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DOSSIER : LES INTOXICATIONS CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE - N°21 - JANVIER / FÉVRIER 2005

gestes et gestion N°21 JANVIER FÉVRIER 2005

LES INTOXICATIONS Conduites diagnostiques et thérapeutiques à tenir devant :

Ils ont été victimes de la redoutable hypersensibilité de type II, qui a provoqué une lyse analogue à celle qui survient dans les accidents hémolytiques immunologiques de la transfusion... Pourquoi ?

- des troubles digestifs sévères d'origine toxique - des convulsions - des troubles hématologiques d’origine toxique - une insuffisance rénale aiguë d’origine toxique ou médicamenteuse - des troubles cardiaques d'origine toxique - Thérapeutique Effets indésirables et toxicité du 5-fluoro-uracile - Observation clinique Intoxication au tourteau de ricin chez un chien

Féline

DOSSIER

LES INTOXICATIONS CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT Avec l'extraordinaire pluralité et la complexité des toxiques incriminés chez l'animal, la grande diversité des espèces touchées et leur sensibilité, comment la toxicologie clinique vétérinaire acquiert des méthodes et des approches spécifiques ...

Management et entreprise Dossier - Vétérinaires et A.S.V. :

comment optimiser les synergies Réglementation - Radioprotection : la nouvelle réglementation

REVUE DE FORMATION CONTINUE À COMITÉ DE LECTURE

- Les effets indésirables des antiparasitaires externes chez le chat

Rubriques - Hospitalisation Comment gérer un traumatisme du système nerveux central ? - Principe actif Le glycopyrrolate - N.A.C. - Les zoonoses transmises à l’Homme par le furet - Immunologie et le B.A. BA en B.D. - Cytopénies immunologiques dues à des substances médicamenteuses - Table ronde Quelles sont les relations entre comportement et nutrition ?


sommaire Éditorial par Guy Lorgue Test clinique : Hernie périnéale chez un chien Romain Béraud, Claude Carozzo Questions-réponses : Les intoxications chez le chien et le chat Florence Buronfosse, Hervé Pouliquen Table ronde IAM’S / LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE Quelles sont les relations entre comportement et nutrition ? Colette Arpaillange

JANVIER FÉVRIER 2005

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DOSSIER

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LES INTOXICATIONS

CANINE - FÉLINE Conduites diagnostiques et thérapeutiques à tenir devant : - des troubles digestifs sévères d'origine toxique chez le chien et le chat Stéphane Queffélec, Laurence Lemaire - des convulsions chez le chien et le chat Hervé Pouliquen, Laurence Lemaire - des troubles hématologiques d’origine toxique chez le chien et le chat Christophe Hugnet - une insuffisance rénale aiguë d’origine toxique ou médicamenteuse chez le chien et le chat Thierry Buronfosse, Sylvie Moreira, Florence Buronfosse - des troubles cardiaques d'origine toxique chez le chien et le chat Julien Courchet, Florence Buronfosse Thérapeutique - Effets indésirables et toxicité du 5-fluoro-uracile chez le chien et le chat Julien Courchet, Stéphanie Rossi, Thierry Buronfosse Observation clinique - Intoxication au tourteau de ricin chez un chien Mathilde Fresnel, Leïla Loukil, Hervé Pouliquen

N°21

chez le chien et le chat

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FÉLINE Les effets indésirables des antiparasitaires externes chez le chat Florence Buronfosse, Xavier Pineau, Stéphane Queffélec, Jean-Dominique Puyt

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RUBRIQUES - Hospitalisation Comment gérer un traumatisme du système nerveux central chez le chien et le chat ? Franck Chanut, Dominique Fanuel-Barret - Principe actif - Le glycopyrrolate Mohamed Mallem, Marc Gogny - N.A.C. Les zoonoses transmises à l’Homme par le furet Didier Boussarie - Immunologie et le B.A. BA en B.D. - Cytopénies immunologiques dues à des substances médicamenteuses Séverine Boullier, Frédéric Mahé

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Souscription d’abonnement en page 86

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MANAGEMENT ET ENTREPRISE Dossier - Vétérinaires et A.S.V. : comment optimiser les synergies Philippe Baralon Réglementation - Radioprotection : la nouvelle réglementation Eddy Cauvin Test clinique - Les réponses Tests de formation continue - Les réponses

CANINE - FÉLINE 75

FÉLINE 79

RUBRIQUE

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MANAGEMENT

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JANVIER / FÉVRIER 2005 - 3


NÉVA Europarc - 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 E-mail neva@neva.fr

test clinique

Conseil scientifique

hernie périnéale chez un chien

Gilles Bourdoiseau (E.N.V.L.) Jean-Luc Cadoré (E.N.V.L.) Dominique Fanuel (E.N.V.N.) Pascal Fayolle (E.N.V.A.) Marc Gogny (E.N.V.N.) Jean-Pierre Jégou (praticien) Roger Mellinger (praticien)

U

Rédacteurs en chef Colette Arpaillange (E.N.V.N.) Christophe Hugnet (praticien)

Rédacteur en chef management Philippe Baralon (Phylum)

Comité de rédaction Xavier Berthelot (Reproduction, E.N.V.T.) Géraldine Blanchard (Alimentation - nutrition, E.N.V.A.) Corine Boucraut-Baralon (Diagnostic, E.N.V.T.) Séverine Boullier (Microbiologie, E.N.V.T.) Florence Buronfosse (Toxicologie, E.N.V.L.) Luc Chabanne (Immunologie - Hématologie, E.N.V.L.) Valérie Chetboul (Cardiologie, E.N.V.A.) René Chermette (Parasitologie - mycologie, E.N.V.A.) Bernard Clerc (Ophtalmologie, E.NV.A.) Olivier Dossin (Médecine interne, néphrologie, E.N.V.T.) Alain Fontbonne (Reproduction, E.N.V.A.) Alain Ganivet (Élevage et collectivité, praticien) Jacques Guillot (Parasitologie - mycologie, E.N.V.A.) Olivier Jongh (Ophtalmologie, praticien) Laurent Marescaux (Imagerie, praticien) Claude Petit (Pharmacie - toxicologie, E.N.V.T.) Patricia Ronsin (Reproduction, E.N.V.T.) Etienne Thiry (Virologie, Liège) Patrick Verwaerde (Anesthésie, E.N.V.T.)

Chargée de mission rédaction Valérie Colombani

1 Quelle hypothèse diagnostique retenez-vous pour cette affection : présence de kystes paraprostatiques dans la hernie, rétroflexion vésicale, hernie épiploïque et/ou digestive ? 2 Quels moyens mettez-vous en œuvre pour confirmer cette hypothèse ? 3 Quelle attitude thérapeutique adoptez-vous ? 4 Quel pronostic pouvez-vous donner au propriétaire ?

Secrétaire de rédaction David Jourdan Abonnements Maryse Mercan Gestion des abonnements et comptabilité Marie Servent Publicité Maryvonne Barbaray NÉVA Europarc - 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 e-mail neva@ neva.fr

Directeur de la publication Maryvonne Barbaray Revue bimestrielle éditée par LES NOUVELLES ÉDITIONS VÉTÉRINAIRES ET ALIMENTAIRES - NÉVA

Romain Béraud Claude Carozzo Unité de chirurgie et d’anesthésiologie E.N.V.L. 1, avenue Bourgelat, 69280 Marcy-l’Étoile

1

Aspect de la masse périnéale lors de la consultation (photos chirurgie, E.N.V.L.).

2

Ponction à l’aiguille fine de la masse périnéale qui permet de récolter de l’urine.

Réponses à ce test page 84

comité de lecture

S.A.R.L. au capital de 7622€ Siège social : Europarc - 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX C.P.P.A.P 1007 T801 21 I.S.S.N. 1637-3065 Impression - photogravure : Imprimerie Nouvelle Normandie 24, rue Haëmers B.P. 14 - 76191 YVETOT Cedex

Reproduction interdite Toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de la présente publication sans autorisation est illicite et constitue une contrefaçon. L’autorisation de reproduire un article dans une autre publication doit être obtenue auprès de l’éditeur, NÉVA. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit de la copie (C.F.C.). LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 4 - JANVIER / FÉVRIER 2005

n chien Griffon mâle non castré de 14 ans est présenté pour un suivi de hernie périnéale gauche qui évolue depuis deux ans, diagnostiquée un mois auparavant. Le traitement chirurgical avait alors été refusé par le propriétaire (photo 1). ● Depuis quelques jours, le propriétaire rapporte une augmentation de taille de la hernie et des épisodes “d’incontinence" urinaire (il a retrouvé des flaques d’urine à son domicile, ce qui n’était jamais arrivé auparavant). Aucune difficulté à la miction ou la défécation n’est cependant notée. ● À l’examen clinique général, le chien est en bon état. La masse périnéale est volumineuse, non douloureuse et fluctuante. La palpation des testicules ne révèle aucune anomalie. ● Le toucher rectal permet de mettre en évidence l’absence de diaphragme pelvien compétent à gauche et une faiblesse à droite.

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Hélène Arnold-Tavernier, Jean-François Bardet, Michel Baron, Jean-Jacques Bénet, Juliette Besso, Vincent Boureau, Didier Boussarie, Stéphane Bertagnoli, Stéphane Bureau, Jean-Jacques Bynen, Claude Carozzo, Sylvie Chastant-Maillard, Claude Chauve, Guillaume Chanoit, Yan Cherel, Cécile Clercx (Liège), Jean-Pierre Cotard,

Jack-Yves Deschamps, Pierre Desnoyers, Gilles Dupré, Patrick Devauchelle, Brigitte Enriquez, Frédéric Gaschen (Berne), Olivier Gauthier, Emmanuel Gaultier, Sébastien Géroult, Jean-Pierre Genevois, Isabelle Goy-Thollot, Dominique Grandjean, Jean-François Guelfi Laurent Guilbaud, Nicole Hagen, Philippe Hennet, Marc Henroteaux (Liège),

Yves Legeay, Bertrand Losson (Liège), Leila Loukil, Sandrine Macchi, Pierre Maisonneuve, Lucile Martin-Dumon, Philippe Masse, Martine Mialot, Jean-Paul Mialot, Pierre Moissonnier, Patrick Pageat, Pierre Paillassou, Jean-Marc Person, Didier Pin, Xavier Pineau, Luc Poisson, Jean-Louis Pouchelon,

Pascal Prélaud, Nathalie Priymenko, Alain Régnier, Dan Rosenberg, Yannick Ruel, Patricia Ronsin, Yves Salmon, Odile Sénécat, Brigitte Siliart, Isabelle Testault, Jean-Jacques Thiébault, Bernard Toma, Muriel Vabret, Isabelle Valin, Lionel Zenner.


éditorial “Caractériser les données toxicologiques vétérinaires pour mieux les connaître et mieux les comprendre, et soutenir la pharmacovigilance pour une meilleure connaissance du médicament et de son utilisation ...”

L

a toxicologie clinique vétérinaire était encore considérée, il y a quelques années, comme une partie mineure de la pathologie, même si les conséquences pour les animaux concernés pouvaient êtres graves, et même si les répercussions sociales ou économiques pouvaient, au moins localement, être importantes. Longtemps elle est restée dépendante de la toxicologie humaine, tant pour l'analyse des causes que pour le diagnostic et la mise en œuvre des thérapeutiques antidotiques. La toxicologie vétérinaire est d'une telle richesse que beaucoup reste encore à faire Cependant, l'extraordinaire pluralité et complexité des toxiques incriminés chez l'animal, de même que la très grande diversité des espèces touchées et de leur sensibilité, montraient à l'évidence que la toxicologie clinique vétérinaire devait acquérir des méthodes et des approches plus spécifiques. Il ne s'agissait pas de se séparer totalement de la toxicologie clinique humaine, ce qui aurait été un non sens, mais de caractériser les données toxicologiques vétérinaires pour mieux les connaître et les comprendre. Les premières étapes ont donc été un inventaire systématique des toxiques et des circonstances des intoxications animales, des descriptions cliniques précises, et la formation des personnes concernées par l'approche toxicologique vétérinaire. Elles sont, pour une grande partie, terminées, et les connaissances acquises sont désormais suffisantes pour établir de vraies conduites diagnostiques et thérapeutiques, comme le montre la majorité des articles présentés dans ce Dossier spécial du NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE canine, féline. La toxicologie vétérinaire est d'une telle richesse que beaucoup reste encore à faire. Mais des acquis, qui pourraient être d'une très grande utilité en toxicologie humaine, commencent à être entrevus. N'est-ce pas là un magnifique et juste retour des choses ? Sans praticien, il n'y a pas de pharmacovigilance ... La pharmacovigilance vétérinaire était à l’origine incluse dans la toxicologie vétérinaire ; elle s'en est séparée récemment sur les plans réglementaire et scientifique pour être aujourd'hui une matière à part entière, dont l'importance est reconnue par tous. Il faut soutenir une pharmacovigilance dont les objectifs sont l'acquisition de données pour une meilleure connaissance du médicament et de son utilisation, et abandonner la conception que l’on avait autrefois, qui perdure parfois, d’une pharmacovigilance guidée par des considérations strictement économiques et commerciales. Le système mis en place en France est certainement un des meilleurs existants et repose fondamentalement sur les notifications faites par les praticiens. Il est important que ces derniers soient pleinement conscients de leurs obligations et de leurs devoirs dans ce domaine car, sans praticien, il n'y a pas de pharmacovigilance. Pour cela, il convient d'induire et d'entretenir leur motivation en organisant notamment un retour systématique de l'information inhérente à la notification. C'est ce que font certains articles de ce numéro. Une politique suivie et volontariste dans ce domaine, prenant l'avis des gens concernés et compétents, est le garant de l'avenir d'une bonne pharmacovigilance vétérinaire. ❒

Guy Lorgue Professeur honoraire de Pharmacie et de toxicologie à l’École Nationale Vétérinaire de Lyon Créateur du C.N.I.T.V. (Centre National d’Informations Toxicologiques Vétérinaires) et du Centre de pharmacovigilance de Lyon

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 6 - JANVIER / FÉVRIER 2005

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questions réponses sur…

les intoxications

chez le chien et le chat ■ En dehors des antidotes, quels sont les médicaments indispensables en toxicologie vétérinaire ? ● Les principaux médicaments indispensables en toxicologie, outre les antidotes, sont : - les médicaments destinés à lutter contre les convulsions : diazépam, barbituriques (pentobarbital, phénobarbital ou thiopental), xylazine, médétomidine ou propofol ; - les médicaments vomitifs : l’apomorphine chez le chien et la xylazine ou la médétomidine chez le chat ; - le charbon actif, dont 1 g peut adsorber jusqu’à 1 g de n’importe quel toxique ; - le furosémide et le mannitol à 5 p. cent qui, associés à une solution cristalloïde isotonique, permettent aisément de mettre en place une diurèse neutre destinée à augmenter l’élimination urinaire de nombre de toxiques et de leurs métabolites. ■ Existe-t-il des particularités raciales en toxicologie vétérinaire ? ● Il existe peu de particularités raciales en toxicologie. Soulignons néanmoins : - la sensibilité à l’ivermectine et au lopéramide du Colley, du Berger Australien et d’autres races apparentées en raison d’une mutation génique ; - la sensibilité au cuivre de certaines races de chiens (Bedlington et White Terrier, Pinscher, etc.), en raison d'un défaut d'élimination biliaire du cuivre d'origine génétique. ■ Quel est le danger lors d'ingestion de pilules contraceptives humaines pour une chienne et pour un chien ? ● L’ingestion unique d’une quantité élevée de progestatifs ou d’œstrogènes par un chien ou une chienne ne présente à court terme aucun danger pour l’animal, principalement en raison de l’élimination urinaire ou biliaire rapide de ces molécules. Il est donc, le plus souvent, inutile de faire vomir l’animal, d’autant plus que les molécules sont complètement résorbées dans les 2 h qui suivent l’ingestion. ● Les effets à moyen et à long terme d’une telle ingestion sont mal connus : chez une chienne gestante, elle peut être à l’origine d’avortements précoces ; par exemple, l’ingestion, par une femelle gestante de 20 kg,

de 4 à 6 comprimés contenant chacun 0,05 mg d’éthinyl-estradiol peut générer un avortement. En revanche, une ingestion unique de progestatifs ou d’œstrogènes ne semble pas responsable d’une altération des performances reproductrices ultérieures des animaux. ■ Un chien ou un chat vient d'être retrouvé mort par ses propriétaires. Aucun symptôme n'a été observé auparavant. Quels prélèvements réaliser afin d'écarter une cause toxique courante ? ● En règle générale, il convient de prélever la totalité du contenu stomacal, 50 à 100 g de foie, 50 à 100 g de rein, 50 à 200 ml d’urines et éventuellement le caillot intracardiaque et la moitié de l’encéphale. ● Il est important de collecter un nombre assez important de prélèvements en quantité suffisante. Cette attitude prudente évite d'oublier certains prélèvements que le vétérinaire aurait eu tendance à délaisser a priori, et qui seraient ultérieurement irrécupérables. ● Par ailleurs, il importe de respecter, dans la mesure du possible, les quantités à expédier, car certaines analyses ne peuvent être réalisées, en raison de prélèvements quantitativement insuffisants. ● Les prélèvements doivent être congelés, sans conservateur ni antiseptique et acheminés au laboratoire le lendemain, par voie postale, dans un emballage isotherme et hermétique contenant des réfrigérants. ■ Quelles sont les principales causes d'intoxication chez les N.A.C. ? ● Les plantes d'appartement (notamment le laurier rose et le ficus) constituent une des sources les plus importantes d’intoxications chez les N.A.C., qu'il s'agisse des oiseaux ou des mammifères. ● Ensuite viennent : - chez les oiseaux, les intoxications par les fumées et les médicaments ; - chez les mammifères, les aliments (chocolat, pomme de terre…) et les médicaments. ● Signalons aussi : - chez les oiseaux, et notamment chez les psittacidés, les ingestions accidentelles de noyaux d'avocat, de pronostic très sombre ; - chez les mammifères, les ingestions de souricides. ❒

réponses de Florence Buronfosse* Hervé Pouliquen** * Centre de pharmacovigilance vétérinaire de Lyon, E.N.V.L. 1, avenue Bourgelat, 69280 Marcy l'Étoile ** Centre antipoison animal de l’Ouest, E.N.V.N., Atlanpôle La Chantrerie BP 40 706, 44307 Nantes cedex 03

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JANVIER / FÉVRIER 2005 - 7


table ronde

quelles sont les relations entre

Colette Arpaillange

comportement et nutrition ?

Rédactrice en chef

Les intervenants (photos de haut en bas et de gauche à droite)

En nutrition comme en comportement, tout est question d’équilibre. Spécialistes de chacune de ces disciplines se sont réunis, à l’initiative de IAMS le jeudi 3 février à Paris pour débattre des relations entre malnutrition et comportement, de la supplémentation en DHA des régimes du chiot et de la mère allaitante, des modalités de distribution de l’aliment et de l’alimentation du chien âgé.

Colette Arpaillange Vétérinaire comportementaliste diplômée, praticien hospitalier à l’E.N.V.N.

Isabelle Vieira Vétérinaire comportementaliste diplômée, C.E.S. de diététique canine et féline, praticien à Monterault-Fault, consultante en comportement à l’E.N.V.A.

Monique Bourdin Vétérinaire comportementaliste diplômée, responsable de la consultation de comportement à l’E.N.V.A.

Thierry Bedossa Attaché de cours et travaux dirigés en éthologie et Zootechnie à l'E.N.V.A., enseignant-formateur au C.N.F.A./A.S.V., praticien à Neuilly-sur-Seine

L

a discussion s’est engagée sur cette période sensible que constitue le développement comportemental.

Géraldine Blanchard PhD, professeur contractuel en nutrition clinique à l’E.N.V.A., agrégée de nutrition, diplomate E.C.V.C.N.

LES RELATIONS ENTRE MALNUTRITION ET COMPORTEMENT

Christian Iehl Vétérinaire, C.E.S. de diététique canine et féline, Relations externes IAMS

➜ Quelles sont les conséquences des carences alimentaires dans le jeune âge ? Chiots et chatons, lorsqu’ils sont issus de mères mal nourries, présentent des retards de développement nerveux et comportemental sensibles. Les données expérimentales confirment ces observations. Comme le note Colette Arpaillange, il est vrai que la malnutrition est associée à un contexte de misère physiologique globale et à un statut sanitaire défaillant, des facteurs susceptibles de compromettre encore davantage le bon développement de l’individu.

Chacun des participants a pu relater une ou plusieurs observations cliniques associant malnutrition protéique et troubles nerveux chez les chats. Ainsi, Isabelle Vieira cite le cas d’un chat soumis à un régime végétarien, présenté en consultation pour agressivité ; il s’agissait en fait d’une carence en acides aminés indispensables. D’autres cas observés étaient en relation avec la distribution abusive de régimes très restreints en protéine chez de jeunes chats nourris par exemple avec des aliments bas de gamme pour chien. ➜ Les chiens nourris avec des régimes riches en protéine sont-ils plus agressifs ? Cette idée parfois répandue dans les milieux cynophiles suscite une discussion. Colette Arpaillange présente les résultats d’une publication récente indiquant que les régimes restreints en protéines, mais supplémentés en tryptophane, réduiraient les manifestations agressives et l’agitation [1]. Les mécanismes en causes sont présentés dans l’encadré ➜1... Thierry Bedossa souligne qu’il a pu constater la relation positive entre apports protéiques et performances des chiens de travail. Et comme l’indique Géraldine Blanchard, il faut se garder d’extrapoler les études réalisées dans d’autres espèces sur les relations entre apports protéiques et comportement, car le chien et, a fortiori, le chat, carnivores, sont parfaitement adaptés à des taux protéiques élevés et éliminent les excès protéiques éventuels… Ce que ne sont pas capables de faire par exemple, l’homme ou le cheval. Christian Iehl confirme l’absence de danger des régimes “riches

entre le tryptophane, les apports protéiques ➜1... - Relations et la synthèse de la sérotonine ➜ La synthèse des neurotransmetteurs fait

appel à des précurseurs parmi les acides aminés. Ainsi, le tryptophane est un précurseur de la sérotonine, neuromédiateur associé à une moindre impulsivité et à une réduction des comportements agressifs. Or, le transfert du tryptophane dans le cerveau est assuré par un transporteur compétitif avec les acides aminés neutres

Photos C. Arpaillange, C. Iehl.

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 8 - JANVIER / FÉVRIER 2005

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qui dépend du ratio tryptophane/AA neutres.

➜ Les protéines sont naturellement riches en

acides aminés neutres et pauvres en tryptophane. ➜ Un régime riche en protéines est associé à un faible ratio tryptophane/AA neutres qui réduirait la disponibilité du tryptophane à l’échelon neuronal.


conduites diagnostique et thérapeutique

devant des troubles digestifs sévères d’origine toxique

chez le chien et le chat

Les troubles digestifs sévères d’origine toxique peuvent être oropharyngés, gastro-intestinaux ou hépatiques. Ils sont liés à l’ingestion de produits chimiques, de végétaux, de champignons ou de petits animaux. La réussite du traitement dépend de la rapidité du diagnostic.

L

es troubles digestifs sont couramment décrits en toxicologie vétérinaire. Les carnivores domestiques s'intoxiquent en effet majoritairement par voie orale, et leur présence dans la maison des propriétaires les expose à quantité de produits potentiellement dangereux, irritants ou caustiques : médicaments, plantes, produits ménagers, substances anti-nuisibles. ● Sur les 100 500 appels reçus par le Centre national d'informations toxicologiques vétérinaires (C.N.I.T.V.) entre 1991 et 2004 concernant les carnivores, 56 p. cent relatent des troubles digestifs. Ces troubles sont très variables, dans leur diversité comme dans leur intensité. Des troubles sévères peuvent survenir. ● Si le recueil des commémoratifs ne permet pas immédiatement de préciser l'étiologie toxique, le vétérinaire peut, à partir des signes cliniques, envisager le produit toxique en cause, de façon à orienter la prise de commémoratifs, donc à améliorer le traitement. ● D'une manière générale, le traitement symptomatique est la règle : contrôle des vomissements et de la diarrhée, réhydratation, correction des désordres électrolytiques, etc. (photo 1). ● La démarche thérapeutique est destinée à préciser, selon le toxique, le traitement spécifique et surtout, les gestes à ne pas faire dans certaines situations précises. ● Des indications sont apportées au long de cet article concernant la fréquence de chaque intoxication, au travers des appels reçus par le C.N.I.T.V. concernant les carnivores entre 1991 et 2004 (tableau 1). Mais des biais existent : des intoxications fréquentes peuvent être bien connues des vétérinaires, elles font donc l'objet de moins

Stéphane Queffélec Laurence Lemaire Centre national d'informations toxicologiques vétérinaires (C.N.I.T.V.) 1, avenue Bourgelat 69280 Marcy l'Étoile

Objectif pédagogique Déterminer les conduites à tenir devant des troubles digestifs sévères d’origine toxique chez le chien et le chat. 1

Lors d’un lavage gastrique, l’intubation est à pratiquer avec beaucoup de précautions après une ingestion de caustiques (photo C. Hugnet).

Tableau 1 - La fréquence des intoxications ●

Caustiques

- Fréquent

Chenilles processionnaires

- Assez fréquent

Crapauds

- Assez fréquent

Plantes irritantes

- Assez fréquent

Détergents

- Fréquent

Hydrocarbures et alcools

- Fréquent

Ricin

- Assez fréquent

Arsenic

- Rare

Anti-inflammatoires non stéroïdiens (A..I.N.S.)

- Fréquent (1300 cas symptomatiques avec les A.I.N.S. humains)

Vitamine D

- Assez fréquent

Scilliroside

- Assez fréquent

Champignons

- Assez fréquent

Aflatoxines

- Rare

Essentiel

COMMENTAIRES DU TABLEAU Nous avons classé les intoxications en 3 catégories : - rares, si leur fréquence est inférieure à 10 cas symptomatiques par an ; - assez fréquentes, si elles font l'objet de 10 à 100 cas symptomatiques par an (on y retrouve des intoxications à caractère saisonnier et/ou régional) ; - fréquentes, si elles font l'objet de plus de 100 cas par an.

❚ En 1er lieu, le traitement symptomatique est la règle : contrôle des vomissements et de la diarrhée, réhydratation, correction des désordres électrolytiques... ❚ Dans le cas des caustiques, les lésions engendrées ou "brûlures caustiques", sont à l'origine des symptômes. ❚ Ne jamais chercher à neutraliser une base par un acide (ou inversement). ❚ L'ingestion d'appâts rodenticides à base de scilliroside entraîne des vomissements incoercibles.

d'appels, alors que des cas rares ou de traitement complexe sont peut-être surreprésentés. LE DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL ET LE TRAITEMENT DES TROUBLES OROPHARYNGÉS SÉVÈRES D'ORIGINE TOXIQUE

CANINE - FÉLINE

Les signes observés au niveau de la région oropharyngée sont multiples, allant de la simple inflammation buccale, qui se traduit par une salivation excessive, à des nécroses

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JANVIER / FÉVRIER 2005 - 11


conduites diagnostique et thérapeutique devant des convulsions chez le chien et le chat

Les convulsions peuvent avoir des origines toxiques diverses chez le chien et chez le chat. Le diagnostic différentiel repose en premier lieu sur l’analyse des signes cliniques. Identifier le toxique en cause conditionne le pronostic et la mise en œuvre des mesures thérapeutiques.

L

es convulsions, contractions violentes, involontaires et saccadées des muscles, sont l’expression physique d’une perturbation électrique paroxystique d’un groupe de neurones (encadré 1). ● Elles peuvent être à l’origine de graves complications (acidose, hypoxie, hypoglycémie et œdème cérébral) et constituent pour cette raison une urgence toxicologique majeure. Elles nécessitent donc, de la part du vétérinaire, une parfaite connaissance des manifestations cliniques des intoxications, fondement d’un diagnostic immédiat nécessaire à la mise en œuvre d’un traitement adapté. LA CONDUITE DIAGNOSTIQUE Le diagnostic clinique

Plusieurs éléments cliniques, lorsqu’ils sont présents, sont à prendre en considération de manière à permettre un diagnostic clinique différentiel des intoxications par les toxiques convulsivants (figure, tableau 1) : - type et intensité des convulsions, hyperesthésie, tremblements / trémulations, opisthotonos, emprosthotonos, parésie, coma , agitation / agressivité ; - myosis, nystagmus, cécité / amaurose ; - hypersalivation, vomissements, diarrhée ; - polypnée / dyspnée, cyanose, bradypnée / apnée, râles bronchiques ; - bradycardie ; - hypothermie ; - mort rapide / brutale. La nature des convulsions

Les convulsions peuvent être toniques, cloniques ou tono-cloniques : - les convulsions toniques correspondent à

Hervé Pouliquen* Laurence Lemaire** * Centre antipoison animal de l’Ouest, E.N.V.N. Atlanpôle La Chantrerie BP 40 706, 44307 Nantes cedex 03 ** Centre national d'informations toxicologiques vétérinaires 1, avenue Bourgelat 69280 Marcy l'Étoile

Objectif pédagogique Déterminer l’étiologie des convulsions d’origine toxique afin de les traiter. 1

L’intoxication par le chloralose provoque des convulsions plutôt intermittentes. L’animal alterne des phases de coma et des phases de convulsion (photo D. Fanuel).

Encadré 1 - Les convulsions dans les intoxications ● Les convulsions sont présentes dans le tableau clinique des intoxications : - à la strychnine ; - à la crimidine ; - au métaldéhyde ; - aux anticholinestérasiques (organophosphorés et carbamates) ; - aux pyréthrinoïdes ; - aux organochlorés ; - dans une moindre mesure, au chloralose et au plomb. ● Il est également possible de les observer lors d’intoxications aux médicaments (benzodiazépines), au chocolat, aux drogues (cannabis), aux solvants (éthylène glycol, white-spirit), aux plantes (champignons, laurier rose), aux herbicides (dinitrophénols), lors d’envenimations (crapaud) ou de mycotoxicoses (roquefortine).

Essentiel

des contractions musculaires soutenues, avec raideur. Elles peuvent être associées à une position d’opisthotonos (contraction des muscles extenseurs des membres et de la colonne vertébrale accompagnée d’un rejet en arrière de la tête et de la queue) ou d’emprosthotonos (colonne vertébrale arquée en sens inverse de l’opisthotonos, flexion des membres postérieurs et flexion ou extension des membres antérieurs) ; - les convulsions cloniques correspondent à des contractions musculaires rythmiques, parfois de grande amplitude (mouvements de pédalage) ; - les convulsions tono-cloniques associent des phases toniques et cloniques au cours du même épisode. ● Les convulsions peuvent aussi être : - plutôt intermittentes : intoxications par la

❚ Les convulsions peuvent être à l’origine de graves complications (acidose, hypoxie, hypoglycémie et œdème cérébral) ❚ Elles constituent une urgence toxicologique majeure. ❚ Les convulsions peuvent être toniques, cloniques ou tono-cloniques, plutôt intermittentes ou plutôt permanentes. ❚ Le diazépam est le médicament anticonvulsivant de choix.

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CANINE - FÉLINE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JANVIER / FÉVRIER 2005 - 19


troubles hématologiques d’origine toxique chez le chien et le chat

D’origine toxique chez le chien et le chat, les troubles de l’hémostase primaire sont souvent associés aux médicaments, alors que les troubles de l’hémostase secondaire sont liés à l’ingestion de rodenticides antivitaminiques K.

D

e nombreux produits toxiques et médicaments agissent sur l’homéostasie sanguine et l’hémostase. Ainsi, en pratique quotidienne, les anémies secondaires à un trouble de la coagulation provoqué par l’ingestion des anticoagulants antivitaminiques K sont très fréquemment rencontrées. ● Cependant, d’autres signes cliniques ou biologiques telles qu’une anémie hémolytique, une aplasie médullaire, ou une modification de l’hématose (par altération fonctionnelle de l’hémoglobine), sont aussi observés ; une origine toxique est à envisager dans le diagnostic différentiel étiologique. LES TROUBLES DE L’HÉMOSTASE

L’hémostase est définie par l’arrêt d’une hémorragie. Ainsi, une anomalie de l’hémostase peut conduire à une persistance d’un processus hémorragique, mais aussi à une thrombose vasculaire, véritable défi diagnostique dans certains cas. ● Face à une symptomatologie évocatrice d’une hémorragie extériosée (hématome, pétéchies, suffusions, hématémèse, méléna, épistaxis, hémoptysie, hématurie, etc.) mais aussi devant des signes cliniques ou biologiques tels qu’une toux, une boiterie, une tuméfaction, un épanchement, ou une anémie, le praticien recourt régulièrement à des examens complémentaires plus ou moins complexes qui lui permettent d’évaluer l’hémostase primaire et secondaire (encadré 1, photos 1, 2). ●

Les troubles de l’hémostase primaire Peu décrits, les troubles de l’hémostase primaire d’origine toxique chez le chien et le chat sont le plus souvent associés à l’administration de médicaments, et relèvent alors de la pharmacovigilance vétérinaire.

Ainsi, lors d’une chimiothérapie anticancéreuse, les cytopénies centrales, dont la thrombopénie, sont fréquentes. Des thrombopénies à médiation immunitaire secondaires à l’administration de sulfonamides, de sels d’or et de certaines céphalosporines ont aussi été décrites. L’arrêt du traitement médicamenteux (associé à une prescription de corticostéroïde si nécessaire) conduit alors à la résolution des signes cliniques. Une épreuve de “rechallenge” (ou de réadministration) peut être utile à la confirmation du diagnostic étiologique (si le médicament suspecté est indispensable pour l’animal). La mise en évidence d’anticorps spécifiques induits par le médicament est possible en médecine humaine, mais pas en médecine vétérinaire à ce jour [1, 4]. ● Les troubles fonctionnels des thrombocytes sont bien connus lors d’administration d’aspirine ou d’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens, principalement via l’activité inhibitrice des cyclo-oxygénase (de type 1). ● En pratique, il est rare d’observer des saignements chez des chiens ou des chats traités par un A.I.N.S. ; il convient cependant d’être prudent chez les animaux porteurs d’une autre anomalie telle que la maladie de

Christophe Hugnet Clinique vétérinaire des Lavandes 8, rue Aristide-Briand 26160 La Bégude-de-Mazenc

Objectif pédagogique Diagnostiquer et traiter les troubles hématologiques d’origine toxique chez le chien et le chat.

1

En début d’évolution, des hémorragies trachéales, bronchiques, pulmonaires ou médiastinales peuvent être observées (photo C.Hugnet).

Encadré 1 - L’évaluation de l’hémostase primaire 1re

● La phase de l’hémostase, dite hémostase primaire, est une réponse physiologique qui conduit à la formation d’un "clou" plaquettaire assez peu stable obstruant la brèche vasculaire incriminée dans le processus hémorragique. ● Les structures cellulaires de l’endothélium vasculaire, le facteur de Von Willebrand et les thrombocytes participent à l’hémostase primaire. ● Un trouble de l’hémostase primaire est provoqué par un déficit quantitatif ou fonctionnel des thrombocytes. Ainsi, les examens complémentaires visent à déterminer : - in vivo, la capacité des plaquettes à assurer cette étape de l’hémostase primaire ; - ex vivo, la thrombocythémie (analyseur hématologique, cellule de Malassez). ● Le dépistage d’anomalies génétiques responsables d’un dysfonctionnement plaquettaire reste encore du domaine de la recherche vétérinaire et ne peut constituer une procédure de routine en pratique vétérinaire [1].

2

Face à un symptôme d’une hémorragie extériosée (ici un hématome), il convient d’évaluer l’hémostase primaire et secondaire.

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JANVIER / FÉVRIER 2005 - 25


conduite diagnostique et thérapeutique

devant une insuffisance rénale aiguë d’origine toxique ou médicamenteuse chez le chien et le chat

* Centre national d'informations toxicologiques vétérinaires (C.N.I.T.V.) ** Centre de pharmacovigilance de Lyon (C.P.V.L.) École nationale vétérinaire de Lyon 1, avenue Bourgelat 69280 Marcy l’Étoile

Les trois formes de l’insuffisance rénale aiguë, prérénale, rénale et postrénale, peuvent avoir pour origine une intoxication. Cet article présente les causes possibles de chaque affection et leur traitement.

L

es insuffisances rénales sont fréquentes chez les carnivores domestiques. Lorsqu’elles surviennent sur des animaux âgés, il est rare qu’une hypothèse toxicologique soit évoquée. En revanche, l’hypothèse d’une intoxication est envisagée quand leur survenue est brutale, ou jugée comme telle car découverte fortuitement, sans que les propriétaires n’aient mentionné de symptômes préliminaires. ● Cet article a pour but de permettre un diagnostic différentiel des insuffisances rénales aiguës d’origine toxique. ● Différentes affections rénales peuvent être induites par des toxiques néphrotoxiques, la nature et la localisation de la lésion initiale étant propres à chaque xénobiotique. Néanmoins, la pathogénie et les conséquences physiopathologiques des atteintes rénales restent identiques quelle que soit l’origine de la lésion, toxique ou non. ● Une néphropathie peut évoluer à bas bruit chez un animal. Dans ce cas, la prescription d’un médicament potentiellement néphrotoxique peut aggraver brutalement l’atteinte rénale et lui permettre de s’exprimer de façon clinique. Selon la durée et l’étendue des lésions affectant le parenchyme rénal, la néphropathie entraîne, ou non, une insuffisance rénale (cf. définitions). ● L’insuffisance rénale aiguë (I.R.A.) est un syndrome clinique et biologique qui traduit des perturbations du milieu intérieur provoquées par une détérioration brutale des fonctions rénales. Les signes cliniques sont peu spécifiques : anorexie, vomissements, salivation, diarrhée, prostration, parfois coma. ● L’insuffisance rénale se déclare lorsque de deux tiers à trois quarts des néphrons des deux reins sont lésés (pour les atteintes parenchymateuses du chat, la baisse des capa-

Thierry Buronfosse* Sylvie Moreira* Florence Buronfosse**

Objectif pédagogique Diagnostiquer et traiter une insuffisance rénale aiguë d’origine toxique ou médicamenteuse chez le chien et le chat.

1

Que l’origine de l’atteinte rénale soit toxique ou non, la pathogénie et les conséquences physio-pathologiques restent identiques (photo C. Arpaillange).

Encadré 1 - Les différents types

Définitions

d’insuffisance rénale aiguë ● L’insuffisance rénale aiguë (I.R.A.) peut exister sous trois formes selon la cause qui lui a donné naissance : 1. l’I.R.A. prérénale ou fonctionnelle, dans laquelle la fonction rénale est perturbée en l’absence initiale de toute lésion du parenchyme rénal ou des voies excrétrices ; 2. l’I.R.A. rénale, parenchymateuse ou organique, caractérisée par des lésions massives, d’évolution aiguë du parenchyme des deux reins ; 3. l’I.R.A. postrénale ou obstructive, qui résulte de la présence d’un obstacle à l’écoulement de l’urine au niveau des voies excrétrices. ● Les I.R.A. fonctionnelles et obstructives peuvent se compliquer d’I.R.A. rénale en l’absence de traitement précoce.

cités de concentration peut se manifester tardivement), et que les 1res manifestations biologiques de l’insuffisance rénale correspondent à une baisse de la capacité de concentration des urines. ● Différents types d’insuffisance rénale peuvent être distingués selon le mode d’évolution des lésions (aiguës ou chroniques) et la localisation de l’atteinte (prérénale, rénale, postrénale). Ne sont traitées dans cet article que les insuffisances rénales aiguës (encadré 1). ● Chacune de ces formes d’I.R.A. répond à des mécanismes physiopathologiques constants, quelle qu’en soit l’étiologie, toxique ou non.

❚ Une néphropathie désigne une affection rénale, responsable d’une altération fonctionnelle ou morphologique du parenchyme rénal. Ce terme général peut être précisé : - en localisant les lésions (glomérules, tubules, tissu interstitiel ou vaisseaux) ; - en mentionnant le caractère de réversibilité ou non de l’altération ; - par le degré de gravité de l’atteinte rénale. ❚ L’insuffisance rénale désigne un degré d’altération de la fonction rénale responsable d’une perturbation de l’homéostasie corporelle s’exprimant par des signes biologiques et cliniques. ❚ L’insuffisance rénale aiguë (I.R.A.) rénale, parenchymateuse ou organique, est définie comme une insuffisance de la fonction rénale consécutive à une atteinte du parenchyme rénal.

CANINE - FÉLINE

L’INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË PRÉRÉNALE OU FONCTIONNELLE ● L’insuffisance rénale aiguë (I.R.A.) prérénale ou fonctionnelle, correspond à une

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conduite diagnostique et thérapeutique devant des troubles cardiaques d’origine toxique chez le chien et le chat

Les signes cardiaques, moins spectaculaires que les signes nerveux ou digestifs, sont moins souvent recherchés en cas d’intoxication. Pourtant, à l’exception des cas de lésions multiples, leur pronostic à moyen terme est bon.

L

'existence et la gravité de troubles cardiaques sont généralement mal évaluées lors d'intoxication. Les signes cardiaques sont en effet moins spectaculaires que les signes nerveux ou digestifs et, par conséquent, moins souvent recherchés. ● Si les causes toxicologiques de troubles cardiaques sont peu fréquentes, il est essentiel d’établir le diagnostic pour proposer un pronostic et un traitement adaptés. ● L'objectif diagnostique devant des troubles cardiaques supposés d'origine toxique consiste ainsi : - d’abord à différencier des signes cardiaques d'origine toxique et médicale ; - puis, à déterminer le toxique responsable de l'intoxication ; - et enfin, à raisonner la mise en place d'un traitement. LES COMMÉMORATIFS ET L’ANAMNÈSE Le recueil des commémoratifs et de l'anamnèse, associé à un examen clinique complet, permet de préciser le tableau clinique et de déterminer sa gravité. Cette étape, cruciale pour établir la suspicion d'intoxication, oriente le diagnostic vers un nombre limité d'hypothèses. ●

Il est notamment nécessaire de préciser l'ordre et la chronologie d'apparition des signes cliniques. Ainsi, des signes d'apparition aiguë ou suraiguë peuvent évoquer une intoxication, bien qu'ils ne constituent pas un critère diagnostique de certitude. ● Des troubles cardiaques peuvent de plus apparaître à la suite de l'exposition répétée à un agent toxique (digoxine, doxorubicine, monensin, …) [2, 3, 9, 12] et se manifester alors de façon moins brutale. ● La suspicion d'intoxication peut également naître de l'exposition avérée ou possible à un toxique dans l'environnement proche de l'animal. Dans le cas où l'animal a été surpris au moment du contact avec le toxique, il est nécessaire de recueillir la composition exacte du toxique et la dose ingérée. ● En l'absence d'exposition certaine, il est nécessaire de faire, avec le propriétaire de l'animal, l'inventaire des toxiques présents dans son environnement auxquels il aurait pu avoir accès : médicaments, végétaux, crapauds … Ne pas hésiter à avancer l'hypothèse d'intoxication par le cannabis lorsque le tableau clinique concorde, les propriétaires d'un animal n'avouant généralement pas spontanément la possibilité de cette intoxication. ● Il convient, enfin, de tenir compte des particularités physiologiques de l'animal (âge, taille, antécédents pathologiques, insuffisance rénale sous-jacente, …) afin de détecter des facteurs qui aggravent le tableau clinique. Les intoxications peuvent toucher les animaux de tous âges, mais : - les intoxications accidentelles sont plus fréquentes chez les jeunes qui ont un comportement prédisposant aux intoxications ;

Julien Courchet* Florence Buronfosse** * Centre national d'informations toxicologiques vétérinaires 1, avenue Bourgelat B.P. 83, 69280 Marcy-l’Étoile ** Centre de pharmacovigilance vétérinaire de Lyon 1, avenue Bourgelat B.P. 83, 69280 Marcy-l’Étoile

Objectif pédagogique Diagnostiquer et traiter les signes cardiaques supposés d’origine toxique.

Essentiel ❚ Les intoxications accidentelles sont plus fréquentes chez les jeunes. ❚ Les intoxications iatrogènes concernent principalement des animaux âgés médicalisés. ❚ Des signes d'apparition aiguë ou suraiguë peuvent évoquer une intoxication. ❚ Des troubles cardiaques peuvent apparaître à la suite de l'exposition répétée à un agent toxique. ❚ L'évolution des intoxications est souvent brutale.

Figure 1 - Les critères cardiaques qui permettent de différencier les causes médicales des causes toxiques Symptômes

En faveur d’une intoxication - Évolution brutale - Troubles de la fréquence et/ou du rythme cardiaque (fréquence cardiaque anormale, rythme irrégulier ou changeant, syncopes) - Hyperthermie (uniquement lors de perturbation du système nerveux central ou de convulsions)

CANINE - FÉLINE

En défaveur d’une intoxication - Signes d’apparition progressive - Souffle cardiaque ou signes de congestion, d’œdème ou d’épanchement - Hyperthermie

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thérapeutique effets indésirables et toxicité du 5-Fluoro-uracile chez le chien et le chat

Julien Courchet Stéphanie Rossi Thierry Buronfosse

Utilisé en général lors de chimiothérapies anticancéreuses chez le chien, le 5-Fluoro-uracile (5-Fu), est responsable d’intoxications graves du chien et du chat. S’il n’existe pas d’antidote, le diagnostic de cette intoxication permet d’engager un traitement éliminatoire et symptomatique.

L

e 5-Fluoro-uracile (5-Fu) est un antimitotique de la catégorie des antimétabolites, inhibiteur de la synthèse des bases pyrimidiques [5, 11]. D’usage modéré en cancérologie vétérinaire, le 5-Fu est néanmoins responsable d’intoxications graves chez le chien et le chat, à la suite d’un traitement de chimiothérapie anticancéreuse, ou d’une exposition accidentelle. ● De 1991 à 2002, le Centre national d'informations toxicologiques vétérinaires (C.N.I.T.V.) a été contacté pour 22 cas d’intoxication par le 5-Fu dans toute la France (sur 112 623 cas au total), dont 21 avec symptômes (encadré 1). Les principales dominantes toxicologiques de ce produit, ainsi que les bases du traitement, sont présentées dans cet article. ● Le principe actif et sa pharmacologie sont présentés dans l’encadré 2 infra. L’ÉPIDÉMIOLOGIE DES INTOXICATIONS Les circonstances Une première cause d’intoxication concerne les traitements par voie intraveineuse lors de chimiothérapie. La plupart du temps, le chien a reçu une dose thérapeutique. ● La formulation en pommade dermatologique est responsable d’intoxications accidentelles par ingestion [2, 6, 15]. Ces intoxications sont d’autant plus graves et fréquentes que la quantité de principe actif contenue dans chaque tube est importante, et que les indications thérapeutiques chez l’homme sont bénignes. En effet, le propriétaire n’appréhende pas du tout la toxicité du 5-Fu et ne pense pas à le ranger avec les médicaments "dangereux". La gravité de l’expo●

C.N.I.T.V. (Centre national d'informations toxicologiques vétérinaires) 1, avenue Bourgelat, BP 83 69280 Marcy l’Étoile

Encadré 1 - Les chiens concernés, les chats plus rarement ● Parmi les intoxications à cet anticancéreux recensées au C.N.I.T.V., 20 concernent des chiens, deux des chats. Cette espèce est donc beaucoup moins impliquée dans ces intoxications. ● Sur ces chats, le 1er cas correspond à une mauvaise utilisation : un vétérinaire administre ce produit par voie intraveineuse pour une chimiothérapie, bien que le 5-Fu soit contre-indiqué chez le chat (cf. infra). Le 2e cas relève d’une automédication par le propriétaire de l’animal par voie intra-auriculaire : l’exposition est percutanée.

sition n’étant pas ressentie, la consultation est le plus souvent retardée [2, 6, 7, 15]. Le délai d’apparition des symptômes ● Le délai d’apparition des symptômes est généralement très court : de 45 à 60 minutes après l’exposition. ● L’évolution est rapide : quelques heures (avec un maximum de 16 h dans les cas rapportés) [2, 6, 8 ]. Un passage possible par voie percutanée est signalé ; le délai d’apparition des symptômes n’est toutefois pas précisé, et sans doute plus long [6, 15]. ● Sur les cas que nous avons répertoriés, nous comptons 11 cas d’intoxication après administration par voie intraveineuse à dose thérapeutique de 150 mg/m2 (environ 4,75 mg/kg). - Le délai d’apparition des symptômes est en moyenne de 7 à 8 h. Ils se manifestent dès la 2e ou la 3e injection [8]. - Les animaux atteints sont âgés (plus de 8 ans), ce qui correspond à l’âge moyen des chiens qui reçoivent une chimiothérapie. ● Parmi les 10 intoxications par voie orale répertoriées, la dose réelle reçue par l’animal n’est pas toujours facile à évaluer. Lorsque cette information est disponible, les doses reçues se situent entre 25 et 500 mg/kg en prise unique. Pour ces quantités, les doses ingérées sont toujours fortes et le délai d’apparition des symptômes est de 1 à 12 h après l’exposition. Les chiens jeunes sont davantage sujets aux intoxications par ingestion accidentelle.

Objectif pédagogique Décrire les effets indésirables et la toxicité du 5-Fluo-uracile chez le chien et le chat, et proposer un traitement en cas d’intoxication.

Essentiel ❚ Les traitements par voie intraveineuse lors de chimiothérapie sont la 1re cause d’intoxication. ❚ La formulation en pommade dermatologique est responsable d’intoxications accidentelles par ingestion. ❚ Le délai d’apparition des symptômes est très court : (45 à 60 minutes après l’exposition) ; l’évolution est rapide : quelques heures. ❚ Les vomissements sont le signe de plus fréquent de l’intoxication par le 5-Fu.

NOTE * Dose léthale 50 p. cent : dose qui entraîne la mort de 50 p. cent des animaux.

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LE PRONOSTIC ● Chez les rongeurs, la D.L. 50* orale est faible (100 mg/kg chez le rat, 500 mg/kg chez la souris). ● Chez le chien, par voie intraveineuse, elle a été calculée à 40 mg/kg .

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observation clinique

intoxication au tourteau de ricin chez un chien Utilisé dans la lutte contre les taupes, le tourteau de ricin, peut être mortel pour les chiens, souvent attirés par ce produit. La victime peut tomber rapidement dans le coma ou présenter une désydratation et des signes de gastro-entérite aiguë.

U

n chien labrador mâle de 4 ans est présenté en consultation d’urgence le 16 avril 2004, à 15 h 30, car il est très abattu. ● Le chien présente de l’hypersalivation le matin vers 8 h. Les propriétaires quittent alors la maison. ● À midi, ils retrouvent l’animal en train de boire dans la piscine. Il semble très abattu. EXAMEN CLINIQUE ET ANAMNÈSE L’animal est en décubitus. Ses réflexes sont conservés. ● L’examen révèle une déshydratation supérieure à 12 p. cent. Il présente une perte de poids importante depuis la dernière consultation, il y a un mois : de 44 à 31,6 kg. ● Sa température est normale. La palpation abdominale craniale est douloureuse. ● L’entretien avec les propriétaires ne permet pas de déterminer si le chien a présenté récemment des vomissements, des diarrhées, ou une polyurie pouvant expliquer la déshydratation. De plus, aucune explication n’est fournie sur la rapidité de la perte de poids. La perte de poids, la déshydratation et la douleur abdominale évoquent une affection digestive. La déshydratation et la perte de poids pourraient aussi être dues à des troubles rénaux. ●

LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES Des examens complémentaires sont effectués afin de déterminer l’origine de ces troubles. ● Le bilan hématologique révèle une légère leucocytose, un hématocrite fortement augmenté associé à une augmentation du taux d’hémoglobine. Les analyses sanguines biochimiques indiquent une faible augmentation de l’urémie et une hyperprotéinémie. ●

Mathilde Fresnel* Leïla Loukil** Hervé Pouliquen** * Centre anti-poison de l’Ouest E.N.V.N. B.P. 40706 44307 Nantes cedex 03 ** Clinique vétérinaire, route de Gordes, Coustellet 84220 Cabrières-d'Avignon

Les constantes hépatiques sont dans les normes usuelles, la glycémie et la créatininémie sont normales (tableau 1). L’augmentation de l’hématocrite, ainsi que l’hyperprotéinémie, sont assez révélatrices d’une déshydratation. ● Afin d’évaluer l’origine digestive des signes cliniques, des radiographies abdominales crâniales sans préparation ainsi qu’un transit baryté sont effectués. Ils mettent en évidence le cadavre d’un petit mammifère dans l’antre pylorique et le duodénum, ainsi que l’absence de perforation digestive détectée. ● L’absence de signe d’une affection rénale est en faveur d’une déshydratation par perte digestive. Un état de choc consécutif à un syndrome occlusif lié à l’ingestion d’un corps étranger est alors suspecté.

Objectif pédagogique Reconnaître les symptômes d’une ingestion de tourteau de ricin et proposer un traitement adapté.

TRAITEMENT DE PREMIÈRE INTENTION ● L’animal est immédiatement hospitalisé et une réhydratation est mise en place : un litre de NaCl est perfusé par voie intraveineuse durant la 1re heure. Le chien est alors capable de se lever. Mais la déshydratation est toujours marquée.

1

Le ricin, de plus en plus présent dans les jardins (photo Anne-Cécile Biot-Masson).

Essentiel ❚ La dose minimale mortelle de tourteau de ricin chez le chien est de 3,5 g/kg de poids vif. ❚ Le diagnostic différentiel doit notamment être effectué avec la leptospirose et les syndromes occlusifs. ❚ Le traitement repose sur l’élimination de la toxine dans les heures qui suivent l’ingestion du tourteau : - lavage gastrique, - administration de vomitifs et d’absorbants digestifs ; - diurèse forcée.

Tableau 1 – Les résultats des analyses hématologiques et biochimiques Examen

Résultats Valeurs usuelles

Biochimie

P.A.L.*

140 U/l

A.L.A.T.**

80 U/l

10 à 100

Urée

0,69 g/l

0,15 à 0,57

Créatinine

17,96 mg/l

5 à 18

Glycémie

1,09 g/l

0,77 à 1,25

Protéines totales

90,34 g/l

52 à 82

Hématologie

Hématocrite

66,10 %

37 à 55

Hémoglobine

21,3 g/dl

12 à 18

C.C.M.H.***

32,2 g/dl

30 à 36,9

Leucocytes

18,6 109/l

6 à 16,9

80 %

35 à 77

23 à 212

Granulocytes Lymphocytes / Monocytes ● Plaquettes

20 %

5 à 55

305 109/l

175 à 500

Réticulocytes

0,60 %

● ●

CANINE - FÉLINE

NOTES DU TABLEAU * P.A.L. : phosphatases alcalines. ** A.L.A.T. : alanine-amino-transférases. *** C.C.M.H. : concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine.

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JANVIER / FÉVRIER 2005 - 49


les effets indésirables des antiparasitaires externes

Florence Buronfosse* Xavier Pineau* Stéphane Queffélec* Jean-Dominique Puyt**

chez le chat

Les antiparasitaires externes sont la première cause de déclaration d’effets indésirables chez le chat. Les risques varient selon la famille chimique, la forme galénique et la modalité d’administration.

L

es traitements antiparasitaires externes réguliers chez le chat sont indispensables, notamment pour le contrôle des puces, mais ils sont banalisés : l’utilisateur perd de vue qu’il s’agit de molécules actives, à l'origine de la majorité des effets indésirables médicamenteux répertoriés chez cet animal (figure 1). Les antiparasitaires regroupent différentes classes chimiques, avec des modes d’actions variables. ● Au-delà du mode d’action, la forme galénique, plus ou moins adaptée à l’animal traité, peut avoir une grande influence sur les effets indésirables éventuels. ● Les erreurs d’utilisation peuvent engendrer des intoxications qu’il convient de savoir repérer et traiter.

● Cet article présente les risques en fonction de la famille chimique, de la forme galémique, de la modalité d’administration, et s’intéresse au traitement des effets indésirables.

RISQUE SELON LES CLASSES DE MOLÉCULES

Objectif pédagogique

La répartition des risques en fonction de la famille chimique d’antiparasitaires externes est présentée dans la figure 1. Les inhibiteurs des cholinestérases ● Les inhibiteurs des cholinestérases incluent les organophosphorés et les carbamates insecticides. La toxicité aiguë est très variable (tableau). Ce sont souvent des molécules anciennes (dimpylate, dichlorvos, fenthion, carbaryl, propoxur, etc.), consacrées par l’usage. ● Quelle que soit la dose administrée, ils entraînent, une inhibition des cholinestérases qui, lorsqu’elle est trop importante, conduit à : - des symptômes muscariniques : myosis, hypersalivation, diarrhée avec mucus, vomissements, bronchospasmes et hypersécrétion bronchique, bradycardie ;

Figure 1- La répartition des effets indésirables 2. par famille chimique 1. par classe thérapeutique d'antiparasitaires externes

COMMENTAIRES DE LA FIGURE - Les données recueillies par le système de pharmacovigilance (centres de pharmacovigilance et industrie pharmaceutique) montrent très clairement que les antiparasitaires externes (A.P.E.) sont la 1re cause d'effet indésirable chez le chat. - Les A.P.E. représentent environ 70 p. cent des effets indésirables présumés chez le chat, à comparer avec les 20 p. cent d'autres médicaments d'usage régulier que sont les antiparasitaires internes (vermifuges), les antibiotiques et les vaccins.

* Centre de pharmacovigilance vétérinaire de Lyon, E.N.V.L. 1, avenue Bourgelat, 69280 Marcy-l'Étoile ** Centre de pharmacovigilance de l'Ouest., E.N.V.N. Atlanpôle, La Chantrerie BP 40706, 44307 Nantes cedex 03

Déterminer la fréquence des cas d’intoxications aux antiparasitaires externes chez le chat.

Essentiel ❚ Au-delà du mode d’action, la forme galénique, plus ou moins adaptée à l’animal traité, peut avoir une grande influence sur les effets indésirables éventuels. ❚ Le traitement contre l’intoxication aux inhibiteurs des cholinestérases fait appel à des atropiniques. ❚ Le tableau clinique de l’intoxication aux pyréthrinoïdes est à dominante nerveuse. ❚ Le chat a une sensibilité particulière aux pyréthrénoïdes, variable d’un animal à l’autre.

- Pour les antiparasitaires externes, on constate une domination écrasante des pyréthrinoïdes, avec plus de 80 p. cent des effets indésirables. - Les antiparasitaires récents (le fipronil et l'imidaclopride), dont les ventes n'ont rien à envier aux pyréthrinoïdes, ne représentent qu'une part modeste (10 p. cent), tandis que les antiparasitaires classiques, comme les organophosphorés et carbamates, n'occupent qu'une part marginale (5 p. cent). - Les effets indésirables liés aux autres antiparasitaires (organochlorés, amitraze) sont anecdotiques (moins de 2 p. cent).

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FÉLINE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JANVIER / FÉVRIER 2005 - 53


hospitalisation comment gérer un traumatisme du système nerveux central

chez le chien et le chat

Franck Chanut Dominique Fanuel-Barret Unité de Médecine des Carnivores E.N.V.N. Atlanpole La chantrerie BP 40706 44307 Nantes cedex 03

Traumatisme crânien ou traumatisme médullaire ? Cet article présente la conduite à tenir qui diffère dans les deux cas.

Q

ue le traumatisme soit crânien ou médullaire, il est conseillé d’immobiliser l’animal (sangles, attelle, minerve) et de le manipuler le moins possible, pour éviter l’aggravation des lésions. BILAN INITIAL GÉNÉRAL

Un examen général est réalisé afin : - de déterminer le degré d’urgence des lésions non neurologiques (hémorragie, état de choc, pneumothorax, …) ; - de traiter celles-ci et de stabiliser les fonctions vitales. Un examen neurologique est ensuite entrepris, afin de localiser la lésion et d’en apprécier la sévérité. CAS DU TRAUMATISME CRÂNIEN 1 Localiser et définir la lésion ●

L’examen neurologique permet de localiser la lésion parmi les différentes régions du système nerveux intracrânien. ● C’est une étape importante qui conditionne le pronostic, toujours grave et réservé. Le pronostic est meilleur si la localisation est supra-tentoriale (hémisphères cérébraux et diencéphale). Il est plus réservé si elle est infra-tentoriale (tronc cérébral et cervelet principalement). ● L’état de conscience (de la dépression au coma (photo 1), le diamètre pupillaire et les réponses aux stimuli auditifs et douloureux permettent d’évaluer la sévérité du trauma●

mesures d’urgence Hypertension intracrânienne > Poser un cathéter et perfuser du mannitol (1g/kg sur 20 min) associé à du furosémide (2,5 à 5 mg/kg). ● Convulsions > Diazépam (1 à 2 mg/kg I.V. ou I.R.). ● Traumatisme médullaire > Méthylprednisolone en 3 bolus : - T 0 : 30mg/kg - T 0+2h et T 0+6h : 15mg/kg ●

objectifs et durée de l’hospitalisation ●

1

Coma suite à un traumatisme crânien sur un Berger Allemand. L’animal est placé sur une surface rigide (photos F. Chanut).

Objectifs

> Permettre la surveillance de l’animal. > Mettre en place un traitement adéquat. > Réévaluer souvent l’état de l’animal par des examens clinique et neurologique répétés. > Affiner le pronostic et adapter le traitement. > Préparer l’animal pour une opération chirurgicale éventuelle.

matériel et médicaments Matériel > Cathéter veineux. > Sangles, attelles et minerves. ● Médicaments > Diazépam 0,5 mg/kg I.V. ou I.R. > Furosémide (Furozénol®, Dimazon ®) 2,5 à 5 mg/kg IV ou 0,7 mg/kg. I.V. toutes les 4 heures. > Mannitol 0,5 à 1 g/kg (jusqu’à 2 g) I.V. lente. > Méthylprednisolone (succinate sodique : Solu-Médrol ®), posologie variable. > NaCl 7,5 % 4 ml/kg I.V. lente. > Pentobarbital 4 à 16 mg/kg/24 h I.V. > Phénobarbital 5 mg/kg/24 h I.V. > Solutés de remplissage vasculaire (cristalloïdes isotoniques ou colloïdes). ●

tisme. On peut utiliser l’échelle de Glasgow modifiée (figure 1). ● Certaines postures et types de respiration caractéristiques sont à connaître (encadré 1). ● L’examen neurologique doit être répété régulièrement pendant toute la durée de l’hospitalisation. ● La radiographie est le seul examen complémentaire intéressant qui peut être effectué en pratique courante. Celle-ci peut mettre en évidence en particulier des fractures linéaires du crâne, fréquemment responsables de lésions intracrâniennes.

Durée

> Traumatisme crânien : la durée totale de l’hospitalisation dépend du stade de coma. > Traumatisme médullaire peu important : la durée est estimée par rapport à la sensibilité profonde. > Traumatisme médullaire important : le délai de récupération est trop variable pour être estimé.

Définition ❚ Système nerveux central : association de l’encéphale et de la moelle épinière.

2 Mettre en place un traitement ●

● Le laps de temps entre le traumatisme et le début du traitement (médical dans un 1er temps) est un élément pronostique majeur. En effet, il est indispensable de lutter contre l’œdème (encadré 2) et de ralentir ou

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principe actif

le glycopyrrolate

U

tilisé principalement chez les carnivores comme agent préanesthésique, le glycopyrrolate est un antagoniste de synthèse des récepteurs muscariniques. Il est également indiqué dans le traitement des bradycardies et des intoxications aux cholinomimétiques.

Ses effets sur le cœur sont moins marqués que ceux de l’atropine, et son action prolongée lui confère des indications assez différentes. ●

PHARMACOLOGIE Pharmacocinétique Chez le chien, aucune étude n’a été menée pour calculer les paramètres pharmacocinétiques. La résorption orale du glycopyrrolate est faible, mais ses effets anticholinergiques peuvent durer 8 à 12 h. ●

Après une administration par voie intraveineuse, son action est immédiate.

● Après une injection par voie intramusculaire ou sous-cutanée, l’effet maximal est obtenu en 30 à 45 min.

Les effets cardiaques persistent pendant 2 à 3 h. Les effets antisialagogues et digestifs peuvent en revanche persister pendant plus de 7 h.

PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES chimique : 3[(cyclopentylhydroxyphenylacetyl)oxy]-1,1dimethyl pyrrolidinium bromide. ● Dénomination commune internationale : Bromure de glycopyrronium ● Dénomination commune : Glycopyrrolate ● Nom commerciaux : Robinul-V® ● Structure et filiation : Le glycopyrrolate possède un groupement ammonium quaternaire (figure). Cette partie de la molécule, chargée positivement, occupe le site anionique des récepteurs muscariniques, tandis que la partie lipophile bloque l’accès de l’agoniste (acétylcholine) à ses récepteurs. ● Caractéristiques : - Le glycopyrrolate est relativement stable, bien qu’il comporte une liaison ester qui peut

● La distribution du glycopyrrolate est inconnue. Comme tous les ammoniums quaternaires, il est complètement ionisé au pH plasmatique, ce qui explique sa très faible liposolubilité et son faible passage à travers les barrières hémato-encéphalique, placentaire ou oculaire. ● La majeure partie du médicament est rapidement éliminée sous forme inchangée dans les urines et les fèces.

Pharmacodynamie Le glycopyrrolate est un antagoniste muscarinique compétitif et non sélectif. Il bloque les effets de l’acétylcholine sur les organes et les tissus présentant des récepteurs muscariniques. En raison de son profil pharmacocinétique, les récepteurs centraux et oculaires sont cependant épargnés à faible dose. Son action est plus prolongée que celle de l’atropine, probablement en raison de son profil de dissociation plus lent des récepteurs muscariniques. ● À faible dose, le glycopyrrolate inhibe les sécrétions salivaires, trachéobronchiques et sudoripares, sans doute en raison de son affinité pour les récepteurs muscariques M3. ● À dose supérieure, il provoque une dilatation de la pupille et une augmentation de la fréquence cardiaque. ●

Figure - Structure du glycopyrrolate

● Dénomination

Mohamed Mallem Marc Gogny Unité de pharmacologie et de toxicologie E.N.V.N. Atlanpôle La Chantrerie B.P. 40706 44307 Nantes cedex

Classes pharmacologiques - Parasympatholytique - Anti-muscarinique - Antispasmodique - Antidote partiel des anticholinestérasiques Indications ❚ Dans sa forme injectable, le glycopyrrolate est indiqué chez le chien et le chat en prémédication à l’anesthésie générale. ❚ En traitement curatif, cette molécule est prescrite dans le traitement des bradycardies sinusales et des blocs atrioventriculaires incomplets. ❚ Il est indiqué dans le traitement des hypersalivations. ❚ Son indication pour traiter les bronchoconstrictions ou l’asthme chez le chat n’a pas encore été évaluée.

Essentiel ❚ Après une administration par voie intraveineuse, son action est immédiate. ❚ Après une injection par voie intramusculaire ou sous-cutanée, l’effet maximal est obtenu en 30 à 45 min. ❚ Sa durée d’action est nettement plus longue que celle de l’atropine.

être hydrolysée en milieu basique. C’est le cas dans le plasma, d’où probablement une demi-vie plasmatique assez brève. - Il ne doit pas être dilué dans le Ringer Lactate, sous peine d’inactivation rapide. Contrairement à l’atropine ou à la scopolamine, le glycopyrrolate, en raison de sa fonction ammonium quaternaire, passe peu les membranes biologiques. Il n’a donc pas d’action centrale et sa résorption intestinale est incomplète et variable.

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N.A.C. les zoonoses transmises à l’homme

Didier Boussarie Clinique vétérinaire Frégis 43, avenue Aristide-Briand 94110 Arcueil

par le furet

Objectif pédagogique Diagnostiquer les zoonoses chez le furet transmises à l’Homme par le furet.

Cet article présente les principales zoonoses bactériennes, virales et parasitaires transmises à l’Homme par le furet.

A

près les USA où le furet (Mustella putorius furo) est le 3e animal de compagnie, avec plus de 5 millions de sujets, l’engouement pour ce petit carnivore a aussi gagné l’Europe et notamment la France (environ 300 000 furets) (photo 1). Les risques de zoonoses liées à cet animal sont globalement faibles. ● Les précautions d’hygiène à appliquer par les propriétaires sont comparables à celles que l’on doit appliquer chez le chien et le chat. Il convient de ne pas prendre un furet dans son lit, de se vacciner contre la grippe pour le protéger, et de ne pas laisser un enfant manipuler un furet. ● Le furet est déconseillé pour les enfants de moins de 10 ans en raison des risques de morsure et de transmission de zoonoses. LES ZOONOSES BACTÉRIENNES Les principales zoonoses bactériennes sont la salmonellose, la tuberculose et la campylobactériose. La salmonellose

La salmonellose se traduit chez le furet par une entérite hémorragique accompagnée de vomissements, d’hyperthermie et de déshydratation (photo 2). ● Le diagnostic est bactériologique. Salmonella Typhimurium, S. Choleraesuis et S. Newport sont les sérovars les plus souvent incriminés. ● La contamination est d’origine alimentaire (viande crue et sous-produits carnés). Les risques de transmission à l’être humain sont réels, mais l’incidence de cette maladie est faible. ●

La tuberculose ● Mycobacterium avium et M. bovis ont été retrouvés sur des furets en Europe, aux USA et en Nouvelle-Zélande, avec une faible incidence. ● L’origine de cette affection est alimentaire et les signes cliniques incluent de la diar-

1

Furet putoisé : le traitement d’un furet tuberculeux est vivement déconseillé en raison du risque potentiel de zoonose (photos D. Boussarie).

rhée, une perte de poids et une léthargie. ● Le diagnostic repose sur l’histologie et la mise en culture de tissus biopsiés. ● Le traitement d’un furet tuberculeux est vivement déconseillé en raison du risque potentiel de zoonose. La campylobactériose L’action pathogène de Campylobacter jejuni est suspectée sur les entérites sévères survenant sur de jeunes furets âgés de 12 à 18 semaines, accompagnées parfois de ténesme et de prolapsus rectal (photo 3). Cependant, l’intervention de Lawsonia intracellularis, agent de l’iléite proliférative du porc et du hamster, est également suspectée. ● Une contamination directe par le furet ou par ses selles, peut provoquer chez l’Homme immunodéficient une entérocolite grave. ●

LES ZOONOSES VIRALES La grippe (Ornithomyxovirose) ● Le furet est très sensible à diverses souches du virus Influenza, agent de la grippe humaine. ● La transmission s’effectue par voie respiratoire. Un furet peut être contaminé par un autre furet ou par un être humain, et il peut lui-même contaminer l’Homme. ● Après une incubation courte, la maladie débute par un état fébrile qui dure environ 48 heures. - Une infection des voies respiratoires supérieures se développe ensuite avec des éternuements, un écoulement oculaire et nasal séro-muqueux, une toux, accompagnée de léthargie, d’anorexie et parfois de diarrhée. - Une infection respiratoire profonde est rare,

2

Pose de cathéter osseux dans le fémur d’un furet atteint de salmonellose.

Essentiel ❚ Le furet est très sensible à diverses souches du virus Influenza. ❚ Campylobacter jejuni peut être transmis à l’Homme par le furet ou par ses selles. ❚ Les vermifuges du chien ou du chat peuvent être utilisés chez le furet.

3

Jeune furet atteint d’entérite à Campylobacter jejuni.

4

Grippe chez un furet : une bronchopneumonie par infestation secondaire est visible à la radiographie.

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immunologie

cytopénies immunologiques dues à des substances médicamenteuses L’hypersensibilité de type II qui conduit à la destruction des cellules sanguines peut être causée par une substance médicamenteuse. Cet article présente les mécanismes de cytopénie immunologique en cause.

L

’hypersensibilité de type II (HS-II) est un mécanisme immuno-pathologique qui aboutit à la destruction des cellules de l’organisme à la suite de la fixation d’anticorps sur ces cellules. Lorsque les cellules sanguines sont la cible d’anticorps, elles sont détruites, et l’HS-II se traduit donc par une cytopénie. ● Les conséquences pathologiques les plus connues suite au déclenchement d’une hypersensibilité de type II sont les accidents hémolytiques immunologiques de la transfusion. ● Certains médicaments sont également capables de provoquer une destruction immunologique des cellules sanguines (tableau). PHASE DE SENSIBILISATION ET PHASE DÉCLENCHANTE Différents mécanismes sont impliqués dans l’hypersensibilité de type II. ● Dans tous les cas, l’animal doit au préalable ●

avoir été sensibilisé à l’antigène médicamenteux, et son système immunitaire avoir produit des anticorps dirigés contre ces antigènes. Cette phase est appelée phase de sensibilisation. ● Lors d’un contact ultérieur avec le même antigène, dans un intervalle de temps qui peut varier de quelques semaines à plusieurs années, la destruction des cellules est observée. C’est la phase déclenchante. ● La dose d’antigènes médicamenteux qui provoque la phase déclenchante peut être extrêmement faible.

Séverine Boullier E.N.V.T. Service de microbiologie-immunologie 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03

Objectif pédagogique Comprendre pourquoi certains médicaments peuvent aboutir à une cytopénie parfois mortelle.

LES MÉCANISMES DE DESTRUCTION DES CELLULES Les trois mécanismes immunologiques principaux utilisés par ces antigènes pour induire la destruction des cellules sont présentés dans l’encadré. ● Une fois la cellule sanguine recouverte par les anticorps, plusieurs effecteurs peuvent induire sa destruction. - Le 1er mécanisme de destruction fait intervenir le système du complément. Le complément est un ensemble de molécules sériques impliquées dans le déclenchement de la réaction inflammatoire et dans la destruction cellulaire. Il peut être activé par les immuns complexes (I.C.) à IgM ou à IgG. Seuls ces deux isotypes peuvent activer le complément. ●

Essentiel ❚ Pour développer une hypersensibilité de type II, l’animal doit au préalable avoir été sensibilisé à l’antigène médicamenteux. ❚ Une fois l’animal sensibilisé, l’hypersensibilité peut apparaître quelques semaines à quelques années plus tard.

Encadré - Comment les antigènes induisent la destruction des cellules Trois mécanismes immunologiques principaux conduisent à la destruction de la cellule : 1. La substance médicamenteuse, souvent de faible poids moléculaire, présente un tropisme important pour la membrane de la cellule cible. En se fixant sur la membrane cellulaire, la substance s’associe à une molécule membranaire. Ce nouveau complexe antigénique est reconnu par le système immunitaire. Les anticorps ne reconnaissent jamais ni la molécule cellulaire seule, ni la substance médicamenteuse seule. La substance médicamenteuse est dans ce cas-là un haptène. La cellule ne peut être détruite par les anticorps que si la substance médicamenteuse est présente. 2. La substance médicamenteuse peut également être reconnue directement par le système immunitaire. Les anticorps spécifiques se fixent sur la substance médicamenteuse circulante et les immuns complexes (I.C.) formés se fixent alors à la surface de la cellule cible. Cette fixation est permise par la présence de récep-

teurs spécifiques des I.C. sur la cellule cible. Il est possible de retrouver des immuns complexes substance médicamenteuse - anticorps libres dans le sérum des animaux atteints. Comme dans le cas précédent, la substance médicamenteuse doit être présente pour que la destruction cellulaire ait lieu. 3. La substance médicamenteuse peut aussi induire des phénomènes auto-immuns. Dans ce cas, la structure antigénique de la substance médicamenteuse est très proche de celle d’un antigène cellulaire du soi. La réponse humorale contre la substance médicamenteuse induit un dérèglement du fonctionnement de la réponse immunitaire. L’animal sensibilisé met alors en place une réponse contre ses propres antigènes cellulaires et produit des anticorps qui détruisent les cellules cibles (auto-anticorps). Dans ce cas, une fois l’animal sensibilisé, la destruction cellulaire a lieu même si la substance médicamenteuse n’est plus présente.

Partenariat

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JANVIER / FÉVRIER 2005 - 67


Texte : Séverine Boullier Dessin : Frédéric Mahé Quelque part dans un tranquille vaisseau sanguin, les globules vaquent à leurs occupations quotidiennes, sans se douter de rien.…

Ils ont été victimes de la redoutable hypersensibilité de type II, qui a provoqué une lyse analogue à celle qui survient dans les accidents hémolytiques immunologiques de la transfusion... Pourquoi ?

Quelques instants plus tard, la tragédie a frappé !

L’animal avait absorbé un médicament à pouvoir antigénique : le voici ! Eh ! J’ai pas tout fait ! Les anticorps ont eu leur part, aussi !

Premier cas : la drogue présente un tropisme important pour la membrane de la cellule cible, et s’associe à une molécule membranaire. C’est ce nouveau complexe (et lui seul) qui va être reconnu par le système immunitaire. Pour que la cellule soit détruite par les anticorps, il faut que la drogue soit présente. Chouette, une aire de repos !

Et c’est vrai ! Il existe trois mécanismes différents conduisant à ce drame.

La drogue peut également être reconnue directement par le système immunitaire. Les anticorps (AC) spécifiques se fixent sur la drogue circulante. Il est possible de retrouver des immuns complexes drogueAC libres dans le sérum des animaux atteints. anticorps

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 70 - JANVIER / FÉVRIER 2005

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Ces immuns complexes (IC) formés se fixent alors à la surface de la cellule cible. Là aussi, il faut que la drogue soit présente pour que la destruction cellulaire ait lieu.

Troisième mécanisme : la drogue peut induire des phénomènes auto-immuns, si la structure antigénique de la drogue est très proche de la structure antigénique d’un antigène cellulaire du soi. Eh ! Dites tout de suite qu’on est clandestins !

Délit de faciès !


L’animal sensibilisé met alors en place une réponse contre ses propres antigènes (Ag) et produit des a u t o - a n t i c o r p s. Une fois l’animal sensibilisé, la destruction a lieu, même si la drogue n’est plus là. Soi ou Non-Soi ? That is the question !

Plusieurs effecteurs peuvent induire la destruction. Le premier mécanisme fait intervenir le système du c o m p l é m e n t (ensemble de molécules sériques). Le complément ne peut être activé que par les IC à IgM ou à IgG.

L’activation du complément par les IC à IgG aboutit à la formation de molécules impliquées dans les mécanismes de phagocytose. C’est le phénomène de l’opsonisation.

Vivement qu’on s’active !

Du lard ou du cochon ?

Les cellules recouvertes de complément sont alors phagocytées, surtout par les macrophages du foie (cellules de Kupffer) ou de la rate. On peut donc observer une hépato- ou une spléno-mégalie.

On peut également observer une opsonisation sans l’activation du complément par les IC. En effet, le fragment Fc des anticorps peut être directement reconnu par des récepteurs spécifiques présents à la surface des macrophages, les FcR. Dans ce cas, la phagocytose a lieu de préférence dans la rate (Ac d’isotype IgG) ou dans le foie (Ac d’isotype IgM).

Autre mécanisme : l’activation du complément à la surface de la cellule cible par les IC à IgM aboutit à la formation du complexe d’attaque des membranes, qui forme des pores dans la membrane de la cellule cible et provoque sa lyse. La lyse est immédiate et la destruction cellulaire a lieu dans le courant circulatoire.

Les principales cellules cibles visées sont les h é m a t i e s (on observe une anémie)…

…les p l a q u e t te s sanguines : on observe alors un purpura…

…ou même les g r a n u l o c y t e s : la conséquence est une agranulocytose,avec une sensibilité particulière aux infections. Le d i a g n o s t i c de ces cytopénies n’est pas toujours facile. Il est fondé sur la simultanéité du traitement et de l’apparition des signes cliniques. Il faut que l’animal ait été sensibilisé au préalable (traitement identique dans les semaines ou les années précédentes).

On peut réaliser un test de Coombs direct. Le principe est très simple. Les hématies de l’animal malade sont incubées avec un AC appelé anti-globuline. L’anti-globuline est un AC qui reconnaît spécifiquement les AC d’une espèce donnée.

Si les hématies sont recouvertes d’AC, les anti-globulines vont provoquer l’agglutination des hématies.

Il est cependant parfois impossible d’associer avec certitude un médicament donné avec l’apparition des signes sanguins. C’est en particulier le cas pour les drogues induisant des phénomènes auto-immuns, où la présence de la drogue n’est pas nécessaire pour observer les signes cliniques.

non reconnu reconnu

Ce test permet de repérer les AC fixés sur les hématies, mais pas d’identifier l’Ag.

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JANVIER / FÉVRIER 2005 - 71


vétérinaires et A.S.V.

Philippe Baralon

comment optimiser les synergies La réussite des entreprises vétérinaires tient d'abord à la qualité des vétérinaires et des auxiliaires de santé vétérinaire (A.S.V.). Mais la compétence individuelle ne peut durablement pallier un éventuel défaut de coordination. Sur ce point, il existe souvent de larges marges de progression pour renforcer la relation entre les clients et la clinique.

L

es entreprises vétérinaires évoluent, se structurent. Le nombre de vétérinaires et d’A.S.V. par clinique augmente lentement mais régulièrement. La gestion de l’équipe et l'optimisation de son fonctionnement se complexifient avec le nombre. LE TRAVAIL D'ÉQUIPE

Le travail en équipe implique une bonne coordination des vétérinaires pour permettre le suivi des cas en cours mais aussi, par exemple, pour homogénéiser les pratiques au sein d'une même clinique. Le travail en équipe suppose également une coordination des A.S.V. pour assurer une bonne transmission des informations ou la gestion adaptée des cas particuliers (photo 1). ● Même si cela est moins souvent abordé, le travail en équipe se fonde aussi sur la recherche permanente des synergies entre vétérinaires et A.S.V. ●

Le 1er objectif est celui de toute entreprise : répondre au mieux aux besoins du client. Dans le cas des entreprises de services, cela suppose de gérer au mieux l'interaction avec le client, un processus complexe, en plusieurs étapes. ● Un 2 e objectif est important, du moins pour les cliniques qui fonctionnent en "entreprises vétérinaires" – et pas seulement comme des collections de professionnels partageant un même plateau technique – : renforcer le lien entre les propriétaires et la clinique en tant que telle, et pas seulement avec tel ou tel praticien. ●

Phylum BP 111 31675 Labège cedex

Objectif pédagogique Mieux coordonner le travail des vétérinaires et des A.S.V. afin d’améliorer les résultats de la clinique.

1

L’A.S.V. assure l'organisation matérielle de la relation avec le client (photo clinique des Grands Crus, Chenove).

L’A.S.V. PRÉPARE ET PROLONGE L’INTERVENTION DU VÉTÉRINAIRE

Gestion des ressources humaines

Pourquoi mettre l'accent sur l'interaction entre A.S.V. et vétérinaires ? Parce que, s'ils travaillent toujours côte à côte, ils ne travaillent pas toujours ensemble. Abordons la cohésion entre vétérinaires et A.S.V. sous deux angles complémentaires. Le 1er est chronologique, le 2e est fonctionnel. ● Sur le plan chronologique et d'une manière schématique, l'A.S.V. prépare l'intervention du vétérinaire pour faciliter la satisfaction du client, puis la prolonge pour en assurer le suivi.

❚ Une gestion dynamique des A.S.V. repose sur quatre éléments : recrutement, formation, évaluation, rémunération. ❚ Les A.S.V. ont besoin de disposer régulièrement de repères pour orienter leur travail et d'un retour de la part de leurs employeurs.

Avant l'intervention du vétérinaire Avant l'intervention du vétérinaire, l'A.S.V. assure l'organisation matérielle de la relation, par exemple en gérant les rendez-vous. ● Au-delà, il lui revient de repérer les demandes particulières pour que la clinique, avertie donc préparée, les gère mieux que si le praticien les découvrait en salle de consultation. ● Enfin, l'information du client, comme la qualité de l'accueil (au téléphone ou à la clinique) et de l'écoute, établissent d'emblée une relation empathique. ●

et après son intervention Après l'intervention du vétérinaire, l'A.S.V. retrouve un rôle matériel (encaissement notamment) et relationnel (écoute du client, transmission des consignes, fixation d'un autre rendez-vous, satisfaction de demandes complémentaires, etc.). ● Ce rôle post-intervention s'exerce souvent dans la durée, par exemple lorsque le client revient à la clinique pour renouveler une prescription thérapeutique ou nutritionnelle. ●

Essentiel ❚ L’un des objectifs est de renforcer le lien entre les propriétaires et la clinique, et pas seulement avec tel ou tel praticien. ❚ La recherche d'une meilleure synergie entre vétérinaires et A.S.V. suppose une analyse précise du rôle de chacun à chaque étape d'un contact avec un client.

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MANAGEMENT LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JANVIER / FÉVRIER 2005 - 75


radioprotection

Eddy Cauvin

la nouvelle réglementation

Service d’imagerie médicale École nationale vétérinaire de Lyon 1, avenue Bourgelat 69280 Marcy l’Étoile

Les radiations émises par les appareils de radiographie, peuvent avoir des conséquences graves sur la santé. De nouvelles dispositions encadrent leur utilisation dans les cliniques et les cabinets vétérinaires.

S

i, en pratique, les générateurs de rayons X comme les appareils radiographiques causent rarement des lésions directes (radiodermite des doigts par exemple), même s’il existe des vétérinaires et des radiologues victimes de telles lésions, le risque de carcinogénèse (développement de néoplasme) associé à une utilisation intempestive est en revanche clairement reconnu (photo 1). ● Les vétérinaires utilisateurs d’appareils de radiographie ne sont pas toujours au fait de la réglementation. ● Aussi, les conditions minimales de respect des règles de radioprotection ne sont souvent pas observées, davantage par ignorance que par non respect de la loi*. Conscientes de ce fait, les autorités indiquent clairement l’intention d’imposer la loi. ● Depuis 2003, lois et décrets imposent un contrôle plus strict du respect de la réglementation, en modifiant certaines obligations, mais aussi en effectuant une réorganisa-

1

Un chien est tenu en décubitus latéral droit par deux opérateurs portant un dosifilm sous un tablier plombé, avec protège-thyroïdes et gants plombés. Aucune partie du corps, même protégée, n'est placée dans le faisceau primaire (photo E. Cauvin).

tion des autorités de tutelle (encadré 1). ● Cet article résume la nouvelle réglementation concernant les vétérinaires praticiens. La loi est d’ores et déjà applicable, même s’il subsiste un certain flou sur la mise en application des formations de P.C.R. pour les vétérinaires. LA RÉORGANISATION DES AUTORITÉS Le contrôle de l’application des règles de radioprotection revient à un nouvel organisme, l’Autorité de Sûreté nucléaire (A.S.N.). Celle-ci comporte une unité centrale interministérielle, la Direction générale de la Sûreté nucléaire et de la Radioprotec●

Jusqu’en mars 2003, les vétérinaires étaient déjà soumis à des obligations réglementaires précises. - Tout établissement détenteur d’un générateur électrique de rayons X devait bénéficier d’une "personne compétente en radioprotection" (P.C.R.). Cette personne, un salarié ou un associé de la clinique, obtenait, à l’issue d’une formation, un certificat de compétence valable à vie** (encadré 2). - L’utilisation des appareils était uniquement soumise à leur déclaration auprès de l’ancien Office de protection contre les rayonnements ionisants (O.P.R.I.), intégré depuis 2002 dans l’Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire (I.R.S.N). Le contrôle de ces déclarations et des ●

installations était cependant rarement réalisé par les autorités. Les nouvelles bases réglementaires Les bases réglementaires reprennent en grande partie la réglementation précédente, en la réactualisant et, surtout, en la regroupant. ● Les textes de références sont désormais les suivants : - le décret n° 2003-462 (du 21 mai 2003) du Code de la Santé publique, reprenant les décrets n° 2002-460 (du 4 avril 2002), 2003-270 (du 24 mars 2003) et 2003-295 (du 31 mars 2003) du Code de la Santé publique ; - le décret 2003-296 (du 31 mars 2003) du Code du Travail. ● Plusieurs arrêtés d’applications ont été établis et sont actuellement en vigueur. ●

* Le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (S.N.V.E.L.) a mis en place depuis plusieurs années une formation agréée de personne compétente en radioprotection (P.C.R.) qui a l’avantage d’être adaptée aux exigences pratiques de notre profession. ** Cf. “Comment s’équiper en radiologie vétérinaire”, de Laurent Marescaux, LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE, Hors-série 2004 “Diagnostic et examens complémentaires chez le chien et le chat”, p. 497-501.

Essentiel

Encadré 1 - Les textes réglementaires Les obligations jusqu’en mars 2003

NOTES

❚ Le port d’un dosifilm nominatif personnel de poitrine est obligatoire dans la salle de radiographie. ❚ Les installations et les appareils (dont les générateurs électriques de rayons X) doivent obligatoirement être contrôlées chaque année.

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MANAGEMENT LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE JANVIER / FÉVRIER 2005 - 79


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