N°12 MARS AVRIL MAI 2003
LE CANCER : abord thérapeutique Conduite à tenir, fiches pratiques : - Conduite diagnostique - Le bilan d’extension en cancérologie - Fiche - Nomenclature des principales tumeurs - Conduite thérapeutique - Les soins palliatifs - Chimiothérapie : l’administration des anti-mitotiques - L’immunothérapie dans le traitement des cancers Les NK ont pour fonction de tuer toute cellule qui ne portent pas les antigenes du CMH de l organisme, grace leurs granules cytotoxiques. Ils sont tres actifs . Are you talkin to me ?
Observations et protocoles :
- Mastocytome cutanŽ chez une chienne - Tumeurs mammaires chez une chienne - Lymphome ganglionnaire chez un chien
Féline
DOSSIER :
LE CANCER CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT : ABORD THÉRAPEUTIQUE
Le but de la thérapie anticancéreuse doit être la qualité de vie de l'animal. Prévenir et traiter les problèmes associés à la tumeur ou au traitement est l’objectif principal du praticien et de son équipe ...
Management et entreprise Dossier - Comment vendre des soins lourds
en clientèle : l’exemple de la cancérologie et de la chimiothérapie Le rôle du praticien dans la décision médicale en cancérologie
REVUE DE FORMATION CONTINUE À COMITÉ DE LECTURE
- Observation et protocole : Tumeur mammaire chez une chatte
Rubriques - Nutrition : la nutrition du chien et du chat cancéreux - Principe actif : la doxorubicine - Immunologie et le B.A. BA en BD : l’immunité anti-tumorale
Article - Vendre une chimiothérapie : comment convaincre ? Fiche action : - L’A.S.V. et le suivi de l’animal cancéreux
sommaire Éditorial par Gregory K. Ogilvie Test clinique : Douleur en région lombaire Nicolas Bornard réponses page 81 Questions-réponses Patrick Devauchelle
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MARS - AVRIL MAI 2003
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DOSSIER LE CANCER
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CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT : ABORD THÉRAPEUTIQUE
CANINE Conduite diagnostique en cancérologie chez le chien et le chat Catherine Le Foll Le bilan d’extension en cancérologie du chien et du chat Didier Lanore Fiche - Nomenclature des principales tumeurs du chien et du chat Colette Arpaillange Conduite thérapeutique en cancérologie du chien et du chat Isabelle Testault Les soins palliatifs en cancérologie chez le chien et le chat Géraldine Jourdan, Patrick Verwaerde Chimiothérapie : l’administration des anti-mitotiques chez le chien et le chat Sandrine Macchi L’immunothérapie dans le traitement des cancers du chien et du chat Luc Chabanne, Frédérique Ponce Observations cliniques et protocoles - Mastocytome cutané chez une chienne Mylène Laborde - Tumeurs mammaires chez une chienne Sandrine Macchi - Le lymphome ganglionnaire chez un chien Petra Buck
N°12
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FÉLINE Observation clinique et protocole - Une tumeur mammaire chez une chatte Sandrine Macchi 55
RUBRIQUES Nutrition - La nutrition du chien et du chat cancéreux Géraldine Blanchard, Bernard Paragon Principe actif - La doxorubicine Jean-Claude Desfontis, Marc Gogny Immunologie - L’immunité anti-tumorale Séverine Boullier Le B.A.BA en BD - L’immunité anti-tumorale Frédéric Mahé
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Souscription d’abonnement en page 82
MANAGEMENT ET ENTREPRISE Dossier - Comment vendre des soins lourds en clientèle : l’exemple de la cancérologie et de la chimiothérapie - Le rôle du praticien dans la décision médicale en cancérologie Colette Arpaillange - Vendre une chimiothérapie : comment convaincre ? Didier Lanore Fiche-action - L’A.S.V. et le suivi de l’animal cancéreux Sophie Verhelst Test clinique - Les réponses Formation continue - Les réponses
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CANINE
75 78 81 82
FÉLINE RUBRIQUE MANAGEMENT
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 83
NÉVA Europarc - 1, Allée des Rochers 94045 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 e-mail neva@neva.fr
Conseil scientifique
test clinique
douleur en région lombaire
Gilles Bourdoiseau (E.N.V.L.) Jean-Luc Cadoré (E.N.V.L.) Dominique Fanuel (E.N.V.N.) Pascal Fayolle (E.N.V.A.) Marc Gogny (E.N.V.N.) Jean-François Guelfi (E.N.V.T.) Jean-Pierre Jégou (praticien) Roger Mellinger (praticien)
Nicolas Bornard* Yves Dalongeville** Claude Carozzo*
U
Rédacteurs en chef Colette Arpaillange (E.N.V.N.) Christophe Hugnet (praticien)
Rédacteur en chef management Philippe Baralon (Phylum)
Comité de rédaction Xavier Berthelot (reproduction, E.N.V.T.) Géraldine Blanchard (Alimentation - nutrition, E.N.V.A.) Corine Boucraut-Baralon (Diagnostic, E.N.V.T.) Patrick Bourdeau (Dermatologie, E.N.V.N.) Florence Buronfosse (Toxicologie, E.N.V.L.) Luc Chabanne (Immunologie - Hématologie, E.N.V.L.) Bernard Clerc (Ophtalmologie, E.NV.A.) Valérie Chetboul (Cardiologie, E.N.V.A.) René Chermette (Parasitologie - mycologie, E.N.V.A.) Olivier Dossin (Médecine interne, néphrologie, E.N.V.T.) Valérie Dramard (Comportement, praticien) Olivier Jongh (Ophtalmologie, praticien) Fabrice Labadie (Management) Alain Fontbonne (Reproduction, E.N.V.A.) Alain Ganivet (Elevage et collectivité, praticien) Laurent Marescaux (Imagerie, E.N.V.N.) Jean-Louis Pellerin (Microbiologie, E.N.V.N.) Claude Petit (Pharmacie - toxicologie, E.N.V.T.) Patricia Ronsin (Reproduction, E.N.V.T.) Etienne Thiry (Virologie, Liège)
Chargées de mission rédaction Valérie Colombani Anne Quinton
n chat européen mâle de sept ans est présenté en consultation pour une douleur en région lombaire qui se manifeste depuis deux mois. ● L’animal a subi l’exérèse chirurgicale d’une récidive de fibrosarcome en région interscapulaire quinze jours plus tôt (la 1re intervention chirurgicale pour l’exérèse a eu lieu un an auparavant). ● La douleur en région lombaire est d’évolution lente depuis deux mois. Une amélioration transitoire a été obtenue avec un traitement anti-inflammatoire et antalgique (acide tolfénamique, puis morphine). La douleur est réapparue dès l’arrêt du traitement. ● Le jour de la consultation, l’examen général montre un animal prostré : sa démarche est hésitante et son dos est voussé. Le seul signe clinique mis en évidence est une douleur très vive à la palpation des premières vertèbres lombaires, l’examen neurologique est normal.
*Unité de Chirurgie et Anesthésiologie E.N.V.L. 1, Avenue Bourgelat, 69280 Marcy l’Étoile **36 route de Chevrières 42140 Chazelles sur Lyon
1 Radiographie de profil de la région thoraco-lombaire du rachis (photo unité clinique d’imagerie E.N.V.L.).
1 Quelle(s) hypothèse(s) diagnostique(s) allez-vous retenir après examen de la radiographie ci-contre (photo 1)? a. une tumeur vertébrale ; b. une hernie discale ; c. une discospondylite ; d. un abcès.
Abonnement et Promotion Carine Bedel - Marie Servent Publicité Maryvonne Barbaray Anne Quinton - Carine Bedel NÉVA Europarc - 1, Allée des Rochers 94045 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 e-mail neva@ neva.fr
Directeur de la publication
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2 Quel autre examen complémentaire envisagez-vous ?
Vue per-opératoire de la vertèbre et des tissus adjacents (photo U.P. de chirurgie E.N.V.L.).
3 Quelles options thérapeutiques proposez-vous ?
4 Quelle est l’origine de l’affection en cause ?
Maryvonne Barbaray Revue bimestrielle éditée par LES NOUVELLES ÉDITIONS VÉTÉRINAIRES ET ALIMENTAIRES - NÉVA
comité de lecture
SARL au capital de 7622 € Siège social : Europarc - 1, Allée des Rochers 94045 CRÉTEIL CEDEX C.P.P.A.P 0702 T801 21 I.S.S.N. 0399-2519 Impression - photogravure : Imprimerie Nouvelle Normandie 24, rue Haëmers B.P. 14 - 76191 YVETOT Cedex
Toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de la présente publication sans autorisation est illicite et constitue une contrefaçon. L’autorisation de reproduire un article dans une autre publication doit être obtenue auprès de l’éditeur, NÉVA. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit de la copie (C.F.C.). LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 84 - MARS / AVRIL / MAI 2003
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Hélène Arnold-Tavernier, Jean-François Bardet, Michel Baron, Jean-Jacques Bénet, Emmanuel Bensignor, Juliette Besso, Gérard Bosquet, Séverine Boullier, Vincent Boureau, Didier Boussarie, Stéphane Bertagnoli, Stéphane Bureau, Jean-Jacques Bynen, Claude Carozzo, Sylvie Chastant-Maillard, Claude Chauve,
Yan Cherel, Cécile Clercx (Liège), Jean-Pierre Cotard, Jack-Yves Deschamps, Pierre Desnoyers, Gilles Dupré, Patrick Devauchelle, Brigitte Enriquez, Pascal Fanuel, Frédéric Gaschen (Berne), Olivier Gauthier, Emmanuel Gaultier, Sébastien Géroult, Jean-Pierre Genevois, Isabelle Goy-Thollot, Laurent Guilbaud,
Réponses à ce test page 81 Jacques Guillot, Philippe Hennet, Marc Henroteaux (Liège), Yves Legeay, Bertrand Losson (Liège), Leila Loukil, Sandrine Macchi, Lucile Martin-Dumon, Philippe Masse, Martine Mialot, Jean-Paul Mialot, Pierre Moissonnier, Patrick Pageat, Pierre Paillassou, Didier Pin, Xavier Pineau,
Luc Poisson, Jean-Louis Pouchelon, Pascal Prélaud, Nathalie Priymenko, Alain Régnier, Dan Rosenberg, Yannick Ruel, Yves Salmon, Odile Sénécat, Brigitte Siliart, Isabelle Testault, Jean-Jacques Thiébault, Bernard Toma, Patrick Verwaerde, Muriel Vabret, Isabelle Valin.
éditorial L’oncologie vétérinaire se développe rapidement en France. Des examens et des traitements de pointe, tels que la chimiothérapie, la radiothérapie, l'échographie, le scanner et l'imagerie par résonance magnétique deviennent plus abordables de jour en jour...
J
'ai eu l'honneur et le plaisir de participer à une conférence de cancérologie vétérinaire à Chamonix en 2003. Chaque présentation scientifique et la plupart des discussions m'ont rappelé que les vétérinaires français font partie des scientifiques les plus sensibles au progrès et les plus attentionnés que j'ai jamais rencontrés. Parallèlement, l'oncologie vétérinaire se développe rapidement en France. Des examens et des traitements de pointe, tels que la chimiothérapie, la radiothérapie, l'échographie, le scanner et l'imagerie par résonance magnétique deviennent plus abordables de jour en jour dans les écoles vétérinaires françaises et dans les clientèles privées. Ce numéro du NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE avec un Dossier spécial consacré à la cancérologie est un exemple de l'implication et de l'intérêt de la profession vétérinaire française pour la croissance et le développement de la lutte contre le cancer. Le cancer est néanmoins différent de toutes les autres maladies auxquelles nous sommes confrontés en médecine vétérinaire. Il est important dans un premier temps de prendre conscience des raisons pour lesquelles la cancérologie est différente, et ensuite, de quelle façon nous pouvons aller au-devant des besoins de nos clients et de ceux des animaux, en dissipant les mythes qui entourent la notion de cancer, en mettant en place une équipe adéquate pour apporter un soutien au client et à l'animal et enfin, en faisant preuve d'attention et de compassion. L'objectif de la "thérapie anticancéreuse attentionnée" est la qualité de vie et la dignité du client et de l'animal.
Gregory K. Ogilvie Diplomate A.C.V.I.M. Specialties of Internal Medicine, Oncology Professeur INSERM EMI 0211 2 bis, bd Tonnelé Université François Rabelais F37044 Tours, France Animal Cancer Center Colorado State University 300 West Drake Road Ft. Collins, CO 80523, USA
Pourquoi le cancer est-il différent ? Cancer. Le mot est aussi sombre et vide que la maladie qu'il définit, en France comme dans le reste du monde. Un diagnostic de cancer provoque souvent une peur irrésistible, l'impression de perdre le contrôle et plus dévastateur que tout, la disparition de l'espoir. Ceci se passe de la sorte, que le patient soit un membre de la famille ou un animal de compagnie aimé. Chercher la façon la plus appropriée de prendre soin de ces animaux est le moins que nous puissions faire, puisqu’ils nous ont donné amour et affection. Notre but en tant que vétérinaires est de vaincre le cancer lorsque c'est possible, en apportant toujours des soins dévoués et attentifs. L’épée de lumière que chacun doit porter pour combattre l’obscurité liée au cancer est la connaissance. Les rédacteurs en chef et les auteurs de ce numéro du NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE ont fait un pas audacieux et important pour combattre le désespoir associé à la notion de cancer. Les informations contenues dans ces pages conduisent le lecteur à la première des trois étapes de la lutte contre le cancer.
Les trois étapes de la lutte contre le cancer - La première étape dans la confrontation au cancer consiste à dissiper les mythes qui entourent la maladie autant que son traitement. Au lieu de voir le cancer et la thérapie anticancéreuse au travers du prisme des légendes et des concepts erronés, les articles de ce numéro nous fournissent l'information qui devrait nous permettre de passer outre les peurs inscrites en chacun de nous autour du cancer, et apprendre à les percevoir dans leur réalité. Ce n'est qu'en dissipant les mythes et les erreurs de perception que nous pouvons réfléchir clairement, prendre des décisions et exprimer l'espoir et les motivations qui sommeillent en nous lorsque nous sommes confrontés au cancer.
Trois étapes-clé 1. Dissiper les mythes qui entourent la maladie autant que son traitement. 2. Prendre soin de l’animal au sein d'une équipe 3. Prendre en charge l’aspect émotionnel de cette affection. LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 86 - AVRIL / MAI / JUIN 2003
- La seconde étape dans le traitement du cancer, prendre soin d'un animal aimé, ne peut être accompli qu'au sein d'une équipe. Elle est aussi importante que la première. Au centre de cette équipe se trouve la personne qui connaît les besoins et les souhaits de l'animal que vous soignez plus que quiconque : notre client ! De plus, il est fondamental pour nos clients de trouver et de faire confiance à l'équipe vétérinaire qui prend soin de leur animal bien-aimé. Tous les membres de l'équipe, depuis le personnel de bureau, les techniciens, les assistantes vétérinaires et les praticiens doivent comprendre qu'ils jouent un rôle essentiel dans les soins fournis à l'animal cancéreux, au client et à sa famille.
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éditorial - Le cancer chez le chien et le chat : abord thérapeutique Essentiel
L'équipe vétérinaire chargée des soins doit inclure le client comme partenaire actif de cette équipe, grâce à un apprentissage et une responsabilisation qui lui permet d'effectuer les soins quotidiens au jour le jour.
❚ Sans l'implication du client, le traitement mis en œuvre ne peut pas être optimal. ❚ La notion de "soins attentionnés" est de loin la plus importante parmi celles qui régissent la médecine anticancéreuse. ❚ Dans de nombreux exemples, corriger les affections associées telles que l'insuffisance rénale, une infection du tractus urinaire, des troubles cardiaques ou des perturbations métaboliques améliore significativement la santé de l'animal, donc le potentiel global de réussite de la thérapie anticancéreuse.
Sans l'implication du client, tant dans le domaine des soins attentifs que des évaluations journalières de l'état de santé, le traitement mis en œuvre ne peut pas être optimal. - La troisième étape : l'aspect émotionnel de cette affection est abordée une fois que l'équipe de soins, qui comprend au moins le vétérinaire, le personnel de soins de la clinique et le propriétaire est mise en place et que chacun s'est débarrassé de ses préjugés sur le cancer. Une fois dépassés les mythes et les erreurs de jugement au sujet du cancer qui affecte les animaux de compagnie, il devient possible d'établir un diagnostic, de mettre en place un traitement, de contrôler l'évolution de la maladie et, dans la plupart des cas, de la guérir. Parmi les maladies chroniques, le cancer est la maladie qui se soigne le mieux. C'est à ce stade que les soins peuvent commencer. Pour l'animal cancéreux et pour les propriétaires, cela doit correspondre à des "soins attentionnés". La notion de "soins attentionnés" est de loin la plus importante parmi celles qui régissent la médecine anticancéreuse. C'est la manifestation concrète d'un ensemble de soins issus de la science, qui s'expriment au travers du cœur, avec l'aide des connaissances scientifiques.
L'approche du patient cancéreux Lorsque vous annoncez à un client que son animal est atteint d'un cancer, l'information est analysée à la fois sur les plans mental et émotionnel. Les conséquences peuvent être désastreuses. Un diagnostic de cancer peut littéralement ôter tout espoir aux clients. En quantifiant l'extension du cancer, nous créons des possibilités de traitement, de soins palliatifs ou de soutien. Ce processus de compréhension de l'extension de la maladie est appelé bilan d'extension. Le bilan d'extension désigne le diagnostic et l'évaluation du cancer tel qu'il se présente chez l'animal examiné, et ses conséquences pour l'organisme. Le bilan T.N.M. (Tumeurs Nœuds lymphatiques - Métastases) nous présente "l'ennemi" (le cancer). C'est un prélude essentiel au choix d'une stratégie effective de traitement. Les trois composantes sont : - l'obtention d'un diagnostic histologique ou cytologique une biopsie ou une ponction devraient toujours être réalisées, avec une analgésie correcte, et effectuées de manière à ne pas gréver les chances de soigner et de stabiliser ultérieurement la maladie au moyen de techniques adaptées (chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie) ; - la localisation et l'établissement du bilan d'extension de la tumeur l'étape suivante dans la compréhension adéquate du cancer est la détermination de son extension, c’est-à-dire la localisation du cancer ou de ses métastases dans l'organisme. La mise en œuvre du bilan d'extension commence toujours par un examen clinique minutieux, afin d'identifier une hypertrophie des nœuds lymphatiques, ou de mettre en évidence d'autres zones de dissémination du cancer. Cela est souvent associé à une numération formule et à des examens biochimiques sanguins, à une analyse d'urine, à des radiographies du thorax et de l'abdomen. De plus, des examens complémentaires tels que l'échographie, le scanner, l'imagerie par résonance magnétique ou d'autres tests plus spécialisés peuvent être requis ; - l'état de santé de l'animal tous les cancers peuvent provoquer des maladies paranéoplasiques, qui affectent le bien-être de l'animal. En outre, ces chiens sont généralement âgés, ce qui les rend susceptibles de développer un certain nombre de troubles sous-jacents, ou de problèmes tels qu'une insuffisance rénale, des troubles comportementaux, une myélopathie dégénérative, qui peuvent affecter leur santé ou gréver les possibilités de succès ou de poursuite d'un traitement. Dans de nombreux exemples, corriger les affections associées telles que l'insuffisance rénale, une infection du tractus urinaire, des troubles cardiaques ou des perturbations métaboliques pourrait significativement améliorer la santé de l'animal, donc le potentiel global de réussite de la thérapie anticancéreuse.
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE AVRIL / MAI / JUIN 2003 - 87
éditorial - Le cancer chez le chien et le chat : abord thérapeutique Essentiel
Les règles de la lutte contre le cancer
❚ Le but de la thérapie anticancéreuse doit être la qualité de vie de l'animal. Prévenir et traiter les problèmes associés à la tumeur ou au traitement doit être notre objectif principal. ❚ Le cancer est une affection majeure qui ne peut être appréhendée seul.
Comme mentionné précédemment, le but de la thérapie anticancéreuse doit être la qualité de vie de l'animal. Prévenir et traiter les problèmes associés à la tumeur ou au traitement doit être notre objectif principal. En allant au-devant de ces besoins, nous soulageons également les besoins et les inquiétudes de nos clients. Lorsque un protocole de traitement est mis en place, soit pour des soins, soit dans le but de stabiliser la maladie, trois règles doivent être respectées. Ces trois règles sont une réponse directe aux trois questions-pivots du personnel soignant sur ce que “devraient être" des soins anticancéreux. La première règle, "Ne les laissez pas souffrir !" est très importante pour le client, pour l'animal et pour l'équipe vétérinaire chargée des soins. Prévenir activement et procéder à une évaluation régulière de la douleur du chien et du chat cancéreux est absolument essentiel, cela permet de rassurer le propriétaire et lui montre que la qualité de vie de son animal est optimale. La lutte contre la douleur peut être mise en œuvre grâce à des traitements oraux (buprénorphine, morphine, codéine, piroxicam, meloxicam, carprofène, …) ou à des formes à distribution transdermique du fentanyl. Le principe le plus important est la nécessité, pour le propriétaire, d'être convaincu que l'équipe vétérinaire de soins ne tolère aucune douleur, et que nous travaillons tous ensemble pour l'identifier, la prévenir et la contrôler. La seconde règle est "Ne les laisser pas vomir !". Cette règle va à l'encontre des idées préconçues et des peurs infondées qui veulent qu'un animal sous chimiothérapie souffre souvent d'épisodes de nausées intenses. Cela n'est tout simplement pas vrai. Les soins anticancéreux ont récemment progressé de telle sorte que les nausées et les vomissements associés à la chimiothérapie sont devenus peu fréquents. En outre, nous possédons les outils pour combattre ces difficultés au cas où elles se présenteraient. Prescrire des traitements tels que le métoclopramide, à chaque fois qu'un médicament susceptible de provoquer des nausées ou des vomissements est administré à un animal, permet au propriétaire de prévenir ce symptôme à la maison. De plus, nous devons être préparés à traiter les vomissements s'ils se manifestaient, et nous assurer que les médicaments et le matériel nécessaires sont immédiatement disponibles. Avoir en stock des médicaments tels que l'ondansetron (Zophren®*) et le dolasetron (Anzemet®*), bien qu'ils soient onéreux, donne cette assurance aux membres de l'équipe de soin. La dernière règle, "Ne les laissez pas mourir de faim !", est également essentielle. Dans l'esprit de nombreux propriétaires, les animaux sous traitement anticancéreux sont souvent cachectiques et faibles. Nous bénéficions aujourd'hui du résultat d'années de recherche sur les altérations métaboliques liées au cancer, et nous avons la possibilité de les compenser sur le plan nutritionnel. De plus, utiliser une approche et des soins qui garantissent que l'animal va manger est important sur le plan vital. Cela inclut les soins infirmiers de base (nourriture tiédie, alimentation appétissante et environnement confortable), l'utilisation de médicaments orexigènes et, si besoin, de techniques d'alimentation assistée comme la mise en place de sondes par œsophagostomie, gastrotomie ou jéjunostomie. Ces éléments de nutrition doivent être disponibles tôt dans la lutte contre la maladie, et la perte de poids ne doit pas être tolérée. Pour les propriétaires des animaux, l'appétit est un critère important d'évaluation objective de la qualité de vie, qui doit être pris en considération et ne peut être laissé au hasard.
NOTE * Spécialité humaine.
Pour en savoir plus Mitchener KL, Ogilvie GK. Rekindling the bond. Vet Econ 1999;40:3036. ● Mitchener KL, Ogilvie GK. Giving cancer patients hope. Vet Econ 1999;40:84-88. ● Downing R. Pets Living with Cancer: A Pet Owner’s Resource. Denver: American Animal Hospital Association, 2000. ● Mitchener KL, Ogilvie GK. Understanding Compassion fatigue: Keys for the caring veterinary health care team. J Am Anim Hosp Assoc 2002;34(4):307-310. ● Ogilvie GK, Moore AS. Compassionate care of the cancer patient. In: Ogilvie GK, Moore AS. Feline Oncology: A Comprehensive Guide for Compassionate Care. Trenton NJ, Veterinary Learning Systems, 2002. ●
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 89 - AVRIL / MAI / JUIN 2003
Conclusion L'oncologie vétérinaire progresse rapidement en France, en partie parce que les vétérinaires français ont toujours pris en compte le confort des animaux et des propriétaires. La noirceur autour du cancer doit être dissipée et de gros efforts accomplis pour détruire les mythes, grâce à l'information et à la connaissance. De plus, chaque client devrait être entouré d'une équipe constituée d’une part du vétérinaire, du personnel de la clinique et d’autre part, des spécialistes de la profession vétérinaire. Le cancer est une affection majeure qui ne peut être appréhendée seul. Nous devons toujours fournir des soins attentionnés aux animaux cancéreux, et prendre en compte les relations particulières de chaque client avec son animal. Ce numéro constitue une ressource très importante pour les équipes soignantes vétérinaires qui cherchent à prendre soin des animaux, à la fois avec leurs connaissances scientifiques et avec leur cœur. ❒
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questions réponses sur… le cancer
du chien et du chat ■ Comment définir un cancer ?
Encadré - Les gènes impliqués dans la carcinogènèse 1. Les proto-oncogènes : l’activation des proto-oncogènes en oncogènes code pour les protéines qui interviennent dans la régulation positive de la prolifération cellulaire. 2. Les anti-oncogènes : - ces gènes, récessifs à l’état normal, inhibent la multiplication cellulaire (anti-oncogènes) ; - leur altération ou leur disparition peut favoriser la croissance tumorale. Ils ont été découverts dans une étude du rétinoblastome de l’enfant ; - le plus connu et le plus important, encore appelé “gardien du génome” est le gène P53 qui assure la réparation des lésions de l’ADN et régule l’apoptose. Ce gène est altéré ou absent dans 30 à 50 p. cent des carcinomes du sein, 70 p. cent dans le carcinome du côlon et 50 p. cent dans les carcinomes pulmonaires chez l’homme.
réponses de Patrick Devauchelle Centre Radiothérapie Scanner E.N.V.A. 7 avenue du Général De Gaulle 94704 Maisons-Alfort
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 90 - MARS / AVRIL / MAI 2003
● Un cancer se caractérise par la prolifération anarchique de cellules tumorales en dehors du contrôle de l’homéostasie tissulaire. Les cellules malignes prolifèrent dans les tissus sains adjacents et migrent à distance pour donner des métastases. ● Ce phénomène, mal connu, met en cause plusieurs processus de dérèglement au niveau de l’hôte : génétique, immunitaire, hormonal, associés à l’activation des oncogènes ou à la non activation des anti-oncogènes par des facteurs physiques, chimiques, viraux ou alimentaires. Ces processus aboutissent à une altération du génome cellulaire qui modifie la régulation programmée de l’apoptose, et à l’apparition du cancer. ■ Quelle est l'importance des facteurs génétiques dans l'apparition d'un processus cancéreux ? Existe-t-il des gènes identifiés qui prédisposent à certains cancers ? ● Les progrès de la biologie moléculaire ont permis de mieux connaître les gènes humains et ceux de nos animaux, et surtout leurs fonctions essentielles. ● Deux types de gènes sont “incriminés” dans l’apparition d’un cancer : 1. les proto-oncogènes ; 2. les anti-oncogènes (encadré). ■ Existe-t-il des facteurs alimentaires identifiés dans la carcinogénèse chez les carnivores domestiques ? ● Chez l’homme, certains facteurs de vie sont incriminés dans l’évolution des cancers : tabagisme, alcoolisme, exposition au soleil, exposition professionnelle à des toxiques : amiante, arsenic, moutarde à l’azote. Certains profils alimentaires augmentent l’apparition de cancers spécifiques : par exemple, la contamination de l’arachide et du maïs par les aflatoxines favorise les cancers du foie et du rein de manière significative. Des régimes hyperprotéiniques et hyperlipidiques seraient des facteurs cancérigènes. En contrepartie, des régimes riches en fibres (choux, riz, épinard, ...) sont protecteurs des cancers digestifs, notamment du côlon. ● Chez les carnivores domestiques, peu d’éléments épidémiologiques alimentaires ont été comptabilisés, mais certaines vitamines et certains minéraux jouent un rôle positif
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ou négatif dans l’évolution d’un cancer : - les rétinoïdes (vitamine A), la vitamine C qui a un pouvoir anti-oxydant, et la vitamine E qui inhibe les réactions azotées, sont intéressants dans la lutte contre le cancer ; - de même, la diminution du taux sanguin de sélénium et de zinc favoriserait l’apparition des cancers de l’œsophage, du côlon, de l’estomac et des bronches ; - en revanche, un taux sanguin trop élevé en fer augmenterait l’apparition des cancers du poumon, de la vessie, et du côlon. ■ Quels sont les taux de guérison les plus spectaculaires actuellement obtenus en cancérologie vétérinaire ? ● Le taux de guérison des cancers dépend de la rapidité du diagnostic et du bilan d’extension de la tumeur. À histologie et stade clinique identiques, les meilleurs résultats sont obtenus grâce à la mise en place, en 1re intention, d’une polythérapeutique : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie. ● Les tumeurs à cellules rondes (lymphome, mastocytome, ...) et les tumeurs épithéliales de petite taille (épithélioma spino-cellulaire, adénocarcinome, ...) donnent les meilleurs taux de survie après traitement. ■ Quelles sont les affections néoplasiques pour lesquelles aucun résultat n'est actuellement satisfaisant tant sur la survie que pour le confort de vie de l'animal ? ● Les tumeurs dont le pronostic est le plus sombre sont les tumeurs d’agressivité locale et générale très importante et très rapide : le mélanome malin, les ostéosarcomes, les hémangiosarcomes, et les carcinomes anaplasiques de la mamelle. ● Cet état ne justifie en rien l’abandon de toute thérapeutique pour améliorer le confort et la survie de l’animal. ■ Quelles sont les thérapeutiques anticancéreuses d'avenir ? ● Les thérapeutiques anticancéreuses actuelles utilisent encore des techniques “grossières” : chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie. ● Les thérapeutiques d’avenir feront certainement appel à des techniques plus spécifiques qui visent à réparer les altérations génétiques et/ou immunitaires de l’hôte : thérapie génique, thérapie cellulaire, voire vaccination, ... ❒
conduite à tenir
diagnostique en cancérologie du chien et du chat
Le diagnostic précoce d’une tumeur permet aux vétérinaires d’augmenter la durée de vie de l’animal cancéreux, sans pour autant sombrer dans l’acharnement thérapeutique. Plus vite la tumeur est identifiée, plus simples sont les moyens de la combattre et plus efficace sera le traitement.
QUAND SUSPECTER UNE TUMEUR ? ● Les lésions qui portent sur la peau, les mamelles, les testicules, les paupières, ... sont immédiatement visibles. D’autres localisations nécessitent une observation plus fine, mais la lésion elle-même est évidente : ce sont, par exemple, les tumeurs du conduit auditif externe, buccales ou intraoculaires. ● Les lésions classiques sont des masses nodulaires (exemple : une tumeur mammaire, un histiocytome). Cependant, leur aspect macroscopique peut varier ou mimer des lésions non tumorales : - pertes de substance et ulcères (épithélioma spinocellulaire) ; - érythèmes et œdèmes (mastocytome du fourreau) ; - plaques et troubles de la pigmentation (mycosis fungoïde). Il convient de ne jamais éliminer l’hypothèse diagnostique d’une tumeur sur de simples apparences cliniques anodines. ● Sans lésion macroscopique évidente, il convient de penser "cancer" devant tous les symptômes chroniques, récidivants, résistants aux traitements ou qui répondent aux corticostéroïdes. ● Les tumeurs non apparentes cliniquement peuvent être suspectées grâce aux effets induits sur l’organisme. En pratique, les tu-
Adopter une démarche systématique face à une suspicion de processus tumoral.
Hypothèse diagnostique majeure = tumeur
Q
uel que soit le processus tumoral, la démarche diagnostique est identique : 1. suspecter la présence d’une tumeur ; 2. la localiser ; 3. confirmer son existence ; 4. identifier sa nature et évaluer son extension (figure).
Objectif pédagogique
Figure - La démarche diagnostique
Confirmation - Cytologie - Histologie
Catherine Le Foll Clinique vétérinaire de la Rivière 1, rue Pierre Loti 31830 Plaisance du Touch
Bilan d’extension T.N.M. - Tumeur (T) ; - Nœud lymphatique (N) ; - Métastase (M)
Pronostic Bilan de l’état de santé de l’animal Traitement
meurs de l’abdomen, du thorax, de l’appareil musculosquelettique ou de l’encéphale sont ainsi plus tardivement identifiées. ● Il est nécessaire d'attendre l’apparition de symptômes fonctionnels et généraux avant de pouvoir les diagnostiquer. Ces symptômes sont liés à la localisation de la tumeur et à ses rapports avec les organes environnants. ● Face à des commémoratifs précis (symptômes chroniques, réponse aux traitements précédents) associés à un examen clinique rigoureux (auscultation thoracique, palpation abdominale, ganglionnaire et locomotrice), le praticien peut suspecter la présence d’un processus cancéreux. COMMENT LOCALISER LA TUMEUR ? Les symptômes généraux, fonctionnels et paranéoplasiques observés permettent au praticien d’orienter son diagnostic. Les symptômes généraux La tumeur dévie très souvent le métabolisme de l’organisme à son profit. Un état de cachexie est alors observé. À retenir
●
Un amaigrissement, de l’anorexie et une hyperthermie sont des signes d’appel d’un cancer.
Essentiel ❚ Tous les symptômes chroniques, récidivants, résistants aux traitements ou qui répondent aux corticostéroïdes peuvent faire penser à un cancer. ❚ L’amaigrissement associé à une anorexie et à une hyperthermie constituent des signes d’appel d’un processus tumoral. ❚ Sur des apparences cliniques anodines, ne pas éliminer d’emblée l’hypothèse d’une tumeur. Gestion ❚ Les délais d’obtention des résultats : - examen cytologique : très rapide : dans la journée ; - examen histologique : 8 à 10 jours.
CANINE - FÉLINE
Les symptômes fonctionnels Les symptômes fonctionnels traduisent la souffrance de l’organe où commence le processus tumoral. Ils sont donc très variés et
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 91
le bilan d’extension en cancérologie
chez le chien et le chat
Didier Lanore Clinique vétérinaire de la Rivière 1, rue Pierre Loti 31830 Plaisance du Touch
Objectif pédagogique Réaliser un bilan d’extension raisonné face à une suspicion de cancer chez le chien et le chat.
Essentiel ❚ Le bilan d’extension est un ensemble d’examens dont le résultat détermine le niveau d’extension d’un processus tumoral, et le quantifie par une évaluation chiffrée du stade clinique. ❚ Un bilan d’extension devrait être réalisé à chaque fois qu’est découverte une tumeur ou supposée tumeur. ❚ Il permet d’obtenir des informations sur la propagation du processus néoplasique dans l’organisme.
Le bilan d’extension d’une tumeur permet d’évaluer l’étendue d’un processus cancéreux. Il est fondamental pour l’établissement du pronostic et le choix du traitement ou du protocole à mettre en œuvre.
L
e bilan d’extension (BE) d’une tumeur correspond à la recherche systématique, par le clinicien, de l’extension locale, régionale et générale d’un cancer. Il fait appel à l’examen clinique et aux techniques, aussi bien d’imagerie médicale que d’analyses biologiques. ● Afin de ne rien omettre, la démarche est scindée de façon théorique en trois étapes (cf. Conduite à tenir diagnostique, par C. Le Foll, dans ce numéro) : - l’étape “T” pour tumeur : correspond à l’évaluation de l’extension locale du processus ; - l’étape “N” pour nœud lymphatique (NL) : correspond à l’appréciation de l’extension loco-régionale ; - l’étape “M” pour métastase : son éventuelle observation signe la généralisation du cancer.
Exemple n° 1
Définitions
❚ Carcinome : tumeur épithéliale maligne.
Extension et classification T.N.M. d’un hémangiosarcome splénique
Une tumeur de 7 cm de diamètre, non envahissante, sans atteinte des nœuds lymphatiques ni métastase, est classée dans le stade II (photo 1) (figure ci-contre).
▼
❚ Sarcome : tumeur conjonctive maligne.
À chaque étape est affectée une note, et le score global permet d’attribuer à la tumeur un stade clinique fondé sur la classification T.N.M. de l’Organisation Mondiale de la Santé (modifiée pour les animaux domestiques par Owen en 1980) (exemple n°1). ● Il est intéressant de noter que les classifications (donc les stades cliniques) évoluent avec le temps. Elles prennent en compte des critères de plus en plus ciblés dans l’évaluation du pronostic, qui permettent une approche plus fine. ● La classification T.N.M. des tumeurs oropharyngées ne prenait en compte initialement que la taille de la tumeur et l’existence de métastase ganglionnaire ou systémique. Puis, sont venues s’ajouter l’atteinte du tissu osseux sous-jacent et la position de la tumeur dans la bouche. ● De même, certaines classifications prennent aujourd’hui en compte des critères histologiques. Une classification des mélanomes buccaux a ainsi retenu comme critères l’index mitotique et la confirmation histologique de la métastase ganglionnaire. ● À l’inverse, la classification histologique des carcinomes mammaires selon Gilbertson tient compte d’éléments cliniques : existence de métastases cliniques pour le stade 2. ●
❚ Tumeur conjonctive : tumeur qui a pour point de départ une cellule du tissu conjonctif.
T = Tumeur
● T0
= Pas de tumeur visible = Tumeur < 5 cm et confinée à l’organe primaire ● T2 = Tumeur > ou = 5 cm ou rupture ● T3 = Tumeur envahissant les structures adjacentes ● T1
N = Nœud lymphatique
❚ Tumeur épithéliale : tumeur
● N0
= Pas d’envahissement lymphatique = Atteinte des nœuds lymphatiques régionaux ● N2 = Atteinte des nœuds lymphatiques distants
qui a pour point de départ une cellule épithéliale.
● N1
M = Métastase ● M0
= Pas de métastases ● M1 = Métastase à distance
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Stades cliniques
1 Tumeur splénique : pièce macroscopique (photo D. Lanore). LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 96 - MARS / AVRIL / MAI 2003
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I= II = III =
T0 ou T1 T1 ou T2 T2 ou T3
N0 N0 ou N1 N0 ou N1
M0 M0 M1
Fiche
nomenclature
des principales tumeurs
du chien et du chat La nomenclature des tumeurs est très hétérogène. Cette fiche décrit les principales désignations des processus cancéreux.
L
a nomenclature anatomo-pathologique est en règle générale fondée sur l’histogénèse : la tumeur reçoit le nom du tissu ou de la lignée cellulaire dont elle provient, suivi d’un suffixe qui indique son caractère bénin ou malin : - ”ome” pour les tumeurs bénignes ; - ”sarcome” pour les tumeurs malignes d’origine mésenchymateuse ; - ”carcinome” pour les tumeurs malignes d’origine épithéliale. Le terme d’épithélioma est strictement synonyme ; - ”omatose” pour désigner le caractère disséminé ou multicentrique (fibromatose). ● Le vocabulaire reste cependant très hétérogène, et même parfois illogique.
- Certains noms dérivent des aspects microscopiques, ou reçoivent le nom de l’auteur qui en a donné la première description (ex : sarcome de Sticker). - Quelques tumeurs malignes gardent leur suffixe en “ome”, auquel est accolé l’adjectif “malin” (ex : “lymphome malin”, qui tend à remplacer le terme de lymphosarcome). - Une même tumeur peut recevoir de nombreuses désignations synonymes (ex : neurinome, schwannome, gliome périphérique, …). ● Tous les composants cellulaires sont susceptibles de donner lieu à une tumeur. Chaque localisation peut donc être le siège de tumeurs de types histologiques très divers (tableau 1). Par exemple, les tumeurs primitives de l’os peuvent être des tumeurs des cellules hématopoïétiques, comme des leucémies ou un myélome multiple, des tumeurs mésenchymateuses (divers sarcomes comme l’ostéosarcome, mais aussi le chon-
Tableau 1 - Classification histogénétique et localisation de quelques types tumoraux Tissu d’origine Type tumoral Localisation - Épulis fibromateuse ossifiée ●
Ligament dentaire
ou angiomateuse
- Cavité buccale
- Épulis acanthomateuse Reliquats embryonnaires (bourgeons dentaires épithéliaux)
- Améloblastomes
- Cavité buccale
●
Cellules embryonnaires rénales
- Néphroblastome
- Rein
●
Cellules germinales femelles
- Dysgerminome - Tératome, tératosarcome
- Ovaire
●
Cellules germinales mâles
- Séminome
- Testicule
●
Cellules chromaffines de la médulo-surrénale
- Phéochromocytome
- Surrénales
●
Cellules gliales - Astrocytes - Oligodendrocytes - Épendymocytes
●
●
●
- Gliome - Astrocytome - Oligodendrogliome - Épendydome, tumeur
Colette Arpaillange Service de médecine E.N.V.N. Atlanpole la Chantrerie BP 40706 44307 Nantes cedex 03
Objectif pédagogique Désigner les principales tumeurs du chien et du chat.
Essentiel ❚ La racine du nom fait apparaître le tissu d’origine de la tumeur. ❚ Un suffixe détermine le caractère bénin ou malin de la tumeur. ❚ La nomenclature s’appuie également sur un grand nombre d’exceptions, et comporte des synonymies. ❚ Sur le plan cytologique, trois grands types : - les tumeurs à cellules rondes ; - les tumeurs épithéliales : - les tumeurs des tissus conjonctifs.
- Système nerveux (encéphale)
des plexus choroïdes
Reliquats embryonnaires (vestiges ectodermiques de la poche de Rathke)
- Crâniopharyngiome
Épiderme : cellules de Langherans
- Langerhansome - Histiocytome cutané
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- Système nerveux (encéphale : région de la selle turcique)
- Tissu cutané
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 103
conduite à tenir
thérapeutique en cancérologie du chien et du chat
Dans la pratique quotidienne, le cancer n’est plus une fatalité. À des diagnostics de plus en plus précoces et performants viennent s’ajouter des possibilités thérapeutiques variées (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie), avec des objectifs différents (thérapeutique curative, adjuvante, palliative).
L
a démarche thérapeutique à adopter dépend de facteurs propres au cancer : - la localisation de la tumeur (organe atteint, caractère diffus ou localisé…) ; - la nature histologique de la tumeur, son grading ; - le bilan d’extension de la tumeur ; - l’état général de l’animal à traiter (syndrome paranéoplasique, défaillance organique associée).
Cette démarche dépend également de facteurs non liés au cancer : - la motivation des propriétaires (sentimentale, philosophique et financière) ; - le niveau de technicité du cabinet ou de la clinique vétérinaire en charge de l’animal cancéreux : possibilité de réaliser certaines interventions chirurgicales, capacité d’hospitalisation et de suivi biochimique et hématologique de l’animal cancéreux, aptitude à persuader le propriétaire, ... ● Il n’existe pas une seule démarche thérapeutique : chaque cas requiert une approche particulière. ●
Néanmoins, en faisant abstraction des limites imposées par le propriétaire et le vétérinaire lui-même, il est possible d’appliquer une démarche thérapeutique systématique pour une grande majorité de tumeurs. ● Ceci impose de se poser un certain nombre de questions. 1. La tumeur est-elle opérable ? 2. La tumeur possède-t-elle une agressivité locale importante (capacité à récidiver) ? 3. La tumeur possède-t-elle une agressivité générale importante (capacité à métastaser) ? La réponse à chacune de ces questions per-
met d’élaborer une stratégie de lutte anticancéreuse. Il convient de veiller à pouvoir l'instaurer chez l’animal concerné : - l’animal peut-il supporter une intervention chirurgicale ? ; - l’animal peut-il supporter les anesthésies répétées nécessaires aux séances de radiothérapie ? ; - l’animal peut-il supporter des séances de chimiothérapie (a-t-il une défaillance organique pré-existante) ?
Isabelle Testault
Clinique vétérinaire Anne de Bretagne 5, allée des Tanneurs 44000 Nantes
Objectif pédagogique Adopter une conduite thérapeutique systématique face à un processus cancéreux chez le chien et le chat.
LA TUMEUR EST-ELLE OPÉRABLE ? ● L’objectif de toute thérapeutique anticancéreuse est d’éliminer les cellules cancéreuses. La chirurgie trouve donc toute sa légitimité dans la démarche thérapeutique et peut parfois être suffisante. Il s'agit alors de chirurgie curative.
Toutefois, certaines tumeurs ne peuvent pas être excisées : - les tumeurs à localisation multicentrique (mastocytome, lymphome ganglionnaire et viscéral, …) ; - les tumeurs déjà métastasées ; - les tumeurs diffuses d’un organe ou d’une cavité (tumeurs pulmonaires diffuses, tumeurs hépatiques diffuses, lymphome rénal bilatéral chez le chien, mésothéliome pleural ou péritonéal, leucémies, …) ; - les tumeurs dont la cure chirurgicale compromet le fonctionnement d’un organe vital (tumeur cardiaque), ou dont la taille et le caractère infiltrant sont majeurs.
●
● Lorsqu'il n'est pas possible de procéder à l'exérèse de la tumeur, le praticien cherche à proposer une thérapeutique de substitution, le plus souvent palliative, pour améliorer le confort de l’animal.
Essentiel ❚ Si la tumeur ne peut être retirée chirurgicalement, une thérapeutique de substitution, qui vise à améliorer le confort de l’animal, est proposée. ❚ Des méthodes de thérapie anticancéreuse adjuvantes sont recommandées lorsque la tumeur est connue pour récidiver localement, ou si l’exérèse n’est pas totale. ❚ Le protocole de chimiothérapie dépend exclusivement de la nature histologique de la tumeur.
● Une radiothérapie ou une chimiothérapie peuvent également être entreprises, afin de diminuer le volume de certaines tumeurs, et dans le but d'effectuer une intervention chirurgicale ultérieure.
Attention : parfois, la tumeur est opérable mais sa nature nécessite de privilégier l’utilisation de la chimiothérapie dans la lutte anticancéreuse : lymphomes digestifs, lymphomes médiastinaux.
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 105
les soins palliatifs en cancérologie chez le chien et le chat
La cancérologie vétérinaire est un domaine émergeant dont les pratiques s’inspirent de manière large de la médecine humaine, tant dans les traitements spécifiques que pour les soins palliatifs. Hors du champ de la médecine curative, la médecine palliative s’emploie à traiter non plus la maladie elle-même, mais ses effets et les complications intercurrentes engendrées.
L
es traitements palliatifs en cancérologie vétérinaire sont destinés à prendre en charge un malade plus qu’une maladie. Le but n’est pas de guérir l’animal mais d’allonger sa survie en améliorant ses symptômes et son confort. Les moyens mis en œuvre doivent permettre une fin de vie décente sans souffrance, ni dégradation physique importante. Les conditions de vies doivent être supportables pour l’animal mais aussi pour son propriétaire. PROPOSER DES SOINS PALLIATIFS DANS DE BONNES CONDITIONS
Le vétérinaire est confronté aux soins palliatifs dans deux types de situations cliniques : 1. La situation est désespérée : une tumeur incurable a été diagnostiquée et le propriétaire, extrêmement motivé, désire conserver son animal le plus longtemps possible : il est "demandeur" de soins palliatifs et désire prolonger la vie de son animal mais pas au détriment de sa qualité. 2. La situation n’est pas désespérée : le diagnostic révèle une tumeur pour laquelle un traitement curatif existe mais le propriétaire, non interventionniste, refuse la thérapeutique adaptée qu’il juge trop onéreuse, trop contraignante, …Il opte pour un traitement symptomatique alors qualifié de palliatif. Le praticien doit s’assurer que l’ensemble des traitements curatifs envisageables (chirurgie et/ou chimiothérapie et/ou radiothérapie) a été correctement présenté et compris par le propriétaire : la décision est alors
●
prise en connaissance de cause et de conséquence. Le vétérinaire obtient le consentement éclairé du propriétaire à qui la décision appartient. ● Dans le cadre des soins palliatifs, une prise en charge psychologique et un "accompagnement" des propriétaires jusqu’à la mort de l’animal s’avèrent essentiels. ● Le praticien doit prendre en charge d’un point de vue médical différents symptômes dont l’origine est polyfactorielle et provient : - de l’affection tumorale elle-même et de ses conséquences directes (anorexie, dénutrition, anémie, …) ; - des thérapeutiques anticancéreuses (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie, …) et leurs conséquences ; - de l’état général de l’animal avant tout traitement. Cet article se concentre sur la gestion de la douleur, les considérations nutritionnelles et le traitement des troubles digestifs (figure). LA PRISE EN CHARGE DU PROPRIÉTAIRE DE L’ANIMAL CANCÉREUX Lorsqu’une décision de soins palliatifs est prise, il convient de s’assurer que le propriétaire est bien conscient que les "traitements" ne sont là que pour améliorer le confort de fin de vie de l’animal. Les soins palliatifs ne sont qu’une alternative à l’euthanasie (cf. Articles de D. Lanore et de C. Arpaillange dans le Dossier management de ce numéro) (cas n°1). ● Ils sont en général "lourds" et demandent du temps et une bonne observance des prescriptions. Un climat de confiance doit être créé avec le propriétaire, et chacun des traitements argumenté. Éviter de promettre l’impossible. La relation de confiance permet au client de s’en remettre à l’avis du praticien lorsque la situation n’a plus d’issue (cas n°2). ●
Géraldine Jourdan Patrick Verwaerde Anesthésie-réanimation E.N.V.T. 23, chemin des capelles 31706 Toulouse cedex 03
Objectif pédagogique Mettre en œuvre des soins palliatifs adaptés au traitement des cancers incurables chez l’animal ou lorsque le propriétaire refuse le traitement curatif.
Essentiel ❚ L’aspect relationnel “praticien-propriétaire” est souvent la tâche la plus complexe et la plus difficile dans la gestion des soins palliatifs. ❚ Une relation sincère est nécessaire à l’obtention de l’entière coopération du propriétaire. ❚ Il n’existe pas de paramètre biologique fiable pour la reconnaissance du phénomène douloureux.
LA GESTION DE LA DOULEUR CHEZ L’ANIMAL CANCÉREUX La douleur est une préoccupation constante du propriétaire de l’animal cancéreux. Dans le processus cancéreux, la douleur peut être considérée comme une maladie à part entière. Non traitée, elle entraîne un cortège de complications : hospitalisation prolongée, immunodépression, anorexie, … qui peuvent
●
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 107
chimiothérapie l’administration des anti-mitotiques
chez le chien et le chat La chimiothérapie anticancéreuse, qu’elle soit à visée curative, adjuvante ou palliative, est un outil privilégié dans le traitement du cancer des carnivores domestiques. Cet article précise les modes d’administration et les précautions à prendre pour l’animal et l’équipe soignante.
L
es séances de chimiothérapie sont faciles à réaliser au sein d’une clinique vétérinaire, et font appel à des agents antimitotiques qui peuvent être administrés par voie orale, intramusculaire, intraveineuse et parfois intra-tumorale ou intra-cavitaire. Les particularités de chaque voie d’administration doivent être connues afin d’éviter les accidents et de pouvoir gérer les effets secondaires immédiats possibles. L’utilisation de molécules antimitotiques dans le cadre d’une clinique vétérinaire nécessite des précautions lors de la manipulation de ces produits et de l’élimination des déchets (seringues, flacons, vomitats, urines, ...). LA PRISE EN CHARGE DE L’ANIMAL ET LES EXAMENS À EFFECTUER
La séance de chimiothérapie anticancéreuse est programmée, donc préparée avec les propriétaires et sa durée est connue : en général, une demi-journée pour les produits utilisés par voie intramusculaire et intraveineuse. ● L’animal est pris en charge par le vétérinaire traitant lui-même, et non son A.S.V., afin de connaître les éventuels effets secondaires qui ont été rencontrés lors de l’administration précédente et de rassurer les propriétaires qui laissent leur animal pour la séance. ● Un examen clinique complet, qui inclut la pesée, précède l’hospitalisation du chien. Il est associé à des examens complémentaires (encadré 1). Si l’un ou l’autre des paramètres est anomal la séance peut être reportée, annulée, ou la dose peut être adaptée. ●
Sandrine Macchi Clinique vétérinaire Racine 44470 Carquefou
Encadré 1 - Les examens à effectuer avant une chimiothérapie Avant toute séance de chimiothérapie, plusieurs examens complémentaires sont nécessaires : - une numération-formule sanguine pour déceler une éventuelle toxicité hématopoïétique ; - une prise d’urine pour mesurer la densité et rechercher une protéinurie ; - un taux d’urée et de créatinine pour évaluer la capacité d’élimination de l’organisme ; - un dosage des paramètres hépatiques pour connaître sa capacité à transformer les différents produits administrés.
À retenir
Objectif pédagogique Connaître l’administration des anti-mitotiques, prendre les précautions nécessaires à leur manipulation et éliminer les déchets générés.
Essentiel
Pour les cas d’insuffisance rénale, les produits non néphrotoxiques peuvent être administrés à une dose minorée selon la formule suivante : Dose ajustée = (dose habituelle x 15) /créatinine mesurée. ● Une organisation rigoureuse de l’hospitalisation doit être établie. Un nombre restreint de personnes est responsable des manipulations de l’animal, des produits et des perfusions. Cette règle vise à réduire les risques d’erreur et d’accident (encadré 2).
RÉALISATION DE LA SÉANCE DE CHIMIOTHÉRAPIE ANTICANCÉREUSE L’administration par voie intra-musculaire ou sous-cutanée, par voie intraveineuse, et par voie intra-tumorale ou intra-cavitaire sont possibles pour les antimitotiques utilisés en médecine vétérinaire. La voie orale peut être proposée pour des raisons pratiques et dans ce cas, sous la responsabilité du propriétaire.
❚ L’animal est pris en charge par le vétérinaire traitant lui-même. ❚ Avant l’hospitalisation du chien, procéder à un examen clinique complet. ❚ Pour éviter tout déplacement inutile et source de contamination dans l’enceinte de la clinique, la totalité du matériel est regroupée à l’endroit où est effectuée la chimiothérapie. ❚ En médecine vétérinaire, les anti-mitotiques peuvent être administrés par voie orale, intra-musculaire ou intra-veineuse.
L’administration par voie orale ● L’administration per os est possible pour les molécules qui passent la barrière digestive : le cyclophosphamide, le métalphan, le chlorambucil, et l’hydroxy-urée. Elle est utilisée lorsque les propriétaires prennent en charge la chimiothérapie. ● Certaines précautions sont donc indispensables pour éviter tout accident : - de façon idéale, le praticien confie au propriétaire le nombre exact de comprimés qui doivent être administrés, afin d’éviter les accidents de sur- ou de sous-dosage et les
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 113
l’immunothérapie dans le traitement des cancers
chez le chien et le chat Après la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie, les nouveaux concepts en thérapie anticancéreuse font désormais appel à l’immunothérapie et à la thérapie génique.
Unité de Médecine interne Département des animaux de compagnie E.N.V.L. BP 83 69280 Marcy l’Étoile
Objectif pédagogique Avoir une vue d’ensemble sur les possibilités thérapeutiques utilisées et à venir en immunothérapie, dans le traitement des cancers.
A
u-delà de la défense de l’organisme contre les agents infectieux, le système immunitaire vise à l’élimination des substances étrangères, mais aussi à celle des propres constituants altérés de l’organisme. Les cellules cancéreuses entrent dans cette catégorie. L’activité lytique ou inhibitrice de la prolifération tumorale d’un certain nombre d’acteurs du système immunitaire a été démontrée dans différents modèles. ● L’immunité anti-tumorale est plus particulièrement dévolue aux cellules NK (Natural Killer) au repos ou activées (encore appelées LAK pour Lymphocyte Activated Killer), aux macrophages activés et aux lymphocytes T cytotoxiques de phénotype CD8+ (cf. L’immunité anti-tumorale par S. Boullier et F. Mahé, dans ce numéro). ● Intervenir sur la réponse immunitaire constitue par conséquent un moyen de lutte contre le processus tumoral. Pour stimuler les moyens de défenses propres à l’organisme, différentes stratégies ont été élaborées au cours du temps, en fonction des progrès des connaissances acquises, tant en cancérologie (avec l’identification notamment d’antigènes tumoraux) qu’en immunologie (photo). ● Les thérapeutes ont d’abord utilisé des substances peu spécifiques, qualifiées d’immunostimulants. Puis ils se sont orientés vers une action toujours plus sélective, avec des thérapies qui font appel aux principales cytokines à activité anti-tumorale, puis qui agissent directement sur les effecteurs de la réponse immunitaire via les antigènes tumoraux (vaccination, manipulation des cellules présentatrices d’antigène, …). ● Par opposition à cette immunomodulation qualifiée d’active, des thérapies fondées sur un transfert passif de l’immunité à l’aide principalement d’anticorps monoclonaux ont également été utilisées.
Luc Chabanne Frédérique Ponce
Essentiel
La radiothérapie a été mise en œuvre dans le cas de ce chat. De nouvelles solutions thérapeutiques se dessinent avec l’immunothérapie (photo P. Devauchelle).
LES IMMUNOSTIMULANTS NON SPÉCIFIQUES Les immunostimulants constituent une classe thérapeutique hétérogène (tableau 1). ● Ils ont en commun la propriété d’augmenter la résistance non spécifique à diverses infections expérimentales et de stimuler, de façon plus ou moins sélective, la synthèse de cytokines in vivo et l’expression de molécules adhésives. ● Les recherches sur les immunostimulants ont été longtemps orientées vers l’immunothérapie non spécifique des tumeurs. Ceci a conduit à isoler des molécules qui se sont révélées être inductrices de la synthèse d’interféron, ou activatrices des macrophages (par augmentation de la production de TNF et de l’activité phagocytaire). ● Parmi ceux-ci, existent de nombreuses substances plus ou moins purifiées, d’origine microbienne ou extraites de plantes : lipolysaccharides (LPS), peptidoglycanes, muramyldipeptides, … Ces extraits ou des bactéries tuées ont été, ou sont encore préconisés dans divers protocoles thérapeutiques chez le chien et le chat, mais peu de spécialités sont actuellement disponibles en France. ● Certains médicaments, utilisés principalement dans d’autres indications, possèdent également des propriétés immunostimulantes : des anti-inflammatoires non stéroïdiens (A.I.N.S.) comme le piroxicam, un anti-histaminique H2 comme la cimétidine, un anti-parasitaire comme le lévamisole. Ils ont fait la preuve de leur efficacité, en association ou
❚ Certains médicaments, utilisés principalement dans d’autres indications, possèdent des propriétés immunostimulantes : - anti-inflammatoires non stéroïdiens (piroxicam) ; - anti-histaminique H2 (cimétidine) ; - anti-parasitaire (lévamisole). ❚ Les immunostimulants non spécifiques ont la propriété : - d’augmenter la résistance non spécifique à diverses infections expérimentales ; - de stimuler la synthèse de cytokines in vivo et l’expression de molécules adhésives. ❚ En médecine vétérinaire, l’approche immunologique de la thérapie anticancéreuse est non spécifique, à l’aide de substances immunostimulantes appliquées comme traitement adjuvant à une chimiothérapie.
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 119
observation clinique mastocytome cutané chez une chienne
Au cours d’une consultation pour diarrhée légèrement hémorragique chez un boxer femelle de huit ans, deux masses sont repérées, une sur la mamelle et une à côté de la vulve. Un protocole de traitement du mastocytome cutané est proposé.
L
a chienne est abattue depuis deux semaines, elle a connu des épisodes de vomissements et présente une lactation de pseudo-gestation.
La température rectale est normale et les muqueuses sont roses. L’auscultation du cœur et des poumons ne révèle rien d’anormal. La palpation abdominale ne permet pas de détecter d’anomalie et elle n’est pas douloureuse. ● Une masse, située en région abdominale, se présente sous la forme d’un nodule souscutané surélevé de consistance dure et non prurigineux d’un centimètre de diamètre. Elle se situe au niveau de la mamelle inguinale gauche. Une autre masse sous-cutanée pédiculée de deux à trois cm de diamètre est remarquée en région péri-vulvaire. Elle est située à gauche de la vulve et est adhérente à la peau mais pas au plan sous-cutané. ● Les nœuds lymphatiques de drainage sont : - le nœud lymphatique inguinal gauche pour la tumeur située en région abdominale. La palpation de ce dernier ne révèle aucune anomalie ; - le nœud lymphatique poplité gauche pour la tumeur périvulvaire. Il est palpable, mais sa taille et sa consistance sont normales. ●
DIAGNOSTIC Les deux masses sont ponctionnées et les étalements sont colorés au May Grunwald Giemsa. L’analyse cytologique montre une population cellulaire de ces masses, composée de cellules rondes contenant des granulations fortement basophiles. ● Ce résultat est en faveur de mastocytomes bien différenciés, qui pourraient expliquer la diarrhée hémorragique : l’histamine dégranulés peut induire la formation d’ulcère. ●
Département des Sciences cliniques des animaux de compagnie E.N.V.T. 23, chemin des Capelles 31067 Toulouse cedex 03
Objectif pédagogique Diagnostiquer un mastocytome et mettre en place un protocole de chimiothérapie adapté. 1
Une tumeur pédiculée péri-vulvaire est mise en évidence. Aspect macroscopique (photo P. Meynaud).
Une fois la nature de la tumeur identifiée, il est nécessaire d’effectuer un bilan d’extension. BILAN D’EXTENSION
EXAMEN CLINIQUE
Mylène Laborde
Le mastocytome est une tumeur à cellules rondes, qui métastase dans les nœuds lymphatiques régionaux avant d’envahir la circulation générale, le foie et la rate, et enfin la moelle osseuse. ● L’examen clinique minutieux des territoires cutané et muqueux ne permet pas de déceler d’autres formations néoplasiques. ● Le nœud lymphatique poplité gauche est ponctionné. Il ne présente pas d’infiltration par des mastocytes tumoraux. ● Une échographie abdominale est réalisée afin d’examiner les nœuds lymphatiques profonds ainsi que le foie et la rate. Aucune anomalie n’est décelée, mais la sensibilité de ce type d’examen pour le diagnostic d’éventuelles métastases est encore inconnue. ● L’examen du buffy-coat (enrichissement de la lignée leucocytaire) et du myélogramme ne mettent pas en évidence de mastocytémie. La présence d’un seul mastocyte parmi les leucocytes sanguins est toujours anormale. En ce qui concerne le myélogramme, un taux supérieur à dix mastocytes pour mille cellules nucléées serait anormal mais non caractéristique d’une diffusion métastatique d’un mastocytome [2, 3].
Motif de la consultation ❚ Diarrhée légèrement hémorragique.
●
TRAITEMENT CHIRURGICAL ET ANALYSE HISTOLOGIQUE
2 La tumeur périvulvaire, située à gauche de la vulve, mesure deux à trois centimètres de diamètre.
Essentiel ❚ Le mastocytome est une tumeur à cellules rondes qui métastase dans les nœuds lymphatiques régionaux avant d’envahir la circulation générale, le foie, la rate, et la moelle osseuse.
L’exérèse chirurgicale de la masse en région abdominale est effectuée par mammectomie des trois dernières mamelles, afin d’avoir des marges d’exérèse suffisantes. Le nœud lymphatique inguinal est retiré en même temps que la tumeur.
●
43
CANINE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 123
observation clinique tumeurs mammaires
chez une chienne
Les tumeurs mammaires sont une affection fréquente de la chienne. Quelle qu’en soit la cause, une démarche systématique dans le diagnostic et le traitement permet de mieux contrôler l’évolution du processus tumoral. Cet article propose un protocole de chimiothérapie adjuvante à la chirurgie des tumeurs mammaires de la chienne.
U
ne chienne entière croisée Terrier de 11 ans, qui pèse 15 kg, est présentée à la consultation pour deux masses mammaires sur la chaîne droite (photo 1). L’une de ces masses, sur la mamelle M4, a un diamètre de 0,5 cm, elle n’est pas adhérente aux plans profonds. L’autre, de même taille, est située en M5 et est adhérente au plan musculaire. Une palpation minutieuse permet en outre de repérer une multitude de petits nodules dans le tissu mammaire, en M5, sur cette même chaîne, et quelques uns sur la chaîne gauche, dont un légèrement plus important en M4 (0,2 cm de diamètre). LE TRAITEMENT ENTREPRIS ET LE RÉSULTAT HISTOLOGIQUE La chienne présente un excellent état général, aucune anomalie n’est décelée à l’examen clinique. ● Dans l’hypothèse de tumeurs malignes, un bilan d’extension est réalisé avant la chirurgie. Il comprend : - une palpation minutieuse des lymphocentres qui drainent les mamelles postérieures (ganglions inguinaux superficiels par palpation directe et ganglions lombo-aortiques par palpation transrectale) ; - deux profils radiographiques du thorax, qui ne mettent pas de métastase en évidence. Devant ce bilan d’extension permissif, le traitement chirurgical est entrepris. ● Un bilan biochimique pré-anesthésique, qui comporte le dosage des paramètres rénaux et hépatiques, permet de vérifier les capacités organiques de la chienne. ●
Sandrine Macchi Clinique vétérinaire Racine 1, allée Racine 44470 Carquefou
Objectif pédagogique Présenter un animal traité par chimiothérapie pour une affection fréquente.
Motif de la consultation ❚ Présence de tumeurs mammaires sur la chaîne droite. Hypothèses diagnostiques 1
❚ Tumeurs malignes :
Cette chienne de 11 ans, qui présente des tumeurs mammaires sur la chaîne droite, est en bon état général. Aucune anomalie n’est décelée à l’examen clinique, un bilan d’extension est néanmoins réalisé (photos S. Macchi).
L’exérèse des trois mamelles postérieures et du ganglion inguinal superficiel à droite est réalisée, et la pièce chirurgicale est soumise à une analyse histologique. ● Celle-ci conclut à la présence de tumeurs bénignes de la mamelle de type cystadénomatose. L’ablation des nodules de la chaîne gauche est alors préconisée, si possible dans les deux mois après la première intervention.
●
LE SUIVI ● Quatre mois plus tard, la chienne est revue en consultation pour le même motif - présence de masses mammaires - situées cette fois sur la chaîne gauche. ● Les nombreux petits nodules sont retrouvés à la palpation, mais celui qui semblait plus volumineux et non adhérent s’est développé de façon notable (1,5 cm de diamètre) durant les semaines qui ont précédé la consultation. ● En accord avec les propriétaires et malgré le coût, le bilan d’extension est renouvelé : palpation des lymphocentres (ganglions inguinal superficiel, lombo-aortiques et axillaire), et radiographies thoraciques. Tout paraît normal. ● Afin d’assurer l’exérèse complète des masses observées et, dans le même temps, celle de tumeurs occultes, l’ablation de la chaîne gauche complète est réalisée. Le ganglion inguinal est retiré à la faveur de l’intervention chirurgicale, alors que l’axillaire,
adénocarcinomes, carcinomes, sarcomes, ... ; ❚ Tumeurs bénignes : adénomes, papillomes, fibro-adénomes, tumeurs bénignes des tissus mous, ... ; ❚ Dysplasies bénignes : kystes, adénoses, hyperplasie, ...
Essentiel ❚ Le bilan pré-chimiothérapie anti-cancéreuse comprend : - le dosage des paramètres rénaux ; - une numération-formule, renouvelée avant chaque séance, pour suivre les effets de la toxicité hématopoïétique de l’antimitotique utilisé ; - un bilan cardiaque complet, dont une échocardiographie. ❚ Le pronostic est fondé sur la taille, l’aspect de la tumeur, sa rapidité d’évolution, son mode de croissance, sa nature histologique et le stade clinique de la maladie.
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CANINE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 127
observation clinique le lymphome ganglionnaire chez le chien
Tumeur des structures lymphoïdes, le lymphome est la tumeur hématopoïétique la plus fréquente chez le chien. La chimiothérapie proposée associe la doxorubicine, la L-asparaginase, le cyclophosphamide, la vincristine et la prednisone. Un protocole de traitement du lymphome est proposé.
U
n chien mâle, de race ariégeoise âgé de cinq ans est référé à l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse pour une polyadénomégalie apparue deux mois auparavant, compliquée d’une hématurie depuis trois jours. Ce chien a reçu jusqu’alors un traitement associant l’amoxicilline, l’acide clavulanique et la prednisone. EXAMEN CLINIQUE
À l’examen clinique, le chien présente une polyadénomégalie des nœuds lymphatiques superficiels, une hépatomégalie et une splénomégalie. Aucune autre anomalie n’est constatée. ● Les deux hypothèses diagnostiques sont un lymphome ganglionnaire et une leishmaniose. ●
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES Un hémogramme, un bilan biochimique et une analyse d’urine sont réalisés. Seule une protéinurie est mise en évidence. ● L’échographie abdominale confirme l’hépatomégalie, la splénomégalie et montre une hypertrophie des nœuds lymphatiques intra-abdominaux. ● L’échocardiographie révèle une cardiomégalie. ● Une ponction des nœuds lymphatiques poplité et axillaire gauche et un myélogramme sont réalisés. ● L’examen cytologique des différents prélèvements conduit au diagnostic d’un lymphome (photo 1). ●
DIAGNOSTIC Le chien présente un lymphome multicentrique avec une atteinte du foie et de la rate.
Petra Buck
Services de médecine et de chirurgie E.N.V.T. 23, chemin des Capelles 31067 Toulouse cedex 03
Objectif pédagogique Diagnostiquer et traiter le lymphome ganglionnaire chez le chien.
1 Lymphome de haut grade de malignité. Observation au microscope, grossissement x 1000 (photo C. Trumel, E.N.V.T.).
Motif de consultation ❚ Polyadénomégalie
La moelle osseuse est infiltrée mais aucun syndrome paranéoplasique n’est présent. Il s’agit donc d’un lymphome de haut grade de malignité, de stade 5a avec un pronostic très réservé. TRAITEMENT ● Le propriétaire souhaite allonger la durée de survie de son animal et accepte une chimiothérapie palliative. Un protocole de type C.O.P.L.A. (cyclophosphamide, Oncovin®*, prednisone, L-asparaginase, Adriblastine®*) est alors mis en place (encadré). ● Le 1er jour, J, une injection intramusculaire de L-asparaginase à 400 UI/kg est réalisée et le traitement journalier à base de prednisone à 1 mg/kg matin et soir est initié. ● J + 1 : une diminution de taille des nœuds lymphatiques est notée. L’animal est hospitalisé pour surveiller l’apparition d’un éventuel syndrome de lyse tumorale. Le chien présente une diarrhée avec méléna et vomissements. Aussi, la corticothérapie est suspendue une semaine et un traitement symptomatique à base de métoclopramide a 0,5 mg/kg en deux prises et de misoprostol à 5 g/kg/j en trois prises est mis en place. ● Au début de la 2 e semaine, la taille des nœuds lymphatiques a diminué de façon significative. La rate reste hypertrophiée. L’hémogramme ne révèle aucune anomalie, la 1re injection intraveineuse de vincristine à la dose de 0,75 mg/m2 est donc effectuée. La corticothérapie est recommencée, associée à l’administration de métoclopramide et de misoprostol.
depuis deux mois.
❚ Hématurie depuis trois jours.
Hypothèses diagnostiques ❚ Lymphome ; ❚ Leishmaniose.
Essentiel ❚ Le bilan d’extension comprend un hémogramme, un bilan biochimique, une analyse d’urines, une radiographie thoracique et abdominale et une échographie abdominale si besoin.
NOTE * Spécialité humaine.
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CANINE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 131
observation clinique une tumeur mammaire
chez une chatte
Sandrine Macchi Clinique vétérinaire Racine 1, allée Racine 44470 Carquefou
Un protocole de chimiothérapie anticancéreuse adjuvante à la chirurgie est proposé avec cette observation de tumeur mammaire chez une chatte de douze ans.
Objectif pédagogique
U
Motif de la consultation
ne chatte européenne à poils longs, âgée de douze ans et stérilisée tardivement est présentée à la consultation en raison de l’apparition d’une masse mammaire, située à gauche sur M4, et qui mesure 1,4 x 0,8 cm. L’état général de l’animal est excellent, aucune anomalie n’est décelée à l’examen clinique (photo 1). La masse est unique, ferme, non adhérente aux plans profonds et non ulcérée. BILAN D’EXTENSION Un bilan d’extension minutieux est réalisé. Il comprend la palpation des nœuds lymphatiques inguinaux superficiels qui ne semblent pas modifiés, et la réalisation de radiographies thoraciques (deux profils) pour la recherche de métastases à distance. Cellesci se localisent de préférence dans le tissu pulmonaire. ● Sur les clichés radiographiques, on recherche une modification de densité du parenchyme pulmonaire de type interstitiel à miliaire, plutôt que des images nodulaires mises en évidence lors de métastases de tumeurs mammaires chez la chienne. Aucune anomalie n’est décelée sur les clichés de cet animal. ●
TRAITEMENT CHIRURGICAL ET ANALYSE HISTOLOGIQUE L’exérèse chirurgicale de la chaîne complète à gauche et du ganglion inguinal de ce même côté est réalisée sans incident. La pièce d’exérèse est envoyée au laboratoire anatomo-pathologique vétérinaire. ● L’analyse histologique révèle la présence d’un adénocarcinome infiltrant. Il existe, de plus, des images d’embolisation vasculaire et d’implantation métastatique au sein du nœud lymphatique inguinal. ● Le stade clinique de la maladie est évalué ●
Proposer un traitement lors de tumeur mammaire maligne chez la chatte.
❚ Présence d’une masse mammaire. 1 Chatte européenne de 12 ans présentée à la consultation (photo S. Macchi).
selon la classification TNM (Owen, O M S , 1980, simplifiée par Mc Even et Withrow, 1996) : il s’agit d’un stade T1N1M0 : - T1 : tumeur de taille inférieure à 2 cm ; - N1 : métastases présentes à l’examen histologique du nœud lymphatique ; - M0 : pas de métastase à distance. PRONOSTIC Le pronostic des tumeurs mammaires chez la chatte est mauvais dans 75 à 90 p. cent des cas, selon les auteurs. ● Les différents facteurs pronostiques sont : - la taille de la tumeur ; - la présence ou non de métastases dans les noeuds lymphatiques ; - la présence ou non de métastases à distance (tableau 1). ●
TRAITEMENT ADJUVANT Devant le mauvais pronostic de la tumeur et afin de prolonger dans les meilleures conditions possibles la vie de la chatte, une chimiothérapie palliative est proposée aux propriétaires.
●
Hypothèses diagnostiques ❚ Tumeur mammaire maligne : adénocarcinome (80 p. cent des cas), sarcome, carcinome muqueux. ❚ Tumeur mammaire bénigne (plus rare) : papillome canalaire, adénome.
Essentiel ❚ Le pronostic des tumeurs mammaires chez la chatte est mauvais dans 75 à 90 p. cent des cas. ❚ Chez le chat, la doxorubicine a surtout une toxicité rénale.
Indications de la chimiothérapie
- Lors de bilan d’extension positif, quelle que soit la nature de la tumeur. - Dans tous les cas de tumeurs malignes, soit dans 75 à 90 p. cent des cas.
NOTE * Spécialité humaine
On utilise de l’Adriamycine®* (doxorubicine) à la posologie de 25 mg/m2 toutes les trois semaines (encadré). ● La toxicité de cette molécule est essentiellement rénale chez le chat. Cette fonction doit
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FÉLINE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 135
la nutrition du chien et du chat
Géraldine Blanchard Bernard Paragon
cancéreux
L’alimentation du chien ou du chat cancéreux doit permettre de lutter contre les effets indésirables du cancer, et contre ceux engendrés par les traitements. Elle permet également de soutenir l’animal, qui peut souffrir d’affections organiques, telles qu’une insuffisance rénale. Cet article fait le point sur les connaissances actuelles chez le chien et le chat, et propose des solutions pratiques.
L
a nutrition du patient cancéreux peut être abordée dans deux directions différentes, par deux questions.
1. L’alimentation peut-elle induire ou prévenir un cancer ? À quelques exceptions près, même s’il est tentant de transposer des données épidémiologiques acquises dans l’espèce humaine, il n’existe pas de réponse simple à la première question, en l’état actuel des connaissances chez le chien et le chat (encadré 1).
2. L’alimentation peut-elle aider l’animal cancéreux à vivre avec son cancer et/ou à supporter son traitement ? ● À l’exception du lymphome chez le chien, les informations d’ordre nutritionnel manquent pour répondre par type de cancer [8]. En fonction des cas, les effets métaboliques peuvent varier, et la réponse nutritionnelle la plus adaptée est rarement connue. ● Les principaux troubles induits par le traitement médical du cancer sont l’anorexie et les troubles digestifs, notamment les vomissements et la diarrhée. Le choix d’un aliment et la façon de le distribuer prend toute son importance (fiche conduite à tenir ci-après). ● Cet article décrit les moyens de lutte contre ces principaux troubles et les réponses pratiques aux besoins spécifiques de l’animal cancéreux : - par l’adaptation du niveau alimentaire, c’est-à-dire de l’apport énergétique ; - de l’équilibre alimentaire par les apports
U.P. de Nutrition 7 avenue du Général de Gaulle E.N.V.A. 94704 Maisons Alfort cedex
Objectif pédagogique Savoir nourrir un animal cancéreux.
1
Essentiel
Ce chat pèse 3,1 kg (son poids optimal est de 4 kg). Il est atteint d'un chondrosarcome sur le fémur gauche. Il est amaigri et son appétit est diminué ; sa fonction rénale est normale. Il a besoin d’un apport calorique correspondant à son poids objectif par paliers de 20% (PV=3,1 +20% = 3,8 kg x 70 kcal/kgPV = 266 kcalEM/j), d’une alimentation de densité énergétique et de ratio protido-calorique élevés. Afin d'améliorer son état en prévision d'un chirurgie, il lui a été proposé un aliment humide en boîte (Hill's Maintenance, 200g/j) + 1 cuil. à café d'huile de colza + 1 crevette rose par jour, soit 263 kcal avec un RPC=97 g prot/McalEM (photo G. Blanchard).
❚ Parmi les troubles induits par le traitement médical du cancer, les principaux sont l’anorexie et les troubles digestifs, notamment les vomissements et la diarrhée.
en protéines et en acides gras essentiels, et en minéraux, vitamines et oligo-éléments. ● Au-delà des effets courants du cancer ou de son traitement, les effets spécifiques peuvent compliquer le tableau clinique. Les situations les plus problématiques sont brièvement abordées.
Encadré 1 – Alimentation, castration et tumeurs mammaires chez la chienne
❚ Le risque de tumeur mammaire diminue si la chienne est ovariectomisée avant l’âge de deux ans et demi. ❚ Les chiennes qui souffrent d’obésité juvénile présentent un risque plus important de développer des tumeurs mammaires, quel que soit l’âge auquel est pratiquée la castration.
L’étude de Sonnenschein et al. menée sur 150 chiens a montré une énorme diminution du risque de tumeur mammaire chez les chiennes ovariectomisées avant l’âge de deux ans et demi [17]. ● Néanmoins, une nuance existe en fonction de l’état corporel de la chienne jeune. Quel que soit l’âge de la gonadectomie, les chiennes minces lorsqu’elles étaient jeunes (à moins de 12 mois d’âge), ont un risque moindre de développer des tumeurs mammaires, comparé à celles qui souffrent ou qui ont souffert d’obésité juvénile. ● Même si l’explication du lien entre l’obésité juvénile et le risque de tumeur mammaire n’est pas clairement explicité, une première conclusion peut être de conseiller aux propriétaires de chiennes de maîtriser l’alimentation énergétique durant la croissance, afin d’éviter l’obésité juvénile. ●
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RUBRIQUE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 139
principe actif
la doxorubicine
L
a doxorubicine fait partie des médicaments antinéoplasiques les plus utilisés en médecine vétérinaire. Cette molécule présente un spectre antitumoral très large. Toutefois, ses effets cytotoxiques et cardiotoxiques en imposent une utilisation rationnelle, afin de maîtriser au mieux ses effets secondaires. PHARMACOLOGIE Pharmacocinétique
● La doxorubicine n’est administrée que par voie intra-veineuse. Elle présente une distribution tissulaire importante, suivie d’un relargage progressif. Jusqu’à dix minutes après la fin de l’injection, la molécule se distribue rapidement dans le foie, les poumons, le cœur, les reins et la rate, avant de se redistribuer pendant environ trois heures. ● La doxorubicine entre dans les cellules grâce à un transporteur membranaire passif. Certains types de résistance à ces agents antinéoplasiques sont liés à l’expression d’un gène appelé MDR1 (multiple drug resistance 1), qui code pour une glycoprotéine P responsable de l’extrusion active de la molécule vers l’extérieur de la cellule. ● Au niveau hépatique, la molécule subit un métabolisme intense, avec une réduction et une hydrolyse des substituants du noyau. La doxorubicine, ainsi que ses métabolites actifs (doxorubicinol) ou inactifs, subissent
PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES
une élimination principalement biliaire. La molécule présente une concentration sanguine décroissante jusqu’à 30 heures après l’administration.
Unité de Pharmacologie et Toxicologie E.N.V.N. - Atlanpole, La Chantrerie, BP 40706 44307 Nantes cedex 03
●
Pharmacodynamie
Classe pharmacologique
Mode d’action
Trois actions majeures ont été mises en évidence dans l’activité cytotoxique et antinéoplasique des anthracyclines. Elles consistent en : - une liaison de forte affinité avec l’ADN par une intercalation entre des paires de bases de brins adjacents, qui induit le blocage de la synthèse de l’ADN et de l’ARN, ainsi qu’une coupure du brin d’ADN par interaction directe avec la topo-isomérase II de l’ADN ; - une liaison aux membranes, qui modifie leur fluidité et leurs échanges ioniques ; - la production intracellulaire d’un radical libre semi-quinonique, à l’origine de la formation de radicaux libres hautement cytotoxiques tels que le superoxyde. ● La doxorubicine est active sur toutes les phases du cycle cellulaire, avec toutefois une efficacité maximale pendant la phase S (synthèse de l’ADN pour sa réplication).
- Antibiotique antinéoplasique
Effets secondaires toxiques
Essentiel
Toxicité aiguë
❚ La doxorubicine est un antitumoral à spectre large, très employé en traitement de maintenance. ❚ La doxorubicine doit être administrée en injection intraveineuse stricte et lente. ❚ Il convient d’exercer une surveillance étroite, notamment de la fonction cardiaque.
●
La doxorubicine est anaphylactogène. Elle est donc à l’origine de chocs de type histaminique et de troubles du rythme cardiaque. ●
Figure - Structure de la doxorubicine
Dénomination chimique : 10-((3-Amino-2,3,6-trideoxy-alpha-L-lyso-hexo pyranosyl)oxy)-7,8,9,10-tétrahydro-6,8,11-tri hydroxy-8-(hydroxyacetyl)-1-méthoxy-5,12naphthacénédione. ● Dénomination commune internationale : Doxorubicine. ● Synonymes : Adriamycine, adriblastine. ●
Caractéristiques La doxorubicine est un composé antibiotique d’origine naturelle (extrait de Streptomyces peucetius, variété caesius), qui appartient à la famille des anthracyclines (structures de type tétracycline substituées par un sucre, le daunosamine). - Deux autres dérivés, d’intérêt clinique moindre,
Jean-Claude Desfontis Marc Gogny
Indications ❚ Les indications principales sont le traitement : - des lymphomes ; - des leucémies lymphocytaires et granulocytaires ; - des sarcomes ; - des carcinomes.
existent dans cette famille, la daunorubicine et la mitoxantrone (dérivé semi-synthétique). - Malgré sa structure polycyclique, la doxorubicine présente une bonne hydrosolubilité, qui interdit son administration par voie orale, et qui limite fortement son passage de la barrière hématoméningée.
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RUBRIQUE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 145
immunologie Séverine Boullier
l’immunité anti-tumorale Le développement de cytokines recombinantes spécifiques du chien et du chat ouvre de nouvelles possibilités d’immunothérapie anti-cancéreuse.
L
’objectif de cet article est de présenter les principales caractéristiques de la réponse immunitaire anti-tumorale, et les applications qui en découlent dans le traitement des cancers. LA CELLULE CANCÉREUSE : COMMENT EST-ELLE RECONNUE PAR LE SYSTÈME IMMUNITAIRE ?
● Pour schématiser, une cellule cancéreuse est une cellule de l’organisme dont la prolifération n’est plus contrôlée. Elle peut rester dans son tissu d’origine ou coloniser d’autres territoires. ● Le système immunitaire, dont le rôle est de défendre l’organisme contre les intrusions d’agents étrangers potentiellement pathogènes, sait reconnaître le soi du non soi. Les cellules tumorales, qui sont des cellules du soi, ne devraient donc pas être reconnues par le système immunitaire. Pourtant, des cellules cancéreuses apparaissent chaque jour dans l’organisme et sont très rapidement éliminées par le système immunitaire. ● Les cellules cancéreuses expriment des antigènes (Ag), reconnus par l’organisme, qui induisent une réponse spécifique. Ces antigènes sont classés en différentes ca-
tégories (encadré 1). ● La perte de fonctionnalité de la cellule cancéreuse a peu d’impact sur sa reconnaissance par le système immunitaire, mais la perte de l’expression des antigènes du CMH-I a des conséquences importantes sur la réponse anti-tumorale.
Objectif pédagogique Comprendre comment le système immunitaire reconnaît une cellule cancéreuse.
LA RÉPONSE ANTI-TUMORALE ● Le but de la réponse anti-tumorale est l’élimination des cellules cancéreuses. La réponse efficace est une réponse à médiation cellulaire de type Th-1. Pour que le système immunitaire développe cette réponse, il est indispensable qu’il reconnaisse les cellules cancéreuses comme des cellules du non soi et qu’il ait accès aux antigènes tumoraux - quand ils existent. ● Les cellules-clefs de la réponse anti-tumorale sont les cellules dendritiques. Ce sont des cellules présentatrices de l’antigène “professionnelles”, localisées dans tous les tissus. Sous leur forme tissulaire, ces cellules sont immatures. Elles ont des capacités de macro-pinocytose des antigènes libérés dans les tissus. ● Le mécanisme de la réponse anti-tumorale se décline en plusieurs temps : 1. les cellules dendritiques phagocytent les Ags tumoraux, ce qui provoque leur maturation ; 2. elles migrent alors dans le ganglion qui draine la zone atteinte, où elles présentent les peptides tumoraux à leur surface, en association avec le CMH-II mais aussi avec le CMH-I ;
Encadré 1 - Les différents antigènes exprimés par les cellules cancéreuses Les antigènes exprimés par les cellules cancéreuses sont : - les antigènes fœtaux, qui ne sont normalement plus exprimés par les cellules de l’organisme après la naissance. La réapparition de ces Ags fœtaux sur les cellules tumorales est le témoin de leur dédifférenciation ; - les antigènes spécifiques des tumeurs, qui sont soit des protéines normales modifiées par mutation de leur gène dans les cellules cancéreuses, soit des protéines oncogènes (impliquées dans le processus de cancérisation) ; - les antigènes du soi, exprimés par toutes les cellules mais dont l’expression est incontrôlée dans les cellules tumorales. Ce sont souvent des ●
Service de Microbiologie Immunologie E.N.V.T. 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 3
protéines spécifiques du tissu d’origine de la tumeur ; - certains antigènes liés à un virus sont exprimés à la surface des cellules transformées lorsque la cancérisation a été induite par un agent infectieux, en particulier par des virus oncogènes*. ● Certaines cellules tumorales sont également caractérisées par la perte de l’expression d’antigènes de surface, comme les antigènes de groupe sanguin, les antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité de classe 1 (CMH-I) et des antigènes liés à la fonction initiale de la cellule (par exemple, les cellules carcinomateuses du colon ne produisent plus de mucus).
NOTE * C’est le cas par exemple des lymphosarcomes dus au FeLV chez le chat : ce rétrovirus oncogène est capable de provoquer une transformation maligne des lymphocytes périphériques. Ceux-ci expriment alors à leur surface un antigène révélateur de la transformation virale, le FOCMA.
Essentiel ❚ Les cellules tumorales sont caractérisées par l’expression d’antigènes spécifiques,et par la perte de l’expression de certains antigènes de surface. ❚ Les cellules-clé de la réponse immunitaire anti-tumorale sont les cellules dendritiques. ❚ Le mécanisme de la réponse anti-tumorale se décline en plusieurs temps : - phagocytose des Ags tumoraux par les cellules dendritiques ; - mise en place d’une réponse cytotoxique et d’une réponse humorale.
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RUBRIQUE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 147
Texte : Séverine Boullier Dessin : Frédéric Mahé Chef ! Les cellules dendritiques nous apportent l’antigène !
Un matin, dans le ganglion inguinal droit… Chef CD4 ! Des attentats terroristes ! C’est une tumeur, à tous les coups ! Nos Natural Killers sont débordés ! Je fais un peu d’interféron Gamma, et j’appelle les renforts !
Alerte ! Alerte ! Sont convoqués immédiatement : les macrophages, les CD8 et les Lymphocytes B !
Pendant ce temps, aux abords de la tumeur… Les cellules néoplasiques se sont fortifiées.
R e n de z - vo u s ! Plutôt crever !
Derrière la cellule dendritique, nos lecteurs auront reconnu sans peine une des Cellules Présentatrices de l’Antigène, ou C PA (voir n°5 et 6)
Les troupes sont sur le qui-vive… Chef, ils sont armés de Transforming Growth Factor (TGF) Bêta ! …et d’interleukine 10!
Les salauds ! Des armes chimiques ! Ces molécules perturbent en effet les dendrocytes et empêchent la maturation des NK et des macrophages.
Les NK ont beau larguer leurs granules cytotoxiques, la résistance est dure.
Aaargh
Poum !
Poum !
Ah les chiens, ils nous bombardent !
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2003 - 69
le rôle du praticien dans la décision médicale en cancérologie
L’abord du propriétaire d’un animal cancéreux ne peut s’affranchir de l’effet que suscite l’annonce du diagnostic. De plus, l’attitude du soignant face au cancer est entachée de craintes et de réticences. Or, son pouvoir dans la décision thérapeutique est essentiel. Il est nécessaire que le praticien s’interroge sur les considérations éthiques qui président au choix de traiter ou de s’abstenir. Entre l’abstention et l’acharnement, comment rationaliser les choix thérapeutiques ? La décision médicale est donc soumise à différents facteurs, plus ou moins avoués.
D
e nombreuses maladies ont en commun une issue fatale et inéluctable (insuffisance rénale chronique, insuffisance cardiaque, …). Parmi les maladies chroniques, le cancer a une connotation particulière. “Cancer : tumeur qui peut se développer dans tous les tissus du corps, qui souvent s’ulcère et ronge les parties et qui, souvent aussi, enlevée ou détruite, repullule” (Littré). Cette définition fort ancienne met à jour les répulsions et les craintes suscitées par la maladie cancéreuse. Le mot "cancer" renvoie à la mort inéluctable après une "longue maladie", à la souffrance, à d’intolérables effets secondaires qui accompagnent les traitements. ● Dans la pratique vétérinaire, la cancérologie tient une place particulière, encore marginale. L’abord thérapeutique du cancer est empreint de trop de réticences. Il bénéficie pourtant d’avancées thérapeutiques considérables : les protocoles thérapeutiques sont mieux codifiés, leurs effets sont connus et maîtrisés, les résultats attendus peuvent être consultés dans des ouvrages de référence. ● Or, la maladie cancéreuse n’est-elle pas
une maladie comme une autre, qui suppose un diagnostic précis et appelle un traitement ? Le vétérinaire éprouve bien souvent une gêne forte face au traitement du cancer. Il dispose pourtant de plusieurs techniques, d’utilisation souvent conjointe : chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie. Il a la possibilité d’intervenir lui-même dans le domaine chirurgical et médical. La radiothérapie est dévolue à un centre spécialisé. En pratique, il est frappant de constater que le geste chirurgical, aussi invasif soit-il, est bien plus facilement et souvent proposé que les autres options thérapeutiques. Le recours à la chirurgie, s’il est souvent nécessaire, n’est pas toujours le traitement de choix et bien souvent l’exérèse, pour être efficace, mérite d’être intégrée à une stratégie thérapeutique qui allie plusieurs techniques. En outre, le choix d’intervenir prend en compte la nature tumorale, et surtout le bilan d’extension du processus cancéreux. Ainsi, une intervention pratiquée sur un animal porteur de métastases ne se justifie pas.
Colette Arpaillange Service de médecine E.N.V.N. Atlanpole la Chantrerie BP 40706 44307 Nantes cedex 03
Objectif pédagogique Analyser les facteurs qui influencent la décision médicale en cancérologie.
LE COÛT DES TRAITEMENTS DOIT-IL INFLUENCER LA DÉCISION ? ● Le financement des soins est à la charge du propriétaire : la décision d’investir dans la santé de son animal lui appartient donc entièrement. Les traitements anti-cancéreux représentent un coût non négligeable, et il est impératif d'en informer le propriétaire au préalable. Autant cette donnée économique peut influencer sa décision, autant elle ne saurait influencer celle du praticien libéral, qui “vend” sa compétence technique et son savoir. ● La pratique de la cancérologie vétérinaire ne nécessite aucun investissement matériel et les coûts engendrés par les traitements sont automatiquement répercutés sur le client.
Essentiel ❚ Les traitements anti-cancéreux représentent un coût non négligeable : il est impératif d’en informer le propriétaire au préalable.
❚ La pratique de la cancérologie ne nécessite aucun investissement matériel et les coûts engendrés par les traitements sont automatiquement répercutés sur le client.
LES CONTRAINTES TECHNIQUES La chimiothérapie est souvent considérée comme une technique lourde et contraignante. Elle n'exige pourtant que la mise en place d’une voie veineuse pour les injections (cf. Les anti-mitotiques, par S. Macchi, dans ce numéro). Ce geste technique banal est ●
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vendre une chimiothérapie comment convaincre ?
Obtenir l’accord du propriétaire de l’animal malade est impératif avant toute chimiothérapie. Comme tous les soins lourds, les protocoles anticancéreux provoquent méfiance et crainte. Le praticien doit avant de les mettre en œuvre obtenir l’adhésion de son client.
L
’adhésion du client passe obligatoirement par un entretien avec le propriétaire de l’animal afin de lui exposer les objectifs et les conditions de la chimiothérapie. ● Cet entretien doit se dérouler en consultation, sur rendez-vous, et non au téléphone ou au comptoir entre deux consultations. ● Son but est d’obtenir la compréhension et l’adhésion du proprétaire à la chimiothérapie. ● En aucun cas, une chimiothérapie ne peut être entreprise “à tout prix” et ce, même si le cas de l’animal en est une parfaite indication. ● Toute décision prise en contradiction avec le propriétaire se solde soit par un échec clinique – le propriétaire ne suit pas correctement le protocole –, soit par une insatisfaction du client – le résultat, même s’il est correct sur le plan médical, le déçoit ou le mécontente. DE NOMBREUX BLOCAGES À LEVER Lorsque le praticien souhaite mettre en place une chimiothérapie, il se heurte à de nombreuses objections : le prix, les effets secondaires, ... Le prix De nombreux propriétaires pensent que la chimiothérapie coûte cher. Il est vrai que certaines molécules sont assez onéreuses (par exemple, le carboplatine a un prix d’achat de 250 € pour un chien de 30 kg) mais le coût annuel de quelques protocoles (1500 € pour un protocole de polychimiothérapie de lymphome) n’est pas supérieur à celui de certains actes chirurgicaux.
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Didier Lanore
Clinique vétérinaire de la Rivière 1, rue Pierre Loti 31830 Plaisance du Touch
Objectif pédagogique Obtenir le consentement éclairé du propriétaire d’un animal qui a besoin d’une chimiothérapie.
1 Le praticien est d’autant plus convaincu qu’il est informé et bien formé. Il expose ainsi à son client à l’aide de chiffres, les bénéfices attendus de la chimiothérapie (augmentation des temps de survie, amélioration de la qualité de vie) et les risques inhérents au traitement (photo C. Arpaillange).
Encadré - Les six étapes de l’entretien avec le propriétaire de l’animal Au cours de l’entretien, qui dure au minimum un quart d’heure, six étapes doivent impérativement être respectées : 1. accepter de parler d’argent ; 2. être convaincu pour être convaincant ; 3. démystifier la chimiothérapie ; 4. s’adapter au propriétaire ; 5. imposer un délai de réflexion ; 6. accepter la décision du propriétaire.
Essentiel ❚ Une chimiothérapie ne peut être entreprise sans l’accord du propriétaire et ce, même si le cas de l’animal en est une parfaite indication.
❚ L’entretien préalable avec le propriétaire de l’animal dure un quart d’heure au moins, et fait l’objet d’une consultation sur rendez-vous.
De plus, le coût se répartit généralement sur plusieurs mois, à la différence de l’acte chirurgical, qui est ponctuel.
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Les effets secondaires ● Dans l’esprit de nombreux propriétaires, la chimiothérapie est associée à des effets secondaires ou indésirables fréquents et pénibles, ainsi qu’à la notion d’échec. Cela tient en grande partie à l’expérience qu’ils ont de la cancérologie humaine. Ils ont tous à l’esprit le souvenir d’un "acharnement thérapeutique", qui s’est soldé par le décès du patient. ● Il est absolument nécessaire de lutter contre cette image : par exemple, la chimiothérapie n’engendre aucune douleur.
Une efficacité “invisible” Une autre difficulté importante concerne la chimiothérapie adjuvante à un acte chirurgical. ● Dans le cas d’une tumeur retirée chirurgicalement, puis traitée au moyen d’un proto-
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Fiche-action
l’A.S.V. et le suivi de l’animal cancéreux
Sophie Verhelst École des Établières Route de Nantes 85015 La Roche-sur-Yon cedex
Objectif pédagogique
Entre autres fonctions, l'A.S.V. accueille et écoute les clients. Cette écoute est particulièrement importante dans le cas du suivi des animaux atteints d'affections graves, qui nécessitent des soins répétés, contraignants, et un suivi individualisé.
Prendre en charge le confort des animaux cancéreux et aider et rassurer leurs propriétaires.
L
e vétérinaire est le spécialiste de la santé animale : c'est à lui que revient le diagnostic, le pronostic, les propositions de traitement, ainsi que l'évaluation du coût des actes à réaliser. L'A.S.V. doit l’accompagner dans cette technicité. Toutefois, son rôle va au-delà. LA GESTION PRATIQUE La gestion du dossier
❚ Outre l’accueil et l’écoute du client, l’ASV assure un rôle essentiel pour la gestion du dossier médical, la gestion du temps et des consommables. ❚ Lors de chaque visite, il convient d’enregistrer le poids de l’animal cancéreux dans son dossier. ❚ Vérifier, lors de la prise du rendez-vous pour une chimiothérapie, que le propriétaire, ou la clinique est bien en possession des médicaments prescrits, et ce en quantité suffisante. ❚ Contrôler en permanence que l'injection se fait par voie intraveineuse stricte.
La gestion du temps La gestion du temps se pratique à la semaine et à la journée. ● Au cours de la semaine : de préférence, l’ASV fixe les rendez-vous de chimiothérapie en début de semaine : les effets secondaires, quand ils existent, surviennent dans les jours
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L'A.S.V. veille à ce que le dossier de chaque animal soit complété à chaque visite, que les différents éléments soient correctement archivés et accessibles à tout moment. ● En effet, le diagnostic et le suivi d’un cancer repose sur des examens complémentaires : - le diagnostic de la tumeur initiale (résultat histologique) ; - le bilan d'extension (en règle générale imagerie médicale : radiographie, échographie, scanner) ; - le bilan de santé (examens sanguins, électrocardiographie, échographie) ; - le suivi des traitements (examens sanguins, imagerie médicale, électrocardiographie). ● Lors de chaque visite, il convient d’enregistrer le poids de l’animal cancéreux dans son dossier. C'est un critère chiffré important pour le suivi de l'évolution de son état de santé, et un élément déterminant dans l'application des traitements. ●
Gestion
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Inflammation et nécrose cutanée suite à la diffusion péri-veineuse d'Adriblastine® chez un chat. Ces lésions, douloureuses et étendues ont nécessité des semaines de traitement local, et le port permanent d'une collerette par ce chat (photo S. Verhelst).
qui suivent le traitement. ● Au cours de la journée : prévoir le temps suffisant pour les différents actes à réaliser et définir qui fait quoi : - quel vétérinaire pose le cathéter ? - le client reste-t-il au chevet de son animal pour surveiller les perfusions ? - quel vétérinaire au sein du cabinet pratique les examens complémentaires ? ● Au cours du protocole : chaque molécule a un mode d'administration particulier, qui impose des contraintes de temps (par exemple, administration par voie I.V. lente, parfois précédée d'une perfusion). Lors de polychimiothérapie (utilisation conjointe de plusieurs produits), certains produits doivent pouvoir être administrés dans un délai précis, les uns après les autres. La gestion des consommables ● Il n'existe pas de médicaments anticancéreux spécifiquement vétérinaires. Les produits utilisés sont des médicaments à usage humain, obtenus sur prescription, auprès des pharmacies. ● Il est indispensable que l'A.S.V. vérifie, lors de la prise de rendez-vous, que le propriétaire ou la clinique est bien en possession des médicaments prescrits, et ce en quantité suffisante.