. Ces derniers porcelets ont également été placés sous une truie nourrice (adoption en cascade). ● Cette pratique d’échange de porcelets, bien qu’étonnante à cet âge, est rendue ici nécessaire pour des raisons de survie des porcelets. ● L’adoption est pratiquée couramment dans certains élevages pour obtenir des animaux de même poids, au même stade de croissance. Il est recommandé de le faire avant que les porcelets aient 24 h-36 h de vie. LES TROUBLES CLINIQUES Dix jours après le placement des porcelets sous leur mère d’adoption surviennent brutalement, sur les huit porcelets, des suffusions hémorragiques de type ecchymotique atteignant la totalité du corps, en particulier l’abdomen et la face postérieure des cuisses (photo 1).
●
PORCS- VOLAILLES
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 242 - AOÛT /SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006
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1
Suffusions hémorragiques sur la totalité du corps du porcelet (photos C. Berthelot).
2
Pétéchies et hémorragies en nappe sur le cœur.
Ces troubles entraînent, en une dizaine d’heures, la mort de cinq d’entre eux ; les trois autres ne présentent pas ces signes cliniques, mais ils ne sont pas en bonne santé. Certains d’entre eux montrent des signes de boiterie. ● Bien que l’absence d’autres signes cliniques, en particulier d’hyperthermie, chez les trois porcelets restants et chez la truie adoptive permette d’exclure une suspicion de peste porcine, classique ou africaine, celles-ci doivent quand même être envisagées dans le diagnostic différentiel d’une telle entité clinique (mortalité aiguë de porcelets avec un syndrome hémorragique). C’est pourquoi des prélèvements de sang sont effectués afin de rechercher la présence éventuelle de l’un de ces virus ou les traces sérologiques de son passage. Cet examen sérologique est négatif. ●
enjeux économiques le jeune bovin en France : les raisons d’un regain d’intérêt Patrick Sarzeaud Institut de l’Élevage Maison de l’Agriculture ZAC Atalante-Champeaux 35042 Rennes cedex
Depuis 2004, les cours des jeunes bovins n’ont cessé de progresser et ont atteint des niveaux jamais connus depuis 10 ans. Depuis deux ans, et grâce à des cours plus favorables, la production de jeunes bovins semble reprendre. Quels sont les moteurs de ce nouvel intérêt, quelles sont les forces et les faiblesses de cette production ?
Figure 2 - Localisation de l’engraissement en France par système (Source : Institut de l’élevage selon recensement agricole 2000)
Objectif pédagogique ❚ Connaître les forces et les faiblesses de la production de jeunes bovins en France.
L
a production de jeunes bovins est la première production de viande bovine en Europe. Avec 8,7 millions de têtes en 2005, elle devance celle de vaches de réforme (6,8 millions de têtes), de génisses (4,3) et de bœufs (2,3). Elle s’inscrit aussi dans la consommation européenne puisqu’elle répond à la demande des pays du sud de l’Europe (Italie, Grèce, Espagne, Portugal) qui préfère une viande jeune et claire. Elle reste aussi très prisée par les consommateurs allemands. ● Mais depuis quelques années, en raison du déficit croissant en viande issue des vaches de réforme, ce produit prend plus de place sur notre marché intérieur : en 2005, la moitié de nos taurillons étaient consommés en France. ● Après avoir payé un lourd tribut au crises successives (E.S.B., fièvre aphteuse, ...)
avec un repli de 30 p. cent, la production de jeunes bovins français semble se stabiliser au-dessus du million de têtes depuis 2 ans. ● Pourtant, les auspices présageaient la poursuite du recul, sous le coup du découplage des aides de la nouvelle réforme de la politique agricole commune (P.A.C.) et en conséquence d’une certaine délocalisation de l’engraissement des bovins mâles vers les régions spécialisées du sud de l’Europe (Plaine du Pô et Nord de l’Espagne).
Figure 1 - Nombre de jeunes bovins produits en France en milliers de têtes (source S.C.E.E.S.)
Essentiel ❚ Le taurillon est souvent une production complémentaire. ❚ La taille moyenne des ateliers d’engraissement des jeunes bovins est particulièrement réduite. ❚ La moitié des ateliers produisent moins de 20 jeunes bovins et contribuent à 20 p. cent de la production.
COMPRENDRE ET AGIR
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management de l’entreprise utiliser son analyseur de biochimie en rurale L'évolution de la médecine et de la chirurgie des animaux de compagnie a conduit la plupart des cabinets et cliniques à investir dans un analyseur de biochimie. Pour les entreprises mixtes, l'activité canine suffit le plus souvent à justifier un tel équipement. Néanmoins, la question de l'utilisation de ce type de matériel en rurale se pose d'un double point de vue : s'agit-il d'un outil qui permet de répondre plus efficacement à certains besoins des éleveurs ? L'utilisation en rurale est-elle de nature à faciliter la rentabilisation de l'analyseur ?
S
elon une enquête récente, 72 p. cent des entreprises vétérinaires canines ou mixtes possèdent un analyseur de biochimie*. Dans la majorité des cas, un tel investissement est raisonné en fonction de l'activité liée aux animaux de compagnie. Néanmoins, l'utilisation de cet équipement en rurale suppose d'aborder trois points successivement. 1. La technique tout d'abord : existe-t-il des situations techniques dans lesquelles le recours à l'analyseur biochimique interne apporte un élément utile au praticien ? 2. Le marketing ensuite : comment valoriser ce service auprès du client ? 3. La gestion enfin : l'utilisation en rurale facilite-t-elle la rentabilisation de l'investissement ? LA TECHNIQUE ET L'ÉCONOMIE PRIMENT ● Ce n'est pas parce que le cabinet investit dans un analyseur biochimique qu'il faut entreprendre une campagne généralisée de dosages dans tous les élevages laitiers ! En revanche, le fait de disposer d'un tel équipement permet de se poser la question de toutes les indications possibles pour tel
Philippe Baralon1 Gilles Foucras2 1 Phylum BP 17530 31675 Labège Cedex 2 E.N.V.T. Pathologie des ruminants Département Élevage et Produits 23, chemin des Capelles BP 87614 31076 Toulouse cedex 03
Objectifs pédagogiques ❚ Valoriser les examens complémentaires en rurale à travers l'exemple de la biochimie clinique. ❚ Évaluer la rentabilité d'un investissement simple.
Le dosage du Ca/P, la mesure des activités enzymatiques de l’ASAT ou de la γGT, et celles de la créatine kinase sont les analyses les plus souvent effectuées en biochimie clinique (photo B. Siliart).
Encadré 1 - Dans quels cas le recours aux examens de laboratoire est-il justifié en médecine bovine ? ● Les examens de laboratoire constituent une aide au diagnostic, lorsque l’examen clinique seul ne suffit pas. ● Parmi les examens qui sont réalisables au cabinet vétérinaire, les analyses de biochimie sanguine sont probablement les plus répandues. Ces examens sont utiles sur des cas cliniques, en particulier chez la vache laitière (photo). En outre, l’hématologie sert à confirmer la présence d’un syndrome infectieux/inflammatoire, ou bien à apprécier l’intensité d’une anémie. ● Pour la biochimie clinique, les examens les plus utilisés sont : - le dosage du Ca/P qui permet de vérifier un déficit calcique, en particulier lorsque celui-ci est léger, avant de le corriger, ou plus généralement a posteriori lorsque la calcithérapie a été infructueuse ; - la mesure des activités enzymatiques de l’ASAT ou de la γGT, lors de suspicion de cétose/stéatose, est quelquefois utile chez la vache postparturiente ; - lors de décubitus prolongé, l’intensité des lésions musculaires est appréciée par mesure de la créatine kinase (CK) ; - de même, ce dosage permet de confirmer la présence d’une myopathie chez le veau.
ou tel dosage (encadré 1). ● Il est intéressant d'exprimer ces indications sous la forme de protocoles techniques définis par l'entreprise et appliqués par tous les praticiens. Exemple d'un tel protocole : sur tous les syndromes "fièvres de lait post-partum", le praticien qui intervient commence par réaliser un prélèvement sanguin, puis perfuse la
NOTE * Cf. ”Le recours au laboratoire d’analyses en pratique vétérinaire” de C. Caudron et P. Baralon dans LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE canine, féline N°26 décembre-janvier 2006, p. 81-84.
Essentiel ❚ Les critères techniques (indications cliniques) et économiques (intérêt pour l'éleveur) priment pour définir l'utilisation d'un équipement analytique en rurale. ❚ La formalisation de protocoles techniques d'utilisation optimise le service rendu et maximise la rentabilisation des investissements. ❚ Il est indispensable de tenir compte du coût de la main d'œuvre dans un calcul de rentabilité.
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COMPRENDRE ET AGIR
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l’abord du troupeau
démarche d’analyse de la quantité et de la composition du lait
au niveau du troupeau Le vétérinaire peut être un conseiller pour améliorer la quantité et la composition du lait livré chez un producteur. L’analyse du lait peut également être effectuée dans une démarche diagnostique vis-à-vis de troubles de santé ou de la reproduction, lorsque les déséquilibres nutritionnels affectent conjointement la santé et la composition du lait (par exemple la fertilité et l’acidose).
C
ompte tenu de l’existence de quotas matière grasse et de la rémunération plus importante du taux protéique que du taux butyreux, le conseil du vétérinaire porte principalement sur le taux protéique. L’analyse peut être menée en deux étapes : 1. l’analyse du niveau moyen annuel de production ou de taux protéique : elle permet de juger des performances moyennes du troupeau au cours des campagnes laitières précédentes ; 2. l’analyse de l’évolution mensuelle du niveau de production ou du taux protéique afin d’identifier les mois les plus problématiques et de corriger la conduite d’élevage sur ces périodes (encadré 1). LA DÉMARCHE D’ANALYSE DU TAUX PROTÉIQUE AU NIVEAU DU TROUPEAU L’approche globale
● Le taux protéique (T.P.) moyen annuel d’un troupeau dépend principalement de son
niveau génétique et de la conduite d’élevage dominante réalisée par l’éleveur (figure 1). ● L’estimation de la valeur génétique pour le taux protéique est faite pour chacune des vaches en corrigeant au préalable les performances de facteurs de variation individuels (âge au vêlage, mois de vêlage, …). Elle permet d’estimer aussi l’effet de la conduite d’élevage, appelé ”effet troupeau”. S’il est positif, l’éleveur a une conduite d’élevage qui favorise l’expression de T.P. élevés, par exemple un niveau élevé d’apports énergétiques (encadré 2) et inversement. ● Compte tenu d’une estimation imprécise de cet effet troupeau et du caractère rétrospectif de l’information, il est conseillé de ne considérer que les effets très positifs ou très négatifs durables sur plusieurs campagnes. ● Pour les élevages non adhérents au contrôle laitier, il est plus difficile de juger des performances moyennes du troupeau, principalement en raison de la méconnaissance du niveau génétique des vaches.
U.M.R. Gestion de la santé animale E.N.V.N./I.N.R.A. Atlanpôle La Chantrerie BP 40706 Nantes cedex 03
Objectif pédagogique ❚ Savoir analyser la quantité et la composition du lait d’un troupeau pour améliorer ses performances.
Le suivi mensuel La deuxième étape consiste à analyser l’évolution mensuelle du taux protéique (T.P.). ● Le T.P. du troupeau observé à un mois donné dépend de deux facteurs de variation majeurs qui ne peuvent être modifiés par la conduite d’élevage : - le stade de lactation moyen des vaches du troupeau ; - la photopériode, dans une moindre mesure (encadré 2). Le stade moyen de lactation des vaches du troupeau est indiqué dans les documents mensuels du contrôle laitier. Il peut aussi se ●
Encadré 1 - Les données disponibles en troupeau bovin laitier L’éleveur dispose d’informations mensuelles sur le lait livré en laiterie (lait de mélange de quatre à six traites des vaches du troupeau) et, s’il est adhérent, de résultats individuels qui émanent du contrôle laitier (deux traites toutes les 4 semaines). - Les résultats mensuels du contrôle laitier sont synthétisés pour le troupeau par le calcul de la quantité de lait par vache traite et de taux moyens pour le troupeau. - L’une ou l’autre source d’information peut être utilisée, mais les performances ne sont pas exprimées dans la même unité. La laiterie les présente en L et en g/L et le contrôle laitier
●
Nathalie Bareille Henri Seegers
en kg et en g/kg, d’où des valeurs sensiblement inférieures fournies par le contrôle laitier (1 L pèse environ 1,033 kg). Les informations sur les performances annuelles du troupeau sont regroupées dans le bilan génétique, édité annuellement par l’U.P.R.A. (unité de promotion des races) ou par le centre d’insémination artificielle pour les élevages adhérents au contrôle laitier.
●
Essentiel ❚ Le taux protéique moyen annuel d’un troupeau dépend surtout de son niveau génétique et de la conduite d’élevage réalisée par l’éleveur. ❚ Le taux protéique du troupeau observé à un mois donné dépend : - du stade de lactation moyen des vaches ; - de la photopériode.
- Il permet de connaître à la fois, le niveau de production et les taux moyens annuels d’un troupeau ainsi que les index génétiques pour ces trois performances.
COMPRENDRE ET AGIR
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT / SEPTEMBRE/ OCTOBRE 2006 - 255
FORMATION MÉDICALE
CONTINUE VÉTÉRINAIRE FMCvét comprendre
l’épidémiologie quel est le nombre de sujets nécessaires dans un échantillon ?
revue internationale
par Bernard Toma
”Combien de sujets faut-il inclure dans l’échantillon pour faire une étude ?” Cet article permet de trouver la réponse et de comprendre les propriétés (précision et exactitude), et la représentativité du résultat, conditionnées par l’effectif de l’échantillon. Page 85
les exercices pratiques d’épidémiologie ... ... et leurs réponses
Page 74 Page 90
étude de cas de l’internat huit cas de syndrome jéjunal hémorragique sur des bovins par Pierre Le Mercier, Alexis Kiers, Caroline Lacroux, François Schelcher
Cet article, qui décrit huit cas de syndrome jéjunal hémorragique sur des bovins hospitalisés et/ou autopsiés à l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse, entre mars 2005 et juin 2006, est la 1ère étude sur ce sujet publiée en France ... Page 75
synthèse protection vaccinale contre les infections respiratoires des bovins : intérêts et limites de la vaccination par voie intra-nasale
Cette synthèse bibliographique décrit les particularités immunitaires des veaux et expose l’intérêt et les limites de la vaccination par voie intranasale contre les principaux agents pathogènes respiratoires. Page 80 LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE Élevages et santé 258 - AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006
70
un panorama des meilleurs articles rubrique dirigée par Sébastien Assié, Didier Raboisson, François Schelcher, Henri Seegers Page 85 - Efficacité de la tulathromycine pour le traitement des infections oculaires aiguës dues à Moraxella bovis dans l’espèce bovine par Édouard Timsit (E.N.V. N)
- Évaluation de l’efficacité de la concentration sérique en haptoglobine comme indicateur de maladie respiratoire chez les veaux laitiers par Sébastien Assié (E.N.V. N)
- Voies d’excrétion de Coxiella burnetii chez les vaches laitières : implications pour la détection et le contrôle par Raphaël Guattéo (E.N.V. N)
- Signes cliniques et traitements de 94 bovins avec suspicion de listériose par Pierre Le Mercier (E.N.V. T)
- Comparaison de la réponse immunitaire et de la protection conférée par deux vaccins vivants (souches européennes) contre le syndrome dysgénésique et respiratoire porcin par Catherine Belloc (E.N.V. N)
comprendre l’épidémiologie 3.
quel est le nombre de sujets nécessaire
Bernard Toma
dans un échantillon ? Chaque fois qu’une étude doit être faite sur un échantillon, la même question se pose : ”Combien de sujets faut-il inclure dans l’échantillon pour faire cette étude ?” Cet article permet de trouver la réponse et de comprendre les propriétés du résultat, conditionnées par l’effectif de l’échantillon.
L
a représentativité et l’effectif sont deux propriétés majeures d’un échantillon ; elles conditionnent la fiabilité des résultats d’une enquête descriptive destinée à estimer la fréquence d’une maladie* : - la représentativité de l’échantillon conditionne l’exactitude du résultat (estimation). Le tirage au sort, lorsqu’il est possible, permet d’obtenir un échantillon représentatif de la population d’où il est issu, quel que soit son effectif* ; - l’effectif de l’échantillon conditionne la précision du résultat (estimation). La façon de déterminer le nombre de sujets à introduire dans un échantillon lors d’une enquête à visée quantitative, c’est-àdire destinée à quantifier la fréquence d’une maladie dans une région donnée, est présentée ci-dessous.
●
Trois notions de base sont indiquées dans l’encadré 1. Elles sont développées et illustrées après qu’ait été précisée la notion de … précision. ●
PRÉCISION ET … IMPRÉCISION ● Chaque fois que l’on est amené à estimer une grandeur de manière quantitative, il convient d’utiliser une zone de valeurs plutôt qu’une valeur unique. Exemple : Ainsi, pour un objet que l’on sou-
pèse et dont on veut estimer le poids, il est préférable de dire : ”il doit faire entre 3 et 5 kg” plutôt que : ”il pèse 4 kg 250” si on ne connaît pas son poids réel ; de même, pour la longueur d’un objet, une distance, ...
Service Maladies contagieuses E.N.V.A. 7, avenue du Général-de-Gaulle 94704 Maisons-Alfort cedex
Encadré 1 - La relation entre l’effectif de l’échantillon et les caractéristiques du résultat (estimation) L’effectif d’un échantillon (le nombre de sujets) dépend de (conditionne) la précision souhaitée du résultat (et réciproquement), selon le principe simple suivant : plus l’effectif de l’échantillon est élevé, meilleure est la précision du résultat (estimation). ● Pour un même degré de précision relative du résultat, l’effectif d’un échantillon dépend de la fréquence (prévalence) de la maladie, selon un autre principe simple : plus la maladie est rare, plus l’effectif de l’échantillon doit être élevé. ● L’effectif de l’échantillon influe sur la précision du résultat (estimation), mais pas sur son exactitude. Un échantillon biaisé, d’effectif élevé, donne un résultat (estimation) plus précis mais tout aussi inexact qu’un échantillon semblable de faible effectif. ●
Encadré 2 - La précision absolue et la précision relative Par convention, en épidémiologie descriptive on qualifie : - de ”précision absolue” du résultat, la valeur de la moitié de la fourchette exprimant le résultat de l’enquête ; - de ”précision relative” le rapport de la précision absolue sur la valeur centrale de la fourchette. Exemple : - taux de prévalence : 10 p. cent ± 5 p. cent ; - précision absolue : 5 p. cent ; - précision relative : 50 p. cent (soit 5/10). ● N.B. : - Les termes de ”précision absolue” et de ”précision relative” sont consacrés par l’usage. En fait, il serait plus logique d’utiliser ”imprécision absolue” et ”imprécision relative” puisque ces termes expriment la valeur absolue ou relative de l’incertitude de l’estimation. Mais l’usage prévaut. - Il est important d’éviter de se tromper dans la compréhension des pourcentages exprimant ces deux ”précisions”. - Contrairement aux autres concepts, plus les pourcentages de ”précision” (absolue et relative) sont élevés, moins bonne est la précision ! Puisqu’en fait c’est un niveau … d’imprécision que l’on quantifie. - Ainsi, une ”précision” relative de 50 p. cent est bien moins bonne qu’une ”précision” relative de 10 p. cent.
Objectif pédagogique Comment choisir le nombre de sujets d’un échantillon ?
NOTE *Cf. l’article N°2 de notre série Comprendre l’épidémiologie : ”La représentativité de l’échantillon” de B. Toma dans le NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE, Élevages et santé N°2, Mai-Juin-Juillet 2006 p.174-176.
●
Essentiel ❚ L’effectif d’un échantillon dépend de la précision souhaitée du résultat. ❚ L’effectif de l’échantillon influe sur la précision du résultat, mais pas sur son exactitude. ❚ Exprimer la précision des résultats d’une enquête en termes de ”précision relative” plutôt que de ”précision absolue” permet de faire automatiquement des comparaisons d’une enquête à l’autre.
71
FMC Vét LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006 - 259
étude de cas de l’internat huit cas de syndrome
jéjunal hémorragique
sur des bovins Cet article décrit huit cas de syndrome jéjunal hémorragique sur des bovins hospitalisés et/ou autopsiés à l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse, entre mars 2005 et juin 2006, sur les plans clinique et lésionnel, et expose les investigations étiologiques. Le diagnostic a été établi suite à une laparotomie ou à un examen nécropsique. C’est la première étude sur ce sujet publiée en France.
L
e syndrome jéjunal hémorragique ou Hemorragic Bowel Syndrome décrit depuis 1997 [1], est une affection nécrotico-hémorragique de l’intestin, caractérisée par l’apparition d’un caillot sanguin dans la lumière intestinale ce qui entraîne son obstruction (photo 1). Malgré l’observation de nombreux cas aux États-Unis et au Canada [1, 2, 3, 5, 6], l’étiologie, la physiopathologie et l’épidémiologie du syndrome jéjunal hémorragique (S.J.H.) sont encore mal définies.
1
Extraction du caillot sanguin intra-luminal lors de l’entérotomie (photo Pathologie des ruminants, E.N.V.T.).
Savoir identifier et gérer un cas de syndrome jéjunal hémorragique.
Tableau 1 - Caractéristiques des huit bovins : des femelles de races laitières Motif Stade de d’entrée Race lactation Âge ●
N°1
- Hospitalisation - Prim' - 4,5 ans Holstein
●
N°2
- Autopsie - 8 mois
- Blonde - Génisse d'Aquitaine
●
N°3
- Autopsie - 4 ans
- Prim' Holstein
- 5-6 mois
●
N°4
- Autopsie - 2,5 ans
- Prim' Holstein
- N.D.*
●
N°5
- Hospitalisation - Prim' - 4,5 ans Holstein
- 5-6 mois
●
N°6
- Hospitalisation - Brune - 8,5 ans
- 2 mois
●
N°7
- Hospitalisation - Montbe- 7 ans liarde
- 1,5 mois
●
N°8
- Hospitalisation - Brune - 10 ans
- N.D.*
L’anamnèse
Hypothèses diagnostiques
- 3 mois
❚ Ulcères de la caillette ❚ Occlusion
Motif du référé ❚ Les huit bovins ont été référés pour troubles digestifs aigus de type occlusif associés à des bouses noirâtres à hémorragiques.
Les huit bovins de cette étude, tous issus d’élevages différents, sont des femelles de races laitière (n=7) ou allaitante (n=1), adultes (n=7) ou âgée de 8 mois (n=1) (tableau 1).
Les symptômes
Sur les cinq vaches laitières adultes pour lesquelles il a été possible de connaître précisément le stade physiologique, deux animaux étaient entre 5 et 6 mois de lactation, trois à moins de 3 mois. ● Les animaux ont été référés pour des troubles digestifs aigus de type occlusif associés à des bouses noirâtres (méléna) à hémorragiques. Des hypothèses diagnostiques d’ulcères de la caillette ou d’occlusion (invagination) ont motivé l’hospitalisation ou la demande d’autopsie.
● La description clinique est limitée à trois cas hospitalisés (tableau 2). En effet, deux animaux, à l’état général très détérioré, ont été euthanasiés moins d’une heure après leur arrivée à l’E.N.V.T. ● La température rectale était normale à légèrement diminuée, la fréquence cardiaque légèrement augmentée. La déshydratation et l’abattement ont été considérés comme légers à marqués. Les bouses en quantité limitée, contenaient toutes du sang en nature ou digéré (foncé à méléna).
●
Interne en pathologie des ruminants Département élevage, produits et santé publique, E.N.V.T. 2 Unité pédagogique d’anatomo-pathologie, E.N.V.T. 3 Pathologie des ruminants, Département élevage, produits et santé publique, E.N.V.T. 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03
Objectif pédagogique 1
LA DESCRIPTION DES CAS
●
Pierre Le Mercier1 Alexis Kiers1 Caroline Lacroux2 François Schelcher3
* N.D. : Non déterminé
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FMC Vét LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006 - 263
synthèse
protection vaccinale contre les infections respiratoires des bovins : intérêts et limites de la vaccination par voie intra-nasale Didier Raboisson François Schelcher
Objectifs pédagogiques ❚ Connaître les particularités de la réponse immunitaire virale du veau. ❚ Évaluer les intérêts et les limites de la vaccination par voie intra-nasale chez les bovins.
Essentiel ❚ La vaccination par voie intra-nasale apporte une protection très précoce, dès quelques jours suivant la primo-vaccination. ❚ Sur les animaux séronégatifs, les vaccins intra-nasaux apportent une protection avec une réponse sérologique et virologique. ❚ La vaccination par voie I.N. permet de déjouer l’interférence colostrale, conférant aux veaux séropositifs une protection satisfaisante sur les critères virologiques.
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 268 - AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006
lymphoïdes chez le bovin (D’après Liebler-Tenorio, 2006)
L
es affections respiratoires des bovins représentent une entité pathologique majeure à l’origine de pertes économiques importantes, notamment en élevage allaitant [2]. L’importance accordée aux agents infectieux dans les bronchopneumonies infectieuses bovines ne doit pas occulter les facteurs de risques associés, souvent déterminants dans les épisodes cliniques : l’animal lui-même, son logement, et la gestion de l'élevage [3, 18]. ● La vaccination contre les agents infectieux impliqués dans les maladies respiratoires des bovins répond à des enjeux médicaux et économiques (virus respiratoire syncytial bovin -V.R.S.B.- par exemple …) ou commerciaux (I.B.R. ou rhinotrachéïte infectieuse bovine à virus B.H.V.1). ● La vaccination par voie intra-nasale (I.N.) a fait l’objet d’évaluations poussées dans plusieurs espèces et pour de nombreux agents infectieux. Concernant les bovins, les connaissances sont encore réduites [8, 11, 12]. La vaccination I.N. repose principalement sur des vaccins vivants atténués. Cependant, d’autres types de vaccins (sous unitaires, ADN, …) pourraient être développés [27]. L’IMMUNISATION PAR VOIE INTRA-NASALE : UN CONCEPT SÉDUISANT L’intérêt a priori d’une immunisation par voie nasale est de stimuler l’immunité locale, au site de multiplication initiale des agents infectieux, et de permettre le développement d’une mémoire immunitaire malgré la présence d’une immunité passive d’origine colostrale. Développement d’une immunité locale
FMC Vét
Figure 1 - Distribution des tissus
Cette synthèse bibliographique décrit les particularités immunitaires des veaux et expose l’intérêt et les limites de la vaccination par voie intranasale contre les principaux agents pathogènes respiratoires.
Département Élevage, Produits et Santé publique École Nationale Vétérinaire de Toulouse 23, chemin des Capelles BP 87614 31076 Toulouse cedex 03
● Sur un plan anatomique, le tissu lymphoïde associé à la muqueuse respiratoire aux étages nasal (N.A.L.T. - Nasal Associated
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Lymphoid Tissue) et bronchique (B.A.L.T. Bronchus Associated Lymphoid Tissue) est en faible quantité dans les espèces domestiques, en comparaison avec l’Homme ou les rongeurs (figure 1) [1, 7, 26]. ● Sur un plan fonctionnel, la réaction immunitaire locale se développe selon les mêmes modalités que la réaction générale [28]. Le retour des lymphocytes B et T activés localement vers le site effecteur est permis par un mécanisme de ”homing”, mais la régionalisation de la réponse immunitaire n’est pas stricte, comme en témoigne la diffusion plus ou moins forte des cellules activées vers d’autres muqueuses [11]. ● Un vaccin administré par voie locale induit, dans la majorité des cas, une réponse immunitaire générale. Un vaccin administré par voie générale induit une réponse immunitaire générale et parfois, mais de manière non systématique, une réponse immunitaire locale. Cette caractéristique constitue l’un des atouts majeurs de la vaccination par voie locale [5, 17]. Développement d’une mémoire immunitaire en présence d’une immunité passive d'origine colostrale Sur les veaux, pendant les 1res semaines de vie, la protection vis-à-vis des agents infectieux est assurée principalement par les anticorps passifs d’origine colostrale. ● En présence de titres élevés en anticorps colostraux, la vaccination ou l’infection par un virus sauvage ne provoquent le plus souvent qu’une réponse limitée aux anticorps ●
revue internationale un panorama des meilleurs articles
EFFICACITÉ DE LA TULATHROMYCINE POUR LE TRAITEMENT des infections oculaires aiguës dues à Moraxella bovis dans l’espèce bovine Moraxella bovis est considérée comme l’agent étiologique primaire des kératoconjonctivites infectieuses bovines. Les symptômes cliniques de cette affection sont successivement : épiphora, blépharospasme, myose, œdème, ulcère cornéen, desmétocèle et cécité. ● Cette affection se caractérise par une prévalence élevée, elle est observée surtout en été, et son contrôle est limité par l’absence de vaccin. L’utilisation d’un antibiotique qui nécessite le moins de manipulations et de dépenses possible, est donc essentielle. ● La tulathromycine, macrolide semi-synthétique, représente par ses propriétés (longue demi-vie, grande biodisponibilité, efficacité in vitro contre Moraxella bovis), une alternative intéressante aux traitements déjà pratiqués : pénicilline sousconjonctivale, tétracycline I.M., florfénicol I.M., tilmicosine S.C. ●
Matériel et méthodes Animaux : - 30 veaux mâles castrés de race holstein. - Animaux non vaccinés contre M. bovis et qui n’ont pas reçu d’antibiotique. - Animaux dont les écouvillons oculaires sont négatifs en culture bactériologique 3 jours de suite pour Moraxella bovis. ● Logement : - 15 cases de deux veaux séparés d’une à deux cases. ● Méthodes : - Instillation oculaire d’un broyat contenant 1010 U.F.C. de Moraxella bovis (souche Tifton 1), dans les yeux de chaque veau pendant 3 jours. - Constitution aléatoire de deux lots après pesée et attribution d’un score lésionnel. - Traitement du lot ”traité” avec 2,5 mg/kg de tulathromycine S.C. et traitement du lot “témoin“ avec le même volume de NaCl 0,9 p. cent. - Coloration à la fluorescéine et photographie ●
quotidienne de chaque œil pendant 21 jours. - Bactériologie oculaire quotidienne du jour 1 à 6, puis tous les 3 jours. - La différence d’efficacité entre les traitements a été analysée à l’aide d’un modèle linéaire mixte. L’évolution des lésions oculaires a été évaluée par une analyse de survie. ● Paramètres évalués : - Diamètres des ulcères cornéens qui permettent d’établir des scores lésionnels. - Présence de Moraxella bovis dans les secrétions oculaires. Résultats Diminution de la fréquence d’apparition d’ulcères bilatéraux chez les veaux traités. ● Amélioration significative des temps de guérison médians des ulcères des veaux traités (plus courts) (P < 0.01) : 9,1 jours . ● Diminution significative des scores lésionnels 10 jours après le traitement chez les veaux traités en comparaison avec les veaux témoins (P < 0.05). ● Présence d’ulcères chez plus de 50 p. cent des veaux témoins à la fin de l’expérimentation (21 j). ● Isolement significativement moins fréquent de Moraxella bovis chez les veaux traités (P < 0.001). ●
❚ Évaluer l’efficacité clinique d’une injection unique sous-cutanée de tulathromycine pour le traitement d’une kératoconjonctivite infectieuse bovine, induite expérimentalement.
J Am Vet Med Assoc 2006;229(4):557-561. Efficacy of tulathromycin for treatment of cattle with acute ocular Moraxella bovis infections. Lane M, George LW, Cleaver DM
Discussion et conclusion ● D’après cette étude, une injection unique S.C. de tulathromycine présente une efficacité pour le traitement de la kératoconjonctivite infectieuse bovine à Moraxella bovis. ● L’aspect expérimental de l’infection et du logement, qui élimine certains facteurs de risques (vent, mouches, poussière, U.V., pollen), ne permet pas de connaître l’efficacité de la tulathromycine en conditions d’élevage. ● Cependant, les propriétés de cette molécule (injection unique, longue demi-vie), jumelées aux résultats de cette étude, la rendent très intéressante. ❒
Synthèse par Édouard Timsit, E.N.V.N.
Objectif de l’étude
ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DE LA CONCENTRATION SÉRIQUE en haptoglobine comme indicateur de maladie respiratoire chez les veaux laitiers Matériels et méthode ● Animaux : - 833 veaux laitiers dans neuf troupeaux du sudouest de la Suède, 42 à 155 animaux par troupeau. - Différentes races. - Logés en cases collectives à partir de 12 jours d’âge. ● Obtention des données : - Les veaux ont été suivis entre la naissance et 56 jours. - Les cas de maladie étaient détectés par les éleveurs qui enregistraient tous les jours les traitements effectués, l’appétit et l’état général, et par un vétérinaire qui visitait les lots une fois toutes
Objectif de l’étude
les 3 semaines et réalisait un examen clinique. - Une prise de sang a été réalisée pendant la période d’étude entre 24 et 56 j d’âge. La concentration en haptoglobine (C.H.P.) a été mesurée à l’aide d’un kit du commerce (PHASE Range Haptoglobin Assay Kt®). - La température rectale a été mesurée au moment de la prise de sang. ● Analyses statistiques : - Huit différents seuils de positivité pour la C.H.P. ont été testés (seuils compris entre 0,05 et 0,20 g/l). - Cinq tests diagnostiques ont été définis en combinant la positivité pour la concentration en
❚ Tester si la concentration en haptoglobine sérique entre 3 et 8 semaines d’âge peut être, en conditions de terrain, un indicateur de présence de maladie respiratoire chez les veaux laitiers.
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REVUE INTERNATIONALE LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006 - 273
revue internationale - un panorama des meilleurs articles haptoglobine et la présence ou l’absence de fièvre. Ainsi, le test a été défini comme positif si : 1. la C.H.P. était augmentée chez des veaux sans fièvre ; 2. la C.H.P. était augmentée chez des veaux qui avaient de la fièvre ; 3. la C.H.P. était augmentée ou les veaux avaient de la fièvre ; 4. la C.H.P. était augmentée et les veaux avaient de la fièvre ; 5. seule la température rectale était augmentée. ● La sensibilité et la spécificité de ces tests pour détecter des cas de troubles respiratoires ont été calculées à partir des coefficients de régression d’un modèle linéaire généralisé. Les intervalles de confiance de la sensibilité et de la spécificité ont été calculés par simulations.
The veterinary journal article in press 2006 Evaluating the efficacy of serum haptoglobin concentration as an indicator of respiratory tract disease in dairy calves. Svensson C, Liberg P, Hultgen J
Résultats La concentration en haptoglobine médiane (C.H.P.) des veaux sains était de 0,06 g/l (80 p. cent des valeurs comprises entre 0,04 et 0,23). ● La C.H.P. médiane des veaux qui avaient une diarrhée néonatale était de 0,07 g/l (80 p. cent des valeurs comprises entre 0,04 et 0,63). ● La C.H.P. médiane des veaux avec des troubles respiratoires était de 0,09 g/l (80 p. cent des valeurs comprises entre 0,04 et 0,69). ● La plupart des veaux sains avaient des valeurs inférieures à 0,1 g/l. Les variations de la C.H.P. étaient très importantes d’un veau à l’autre, que ●
Synthèse par Sébastien Assié, E.N.V.N.
❚ Décrire les réponses obtenues en appliquant une technique P.C.R. dite en temps réel, à des échantillons de lait, de mucus vaginal et de matières fécales, collectés chez des vaches laitières issues d’élevages commerciaux, connus pour être naturellement infectés par Coxiella burnetii. ❚ Évaluer les associations possibles entre les voies d’excrétion.
2006;37:827-833 Shedding routes of Coxiella burnetii in dairy cows : implications for detection and control. Guattéo R, Beaudeau F, Berri M, Rodolakis A, Joly A, Seegers H
REVUE INTERNATIONALE LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 274 - AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006
Discussion et conclusion ● Les cas de troubles respiratoires ont été peu sévères, essentiellement détectés par le vétérinaire et non par les éleveurs. ● Les auteurs soupçonnent des affections plutôt d’origine virale. Les infections bactériennes pourraient donner des élévations plus importantes de la concentration en haptoglobine (C.H.P.). ● La détection de cas peu sévères pourrait faire diminuer la sensibilité et la spécificité des tests. ● L’intérêt potentiel de la mesure de la C.H.P. et de la prise de température pourrait être de détecter les cas de troubles respiratoires dans un ❒ lot de bovins.
VOIES D’EXCRÉTION DE COXIELLA BURNETII CHEZ LES VACHES LAITIÈRES : implications pour la détection et le contrôle
Objectifs de l’étude
Veterinary Research
ce soit chez les veaux sains ou chez les veaux malades. ● La capacité de la mesure de la C.H.P. seule pour discriminer les veaux sains des veaux malades était très faible. La capacité de la mesure de la température rectale seule était aussi très faible. ● En combinant les deux, le meilleur indicateur de la présence de troubles respiratoires sur un veau a été le test diagnostique N°3 (en considérant un veau positif si soit la C.H.P. était augmentée, soit il avait de la fièvre). ● Chez les veaux femelles, la proportion d’animaux dans un lot avec des troubles respiratoires était fortement associée à la proportion de tests positifs.
La détection des bovins infectés excréteurs est un point critique pour l’évaluation des risques de transmission de l’infection par Coxiella burnetii entre bovins, et des bovins à l’Homme. ● Coxiella burnetii est excrétée chez les ruminants dans les produits de la parturition, mais aussi dans les fèces, le sperme, l’urine, le mucus vaginal et le lait. ● Cependant, la valeur informative de ces différents types d’échantillon biologique, pour le dépistage des vaches laitières excrétrices en conditions réelles d’élevage, n’a jamais été évaluée. ●
Matériel et méthodes Animaux : - Afin de maximiser la probabilité de prélever des animaux excréteurs, les troupeaux éligibles devaient présenter les caractéristiques suivantes : - la présence de Coxiella burnetii avait été mise en évidence directement (stamp) ou indirectement (sérologie) sur une vache qui avait avorté, et/ou la prévalence intra-troupeau des animaux porteurs d’anticorps était supérieure ou égale à 30 p. cent (sur un échantillon de dix bovins prélevés dans le cadre des protocoles classiques de recherche d’agents abortifs autres que Brucella) ; - l’analyse sérologique devait dater de moins de 6 mois, et/ou la coloration de stamp positive ●
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de moins de 3 mois au jour du prélèvement. - Au sein de ces troupeaux, les bovins éligibles étaient : - les animaux séropositifs et/ou stamp positifs ; - les animaux qui avaient mis bas dans les 45 j maximum précédant la visite (période durant laquelle l’excrétion bactérienne serait maximale). - Au final, 242 vaches issues de 31 troupeaux ont été soumises à des prélèvements concomitants de lait individuel, de mucus vaginal et de fèces. Méthodes : - Le lait des quatre quartiers a été prélevé de façon aseptique selon les recommandations du National Mastitis Council. Les matières fécales ont été collectées avec un gant de fouille stérile et déposées dans un pot stérile. Un écouvillon vaginal a été réalisé après nettoyage de la zone périnéale. - Une technique P.C.R. dite en temps réel (LSI Taqvet Coxiella burnetii® ; Laboratoire Service International) a été utilisée, en suivant les instructions du fabricant, pour détecter la présence éventuelle d’ADN de l’agent dans chaque échantillon prélevé. - Pour les échantillons positifs (présentant une courbe typique d’amplification avec un Cycle threshold (Ct) inférieur à 40), les résultats sont exprimés en valeur de Ct. ●
revue internationale - un panorama des meilleurs articles - Une vache a été définie comme excrétrice à un temps donné si au moins un des trois échantillons prélevés sur elle à ce moment était positif. - Les pourcentages de prélèvements considérés comme positifs, ainsi que de vaches détectées excrétrices, ont été calculés. - Une association éventuelle entre voie a été recherchée. Les résultats obtenus ont été comparés pour les populations de vaches qui avaient connu un épisode abortif, et de vaches saines. Les résultats obtenus (en Ct) parmi les prélèvements positifs ont été comparés à l’aide du test du chi-deux. Résultats Des résultats positifs ont été trouvés dans tous les types de prélèvements y compris les matières fécales. Coxiella burnetii a été détectée indifféremment chez des vaches cliniquement saines et des vaches qui avaient avorté. ● Aucune voie d’excrétion majoritaire n’a été détectée. Les valeurs de Ct obtenues ne différaient pas significativement entre voies. ● Parmi les vaches détectées excrétrices, 65,4 p. cent l’ont été pour une seule voie. Les vaches détectées excrétrices simultanément dans le lait, le mucus vaginal et les fèces étaient rares (moins ●
de 7 p. cent des vaches excrétrices). Discussion et conclusions ● Qualifier une vache laitière vis-à-vis de l’excrétion de Coxiella burnetii, à partir du résultat d’un test P.C.R. appliqué à un seul type d’échantillon biologique, peut conduire à de nombreux fauxnégatifs, donc à une sous-estimation du risque de propagation de l’infection entre animaux, et de transmission des animaux à l’Homme. ● Il s’agit de la 1re détection de Coxiella burnetii dans les fèces de bovins laitiers en conditions d’élevage. Cette information est capitale du point de vue de la maîtrise des risques de transmission via l’inhalation d’aérosols contaminés provenant de la litière souillée. ● Compte-tenu de l’excrétion de Coxiella burnetii par des vaches cliniquement saines, par différentes voies (lait, mucus vaginal, fèces) et de la grande infectiosité de Coxiella, les personnes plus particulièrement exposées (éleveurs, vétérinaires, inséminateurs, personnel d’abattoirs) doivent être informés des risques et des signes cliniques de la fièvre Q humaine, afin de permettre la détection et la prise en charge précoce de la maladie. ❒
Synthèse par Raphaël Guattéo, E.N.V.N.
SIGNES CLINIQUES ET TRAITEMENTS DE 94 BOVINS avec suspicion de listériose Les bovins de l’étude ont été hospitalisés à l’école vétérinaire de Zurich pendant la période 1985 - 2002. ● Différents facteurs influençant la survie de l’animal, ont été analysés. ●
Matériels et méthodes Mode de référé Les bovins ont été référés par des vétérinaires à l’école vétérinaire de Zurich, avec ou sans diagnostic préalable. ● Critères d’inclusion rétrospectifs Diagnostic clinique (examen clinique général et nerveux complet), et/ou thérapeutique, et/ou histologique (encéphale). ● Animaux 94 bovins (92 femelles et deux mâles), de 6 mois à 10 ans, et de différentes races. ● Examens complémentaires : - biochimie sanguine : aspartate amino-transférase (A.S.A.T.), créatine kinase (C.K.), gamma glutamyl transférase (G.G.T.), bilirubine, urée, Na, K, Cl, Ca, Mg, P, protéines plasmatiques et fibrinogène ; - hématologie : hématocrite et numération formule ; - analyse des gaz du sang : pH, pCO2, HCO3- et excès de base ; - analyse du liquide céphalo-rachidien (L.C.R.) : évaluation macroscopique, cytologie et protéines. ● Traitements : - 87 animaux ont été traités à l’école (après traitement éventuel par le vétérinaire référant). - Six ont été euthanasiés avant traitement, et un traité par le vétérinaire et non référé à l’école ●
vétérinaire par la suite. - La stratégie thérapeutique a varié au cours de la période d’observation. - De 1985 à 1997, un traitement antibiotique, parmi cinq différents, a été utilisé sans aucun critère particulier dans le choix de la prescription : - 21 animaux : oxytétracycline à 10 mg/kg, 1 fois par jour, pendant 6 jours en I.V. ou I.M. ; - 18 animaux : chloramphénicol à 12,5 mg/kg, 3 fois par jour, pendant 5 jours en I.V. ou I.M. ; - dix animaux : pénicilline G à 150 000 UI/kg, 3 fois par jour, pendant 6 jours en I.M. ; - cinq animaux : amoxicilline à 7 mg/kg, 1 fois par jour, pendant 7 jours en I.M. ; - un animal : florfénicol à 20 mg/kg, 1 fois tous les 2 jours, pendant 6 jours en I.M. ; - De 1997 à 2002, un seul traitement associant gentamicine (7 mg/kg I.V., 1 fois/j, pendant 3 j) et amoxicilline (7 mg/kg I.M., 1 fois/j, pendant 710 j), a été mis en œuvre.
Objectifs de l’étude ❚ Décrire une série de 94 suspicions de listériose bovine, sur le plan clinique et thérapeutique.
Veterinary Record 2006;158:588-592 Clinical findings and treatment of 94 cattle presumptively diagnosed with listeriosis Schweizer G, Ehrensperger F, Torgerson P, Braun U
Résultats Tableau clinique - Durée d’évolution clinique avant l’hospitalisation : 12 h à 24 j (moyenne 3,2 j). - Examen clinique général : - mauvais état général (57 p. cent) ; - tachypnée (72 p. cent) ; - diminution du volume du rumen et de ses fonctions (80 p. cent).
●
L’absence de données concernant le délai entre le transport et l’examen clinique limite fortement l’interprétation de ces observations.
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REVUE INTERNATIONALE LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006 - 275
revue internationale - un panorama des meilleurs articles - Quartiles de fréquence des signes cliniques nerveux : - 75 p. cent : hypersalivation (75 p. cent) ; - 50 p. cent < 75 p. cent : ataxie (60 p. cent), paralysie faciale (62 p. cent), et retard de la réponse à l’abduction ou à l’adduction d’un membre (50 p. cent), - 25 p. cent < 50 p. cent : paralysie faciale gauche (48 p. cent ), paralysie faciale unilatérale partielle (47 p. cent), retard de la réponse au croisement des membres (43 p. cent), diminution du réflexe de déglutition (37 p. cent), paralysie faciale unilatérale totale (38 p. cent), diminution de sensibilité faciale (36 p. cent), dépression (35 p. cent), paralysie faciale droite (35 p. cent), diminution du tonus lingual (35 p. cent), marche en rond (27 p. cent), diminution de sensibilité faciale (27 p. cent), et retard de réponse quand le bovin est poussé sur le côté (26 p. cent). - Résultats des examens sanguins : - atteinte musculaire légère à sévère ; - déshydratation légère à marquée ; - processus inflammatoire d’origine infectieuse. - Résultats d’analyse du L.C.R. : - forte proportion de spécimens contaminés par du sang (89 p. cent, n=54). Cette fréquente contamination limite fortement l’interprétation des résultats ; - augmentation forte des protéines (71 p. cent, n=72), des leucocytes (79 p. cent, n=72) et des cellules mononucléées (77 p. cent, n=60). - Taux de survie : 62 des 93 cas (soit 66 p. cent) sont retournés dans leur élevage d’origine, suite à une guérison complète ou partielle. Facteurs influençant la létalité - Nature des facteurs évalués : signes cliniques généraux et nerveux, critères biochimiques et hématologiques, nature du traitement. - Analyse de régression logistique : - symptômes détectés lors du 1er examen clinique et associés à la mort (par opposition à la
●
Synthèse par Pierre Le Mercier, E.N.V.T.
Virology 2006;351:249-259 Different european-type vaccines against porcine reproductive and respiratory syndrome virus have different immunological properties and confer different protection to pigs Diaz I, Darwich L, Pappatera G, Pujoms J, Mateu E
Objectif de l’étude ❚ Comparer deux vaccins vivants atténués contenant deux souches différentes européennes du virus du syndrome dysgénésique respiratoire porcin. Synthèse par Catherine Belloc, E.N.V.N.
REVUE INTERNATIONALE LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé 276 - AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006
survie) : décubitus (p<0,01 ; OR=28,9), la fréquence des bovins en décubitus est environ 29 fois plus grande chez les animaux qui meurent, comparés à ceux qui survivent ; excitation (p<0,05 ; OR=5,17), et réflexe de clignement à la menace diminué à absent (p<0,05 ; OR=3,22) ; - la nature du traitement antibiotique et sa précocité de mise en place ne sont pas apparues comme influençant la survie. Ces résultats ne sont pas plus amplement développés dans l’étude. Discussion et conclusion ● L’absence de diagnostic de certitude (par histologie ou bactériologie) sur 66 p. cent des animaux limite l’imputabilité des cas à Listeria moncytogenes. Par ailleurs, la fiabilité des résultats cliniques pour établir une suspicion de listériose sensu stricto n’a pas été évaluée. ● Les résultats descriptifs soulignent l’importance de l’évaluation clinique par rapport aux examens biologiques complémentaires, pour établir une suspicion d’encéphalite et/ou de listériose. ● La description clinique met en évidence : - la diversité des symptômes et l’absence d’un tableau clinique constant ; - l’atteinte des nerfs crâniens, notamment de l’intermédio-facial (hémiplégie faciale) ; - la faible fréquence de symptômes classiquement considérés comme évocateurs de listériose (par exemple, la marche en cercle). ● L’analyse des facteurs associés à la létalité met en évidence des signes cliniques indiquant un pronostic vital légèrement (défaut du réflexe de clignement à la menace et état d’excitation), à sévèrement (décubitus) défavorable. ● L’analyse des facteurs thérapeutiques reste superficielle et manque d’effectif pour certains groupes thérapeutiques. Cette étude n’avait, en effet, pas été programmée pour évaluer cet objectif spécifique. ❒
COMPARAISON DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE ET DE LA PROTECTION CONFÉRÉE par deux vaccins vivants (souches européennes) contre le syndrome dysgénésique et respiratoire porcin Deux vaccins atténués (V1 et V3) contenant deux souches différentes européennes du virus du syndrome dysgénésique respiratoire porcin, ont été comparés. ● La comparaison s’est effectuée sur la base du type de réponse immunitaire (humorale et cellulaire) induite, et de la protection conférée vis-àvis d’une épreuve virulente.
nés avec le vaccin V1 l’étaient. Le vaccin V3 était celui induisant le plus fort taux de cellules mononucléées sanguines produisant de l’IFNγ. ● Aucune augmentation de production d’interleukine 2, d’interleukine 4 ou de TGFβ‚ n’a été observée durant l’essai, alors que l’haptoglobine sérique a augmenté après l’épreuve virulente.
Résultats
Discussion et conclusion
Après vaccination, les porcelets ont été virémiques pendant 42 jours et ne possédaient pas d’anticorps neutralisants. La proportion de cellules mononucléées sanguines produisant de l’interféron gamma (IFNγ) était faible. ● Après épreuve virulente avec une souche isolée en Espagne, les porcelets vaccinés avec le vaccin V3 n’étaient pas virémiques, alors que ceux vacci-
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Ces résultats suggèrent que la production d’IFNγ par les cellules mononucléées sanguines est corrélée à une immunité protectrice. ● À l’inverse, des taux élevés d’interleukine 10 sont associés à la réplication virale, sans qu’il ait été possible de déterminer si l’IL 10 favorise la réplication du virus du syndrome dysgénésique respiratoire porcin, ou si elle en est un témoin. ❒
test clinique
les réponses
hypertrophie ovarienne chez une vache limousine
Nicole Picard-Hagen Isabelle Raymond-Letron Xavier Berthelot
1 Quel est votre diagnostic? L’examen de l’appareil génital ne permet pas de mettre en évidence une gestation. ● La masse abdominale tissulaire oriente le diagnostic vers une tumeur de l’appareil génital ou une momification fœtale. ● Les éléments topographiques sont essentiels pour différencier une tumeur utérine (léiomyome) d’une hypertrophie ovarienne. La difficulté du diagnostic est liée à la position abdominale des organes génitaux hypertrophiés, qui sont difficilement accessibles par palpation transrectale. ● L’appareil génital (photos 3, 4) a été rapporté de l’abattoir. Il présente un ovaire droit volumineux (40 x 25 cm) ovoïde, et pesant 9 kg environ. À la coupe, le parenchyme ovarien, de couleur orangée, est envahi par une néoformation agencée en de multiples cordons séparés par des travées fibreuses. L’utérus est de taille normale et l’ovaire gauche est petit et lisse. ● L’examen anatomopathologique a permis d’identifier une tumeur ovarienne maligne des cellules de la granulosa avec emboles lymphatiques et veineux. ● Le diagnostic clinique est souvent difficile à établir. ● Une tumeur ovarienne est suspectée lors de la mise en évidence d’un ovaire volumineux (> 10 cm de diamètre), associé à de l’anœstrus ou à de la nymphomanie. ● Le diagnostic de certitude repose sur l’examen anatomopathologique de l’ovaire. ● L’image échographique observée sur cette femelle n’est pas caractéristique des tumeurs ovariennes les plus fréquentes chez la vache. En effet, les tumeurs de la granulosa sont le plus souvent parsemées par une multitude de cavités qui correspondent à de nombreux follicules, et l’image échographique présente généralement une échogénicité hétérogène, avec des sections de follicules peu échogènes (encadré).
Les tumeurs ovariennes sont rares (moins de 0,5 p. cent des vaches) et, parmi elles, les tumeurs de la granulosa sont les plus fréquentes, en comparaison avec les fibromes, les carcinomes ou les angiosarcomes. Elles peuvent atteindre les vaches quel que soit leur âge. En général, un seul ovaire est touché, et l’ovaire controlatéral est inactif. ● Ces tumeurs sont ou non sécrétantes. Quand elles le sont, elles peuvent produire des quantités variables des trois types de stéroïdes sexuels (œstradiol, progestérone, testostérone). ● Ces sécrétions entraînent des modifications du comportement sexuel : anœstrus lors de fibrome ; anoestrus, virilisme ou nymphomanie lors de tumeur des cellules de la granulosa. ● Un développement de la mamelle peut aussi être observé chez les génisses, si les sécrétions de progestérone et d’œstrogènes sont élevées.
2 Quel traitement auriez-vous pu envisager ? ● Aucune thérapeutique n’est efficace. Le seul traitement envisageable est chirurgical. L’ovariectomie unilatérale permet le rétablissement du fonctionnement normal de l’ovaire controlatéral et la confirmation du diagnostic tumoral.
Des gestations ont pu être obtenues après traitement chirurgical. ● Les tumeurs de la granulosa sont généralement peu agressives. Toutefois, avant de pratiquer l’ovariectomie, il est nécessaire de vérifier l’absence de métastases sur le péritoine et le ligament large. ❒
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E.N.V.T. Département Élevage et produits (Pathologie de la reproduction) 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03
3 L’ovaire droit a une taille de 20 cm sur 40 cm. L’utérus est de taille normale (photos U.P. Pathologie de la reproduction, E.N.V.T.).
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Coupe de la tumeur ovarienne. Elle présente un aspect lardacé et a une couleur orangée.
Encadré - À propos des tumeurs ovariennes chez la vache ●
Pour en savoir plus Leder RR, Lane VM, Barrett DP. Ovariectomy as treatment for granulosa cell tumor in a heifer. J. Am. Vet. Med. Ass. 1988;192:1299-1300. ● Roberts SJ. Infertility in the cow. In : Veterinary Obstetrics and Genital Diseases Theriogenology, 3rd ed. Woodstock : SJ Roberts, 1986:533534. ● Youngquist RS. Infertility due to abnormalities of the ovaries. In : Current Therapy in large Animal Theriogenology. Philadelphia : WB. Saunders, 1997:349-354 ●
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé AOÛT / SEPTEMBRE / OCTOBRE 2006 - 277