DOSSIER : LA GESTATION CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE - N°15 - NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004
N°15 NOVEMBRE DÉCEMBRE JANVIER 2004 LA GESTATION chez le chien et le chat Conduites à tenir, fiches pratiques :
Si l’animal produit un taux anormal d’immunoglobulines G… L’activation du complément attire des polynucléaires et des macrophages qui détruisent les tissus.
DOSSIER :
LA GESTATION CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT La gestation de la chienne demeure une particularité physiologique (...) ; peu à peu, la chatte acquiert une existence propre. Plusieurs nouveautés ont élargi les possibilités diagnostiques et thérapeutiques offertes au praticien.
Management et entreprise Dossier - Vétérinaires et éleveurs :
comment travailler ensemble ?
Témoignage - Des relations enrichissantes avec un éleveur de chiens : «établir une vraie confiance réciproque» Tribune - «Mon chien tousse», ou les évolutions de la relation vétérinaire-client
REVUE DE FORMATION CONTINUE À COMITÉ DE LECTURE
- Les techniques de diagnostic de gestation - Le suivi de la gestation et la prévention des troubles associés - Imagerie médicale La surveillance du fœtus - Geste L’anesthésie de la femelle gestante - Planification et induction de la mise bas - Thérapeutique Les spécificités canine et féline chez la femelle gestante
Féline - Le diagnostic et le suivi de la gestation - Thérapeutique L’utilisation des progestatifs
Rubriques - Nutrition - la nutrition de la femelle gestante - Principe actif l’aglépristone - Immunologie et le B.A. BA en BD Les particularités de la réponse immunitaire digestive : quelles sont les conséquences médicales ? - Observation clinique Maladie d’Addison chez une chienne - Hospitalisation Comment utiliser les pansements et les solutions de lavage ?
sommaire Éditorial par Sylvie Chastant-Maillard Test clinique : Déchirure vaginale chez un Dogue de Bordeaux après une saillie Cyrille Martin, Dominique Illa
N°15 NOVEMBRE DÉCEMBRE JANVIER 2004
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CANINE - FÉLINE Les techniques de diagnostic de gestation chez la chienne Samuel Buff 9 Le suivi de la gestation et la prévention des troubles associés chez la chienne Samuel Buff 16 Fiche imagerie - La surveillance du fœtus chez la chienne Samuel Buff 21 Geste chirurgical - L’anesthésie de la femelle gestante chez le chien et le chat Roxanne Steux, Géraldine Jourdan, Patrick Verwaerde 25 Planification et induction de la mise bas chez la chienne Samuel Buff 31 Thérapeutique - Les spécificités canine et féline chez la femelle gestante Jean-Claude Desfontis 35
DOSSIER LA GESTATION chez le chien et le chat
FÉLINE Le diagnostic et le suivi de la gestation chez la chatte Samuel Buff Thérapeutique - L’utilisation des progestatifs chez la chatte Samuel Buff
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RUBRIQUES Nutrition - La nutrition de la femelle gestante chez le chien et le chat Pascale Pibot, Philippe Pierson Principe actif - L’aglépristone Marc Gogny, Francis Fiéni Immunologie - Les particularités de la réponse immunitaire digestive : quelles sont les conséquences médicales ? Séverine Boullier Le B.A.BA en BD - Les particularités de la réponse immunitaire digestive Frédéric Mahé, Séverine Boullier Observation clinique - Maladie d’Addison chez une chienne Olivier Reboul, Dominique Héripret Hospitalisation - Comment utiliser les pansements et les solutions de lavage chez le chien et le chat Rodolphe Milliat, Éric Aguado
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MANAGEMENT ET ENTREPRISE Dossier - Vétérinaires et éleveurs : comment travailler ensemble ? Dominique Grandjean Témoignage - Des relations enrichissantes avec un éleveur de chien Augustin Becquey Tribune “Mon chien tousse”, ou les évolutions de la relation vétérinaire-client Pierre Henning, Pierre-Henri Belin Test clinique - Les réponses Tests de formation continue - Les réponses Ce numéro contient un encart Dolisos Santé Animale
Souscription d’abonnement en page 82
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CANINE - FÉLINE FÉLINE
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RUBRIQUE
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MANAGEMENT
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 167
NÉVA Europarc - 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 e-mail neva@neva.fr
Conseil scientifique
test clinique
saignements vulvaires chez une chienne
Gilles Bourdoiseau (E.N.V.L.) Jean-Luc Cadoré (E.N.V.L.) Dominique Fanuel (E.N.V.N.) Pascal Fayolle (E.N.V.A.) Marc Gogny (E.N.V.N.) Jean-François Guelfi (E.N.V.T.) Jean-Pierre Jégou (praticien) Roger Mellinger (praticien)
Cyrille Martin Dominique Illa
Rédacteurs en chef
U
Colette Arpaillange (E.N.V.N.) Christophe Hugnet (praticien)
Rédacteur en chef management Philippe Baralon (Phylum)
Comité de rédaction Xavier Berthelot (reproduction, E.N.V.T.) Géraldine Blanchard (Alimentation - nutrition, E.N.V.A.) Corine Boucraut-Baralon (Diagnostic, E.N.V.T.) Séverine Boullier (Immunologie, E.N.V.T.) Florence Buronfosse (Toxicologie, E.N.V.L.) Luc Chabanne (Immunologie - Hématologie, E.N.V.L.) Bernard Clerc (Ophtalmologie, E.NV.A.) Valérie Chetboul (Cardiologie, E.N.V.A.) René Chermette (Parasitologie - mycologie, E.N.V.A.) Olivier Dossin (Médecine interne, néphrologie, E.N.V.T.) Valérie Dramard (Comportement, praticien) Olivier Jongh (Ophtalmologie, praticien) Fabrice Labadie (Management) Alain Fontbonne (Reproduction, E.N.V.A.) Alain Ganivet (Elevage et collectivité, praticien) Laurent Marescaux (Imagerie, praticien) Claude Petit (Pharmacie - toxicologie, E.N.V.T.) Patricia Ronsin (Reproduction, E.N.V.T.) Etienne Thiry (Virologie, Liège)
Clinique vétérinaire de Médipole 7 rue Arnaud de Villeneuve 66330 Cabestany
ne chienne Dogue de Bordeaux femelle de trois ans, originaire de Russie, est présentée en consultation d’urgence pour des saignements vulvaires importants, survenus après sa première saillie par un mâle de la même race. Cette chienne n'a a priori jamais reçu de traitement hormonal. À l’examen clinique, la chienne se déplace normalement, elle est en polypnée. Les appareils cardio-vasculaire et respiratoire apparaissent normaux à l'auscultation. L'examen de l'appareil génital externe montre que la chienne perd, en effet, beaucoup de sang par la vulve (photo 1).
1 Quelle hypothèse diagnostique principale retenez vous pour cette affection ?
Chargées de mission rédaction Valérie Colombani Anne Quinton Abonnement et Promotion Marie Servent, Maryse Mercan
2 Quelles peuvent en être les causes ?
Publicité Maryvonne Barbaray Anne Quinton - Marie Servent
3 Quels moyens mettez-vous en œuvre pour confirmer ces hypothèses ?
NÉVA Europarc - 15, Rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 e-mail neva@ neva.fr
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4 Quelle attitude thérapeutique adoptez-vous ?
Directeur de la publication Maryvonne Barbaray Revue bimestrielle éditée par LES NOUVELLES ÉDITIONS VÉTÉRINAIRES ET ALIMENTAIRES - NÉVA
Réponses à ce test page 81
comité de lecture
SARL au capital de 7622€ Siège social : Europarc - 15, Rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX C.P.P.A.P 1007 T801 21 I.S.S.N. 0399-2519 Impression - photogravure : Imprimerie Nouvelle Normandie 24, rue Haëmers B.P. 14 - 76191 YVETOT Cedex
Toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de la présente publication sans autorisation est illicite et constitue une contrefaçon. L’autorisation de reproduire un article dans une autre publication doit être obtenue auprès de l’éditeur, NÉVA. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit de la copie (C.F.C.). LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 168 - NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004
Réalisation d’une épisiotomie verticale à midi et coagulation au bistouri électrique (photo S. Buff).
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Hélène Arnold-Tavernier, Jean-François Bardet, Michel Baron, Jean-Jacques Bénet, Juliette Besso, Vincent Boureau, Didier Boussarie, Stéphane Bertagnoli, Stéphane Bureau, Jean-Jacques Bynen, Claude Carozzo, Sylvie Chastant-Maillard, Claude Chauve, Yan Cherel, Cécile Clercx (Liège), Jean-Pierre Cotard, Jack-Yves Deschamps,
Pierre Desnoyers, Gilles Dupré, Patrick Devauchelle, Brigitte Enriquez, Frédéric Gaschen (Berne), Olivier Gauthier, Emmanuel Gaultier, Sébastien Géroult, Jean-Pierre Genevois, Isabelle Goy-Thollot, Dominique Grandjean, Laurent Guilbaud, Jacques Guillot, Nicole Hagen, Philippe Hennet, Marc Henroteaux (Liège), Yves Legeay,
Bertrand Losson (Liège), Leila Loukil, Sandrine Macchi, Pierre Maisonneuve, Lucile Martin-Dumon, Philippe Masse, Martine Mialot, Jean-Paul Mialot, Pierre Moissonnier, Patrick Pageat, Pierre Paillassou, Jean-Marc Person, Didier Pin, Xavier Pineau, Luc Poisson, Jean-Louis Pouchelon, Pascal Prélaud,
Nathalie Priymenko, Alain Régnier, Dan Rosenberg, Yannick Ruel, Patricia Ronsin, Yves Salmon, Odile Sénécat, Brigitte Siliart, Isabelle Testault, Jean-Jacques Thiébault, Bernard Toma, Patrick Verwaerde, Muriel Vabret, Isabelle Valin, Lionel Zenner.
éditorial La gestation de la chienne demeure une particularité physiologique..., la chatte, longtemps considérée bien à tort comme une petite chienne, acquiert de plus en plus une existence propre...
E
n clientèle, les cas de reproduction canine les plus fréquents concernent la prévention d’éventuelles gestations. Cependant, les propriétaires qui à l’inverse souhaitent voir leur chienne ou leur chatte mettre bas, accordent de plus en plus d’importance au suivi de la gestation et de la parturition de leur animal. Les vétérinaires sont sollicités à toutes les étapes : diagnostic de gestation, prévention de la mortalité embryonnaire, fœtale et néonatale, gestion de la mise bas, qu’elle se fasse par les voies naturelles ou par voie chirurgicale. De véritables prises en charge "gynéco-obstétricales" se développent. Ces dernières années ont vu ce secteur nettement évoluer. Il ne s’agit plus maintenant de décalquer sur la chienne et sur la chatte des protocoles ou des mécanismes physiopathogéniques connus dans d’autres espèces, mais bien de développer des connaissances spécifiques. La gestation de la chienne demeure en effet une particularité physiologique : alors que dans les autres espèces, le maintien d’une progestéronémie élevée est la caractéristique des femelles gravides, les profils de cette hormone sont très peu modifiés par la gestation chez la chienne. Quant à la chatte, longtemps considérée bien à tort comme une petite chienne, elle acquiert de plus en plus une existence propre. Même si on ne connaît toujours pas les signaux embryonnaires spécifiques des canidés et des félidés, l’endocrinologie spécifique de la gestation des carnivores est néanmoins un peu mieux connue. On sait ainsi depuis peu que, si la progestérone est semblable, le taux d’autres progestagènes varie entre les chiennes gestantes et non gestantes. Les conséquences sur la gestation des perturbations endocriniennes commencent aussi à être mieux évaluées (insuffisance lutéale, hypothyroïdie, …).
Sylvie Chastant-Maillard Unité pédagogique de Reproduction E.N.V.A. 7, avenue du Général De Gaulle 94704 Maisons-Alfort Cedex
Plusieurs nouveautés ont élargi les possibilités diagnostiques et thérapeutiques offertes au praticien. Par exemple, le développement des indications d’un antagoniste de la progestérone (aglépristone), la mise au point du dosage de la relaxine pour le diagnostic de gestation, le développement de la vaccination contre l’herpesvirus canin. Enfin, l’approche collective en élevage canin ou félin est de plus en plus prise en compte par les vétérinaires et une forte demande en matière de néonatalogie se manifeste désormais. Le lecteur trouvera dans ce numéro du NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE des conduites à tenir précises, des normes, des gestes techniques, permettant une prise en charge de la gestation et de la mise bas chez la chienne et la chatte. Utilisable à plusieurs niveaux de lecture, ce numéro sera utile à la formation permanente, mais constitue aussi un outil de référence facile à consulter face à un problème clinique. Il fournit une approche concrète des problèmes qui peuvent survenir entre le diagnostic de gestation et la naissance de chiots ou de chatons vivants. Il décrit les particularités thérapeutique des femelles gestantes : choix des molécules et des posologies selon le risque abortif et tératogène, gestion de l’anesthésie. Des approches d’élevage sont également présentées, ainsi que l’alimentation spécifique de la femelle gestante, point qui est souvent négligé. Ce numéro forme donc un ensemble d’informations pratiques, qui permettront au praticien une prise en charge globale de la gestation et de la parturition de la chienne et de la chatte. ❒ LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 170 - NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004
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les techniques
de diagnostic de gestation chez la chienne
Les particularités du cycle hormonal de la chienne compliquent le diagnostic de gestation. Cet article présente quand et comment mettre en œuvre les examens complémentaires possibles, de l’imagerie au dosage de la relaxine.
C
hez les carnivores domestiques, le diagnostic de gestation peut être réalisé par palpation trans-abdominale, par radiographie ou échographie, ou par dosage hormonal (tableau 1, figure). Quelle que soit la méthode utilisée, ce diagnostic ne peut être envisagé avant la 3e ou la 4e semaine après la saillie (photo 1). DÉTERMINER LE JOUR DU DÉBUT DE LA GESTATION
En pratique, le diagnostic précoce de gestation est difficile chez la chienne car : 1. l'implantation est tardive, par comparaison avec les autres espèces ; 2. il existe souvent une différence sensible entre la durée réelle de la gestation et la durée observée entre la saillie et la mise bas (encadré 1). ● Ces données prennent une importance particulière si l'examen de la chienne a lieu au début de la gestation. - Si le début de la gestation est estimé en fonction des dates de saillie, les examens destinés à établir le diagnostic sont réalisés trop tôt, et le diagnostic peut être faussement négatif. Comme le sperme du chien peut rester fécond dans le tractus génital de ●
Objectif pédagogique Choisir la technique de diagnostic adaptée au stade de gestation chez la chienne.
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L’échographie est actuellement le meilleur moyen d’établir un diagnostic de gestation chez la chienne (photo S. Buff).
Tableau - Période optimale pour le diagnostic de gestation chez la chienne Période optimale après l’ovulation
Méthode utilisée Palpation trans-abdominale ● Examen radiographique (visualisation des chiots) ●
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28-33 jours
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> 42 jours > 22 jours > 25 jours
●
Examen échographique*
●
●
Dosage de la relaxine
●
Essentiel ❚ En cas de diagnostic de non gestation, il est conseillé de renouveler l’examen une semaine plus tard. ❚ Si le début de la gestation est estimé en fonction des dates de saillie, les examens complémentaires peuvent être réalisés trop tôt et le diagnostic peut être faussement négatif. ❚ La 1ère palpation de la chienne est en général réalisée entre le 31e et le 33e jour après l'ovulation. ❚ Au-delà du 50e jour de gestation, l'examen radiographique permet de déterminer le nombre de chiots à naître avec une excellente fiabilité.
* Détermination possible de la viabilité des fœtus.
la femelle pendant 4 à 5 jours, une chienne présentée 21 jours après la saillie peut n'être qu'à 16 ou 17 jours de gestation effective. Dans ce cas, quel que soit l'examen choisi, il donne systématiquement lieu à un résultat de non gestation. - C'est pourquoi, en l'absence d'informations précises, il est conseillé de renouveler l'examen (échographie ou prise de sang) une semaine plus tard, avant de conclure trop hâtivement à un échec de saillie. ● À l'inverse, dès que les ampoules fœtales sont observées, ou dès que la moindre
Encadré 1 - Pourquoi la durée de la gestation semble variable chez la chienne Lorsque le jour de la saillie est pris comme point de repère, la durée de la gestation varie de 57 à 70 jours, alors que si l'on se réfère au jour de l'ovulation, la gestation présente une durée quasi constante de 61 à 63 jours. ● En effet, la date de la fécondation effective n'est pas toujours parfaitement déterminée et, pour le praticien, il est nécessaire de tenir compte du décalage possible entre la saillie et la période de fécondation. Ainsi, une saillie qui a lieu avant l'ovulation peut ●
Samuel Buff Centre d'Étude et de Recherche en Reproduction et Élevage des Carnivores E.N.V.L. BP 83 69280 Marcy l’Étoile
être fertile, si les spermatozoïdes survivent suffisamment longtemps dans les voies génitales femelles. Cette saillie "précoce" se traduit par une gestation apparemment longue. ● Inversement, juste après l'ovulation, les ovocytes subissent une maturation d'environ 48 heures avant de pouvoir être fécondés. À l'issue de cette période de maturation, ils restent fécondables pendant près de 3 jours. Une saillie "tardive" donne alors lieu à une gestation apparemment "courte".
CANINE
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2003 - 173
le suivi de la gestation
et la prévention des troubles associés chez la chienne
Samuel Buff Centre d'Étude et de Recherche en Reproduction et Élevage des Carnivores E.N.V.L., BP 83 69280 Marcy l’Étoile
La santé des chiots et de la mère dépendent d’abord du suivi de gestation. Quels sont les points à surveiller, quand et comment mettre en œuvre les mesures de prévention ?
Objectif pédagogique Surveiller et prévenir les complications chez la mère et les fœtus pendant la gestation.
L Essentiel ❚ Chez des chiennes "à risques", réaliser un examen pre-partum systématique à partir du 55e jour de gestation (échographie et/ou radiographie). ❚ Ne pas faire d’examens radiographiques précoces et répétés pendant la gestation, car les radiations sont potentiellement dangereuses pour les fœtus. ❚ Une période d’anorexie prolongée peut conduire à une toxémie de gestation.
es complications de la gestation sont caractérisées par l'altération du pronostic vital des chiots ou de la lice, le déclenchement ou l’aggravation d’affections chez la mère, et l’interruption prématurée. ● La prévention de ces troubles nécessite d'abord une surveillance attentive et systématique du développement des chiots jusqu'au terme et des mesures spécifiques pour la chienne (photo). ● Les causes de résorption ou d'avortement dans l'espèce canine sont nombreuses : elles sont classiquement regroupées selon leur étiologie, qui peut être infectieuse (bactérienne ou virale), parasitaire, endocrinienne, génétique, nutritionnelle ou iatrogène. L’identification des causes peut être effectuée par examen direct des avortons, par examen nécropsique, par des analyses sérologiques ou bactériologiques, par des caryotypes, ... Ces données liées aux gestations pathologiques ne sont pas traitées dans cet article. Elles le seront dans un prochain numéro. LA SURVEILLANCE DU FŒTUS De nombreuses affections du fœtus peuvent être détectées lors de l'examen échographique et/ou radiographique de la femelle gestante (cf. Fiche imagerie, du même auteur, dans ce numéro).
Le développement fœtal normal
CANINE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 180 - NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004
● Au cours de la gestation, la croissance du fœtus subit une progression continue. Certaines étapes du développement peuvent être observées à des dates précises, par échographie et/ou par radiographie. La séquence des événements reste relativement constante quelle que soit la race, mais les mesures fœtales peuvent varier d'une race à une autre. ● Bien connaître les éléments caractéristiques
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La prévention de ces troubles nécessite d'abord une surveillance attentive et systématique du développement des chiots jusqu'au terme et des mesures spécifiques pour la chienne (photo S. Buff).
du développement normal de l'embryon, puis du fœtus, permet au praticien de juger de l'existence d'une éventuelle anomalie. ● Ce contrôle permet de déterminer le stade de gestation avec précision, notamment lorsque la date d'ovulation n'est pas connue, et peut être utile pour prévenir les complications de la mise bas. Le contrôle de la viabilité des fœtus L'examen échographique est particulièrement utile pour s'assurer de la bonne viabilité des produits, car il permet de voir l'activité cardiaque et les mouvements du fœtus. ● L'activité cardiaque se reconnaît par de petites zones focales de très rapides échos pulsés, localisées dans l'embryon : - chez la chienne, dès le 21e-23e jour de gestation ; - chez la chatte, 18 à 25 jours après la saillie [13]. Plus tardivement, l'activité cardiaque complète peut être observée. ● Il est possible d'observer certains mouvements normaux du fœtus : - les mouvements respiratoires ; - les mouvements du corps ou des membres ; - d'autres mouvements, tels que les hoquets, la déglutition ou la succion [14]. ●
Le diagnostic de mort fœtale Le diagnostic par échographie
Les 1ers signes d'une mort fœtale sont : - l'absence de battements cardiaques ; - un défaut de mouvements ;
Fiche
imagerie médicale la surveillance du fœtus chez la chienne
De nombreuses affections du fœtus peuvent être détectées lors de l'examen échographique et/ou radiographique de la femelle gestante.
Objectif pédagogique
o
L
’examen échographique et/ou radiographique permet de détecter : - les anomalies utérines, qui causent la perte précoce des embryons ; - le développement anormal du conceptus suivi de l'interruption de la gestation ; - la résorption ou l'avortement ; - la mort fœtale peu avant ou pendant la mise bas ; - les anomalies du développement fœtal. LE DÉVELOPPEMENT FŒTAL NORMAL Les étapes du développement peuvent être observées à des dates précises, par échographie et/ou par radiographie (encadré 1). La séquence des événements reste relativement constante quelle que soit la race, mais les mesures fœtales peuvent varier d'une race à une autre (tableaux 1, 2). ● L'examen échographique permet une évaluation précise du stade de gestation, et peut facilement être mis en œuvre dès le second tiers de celle-ci (tableau 2). ●
1
LES ALTÉRATIONS DU DÉVELOPPEMENT ET LES ANOMALIES FŒTALES ● Dans la même portée, un ou plusieurs chiots peuvent souffrir d'un développement réduit par rapport à la taille attendue à un moment donné de la gestation. Ces embryons connaissent un taux de résorption plus important. ● La mise en évidence d'une telle anomalie reste difficile : elle nécessite de connaître précisément le stade de gestation, ce qui est rare, et d'utiliser des tables de mesures de référence (tableau 1). ● En pratique, la comparaison de la taille des conceptus entre eux permet d'émettre l'hypothèse d'un retard de croissance, pour un ou plusieurs sujets.
Jours après ovulation
Jours Jours après la 1ère saillie avant la mise bas
●
1ère visualisation de l'utérus
28 j (26-32)
32 j (28-37)
35 j (33-36)
●
Renflements circulaires utérins
33 j (29-36)
35 j (31-38)
30 j (27-33)
39 j (36-42)
41 j (36-45)
24 j (22-27)
43 j (41-44)
46 j (42-50)
21 j (20-22)
Renflements tubulaires / ovoïdes utérins ● Première minéralisation fœtale : rachis, crâne, côtes ●
●
Humérus, scapula, fémur
46 j (44-49)
50 j (45-54)
17 j (15-18)
●
Radius, ulna, tibia
50 j (48-51)
54 j (49-59)
11 j (9-13)
●
Bassin
52 j (51-55)
56 j (52-63)
11 j (9-13)
52 j (50-57)
55 j (51-66)
11 j (7-12)
59 j (53-62)
63 j (58-70)
5 j (2-9)
59 j (56-61)
63 j (60-68)
4 j (3-9)
63 j (62-64)
66 j (63-71)
-
Treize côtes Vertèbres caudales, fibula, calcanéus, membres ● Dents ● ●
●
Mise bas
Surveiller et prévenir les complications chez la mère et les fœtus pendant la gestation.
Coupe transversale qui passe par la vessie, le colon et l’utérus, 13 jours après l’ovulation : l’examen de l’appareil génital permet au praticien de visualiser la bifurcation des cornes ventralement à la vessie, et de parcourir l’utérus sur toute sa longueur. Plusieurs plans de coupes sont utilisés, pour se dégager de structures abdominales gênantes ou artéfactuelles.
Tableau 1 - Examen radiographique : comment évaluer le stade de la gestation et la date de la mise bas ? Événements
Samuel Buff Centre d'Étude et de Recherche en Reproduction et Élevage des Carnivores E.N.V.L. BP 83 69280 Marcy l’Étoile
Essentiel ❚ Les 1ers signes d'une mort fœtale sont : - l'absence de battements cardiaques ; - un défaut de mouvements ; - une diminution de volume ; - une augmentation d'échogénicité des liquides fœtaux et l'accumulation de gaz dans le fœtus. ❚ Pour les chiennes primipares, effectuer un examen radiographique pendant la dernière semaine de gestation, pour confirmer que la filière pelvienne est assez développée.
CANINE
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 185
geste chirurgical l’anesthésie de la femelle gestante chez le chien et le chat
Roxanne Steux Géraldine Jourdan Patrick Verwaerde Unité d'anesthésie-réanimation, Département des sciences cliniques des animaux de compagnie et de sport, E.N.V.T. 23, chemin des capelles 31076 Toulouse cedex
Anesthésier une chienne gestante nécessite certaines précautions. Cette fiche décrit les risques à maîtriser, et présente des exemples de protocoles d’anesthésie.
Objectif pédagogique Anesthésier une chienne ou une chatte gestante.
L
'anesthésie générale doit être menée avec précaution chez la chienne gestante, en raison des modifications gestationnelles, des propriétés abortives ou tératogènes des agents de l’anesthésie ou de la prémédication : ceux-ci traversent tous la barrière hémato-placentaire, sauf les curares. Dans ce contexte clinique particulier, le point-clé de la démarche anesthésique reste l’évaluation du rapport bénéfice-risque. Autrement dit, le bénéfice attendu est-il supérieur au risque que l’anesthésie fait courir à la chienne et aux chiots ? LES INDICATIONS DE L'ANESTHÉSIE GÉNÉRALE LORS DE LA GESTATION
Les indications de l’anesthésie générale chez une chienne gestante se limitent aux actes thérapeutiques ou diagnostiques urgents (contexte traumatique, toxicologique, neurologique, …) : “en cas d'urgence vitale pour la chienne, il est parfois acceptable de risquer la vie des chiots”. ● Dans tous les cas, cette décision est prise ●
Encadré 1 - Pourquoi l’anesthésie est à éviter pendant la gestation Tous les médicaments de l’anesthésie générale ont potentiellement un effet abortif dans les deux derniers tiers de la gestation, par effets directs ou indirects. Certains peuvent être tératogènes, s’ils sont administrés pendant le 1er tiers de la gestation. ● Ces effets délétères ne sont pas systématiques. Le métabolisme maternel permet généralement une métabolisation et une élimination normales des produits anesthésiques présents dans la circulation fœtale. De même, la tératogénicité des médicaments constitue un risque majeur, mais non absolu. Le médicament le plus tératogène n’est en général à l’origine de malformation que dans environ 20 p. cent des cas. ● Parallèlement aux risques fœtaux, la gestation majore les risques de morbi-mortalité maternels. ●
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Quel que soit le protocole anesthésique utilisé (fixe ou volatile), l’intubation endotrachéale et l’administration d’oxygène permettent de prévenir les risques majeurs de l’anesthésie générale chez une femelle gestante (photo P. Verwaerde).
en conscience, avec le consentement des propriétaires. Les interventions non urgentes sont différées après la mise bas (encadré 1). LES RISQUES À MAÎTRISER LORS D'ANESTHÉSIE GÉNÉRALE ● Si le risque nul n’existe pas en anesthésie, la maîtrise de la physiopathologie permet de mettre en place les moyens et techniques de prévention adaptés. ● Les principales complications observées lors de l’anesthésie d’une femelle gestante sont : - l’hypoventilation maternelle ; - les vomissements et les fausses déglutitions ; - l'hypotension artérielle ; - l’hypoxie maternelle et fœtale ; - l'anémie de gestation (encadré 2).
DÉROULEMENT PRATIQUE DE L’ANESTHÉSIE ● Avant l'anesthésie, une réanimation médicale est souvent nécessaire. En pratique, lorsqu'une anesthésie générale est indispensable chez une chienne gestante (en situation d’urgence vitale), l'animal requiert souvent une réanimation pré-anesthésique : 1. une pré-oxygénation est réalisée pendant un minimum de 10 min avec un masque, une sonde nasale ou une cage à oxygène ; 2. une réanimation liquidienne (soluté cristalloïde à un débit de 5 à 10 mL/kg/h) est mise en place avant l’induction anesthésique et poursuivie jusqu’au réveil de l’animal ;
Essentiel ❚ Il est conseillé de différer les interventions non urgentes après la mise bas. ❚ Avant l’anesthésie, réaliser : - une pré-oxygénation ; - une réanimation liquidienne ; - une transfusion sanguine si besoin ; - une analgésie à l’aide d’un morphinique.
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CANINE - FÉLINE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 189
planification et induction de la mise bas
chez la chienne
Samuel Buff Centre d'Étude et de Recherche en Reproduction et Elevage des Carnivores E.N.V.L., BP 83 69280 Marcy l’Étoile
Quelles que soient les motivations des propriétaires, la mise bas doit être bien menée par le praticien. À quel moment et comment induire la mise bas ou programmer une césarienne ?
L
a mise bas constitue une étape délicate pour les chiots ou les chatons, car la mortalité des nouveau-nés est souvent importante. Les appréhensions des propriétaires sont souvent proportionnelles au degré de leur investissement affectif ou à la valeur génétique des reproducteurs utilisés. ● Le praticien est parfois consulté pour une planification raisonnée des interventions envisagées au moment du terme : les indications sont un risque de dystocie connu (races prédisposées, mise bas précédente), une demande particulière des propriétaires, ... COMMENT PRÉVOIR ET CONFIRMER LE TERME ?
La gestion de la prématurité chez le chiot est très délicate : entreprendre une césarienne plus de 24 à 48 heures avant que le terme ne soit atteint, hypothèque le pronostic vital de plus de 90 p. cent des chiots de la portée. Aussi, le praticien doit d’abord confirmer la date prévue pour la fin de la gestation, faute de quoi sa responsabilité pourrait être directement engagée. ● Si le jour de la 1re saillie est pris comme repère, la durée de la gestation peut varier de 57 à 70 jours, alors que si le point de référence est le 1er jour de fécondation (c'est-àdire 48 heures après l’ovulation), la gestation a une durée quasi constante de 59 à 61 jours. ● Un suivi attentif des chaleurs, par des dosages de progestérone et/ou des frottis vaginaux, permet de préciser le moment de l'ovulation et par conséquent, la date du terme. ● À défaut, le praticien peut réaliser des examens réguliers (par échographie ou par radiographie) au cours de la gestation. Cette démarche a pour objectif de mettre en évidence les marqueurs de développement des fœtus qui permettent de déterminer ●
1
Le pronostic vital de plus de 90 p. cent des chiots de la portée est en jeu lors d’une césarienne réalisée avant le terme (photo M. Barbaray).
précisément le stade de gestation (cf. Le suivi de la gestation, du même auteur, dans ce numéro). ● Chez la chatte, la réalisation légèrement anticipée (deux à trois jours) d’une césarienne par rapport à la date de mise bas prévue ne semble pas hypothéquer le pronostic de survie des chatons, alors qu’elle constitue un facteur de risque majeur pour les chiots (même pour 24 heures seulement). Les marqueurs de la gestation ● En fin de gestation, sont visibles : - les anses intestinales, à l’échographie 55 à 61 jours après l’ovulation [17, 10] ; - les dents, à l'examen radiographique, 56 à 61 jours après l’ovulation [12]. Cependant, la précision obtenue est insuffisante pour garantir que la chienne est bien à terme et que le pronostic vital des chiots ou des chatons n'est pas engagé. ● Ces observations permettent seulement au praticien d’indiquer que la mise bas peut survenir dans les un à trois jours. Mais celleci peut aussi n’avoir lieu que 6 à 8 jours plus tard soit 62-63 jours après l’ovulation, alors que la détection de ces deux éléments n’est possible que dès 55-56 jours [1].
Essentiel ❚ Il n’est pas conseillé de faire une césarienne plus de 24-48 heures avant le terme car le pronostic vital de plus de 90 p. cent des chiots de la portée est alors en jeu. ❚ Chez la chatte, la césarienne anticipée de 2 à 3 jours ne pose pas de problème pour la survie des chatons. ❚ En fin de gestation, le dosage de la progestéronémie peut permettre de préciser la date de la mise bas.
CANINE
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 195
thérapeutique
spécificités de la femelle gestante chez le chien et le chat Certains médicaments, utilisés pendant la gestation, peuvent présenter des risques pour la mère, le fœtus ou le nouveau-né. Même si la liste des médicaments à toxicité avérée est limitée, il convient de gérer le risque face au bénéfice éventuel du traitement.
L
es femelles en gestation présentent des particularités physiologiques liées à leur état, qui nécessitent d'être prises en compte avant toute prescription de médicament. D’une part, l’interférence avec le contexte hormonal particulier de la gestation peut être à l’origine d’effets indésirables, qui peuvent aller jusqu’à l’avortement ou à l’arrêt de la lactation. D’autre part, les médicaments peuvent présenter une toxicité spécifique pour le fœtus pendant la gestation. ● En règle générale, l’administration de médicaments aux femelles gestantes ou allaitantes est déconseillée. Elle est pourtant nécessaire dans certaines situations. ● Il convient de rester vigilant sur l’administration des médicaments dans les espèces différentes de celles testées pendant la phase d’expérimentation animale, bien que la procédure d’autorisation de mise sur le marché des médicaments vétérinaires et humains comporte une évaluation des risques toxiques. En effet, la toxicité de la plupart des médicaments utilisés chez la chienne et la chatte n’est pas évaluée de manière exhaustive dans l’espèce cible en gestation. Il est donc nécessaire, pour le praticien, d’extrapoler les résultats d’études menées sur animal de laboratoire ou de se référer à l’expérience acquise en médecine humaine. LES EFFETS DES MÉDICAMENTS CHEZ LA FEMELLE GESTANTE Quelle est l’influence de la gestation sur l’action des médicaments ? La gestation n'est pas un événement neutre au niveau des organes génitaux femelles et de la fonction circulatoire, mais elle n'affecte
●
Jean-Claude Desfontis Unité de Pharmacologie et Toxicologie E.N.V. N. BP 40706 44307 Nantes Cedex 03
Objectif pédagogique Évaluer le rapport risque/bénéfice dans l’emploi des médicaments chez la femelle gestante.
1
Certains médicaments sont totalement contre-indiqués chez la femelle gestante : les substances abortives telles que les corticoïdes, mais aussi les molécules à effet toxique, comme les aminoglycosides ou le chloramphénicol (photo C. Arpaillange).
pas de manière appréciable les effets des médicaments sur l’ensemble des tissus (exceptés l’ovaire, l’utérus et la mamelle). ● Les adaptations physiologiques liées à la gestation peuvent abaisser le taux plasmatique de certains médicaments, en raison d’une augmentation du taux de filtration glomérulaire, dûe à la hausse du débit cardiaque. - Ceci concerne les médicaments éliminés par voie rénale, tels que les antibiotiques polaires comme les pénicillines, les céphalosporines et les aminosides (tableau 1). - Ces effets ont surtout été étudiés dans l'espèce humaine et chez la brebis, chez la chèvre et chez les animaux de laboratoire, ● Il a également été rapporté une augmentation de la clairance hépatique : elle est produite par l'augmentation de l’activité des enzymes du métabolisme hépatique, en présence d’une forte concentration plasmatique de progestérone. ● Le volume de distribution des médicaments augmente pendant la gestation, en raison d’une baisse de liaison aux protéines plasmatiques, et d’une augmentation du volume liquidien total de l’individu. Celle-ci s'explique par la présence du fœtus et des liquides utérins.
Essentiel ❚ En règle générale, l’administration de médicaments aux femelles gestantes est déconseillée. ❚ Il est important de ne pas administrer de tétracyclines, de quinolones, de griséofulvine, d’anticancéreux, d'anti-inflammatoires non stéroïdiens, de dexaméthasone, de pentobarbital, de dérivés œstrogéniques et androgéniques, d'anti-progestérones et d'anti-prolactine. ❚ Lors du choix d’un traitement, il convient de rester vigilant : le praticien est souvent dans l’obligation d’extrapoler à partir des données connues dans d’autres espèces.
Quelle est l’influence des médicaments sur la gestation ?
CANINE - FÉLINE
De nombreux médicaments sont totalement contre-indiqués, à cause de leur interférence avec l’équilibre hormonal spécifique de la gestation (tableau).
●
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 199
le diagnostic et le suivi de la gestation chez la chatte
Le diagnostic de gestation chez la chatte peut être effectué par palpation trans-abdominale. La radiographie et l’échographie le complètent utilement.
Objectif pédagogique ❚ Réaliser le diagnostic et prévenir les complications de la gestation chez la chatte.
L
e développement récent de l’élevage félin et la valeur sans cesse croissante de certaines portées rendent aujourd’hui nécessaires la réalisation d’un suivi attentif de la gestation, ainsi que la prévention des avortements ou de la mortinatalité pour limiter au mieux les pertes de production. Les données connues chez la chienne ne peuvent pas toutes être appliquées chez la chatte. Cet article présente les spécificités du diagnostic et du suivi de la gestation dans l’espèce féline. Les avortements et les mortinatalités seront traités ultérieurement. LES PARTICULARITÉS DU DIAGNOSTIC DE GESTATION CHEZ LA CHATTE
La durée de la gestation chez la chatte est comprise entre 60 et 70 jours, avec un pic de 63 à 65 jours après l’accouplement. Dans cette espèce, l’ovulation est provoquée par un réflexe neuro-hormonal qui débute par la répétition des stimulations coïtales. La production de LH (antéhypophyse) qui en résulte est responsable de la rupture du follicule ovarien et de la libération des ovocytes dans les 24 heures suivant l’accouplement. ● La fécondation a lieu dans le tiers proximal de l’oviducte. Les œufs fécondés atteignent l’utérus le 5e ou le 6e jour après l’ovulation : l’embryon commence alors son développement libre dans l’utérus. ● L’implantation se produit du 14e au 18e jour. ●
Le diagnostic de gestation par palpation trans-abdominale Dès le 15e jour de gestation chez la chatte, la palpation trans-abdominale des ampoules fœtales peut être officiellement réalisée : de petites dilatations seraient alors déjà perceptibles le long de l'utérus [25]. ● Toutefois, il nous semble plus raisonnable de n'envisager la réalisation de cet examen qu'entre le 21e et le 25e jour après l'accou●
Samuel Buff Centre d'Étude et de Recherche en Reproduction et Élevage des Carnivores E.N.V.L., BP 83 69280 Marcy l’Étoile
1
Radio abdominale d’une chatte gestante : la radio permet de compter les fœtus de façon plus précise que l’échographie. L’échographie permet en revanche de mieux vérifier que les chatons sont vivants (photo P. Barthez).
Tableau 1 - Évaluation du stade de gestation chez la chatte Ampoules fœtales
●✌
Diamètre
Date
1,2 à 2 cm 3 à 3,8 cm
19-21 j 28-32 j
Coalescence des ampoules fœtales ● Début de l’ossification fœtale ●
33-40 j 38-43 j
plement : à ce stade, les ampoules fœtales ont un diamètre de 2,5 cm et sont bien identifiables (tableau 1). ● Au-delà du 35 e jour de gestation, elles tendent à confluer et les renflements segmentaires de l'utérus deviennent alors plus difficiles à palper. ● En fin de gestation (au-delà de 58 à 60 jours), il est souvent possible de discerner la tête du corps des chatons, avec une palpation délicate du tractus génital de la mère. Remarque : à la palpation trans-abdominale, le praticien ne peut différencier une gestation d’une dilatation segmentaire pathologique de l'utérus (lors de pyomètre, par exemple).
Essentiel ❚ Réaliser le diagnostic de gestation par palpation transabdominale entre le 21e et le 25e jour après l’accouplement. ❚ À la palpation, le praticien ne peut différencier gestation et pyomètre, par exemple. ❚ À la radiographie, le diagnostic de certitude est réalisé au-delà du 38e-40e jour après l’accouplement. ❚ L’échographie abdominale est l'examen de choix pour le diagnostic de gestation.
Le diagnostic par radiographie ● L'examen radiographique de l'abdomen d'une chatte gestante doit permettre d'établir un diagnostic de présomption dès le 17e-21e jour après l'accouplement, selon certains auteurs [29]. ● Un diagnostic de certitude ne peut être établi qu'après avoir visualisé la calcification des os des chatons, c'est-à-dire au-delà
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FÉLINE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 205
thérapeutique
l’utilisation des progestatifs chez la chatte
Comment prescrire les progestatifs chez la chatte ? Couramment utilisés, ils présentent des propriétés intéressantes. Leurs effets indésirables peuvent être limités par une meilleure gestion des doses.
L
es connaissances spécifiques sur les molécules utilisables chez la chatte sont peu nombreuses, notamment dans le domaine de la reproduction. C’est pourquoi plusieurs substances ont été utilisées par extrapolation des connaissances acquises chez la chienne. ● Les progestatifs (ou progestagènes) constituent aujourd’hui la famille de molécules la plus largement utilisée pour la maîtrise de la reproduction chez la chatte [13, 14 ]. ● Selon le moment de leur administration : - ils retardent l’apparition de l’œstrus suivant : en période d’anœstrus (saison de repos sexuel), ou durant la saison sexuelle à un moment où la chatte n’est pas en chaleurs ; - ils empêchent durablement l’apparition des chaleurs : à doses répétées durant la période d’anœstrus, de diœstrus, ou parfois au moment des chaleurs ; - ils suppriment et préviennent les accouplements et la conception : dès les premiers signes de chaleurs. ● Utilisés de façon inappropriée, les progestagènes peuvent entraîner de sérieux effets indésirables [11]. - Par voie orale ou parentérale, ils provoquent une hyperplasie glandulo-kystique de l’endomètre, généralement sans effet sur l’état général, qui régresse spontanément et sans interférence ultérieure sur le fonctionnement de l’appareil génital [1, 2]. - À long terme, ils prédisposent les femelles aux tumeurs mammaires [4, 9, 10, 12]. - D’autres dysfonctionnements organiques peuvent aussi être induits, parmi lesquels un hypocorticisme, le diabète ou une prise de poids excessive [8, 15, 6]. ● Les résultats des nombreuses recherches menées sur la prévalence et l’importance de tels effets indésirables sont parfois contradictoires [11].
Tableau - Doses conseillées pour les progestatifs chez la chatte Progestatif Posologie conseillée ●
●
Objectif pédagogique ❚ Prescrire et administrer
Acétate de médroxy- - 2,0 mg/kg IM progestérone tous les 5 mois
Acétate de mégestrol
Samuel Buff Centre d'Étude et de Recherche en Reproduction et Élevage des Carnivores E.N.V.L. BP 83 69280 Marcy l’Étoile
Interruption de l’œstrus - ≤ 5,0 mg/2 jours pendant ≤ 3 sem - 2,5 mg/sem si la chatte est en anœstrus - 5,0 mg/j pendant 4 j puis 2,5 mg/sem si la chatte est en pro-œstrus
les progestagènes de façon raisonnée chez la chatte.
- 10 mg/kg SC ●
Proligestone
3 mois plus tard, puis 4 mois plus tard, puis 5 mois plus tard, puis tous les 5 mois
Essentiel
Les doses proposées dans le passé sont considérées comme très supérieures à celles qui sont réellement nécessaires pour obtenir les résultats escomptés. Toutefois, la liste des nombreux effets indésirables décrits pour les progestagènes ne devrait pas conduire le praticien à s’interdire leur utilisation, lorsque celle-ci s’avère judicieuse [11]. Tout au plus, elle devrait permettre au praticien : - d’évaluer de façon plus critique les candidates au traitement ; - de déterminer et de contrôler soigneusement les doses et les rythmes d’administration proposés ; - de mieux informer ses clients sur l'utilisation et sur l'usage impropre de ces composés (encadré 1). ●
L'UTILISATION PRATIQUE DES PROGESTATIFS Choisir les principes actifs et adapter le choix des doses ● Les doses des progestagènes qui peuvent être utilisés chez les carnivores domestiques varient selon l’espèce, le statut reproducteur de la femelle et l'effet clinique recherché (encadré 2). Le clinicien doit donc être prudent avant d'extrapoler un protocole d'une espèce à une autre (tableau). D'autre part, une analyse critique des différentes spécialités disponibles permet de mettre en évidence des contradictions entre les doses proposées par les laboratoires
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❚ Selon le moment de leur administration, les progestagènes peuvent : - retarder l’apparition de l’œstrus suivant ; - empêcher durablement l’apparition des chaleurs ; - supprimer et prévenir les accouplements et la conception. ❚ Pour les animaux non destinés à la reproduction, il vaut mieux conseiller une stérilisation chirurgicale. ❚ Proposer une thérapeutique progestative pour des femelles pubères adultes, en anœstrus et destinées ultérieurement à la reproduction. ❚ Avant un traitement progestatif, confirmer la maturité sexuelle des chattes.
FÉLINE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 207
nutrition la nutrition de la femelle gestante chez le chien et le chat
Pascale Pibot Philippe Pierson Royal Canin 650, avenue de la Petite Camargue BP 4 30470 Aimargues
Les apports alimentaires de la chienne et de la chatte diffèrent au cours des différentes phases de la gestation. Quelles sont les évolutions aussi bien quantitative que qualitative ?
L
’influence de l’alimentation sur la reproduction de la femelle a été beaucoup étudiée chez les animaux de rente pour des raisons économiques. Notamment, les relations entre alimentation et fertilité, étudiées dans l’espèce porcine, ont souvent été extrapolées aux carnivores domestiques. Nous nous proposons de limiter cet article à l’étude quantitative et qualitative de l’alimentation de la chienne et de la chatte, une fois leur gestation confirmée. La période de l’allaitement n’est pas traitée. L’ÉVOLUTION DU POIDS PENDANT LA GESTATION
De la fécondation à la mise bas, le poids des embryons, puis des fœtus, s’accroît de façon exponentielle (figure 1). - Si l’on considère que la gestation dure en moyenne 63 jours chez la chienne, et que le poids de naissance moyen d’un chiot est de 300 g, la courbe de croissance pondérale intra-utérine montre que les deux tiers du développement fœtal des chiots s'effectuent après le 40e jour de gestation. Après la 5e semaine de gestation, les besoins énergétiques de la chienne augmentent réellement (tableau 1, figures 2 et 3). - Jusqu’au 42e jour de gestation, les besoins énergétiques de la chienne correspondent donc à ses besoins d’entretien. - À partir du 42e jour de gestation, ses besoins énergétiques augmentent rapide●
Objectif pédagogique Prescrire une alimentation adaptée aux besoins spécifiques des chiennes et des chattes au cours de la gestation.
1
Chienne Léonberg allaitant une portée de 16 chiots (photo L. Pagès).
ment. Les besoins énergétiques en fin de gestation se situent entre 150 p. cent et 160 p. cent des besoins énergétiques au repos sexuel [8]. Ces données sont obtenues à la lumière de modélisations complexes qui tiennent compte des besoins énergétiques d’entretien de la chienne et de ses fœtus, mais aussi des besoins de croissance des fœtus et des "déperditions placentaires". ● À ce stade, la chienne a pourtant une capacité d'ingestion limitée en raison du volume de l'utérus qui comprime l'estomac : la densité énergétique de l'aliment doit donc être revue à la hausse. Cela justifie alors une transition progressive vers un aliment destiné à la lactation qui permet
+ 10 p. cent/semaine À partir de la 5e jusqu'à la fin semaine de gestation de la gestation
●
Chatte
Dès le début de la gestation
❚ Au contraire de la chienne, le poids de la chatte et son besoin énergétique augmentent dès le début de la gestation.
(d’après Miller et Payne [4])
Pn
Commentaire de la figure
en période de gestation (données Royal Canin) Augmentation Augmentation Consommation Prise de poids des besoins de la consommation maximale maximale énergétiques recommandée en fin de gestation en fin de gestation Chienne
❚ Les besoins énergétiques de la chienne augmentent rapidement à partir du 42e jour de gestation.
Figure 1 - Croissance intra-utérine dans l’espèce canine
Tableau 1 - Évolution des besoins alimentaires de la chienne et de la chatte
●
Essentiel
Le poids des embryons peut être évalué par l’équation de Miller et Payne [29] : P = Pn x (t/T)3,7 - P (en g) représente le poids d’un chiot à un moment t de la gestation. - Pn (en g) le poids de naissance de ce chiot. - T (en jours) la durée totale de la gestation.
+ 50 p. cent + 25 - 30 p. cent par rapport à l'entretien du poids à la saillie
RUBRIQUE
+ 10 p. cent/semaine + 70 p. cent + 40 p. cent jusqu'à la 7e-8e semaine par rapport à l'entretien du poids à la saillie
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 213
principe actif
Marc Gogny* Francis Fieni**
l'aglépristone
* Unité de Pharmacologie et de Toxicologie ** Unité de Pathologie de la Reproduction E.N.V.N. BP 40706 44307 Nantes Cedex 03
ynthétisés par le laboratoire français Roussel-Uclaf à la fin des années 1980, les stéroïdes à activité antiprogestérone (ou antiprogestines) ont été rendus célèbres grâce à la mifépristone, ou RU486, proposé alors comme "contragestif" chez la femme enceinte : la progestérone est indispensable au maintien de la gestation, et le blocage de ses récepteurs provoque l'avortement. De structure très voisine, l'aglépristone est commercialisée en médecine vétérinaire dans cette indication chez la chienne.
matique maximale est atteinte en une heure, et la molécule est détectable pendant plus de 10 jours. Elle est fixée à plus de 98 p. cent aux protéines plasmatiques, et est activement métabolisée dans le foie par les cytochromes P450. Sa demi-vie plasmatique est de 19 h. ● Une faible fraction de ces composés est éliminée par le rein, selon un mécanisme de sécrétion active qui fait intervenir la glycoprotéine P, d’où une possible compétition et un ralentissement de l’élimination d’autres substances, comme la digoxine ou la vincristine.
PHARMACOLOGIE
Un antagoniste compétitif se caractérise par son aptitude à se fixer facilement sur le récepteur-cible, avec une affinité supérieure à celle de l’agoniste endogène, sans être capable d’en provoquer l’activation : son "efficacité intrinsèque" est nulle. ● Selon le laboratoire, l’aglépristone se fixe trois fois mieux que la progestérone sur son récepteur, le récepteur RP. La translocation du récepteur cytosolique vers le noyau reste possible, mais la dissociation nécessaire à la fixation sur l’ADN ne s'effectue pas. Les protéines HSP90 et p59 restent fixées sur le complexe aglépristone-récepteur, si bien que l’activation de la transcription par le "progesterone responsive element"* est rendue impossible. ● L’aglépristone bloque, d’une façon analogue mais avec une affinité moindre, le récepteur RG du cortisol.
administrée chez la chienne à la dose de 10 mg/kg en deux injections sous-cutanées espacées de 24 heures. ❚ Avant le 22e jour après la saillie, l’aglépristone provoque l’avortement dans presque 100 p. cent des cas chez la chienne. ❚ La manipulation de l’aglépristone par des femmes enceintes est à éviter.
Action antiprogestagène
NOTE
S
Pharmacocinétique Les seules données disponibles chez la chienne ont été obtenues chez la femelle non gestante, et sont fournies par le laboratoire distributeur (Virbac France, qui commercialise Alizine®) avec la formulation disponible. Dans le protocole recommandé, (deux injections sous-cutanées de 10 mg/kg espacées de 24 heures), la concentration plasmatique maximale est atteinte en 2,5 jours, et le temps moyen de résidence de la molécule est d'environ 6 jours. Après administration d'une dose unique de 10 mg/kg/j, l’élimination, biliaire à plus de 90 p. cent, se prolonge pendant 24 jours. ● Ces valeurs sont compatibles avec celles qui sont publiées pour la mifépristone chez la femme : après administration orale d’une dose unique de 200 mg, la concentration plas●
PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES chimique : 11ß-[p-(diméthylamino)phényl]-17ßhydroxy17(1-propyenyl)estra-4,9-diène-3-one. ● Dénomination Commune Internationale : Aglépristone. ● Code du laboratoire : RU46534. ● Structure et filiation L'aglépristone appartient au groupe des "19-norstéroïdes", dont la structure dérive du noyau estrane, le squelette de base des œstrogènes. Mais, la substitution sur le carbone 11 par un noyau volumineux lui confère une affinité particulière pour le récepteur de la progestérone (figure).
Classe pharmacologique - Antiprogestérone - Abortif
Indications ❚ Interruption de la gestation chez la chienne, de la saillie au 45e jour.
Pharmacodynamie ●
●
Comme tous les antagonistes, l’aglépristone
Essentiel ❚ L’aglépristone est
* Élément sensible à la progestérone.
Figure - Structures de l’aglépristone et de la progestérone
● Dénomination
● Caractéristiques
RUBRIQUE
L'aglépristone est un composé très liposoluble, légèrement basique, très peu soluble dans l’eau, stable, et non sensible à la lumière.
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 217
immunologie particularités de la réponse immunitaire digestive : quelles sont les conséquences médicales ?
Les mécanismes de régulation de la réponse immunitaire au niveau de la muqueuse digestive compliquent la mise au point des vaccins oraux. De même, les dérèglements de ces systèmes de contrôle entraînent des phénomènes “d’auto-emballement” difficiles à traiter.
Un processus chronique d’inflammation, dans lequel la muqueuse ne peut plus se régénérer normalement, se développe alors. Les animaux présentent des signes de mauvaise digestion associés à des colites. Il est très difficile d’isoler l’agent pathogène responsable du déclenchement du processus inflammatoire. ● Le contrôle médical de ces affections inflammatoires du tube digestif donne des résultats décevants.
Séverine Boullier Service de Microbiologie Immunologie E.N.V.T. 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 3
●
Objectif pédagogique Comprendre les conséquences immunopathologiques d’une mauvaise régulation de la réponse immunitaire digestive.
L’intolérance alimentaire
L
a régulation de la réponse immunitaire digestive est très complexe (cf. article du même auteur, dans LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE N°14, août/septembre/octobre 2003, pages 307-308). Une réponse immunitaire adaptée permet l’élimination rapide de l’agent pathogène, tout en préservant les fonctions et l’imperméabilité de l’épithélium digestif. Cette réponse se caractérise par une synthèse majoritaire d’IgA, immunoglobulines non inflammatoires, avec peu ou pas d’IgG ou d’IgE (immunoglobulines pro-inflammatoires). La perturbation de la régulation de la réponse immunitaire digestive est souvent associée à des perturbations fonctionnelles. L’INTOLÉRANCE DIGESTIVE Les réponses inflammatoires
● Certains animaux présentent en effet un défaut de production d’IgA au niveau de la muqueuse et synthétisent en contrepartie des quantités trop importantes d’IgG dans la lamina propria. ● Lors d’infections digestives virales ou bactériennes, des réponses inflammatoires trop fortes peuvent être observées. ● Les IgG produites activent le complément, qui attire sur le site de l’infection des polynucléaires neutrophiles et des macrophages. Trop nombreuses, ces cellules inflammatoires provoquent des lésions tissulaires, l’épithélium perd son imperméabilité. Les brèches permettent l’entrée de nombreux micro-organismes dans la muqueuse intestinale, ce qui augmente encore la réponse inflammatoire et la synthèse d’IgG.
Les réponses immunitaires inadaptées peuvent aussi déclencher des phénomènes d’intolérance alimentaire. ● Dans les conditions physiologiques, lorsqu’un aliment non digéré est reconnu par le système immunitaire, des IgA spécifiques de ces antigènes alimentaires sont produites. Ces IgA recouvrent l’aliment (soit dans la lamina propria, soit dans la lumière digestive) et permettent son élimination, sans l’apparition de phénomènes inflammatoires. ● Chez certains animaux, les aliments sont reconnus comme des haptènes et induisent l’apparition d’IgE. Lorsque l’animal est à nouveau en contact avec cet aliment, sa reconnaissance par les anticorps induit une hypersensibilité de type I, caractérisée par une dégranulation des mastocytes sensibilisés par les IgE*. Une forte réaction inflammatoire avec une abrasion de la muqueuse et la contraction des muscles lisses intestinaux est alors observée. - Cliniquement, les troubles digestifs associés peuvent aller d’un simple ramollissement des fèces jusqu’à une diarrhée hémorragique. Ces phénomènes d’intolérance alimentaire sont souvent associés à des lésions cutanées. Le système immunitaire commun aux muqueuses permet la redistribution dans la peau des IgE synthétisées au niveau digestif. Si les antigènes alimentaires, transportés par voie sanguine ou lymphatique, arrivent au contact des effecteurs cutanés, une dégranulation des mastocytes sensibilisés par les IgE spécifiques de l’aliment se met en place.
NOTE * cf. article du même auteur, dans LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE N° 9, juillet / septembre 2002, pages 333-334.
Essentiel ❚ Une déficience de synthèse d’IgA provoque des réactions inflammatoires par excès de production d’IgG au niveau de la muqueuse. ❚ Certains aliments sont reconnus comme des haptènes et induisent la synthèse d’IgE chez les animaux atopiques. Ils sont responsables des intolérances alimentaires. ❚ L’exclusion immunitaire par les IgA limite l’efficacité des vaccins par voie orale.
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RUBRIQUE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 221
Texte : d’après Séverine Boullier Dessin : Frédéric Mahé
(récapitulatif) Résumons un peu : quand un antigène arrive dans la lumière digestive…
…qui alertent les nœuds lymphatiques…
Les antigènes arrivent…
…ce qui déclenche la production d’Immunoglobulines A.
Les cellules M les présentent aux effecteurs locaux…
L’activation du complément attire des polynucléaires et des macrophages qui détruisent les tissus.
Si l’animal produit un taux anormal d’immunoglobulines G…
A G
Et si la vaccination de rappel arrive trop tôt …
Dis donc, on n’attendait pas des antigènes pour le rappel, ces temps-ci ?
Ils ont dû être bloqués en chemin. On ne va pas tarder à perdre notre mémoire !
A
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 223
observation clinique maladie d’Addison chez une chienne
*Clinique vétérinaire du Parc Dromel 425-433 bd Romain Rolland 13009 Marseille **Clinique vétérinaire Frégis 43 avenue Aristide Briand 94110 Arcueil
Une chienne de race West Highland White Terrier, âgée de six mois, pesant 5 kg, est présentée à la consultation pour tremblements, abattement, vomissements bileux, diarrhée depuis quatre jours, et anorexie depuis dix jours.
Objectif pédagogique ❚ Diagnostiquer et traiter une maladie d’Addison (ou hypocorticisme primaire).
Motif de la consultation
D
eux jours avant la consultation, l’animal a ingéré de l’huile de friture. La chienne est correctement vaccinée et vermifugée. Elle n’a présenté aucune affection auparavant. L’EXAMEN CLINIQUE
L’examen clinique révèle une prostration, une parésie, une déshydratation estimée à 5 p. cent, une hypothermie (36,5°C), une bradyarythmie (FC = 80 battements/min). Une douleur bilatérale en région crâniale s’exprime lors de la palpation abdominale. ● Les muqueuses sont roses, le temps de recoloration capillaire est normal, le pouls est synchrone, la respiration est eupnéique.
Olivier Reboul* Dominique Héripret**
❚ La chienne est abattue, anorexique et présente des vomissements. Après 3 jours d’hospitalisation, la chienne ne présente plus de symptômes et est rendue à ses propriétaires (photo O. Reboul).
●
LES HYPOTHÈSES DIAGNOSTIQUES ● L’abattement, la déshydratation, les vomissements et la bradycardie sont des signes d’appel lors de crise aiguë d’hypocorticisme. ● D’autres hypothèses : gastro-entérite ou pancréatite ne peuvent être éliminées d’emblée en raison des troubles digestifs, de l’ingestion d’huile et de la douleur abdominale.
LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES Les analyses hématologiques et biochimiques révèlent une numération et une formule sanguines ainsi que des bilans hépatique et pancréatique dans les valeurs usuelles (tableau). Une augmentation des concentrations sériques d’urée et de créatinine ainsi qu’une hyperkaliémie, une hyponatrémie et une hypochlorémie sont notées. Le rapport Na+/K+ est nettement diminué. ● Le test de stimulation à l’A.C.T.H. met en évidence un hypocortisolisme et une hypoaldostéronémie. ●
En raison du contexte épidémiologique (âge, sexe et race de l’animal), cet hypocorticisme est probablement d’origine primaire et ne nécessite donc pas d’investigation supplémentaire.
NOTE
LE DIAGNOSTIC ET LE TRAITEMENT
* Spécialité humaine
La chienne est atteinte d’hypocorticisme (ou maladie d’Addison) associé à une insuffisance rénale. ● Le traitement consiste en une perfusion de NaCl à 0,9 p. cent à raison de 100 ml/kg/j pour corriger la déshydratation, l’insuffisance rénale et les troubles hydro-électrolytiques (hyperkaliémie, hyponatrémie). Une supplémentation en glucocorticoïdes et en minéralocorticoïdes est mise en place avec de la dexaméthasone (0,05 mg/kg toutes les 6 heures en perfusion) et de l’acétate de désoxycorticostérone (Syncortyl®* à la dose de 0,2 mg/kg/j par voie intramusculaire). ● Un traitement symptomatique des troubles digestifs est instauré : - métoclopramide (Primpérid® à la dose de 0,5 mg/kg toutes les six heures dans la perfusion) ; - ranitidine (Azantac®*, 1mg/kg toutes les 12 heures en IM), Smectivet® (1 cuillère rase toutes les 12 heures) ; - l’hypothermie est corrigée à l’aide d’une plaque chauffante. ●
Symptômes ❚ Les principaux symptômes observés sont : - un abattement ; - une hypothermie ; - une bradycardie ; - une déshydratation ; - une dermatose pustuleuse sous-cornée.
Hypothèses diagnostiques ❚ Hypocorticisme. ❚ Insuffisance rénale. ❚ Gastro-entérite. ❚ Pancréatite aiguë.
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RUBRIQUE
LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 225
hospitalisation comment utiliser les pansements
et les solutions de lavage
chez le chien et le chat
Rodolphe Milliat* Eric Aguado** *Clinique vétérinaire 188 route de Coulonges 79000 Niort
Les pansements permettent la détersion et la cicatrisation des plaies. Quand et comment les utiliser aux différentes phases de la réparation tissulaire ? Quels conseils pour les solutions de lavage, les agents de détersion, et quand suturer ?
L
a qualité et la rapidité de la cicatrisation des plaies sont conditionnées par l’environnement immédiat des tissus en voie de guérison. Celui-ci est constitué par les pansements (Définitions) qui influencent les mécanismes cellulaires de la cicatrisation. ● Les pansements sont formés de trois couches superposées (figure 1) : - la 1re couche : de contact ; - la 2e couche : intermédiaire ; - la 3e couche : externe. 1. La couche de contact repose sur la plaie et constitue véritablement le "principe
Des pansements : pourquoi faire ? Les pansements ont plusieurs fonctions. Ils permettent : 1. de contrôler l’environnement de la plaie, afin de la garder propre et d’empêcher sa contamination ; 2. de réduire l’œdème et l’hémorragie ; 3. de réduire l’espace mort à combler entre les bords tissulaires par la pression qu’ils exercent ; 4. d’immobiliser les tissus endommagés ; 5. de minimiser la formation de tissu cicatriciel ; 6. d’apporter du confort à l’animal ; 7. de favoriser la détersion des plaies ; 8. d’absorber les sécrétions des plaies et de permettre leur identification ; 9. de garder les plaies au chaud : ceci améliore le phénomène de cicatrisation et permet une meilleure dissociation entre l’oxygène et l’hémoglobine ; 10. de maintenir un pH acide en diminuant l’élimination du dioxyde de carbone et en absorbant l’ammoniaque produit par les bactéries. Ceci favorise la dissociation entre l’oxygène et l’hémoglobine et permet une meilleure oxygénation des plaies, favorable à leur guérison.
**Pathologie chirurgicale Atlanpole la Chantrerie BP 40706 44307 Nantes cedex 03
1 Nettoyage de la plaie sous pression.
Figure 1 - Les trois couches du pansement 2
Détail de la plaie sous pression ci-contre (photos R. Milliat).
actif" du pansement. Elle favorise la cicatrisation en gardant la plaie dans une atmosphère humide. Cette couche doit : - être stérile ; - garder un contact étroit avec la plaie pour drainer les éventuelles productions, les absorber ou les évacuer vers la couche intermédiaire pour éviter les macérations ; - protéger la plaie des contaminations extérieures et des pertes importantes de liquides ; - être bien tolérée (pas de cytotoxicité, pas de phénomène irritatif désagréable pour l’animal). Cette couche de contact peut être adhérente ou non. C’est elle qui détermine le type de pansement, les autres couches relevant plus de la nature "d’excipients". 2. La couche intermédiaire absorbe les exsudats, les maintient loin de la plaie et exerce un rôle d’amortissement mécanique. Elle doit posséder une bonne capillarité et être suffisament épaisse. Elle est généralement constituée de coton ou de gaze. 3. La couche externe maintient le pansement en place et l’isole de l’extérieur, tout en permettant l’évaporation. Elle doit exercer une pression suffisante pour limiter la formation d’espaces morts. Dans certains cas, cette couche peut être suturée à la peau pour favoriser son maintien.
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Définitions
❚ Une plaie est une effraction du revêtement cutané.
❚ Un pansement (du latin “pensare” : soigner) est ce qui sert à soigner une plaie, et à la protéger des agents infectieux. Essentiel ❚ Les pansements sont constitués de trois couches superposées : - une couche de contact ; - une couche intermédiaire ; - une couche externe.
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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 229
vétérinaires et éleveurs comment travailler ensemble ? L’élevage des carnivores domestiques s’apparente de plus en plus à une véritable filière de production animale. Celle-ci s’organise progressivement autour d’une formation, d’une représentation professionnelle, d’une législation, d’une fiscalité et de partenaires. Les professionnels de l’élevage passionnés sont avides de savoir et de comprendre. Comment mettre en place une médecine de qualité en élevage ?
É
leveurs d’animaux de compagnie et vétérinaires font partie d’une même filière économique. Pourtant, trop nombreux encore sont les exemples de ce que nous qualifierons pudiquement "d’incompréhension” entre ces deux professions complémentaires. ● Souvent autodidacte, soucieux de s’informer, l’éleveur connaît bien les animaux qu’il produit. Il est toujours confronté à des problèmes de rentabilité (parfois non dits), qui l’amènent à être critique vis-à-vis du vétérinaire. Reproduction, génétique et prévention sont ses principaux centres d’intérêt, et lorsqu’il est confronté à une pathologie de groupe, il a du mal à comprendre qu’elle puisse être plurifactorielle. Le vétérinaire intervient alors comme un conseiller de l’élevage, et comme un enquêteur zélé. Or, quelle que soit l’espèce, ces deux domaines sont difficiles à facturer à leur juste valeur. ● Il est donc essentiel d’amener chacun à comprendre et à respecter l’autre. Pour le vétérinaire, il s’agit de développer un concept de "médecine de l’élevage" en partenariat avec l’éleveur, de respecter l’éthique professionnelle qui a conduit en 1985 à la création d’un groupe spécialisé et, dix ans plus tard, à la naissance d’une unité dédiée au sein de l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort (E.N.V.A.) : l’Unité de médecine de l’élevage et du sport (U.M.E.S.).
Dominique Grandjean Unité de Médecine de l’Élevage et du Sport E.N.V.A. 7, avenue du Général de Gaulle 94704 Maisons-Alfort Cedex
Objectif pédagogique Définir les bases d’une collaboration efficace entre le vétérinaire et l’éleveur.
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Le suivi d’un élevage ne se résume pas à prescrire des anti-parasitaires et à effectuer des vaccinations. Le vétérinaire appréhende globalement l’élevage, ce qui lui permet de jouer un rôle de conseiller dans des domaines variés (photo D. Grandjean).
LES SERVICES À PROPOSER EN MÉDECINE DE L’ÉLEVAGE ● Suivre un élevage ne se résume pas à en effectuer les vaccinations ou à fournir l’éleveur en antiparasitaires (photo 1). Il doit s’agir en effet d’un réel partenariat, contractuel ou non, dans lequel l’éleveur est convaincu de l’utilité de son vétérinaire, aussi bien sur le plan quantitatif (notion de retour sur investissement), que qualitatif (amélioration de la qualité des produits). S’exprimer ainsi peut apparaître déshumanisé et sans doute par trop "industriel", mais il ne demeure pas moins que la réalité est là : seul un élevage de qualité et rentable peut garantir la pérennité de l’élevage français et le développement d’une nouvelle médecine préventive par les vétérinaires. Face aux importations et aux trafics croissants en provenance de l’étranger ; seule une approche d’élevage "labellisé" par la qualité d’une approche vétérinaire spécifique peut constituer dans l’avenir une réelle garantie pour le futur propriétaire.
DÉVELOPPER L’APPROCHE ZOOTECHNIQUE DE L’ÉLEVAGE ● La visite d’élevage, telle qu’elle se pratique au quotidien par les vétérinaires spécialisés en productions animales, demeure une activité sous-exploitée par la majorité des praticiens qui exercent en clientèle canine. ● Elle est pourtant la base d’un conseil zootechnique global adapté, qui impose au
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Essentiel ❚ Le suivi d’un élevage est un partenariat avec l’éleveur.
❚ Le vétérinaire joue un rôle sur les plans quantitatif (notion de retour sur investissement), et qualitatif (amélioration de la qualité des produits). ❚ Il est conseillé de constituer un dossier d’élevage comme les fiches client individuelles.
MANAGEMENT LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE / JANVIER 2004 - 237
tribune
Pierre Henning et Pierre-Henri Belin “Mon chien tousse, docteur… ou les évolutions de la relation vétérinaires-clients”... L’exercice du vétérinaire est passé peu ou prou de l’ère artisanale à l’ère de l’expertise, puis, à l’ère émotionnelle .... Comment assurer la transition entre un univers de services et d’images ?
L
a relation entre le vétérinaire et le client prend parfois des tournures inattendues. Le diagnostic était bon, les moyens techniques adéquats, les soins bien réalisés et les résultats excellents. Malgré la pertinence du diagnostic et la bonne mise en œuvre de ses compétences techniques, on se rend compte que le propriétaire de chien et de chat peut rester indifférent ou pire, ne pas être satisfait. C'est un fait : le client n'est plus ce qu'il était ! ● Dans nos sociétés modernes, la relation au client a en effet considérablement évolué et on voit mal les raisons qui autoriseraient le vétérinaire à échapper complètement à ces grandes tendances sociétales. En quelques décennies, nous sommes passés de l'ère artisanale de la consommation à l'ère de l'expertise pour aboutir depuis les années 1990 à l'ère émotionnelle. 1. La première période, presque l'âge de pierre de la consommation, correspond au niveau de relation client le plus simple : le produit ou le service est l'enjeu unique, la relation est fondée sur la confiance que place le client sur les compétences de son fournisseur : "Mon chien tousse. Faites quelque chose, Docteur". L'enjeu est simple : résoudre la problématique du chien. 2. Les compétences étant considérées comme acquises, par la normalisation des diplômes et la standardisation des tâches, le consommateur est entré, courant des années 70, dans une nouvelle ère : celle de l'expertise. Le résultat acquis, le client trouve satisfaction dans un service spécifique et dans le "plus" savoir : "Mon chien tousse, c'est une maladie grave, Docteur?". L'enjeu de la satisfaction client se complexifie : résoudre précisément la problématique du chien, "ensemble" avec le propriétaire. 3. La période actuelle de la consommation, inverse les relations : l'offre est pléthorique, les informations sont accessibles par tous et partout (explosion de la vulgarisation scientifique, moyens d'information décuplés par
l’Internet et la TV satellite et câblée). Le client considère comme évidentes les compétences et il n'est plus impressionné par le savoir ou la technique puisqu'ils sont à sa portée sur n'importe quel moteur de recherche de l’Internet (du moins le croit-il). Les besoins de compétence et d'information sont assouvis. Dès lors, le contexte émotionnel et subjectif prennent le pas sur la sphère rationnelle et technique. Les critères de la satisfaction du client prennent un tour faussement superficiel, détaché des préoccupations médicales et techniques qui sont désacralisées : "Mon chien tousse, occupez-vous gentiment de lui, Docteur". L'enjeu revient à résoudre précisément la problématique du chien, "ensemble" avec un propriétaire, le tout dans une ambiance émotionnelle attractive. ● Le propriétaire d'animaux de compagnie fait successivement endosser au vétérinaire le rôle de médecin des animaux, puis celui d'expert en santé animale, enfin celui d'acteur social de la santé animale. ● Les enjeux de la satisfaction du propriétaire au sein de la clinique évoluent vers trois domaines extra-médicaux : - la maîtrise de son environnement : faciliter l’accès de la clinique, un parking, une salle d'attente agréable, la propreté, … ; - la maîtrise de son organisation : l’accueil, la prise en charge affective de l'animal, une salle d'attente agréable, le respect des horaires de rendez-vous, l’organisation du suivi post-chirurgical, des services associés telles la pesée ou les cartes de “relance vaccinale” ; - la maîtrise de son image : une communication ciblée, agréable et diversifiée au sein de la clinique, une campagne d'image en dehors de la clinique du type "Vétérinaires pour la Vie" ou une campagne éthique de sensibilisation du type : "Je l'aime, je le Vaccine". La médecine vétérinaire est morte ? Vive la médecine !... Les connaissances médicales, les possibilités techniques et les solutions pharmaceutiques ne cessent de s'accélérer : les biotechnologies, le scanner, la gériatrie et les sciences du comportement ont fait leur entrée dans la pratique canine. Néanmoins, une clinique vétérinaire ne se réduit plus à de la médecine vétérinaire mais cette médecine, qui nous est si chère, doit désormais s'épanouir dans un univers de services et d'image. ❒
Pierre Henning* Pierre-Henri Belin** *Directeur général adjoint VIRBAC France ** Chef de produits animaux de compagnie VIRBAC France B.P. 447 06515 Carros Cedex
Pierre Henning et Pierre-Henri Belin :
«De nos jours, le métier de vétérinaire dépasse le simple cadre médical. Il devient de plus en plus pressant d'aller à la rencontre du propriétaire, de le séduire, voire de le divertir tout en lui proposant une offre technique large et une prestation médicale irréprochable».
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MANAGEMENT LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE NOVEMBRE / DÉCEMBRE /JANVIER 2004 - 243
test clinique les réponses
déchirure vaginale
Cyrille Martin Dominique Illa
chez un dogue de bordeaux 1 Quelle hypothèse principale retenez-vous pour cette affection ? Face à des saignements vulvaires importants, d’apparition aiguë à la suite d’une saillie, une brèche vaginale ou vestibulaire d’origine traumatique doit être suspectée. 2 Quelles peuvent en être les causes ? ● La cause principale, dans le cas d’une brèche, est une saillie trop violente, au cours de laquelle le pénis a été mal orienté et a perforé la muqueuse. ● Ce défaut d’orientation du pénis lors de la saillie peut être dû à l’inexpérience du mâle, mais cela se traduit rarement de cette façon (inaptitude à chevaucher, à pénétrer, …). ● Plus fréquemment, ce traumatisme se rencontre chez les femelles qui présentent des polypes vaginaux. En effet, ceux-ci viennent, selon leur position, dévier le pénis dans une direction inappropriée et ils empêchent le bon déroulement de la saillie. 3 Quels moyens mettez-vous en œuvre pour confirmer ces hypothèses ? ● Une exploration vaginale doit être réalisée à l’aide d’un spéculum ou d’un vaginoscope. La chienne présente un polype relativement important de 4 cm de diamètre sur le plancher du vagin qui obstrue complètement la lumière vaginale. Une exploration plus poussée, en soulevant le polype, permet de mettre en évidence une brèche d’environ 2 cm de longueur sur le plancher vaginal. Un caillot important est présent à cet endroit. La chienne présente donc une brèche dans la paroi du plancher du vagin, secondaire au mauvais déroulement d’une saillie, en raison de la présence d’un polype vaginal qui obstrue la lumière et empêche ainsi le passage du pénis. 4 Quelle attitude thérapeutique adoptez-vous ? ● Le traitement est une suture de la paroi vaginale sous anesthésie générale. - La chienne est prémédiquée à l’aide d’un mélange diazépam (0,25 mg/kg)-morphine (0,2 mg/kg), puis l'anesthésie est induite par une injection intraveineuse de propofol (4 mg/kg) et entretenue par de l'isoflurane (anesthésie volatile). - Une fluidothérapie est instaurée à base de soluté cristalloïde (Ringer Lactate) à un débit de 10 ml/kg/h. - Après une préparation chirurgicale classique (tonte, puis désinfection à la polyvidone
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Clinique vétérinaire de Médipole 7 rue Arnaud de Villeneuve 66330 Cabestany
Mise en évidence d’un polype de taille importante.
iodée), une épisiotomie verticale "à midi" est pratiquée pour permettre un abord aisé du site chirurgical (photo 2). - La déchirure de la paroi vaginale est alors bien visible (photo 3). Celle-ci est partiellement colmatée par un caillot sanguin de grande taille. Cette déchirure est placée légèrement à gauche du méat urinaire qui apparaît intact. Une électrocoagulation est réalisée. La brèche est suturée au moyen de points simples en X avec un fil PDS® décimale 3. L’épisiotomie est refermée de manière classique en trois plans : surjet de la muqueuse et du tissu sous-cutané à l'aide de vicryl® décimale 3 et surjet cutané à l’éthicrin® décimale 3. ● Une sonde urinaire de Foley® est mise en place afin de pratiquer des vidanges vésicales (photos 4, 5). En effet, les mictions peuvent être douloureuses en raison de la proximité du méat et du site chirurgical. De plus, une inflammation importante de la zone du méat peut aussi être à l’origine de strangurie. ● Une antibiothérapie à base d’amoxicilline et d’acide clavulanique (Synulox®) à 12,5 mg/kg deux fois par jour, ainsi qu’une analgésie post-opératoire à l’aide de morphine (0,1 mg/kg toutes les quatre heures) sont mises en place. ● Un suivi régulier de l’hématocrite est réalisé, celui-ci reste stable aux alentours de 32 p. cent. La vessie est vidangée toutes les quatre heures. La sonde est retirée le lendemain, la chienne urine normalement. ● L’animal est rendu à ses propriétaires le lendemain. La chienne ne présente aucun saignement vulvaire. L’antibiothérapie est poursuivie par voie orale (Synulox® : 12,5 mg/kg deux fois par jour pendant 10 jours). Il est conseillé aux propriétaires pour les prochaines saillies de ne pas faire "prendre" la chienne, mais de réaliser une insémination artificielle. Une exérèse du polype permettrait de limiter les risques de dystocie. ❒
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La mise en place de fils de traction sur le polype permet de soulever celui-ci et de révéler la déchirure du plancher du vagin (photos S. Buff).
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Une sonde urinaire de Foley est mise en place.
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Aspect du site chirurgical en post-opératoire.
REMERCIEMENTS A Samuel Buff (pathologie de la reproduction - C.E.R.R.E.C., E.N.V.L.) pour la réalisation des photos pendant l’acte chirurgical.
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