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N°13 JUIN JUILLET 2003

LES PERTES DE TRANSPARENCE DE LA CORNÉE Conduite à tenir, fiches pratiques : - L’examen de la cornée - Fiche matériel - Diagnostic différentiel des kératites chroniques - Conduite à tenir face à un œdème cornéen - Conduite à tenir face à un dépôt lipidique - Les affections héréditaires

Observations : - Épisclérokératite granulomateuse nodulaire - Kératoconjonctivite sèche associée à une paralysie faciale

Féline - Conduite à tenir face aux kératites herpétiques

DOSSIER :

LES PERTES DE TRANSPARENCE DE LA CORNÉE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT Les pertes de transparence de la cornée sont un motif majeur de consultation dans la pratique quotidienne du vétérinaire généraliste comme du spécialiste ...

Management et entreprise

Dossier - La fidélisation des clients : Témoignage - Sandrine Macchi

“valoriser et reconnaître l’apport du salarié”

Tribune - Les vétérinairaires salariés et les ASV deviennent des acteurs de premier plan ...

REVUE DE FORMATION CONTINUE À COMITÉ DE LECTURE

Observation : - Opacification de la cornée et séquestre cornéen

Rubriques - Nutrition : intérêt des compléments nutritionnels en dermatologie - Principe actif : l’acide fusidique - Comportement : évaluer l’agressivité d’un chien à l’arrivée d’un bébé - Immunologie et le B.A. BA en BD : les particularités de l’œil

Fiches action : - Motiver son personnel - Le recrutement d’une A.S.V. : comment éviter les pièges


sommaire Éditorial par Olivier Jongh Test clinique : Une paralysie flasque de la mandibule Olivier Stiévenart, Claude Carozzo réponses page 81 Questions-réponses sur les affections de la cornée chez le chien et le chat Jean-Pierre Jégou

5 4 6

JUIN JUILLET 2003

DOSSIER

CANINE L’examen de la cornée lors des pertes de transparence : les étapes du diagnostic Olivier Jongh Fiche matériel - Comment s’équiper pour le diagnostic en ophtalmologie Pierre Maisonneuve Diagnostic différentiel des kératites chroniques chez le chien Hélène Arnold-Tavernier, Olivier Jongh Conduite à tenir face à un œdème cornéen chez le chien et le chat Pierre Maisonneuve, Olivier Jongh Conduite à tenir face à un dépôt lipidique cornéen chez le chien et le chat Frédéric Blouin Fiche - Les affections héréditaires de la cornée chez le chien et le chat Jean-Pierre Jégou Observations cliniques - Un cas d’épisclérokératite granulomateuse nodulaire chez un Bouledogue français Laurent Roche - Un cas de kératoconjonctivite sèche associée à une paralysie faciale chez un chien Tanguy Lefranc

N°13

LES PERTES DE TRANSPARENCE DE LA CORNÉE chez le chien et le chat

11 13 15 21 27 31

33 36

FÉLINE Conduite à tenir face aux kératites herpétiques chez le chat Éric Déan Observation clinique - Opacification de la cornée et séquestre cornéen chez le chat Valérie Meunier

39 47

RUBRIQUES Nutrition - Intérêt des compléments nutritionnels en dermatologie Géraldine Blanchard, Inès Esteves, Bernard Paragon Principe actif - L’acide fusidique Hervé Pouliquen Comportement - Évaluer l’agressivité d’un chien à l’arrivée d’un bébé Muriel Alnot Immunologie - Les particularités immunologiques de l’œil Séverine Boullier Le B.A.BA en BD - Les particularités immunologiques de l’œil Frédéric Mahé

53 57 60 63 65

MANAGEMENT ET ENTREPRISE Dossier - Fidélisation des clients : le rôle des ressources humaines Fabrice Labadie Témoignage - Entretien avec Sandrine Macchi, vétérinaire salariée Propos recueillis par Fabrice Labadie Tribune - “Nouveaux besoins, nouvelles façons d’appréhender la gestion quotidienne de la clinique” David Lussot, responsable marketing et technique animaux de compagnie, Intervet Fiche action 1 - Motiver son personnel Fiche-action 2 - Le recrutement d’une A.S.V. : éviter les pièges Test clinique - Les réponses Tests de formation continue - Les réponses

Souscription d’abonnement en page 82

69 71

CANINE 73 75 77 81 82

FÉLINE RUBRIQUE MANAGEMENT

3

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 163


NÉVA Europarc - 1, Allée des Rochers 94045 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 e-mail neva@neva.fr

Conseil scientifique

test clinique

une paralysie flasque de la mandibule

Gilles Bourdoiseau (E.N.V.L.) Jean-Luc Cadoré (E.N.V.L.) Dominique Fanuel (E.N.V.N.) Pascal Fayolle (E.N.V.A.) Marc Gogny (E.N.V.N.) Jean-François Guelfi (E.N.V.T.) Jean-Pierre Jégou (praticien) Roger Mellinger (praticien)

Olivier Stiévenart Claude Carozzo

Rédacteurs en chef

U

Colette Arpaillange (E.N.V.N.) Christophe Hugnet (praticien)

Rédacteur en chef management Philippe Baralon (Phylum)

Comité de rédaction Xavier Berthelot (reproduction, E.N.V.T.) Géraldine Blanchard (Alimentation - nutrition, E.N.V.A.) Corine Boucraut-Baralon (Diagnostic, E.N.V.T.) Florence Buronfosse (Toxicologie, E.N.V.L.) Luc Chabanne (Immunologie - Hématologie, E.N.V.L.) Bernard Clerc (Ophtalmologie, E.NV.A.) Valérie Chetboul (Cardiologie, E.N.V.A.) René Chermette (Parasitologie - mycologie, E.N.V.A.) Olivier Dossin (Médecine interne, néphrologie, E.N.V.T.) Valérie Dramard (Comportement, praticien) Olivier Jongh (Ophtalmologie, praticien) Fabrice Labadie (Management) Alain Fontbonne (Reproduction, E.N.V.A.) Alain Ganivet (Elevage et collectivité, praticien) Laurent Marescaux (Imagerie, E.N.V.N.) Jean-Louis Pellerin (Microbiologie, E.N.V.N.) Claude Petit (Pharmacie - toxicologie, E.N.V.T.) Patricia Ronsin (Reproduction, E.N.V.T.) Etienne Thiry (Virologie, Liège)

Publicité Maryvonne Barbaray Anne Quinton - Marie Servent

1 Parmi les hypothèses diagnostiques suivantes, laquelle retenez-vous ? a. une luxation temporo-mandibulaire ; b. une fracture mandibulaire ; c. une névrite bilatérale du trijumeau ; d. une affection du système nerveux central (rage, botulisme) ; e. une myosite des masticateurs.

NÉVA Europarc - 1, Allée des Rochers 94045 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 e-mail neva@ neva.fr

2 Un ou plusieurs examens complémentaires vous semblent-ils nécessaires ?

Chargées de mission rédaction Valérie Colombani Anne Quinton Abonnement et Promotion Marie Servent

Directeur de la publication

1 Chien atteint de paralysie mandibulaire (photos U.P. de chirurgie E.N.V.L.).

3 Quel est votre pronostic ?

Maryvonne Barbaray Revue bimestrielle éditée par LES NOUVELLES ÉDITIONS VÉTÉRINAIRES ET ALIMENTAIRES - NÉVA

4 Quelles options thérapeutiques proposez-vous ?

SARL au capital de 7622€ Siège social : Europarc - 1, Allée des Rochers 94045 CRÉTEIL CEDEX

comité de lecture

C.P.P.A.P 0702 T801 21 I.S.S.N. 0399-2519 Impression - photogravure : Imprimerie Nouvelle Normandie 24, rue Haëmers B.P. 14 - 76191 YVETOT Cedex

Toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de la présente publication sans autorisation est illicite et constitue une contrefaçon. L’autorisation de reproduire un article dans une autre publication doit être obtenue auprès de l’éditeur, NÉVA. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit de la copie (C.F.C.). LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 164 - JUIN / JUILLET 2003

Unité de Chirurgie et Anesthésiologie E.N.V.L. 1 Avenue Bourgelat , 69280 Marcy l’Étoile

n chien Briard mâle de trois ans est présenté avec une ptose mandibulaire associée à une anorexie et à une adipsie : la préhension des aliments et de l’eau lui est impossible (photo 1). Ces symptômes sont présents depuis quatre jours. L’examen de la cavité buccale révèle une sècheresse de la langue (photo 2). Le chien ne présente aucun ptyalisme. La sensibilité de la face est normale, la manipulation de la mandibule n’est pas douloureuse. Aucune résistance mécanique à l’ouverture ou à la fermeture de la gueule n’est observée. Le chien présente donc une paralysie flasque de la mandibule.

4

Hélène Arnold-Tavernier, Jean-François Bardet, Michel Baron, Jean-Jacques Bénet, Emmanuel Bensignor, Juliette Besso, Gérard Bosquet, Séverine Boullier, Vincent Boureau, Didier Boussarie, Stéphane Bertagnoli, Stéphane Bureau, Jean-Jacques Bynen, Claude Carozzo, Sylvie Chastant-Maillard, Claude Chauve,

Yan Cherel, Cécile Clercx (Liège), Jean-Pierre Cotard, Jack-Yves Deschamps, Pierre Desnoyers, Gilles Dupré, Patrick Devauchelle, Brigitte Enriquez, Pascal Fanuel, Frédéric Gaschen (Berne), Olivier Gauthier, Emmanuel Gaultier, Sébastien Géroult, Jean-Pierre Genevois, Isabelle Goy-Thollot, Laurent Guilbaud,

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La langue de ce chien est sèche.

Réponses à ce test page 81 Jacques Guillot, Philippe Hennet, Marc Henroteaux (Liège), Yves Legeay, Bertrand Losson (Liège), Leila Loukil, Sandrine Macchi, Lucile Martin-Dumon, Philippe Masse, Martine Mialot, Jean-Paul Mialot, Pierre Moissonnier, Patrick Pageat, Pierre Paillassou, Didier Pin, Xavier Pineau,

Luc Poisson, Jean-Louis Pouchelon, Pascal Prélaud, Nathalie Priymenko, Alain Régnier, Dan Rosenberg, Yannick Ruel, Yves Salmon, Odile Sénécat, Brigitte Siliart, Isabelle Testault, Jean-Jacques Thiébault, Bernard Toma, Patrick Verwaerde, Muriel Vabret, Isabelle Valin.


éditorial La transparence cornéenne : un remarquable exemple de perfection anatomique et physiologique

L

es mécanismes pathogéniques qui président au maintien de la transparence de la cornée sont longtemps restés mystérieux. La composition, à elle seule, ne suffit pas à expliquer cette transparence puisque la coque sclérale, structure proche de la cornée, est un tissu blanc dense et fibreux. L’agencement géométrique en réseau (le réseau de Maurice) des fibres de collagène dans le stroma explique, en partie, cette propriété. Le diamètre moyen de chaque fibre ainsi que la distance interfibrillaire sont constants. Le rayon lumineux traverse la cornée sans être totalement réfléchi : l’image se trouve reconstituée en arrière de ce réseau hexagonal homogène qui joue le rôle de grille diffraction (arguments optiques et physiques de la transparence). Il existe peu d’exemples dans l’organisme, en dehors de l’œil, où la régularité structurale est aussi remarquable ! L’intégrité des différentes couches cornéennes contribue au maintien de cette transparence. Si l’épithélium constitue une barrière imperméable, c’est à l’endothélium que revient la fonction prépondérante : véritable "chef d’orchestre" de la déturgescence stromale, il assure grâce à ses nombreuses pompes Na+/K+/ATPase, la régulation de l’hydratation permanente de la cornée, avec le maintien d’un taux de 78 p. cent d’eau au niveau du stroma extrêmement hydrophile. D’autres mécanismes, plus confidentiels, comme la production d’ions bicarbonates, par le biais de l’anhydrase carbonique, participent à la régulation osmotique des courants d’eau au travers de l’endothélium. Les différentes forces qui s’exercent sur la cornée, comme la pression intraoculaire, lui confèrent un état d’équilibre complexe. La cornée, en contact direct avec le milieu extérieur, est la partie la plus antérieure du globe oculaire. Le film lacrymal, considéré comme la 5e couche anatomique de la cornée, recouvre sa face antérieure alors que l’humeur aqueuse baigne sa face postérieure. Il doit être présent de façon homogène. Son renouvellement s’effectue à chaque clignement palpébral. Parmi les propriétés de la cornée (avascularité, brillance, régularité de surface), la transparence demeure, sans conteste, sa qualité essentielle. La comparaison - un peu simpliste - de ce tissu à une "fenêtre", à un "hublot" ou à la "vitre" de l’œil rend compte de sa fonction essentielle : laisser pénétrer la lumière dans l’œil et la réfracter vers le centre de la rétine. La cornée joue, à ce titre, le rôle de lentille convergente. Elle représente, bien avant le cristallin, l’élément principal du dioptre1 oculaire. Sa taille s’adapte au mode de vie de l’animal. Chez certains prédateurs nocturnes, la surface relative de la cornée est nettement supérieure par rapport à celle de l’espèce humaine : elle est de 30 p. cent chez le chat contre 17 p. cent environ chez l’Homme. Les moyens d’explorations complémentaires de la cornée ont nettement progressé en ophtalmologie humaine avec l’essor de la chirurgie réfractive2 et avec l’apparition d’instruments de plus en plus sophistiqués (et de plus en plus coûteux !) : microscope confocal3 et spéculaire4, pachymétrie ultrasonique5 et biomicroscope ultrasonore6,… En médecine vétérinaire, le biomicroscope portable, loupe binoculaire, équipé d’une lampe à fente qui permet de réaliser de véritables coupes optiques, reste incontournable et adapté aux contraintes financières de nos structures. Il s’inscrit logiquement dans l’examen sémiologique de la cornée mais exige un peu d’entraînement. LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE aborde dans ce Dossier Spécial le grand chapitre des pertes de transparence cornéenne. Pour trois raisons essentielles, c’est un motif majeur de consultation dans la pratique quotidienne du vétérinaire généraliste comme du spécialiste. À la différence des affections du segment postérieur, les lésions sont directement visibles pour le propriétaire qui, inquiet, apporte son animal en consultation. Elles sont une cause possible de baisse de la fonction visuelle, voire de cécité et sont susceptibles de provoquer de la douleur. La cornée est en effet un des tissus les plus innervés et les plus sensibles de l’organisme. Devant l’impossibilité d’aborder de façon exhaustive l’ensemble des affections concernées, le comité de rédaction a sélectionné un certain nombre de sujets résolument pratiques : l’œdème de cornée, les kératites chroniques, le séquestre cornéen, les dystrophies cornéennes, le traitement de la kératite herpétique. L’objectif est de vous aider à mieux aborder ce chapitre fondamental de l’ophtalmologie vétérinaire. ❒

Olivier Jongh Clinique vétérinaire 2, rue Jacques 69250 Neuville sur Saône Service d’ophtalmologie E.N.V.L 1, avenue Bourgelat 69280 Marcy l’Étoile

Glossaire 1. Dioptre : surface qui sépare deux milieux transparents, homogènes, d’indices différents. 2. Chirurgie réfractive : ensemble des techniques capables de modifier le pouvoir réfractif de l’œil (la réfraction étudie la déviation subie par les rayons lumineux qui traversent les différentes structures oculaires) dans le but de corriger les amétropies (l’image d’un objet situé à l’infini ne se forme pas sur la rétine). 3. Microscope confocal : permet la focalisation de la source lumineuse incidente et de la lumière réfléchie sur le même point focal. Le contraste et la résolution spatiale de l’image sont améliorés. 4. Microscope spéculaire : technique ultrastructurale d’examen des surfaces qui utilise leur propriété de réflexion de la lumière (étude histologique "in vivo" de l’endothélium). 5. Pachymétrie ultrasonique : mesure de l’épaisseur de la cornée grâce aux ultrasons. 6. Biomicroscope ultrasonore : biomicroscope couplé à un transducteur de haute résolution (20 à 50 MHz).

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 165


questions réponses sur…

les affections de la cornée chez le chien et le chat ■ Quelle doit être la conduite à tenir

Encadré 1 - Le mode d’action des produits caustiques sur la cornée ● Parmi les produits basiques, les plus redoutés sont l’ammoniaque, la soude caustique (produits à déboucher les canalisations) et la chaux (ciment ou plâtre). Les savons, les produits de lessive ou l’hydroxyde d’aluminium (explosifs ou feux d’artifice) sont également dangereux. ● Les produits d’entretien ménager et les shampoings à usage humain sont acides. ● La dangerosité des substances basiques résulte de leur grande facilité à se lier aux phospholipides membranaires des cellules cornéennes épithéliales, stromales et endothéliales. Elles désorganisent le collagène stromal et traversent la barrière cornéenne pour pénétrer rapidement dans l’œil. ● De graves lésions intraoculaires d’uvéite antérieure, de cataracte ou de glaucome secondaire peuvent s’associer à l’atteinte cornéenne. Les conjonctives, les glandes lacrymales ou leurs conduits sont souvent lésés, ce qui provoque une sècheresse oculaire parfois définitive. ● Les substances acides précipitent les protéines de la cornée superficielle, ce qui limite leur diffusion à travers la barrière cornéenne. Des ulcères cornéens superficiels apparaissent, tandis que les structures intraoculaires sont préservées.

réponses de Jean-Pierre Jégou Clinique d’ophtalmologie vétérinaire 39, rue Rouelle 75015 Paris

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 166 - JUIN / JUILLET 2003

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d’urgence lors de la projection d’un caustique sur l’œil ? ● Rincer aussitôt l’œil à grande eau : c’est le premier geste à conseiller au propriétaire ou aux personnes témoins de l’accident, lors de projection d’un caustique sur l’œil. L’idéal est d’intervenir avec une solution de lavage oculaire stérile salée. Dans l’urgence, l’œil de l’animal peut être maintenu ouvert sous un flux d’eau du robinet, à l’aide d’un pommeau de douche. Selon la nature du produit et la quantité projetée, ce rinçage peut être prolongé plus d’un quart d’heure. ● L’animal est ensuite adressé au vétérinaire, qui réalise le rinçage oculaire s’il n’a pas été fait. Le praticien complète le lavage par un nettoyage des culs-de-sac conjonctivaux, y compris derrière la membrane nictitante. La manœuvre est facilitée par l’instillation d’un anesthésique de surface et/ou d’atropine collyre. Ces deux produits doivent être utilisés de façon ponctuelle car les anesthésiques de surface présentent une toxicité pour l’épithélium cornéen lors d’instillations répétées et l’atropine peut aggraver une sécheresse oculaire déjà installée. ■ Quels sont les signes cliniques lors de brûlure de la cornée, les traitements et l’évolution des lésions ? ● Lors de brûlure chimique de la cornée, les signes cliniques de douleur oculaire avec blépharospasme et photophobie, d’hyperhémie conjonctivale, d’œdème cornéen, d’opacité et/ou d’ulcération cornéenne sont d’installation rapide. L’intensité des symptômes oculaires et l’étendue des lésions de la cornée sont variables en fonction de la quantité de produit projetée et de sa nature : les bases sont plus toxiques que les acides (encadré 1). ● Le traitement médical et/ou chirurgical des brûlures oculaires dépend de la gravité du cas : pour les cas les plus graves, les règles du traitement médical des ulcères et des uvéites antérieures sont appliquées : antibiothérapie topique à large spectre, instillation d’un anti-collagénase (N-acétylcystéine), application de larmes artificielles,

si possible sous forme de gels rémanents sur la cornée et les conjonctives. Ces différents produits doivent être par la suite renouvelés fréquemment dans la journée. L’atropine collyre peut être instillée quelques jours sous contrôle médical. En cas d’ulcère, le port d’une collerette s’impose. Un traitement médical systémique antiinflammatoire stéroïdien et/ou non stéroïdien ainsi qu’antibiotique est également prescrit. ● L’évolution parfois défavorable des lésions oculaires par brûlure nécessite un contrôle rapproché sous 24 ou 48 heures. Le test de Schirmer, la cicatrisation cornéenne, l’état inflammatoire intraoculaire et la pression intraoculaire sont contrôlés. En présence d’une lésion ulcérative superficielle ou profonde de la cornée, parfois avec descemétocèle, une approche chirurgicale peut s’imposer rapidement, depuis le simple recouvrement par la membrane nictitante jusqu’à l’autogreffe conjonctivale pédiculée ou non. L’énucléation peut même être indiquée lors d’atteinte oculaire grave et irréversible. Exceptionnellement, l’homogreffe cornéenne transfixiante peut être envisagée lors de séquelle cornéenne endothéliale avec perte de transparence. ■ Dans quelles circonstances proposez-vous des examens complémentaires lors de kératite infectieuse chez le chien et chez le chat, et lesquels ? ● Devant toute affection oculaire, l’obsession du praticien doit être de ne pas négliger un rapport entre une maladie oculaire et une maladie infectieuse systémique. 1. La leishmaniose est, chez le chien, l’affection que le praticien doit avoir en permanence à l’esprit. Quelques éléments cliniques simples peuvent contribuer à démasquer cette origine infectieuse grâce à un examen attentif du segment antérieur : signes caractéristiques d’une uvéite, endothélite discrète, effet Tyndall même léger, aspect terne et sombre de l’iris, synéchies postérieures, modification de la pression


Fiche

l’examen de la cornée lors des pertes de transparence

les étapes du diagnostic

D

e nombreux renseignements peuvent être recueillis par le simple examen attentif du dioptre cornéen. Le praticien est à même d’établir un diagnostic précis dans un nombre significatif d’affections, même s’il ne possède pas d’appareils sophistiqués. En revanche, le biomicroscope portable reste l’instrument incontournable du vétérinaire impliqué en ophtalmologie vétérinaire (cf. Fiche matériel).

ÉTAPE N°1 : L’INSPECTION DU GLOBE OCULAIRE DANS SON ENSEMBLE L’inspection du globe oculaire dans son ensemble de loin, puis de près, est à réaliser avant toute "manœuvre instrumentale" susceptible de modifier l’aspect de la cornée : elle consiste à regarder l’œil, (donc la cornée !), tel qu’il se présente au moment de la consultation. Cet examen vise notamment : - à rechercher un blépharospasme (signe d’une douleur oculaire) ; - à apprécier la position du globe : recherche notamment d’une exophtalmie (saillie du globe en avant de l’orbite) ; - à apprécier toute augmentation de la taille du globe oculaire (hydrophtalmie ou buphtalmie) par comparaison, si possible, avec l’œil adelphe. Ces anomalies de taille et de position conduisent à la réalisation du réflexe palpébral et cornéen, destiné à évaluer le degré de lagophtalmie (défaut de fermeture palpébrale) : l’attouchement des paupières et de la cornée doit normalement se traduire par l’affrontement, sans résistance, des deux limbes palpébraux. Notons également que les anomalies de ces deux réflexes sensitifs permettent aussi la mise en évidence de désordres neurologiques, en dehors des causes mécaniques précédemment citées (paralysie faciale : kératite neuroparalytique et paralysie du trijumeau : kératite neurotrophique). ÉTAPE N°2 : L’INSPECTION DE LA CORNÉE 1. L’inspection de la cornée s’effectue : ● à l’œil nu : le recours à un système d’éclairage simple (lampe stylo, tête d’otoscope ou

mieux un transilluminateur de Finoff) améliore la qualité d’observation. La cornée doit conserver ses qualités essentielles : "lisse, brillante, transparente et avasculaire". ● à l’aide d’un système grossissant : - l’ophtalmoscope direct avec la lentille placée sur + 20 ou 40 dioptries ; - le biomicroscope grossit jusqu’à 10 à 40 fois selon les marques et analyse de façon précise les anomalies précédemment repérées. Il permet de les localiser au sein de l’épaisseur cornéenne, grâce à un système particulier d’éclairage dit "lampe à fente". 2. Les pertes des propriétés de la cornée : La cornée peut présenter plusieurs types d’anomalies : ● 1re anomalie : la cornée n’est plus "lisse" : - lésions en relief : granulome inflammatoire, corps étranger, néoplasie, descemétocèle : hernie de la membrane de Descemet, staphylome irien : hernie de l’iris lors de perforation, œdème cornéen (cf. article de P. Maisonneuve et O. Jongh dans ce numéro), … ; - lésions en "creux" : pertes de substances anciennes ou récentes ; ● 2 e anomalie : la cornée n’est plus "brillante" : exploration de la phase aqueuse du film lacrymal (cf. Étape n°3) ; ● 3e anomalie : la cornée n’est plus "avasculaire" : la forme des vaisseaux et leur profondeur renseignent sur leur origine : - superficiels et dichotomisés en "branches d’arbres", ils accompagnent les kératoconjonctivites (cf. article de H. Arnold-Tavernier et O. Jongh dans ce numéro) ; - profonds, courts "en peigne", ils sont alors le témoin d’une atteinte profonde comme au cours des uvéites antérieures. ● 4e anomalie : la cornée n’est plus "transparente" : la couleur conditionne l’anomalie en cause : - rouge : vaisseaux, hémorragies ; - blanc-gris : cicatrices, fibrose cornéenne, infiltrats cellulaires ; - blanc-bleu : œdème ; - noire : pigments mélaniques, séquestre cornéen félin (cf. article de V. Meunier dans ce numéro) ; - blanc brillant, voire réfringeant : lipides, calcium (cf. article de F. Blouin dans ce numéro).

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Olivier Jongh Clinique vétérinaire 2, rue Jacques 69250 Neuville sur Saône

Objectif pédagogique Établir un dignostic précis grâce à l’examen ophtalmologique et mettre en œuvre les examens complémentaires appropriés.

Les collyres et le test de Schirmer consituent la base des aides au diagnostic en ophtalmologie (photo P. Maisonneuve).

Essentiel ❚ L’inspection du globe oculaire de loin, puis de près, consiste à regarder l’œil, tel qu’il se présente au moment de la consultation. ❚ L’inspection de la cornée s’effectue à l’œil nu et à l’aide d’un système grossissant. ❚ La cornée peut présenter plusieurs types d’anomalies : - 1re anomalie : la cornée n’est plus "lisse" ; - 2e anomalie : la cornée n’est plus "brillante" ; - 3e anomalie : la cornée n’est plus "avasculaire" ; - 4e anomalie : la cornée n’est plus "transparente".

CANINE - FÉLINE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 171


diagnostic différentiel des kératites chroniques chez le chien

Les kératites chroniques sont des affections inflammatoires superficielles qui concernent avant tout l’épithélium et le stroma proximal cornéens. Cet article traite l’étiologie, le diagnostic et le traitement des kératites chroniques mécaniques, infectieuses, liées à un déficit lacrymal ou dysimmunitaires.

L

es kératites chroniques évoluent sur une durée habituellement supérieure à un mois, et se traduisent par une réaction inflammatoire à dominante cellulaire, une perte de transparence localisée ou totale, superficielle ou profonde, accompagnée le plus souvent d’une néovascularisation et d’une pigmentation mélanique. ● Elles peuvent être confondues avec d’autres maladies cornéennes non inflammatoires (dystrophie, dégénérescence), responsables d’une perte de transparence de la cornée. ● Les kératites chroniques peuvent être unilatérales ou bilatérales, elles évoluent dans la durée et sont parfois définitives. ● Elles se distinguent d’autres maladies chroniques de la cornée (dystrophie, dégénérescence) par la présence de signes fonction-

Objectif pédagogique Diagnostiquer avec précision la nature d’une kératite chronique afin de proposer le traitement adapté.

1 Ulcère central chez un Pékinois (photo T. Tavernier).

nels de douleur (blépharospasme, photophobie, épiphora) plus ou moins marqués. ● Les signes de kératite active sont la vascularisation cornéenne, l’infiltration stromale par les cellules inflammatoires et la formation de tissu granulomateux. Du pigment mélanique se dépose dans les cellules de l’épithélium et du stroma antérieur. La pigmentation s’accentue lorsque l’inflammation cornéenne progresse. ● Les kératites chroniques concernent plus souvent l’épithélium et le stroma superficiel (kératites superficielles) que les couches internes de la cornée (kératites profondes). Elles sont classées en fonction de leur étiologie, et peuvent être d’origine mécanique, infectieuse ou dysimmunitaire, ou liée à un déficit lacrymal (figure, photo 1, tableau 1). ● Les kératites conjointes à un glaucome ou à

Réalisation

Interprétation

- Mise en place de la bandelette

- Norme chez le chien : 15 mm +/- 4 mm dans le cul-de-sac conjonctival - Norme chez le chat : 11 mm +/- 4 mm pendant 1 min

Test de Schirmer

Rose Bengale - Instillation d’une goutte dans - Fixation des cellules épithéliales ou vert de lissamine chaque œil, et rinçage abondant cornéennes en souffrance

Fluorescéine

* Clinique vétérinaire Chrétien-Guilhot 13, rue de Mulhouse 90000 Belfort ** 2 bis, rue Jacques 69250 Neuville sur Saône

Tableau 1 - Réalisation et interprétation des tests de diagnostic des kératites Tests

Hélène Arnold-Tavernier* Olivier Jongh**

- Instillation d’une goutte dans chaque œil, et rinçage abondant

- Fixation du colorant sur le stroma mis

Essentiel ❚ La position et la profondeur des lésions sont des aides au diagnostic. ❚ Les kératites chroniques concernent plus souvent l’épithélium et le stroma superficiel que les couches internes de la cornée. ❚ Suspecter une lagophtalmie, lors d’absence ou de diminution du réflexe cornéen ou palpébral. ❚ Les corticoïdes sous forme topique sont utilisés pour limiter la néovascularisation et l’infiltration cellulaire. ❚ Les kératites mécaniques sont liées à des anomalies anatomiques des annexes oculaires. ❚ La durée de la stimulation inflammatoire détermine l’importance des réactions cellulaire et vasculaire, puis de la pigmentation mélanique de la cornée.

à nu par un ulcère (tache verte intense)

1. Instillation d’une goutte de Test de stabilité fluorescéine dans chaque œil - L’apparition de taches noires signe du film lacrymal 2. Après un clignement, la rupture du film lacrymal (= break-up time les paupières sont Norme : apparition de zones sèches ou temps de rupture maintenues ouvertes (taches noires) dans un délai de 15 s du film précornéen) 3. Observation à la lampe à fente en lumière bleue cobalt

CANINE

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 175


conduite à tenir face à un œdème cornéen

chez le chien et le chat

L

* 23-25, avenue de la Libération 45000 Orléans ** 2, rue Jacques 69250 Neuville-sur-Saône

L’œdème cornéen est un symptôme commun à plusieurs affections de l’œil chez le chien et le chat. Le diagnostic étiologique est indispensable afin d’entreprendre un traitement spécifique. ’œdème cornéen correspond à l’imbibition hydrique du stroma ou de l’épithélium cornéens. Il provoque une perte de transparence de la cornée qui peut aller jusqu’à la cécité. Les causes sont nombreuses mais la connaissance de la physiologie cornéenne facilite son diagnostic (encadré 1).

Pierre Maisonneuve* Olivier Jongh**

Objectif pédagogique Reconnaître l’étiologie et mettre en œuvre le traitement adapté lors d’œdème cornéen chez le chien et le chat.

1 Glaucome aigu chez un chien (P.I.O. = 60 mm Hg) (photo O. Jongh).

L’EXAMEN DE L’ŒIL L’œdème est visible à l’œil nu, même par le propriétaire. Une opalescence à bords flous, localisée ou diffuse, d’aspect granité légèrement bleuté est observée. L’épithélium perd sa transparence (photo 1). La cornée peut prendre une couleur bleue plus profonde (bleu agathe des kératites bleues), puis blanche. ● Dans les cas les plus graves, des bulles stromales ou sous-épithéliales apparaissent. Elles éclatent en surface et provoquent des ulcères : kératopathie bulleuse (photo 2). ● L’épaisseur cornéenne, estimée en lampe à fente, augmente de 150 à 500 p. cent [4, 6]. La diminution de la résistance peut se traduire par une cornée qui se marque facilement (lors de tonométrie par exemple) ou l’apparition d’ulcères, parfois perforants. La sensibilité cornéenne diminue. ● Le stroma moins compact facilite la néovascularisation. Un pannus apparaît : il accompagne toute lésion cornéenne qui persiste plus de 7 à 10 jours [8, 9].

Essentiel

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL LÉSIONNEL Cet aspect de la cornée ne doit pas être confondu avec d’autres lésions blanchâtres de la cornée : - les cicatrices ou taies cornéennes ont un aspect blanc grisâtre irrégulier, à bords plus nets (glossaire). Il s’agit d’une infiltration cellulaire et d’une sclérose. Le stroma n’est pas épaissi ;

2

Kératopathie bulleuse secondaire à une luxation de cristallin ancienne chez un beagle (photo P. Maisonneuve).

- les proliférations cellulaires intra-cornéennes lors de kératites ; - les dépôts intra-cornéens (lipides, …) des dystrophies et dégénérescences épithéliales et stromales. L’évolution est lente et la biomicroscopie montre un aspect cristallin, parfois brillant ; - les pertes de transparence en chambre antérieure peuvent prêter à confusion : effet Tyndall lors d’uvéite, épanchements lipidiques, luxation d’un cristallin transparent. La lampe à fente permet de localiser l’opalescence : la cornée apparaît transparente. Le clinicien sait alors que la perte de transparence vient de la chambre antérieure.

❚ L’œdème est visible à l’œil nu, même par le propriétaire. ❚ Une cornée saine est lisse, brillante, transparente et avasculaire. ❚ Le diagnostic différentiel comprend : - les cicatrices ou taies cornéennes ; - les proliférations cellulaires intra cornéennes lors de kératites ; - les pertes de transparence en chambre antérieure (effet Tyndall lors d’uvéite, épanchements lipidiques, luxation du cristallin). ❚ Le pronostic est toujours réservé face à une atteinte sévère de l’endothélium.

LE DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE LORS D’ŒDÈME CORNÉEN Si le diagnostic de l’œdème est en général facile, le diagnostic étiologique est beaucoup plus difficile car de nombreuses causes sont possibles (figure 2). Il doit être précis afin d’obtenir une guérison rapide, avant l’apparition de lésions irréversibles, en particulier lors de destruction de l’endothélium.

21

CANINE - FÉLINE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 181


conduite diagnostique et thérapeutique face à un dépôt lipidique cornéen chez le chien et le chat

Frédéric Blouin

Clinique vétérinaire des Pyrénées 55, avenue Jean Mermoz 64000 Pau

Plusieurs causes peuvent être à l’origine d’un dépôt cornéen de nature lipidique. Afin de mettre en place un traitement adapté, le praticien doit rechercher une éventuelle hyperlipidémie sous-jacente.

L

a cornée est normalement transparente. Cette transparence est maintenue grâce aux cellules endothéliales qui règlent la quantité d’eau dans le stroma, et à l’action de chaînes enzymatiques qui éliminent les matériaux véhiculés dans cette couche (lipides) [8]. Lorsqu’en raison d’un déficit enzymatique héréditaire (dystrophie lipidique stromale), d’une altération acquise du métabolisme cornéen (dégénérescence cornéenne lipidique) ou d’une surcharge qui dépasse les capacités d’action enzymatique (infiltration cornéenne lipidique) ce système est déréglé, le substrat s’accumule en quantité excessive dans la cornée [5]. Un dépôt cornéen lipidique peut être le signe d’appel d’une hyperlipidémie. Sa présence n’est pourtant pas pathognomonique d’une telle affection métabolique.

Objectif pédagogique Diagnostiquer et connaître l’étiologie des dépôts de nature lipidique dans le stroma cornéen.

1

Dystrophie lipidique stromale chez un Cavalier King Charles de 6 ans. Présence (bilatérale) d’une tâche blanchâtre ovalaire d’aspect cristallin en localisation axiale. De nombreux chiens parentés présentent cette même lésion (photos F. Blouin).

ÉTAPE N°1 : CONFIRMER LA NATURE LIPIDIQUE DU DÉPÔT L’examen de l’œil Les dépôts lipidiques cornéens prennent la forme de tâches blanches à grisâtres, en localisation périphérique ou (para-)axiale. Ils peuvent être de forme ovale, en arc, voire annulaire. ● A l’examen biomicroscopique, ils se caractérisent par de fins granules ou des gouttelettes homogènes, d’apparence parfois cristalline. ●

Encadré - Les trois types de lésions cornéennes associées à un dépôt lipidique 1. La dystrophie lipidique stromale : ce terme doit être réservé à une affection cornéenne primitive bilatérale et héréditaire, qui apparaît dans une cornée apparemment saine, et qui est peu progressive. La composante inflammatoire de la lésion est, en général, quasi-inexistante mais un certain nombre de dystrophies s’accompagnent d’une inflammation secondaire. - Elle est fréquente chez les chiens jeunes adultes. Elle est due à un trouble du métabolisme local de la cornée. - De nombreuses races sont affectées : Airedale Terrier, Beagle, Berger allemand, Boxer, Caniche, Cavalier King Charles, Cocker, Colley, Husky, Lévrier Afghan, Lhassa-Apso, Pinscher, Shetland, Teckel, Yorkshire, … [4, 5]. 2. Les dégénérescences cornéennes lipidiques : Les dégénérescences cornéennes lipidiques définissent des lésions, le plus souvent acquises, de dédifférenciation ou de modification de la struc-

ture cornéenne. Le stroma devient incapable de métaboliser les lipides qui s’y accumulent. - Ces lésions peuvent être une conséquence classique de l’âge, ou être post-inflammatoires : secondaires à une kératite, une (épi)-sclérite, une uvéite antérieure, un traumatisme, ou une tumeur, ... - Une vascularisation ou une inflammation accompagne de façon quasi-systématique l’apparition des lipides dans le stroma cornéen [4, 5].

Essentiel ❚ Un dépôt cornéen lipidique n’est pas caractéristique d’une hyperlipidémie. ❚ Une hyperlipidémie doit être toujours recherchée. ❚ Le traitement passe toujours par celui de l’hyperlipidémie si elle est présente, et/ou par l’instillation d’anti-inflammatoires locaux, en cas de lésion progressive vascularisée.

3. Les lésions d’infiltration cornéenne lipidique, ou dégénérescence par surcharge, sont secondaires à une hyperlipidémie sous-jacente. La composante vasculaire est faible. Elle est parfois présente dans les stades avancés. - L’augmentation de la perméabilité en région périlimbique favorise la formation du dépôt lipidique. - Ces lésions prennent souvent la forme d’une opacité annulaire ou arciforme périphérique, appelée aussi arcus lipoïdes corneae [4, 5].

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CANINE - FÉLINE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 187


Fiche

les affections de la cornée à prédisposition raciale

chez le chien et le chat De nombreuses affections cornéennes s’expriment avec une nette prédisposition raciale qui laisse supposer une transmission héréditaire. En réalité, très peu d’entre elles ont un déterminisme héréditaire connu, de type monofactoriel, favorable à un dépistage en vue d’éradication.

I

l convient de distinguer les affections héréditaires, dont le mécanisme a été mis en évidence, des affections à prédisposition raciale pour lesquelles un déterminisme héréditaire est soupçonné. LES AFFECTIONS CONGÉNITALES DE LA CORNÉE 1. La première anomalie non strictement cornéenne à savoir reconnaître est la persistance anormale de fibres de la membrane pupillaire attachées à la face postérieure de la cornée. Si la localisation est le plus souvent centrale, l’apparence clinique peut être éminemment variable. Cela va de la petite opacité focale observée en biomicroscopie sur la face postérieure de la cornée jusqu’à l’opacité diffuse parfois étendue. - Les petites opacités s’accompagnent d’un épaississement et d’une déformation de la membrane de Descemet. - Les opacités plus importantes affectent également la membrane de Descemet mais le déficit endothélial associé, beaucoup plus important, explique l’œdème cornéen secondaire parfois étendu. ● Les races prédisposées : - la transmission héréditaire de la persistance de membrane pupillaire sur un mode autosomal récessif a été décrite pour la première fois chez le Basenji ; - en France, cette anomalie fait l’objet d’une éradication chez le Mastiff, où la transmission se ferait sur un mode autosomal dominant ; - elle survient de façon fréquente chez le Fox-Terrier, le Caniche, le Teckel et le Beagle. 2. La microcornée, ou raccourcissement du

diamètre cornéen est le plus souvent associée à une microphtalmie. Elle peut être présente sur un œil parfaitement fonctionnel. ● Les races prédisposées sont le Colley, les Caniches nain et miniature, le Schnauzer nain, le Old English Sheepdog. La transmission de ce défaut se ferait sur un mode autosomal dominant chez le Beagle. ● Cette anomalie peut aussi s’exprimer dans un tableau clinique d’anomalies oculaires multiples associées à une microphtalmie, à une goniodysgénésie et à la persistance de la membrane pupillaire. 3. À l’opposé, la mégalocornée est, en général, associée à un glaucome congénital avec buphtalmie. 4. Le dermoïde cornéen se définit comme un choristome*. Il s’exprime de façon le plus souvent unilatérale, sous forme d’un territoire tégumentaire garni de poils en localisation anormale sur la cornée avec une position cornéo-sclérale temporale. ● Présents à la naissance, ces dermoïdes ne sont souvent observés qu’à l’âge de quelques semaines. ● Les races prédisposées en France sont le Berger Allemand, le Braque de Weimar. Chez le Teckel, une transmission sur un mode autosomal récessif a été décrite. LES AFFECTIONS DE LA CORNÉE DE L’ANIMAL ADULTE De nombreuses affections cornéennes peuvent s’exprimer chez l’animal adulte avec une prédisposition raciale reconnue : les dystrophies et dégénérescences cornéennes et quelques affections inflammatoires. Les dystrophies et dégénérescences cornéennes 1. La dystrophie cornéenne stromale antérieure centrale et paracentrale bilatérale symétrique et à bords bien délimités peut se développer chez le Bearded Collie, le Cavalier King Charles Spaniel, le Cocker Spaniel, le Colley, l’English Cocker Spaniel et le Shetland entre l’âge de six mois et de quatre ans. 2. La dystrophie lipidique cornéenne stromale centrale peut apparaître chez le Beagle, l’Alaskan Malamute et le Whippet

Jean-Pierre Jégou Clinique d’ophtalmologie vétérinaire 39, rue Rouelle 75015 Paris

Objectif pédagogique Dépister les affections cornéennes héréditaires chez le chien et chez le chat afin de les éradiquer.

NOTE * Choristome ou hétérotopie : tissu normal ou pseudo normal à localisation anormale.

Essentiel ❚ Les affections congénitales de la cornée sont : - la persistance de fibres de la membrane pupillaire ; - la microcornée ; - la mégalocornée ; - le dermoïde cornéen. ❚ Les affections de la cornée de l’animal adulte sont : - les dystrophies et dégénérescences cornéennes ; - les affections inflammatoires, ou kératites à médiation immune.

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CANINE - FÉLINE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 191


observation clinique épisclérokératite granulomateuse chez un chien

Laurent Roche Clinique vétérinaire des Lavandes 8, avenue Aristide Briand 26160 La Bégude de Mazenc

Un Bouledogue français de sept mois est présenté en consultation pour une lésion proliférative qui atteint la sclère et la cornée de l’œil gauche et évolue depuis deux mois.

Objectif pédagogique

À

Motif de consultation

l’examen clinique général, aucune anomalie n’est détectée. Seul l’œil gauche est atteint. L’œil adelphe est parfaitement sain. L’examen à distance permet d’observer une masse rosée, en relief, qui part de la partie limbique du canthus externe. Cette masse envahit la cornée et progresse vers le canthus interne sans la recouvrir entièrement. L’EXAMEN DE L’ŒIL

L’examen rapproché en biomicroscopie permet de détailler ces premières observations : - l’épisclère au niveau du canthus externe est tuméfiée ; - une néovascularisation en pinceau qui procède de l’épisclère envahit le limbe et la cornée dans sa partie profonde ; - la moitié de la cornée est envahie par une forte réaction inflammatoire avec une néovascularisation superficielle en relief. Le front de cette inflammation est précédé d’un œdème stromal de la cornée. Seul un tiers de la surface totale de la cornée est épargné (photo 1). ● Le reste de l’examen oculaire est normal. ●

DIAGNOSTIC Hypothèses diagnostiques ● Les hypothèses diagnostiques les plus probables sont : - un processus tumoral de type lymphome, fibrosarcome ou carcinome épidermoïde ; - un processus inflammatoire pur de type épisclérokératite ; - la cicatrisation aberrante d’un ulcère cornéen. ● L’hypothèse d’un abcès intra-cornéen est abandonnée car il s’agit d’une accumulation circonscrite en plein cœur du stroma cornéen qui n’intéresse pas la sclère. ● La kératite éosinophilique, qui provoque

Diagnostiquer et traiter l’épisclérokératite granulomateuse chez le chien.

❚ Lésion proliférative de la sclère et de la cornée de l'œil gauche qui évolue depuis deux mois. 1 Lésion intéressant l’épisclère, le limbe et deux tiers de la cornée. Noter la vascularisation en pinceau qui procède de l’épisclère et envahit la cornée (photos A. Régnier).

des symptômes similaires, ne se rencontre que chez les chats. Examens complémentaires ● La coloration à la fluorescéine a peu d’intérêt car aucune perte de substance cornéenne n’est décelée à l’examen clinique. ● La coloration au vert de lissamine ou au rose bengale permet de mettre en évidence l’érosion épithéliale en front de lésion, mais elle ne permet en aucun cas d'affiner le diagnostic. ● La cytologie peut orienter le diagnostic mais elle peut aussi prêter à confusion : de nombreux processus tumoraux sont accompagnés d’une forte inflammation en périphérie. ● L’examen complémentaire de choix est la biopsie, réalisée sous anesthésie générale (encadré 1).

EXAMEN HISTOPATHOLOGIQUE La pièce biopsique est un croissant de 5 mm de long, prélevé en partie temporale de la lésion cornéenne. ● Les fragments observés présentent un épithélium cornéen très remanié : hyperplasie, irrégularité, spongiose et exocytose leucocytaire. Le stroma cornéen est entièrement remplacé par une infiltration inflammatoire cellulaire. Les cellules en présence sont en majorité des fibroblastes et des cellules d’aspect histiocytaire. Quelques lymphocytes et granulocytes sont observés. Aucune image de malignité n’est décelée. ● Ces observations sont compatibles avec l’hypothèse clinique d’épisclérokératite granulomateuse. ●

2

Contrôle un mois après : la surface et l’épaisseur du granulome inflammatoire ont fortement diminué (un tiers de la surface cornéenne).

Hypothèses diagnostiques ❚ Lymphome, fibrosarcome, carcinome épidermoïde. ❚ Processus inflammatoire pur : épisclérokératite. ❚ Cicatrisation aberrante d’un ulcère cornéen.

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CANINE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 193


observation clinique Tanguy Lefranc Clinique vétérinaire Roosevelt 26, avenue Roosevelt 56000 Vannes

Objectif pédagogique Diagnostiquer et traiter une kératoconjonctivite sèche due à une paralysie faciale.

Motif de consultation ❚ Présence d’écoulements et douleur oculaires d’apparition progressive depuis un mois.

Hypothèses diagnostiques ❚ Kératoconjonctivite sèche unilatérale due à une paralysie faciale d’origine : - traumatique ; - infectieuse : otite ; - tumorale ; - métabolique : hypothyroïdie ; - ou idiopathique.

2

L’oreille gauche est tombante.

CANINE NOTE * Spécialité humaine.

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 197 - JUIN / JUILLET 2003

kérato-conjonctivite sèche et paralysie faciale chez un chien

Un chien croisé mâle castré de 16 ans est présenté en consultation pour écoulement et douleur à l’œil gauche. L’animal a été victime d’un accident de la voie publique un mois auparavant.

L

ors de l’accident, les symptômes observés : choc modéré, syndrome vestibulaire périphérique passager et plaies superficielles ont semblé rétrocéder rapidement grâce au traitement symptomatique mis en place. Les troubles oculaires sont apparus de façon progressive après l’accident. EXAMEN OPHTALMOLOGIQUE

L’examen à distance de l’œil gauche montre une ptose palpébrale supérieure, un élargissement de la fente palpébrale, un épiphora purulent, une cornée terne et dépolie (photo 1). ● L’examen neuro-ophtalmologique conduit aux observations suivantes (figure) : - les réflexes photomoteurs direct et consensuel sont présents, la vision est conservée : le déplacement en liberté et le placer visuel sont corrects, le test à la boule de coton est positif. L’intégrité des voies visuelles est donc conservée : rétine, nerf optique, et cortex visuel ; - le réflexe de clignement à la menace est absent. Les voies afférentes de ce réflexe sont les voies visuelles, la voie efférente est le nerf facial ; - les réflexes cornéen et palpébral (voie afférente : nerf trijumeau, voie efférente : nerf facial) sont absents : l’attouchement de la cornée et des paupières ne sont pas suivies de l’occlusion de ces dernières ; - l’oreille gauche est tombante (photo 2). La babine gauche pend et est le siège de lésions ulcéreuses en regard des crocs, dues à des morsures au cours des repas (photo 3). ● L’examen neurologique permet de diagnostiquer une paralysie faciale avec lésion du 7e nerf crânien, en amont de la branche auriculo-palpébrale. Les atteintes oculaire et auriculaire sont associées. L’examen des annexes montre du mucopus ●

36

1 Ptose palpébrale. Accumulation de pus dans le cul-de-sac conjonctival (photos T. Lefranc).

qui adhère aux paupières (croûtes), aux conjonctives hyperhémiées et à la cornée terne (photos 4, 5). ● Le test de Schirmer, réalisé avant tout nettoyage de l’œil, est de 2 mm (œil droit 16 mm, norme : environ 14 mm), ce qui met en évidence une insuffisance lacrymale quantitative. ● L’examen bio-microscopique de la cornée, à l’aide d’une lampe à fente portative, montre une néovascularisation cornéenne superficielle. La tonométrie, après anesthésie locale à l’oxybuprocaïne (Novésine®*), mesurée par aplanissement au Tono-pen® est normale : 12 mm Hg (13 mm Hg à droite). Après dilatation pupillaire obtenue grâce à l’instillation de tropicamide (Mydriaticum®*), l’examen à la lampe à fente montre une sclérose du cristallin. Le fond d’œil par ophtalmoscopie directe et indirecte est normal. La cytologie conjonctivale, après prélèvement à la cytobrosse sous anesthésie locale à la Novésine®* et coloration rapide au RAL 555, révèle des polynucléaires neutrophiles et des lymphocytes en abondance, signes d’une surinfection bactérienne chronique. Du mucus est présent en grande quantité. DIAGNOSTIC L’examen ophtalmologique permet de diagnostiquer une kérato-conjonctivite sèche unilatérale, d’apparition récente. Celle-ci est provoquée par une paralysie faciale d’origine traumatique. TRAITEMENT ●

L’objectif du traitement est de préserver


conduite à tenir face aux kératites herpétiques chez le chat Face au risque de récidive permanent lors de kératites herpétiques chez le chat, le praticien doit mettre en œuvre un traitement spécifique. La mise au point de la P.C.R. (Polymerase chain reaction) a révolutionné les méthodes de diagnostic de cette affection.

L

’atteinte par l’herpès virus félin de type 1 (HVF-1) est une cause fréquente de conjonctivite et de kératite chez le chat (encadré 1). Les manifestations cliniques des atteintes cornéennes par l’HVF-1 sont nombreuses. L’herpès peut donner lieu à des ulcères cornéens, des opacifications, une néovascularisation, une baisse de la sécrétion lacrymale, des taches brunes, un recouvrement de la cornée par un enduit blanchâtre, ... Il est nécessaire de savoir reconnaître les symptômes afin de pouvoir les traiter convenablement, en fonction du type de kératite qu’ils traduisent.

Le virus de l’herpès félin, de la famille des Herpesviridæ est un virus à ADN spécifique du chat (sous-famille des Alphaherpesviridæ), enveloppé, de grande taille. Il est fragile dans le milieu extérieur mais persiste néanmoins plus de 18 h dans des conditions favorables : atmosphère humide. Il est inactivé par la plupart des désinfectants usuels : eau de Javel, ammoniums quaternaires, ... ● La transmission entre chats s’effectue le plus souvent par les sécrétions respiratoires pendant une à trois semaines après l’infection, par voies nasale, orale et conjonctivale. La voie trans-utérine n’a pas été prouvée. Le chaton est protégé par les anticorps maternels pendant deux à dix semaines. Des infections infra-cliniques sont possibles malgré cette protection. ● L’HVF-1 a peu de capacité à se multiplier à des températures supérieures à 37°C. Il se développe sur des surfaces épithéliales “froides”

Clinique Vétérinaire de Longchamp 81, rue de Longchamp 75116 Paris

Objectif pédagogique Reconnaître les différents symptômes d’une kératite herpétique chez le chat afin de mettre en place un traitement spécifique.

1

Ulcères dendritiques chez un chat dont la P.C.R. herpès est positive après réactivation par un traitement corticoïde par voie générale (photos E. Déan).

COMMENT RECONNAÎTRE LES KÉRATITES HERPÉTIQUES ? Le diagnostic repose sur les commémoratifs, les signes cliniques et sur les examens complémentaires (tableau 1, encadrés 2, 3). Diagnostic clinique Les commémoratifs sont souvent très évocateurs : atteinte oculaire et respiratoire simultanée, récidive d’une atteinte oculaire, atteinte respiratoire seule dans le passé [1, 13]. ●

Encadré 1 - Comment le virus de l’herpès félin se transmet, se multiplie et se réactive [3, 1, 13, 4] ●

Éric Déan

comme la conjonctive, les cavités nasales et le pharynx. Au plan oculaire, il se multiplie de préférence dans les épithéliums conjonctival et cornéen où il provoque une nécrose. Comme tous les α-herpès virus, il est capable de développer un phénomène de latence au niveau du système nerveux : il est retrouvé dans le ganglion trigéminé mais aussi dans le nerf optique, le bulbe olfactif, les glandes lacrymales, la cornée et les amygdales.

Essentiel ❚ Les kératites stromales peuvent entraîner une opacification importante de la cornée. ❚ La néovascularisation de la cornée est un élément central dans la pathogénie des kératites stromales. ❚ Les affections cornéennes associées à l’herpès sont : - les séquestres cornéens ; - les kératites éosinophiliques ; - les symblépharons ; - les kérato-conjonctivites sèches. ❚ La transmission entre chats s’effectue le plus souvent par les sécrétions respiratoires pendant une à trois semaines après l’infection, par voies nasale, orale et conjonctivale.

La réactivation du virus se produit à l’occasion d’un stress : corticothérapie, changement d’environnement, mise bas, lactation, intervention chirurgicale, etc. Le virus est transporté par voie antérograde dans l’axone, à partir du corps cellulaire du neurone sous la forme d’un nucléocapside, c'est-à-dire dénué d’enveloppe virale et de membrane cellulaire additionnelle [10]. Le transport peut aussi s’effectuer dans l’espace extracellulaire avec une infection des cellules de Schwann. ●

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FÉLINE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 199


observations cliniques opacification de la cornée et séquestre cornéen chez trois chats

Le séquestre cornéen est une affection exclusivement féline qui se caractérise par l’apparition d’une tache centrale brunâtre puis noirâtre dans le stroma cornéen superficiel. Ces cas cliniques se proposent d’étudier l’évolution et le traitement de trois opacifications cornéennes de chats.

T

rois chats persans sont successi vement apportés en consultation : - une chatte tricolore (dite “chatte A”) de sept ans, qui présente une opacification cornéenne qui évolue depuis six mois sur l’œil gauche ; - un chat noir (dit “chat B”) de trois ans, qui montre une tache noirâtre sur la cornée gauche depuis huit jours ; - une chatte tricolore (dite “chatte C”) de treize ans est présentée en urgence pour une perforation cornéenne droite suite à la chute spontanée d’un séquestre cornéen qui évolue depuis plus d’un an.

30, rue Fays 94300 Vincennes

Objectif pédagogique Diagnostiquer, traiter un séquestre cornéen et prévenir ses récidives.

Motifs de consultation ❚ Chatte A : présence d’une opacification cornéenne sur l’œil gauche qui évolue depuis six mois. ❚ Chat B : tache noire sur la cornée gauche depuis huit jours. ❚ Chatte C : perforation cornéenne droite.

1 Chatte A - Séquestre cornéen brunâtre sur cornée inflammatoire (photos V. Meunier).

Hypothèses diagnostiques 2

Chat B - Séquestre d’apparition brutale sur cornée avasculaire.

EXAMEN CLINIQUE ET DIAGNOSTIC L’état général de ces trois chats est excellent. Seules des affections oculaires sont observées. ● La cornée gauche de la chatte A présente une kératite centrale qui masque toute l’aire pupillaire. Œdème, néovascularisation superficielle arborescente, granulome vasculaire central recouvrent une zone plus sombre de couleur marron (photo 1). Le test à la fluorescéine est négatif, le test de Schirmer normal. Des larmes brunâtres s’écoulent de l’œil depuis le début de l’affection. Cette coloration des larmes pourrait venir d’un phénomène d’oxydation de la partie lipidique des larmes. ● Le chat B présente au contraire une tache paracentrale, peu étendue mais de couleur noire intense très "enkystée" dans le stroma cornéen. La cornée est avasculaire. La surface du séquestre est irrégulière, sèche (photo 2). Un liséré prenant la fluorescéine, ainsi qu’un léger œdème cornéen entoure la zone centrale.

Valérie Meunier

❚ Kératite chronique. ❚ Ulcération chronique. ❚ Corps étranger.

Essentiel

3

Chatte C - Séquestre ancien expulsé de la cornée. Inflammation conjonctivale et cornéenne.

L’évolution a été rapide, en quelques jours. La cornée de la chatte C est très abimée : l’expulsion du séquestre a entraîné un ulcère central circulaire pré-descemétique dont les bords ont un aspect lytique dénommé kératomalacie. Une contamination bactérienne est probable. L’ulcère est entouré d’un œdème cornéen et des néovaisseaux superficiels convergent vers la lésion. Très

❚ Le séquestre cornéen affecte seulement les chats, en particulier les persans. ❚ Des récidives sont observées dans 12 à 22 p. cent des cas. ❚ Leur localisation et le moment où elles apparaissent sont imprévisibles.

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FÉLINE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 207


nutrition intérêt des compléments

nutritionnels

en dermatologie

U.P. de Nutrition E.N.V.A. 7, avenue du Général de Gaulle 94704 Maisons Alfort cedex

La qualité de la peau et des phanères dépend de l’apport en certains nutriments. Cet article aborde les intérêts respectifs des différents compléments nutritionnels disponibles sur le marché vétérinaire.

L

es troubles dermatologiques peuvent être liés à une ou plusieurs carences nutritionnelles. En fonction du tableau clinique et des commémoratifs, le praticien peut mettre en évidence ces carences (photo 1)*. Le traitement fait souvent appel aux compléments nutritionnels qu’il convient d’utiliser de façon judicieuse.

Objectif pédagogique Corriger les carences éventuelles d’une ration à l’aide des compléments nutritionnels disponibles sur le marché. 1

Berger allemand qui reçoit un régime exclusivement composé de blanc de volaille et de riz depuis plus de 3 ans qui présente une otite à Malassezia et une pyodermite venues compliquer une carence en acides gras essentiels.

Essentiel ❚ L’huile de colza offre deux avantages dans un régime d’éviction. Elle apporte : - l’énergie lipidique qui permet de réduire la quantité d’énergie glucidique ; - des acides gras essentiels en ratio ω6/ω3 satisfaisant.

COMMENT CORRIGER UNE CARENCE NUTRITIONNELLE EN NUTRIMENTS À RÔLE CUTANÉ ? 1re étape : traiter l’affection primaire ● Lors d’affection primaire avec des répercussions cutanées, il convient en premier lieu de traiter cette affection. ● Dans le cas d’une insuffisance pancréatique exocrine par exemple, l’apport d’enzymes pancréatiques exogènes en quantité adaptée à la quantité d’aliments à digérer est incontournable. ● Lors de troubles dermatologiques par allergie alimentaire, un régime d’éviction avec test de provocation doit être mis en place à des fins diagnostiques. Le régime d’éviction ménager peut être composé de viande, d’une source d’amidon et d’huile de colza. Cette huile, que l’animal a rarement déjà absorbée, apporte : - l’énergie lipidique qui permet de réduire la quantité d’énergie glucidique, donc la quantité de pommes de terre (!) ; - des acides gras essentiels, bénéfiques dans les troubles inflammatoires chroniques.

2de étape : prescrire une ration alimentaire équilibrée La prescription d’une ration alimentaire équilibrée, en quantité adaptée aux besoins de l’animal est ensuite recommandée (photo 2). Le plus souvent, utiliser un aliment de gamme physiologique vétérinaire plutôt ●

Géraldine Blanchard, Inès Esteves, Bernard Paragon

2

Lésion de la cuisse du chien couché de la photo 1 après un mois de traitement anti-parasitaire et anti-infectieux et rétablissement d’une ration équilibrée (chien en décubitus latéral). La guérison complète a été obtenue en deux mois (photos G. Blanchard et B. Pollak).

qu’un aliment bas de gamme suffit ! Dans le cas d’une ration ménagère, cinq éléments sont essentiels à l’équilibre alimentaire : 1. de la viande ou du poisson ; 2. des légumes verts ; 3. de l’huile de colza ou de soja ; 4. du riz ou des pâtes ; 5. un complément minéral vitaminé pour apporter du calcium, éventuellement du phosphore, des vitamines liposolubles et hydrosolubles, et des oligo-éléments (encadré 1). ● Le besoin énergétique d’entretien peut être évalué en moyenne à 156 x PV0,67 kcal/j pour le chien et à 60 x PV kcal/j chez le chat, à moduler selon le statut physiopathologique de l’animal (avec PV le poids vif en kg). ● Pour couvrir les besoins en acides gras essentiels, au moins 5 p. cent du besoin énergétique total doivent être couverts par de ●

❚ Un complément minéral vitaminé pour chien peut être prescrit à un chat. NOTE * cf. Nutrition, carences nutritionelles et troubles cutanés, des mêmes auteurs, LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE N°11, janvier/février 2003, pages 49-52.

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Partenariat

RUBRIQUE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 213


principe actif

Hervé Pouliquen

l’acide fusidique

L

’acide fusidique est un antibactérien de la famille des fusidanines. Il est utilisé par voie locale comme médicament antibiotique destiné à traiter les infections externes de l’œil et de ses annexes, notamment celles à Staphylococcus intermedius. Il est également utilisé par voie oculaire externe comme médicament immunomodulateur. PHARMACOLOGIE Pharmacocinétique après administration oculaire externe

L’instillation d’acide fusidique dans le sac conjonctival se traduit par une pénétration de la molécule dans la cornée, l’humeur aqueuse et l’humeur vitrée, et par une persistance de la molécule dans les larmes. ● Chez le lapin, après l’instillation oculaire d’un gel contenant 1 p. cent d’acide fusidique, des concentrations antibactériennes thérapeutiques en acide fusidique dans la cornée, l’humeur aqueuse et l’humeur vitrée sont atteintes en une heure et se maintiennent pendant plus de 24 heures. ● Chez le chien, après l’instillation oculaire d’un même gel, les concentrations en acide fusidique dans les larmes sont supérieures à 1 mg/l pendant douze heures et la demi-vie ●

PROPRIÉTES PHYSICO-CHIMIQUES ● Dénomination chimique : (3α, 4α, 8α, 9β, 11α, 13α, 14β, 16β, 17 Z)-16-(acet y l o x y ) - 3 , 1 1 - d i h y d ro x y - 2 9 - n o rd a m m a r a 17(20),24-dien-21-oic acide. ● Dénomination commune internationale : Acide fusidique ● Structure et filiation : L’acide fusidique est un triterpénoïde tétracyclique caractérisé par une structure stéroïdique. Structuralement proche de la céphalosporine P1, il n’en diffère que par l’addition de quelques groupements acétyl responsables de l’augmentation de son activité antibactérienne. L’acide fusidique est également proche, sur le plan structural, d’autres familles d’antibiotiques non utilisées en médecine vétérinaire (acides helvoliques et viridominiques), de molécules tétracycliques (adrénocorticoïdes, sels biliaires, …) et de la ciclosporine. ● Caractéristiques : L’acide fusidique est soluble dans les solvants

d’élimination de l’acide fusidique dans les larmes est d’environ deux heures. La persistance de l’acide fusidique dans les larmes serait due au carbomère, excipient utilisé dans la formulation du gel ophtalmique. ● Cette forme galénique de gel ophtalmique assure un temps de contact prolongé avec l’œil d’au moins douze heures et des concentrations antibactériennes thérapeutiques d’acide fusidique dans les larmes jusqu’à la douzième heure. En conséquence, l’instillation deux fois par jour du gel ophtalmique à base d’acide fusidique suffit pour obtenir des concentrations antibactériennes thérapeutiques. Pharmacodynamie Les effets antibactériens ● L’acide fusidique est un antibiotique antibactérien bactériostatique. ● Il agit comme les antibiotiques des familles des tétracyclines, des aminocyclitols et des macrolides, par blocage de la biosynthèse ribosomale des protéines bactériennes. ● Son spectre d’activité étroit est limité principalement aux bactéries à Gram positif, aux staphylocoques en particulier (tableau). Ce spectre correspond à celui des

Figure - Structure de l’acide fusidique

Unité de pharmacologie et de toxicologie E.N.V.N. Atlanpôle la Chantrerie, BP 40706, 44307 Nantes cedex 03

Classe pharmacologique - Antibiotique - Immunomodulateur

Indication ❚ Traiter par voie locale les infections externes de l’œil et de ses annexes liées à des bactéries à Gram positif est la principale indication thérapeutique de l’acide fusidique.

Essentiel ❚ La propriété la mieux démontrée de l’acide fusidique est l’activité antibactérienne vis-à-vis des bactéries à Gram positif. ❚ L’acide fusidique par voie locale est proposé chez le chien. Il peut être utilisé sans A.M.M. chez le chat. ❚ L’acide fusidique a été supplanté par la ciclosporine dans ses indications ophtalmologiques immunomodulatrices.

organiques polaires et apolaires et très peu soluble dans l’eau. L’acide fusidique présente un caractère acide faible (pka = 5,7). L’acide fusidique est stable.

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RUBRIQUE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 217


Fiche-client

comportement

évaluer l’agressivité d’un chien à l’arrivée d’un bébé

Muriel Alnot 28, rue de Chimay 28130 Mévoisins

Fiche-client

Essentiel ❚ Lorsque le chien n’a jamais mordu ou grogné, une enquête est néanmoins nécessaire pour s’assurer de l’absence de comportements d’agressivité moins visibles. ❚ Lorsque le chien a déjà mordu ou grogné, il convient : - d’analyser le comportement de morsure ; - d’en étudier la séquence ; - de rechercher l’élément déclencheur ; - d’évaluer son niveau de contrôle.

Quels que soient sa race, son âge ou son sexe, un chien est la source de nombreuses questions pour des futurs parents. Outre les préoccupations sanitaires, leurs interrogations portent sur la cohabitation harmonieuse entre le chien et le bébé. Que répondre aux inquiétudes d’une femme enceinte qui souhaite évaluer le comportement de son chien avant la naissance du bébé ? Que faire pour prévenir les accidents ?

S

ans parler des préoccupations zoonosiques, il est indispensable de vérifier qu’un chien ne présente aucun comportement agressif, puis il est utile de délivrer l’information qui va permettre à la famille de prévenir l’apparition de tels troubles. LA CONDUITE À TENIR EN CONSULTATION

Même en l’absence de demande, il est important que le vétérinaire recherche l’existence ou non de comportements agressifs (figure 1). Le rôle du praticien consiste à vérifier que l’animal ne présente aucun comportement agressif et à délivrer les informations et les

Figure 1 - Rechercher l’existence de comportements agressifs Rechercher l’existence de comportements agressifs

Recherche négative

Recherche positive

Vérifier la bonne socialisation

Évaluer le comportement du chien

L’insertion hiérarchique est-elle bonne ?

- Conseils de prévention - Mesures éducatives

oui - Placement dans une autre famille et traitement - Euthanasie

RUBRIQUE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 220 - JUIN / JUILLET 2003

Le chien est-il dangereux pour la famille, même sous traitement ?

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non - Thérapie et/ou traitement possible, avant la naissance du bébé

1

Avant l’âge de 3 ans, un enfant n’est pas capable de décrypter les signaux émis par le chien (photo A. Quinton).

conseils qui vont permettre à la famille de prévenir l’apparition de troubles et de faire face à ceux éventuellement existants. L’ÉVALUATION DE L’AGRESSIVITÉ DU CHIEN Deux cas de figure : - Cas n°1 - Le chien n’a jamais ni mordu (ni "pincé") ni grogné sur qui que ce soit. Poser clairement les questions de l’encadré ci-après est primordial : les réponses des propriétaires doivent confirmer l’absence réelle de conflit. Si c’est le cas, le praticien passe à l’étape de la prévention. - Cas n° 2 - Le chien a déjà mordu ou grogné, quelle que soit la personne visée par l’agression. ● Une première évaluation du risque est effectuée, à travers l’analyse du (des) comportement(s) de morsure (encadré). ● La morsure sert à communiquer et son intensité est plus ou moins contrôlée par le chien lui-même. Un comportement de morsure se décline en une séquence en trois phases. Il convient : - d’étudier la séquence de morsure (phase de menace, phase de morsure, phase d’apaisement) pour en apprécier l’intégrité ; - de rechercher l’élément déclencheur ainsi que le contexte pour établir sa fonction (agression hiérarchique, territoriale, irritation, peur, prédation) ; - d’évaluer son niveau de contrôle pour quantifier le degré de la morsure.


immunologie les particularités immunologiques de l’œil Les réactions inflammatoires classiques risquent de faire perdre à l’œil sa fonctionnalité. Aussi, les yeux présentent des défenses immunitaires particulières, qui les protègent tout en préservant l’intégrité des structures.

L

es yeux constituent un site immunologique privilégié. Ils sont en effet directement au contact d’agents irritants et/ou infectieux qui nécessitent des moyens de défense performants. En parallèle, la réponse protectrice qui se met en place doit préserver l’intégrité de la vision, et ne pas détruire les structures oculaires avec une réaction inflammatoire trop forte. Cet antagonisme apparent est résolu par un fonctionnement particulier de la réponse immunitaire au niveau de l’œil. Il est indispensable de connaître l’anatomie de l’œil pour comprendre ses particularités immunologiques (figure).

LE RÔLE DE LA GLANDE LACRYMALE ET DU FILM OCULAIRE Lorsque qu’un antigène arrive au contact de l’œil, il rencontre d’abord des mécanismes de protection non spécifiques. ● Les paupières assurent un nettoyage permanent grâce au mouvement palpébral et à la sécrétion des larmes par les glandes lacrymales. Les larmes contiennent de nombreuses substances antiseptiques, comme le lysozyme et la lactoferrine, et forment un film nettoyant sur toute la surface de l’œil. Ce film est ensuite éliminé vers les culs-desacs conjonctivaux. ● Lorsque l’antigène résiste à ces mécanismes chimiques de protection et persiste à la surface oculaire, une réponse immunitaire spécifique se met en place à la surface de l’œil. ● L’antigène présent dans l’œil est très souvent au contact de toute la sphère oro-pharyngienne. Il est pris en charge dans les amygdales et les tissus adénoïdes, où une réponse spécifique se met en place. Les effecteurs activés migrent ensuite vers les glandes lacrymales via les nœuds lym●

phatiques cervicaux. ● La glande lacrymale joue un rôle majeur dans la protection immunologique de la surface oculaire. Elle représente le premier tissu effecteur de la protection de l’œil. Elle contient tous les effecteurs d’une réponse immunitaire : - des cellules présentatrices de l’Ag (cellules dendritiques, macrophages) ; - des lymphocytes T et B. ● Elle constitue la source prédominante d’IgA sécrétoires présentes dans les larmes. Ces IgA jouent un rôle particulièrement important pendant les phases de sommeil, durant lesquelles le mécanisme de nettoyage par le clignement des paupières est inexistant. ● Les IgA sont les immunoglobulines les mieux adaptées à la défense des surfaces mucosales : elles n’activent pas le complément et sont donc non inflammatoires. Elles préservent ainsi la structure oculaire : les IgA résistent à l’attaque par les protéases, ce qui augmente leur durée de vie et leur efficacité. ● Les protections chimiques, mécaniques et spécifiques (via les IgA), constituent les mécanismes de défense de surface.

Séverine Boullier Service de Microbiologie Immunologie E.N.V.T. 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 3

Objectif pédagogique Comprendre les particularités des mécanismes de défense immunologiques de l’œil.

Essentiel ❚ La glande lacrymale, qui contient tous les effecteurs de la réponse immunitaire joue un rôle majeur dans la protection de la surface oculaire. Figure - Rappel schématique de l’anatomie de l’œil

LE RÔLE DE LA CORNÉE ET DE LA CONJONCTIVE ● Lorsque l’antigène n’est pas reconnu par les IgA et qu’il persiste à la surface de l’oeil, il se heurte à une barrière de protection mécanique : l’épithélium cornéen externe. Celui-ci est pavimenteux, pluristratifié, et ses cellules sont jointes par des desmosomes. Il est donc imperméable. De plus, il n’est pas vascularisé. Lorsque l’agent infectieux est suffisamment adapté à la structure oculaire pour échapper aux défenses de surface, ou lorsqu’il existe une brèche dans l’épithélium cornéen, il pénètre par la cornée et/ou par la conjonctive. ● Les particularités fonctionnelles des tissus lymphoïdes spécifiques associés à la cornée et à la conjonctive permettent la mise en place très rapide d’une réponse spécifique. ● Les glandes lacrymales, la conjonctive, la cornée superficielle et le système d’interconnexion nerveuse représentent l’unité fonctionnelle lacrymale. Ces différents territoires envoient des signaux qui régulent la synthèse des facteurs immunologiques,

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RUBRIQUE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 223


Texte : Séverine Boullier Dessin : Frédéric Mahé Les yeux sont directement au contact d’agents irritants ou infectieux. La défense doit préserver l’intégrité de la vision, et ne pas détruire les structures par une réaction inflammatoire trop forte.

Les paupières assurent un nettoyage permanent grâce au mouvement palpébral et à la sécrétion des larmes par les glandes lacrymales.

Ouin ! Je suis hyperprotégé

Le flux des larmes contient des substances antiseptiques naturelles et forme un film nettoyant.

Je suis l’agent Lysozyme !

Et moi l’agent Lactoferrine !

Damned !

La glande lacrymale est le premier tissu effecteur de la protection de l’œil. Elle contient tous les éléments de la réponse immunitaire : des cellules présentatrices de l’Ag (cellules dendritiques, macrophages) et des lymphocytes T et B. Elle constitue la source prédominante d’IgA sécrétoires présentes dans les larmes.

Les IgA sont les immunoglobulines les mieux adaptées à la défense des surfaces mucosales : elles n’activent pas le complément et sont donc non-inflammatoires. Elles résistent à l’attaque par les protéases ce qui augmente leur durée de vie et leur efficacité. Je résiste, moi… Prétentieuse !

Lorsque l’antigène n’est pas reconnu par les IgA, il se heurte néanmoins à une barrière de protection mécanique : l’épithélium cornéen externe. Il est imperméable. De plus, il n’est pas vascularisé.

Lorsque l’antigène est suffisamment adapté à la structure oculaire ou quand il existe une brèche dans l’épithélium, il pénètre alors dans la cornée ou la conjonctive.

k!!

Gna

Les connexions nerveuses modulent les sécrétions lacrymales et les sensations douloureuses. La perte fonctionnelle de ces connexions conduit à des irritations et à des inflammations oculaires. Un cercle vicieux se met en place avec aggravation des phénomènes inflammatoires.

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 225


Si l’antigène passe, il arrive alors dans la chambre antérieure de l’œil, où l’absence de vaisseaux lymphatiques prévient l’arrivée massive de cellules inflammatoires sur le site.

Zut ! Pas d’ascenseur !

De plus, les cellules bordant la chambre antérieure expriment la protéine Fas-L, ce qui assure une protection contre les lymphocytes activés arrivant sur le site. En effet, ceux-ci expriment toujours la molécule Fas à leur surface, et l’interaction Fas/Fas-L envoie un signal de mort à la cellule exprimant Fas. Le lymphocyte activé est alors détruit par apoptose, ce qui n’induit pas de réponse inflammatoire.

De plus, ces cellules n’expriment peu ou pas les molécules de CMH-I, ce qui les protège de l’attaque par les lymphocytes T cytotoxiques. L’humeur aqueuse est aussi riche en molécules immunosuppressives, comme le TGF-Bêta, qui inhibe la maturation des cellules présentatrices de l’Ag et la réponse inflammatoire, et l’Interleukine-10, induisant une inhibition de la réponse de type cellulaire.

La barrière hémato-rétinienne protège la rétine. Elle est constituée par l’endothélium rétinien et par les cellules épithéliales rétiniennes pigmentées. Elle interdit le passage des Ag et des cellules immunitaires.

Ainsi, suite à l’arrivée d’un Ag dans la chambre antérieure de l’œil, une réponse spécifique de type Th-2 se met en place. Elle est caractérisée par la production d’anticorps non inflammatoires qui n’activent pas le complément. La structure oculaire est ainsi préservée.

Quand la perméabilité de la barrière hémato-rétinienne est augmentée, les lymphocytes et les macrophages activés par l’Ag arrivent au contact de la rétine et provoquent des uvéites avec perte des cellules photoréceptrices.

On passe pas !

Les herpèsvirus peuvent échapper aux défenses, en entrant par exemple en phase de latence, la cellule infectée n’étant pas reconnue par le système immunitaire.

Ils peuvent aussi infecter les neurones , …

Quoi ? Et en plus, c’est de notre faute !

… et ainsi progresser vers l’intérieur. Il ne leur reste plus qu’à se réactiver en période de stress ou d’infection. LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 226 - JUIN / JUILLET 2003

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La réponse "pathologique" de type Th-1 et la réponse inflammatoire associée induit des lésions plus ou moins graves.


fidélisation des clients Fabrice Labadie

le rôle des ressources humaines Dans une entreprise de service, le niveau de qualité de la prestation et sa régularité dans le temps dépendent beaucoup de la compétence et de la bonne volonté du personnel salarié. Si la prestation du praticien est un élément-clé pour la satisfaction et la fidélisation des clients dans une clinique vétérinaire, le personnel salarié y contribue largement.

D

e même que le vétérinaire employeur, les A.S.V. et les vétérinaires salariés sont au contact de la clientèle. ● La fidélisation des clients se mesure selon deux critères : - l’accroissement de la fréquentation et des dépenses réalisées au sein de la structure ; - le développement d’un relationnel affectif entre l’entreprise vétérinaire et ses clients. ● Le personnel salarié vétérinaire ou A.S.V. intervient au contact de la clientèle sur ces deux axes. Sa performance quotidienne contribue pour beaucoup à accroître ou à diminuer le pourcentage de clients fidèles. L’IMPACT DU PERSONNEL SALARIÉ SUR LA FRÉQUENTATION DE L’ENTREPRISE VETERINAIRE L’A.S.V. est la première et la dernière personne en contact avec le client : la qualité perçue du service et la fidélité des clients dépendent fortement de son savoir-faire et de ses qualités relationnelles. La qualité de l’accueil et la motivation du vétérinaire salarié ● La première impression laissée par le personnel conditionne la suite de la relation. ● Lorsqu’un nouveau client se présente, le personnel déjà en place doit prendre le temps de présenter la structure, son fonctionnement et ses intervenants. ● Lorsqu’un nouveau salarié arrive, il doit se présenter au client. ● Les badges sur les tenues contribuent à rassurer les nouveaux clients, qui ignorent à qui ils ont à faire. ● Le personnel d’accueil doit accueillir... mal-

gré les urgences ou les périodes d’affluence. Sa disponibilité se traduit par un simple regard lorsque le client arrive à l’accueil, accompagné d’un sourire de bienvenue, de réconfort, … Ces marques de bienvenue conditionnent grandement la qualité de contact. Cette disponibilité nécessite organisation et aisance relationnelle. ● L’accueil téléphonique répond aux mêmes exigences d’accueil et de sourire*.

IDDEM 89, boulevard de Sébastopol 75002 Paris e-mail : fabrice.labadie@iddem.com

Objectif pédagogique Analyser les facteurs humains favorables à la fidélisation de la clientèle.

La qualité du conseil La qualité du conseil contribue à la satisfaction des clients qui trouvent une réponse appropriée à leur demande. Elle accroît la connaissance des services proposés et augmente ainsi la demande. ● Le conseil apporte une valeur ajoutée à la vente des produits : c’est un élément de différenciation par rapport aux autres acteurs de la distribution, pharmacies, grandes surfaces spécialisées, ... ● Les qualités du vétérinaire salarié sont un élément déterminant (encadré ci-après). ●

La capacité d’organisation du personnel et l’image véhiculée ● La capacité d’organisation du personnel diminue le stress ambiant et favorise les relations avec les clients. ● Une bonne organisation crée une impression favorable car le client n’a pas le sentiment de déranger. ● L’implication personnelle de l’A.S.V. auprès des propriétaires, son comportement (amabilité, petits services rendus, ...) contribuent à établir une relation de confiance et à entretenir la demande des propriétaires. ● La propreté vestimentaire est un point essentiel. Une tenue inadéquate, tachée, rebute certains clients qui ne trouvent pas dans l’image professionnelle la qualité espérée. Il est nécessaire d’exiger du personnel une tenue propre, et pour cela, de mettre à sa disposition un nombre suffisant de blouses.

LE RÔLE DU PERSONNEL SALARIÉ DANS LE DÉVELOPPEMENT DES RELATIONS AVEC LES CLIENTS

Gestion ❚ Les badges sur les tenues contribuent à rassurer les nouveaux clients.

Essentiel ❚ L’A.S.V. est la première et la dernière personne en contact avec le client : l’impression laissée dépend donc fortement d’elle. ❚ Les qualités relationnelles du vétérinaire salarié constituent un élément déterminant dans la fidélisation de la clientèle. ❚ La capacité d’organisation du personnel donne à chacun plus de disponibilité pour les clients, ce qui diminue le stress ambiant et favorise les relations. NOTE

* cf. Fiche Comment vendre une consultation d’achat par téléphone, par P. Baralon, LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE N°6 octobre-décembre 2001, p 85.

La longévité du personnel ●

Une équipe régulière, installée dans la durée

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MANAGEMENT LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN/ JUILLET 2003 - 229


tribune David Lussot “Nouveaux besoins, nouvelles façons d’appréhender la gestion quotidienne de la clinique : les vétérinaires salariés et les A.S.V. deviennent des acteurs de premier plan”...

F

ace à un environnement de plus en plus exigeant, la pratique vétérinaire se modifie sur la forme comme sur le fond, et ce à grande vitesse. ● Les vétérinaires libéraux font de plus en plus face à des contraintes aussi lourdes que diverses : clients difficiles et procéduriers, spécialisation en question, pression fiscale, formation continue, adaptation aux lois sociales, hospitalisation des animaux, …, qui modifient nécessairement la façon dont les cliniques et les cabinets travaillent aujourd’hui. ● À ces nouveaux besoins correspondent de nouvelles façons d’appréhender la gestion quotidienne de la clinique. Avec la meilleure volonté du monde, le praticien moderne ne peut persévérer dans la gestion directe et personnelle de tous les aspects de la pratique. Il n’a d’autre choix que de s’en remettre de plus en plus aux membres de son équipe : vétérinaires salariés et auxiliaires deviennent des acteurs de premier plan au sein de la clinique. DE NOUVEAUX MODES DE GESTION

Certes, nous n’avons pas encore suivi les pas de nos confrères d’Outre-Manche, qui ont maintenant recours aux "practice managers", gestionnaires non vétérinaires qui ont en charge l’organisation générale de l’activité : gestion du stock, ressources humaines, choix d’investissement et autres leur sont en effet dévolus, avec plus ou moins d’indépendance par rapport aux vétérinaires associés. Ceci permet aux praticiens de se consacrer à ce qu’ils savent faire le mieux : traiter, opérer, prévenir, conseiller. ● L’apparition de cette nouvelle population prend tout son sens dans un pays où il n’est pas rare de rencontrer de grosses structures à plus de dix vétérinaires et vingt A.S.V., véritables P.M.E. ● En France, nous n’en sommes pas encore là, mais dans une perspective de croissance régulière des cliniques, en taille et en activité, pour faciliter les investissements et améliorer le confort de vie, la délégation vers les auxiliaires et les jeunes praticiens salariés est une démarche positive. ●

LE RÔLE PRÉPONDÉRANT DES A.S.V. DANS LA FIDÉLISATION Les auxiliaires vétérinaires sont de plus en plus qualifiées et diplômées. Les centres de formation, publics ou privés, fournissent aux praticiens une génération d’A.S.V. qui s’éloigne du schéma "épouse de vétérinaire et/ou employée formée “sur le tas” et/ou femme de ménage qui répond au téléphone et nettoie les instruments". ● Aujourd’hui, les A.S.V. gèrent l’espace client. Elles prennent en charge l’accueil, la vente des anti-parasitaires ou des traitements à renouvellement, et participent à l’animation de la salle d’attente (posters, photos, documents d’information) et à la mise en place des outils de merchandising. En coulisse, elles aident à la gestion des stocks, aux commandes de médicaments (avec plus ou moins d’influence), et contribuent à la gestion des hôpitaux, à la prise en charge de la douleur des animaux hospitalisés, à l’accompagnement des clients pendant les euthanasies, etc. ● Des domaines de développement plus récents leur permettent de déborder du cadre classique du conseil en anti-parasitaires, hygiène ou alimentation : c’est le cas par exemple de la gériatrie canine et féline, où les A.S.V. ont un vrai rôle à jouer dans la prévention des maladies liées au vieillissement et pour le conseil aux propriétaires d’animaux seniors. Les exemples sont nombreux, qui montrent le rôle fondamental des A.S.V. dans la fidélisation de la clientèle. ● Cette évolution du statut de l’A.S.V. attire bien évidemment l’attention des laboratoires pharmaceutiques, qui s’investissent dans les actions auprès de ce "nouveau" public à l’influence croissante : intervention dans les centres de formation, cycles de réunions à l’attention des auxiliaires, présentation des nouveaux produits par les délégués, déjeuners de travail réunissant tout le personnel, ... Tous ces exemples font désormais partie de l’activité commerciale classique de la plupart des laboratoires. Les A.S.V. sont les premiers interlocuteurs auxquels s’adressent nos délégués, et privilégier ce contact fait partie intégrante des "nouveaux objectifs" de l’industrie pharmaceutique. ❒

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David Lussot Responsable marketing et Technique Animaux de compagnie Intervet S.A. Rue Olivier de Serres Angers Technopole BP 17144 49071 Beaucouzé Cedex

David Lussot

Véritable richesse de l’entreprise vétérinaire, appui précieux dans la gestion optimale d’une structure libérale au quotidien, les auxiliaires méritent que tous les interlocuteurs de la profession - praticiens libéraux, laboratoires pharmaceutiques, centres de formation, organisations professionnelles – œuvrent ensemble pour faire de leur activité un métier enrichissant, valorisant et fondamental dans la pérennité de la clientèle.

MANAGEMENT LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 233


Fiche-action n°1

motiver

Fabrice Labadie

son personnel

La motivation, une des clés de la performance est cependant difficile à entretenir à long terme. Cette fiche-action propose une liste d’outils qui permettent d’entretenir la motivation en pratique.

S

ouvent assimilé au classique tandem de la carotte et du bâton, le management moderne privilégie la motivation. Il prend en compte les besoins de reconnaissance de tout individu. De plus, les structures vétérinaires n’offrent pas toujours de fortes perspectives d’évolution de carrière aux A.S.V. Il est alors nécessaire de trouver des sources de satisfaction et d’épanouissement personnel dans les réalisations quotidiennes. - La motivation limite le turn-over du personnel, toujours préjudiciable à l’image de la structure et à la qualité du service rendu. - Motivé, le personnel conserve la volonté de faire progresser les résultats. - Une bonne motivation contribue à la satisfaction du personnel. LE PLUS SIMPLE : SAVOIR REMERCIER

● La reconnaissance du travail bien fait, de l’effort consenti, des heures supplémentaires réalisées passe d’abord par un remerciement. Faire savoir que l’on a constaté la qualité du travail et remercier est un geste simple, qui contribue à instaurer et à entretenir une relation de confiance. ● Ces remerciements peuvent se matérialiser en fin d’année par un petit cadeau (places de théâtre, livre, …) qui ne coûtent pas grand chose à la structure, mais qui marquent concrètement la satisfaction de l’employeur vis-à-vis de ses collaborateurs.

RESPECTER LE TRAVAIL DU PERSONNEL Cela paraît une évidence, mais la réalité est parfois tout autre. Par exemple, l’A.S.V. a souvent pour mission d’assurer la propreté des locaux. Comment ne pas être démotivé si quelqu’un salit sans raison ce qui vient d’être nettoyé ? ● Reconnaître le travail de son employé passe aussi par une organisation adaptée : - aménager le temps de travail pour permettre à l’A.S.V. d’effectuer la comptabilité ●

IDDEM 89, bd de Sébastopol 75002 Paris e-mail : fabrice.labadie@iddem.com

dans des conditions satisfaisantes de calme et de concentration contribue à sa sérénité et à sa performance. Elle met ainsi moins de temps à effectuer un travail qui demande de la précision ; - reconnaître la technicité d’une employée peut consister à lui retirer les tâches les moins valorisantes, comme le ménage, pour s’investir dans d’autres aspects de son métier, plus rentables pour la structure. PRIVILÉGIER L’ÉPANOUISSEMENT L’employeur doit encourager la formation et le développement personnel de ses salariés. S’il ne le fait pas, au bout de quelques années sa structure “ronronne gentiment” dans des habitudes devenues obsolètes par rapport à l’évolution de sa clientèle. Il est alors trop tard pour mobiliser son personnel. ● Chaque employé a besoin de s’approprier son travail, d’être responsable des résultats qu’il obtient, de manière à se sentir impliqué dans la réussite globale de l’entreprise. Ce mode de motivation s’accompagne d’objectifs qui peuvent être mesurés : savoir faire tel geste, obtenir telle qualification, … ● Bien gérer est pour un vétérinaire s’occuper de l’organisation du personnel, lui donner les bons outils et les moyens d’atteindre les objectifs fixés.

Geste

PROGRESSER À PARTIR DES ERREURS

l’employeur encourage la formation et le développement personnel de ses salariés. ❚ Chaque employé a besoin de s’approprier son travail. ❚ Gérer l’organisation du personnel impose de lui fournir les bons outils et les moyens pour atteindre les objectifs fixés.

Lorsqu’une erreur est commise, deux solutions sont possibles : - la première consiste à réprimander plus ou moins vertement le (ou la) fautif (ve) ; - la seconde consiste à corriger l’erreur puis à examiner ce qui s’est passé : analyse de l’erreur, son origine, ses conséquences possibles et surtout, comment procéder pour qu’elle ne se reproduise plus. ● La première solution peut laisser l’individu concerné sur un constat d’échec, la seconde, beaucoup plus constructive, responsabilise chacun. Dans tous les cas, il convient d’éviter la mise en place d’une ambiance frileuse, où la peur du bâton sclérose toute initiative. ●

❚ Le simple remerciement est déjà une reconnaissance et une source de motivation.

Essentiel ❚ Il est important que

LES PRIMES DE RÉSULTATS Lorsque les associés décident de développer la vente au comptoir, les A.S.V. sont généralement sollicitées. Quel est leur intérêt ?

75

MANAGEMENT LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 235


le recrutement d’une A.S.V.

Fiche-action n°2

Fabrice Labadie

éviter les pièges

Le risque principal d’un recrutement est d’arriver à la conclusion, après quelques semaines ou quelques mois, ou pire, quelques années d’activité, que la personne retenue "ne convient pas". Derrière cette expression générique se cachent en fait différentes situations, qui trouvent toutes leur origine dans la période du recrutement.

L

e recrutement d’un nouveau collaborateur peut être ressenti comme une prise de risque. Plusieurs étapes permettent de réduire ce risque et d’intégrer au mieux ce nouvel élément. LES ÉCHECS DU RECRUTEMENT

Différents cas peuvent être à l’origine d’échecs dans le choix d’un collaborateur : 1. le caractère de la nouvelle recrue n’est pas en adéquation avec les autres personnalités du groupe qu’elle a intégré. Des conflits apparaissent, des non dits s’accumulent, des clivages se créent entre le personnel salarié, des préférences naissent, … Bref, l’ambiance se dégrade lentement mais sûrement. La période d’essai est terminée depuis longtemps et il devient difficile de se séparer ; 2. la “nouvelle” montre dès les premiers jours une incapacité apparente à maîtriser les contraintes de son poste. Elle ne mémorise apparemment pas ce qu’on lui dit, elle panique face aux clients, son employeur et ses collègues s’impatientent devant tant de maladresse, … Elle quitte son poste désespérée au bout de trois jours ! ; 3. la personne ne progresse plus après quelques années. Les premières semaines, la nouvelle A.S.V. se montre assidue. Elle assimile convenablement les bases de son métier. Au bout d’un ou deux ans, elle "plafonne" : elle se cantonne à ce qu’elle sait faire, refuse de changer ses habitudes de travail, se détourne des tâches plus complexes et se “défile” pour ce qu’elle n’aime

pas faire. Résultat : ses collègues plus anciennes suppléent à ses manques et accumulent rancœur et heures supplémentaires. Ces situations apparemment caricaturales sont toutes issues de témoignages réels et montre la complexité de recruter la “bonne” A.S.V. BIEN ÉVALUER LORS DU RECRUTEMENT De ces cas pratiques, il ressort qu’un recrutement doit permettre d’évaluer la personne selon trois critères : 1. La personnalité de la candidate est-elle en adéquation avec celle des personnes en place ? Autrement dit, ses collègues vontelles s’entendre avec elle, et va-t-elle se sentir à l’aise dans ce nouvel environnement ? 2. Quelle est sa capacité à s’adapter au métier d’A.S.V. ? C’est une profession polymorphe qui nécessite d’avoir un bon relationnel, d’être à l’aise avec la vente, d’acquérir une certaine technicité, … Sera-t-elle capable de tout maîtriser ?

IDDEM 89, bd de Sébastopol 75002 Paris e-mail : fabrice.labadie@iddem.com

Essentiel ❚ Les échecs de recrutement proviennent souvent : - des conflits liés aux personnalités, internes à l’équipe ; - d’une incapacité apparente de la nouvelle A.S.V. à s’adapter au poste ; - d’une progression qui stagne après quelques années.

❚ Lors du recrutement d’un nouveau collaborateur, il convient d’abord de définir précisément le poste à pourvoir.

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Une bonne information interne permet à chacun de connaître son rôle dans l’entreprise et de se sentir à l’aise dans son travail. Ici, un panneau d’affichage permet aussi aux clients de savoir à qui s’adresser (photo F. Labadie).

MANAGEMENT

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JUIN / JUILLET 2003 - 237


test clinique les réponses

une névrite bilatérale du trijumeau 1 Parmi les hypothèses diagnostiques suivantes, laquelle retenez-vous ? ● Une fracture ou une luxation provoquent une douleur. Elles sont rarement bilatérales. ● Lors de myosite des masticateurs, on observe des difficultés, voire une impossibilité à ouvrir la gueule, en raison de la douleur engendrée et/ou de la fibrose des muscles. ● Le contexte épidémiologique rend la rage et le botulisme improbables. ● La névrite bilatérale du trijumeau est l’hypothèse diagnostique à retenir. Elle est également appelée paralysie bilatérale idiopathique du trijumeau. Cette paralysie de la composante motrice du nerf crânien V entraîne l’impossibilité pour l’animal de fermer la gueule. Cette affection, rencontrée chez les chiens d’âge moyen à âgés, et rarement chez les chats, n’entraîne aucun déficit sensitif. Dans certains cas, une atrophie des muscles masticateurs est observée. ● Son étiologie est inconnue. Une éventuelle médiation immunitaire est suspectée. 2 Un ou plusieurs examens complémentaires vous semblent-ils nécessaires ? ● Les données recueillies lors de l’examen clinique sont suffisantes pour établir le diagnostic. ● La biopsie du nerf comporte un risque de lésion iatrogène. Elle montre une névrite et une démyélinisation de tous les faisceaux moteurs du nerf. Des cas de névrite unilatérale sont décrits. Aucune ptose mandibulaire n’est alors observée. ● Si des déficits des autres nerfs crâniens ou si d’autres symptômes neurologiques sont associés, l’éventualité d’un processus pathologique différent (néoplasme, maladie infectieuse) doit être envisagée. 3 Quel est votre pronostic ? Le pronostic est excellent. La maladie présente une résolution spontanée en deux à six semaines selon les auteurs (trois semaines en moyenne), le traitement consiste seulement à permettre à l’animal de se nourrir. 4 Quelles options thérapeutiques proposez-vous ? ● Pour son confort, la gueule de l’animal peut être maintenue fermée par une muselière afin d’éviter le dessèchement des muqueuses, des douleurs musculaires et l’installation d’une ankylose temporo-mandibulaire. L’utili-

Olivier Stiévenart Claude Carozzo Unité de Chirurgie et Anesthésiologie E.N.V.L. 1, avenue Bourgelat 69280 Marcy l’Étoile

3 Mise en place de la sonde

de gastrostomie : un tube est enfoncé jusqu’à l’estomac depuis la cavité buccale, un guide est introduit dans le tube en percutané à l’aide d’un trocard. Le guide est enfoncé dans le tube pour ressortir dans la gueule.

sation d’une corticothérapie afin d’accélérer la guérison est controversée. ● Dans ce cas, une sonde de gastrostomie a été utilisée pour assurer la nutrition de l’animal. Une sonde d’œsophagostomie aurait suffi mais les propriétaires ont affirmé que le chien ne supportait pas les collerettes. La sonde naso-œsophagienne est contre-indiquée en raison des complications liées à sa présence sur le long terme : irritation, suppuration, ... ● Les sondes de gastrostomie peuvent être placées par voie percutanée, avec ou sans l’aide d’un endoscope, ou par laparotomie. Pour ce chien, la sonde a été placée par voie percutanée sans l’aide d’un endoscope : - les avantages de cette technique sont la facilité, la rapidité, le caractère peu invasif de la mise en place et la bonne tolérance de la sonde d’alimentation par l’animal ; - les inconvénients sont la nécessité d’attendre au minimum douze heures avant de pouvoir commencer à nourrir l’animal. Ce délai est nécessaire à l’étanchéité des parois gastrique et abdominale. La sonde ne peut être retirée avant dix à douze jours au risque de provoquer une péritonite : cette durée est indispensable à la cicatrisation de la gastro❒ pexie (photos 3, 4, 5, 6).

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Suivi à trois semaines : le chien présente une bonne occlusion. Une collerette a dû être utilisée lors du retrait de la sonde, pour permettre la manipulation du chien qui était agressif.

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La sonde de gastrostomie est attachée au guide à l’entrée de la bouche. Elle est amenée par voie naturelle jusqu’à l’estomac en tirant sur le guide, puis elle est extériorisée à travers la paroi de l’estomac et de l’abdomen.

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Sonde de gastrostomie en place et fixée en tension à la paroi abdominale par un laçage chinois.

Références 1. Blot S. Les polyradiculonévrites. In: C.N.V.S.P.A. ed., Congrès annuel, Lyon, 6-8 décembre 1996:546-7. 2. Braund KG. Neurological Diseases. In : Clinical Syndromes in Veterinary Neurology. 2nd ed. Mosby 1994:279. 3. Fossum TW, Hedlund CS, Hulse DA and coll. Postoperative Care of the Surgical Patient. In: Small Animal Surgery. Mosby:75-9. 4. Mayhew PD. Trigeminal Neuropathy in Dogs : A Retrospective Study of 29 Cases. J Am An Hosp Ass 2002;3(38):262-70. 5. Nelson RW, Couto CG and coll. Disorders of Peripheral Nerves and Neuromuscular Junction. In: Small Animal Internal Medecine 2nd ed. Mosby 1998:1051-2.

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