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DOSSIER : STRESS ET ÉTATS DE CHOC CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT

gestes et gestion N°22 MARS - MAI 2005

STRESS ET ÉTATS DE CHOC Comprendre, reconnaître, et traiter : - Le stress oxydatif cellulaire chez le chien - Les manifestations cliniques du stress - Les conséquences pathologiques du stress - Comportement Prévenir les modifications comportementales - Les états de choc : comment les reconnaître et les traiter - Geste - La mesure des lactates - Modèle d’étude : le chien

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE - N°22 - MARS / AVRIL / MAI 2005

en environnement extrême

- L’expédition “chien des cîmes 2004” : étude expérimentale - Élevage et collectivités Manifestations comportementales

Féline

DOSSIER

STRESS ET ÉTATS DE CHOC CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT Allier et comprendre des notions à la mode, pas simples à cerner : le stress "tout court", et le stress oxydatif cellulaire, cette sorte de syndrome biochimique commun à toutes les cellules, qui génère depuis quelques années l’enthousiasme de nombreux chercheurs et cliniciens ... et les états de choc, essentiels à reconnaître sans délai pour un bon pronostic et pour choisir les moyens thérapeutiques adéquats ...

Management et entreprise Dossier - La gestion du temps et du stress : Réflexion sur comment gérer son temps en pratique Témoignage - La précipitation, source de motivation ou source de stress ? La gestion du stress en clientèle

REVUE DE FORMATION CONTINUE À COMITÉ DE LECTURE

- Reconnaître et traiter les modifications comportementales liées au stress chez le chat - Observation clinique Tétanos généralisé

Rubriques - Nutrition - Prévention nutritionnelle du stress oxydatif cellulaire - Principe actif Le furosémide - Les gestes qui sauvent Les perfusions médicamenteuses en réanimation - N.A.C. - Les zoonoses infectieuses transmises par les rongeurs et lagomorphes

- Immunologie et le B.A. BA en B.D. - Les interactions entre le stress et la réponse immunitaire - Table ronde : Gastro-entérologie et nutrition


sommaire Éditorial par Dominique Grandjean Test clinique : douleur abdominale et hématurie chez une lapine Olivier Reboul, Marie-Pierre Callait Table ronde IAM’S / LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE Gastro-entérologie et nutrition Colette Arpaillange

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Les états de choc : comment les reconnaître et les traiter chez le chien et le chat Patrick Verwaerde, Géraldine Jourdan Geste - La mesure des lactates : quand et comment la réaliser chez le chien et le chat Patrick Verwaerde, Géraldine Jourdan Modèle d’étude du stress oxydatif cellulaire : le chien de travail en environnement extrême Dominique Grandjean, Nicolas Renard, Franck Dhote, et coll L’expédition “chien des cîmes 2004” : étude expérimentale Dominique Grandjean, Nicolas Renard, Franck Dhote, et coll Élevage et collectivités - Manifestations comportementales induites par le stress en élevage Grégory Casseleux, Emmanuel Fontaine

MARS - MAI 2005

DOSSIER

CANINE - FÉLINE Comprendre le stress oxydatif cellulaire chez le chien Dominique Grandjean Reconnaître les manifestations cliniques du stress chez le chien Emmanuel Gaultier Le stress oxydatif cellulaire : conséquences pathologiques chez le chien Dominique Grandjean Comportement - Prévenir les modifications comportementales liées au stress chez le chien Emmanuel Gaultier

N°22

STRESS ET ÉTATS DE CHOC

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chez le chien et le chat

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FÉLINE Reconnaître et traiter les modifications comportementales liées au stress chez le chat Emmanuel Gaultier

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Observation clinique - Tétanos généralisé chez une chatte Mélanie Pastor, Laurent Guilbaud

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RUBRIQUES - Nutrition - Prévention nutritionnelle du stress oxydatif cellulaire : antioxydants : mode ou réalité biologique ? Dominique Grandjean - Principe actif - Le furosémide Wajdi Souilem, Kamel Barhoumi - Les gestes qui sauvent - les perfusions médicamenteuses en réanimation chez le chien et le chat Patrick Verwaerde, Géraldine Jourdan - N.A.C. - Les zoonoses infectieuses transmises par les rongeurs et les lagomorphes Didier Boussarie - Immunologie et le B.A. BA en B.D. - Les interactions entre le stress et la réponse immunitaire Séverine Boullier, Frédéric Mahé

61 67 69 73 77

MANAGEMENT ET ENTREPRISE Dossier - Gestion du temps et du stress en clientèle Éditorial - A chacun sa manière ... Christophe Hugnet Réflexion sur comment gérer son temps en pratique Jean-Louis Boulay, Maryvonne Barbaray Témoignage - La précipitation, source de motivation ou source de stress ? Thierry Habran La gestion du stress en clientèle Frédéric Mahé Test clinique - Les réponses Tests de formation continue - Les réponses

Souscription d’abonnement en page 94 81

CANINE - FÉLINE

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FÉLINE 87 89

RUBRIQUE

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MANAGEMENT

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 87


NÉVA Europarc - 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 E-mail neva@neva.fr

Conseil scientifique

test clinique

douleur abdominale et hématurie chez une lapine

Gilles Bourdoiseau (E.N.V.L.) Jean-Luc Cadoré (E.N.V.L.) Dominique Fanuel (E.N.V.N.) Marc Gogny (E.N.V.N.) Roger Mellinger (praticien)

Rédacteurs en chef Colette Arpaillange (E.N.V.N.) Christophe Hugnet (praticien)

Rédacteur en chef management Philippe Baralon (Phylum)

Comité de rédaction Xavier Berthelot (Reproduction, E.N.V.T.) Géraldine Blanchard (Alimentation - nutrition, E.N.V.A.) Corine Boucraut-Baralon (Diagnostic, E.N.V.T.) Séverine Boullier (Microbiologie, E.N.V.T.) Florence Buronfosse (Toxicologie, E.N.V.L.) Luc Chabanne (Immunologie - Hématologie, E.N.V.L.) René Chermette (Parasitologie - mycologie, E.N.V.A.) Bernard Clerc (Ophtalmologie, E.NV.A.) Jean-Claude Desfontis (Pharmacie - toxicologie, E.N.V.N.) Olivier Dossin (Médecine interne, néphrologie, E.N.V.T.) Alain Fontbonne (Reproduction, E.N.V.A.) Alain Ganivet (Élevage et collectivité, praticien) Jacques Guillot (Parasitologie - mycologie, E.N.V.A.) Olivier Jongh (Ophtalmologie, praticien) Laurent Marescaux (Imagerie, praticien) Claude Petit (Pharmacie - toxicologie, E.N.V.T.) Didier Pin (Dermatologie, E.N.V.N) Jean-Louis Pouchelon (Cardiologie, E.N.V.A.) Patricia Ronsin (Reproduction, E.N.V.T.) Etienne Thiry (Virologie, Liège) Patrick Verwaerde (Anesthésie, E.N.V.T.)

Chargée de mission rédaction

U

ne lapine naine âgée de 13 mois est présentée à la consultation pour douleur abdominale et hématurie depuis quatre jours. ● Elle mange des granulés pour lapins (diverses marques du commerce) et du foin. Elle n’est pas vaccinée. ● L’examen clinique montre un état général satisfaisant. ● La température rectale de l’animal est de 38,4°C et sa fréquence cardiaque est de 240 battements par minute. ● Les muqueuses sont roses et le temps de remplissage capillaire est normal (inférieur à deux secondes).

Olivier Reboul* Marie-Pierre Callait** *Cinique vétérinaire Dromel 425 boulevard Romain Rolland, 13008 Marseille **E.N.V.L. 1 avenue Bourgelat, 69280 Marcy l’Étoile

1

Radiographie abdominale de profil (photos O. Reboul).

1 Quelles sont les hypothèses diagnostiques ? Comment interpréter la radiographie abdominale ?

Valérie Colombani

Secrétaire de rédaction David Jourdan Abonnements Maryse Mercan

2 Quelle conduite thérapeutique tenir ?

Gestion des abonnements et comptabilité Marie Servent

3 Quels sont les facteurs prédisposants ?

Publicité Maryvonne Barbaray

4 Quelle prophylaxie mettre en place ?

NÉVA Europarc - 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX Tél. 01 41 94 51 51 • Fax 01 41 94 51 52 e-mail neva@ neva.fr

Réponses à ce test page 93

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Cystotomie de lapin : pose des fils de traction après avoir vidé la vessie avec la seringue. Noter la présence d'un important pannicule adipeux (flèche) sur la vessie.

Directeur de la publication

comité de lecture

Maryvonne Barbaray Revue bimestrielle éditée par LES NOUVELLES ÉDITIONS VÉTÉRINAIRES ET ALIMENTAIRES - NÉVA S.A.R.L. au capital de 7622€ Siège social : Europarc - 15, rue Le Corbusier 94035 CRÉTEIL CEDEX C.P.P.A.P 1007 T801 21 I.S.S.N. 1637-3065 Impression - photogravure : Imprimerie Nouvelle Normandie 24, rue Haëmers B.P. 14 - 76191 YVETOT Cedex

Reproduction interdite Toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de la présente publication sans autorisation est illicite et constitue une contrefaçon. L’autorisation de reproduire un article dans une autre publication doit être obtenue auprès de l’éditeur, NÉVA. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit de la copie (C.F.C.). LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 88 - MARS / AVRIL / MAI 2005

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Hélène Arnold-Tavernier, Jean-François Bardet, Michel Baron, Dominique Begon, Jean-Jacques Bénet, Juliette Besso, Éric Bomassi, Samuel Boucher, Vincent Boureau, Didier Boussarie, Stéphane Bertagnoli, Stéphane Bureau, Jean-Jacques Bynen, Claude Carozzo, Laurent Cauzinille, Sylvie Chastant-Maillard, Claude Chauve, Guillaume Chanoit, Yan Cherel, Valérie Chetboul,

Cécile Clercx (Liège), Jean-Pierre Cotard, Jack-Yves Deschamps, Pierre Desnoyers, Marianne Diez (Liège), Armelle Diquelou, Gilles Dupré, Patrick Devauchelle, Brigitte Enriquez, Pascal Fayolle, Pauline de Fornel, Laurent Garosi (Royaume-Uni), Frédéric Gaschen (Berne), Olivier Gauthier, Emmanuel Gaultier, Sébastien Géroult, Jean-Pierre Genevois, Isabelle Goy-Thollot, Dominique Grandjean,

Jean-François Guelfi, Laurent Guilbaud, Nicole Hagen, Philippe Hennet, Marc Henroteaux, Jean-Pierre Jégou, Yves Legeay, Bertrand Losson (Liège), Leila Loukil, Sandrine Macchi, Pierre Maisonneuve, Lucile Martin-Dumon, Philippe Masse, Christelle Maurey, Martine Mialot, Pierre Moissonnier, Patrick Pageat, Pierre Paillassou, Jean-Marc Person, Xavier Pineau,

Luc Poisson, Hervé Pouliquen, Pascal Prélaud, Nathalie Priymenko, Alain Régnier, Brice Reynolds, Dan Rosenberg, Yannick Ruel, Patricia Ronsin, Yves Salmon, Odile Sénécat, Brigitte Siliart, Ouadji Souilem (Tunisie), Isabelle Testault, Jean-Jacques Thiébault, Jean-Laurent Thibaud, Cathy Trumel, Bernard Toma, Isabelle Valin, Lionel Zenner.


éditorial “Le stress oxydatif cellulaire, cette sorte de syndrome biochimique élémentaire commun à toutes les cellules, génère depuis quelques années l’enthousiasme de nombreux chercheurs et cliniciens ...”

Dominique Grandjean Professeur à l’Unité de médecine de l’élevage et du sport de l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort 7, avenue du Général-De-Gaulle 94704 Maisons-Alfort cedex

L

a notion de bien-être est devenue, au fil des années, le fondement même des sociétés modernes. Comme l’animal fait partie intégrante de ces sociétés, et que les animaux de compagnie contribuent à notre bien-être, quoi de plus normal pour l’Homme que de chercher sans cesse à améliorer aussi le bien-être de ses chiens et de ses chats ? Mais à ce bien-être apprécié mentalement et ressenti biologiquement, font face des facteurs d’agression très divers, qui proviennent, pour la plupart, de l’environnement de l’individu. Ces facteurs sont susceptibles de mettre en jeu des réactions nuisibles pour l’animal dans la mesure surtout, où elles outrepassent en amplitude la réaction nécessaire pour régler au mieux son état physiologique. Dès lors, la définition du stress proposée par Broom apparaît la plus réaliste : "Le stress est le processus par lequel les facteurs de l’environnement surchargent les systèmes de régulation d’un individu et perturbent son état d’adaptation".

Vétérinaire en chef à la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris 55, bd de Port-Royal 75007 Paris

Le stress, a pour l’animal de compagnie, des conséquences aussi bien comportementales qu’organiques Ce stress, au sens large du terme, a pour l’animal de compagnie des conséquences aussi bien comportementales qu’organiques, ce qui justifie la série d’articles de ce Dossier spécial du NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE canine, féline. En maisonnée comme en chenil ou en chatterie, l’ambiance générale et les comportements humains peuvent, lorsqu’ils sont négatifs, induire des modifications comportementales et des dysfonctionnement biologiques, eux-mêmes pouvant conduire à de réels troubles pathologiques. Mais plus avant encore, la cellule elle-même est concernée par ces déséquilibres environnementaux, au point de ne plus être capable parfois, de gérer la potentielle mais toujours présente toxicité de l’oxygène, ce gaz pourtant si indispensable à la vie. La réflexion passe alors de la notion de stress "tout court" à celle de stress oxydatif cellulaire, une sorte de syndrome biochimique élémentaire commun à toutes les cellules, qui génère depuis quelques années l’enthousiasme de nombreux chercheurs et cliniciens. L’animal, un modèle d’études spontané ... L’animal n’échappe à ce phénomène, loin s’en faut, et peut même devenir le modèle d’études spontané le plus explicite. Du déséquilibre environnemental "stressant", on passe à celui, organique, du vieillissement, pour en venir à une cellule incapable de gérer le nécessaire équilibre entre la production et l’élimination des formes réactives de l’oxygène. Toxique, perturbateur des signaux de transduction cellulaire, ce gaz peut conduire à la mort cellulaire par apoptose, ou par nécrose. Alors, seule la prévention antioxydante permet de rétablir la normalité physiologique. Cette vision un peu particulière de la médecine canine qui débouche, tout naturellement, sur le nécessaire développement d’une réelle médecine préventive, est celle que nous vous proposons de partager dans les pages qui suivent. ❒ LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 90 - MARS / AVRIL / MAI 2005

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table ronde

gastro-entérologie et nutrition

La diététique peut-elle jouer un rôle dans le traitement des affections gastro-entérologiques ? Des spécialistes de ces disciplines se sont réunis à l’initiative de IAMS pour en débattre, le 5 avril dernier.

L

a gestion nutritionnelle des troubles digestifs est un sujet d’intérêt majeur pour le vétérinaire praticien en raison de la grande fréquence des maladies digestives, et du rôle essentiel de la diététique. LA DIÉTÉTIQUE DANS L’APPROCHE

THÉRAPEUTIQUE DES TROUBLES DIGESTIFS

François Dargent regrette que, pour beaucoup de praticiens et contre toute attente, l’impact de la nutrition est souvent négligé, tant dans le processus diagnostique que thérapeutique. La question : "Qu’est ce que l’animal mange ?", pourtant essentielle, n’est pas toujours posée. Géraldine Blanchard confirme d’ailleurs qu’un aliment à visée spéciale peut être efficace, simplement parce qu’il contribue à améliorer la qualité de la ration. Corriger une erreur nutritionnelle est toujours souhaitable et souvent efficace. Christian Iehl rappelle que les aliments dits premium, haut de gamme, ne représentent que 20 p. cent de l’alimentation des animaux de compagnie. La marge d’amélioration est donc grande. Valérie Freiche ajoute que certains sujets malades sont soumis à de multiples changements d’aliments sans succès, ce qui entraîne une disqualification injuste de la diététique. Tous s’accordent pour reconnaître que la nutrition constitue une arme importante, que les médecins peuvent nous envier. DE L’AIGU AU CHRONIQUE Selon Jean-Luc Cadoré, il est essentiel de distinguer l’aigu et le chronique, et d’identifier, au-delà du diagnostic, le mécanisme pathogénique en cause, qui permet de repérer la cible thérapeutique potentielle. Les nutritionnistes insistent, pour leur part, sur la priorité de nourrir l’animal, même atteint de troubles digestifs. Lors d’affections digestives aiguës, une diète prolongée n’est pas bénéfique, surtout lorsqu’elle est

Colette Arpaillange Rédactrice en chef

suivie d’une reprise incontrôlée de l’alimentation. Après 24 h de diète, la réalimentation doit être raisonnée, et impérativement fractionnée. La pancréatite aiguë est la seule exception où une diète prolongée s’impose (encadré ➜1...). Dans les maladies digestives chroniques, le choix d’un aliment diététique à visée digestive s’impose souvent d’emblée. Au bout de combien de temps, peut-on considérer que le régime s’avère insuffisant ? Valérie Freiche et François Dargent défendent l’idée qu’en l’absence de rémission à l’issue de quinze jours de régime, il est probablement inutile de patienter encore quatre semaines, comme cela peut être le cas dans le domaine de la dermatologie, par exemple. La vitalité naturelle du tube digestif vient argumenter cette position. Mais, comme le fait remarquer Jean-Luc Cadoré, les capacités de réaction d’un intestin malade, a fortiori infiltré, sont probablement amoindries.

Les intervenants Colette Arpaillange Vétérinaire comportementaliste diplômée, praticien hospitalier à l’E.N.V.N.

Géraldine Blanchard PhD, professeur contractuel en nutrition clinique à l’E.N.V.A., agrégée de nutrition, diplomate E.C.V.C.N.

Jean-Luc Cadoré Professeur agrégé à l’E.N.V.L., médecine interne équidés-carnivores, titulaire de l’H.D.R., directeur adjoint délégué à la recherche, diplomate ECVIM-CA.

François Dargent Vétérinaire, consultant itinérant en endoscopie.

Valérie Freiche Chargée d’enseignement vacataire en gastro-entérologie. consultante en gastro-entérologie.

Chantal Hérout Vétérinaire, responable technique IAMS Eukanuba.

Christian Iehl Vétérinaire, C.E.S. de diététique canine et féline, relations extérieures IAMS.

PEUT ON DÉFINIR UN ALIMENT IDÉAL EN GASTRO-ENTÉROLOGIE ? Selon Christian Iehl, le profil type de l’aliment à visée digestive commence par des matières premières d’excellente qualité -gage d’une bonne digestibilité-, par un taux de matières grasses modéré entre 10 et 15 p. cent, et par un cocktail de fibres modérément fermentescibles comme la pulpe de betterave (fibres solubles pour nourrir les colonocytes via les produits de la fermentation et fibres insolubles pour réguler le transit) (encadrés ➜ 2, 3...). Géraldine Blanchard fait remarquer que cette description est tout simplement celle d’un aliment de bonne qualité nutritionnelle. François Dargent note que les aliments présentent une grande variabilité avec des

Valérie Freiche et François Dargent.

➜ 1 ... La gestion des pancréatites aiguës

➜ La gestion des pancréatites aiguës se distingue complètement des autres affections. Tous s’accordent à souligner les difficultés qu’elle représente. Valérie Freiche livre son expérience, issue de sa pratique personnelle et de celle de son équipe. ➜ L’insertion d'une sonde jéjunale, guidée au travers du pylore, à l'aide d'une pince à biopsie lors de la pose per-endoscopique d'une sonde gastrique posée

en aveugle, présente l'intérêt d'éviter un geste chirurgical. Cette sonde permet la perfusion immédiate des entérocytes à l'aide de sérum glucosé à 3 p. cent, et a l’avantage de ne stimuler aucune sécrétion pancréatique. ➜ En pratique, le pronostic des animaux pris en charge selon ce protocole est meilleur ; il va de soi que l'étiologie de la pancréatite doit, dans la mesure du possible, être identifiée.

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 93


table ronde - gastro-entérologie et nutrition

➜ 2 ... La question essentielle des fibres

➜ La question des fibres dans la ges-

tion nutritionnelle des troubles digestifs constitue un point de controverse. Faut-il rajouter des fibres, si oui lesquelles ? Des fibres fermentescibles ou non fermentescibles, et en quelle quantité ? ➜ Pour tous les participants, ces interrogations restent en suspens, car aucune publication ne référence les quantités optimales à incorporer. Par ailleurs,

le caractère fermentescible in vivo est beaucoup plus aléatoire à prévoir. ➜ De plus, en ce qui concerne l’étiquetage, la règle est actuellement d’afficher la cellulose brute. Aucune autre information concernant les fibres n’est accessible à la lecture de l’étiquette. Christian Iehl indique que multiplier le taux de cellulose brute par un facteur de 3 à 4 permet d’approcher la quantité de fibres totales (T.D.F. : total dietary fiber).

prébiotiques ont-ils une utilité ➜ 3lors...deLes prolifération bactérienne ? ➜ On appelle prébiotiques certaines fibres fermentescibles, comme les fructo-oligosaccharides, qui favorisent l’installation d’une flore digestive bénéfique (bifidus, lactobacilles). ➜ Tous les spécialistes soulignent le peu de publications originales sur l’écosystème digestif chez le chien et le NOTE * Cf. Batt RM, Needham JR, Carter MW. Bacterial overgrowth associated with a naturally occuring enteropathy in the German Sheperd dog. Re Vet Sci, 1983;35:42-6.

Jean-Luc Cadoré et Géraldine Blanchard.

chat, et déplorent que le concept même de prolifération bactérienne soit issu d’une publication originale à partir d’une étude in vitro*. Enfin, les difficultés méthodologiques du diagnostic en pratique courante des pullulations bactériennes compliquent encore l’abord de cette question.

réponses individuelles fort différentes : un aliment donné peut convenir à un chien et pas à un autre et il est souvent bénéfique, en cas d’échec, de changer d’aliment. Finalement, l’aliment idéal et "bon pour tout" n’existe pas ! Jean-Luc Cadoré s’interroge sur le positionnement des régimes ménagers. Tous reconnaissent qu’une préparation ménagère respectueuse des besoins nutritionnels et incorporant des aliments de base de qualité est tout à fait satisfaisante. Mais ces modalités d’alimentation demandent aux propriétaires du temps et de l’argent. En cas de troubles digestifs, de l’avis des nutritionnistes, abaisser la teneur en amidon est déjà essentiel. En revanche, la réduction drastique du taux de matière grasse n’est plus préconisée à l’heure actuelle. UN RÉGIME D’ÉVICTION EST-IL OBLIGATOIREMENT MÉNAGER ?

Chantal Hérout et Christian Iehl : ce dernier, citant Hippocrate, a rappelé : “Que l’aliment soit ta première médecine.”

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 94 - MARS / AVRIL / MAI 2005

Lors de suspicion d’allergie alimentaire, le régime d’éviction ménager n’est pas obligatoire car, selon Géraldine Blanchard, un aliment hypoallergénique qui ne contiendrait pas l’allergène incriminé peut très bien apporter une rémission. Mais cette amélioration non spécifique ne permet pas de conclure à l’existence d’une allergie alimentaire. L’utilisation d’un régime ménager à base de sources alimentaires contrôlées, a priori jamais consommées par l’animal, est le seul moyen de suivre la procédure diagnostique jusqu’au bout. Il est conseillé ensuite de réintroduire ensuite les ingrédients initiaux

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un par un pour déterminer celui qui provoque la rechute. De l’avis de Valérie Freiche et de François Dargent, la phase de provocation est souvent négligée, car rarement acceptée par un propriétaire satisfait d’avoir obtenu une rémission clinique, avec un aliment hypoallergénique. La discussion s’engage autour des notions d’intolérance et d’allergie alimentaire. Géraldine Blanchard et Christian Iehl rappellent que les termes “hypoallergénique” et “hyperdigestible” ne font pas l’objet d’une définition officielle. La plupart du temps, ces notions sont relatives à la composition des matières premières, plutôt qu’à la composition nutritionnelle. Jean-Luc Cadoré indique que quelques acides aminés suffisent pour constituer un épitope susceptible de provoquer une réaction d’hypersensibilité, et que certains enfants, par exemple, sont allergiques à des protéines de taille de moins de 1000 daltons. Ce constat établit les limites des aliments à base de protéines hydrolysées qui, de l’avis de tous, ne constituent en rien la panacée. Faut-il rappeler qu’il n’existe aucune étude expérimentale scientifique valable sur les hydrolysats ? Leurs vertus supposées dérivent d’une transposition des études menées dans d’autres espèces. Valérie Freiche et les autres spécialistes s’insurgent contre ces pratiques abusives, trop courantes, en particulier en gastro-entérologie. APPROCHE NUTRITIONNELLE DES MALADIES COLIQUES La physiopathogénie des troubles coliques n’est pas facile à appréhender. François Dargent souligne en particulier la difficulté que représentent ces maladies sine materia, où s’imbriquent les aspects fonctionnels et diététiques. Faire un diagnostic d’élimination des affections qui peuvent être diagnostiquées, grâce à des examens complémentaires, est en tout cas essentiel, et l’hypothèse fonctionnelle ne doit pas être un diagnostic refuge. François Dargent considère que, jusqu’à un tiers des cas de troubles digestifs chroniques, colopathies ou reflux gastro-œsophagien notamment, relèvent du fonctionnel, et devraient être abordés sous l’angle de l’hygiène de vie. L’évaluation comportementale est essentielle, même si elle apparaît souvent laborieuse. Concernant l’approche nutritionnelle, Géraldine Blanchard conseille en première intention de ne pas rajouter de fibres, mais d’utiliser un hyperdigestible. ❒


comprendre

le stress oxydatif cellulaire chez le chien

Le “stress oxydant” est un concept récent. Il apparaît lorsque la cellule ne contrôle plus la présence excessive de radicaux oxygénés toxiques. Les chercheurs impliquent ces phénomènes dans le vieillissement, dans le stress et dans de nombreuses situations pathologiques associées. Cet article explique les mécanismes physiopathologiques du stress oxydatif cellulaire.

L

a cellule et, d’une manière plus générale, l’organisme, ne peuvent vivre sans oxygène. Mais dans le même temps, la cellule se révèle continuellement soumise à la production plus ou moins intense d’espèces atomiques activées de l’oxygène, dénommées radicaux libres. En effet, si l’oxygène est l’un des éléments les plus abondants de notre planète, sa capacité à accepter les électrons libres en a fait un élément vital du fonctionnement énergétique de la cellule. ● Lors de la production d’énergie liée à la réduction de l’oxygène moléculaire en eau, il se produit une libération d’intermédiaires réactifs de l’oxygène, toxiques au plus haut degré pour l’intégrité cellulaire (encadré 1). ● Ce phénomène, néfaste notamment sur les membranes biologiques, est appelé stress oxydatif (cf. définitions). ● Si la notion de radicaux libres est connue des chimistes depuis les années 1930, leur entrée dans le monde de la biologie ne s’est effectuée qu’en 1970 avec la découverte d’une enzyme clef intracellulaire, la superoxyde dismutase (encadré 2). ● En situation physiologique, l’oxygène activé toxique est sous contrôle cellulaire strict et permanent : - d’enzymes détoxifiantes anti-oxydantes ; - d’antioxydants non enzymatiques. LA NOTION DE STRESS OXYDATIF CELLULAIRE

● Dans des conditions normales, la balance entre la formation d’espèces réactives et

Encadré 1 - Le mécanisme du stress oxydatif

Dominique Grandjean Unité de Médecine de l’Elevage et du Sport E.N.V.A. 7, avenue du Général De Gaulle 94704 Maisons-Alfort cedex

Les différents radicaux libres : - radicaux superoxyde ; - hydroxyle ; - alcoxy- ; - peroxy- ; - oxygène singulet ; - péroxyde d’hydrogène sont normalement contrôlés par un certain nombre de systèmes de désactivation. ● Sous l’action de divers facteurs : toxines, anomalies nutritionnelles, chocs, ischémies, … et, d’une manière générale, stress, cet équilibre peut être rompu, menant à des altérations des tissus ou des organes en cause. C’est ce qu’on appelle le stress oxydatif.

Objectifs pédagogiques

nuisibles de l’oxygène et les défenses antioxydantes de la cellule se trouvent en équilibre fragile. Cet équilibre peut dès lors facilement basculer en “faveur” des radicaux libres, créant alors une situation biologique qualifiée de stress oxydatif. ● Cette rupture d’équilibre, lourde de conséquences, peut avoir de multiples origines : - une déplétion en molécules antioxydantes (carence nutritionnelle relative ou absolue, vieillissement cellulaire et organique) ; - un excès de production d’espèces oxygénées réactives, qui peut être observé dans quatre cas : 1. lors de modification de l’apport en oxygène à l’organisme ou à la cellule tant en hypo (par atteinte du métabolisme énergétique cellulaire) qu’en hyper (gaspillage de comburant énergétique laissant libre l’oxygène) : hypoxie d’altitude, hyper-oxygénation lors de la respiration artificielle, ischémie/reperfusion tissulaire, hypo-oxygénation cérébrale ; 2. lors de la présence de substances ou d’actions pro-oxydantes dont le métabolisme génère la formation de radicaux libres (pesticides, fumées, radiations, ultraviolets, métaux lourds…) ; 3. lors d’activation excessive des systèmes de production “naturelle” de radicaux libres (affections spécifiques : maladies cardio-vasculaires, cataracte ; syndromes inflammatoires chroniques ; proliférations tumorales, …) ;

❚ Radicaux libres : toute espèce chimique capable d’une existence indépendante et possédant une orbitale dont un électron (ou plus) est non apparié.

❚ Connaître les effets des radicaux libres sur le métabolisme cellulaire et les défenses antioxydantes de la cellule. ❚ Mettre en évidence un stress oxydatif chez le chien. Définitions ❚ Stress oxydatif : état dans lequel les réactions pro-oxydantes dépassent les capacités anti-oxydantes d’un tissu ou d’un organisme.

❚ Antioxydants biologiques : substances qui protègent les systèmes biologiques contre les effets délétères potentiels des processus ou des réactions qui engendrent une oxydation excessive.

Essentiel ❚ La cellule est soumise à la production plus ou moins intense d’espèces atomiques activées de l’oxygène, dénommées radicaux libres.

CANINE

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 95


reconnaître les manifestations cliniques du stress chez le chien Une bonne gestion du stress des animaux facilite leur contention et leur examen, améliore le déroulement des hospitalisations et offre une réponse thérapeutique adaptée aux affections somatiques ou comportementales.

L

e stress constitue l’une des notions scientifiques les plus usitées dans le discours populaire, et de loin la plus galvaudée. La confusion règne autour de ce terme ; les auteurs utilisent tour à tour le même terme pour désigner l’origine, le mécanisme psychopathologique ou les effets sur l’organisme (cf. Définition). Cette confusion est encore renforcée au quotidien par une clinique du stress très polymorphe qui associe manifestations comportementales, neurovégétatives et somatiques s’exprimant pour certaines à courtterme et pour d’autres dans la durée. ● Le stress est sous-diagnostiqué : son implication est souvent supputée, rarement confirmée. ● Dans la clinique courante, le stress s’exprime par des destructions, des vocalises, des souillures ou encore des agressions, perturbe profondément la relation Hommechien. Le chien perd alors sa fonction d’animal de compagnie. ● Le stress est également source de nombreuses difficultés chez les professionnels. - En élevage, le stress diminue l’efficacité des saillies, perturbe le comportement maternel et favorise le développement d’affections intercurrentes en altérant les défenses immunitaires*. - Chez le chien d’utilité, il altère les capacités d’apprentissage et diminue les performances lors du travail. ● Il est donc important pour le clinicien de disposer de marqueurs fiables, faciles à utiliser pour pouvoir repérer, prévenir et traiter le stress** (encadré 1). ● Sous l’influence d’un stress, apparaissent des tableaux cliniques comprenant des réactions à la fois comportementales, neurovégétatives, neuro-endocriniennes, immunologiques et somatiques.

Emmanuel Gaultier Département animaux de compagnie de sport et vie sauvage Centre de recherche Phérosynthèse “Communication chimique et bien-être animal” Le Rieu neuf 84 490 Saint-Saturnin d’Apt

Tableau 1 - Les manifestations neurovégétatives exprimées chez le chien Manifestations neurovégétatives

Objectif pédagogique Identifier les symptômes liés au stress chez le chien.

Tachycardie et/ou tachypnée

Tremblements

Halètement

Hypersalivation

Définition

Borborigmes

Diarrhée/selles molles

Vidange des glandes anales

Miction émotionnelle

❚ Le stress est un processus par lequel les facteurs de l’environnement surchargent les systèmes de régulation d’un individu et perturbent son état d’adaptation.

Ces tableaux cliniques varient en fonction de la modalité d’exposition à l’agent stressant (exposition répétée, ponctuelle ou continue) et en fonction des capacités de contrôle de cet agent par l’individu (possibilité ou non d’échapper aux contraintes de l’environnement).

NOTES * cf. observation clinique de G. Casseleux et E. Fontaine dans ce numéro. ** cf. article “Prévenir les modifications comportementales liées au stress” du même auteur dans ce numéro.

REPÉRER LES MANIFESTATIONS CLINIQUES DU STRESS Bien que polymorphe, la clinique du stress se différencie selon l’aspect productif ou déficitaire des manifestations comportementales. ● À l’intérieur de ces deux catégories, il est possible de distinguer plusieurs formes liées aux modalités d’exposition aux stimuli stressants et aux capacités de contrôle de l’animal sur ces agents. ●

Description clinique des formes productives Dans les formes productives, le stress se manifeste “bruyamment”, au travers de réactions neurovégétatives et comportementales standardisées. ● Parmi les nombreuses manifestations neurovégétatives, les tremblements, la tachycardie-tachypnée et les halètements sont les plus fréquents (tableau 1). Les épisodes récurrents de vomissements et de troubles digestifs chroniques, sans support lésionnel, doivent également orienter le praticien vers l’exploration d’une clinique ●

Essentiel ❚ Le stress s’exprime par des destructions, des vocalises, des souillures ou des agressions. ❚ Sous l’influence d’un stress sont observés des tableaux cliniques avec des réactions : - comportementales ; - neurovégétatives ; - neuro-endocriniennes ; - immunologiques ; - somatiques.

CANINE

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 101


le stress oxydatif cellulaire Dominique Grandjean Unité de Médecine de l’Elevage et du Sport E.N.V.A. 7, avenue du Général De Gaulle 94704 Maisons-Alfort cedex

Objectif pédagogique Connaître les rôles du stress oxydatif dans le développement de certaines affections chez le chien.

Définition ❚ Le vieillissement est un phénomène universel ; son corollaire final est une mort inéluctable au terme d’une vie limitée par une longévité maximale.

Essentiel ❚ Chez le chien, le stress oxydatif est la principale cause initiale de plusieurs types d’affections : cancers, cataractes, vieillissement accéléré, œdèmes pulmonaires. ❚ Une restriction énergétique alimentaire : - diminue les lésions oxydatives ; - améliore les défenses antioxydantes ; - ralentit le processus du vieillissement cellulaire ; - améliore l’espérance de vie.

conséquences pathologiques chez le chien La plupart des maladies induites par le stress oxydatif, ou à composante radicalaire, apparaissent avec l’âge car le vieillissement diminue les défenses antioxydantes et augmente la production mitochondriale de radicaux libres.

L

a multiplicité des conséquences médicales du stress oxydatif cellulaire n’a rien de surprenant dès lors que celui-ci, localisé à un tissu et à des types de cellules particuliers, peut mettre en jeu des espèces radicalaires variées et être associé chez l’individu à des environnements différents, à des facteurs de variation, voire à des anomalies génétiques spécifiques (figure 1). ● Les théories relatives au vieillissement (cf. définition) et à la longévité maximale de l’individu ont nettement évolué depuis quelques années (encadré). LES MALADIES LIÉES À UN STRESS OXYDATIF

● Chez le chien, comme dans toutes les espèces animales étudiées scientifique-

ment, le vieillissement est associé à l’émergence d’affections dominantes. Certaines d’entre elles sont maintenant assez clairement reconnues comme liées à une composante radicalaire prééminente. ● En faisant apparaître des molécules biologiques anormales et en surexprimant certains gènes, le stress oxydatif se révèle être la principale cause initiale de plusieurs types d’affections : cancers, cataractes, vieillissement accéléré, œdèmes pulmonaires, pour ne citer que celles qui concernent l’espèce canine. Oxydation cellulaire et cancérogénèse ● En induisant des altérations structurelles permanentes de l’ADN, certaines formes réactives de l’oxygène contribuent fortement au processus de cancérogénèse. Cumulées, les lésions du matériel nucléaire liées aux radicaux libres apparaissent suffisamment importantes pour échapper aux systèmes d’autoréparation, tout en n’atteignant pas le stade qui conduirait à la mort cellulaire [14]. Dès lors, outre son pouvoir initiateur de la prolifération tumorale, le stress oxydatif joue également un rôle dans sa phase de promotion (certains promoteurs tumoraux, comme

Figure 1 - Stress oxydatif cellulaire et vieillissement (d’après [11]) Dépenses antioxydantes

Sources endogènes - Mitochondries - Peroxysomes - Lipoxygénases - Cytochrome P450 - NADPH oxydase

HOO° O3-

O°-

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 106 - MARS / AVRIL / MAI 2005

22

ONOO-

Radicaux libres OH°

Fonction physiologique détériorée

Homéostase

Défenses déficientes

Croissance et métabolisme normaux

L’augmentation de la concentration en radicaux libres entraîne la mort cellulaire, une accélération du vieillissement et une augmentation des affections chroniques liées à l’âge

- Rayons UV - Radiations ionisantes - Cytokines inflammatoires - Toxines - Ischémies-reperfusions

H2O2

NO°

CANINE

Sources exogènes

- Enzymes (Superoxyde dismutase, glutathion peroxydase, catalase érythrocytaire) - Glutathion - Vitamines (A,C,E) - Antioxydants nutritionnels

Fonction physiologique détériorée Dommages Voies de signalisation cellulaires aléatoires spécifiques

Vieillissement

Mort cellulaire

Maladies


comportement prévenir les modifications

comportementales liées au stress chez le chien

Emmanuel Gaultier Département animaux de compagnie de sport et vie sauvage Centre de recherche Phérosynthèse “Communication chimique et bien-être animal” Le Rieu neuf 84 490 Saint-Saturnin d’Apt

Cet article propose les principales règles à respecter afin d’éviter l’apparition de stress chez le chien.

Objectif pédagogique

L

a meilleure façon de prévenir le stress chez le chien est de lui fournir des conditions de vie compatibles avec les exigences de l’espèce. En effet, le stress vécu par les animaux de compagnie est souvent lié aux contraintes que la vie avec l’Homme impose à l’animal. LES EXIGENCES D’UNE ESPÈCE SOCIALE Le groupe canin

L’espèce canine est une espèce sociale obligatoire. C’est pourquoi les caresses constituent parfois une récompense plus motivante que la récompense alimentaire (photo 1). ● Les impératifs de cette socialité ne sont pas évidents pour les propriétaires. Ainsi, beaucoup estiment que le confort de vie offert à leur chien, notamment l’espace ou la qualité et l’abondance de nourriture lui suffit à trouver un bon équilibre. Pourtant, la vie en meute dans un chenil est bien plus enviable qu’une vie solitaire 8 heures par jour dans un confortable appartement. De même, un chien préfère entretenir des interactions fréquentes, régulières, avec les différents membres du groupe (qu’ils soient canins ou humains) que de vaquer libre dans un parc, alors que l’accès à la maison, donc aux interactions avec le groupe, lui est interdit. ●

Les exigences d’une vie en groupe Dans l’espèce canine, la vie en groupe est à la fois très hiérarchisée et très codifiée. La nécessité d’imposer au sein de la famillemeute des rapports dominant - dominé est fondamentale pour l’équilibre du chien. Celle-ci est aux antipodes de notre vision de la société. ● Les situations de sociopathie, c’est-à-dire l’absence de hiérarchie bien définie, combinée à une méconnaissance des rituels sociaux canins, constituent ainsi le facteur de stress numéro un des interactions Homme●

Prévenir les effets induits par le stress sur le comportement du chien. 1

La caresse et les rituels de contacts en général constituent une récompense extrêmement puissante. Leur intérêt dans le travail est trop souvent sous-évalué (photos E. Gaultier).

chien au quotidien. Les sociopathies sont à l’origine chaque année de centaines de morsures et constituent une des causes majeures d’euthanasie des chiens de moins de deux ans [1]. ● Respecter le bien-être du chien, c’est donc à la fois connaître, respecter et faire respecter les règles sociales canines. ● Dans les faits, cela se traduit par des positions hiérarchiques claires, bien définies et jamais remises en question : les maîtres, en position dominante, et le chien, en position de dominé. Cette position dominante procure des droits, mais aussi des devoirs : le maître doit absolument veiller à la stabilité des interactions dans le groupe et faire respecter les codes sociaux. Ainsi, le lieu de repos du chien ne doit pas être transgressé, les interdits doivent être toujours les mêmes et ne pas varier en fonction de l’humeur du moment, … ● L’importance du lien social pour le chien nécessite d’anticiper toutes les variations du groupe. Ainsi, toute "disparition" d’un membre du groupe (voyage, études, décès) doit être pensée afin de précéder le stress. Il en va de même lors d’une adoption, d’un chiot ou d’un adulte. Dans ces cas, l’animal est confronté aux stress de la rupture et à ceux de la nouveauté des environnements physiques et sociaux.

Essentiel ❚ Pour l’équilibre du chien, il est fondamental d’imposer des rapports dominant dominé au sein de la famille meute. ❚ Des positions hiérarchiques claires, bien définies et jamais remises en question permettent de respecter le bien-être du chien. ❚ Le travail "intellectuel" du chien doit rester limité dans le temps : pas plus d’un quart d’heure.

CANINE

LES EXIGENCES COGNITIVES Les capacités intellectuelles du chien, bien qu’étendues, restent limitées comparativement à celle de l’Homme.

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 109


les états de choc

comment les reconnaître et les traiter

Patrick Verwaerde Géraldine Jourdan Anesthésie-Réanimation-Urgences Département des Sciences Cliniques E.N.V.T. 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03

chez le chien et le chat

Objectif pédagogique

Reconnaître sans délai un état de choc est capital pour le pronostic. Les moyens thérapeutiques à mettre en œuvre, afin d’en limiter les conséquences morbides graves doivent être parfaitement connus.

E

n situation d’urgence ou de réanimation, un chien ou un chat avec une fréquence cardiaque élevée, un temps de remplissage capillaire anormal, des muqueuses très pâles ou au contraire congestionnées, un pouls artériel mal perceptible avec, de surcroît, une vigilance altérée est suspect d’état de choc. Les animaux dans cet état clinique présentent une hypoperfusion tissulaire à l’origine d’un état de choc. Celle-ci peut être consécutive à un traumatisme, une péritonite, des vomissements incoercibles. LE DIAGNOSTIC DES ÉTATS DE CHOC

Il est essentiel de savoir repérer sans délai l’apparition ou l’existence d’un état de choc (cf. définition, encadrés 1, 2). ● Un état de choc est un syndrome mor●

Diagnostiquer et traiter les états de choc chez le chien et le chat.

Définition 1

La mesure du temps de remplissage capillaire est un geste simple qui permet d’évaluer la perfusion tissulaire périphérique (photo P. Verwaerde).

bide, induit par une insuffisance, absolue ou relative, d’apport d’oxygène aux tissus. Cette hypoxie peut résulter d’une hypoperfusion (défaillance circulatoire d’origine cardiaque et/ou vasculaire) et/ou d’une hypoxémie (défaillance de l’hématose d’origine sanguine et/ou respiratoire). Ainsi, reconnaître un état de choc suppose d’en identifier la symptomatologie propre, mais aussi d’être capable de repérer la nature et l’origine des différentes défaillances à l’origine de l’hypoxie tissulaire (figure 1).

Figure 1 - Principales causes morbides (défaillances) à l’origine d’une hypoperfusion tissulaire (en haut) et d’une hypoxie tissulaire (en bas) Défaillances Cardiaque (débit cardiaque) - Inotropisme (-) - Chronotropisme (-) - Précharge (-) - Postcharge (+)

Volémique - Pertes directes - Extravasation - Retour veineux (-) - Viscosité (-, +)

Vasculaire - Thromboses - Vasomotricité - Perméabilité (+) - Œdème tissulaire - Répartition du flux

Hypoperfusion tissulaire Défaillances Ventilation - Bradypnée - Volume courant (-) - Obstructions (+) - PO2, FiO2 basses

Transport / captation - Hypoxémie anémique - Hypoxémie hypoxique - Histotoxicité (cyanure) - Méthémoglobinémie

❚ Le choc : défini comme un état d’hypoxie tissulaire généralisé, le choc résulte d’une inadéquation entre les besoins et l’apport d’oxygène aux tissus.

Essentiel ❚ Un état de choc est un syndrome morbide, induit par une insuffisance, absolue ou relative, d’apport d’oxygène aux tissus. ❚ Reconnaître un état de choc implique de repérer la nature et la cause des differntes défaillances à l’origine de l’hypoxie tissulaire. ❚ La prise en charge d’un animal en choc recquiert la mise en place d’une analgésie efficace. ❚ Dans ce contexte, l’utilisation d’α2-agonistes ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens est à bannir.

Perfusion droite - Hypo/hypertension droite - V/Q* ≠ 1 - Anémie - Hémoglobine anormale - Diffusion alvéolo-capillaire

CANINE - FÉLINE

Hypoxémie

Hypoxie tissulaire

* V = ventilation Q = perfusion

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 111


geste la mesure des lactates : quand et comment la réaliser chez le chien et le chat

Patrick Verwaerde Géraldine Jourdan Anesthésie-Réanimation-Urgences Département des Sciences Cliniques E.N.V.T. 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03

Lors d’état de choc, de l’acide lactique est produit en quantité supérieure à la normale. La mesure de la lactatémie sur différents fluides biologiques semble présenter un intérêt diagnostique et pronostique. Cet article présente les intérêts de ce dosage, les limites des connaissances actuelles et comment le réaliser facilement.

Objectif pédagogique Réaliser et interpréter un dosage de la lactatémie chez le chien et le chat.

D Essentiel ❚ La lactatémie est majorée chez les animaux malades ou en état de choc. ❚ Les états de choc sont une indication majeure de la mesure de lactatémie. ❚ Le dosage des lactates est indiqué en cas d’urgence et de réanimation. ❚ Lors d’état de choc, plus la lactatémie est élevée, plus la mortalité est probable.

CANINE - FÉLINE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 118 - MARS / AVRIL / MAI 2005

ans de nombreuses situations d’urgence, la perfusion tissulaire est insuffisante pour assurer aux cellules un apport adéquat en oxygène. À l’origine d’une hypoxie tissulaire d’intensité variable, ces états d’hypoperfusion s’accompagnent d’une production accrue d’acide lactique. ● Divers travaux montrent en effet que la lactatémie est significativement majorée chez les animaux malades ou en état de choc [4]. Si la lactatémie normale chez un chien en bonne santé est voisine de 2 mmol/L, elle augmente précocement avec le développement d’une hypoxie tissulaire. Elle devient progressivement plus importante avec la mise en place d’une acidose métabolique (acidose lactique). Si cette observation est assez ancienne pour les chevaux souffrant de coliques, sa mise en évidence chez les carnivores domestiques s’avère plus récente [4, 7]. ● Ainsi, la mesure des lactates sur différents fluides biologiques peut présenter, chez le chien et chez le chat, un intérêt diagnostique et/ou pronostique dans diverses situations cliniques rencontrées en urgence et réanimation. Si la signification clinique d’une hyperlactatémie isolée reste discutée dans de nombreuses situations, la persistance pendant plusieurs heures d’une hyperlactatémie constitue un élément de suspicion d’hypoxie tissulaire. Bien que non encore démontrée chez les carnivores domestiques, diverses études menées chez l’Homme indiquent que la cinétique de diminution de la lactatémie pos-

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1

Appareil de mesure des lactates par reflectométrie (photos Anesthésie-Réanimation-Urgence, E.N.V.T.).

sède une meilleure signification pronostique qu’une valeur isolée, même élevée. LES INDICATIONS Chez l’Homme, la valeur pronostique de la lactatémie et de son évolution au cours du temps s’avèrent bien connues et largement documentées pour de nombreuses affections. Ainsi, lors d’état de choc, de sepsis, de complications postopératoires par exemple, une hyperlactatémie initiale persistant pendant plus de 20 heures est associée à un pronostic vital sombre [6]. ● En médecine vétérinaire, bien que l’intérêt diagnostique et/ou pronostique du dosage des lactates ne soit pas encore déterminé dans certaines situations et en cours d’étude dans d’autres, la compréhension des processus physiopathologiques à l'origine d'une hyperlactatémie permet de mieux cerner l’ensemble de ses indications probables ou avérées. ●

Indications générales ● L’ensemble des états de choc, définis comme des états d’hypoxie tissulaire généralisée, constitue une indication majeure de la mesure de lactatémie. En effet, le déficit de distribution en oxygène aux cellules est le point commun entre les nombreuses défaillances vitales d’origine cardiocirculatoire et/ou respiratoire qui induisent une hyperlactatémie : en anaérobiose, l’acide pyruvique issu de la glycolyse ne peut pas subir les réactions d’oxydo-réduction successives du cycle de Krebs, il est alors réduit en acide lactique. ● Diverses études indiquent que plus la


modèle d’étude

du stress oxydatif cellulaire le chien de travail

Dominique Grandjean1 Nicolas Renard2, Frank Dhote3 Malik Ouabdesselam4 Léna Aubert2, Xavier Bigard3 Paul Robach5, Jean-Pierre Hery5 Éric Bomassi6, Gérald Berliat1

en environnement extrême

Le chien de travail en environnement extrême est un modèle idéal d’étude du stress. C’est en effet l’espèce animale qui a la consommation maximale d’oxygène la plus élevée.

1. Service de Santé et de Secours Médical, Brigade de Sapeurs Pompiers de Paris 55 bd de Port-Royal 75007 Paris 2. Laboratoire Intervet, Santé Animale, Angers 3. Service de Santé des Armées, Centre de Recherches du Service de Santé des Armées 38000 Grenoble 4. Service de Santé et de Secours Médical, Service Départemental d’Incendie et de Secours 38 38000 Grenoble 5. École Nationale de Ski et d’Alpinisme 74000 Chamonix 6. Clinique vétérinaire des Cordeliers 35 rue des Cordeliers 77 100 Meaux

L

’exposition de l’organisme à des conditions environnementales hypoxiques et hypobariques se révèle responsable d’un stress à l’origine de dégradations membranaires oxydatives. ● Dans le cas du chien de recherche de personnes ensevelies, l’exercice physique intense associé à des conditions environnementales extrêmes ne fait qu’accroître ce processus. ● Stress d’effort, stress mental et stress hypoxique cumulent alors leurs effets pour exacerber la production radicalaire. Le chien qui pratique un effort en haute altitude a donc valeur de modèle expérimental de terrain.

Objectif pédagogique 1

L’effort produit lors de la recherche de personnes ensevelies entraîne une oxydation intense des acides gras et une forte consommation d’oxygène (photo C. Zaglia).

L’EXERCICE PHYSIQUE ET LE STRESS OXYDATIF D’EFFORT L’exercice physique est associé à une importante augmentation de la consommation d’oxygène, dès qu’il dépasse quelques dizaines de secondes. ● Le chien est l’espèce animale qui a la plus forte consommation maximale d’oxygène (VO2max) (Homme inclus) [17]. Ce métabolisme oxydatif se révèle obligatoirement associé à une production accrue de radicaux libres de l’oxygène, donnée biologique mise en évidence depuis plus de 20 ans et confirmée par les différentes études menées sur chiens de traîneau ou chiens de recherche [5, 7, 10]. ● À ces deux éléments s’ajoute la particularité énergétique de l’effort d’endurance chez le chien, le métabolisme aérobie s’exerçant par le biais quasi exclusif d’une oxydation lipidique [9, 13]. ● Ce stress oxydatif d’effort induit chez le chien de nombreuses affections spécifiques : de la simple diarrhée de stress, par altérations des cellules muqueuses intestinales à turn-over rapide, à des lésions musculaires de rhabdomyolyse aiguë [11], voire à la mort

Reconnaître et prévenir les symptômes du stress oxydatif chez le chien de travail.

Essentiel

2

Chien sur un tapis d’exercice : la consommation maximale d’oxygène du chien est plus élevée que chez les autres espèces (photo U.M.E.S., E.N.V.A.).

de l’animal. C’est le cas du syndrome mort subite du chien de traîneau à l’effort, toujours associé à une effondrement total du statut antioxydant du chien. ● L’effort que produit le chien de recherche de victimes ensevelies est particulier car il entraîne une oxydation intense d’acides gras avec une forte consommation d’oxygène (photos 1, 2). ● Cette oxydation a pour corollaire une intense production radicalaire, ainsi qu’un stress mental des plus rudes, lié à la concentration que le chien doit fournir durant son travail. Au stress physiologique organique d’effort s’ajoute donc un stress psychologique qui provoque de nombreux effets délétères pour les cellules.

❚ Lorsqu’un chien recherche des victimes ensevelies, le stress psychologique s’ajoute au stress physiologique, ce qui provoque de nombreux effets délétères pour les cellules. ❚ Stress d’effort, stress mental et stress hypoxique cumulent leurs effets pour exacerber la production radicalaire.

CANINE

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 121


l’expédition

“chien des cîmes 2004”

étude expérimentale

1. Service de Santé et de Secours Médical, Brigade de Sapeurs Pompiers de Paris 55 bd de Port-Royal 75007 Paris 2. Laboratoire Intervet, Santé Animale, Angers 3. Service de Santé des Armées, Centre de Recherches du Service de Santé des Armées 38000 Grenoble 4. Service de Santé et de Secours Médical, Service Départemental d’Incendie et de Secours 38 38000 Grenoble 5. École Nationale de Ski et d’Alpinisme 74000 Chamonix 6. Clinique vétérinaire des Cordeliers 35 rue des Cordeliers 77 100 Meaux

Cet article présente les objectifs et les résultats de l’étude “chiens des cîmes 2004 Mont-Blanc” menée avec dix chiens.

L

es équipes cynotechniques de recherche et de sauvetage en décombres ou en avalanches sont susceptibles d’intervenir en quelques heures et sans période d’acclimatation physiologique lors de situations de catastrophes naturelles en haute altitude (au-delà de 2500 mètres d’altitude). Dès lors, afin de mieux préparer ces chiens et de prévenir les conséquences cliniques du stress oxydatif induit, il convient : - de constater et de quantifier les incidences physiologiques d’un effort intense, conduit lors d’une exposition aiguë aux conditions environnementales hypoxiques et hypobariques de la haute altitude, en complément de travaux déjà entamés (photo 1) [10] ; - de mieux comprendre les phénomènes radicalaires induits, en particulier leurs effets sur l’état des réserves antioxydantes de l’organisme ; - de mettre en œuvre de manière comparative une action pharmacologique, qui vise à restreindre les conséquences néfastes de cet environnement hostile. Tels sont les objectifs de l’opération scientifique "Chiens des cimes 2004 Mont-Blanc" qui s’est déroulée en France en mars 2004. ● Conduites dans des conditions pratiques de terrain souvent difficiles, une opération à finalité scientifique doit aussi présenter un intérêt pour améliorer nos connaissances sur l’aptitude au travail du chien de recherche humanitaire. La finalité est donc de reproduire autant que faire se peut les conditions mêmes d’une intervention en situation de catastrophe (encadré 1). Cependant, l’une des principales difficultés dans l’étude des conséquences biologiques du stress est l’absence d’une définition de marqueurs spécifiques qui permette par la suite de cerner l’origine même des phénomènes observés : dans notre cas, aux stress hypoxiques et d’effort s’ajoutent ceux liés : - au transport aérien en hélicoptère que les

Dominique Grandjean1 Nicolas Renard2, Frank Dhote3 Malik Ouabdesselam4 Léna Aubert2, Xavier Bigard3 Paul Robach5, Jean-Pierre Hery5 Éric Bomassi6, Gérald Berliat1

Objectif de l’étude 1

Exercice d’effort physique intense en haute altitude (photos C. Zaglia).

chiens ne pratiquent que peu fréquemment (stress essentiellement lié aux ultrasons produits par la turbine de la machine) ; - à un environnement de travail volontairement inconnu (la neige en l’occurrence pour des chiens habitués à travailler sur décombres). RÉSULTATS Les paramètres cliniques généraux ● Compte tenu du soin mis dans le déroulement pratique des différentes phases de l’opération, aucune anomalie clinique n’a été relevée. ● Seule une légère perte de poids (environ 5 p. cent) est à noter sur quelques chiens suite à l’épreuve d’altitude, rapidement compensée, sans différence entre les deux lots.

Les paramètres physiologiques Paramètres cardiaques

1. La fréquence cardiaque : ● Les données relatives à la fréquence cardiaque de repos et après effort en fonction du groupe d’appartenance et de l’altitude sont analysées. ● Si la fréquence cardiaque au repos est accrue de manière similaire pour les deux groupes par la mise en altitude sans acclimatation, une différence significative est observée après effort : la fréquence cardiaque est supérieure de plus de 15 p. cent pour le lot placebo (comparaison des moyennes de fréquences cardiaques obtenues pour chacun

Prévenir les effets du stress oxydatif chez le chien de travail en altitude.

Essentiel ❚ Les dix chiens de l’expédition forment un groupe homogène : ils sont tous de sexe mâle, âgés de 4 à 7 ans, et de race Berger belge malinois, hormis un Berger allemand et un Border collie. ❚ Les capacités olfactives des chiens n’ont pas semblé être altérées par les conditions environnementales d’altitude et de froid. ❚ La fréquence cardiaque au repos de l’ensemble des chiens augmente de manière significative sous l’effet de l’altitude.

CANINE

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 125


élevage et collectivités

manifestations comportementales

Grégory Casseleux Emmanuel Fontaine * Unité de médecine de l’élevage et du sport Secteur élevages canin et félin E.N.V.A., 7, avenue du Général-De-Gaulle 94704 Maisons-Alfort cedex

Objectif pédagogique Décrire les manifestations du stress en élevage et conseiller les éleveurs pour les éviter.

induites par le stress en élevage canin

La vie en collectivité induit des modifications comportementales parfois graves : prostration, tics, agressivité, cannibalisme, etc. Cet article décrit diverses formes de stress rencontrées en élevage et présente des conseils à donner aux éleveurs pour éviter ces manifestations. 1

U 3 L’aménagement d’une zone d’intimité de type niche pour les adultes est conseillée lors de stress dans un élevage (photo Royal Canin).

4

L’éleveur peut limiter l’intensité du stress en plaçant ses reproducteurs en couple compatible (photo U.M.E.S.)

n élevage canin multi-races de 40 reproducteurs est confronté à des troubles divers du comportement. ● Une majorité des chiennes reproductrices présente des signes récurrents d’anxiété avec déplacement intempestif des portées et cannibalisme (photo 1). L’éleveur note aussi des retards de chaleurs ou des chaleurs silencieuses sur plusieurs chiennes. ● L’alimentation donnée aux animaux est de type "premium". L’éleveur varie l’alimentation en fonction de l’âge des animaux et du statut physiologique de ses reproducteurs. Il distribue des rations avec un aliment : - “croissance” pour les chiots au sevrage ; - “maintenance” pour les femelles au repos et les mâles ; - “croissance” pour les chiennes en fin de gestation ; - “croissance” pour les chiennes en lactation, à volonté. ● Malgré la mise en place de traitements anxiolytiques en peripartum (trioxazine à la posologie de 5 mg/kg, trois fois par jour), les signes cliniques n’ont pas rétrocédé. ● Une visite d’élevage, réalisée en collaboration avec le vétérinaire traitant, est décidée. LA VISITE D’ÉLEVAGE Lors de la visite des locaux des adultes, alors que certaines chiennes cherchent le contact des visiteurs, d’autres restent prostrées ou montrent de l’agressivité. ● Nous remarquons de nombreux troubles comportementaux : prostration, miction, salivation, aboiements intempestifs, agression entre congénères, comportements de substitution. ● À la maternité, les boxes ne comportent ●

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 132 - MARS / AVRIL / MAI 2005

48

Le stress en maternité peut se traduire par du cannibalisme (photos U.M.E.S.)

2

Le stress peut être jugulé par la mise en place systématique d’une zone refuge.

pas de zone d’intimité qui permettraient aux chiennes qui le désirent de s’isoler, et de se soustraire aux “agressions” du milieu extérieur (bruits, visites inopportunes de clients, etc.). LES MESURES CONSEILLÉES Les conseils donnés lors de la visite portent essentiellement sur l’aménagement des boxes : la création d’une zone d’intimité, de type niche, pour les adultes, et l’installation d’une caisse de mise bas pour la maternité (photos 2, 3). ● Il est conseillé d’éviter de laisser entrer les visiteurs en maternité, et de mettre les chiots disponibles à la vente dans un local séparé. L’élevage accueille des visiteurs sept jours sur sept, et permettait jusqu’alors l’accès à tous les locaux. ● Nous avons proposé à l’éleveur de revoir sa logique d’allotement, et d’apparier les animaux en couples compatibles (photo 4). ● Pour limiter le cannibalisme, il est conseillé d’instaurer une surveillance accrue de la période post-partum. ●


reconnaître et traiter les modifications comportementales liées au stress chez le chat

Chez le chat, dans les manifestations cliniques du stress, les mêmes fonctions sont altérées que chez le chien, mais des différences importantes apparaissent dans l’expression clinique de ces altérations. Cet article se limite aux principales exigences propres à l’espèce féline.

T

out comme pour le chien, le mode de vie que nous imposons aux chats est souvent bien éloigné des exigences de l’espèce. Ainsi, leurs propriétaires sont souvent malgré eux, à l’origine de stress chez leurs compagnons félins. Le stress traduit le dépassement des capacités d’adaptation de l’organisme à des contraintes environnementales*. Il est tout à fait possible de classer les manifestations cliniques du stress chez le chat de la même manière que chez le chien (tableau 1).

spécifiques, caractéristiques de niveaux de vigilance et de réactivité augmentés et d’une diminution globale des auto-contrôles. Ce sont l’hypervigilance, l’hyperesthésie, l’agression par irritation, l’impulsivité, et les manifestations neurovégétatives (encadré).

Les formes déficitaires

Les formes productives ● Comme chez le chien, le stress se manifeste lors de troubles productifs par des réactions neurovégétatives et comportementales non

Manifestations productives

Fonctions altérées - Hypervigilance (surveillance accrue) - Hyperesthésie (sursauts) - Impulsivité - Agitation - Évitement - Agression par peur et par irritation - Manifestations neurovégétatives

Reconnaître et traiter les troubles comportementaux liés au stress chez le chat.

NOTE

PRÉVENIR LE STRESS : RESPECTER LES EXIGENCES PSYCHO-BIOLOGIQUES DE L’ESPÈCE FÉLINE Tout comme pour le chien, la meilleure façon de prévenir le stress chez le chat est de lui fournir des conditions de vie compatibles avec les exigences propres à son espèce.

* cf. article “Reconnaître les manifestations cliniques du stress chez le chien” du même auteur dans ce numéro.

Les exigences d’une espèce territoriale

Essentiel

L’espèce féline est une espèce territoriale. Généralement, les propriétaires pensent que le plus important dans la gestion du territoire c’est sa défense contre les intrus. Cette vision est très réductrice. ● Pour le chat, l’important est de pouvoir organiser harmonieusement son territoire.

❚ Le chat présente les mêmes grands mécanismes de désorganisation du comportement que le chien, mais leur expression clinique est différente. ❚ Le stress se manifeste chez le chat par des troubles productifs : - hypervigilance ; - hyperesthésie ; - agression par irritation ; - impulsivité ; - manifestations neurovégétatives. ❚ L’anxiété permanente et la dépression sont les grandes formes de manifestations déficitaires.

Tableau 1 - Les différentes catégories d’états pathologiques chez le chat Manifestations cliniques

Objectif pédagogique

L’anxiété permanente et la dépression sont deux grandes formes de manifesattions déficitaires (encadré).

REPÉRER LES MANIFESTATIONS CLINIQUES DU STRESS

Emmanuel Gaultier Département animaux de compagnie de sport et vie sauvage Centre de recherche Phérosynthèse “Communication chimique et bien-être animal” Le Rieu neuf 84 490 Saint-Saturnin d’Apt

Modalités d’expression et états pathologiques - Expression suite à l’exposition à un stimulus ou un groupe de stimuli bien précis : phobie simple - Expression consécutivement à un phénomène d’anticipation, le chat réagit à des stimuli de plus en plus variés : phobie complexe - Expression sans relation directe avec les variations de l’environnement. - Émission sur des périodes relativement durables, entrecoupées de périodes de rémissions Anxiété intermittente - Apparition plus de 10 jours après un stress identifiable : dépression réactionnelle

Manifestations déficitaires

- Altération de l’appétit - Troubles du sommeil - Inhibition - Altérations du comportement exploratoire - Perte d’initiative

- Expression continue sans relation directe avec les variations de l’environnement - + Activités substitutives : boulimie, potomanie, léchage Anxiété permanente

FÉLINE

- Expression continue sans relation directe avec les variations de l’environnement - + Perte du contrôle des réponses émotionnelles Dépression chronique

51

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 135


observation clinique tétanos généralisé chez une chatte

Objectif pédagogique Diagnostiquer et traiter un tétanos généralisé chez une chatte.

U

1

L’animal présente une raideur des muscles appendiculaires, de la queue (tenue verticalement) et des muscles de la masse commune (photos M. Pastor).

lement) et des muscles de la masse commune (photo 1). Les membres postérieurs sont plus sévèrement touchés que les antérieurs ; les articulations des grassets sont difficiles à individualiser et leur flexion est impossible. Les carpes sont maintenus en flexion. ● Les muscles sont durs et douloureux. La sensibilité profonde est conservée, mais les réflexes tendineux impossibles à mettre en œuvre. ● Sur la face, les oreilles sont rapprochées avec un plissement de la peau entre celles-ci (photo 2). L’examen des nerfs crâniens ne révèle aucune anomalie, excepté un léger retard à la fermeture des paupières lors du clignement à la menace. ● Lors de stimulation, même légère (sonore et visuelle), la chatte se raidit et présente un opisthotonos.

EXAMEN CLINIQUE Cette chatte nous est présentée en décubitus latéral (tétraplégie) depuis le jourmême, mais le statut mental est normal. Sa température rectale est de 39,2°C. ● Elle est devenue cachectique depuis l’opération, certainement par manque d’exercice. L’état de déshydratation est estimé à 8 p. cent. ● Une polypnée sévère est notée. L’auscultation des appareils cardiaque et respiratoire et l’analyse d’urine ne montrent aucune anomalie. ● L’animal est constipé. ● Les diverses plaies sont en bonne voie de cicatrisation. ● L’animal présente une raideur des muscles appendiculaires, de la queue (tenue vertica●

* Service de médecine interne Département animaux de compagnie E.N.V.L., 1 avenue Bourgelat 69280 Marcy l’Etoile ** Clinique vétérinaire 544, boulevard Louis-Blanc 69400 Villefranche

Lors de suspicion de tétanos généralisé chez une chatte, quel traitement adopter, et quelle évolution prévoir ? ne chatte blanche de 2 ans est présentée à la consultation pour une dyspnée, des membres contractés et un amaigrissement (2,5 kg au lieu de 3,5 kg). Elle n’est ni vaccinée ni vermifugée. ● L’animal a été vu 14 jours auparavant pour une entorse, avec de multiples petites plaies sur le jarret droit, et une fracture ouverte multi-esquilleuse du tibia gauche, à la suite d’une chute du 5e étage. ● De plus, l’examen général a révélé la présence d’un fœtus mort dans l’utérus, qui évoluait en pyomètre. ● L’animal a donc subi une ovario-hystérectomie, et un enclouage centromédullaire a été mis en place sur le tibia gauche après désinfection de la plaie. Un Robert-Jones léger a été réalisé sur le postérieur droit pour immobiliser le jarret et traiter l’entorse. Un traitement antibiotique, à base de céfalexine (Therios félin® 15 mg/kg matin et soir) a été mis en place pendant dix jours. ● Depuis l’intervention, la chatte ne se déplace pas à cause de ses postérieurs immobilisés, mais est nourrie à la main par ses propriétaires. ● La miction est normale. Le transit intestinal est facilité avec des laxatifs (Réolax félin®).

Mélanie Pastor* Laurent Guilbaud**

HYPOTHÈSES DIAGNOSTIQUES À ce stade de l’examen, les commémoratifs (fracture ouverte et plaies des postérieurs) et l’observation clinique (raideur des muscles, accentuée sur les postérieurs) nous orientent très fortement vers une suspicion de tétanos généralisé. ● La 2 e hypothèse est une méningite (présence de fièvre, quoique modérée) mais les commémoratifs sont plutôt en faveur d’un tétanos. Par ailleurs, nous n’avons pas noté de cervicalgie, et la raideur est trop importante pour une méningite. ● Les hypothèses d’intoxication à la strychnine ou de traumatisme sont d’emblée écartées, puisque : ●

55

2

Les oreilles sont rapprochées avec un plissement de la peau entre celles-ci.

Motif de consultation ❚ Dyspnée, membres contractés et amaigrissement important.

Hypothèses diagnostiques ❚ Tétanos généralisé ; ❚ Méningite ; ❚ Intoxication à la strychnine ; ❚ Traumatisme.

FÉLINE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 139


nutrition prévention nutritionnelle du stress oxydatif cellulaire

Dominique Grandjean

antioxydants : mode ou réalité biologique ? L’augmentation de l’apport nutritionnel en antioxydants permet d’optimiser les processus de défense des cellules lors de stress oxydatif cellulaire, et vise à prévenir l’ensemble des effets délétères, liés à la prolifération des radicaux libres de l’oxygène. Mais, la protection antioxydante de l’organisme implique une véritable stratégie nutritionnelle élaborée, qui ne peut se limiter à un simple enrichissement de la ration en tocophérols.

C

ause initiale fondamentale de nombreuses maladies liées au vieillissement (prolifération tumorale, cataracte, œdème pulmonaire,…)*, le stress oxydatif est aussi un des facteurs qui potentialise l’apparition d’affections plurifactorielles telles que le diabète, les phénomènes arthrosiques, les maladies neurodégénératrices, et chez l’Homme, les affections cardiovasculaires. Chez le chien, c’est aussi un facteur limitant de l’effort intense, et il peut contribuer à l’émergence de syndromes spécifiques (mort subite, rhabdomyolyse, diarrhées-déshydratation de stress). ● Si les cellules valorisent de nombreuses stratégies antioxydantes et consomment beaucoup d’énergie pour contrôler leur niveau d’espèces réactives de l’oxygène, l’alimentation contient, ou peut contenir, un grand nombre de molécules nutritionnelles antioxydantes. Parmi celles-ci, citons les vitamines (E, C, β-carotène), les oligo-éléments (sélénium, cuivre, également prooxydant …, zinc, manganèse), mais aussi plus de 600 variétés de caroténoïdes et quelque 4000 polyphénols et flavonoïdes recensés (dans le thé, le vin, les céréales, les fruits, certains légumes, …), des acides organiques, des phytates, des alcaloïdes, des dérivés soufrés (ail, oignon), des dérivés indoliques (choux), … ● Or, les augmentations d’apport nutritionnel en antioxydants doivent néanmoins être réfléchies et fondées, en relation avec le statut physio-pathologique de l’animal consom-

Unité de Médecine de l’Elevage et du Sport E.N.V.A. 7, avenue du Général De Gaulle 94704 Maisons-Alfort cedex

Encadré 1 - Qu’est-ce qu’un antioxydant ? le vocable "antioxydant", on regroupe un ensemble de molécules ou d’éléments susceptibles de prévenir le stress oxydatif cellulaire ou de lutter contre l’extension de ses conséquences organiques. Au sens large, ce terme évoque des substances capables d’inhiber directement la production radicalaire, d’en limiter la propagation, ou de détruire les espèces réactives de l’oxygène une fois formées (figure 1). ● Le mode d’action des antioxydants peut être de réduire ou de dismuter les radicaux libres, de les piéger pour former un composé stable, de séquestrer le fer libre ou de générer par exemple du glutathion [14]. ● La meilleure définition d’un antioxydant alimentaire est sans nul doute fournie par Halliwell [5] : est dit antioxydant “toute substance qui, présente à une faible concentration comparativement à celle du substrat oxydable qu’elle est censé protéger, retarde ou prévient de manière significative l’oxydation de ce substrat". ● Sous

Objectif pédagogique Prévenir le stress oxydatif cellulaire grâce à une complémentation raisonnée en antioxydants. NOTE * Cf. articles “Comprendre le stress oxydatif chez le chien” et “Le stress oxydatif : conséquences pathologiques chez le chien” du même auteur dans ce numéro.

Essentiel ❚ L’alimentation contient, ou peut contenir, un grand nombre de molécules nutritionnelles antioxydantes.

Figure 1 - Les différents facteurs de stress oxydatif Radicaux libres Protection antioxydante

Ultraviolets Pollution

Stress Cellule détruite

Cellule normale

Mauvaise alimentation Les cellules sont constamment bombardées par les radicaux libres

mateur, ce qui n’est pas toujours le cas. UNE BONNE STRATÉGIE NUTRITIONNELLE ANTIOXYDANTE Pourquoi augmenter l’apport nutritionnel en antioxydants ?

Partenariat

L’augmentation de l’apport nutritionnel en antioxydants vise essentiellement : - à prévenir l’émergence et l’évolution des maladies à composante radicalaire, le plus souvent liées au phénomène de vieillissement ; - à prendre en compte des poussées aiguës de stress oxydatif (effort physique intense et répété demandé au chien, hypoxie-hypobarie d’altitude) (encadré 1). Outre cette stratégie globale de prévention, ils présentent un intérêt dans la prévention des récidives, mais aussi contribuent à stabi●

RUBRIQUE

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 145


principe actif

Wajdi Souilem Kamel Barhoumi

le furosémide

L

e furosémide, un dérivé des sulfamides, connu depuis plus de 30 ans, fait partie des diurétiques les plus puissants, aussi bien en médecine humaine que vétérinaire. C’est un traitement de choix de l’insuffisance cardiaque ou de l’œdème aigu du poumon. PHARMACOLOGIE Pharmacocinétique

Le furosémide est bien résorbé par le tube digestif, surtout dans l’estomac et dans le duodénum. L’absorption est complète au bout d’une heure et l’action persiste pendant 4 h. ● Lors d’une administration orale chez le chien, la diurèse commence au bout de 30 minutes. Elle dure environ 3 h. ● La concentration plasmatique maximale (Tmax) du furosémide est atteinte en moins d’une heure et sa demi-vie d’élimination est de 2,2 h. Sous une forme retard, le Tmax est de 1,9 à 2,7 h et la demi-vie d’élimination de 2,4 à 3,7 h. ● La distribution est extracellulaire, avec une forte fixation aux protéines plasmatiques (95 à 98 p. cent). ● L’élimination du furosémide se fait essentiellement à la fois par voie biliaire sous forme inchangée, et par sécrétion tubulaire active, à 60 p. cent sous forme inchangée et 40 p. cent sous forme de métabolites. ●

Pharmacodynamie Action diurétique

Secrété par les cellules du tube proximal, le furosémide agit dans la partie large de la branche ascendante de l’anse de Henlé. Il bloque l’échangeur passif Na+/K+/2Cl-, probablement par fixation sur le site chlorure du cotransporteur. Le gradient osmotique corticopapillaire (G.O.C.P.) est ainsi fortement diminué. ● L’effet diurétique est dose-dépendant : plus les cotransporteurs sont bloqués, plus le G.O.C.P. est inhibé, et plus l’intensité de la diurèse est élevée. On parle ainsi de diurétique "à plafond élevé". À la dose de 3 mg/kg, chez le chien, le débit urinaire est multiplié par 40 alors que le débit plasmatique rénal est majoré de 14 p. cent. La diurèse induite par le furosémide est ●

riche en électrolytes : chlorures, sodium, potassium, calcium, magnésium, bicarbonates et phosphates. ● L’action est indépendante du pH plasmatique, avec une fuite de protons dans les urines quel que soit le statut acidobasique de l’organisme. Une alcalose hypochlorémique est possible. ● Accessoirement, le furosémide provoque une vasodilatation glomérulaire par activation de la synthèse de PGE2. Il favorise la redistribution du flux sanguin entre le cortex et la médulla au profit du cortex rénal, et diminue les résistances intrarénales. L’implication du système rénine-angiotensine et des bradykinines vasodilatatrices ne semble pas être écartée. Action anti-hypertensive ● L’action antihypertensive du furosémide est consécutive à la natriurèse, associée à ses propriétés hémodynamiques directes. ● Il est possible que le furosémide ait un effet vasodilatateur et diminue les résistances périphériques. La capacitance veineuse est augmentée et la précharge est diminuée. ● Ce composé est ainsi très efficace dans le traitement de l’œdème aigu du poumon. Après injection intraveineuse, la pression artérielle dans le circuit pulmonaire est nettement diminuée au bout de 4 heures.

Laboratoire de physiologiepharmacologie École nationale de médecine vétérinaire 2020 Sidi Thabet, Tunisie

Classe pharmacologique - Salidiurétique - Diurétique de l’anse - Anti-hypertenseur

Essentiel ❚ L’action salidiurétique du furosémide est rapide (1 h), intense et brève (4 h). ❚ Le furosémide agit après sécrétion tubulaire active. ❚ Cette molécule est très efficace dans le traitement de l’œdème aigu du poumon. ❚ Le chat présente une plus grande sensibilité que le chien. ❚ Son utilisation doit être contrôlée. ❚ À ne pas employer en cas d’allergie aux sulfamides, d’obstruction des voies urinaires, d’hypovolémie, de déshydratation et de certaines formes d’ascites.

PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES ● Dénomination

chimique : {acide 5-(aminosulfanyl)-4-chloro-2-[(2-furanylmethyl) amino]benzoïque}. ● Dénomination commune internationale : Furosémide ● Dénominations commerciales : Furozénol®, Dimazon® ● Structure : D’un poids moléculaire de 330,77, le furosémide est un composé aromatique qui se caractérise à la fois par la présence d’une fonction sulfonamide libre et d’une fonction carboxylique (figure). ● Caractéristiques : - Sa structure lui confère un caractère acide faible. - Le furosémide est liposoluble, insoluble dans l’eau et légèrement soluble dans l’éthanol. Les solutions aqueuses ont un pH d’environ 8. - Des incompatibilités pharmaceutiques sont notées avec le gluconate de calcium, l’acide ascorbique, les tétracyclines, l’urée et l’adrénaline.

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gestion Prix indicatif ❚ Le traitement d’un chien de 20 kg à la dose de 4 mg/kg revient à environ 0,80 € H.T. en injectable et à 0,50 € H.T. en comprimés (prix “centrale”).

Figure - Structure du furosémide COOH NH

CH2

O

NH2SO2 Cl

RUBRIQUE

LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 151


les gestes qui sauvent

les perfusions médicamenteuses en réanimation chez le chien et le chat Plusieurs défaillances organiques peuvent nécessiter un traitement par perfusion chez les carnivores domestiques. Cet article donne des éléments pratiques d’utilisation de cette méthode d’administration et présente des exemples d’indications spécifiques.

L

e terme “perfusion” évoque en 1er lieu la réanimation liquidienne par administration de solutés hydriques cristalloïdes ou colloïdes*. Élément clef certes indispensable lors de toute réanimation, les administrations liquidiennes continues ne sont cependant pas les seules perfusions utilisées. ● Une perfusion est en réalité une méthode d’administration continue (pendant plus de 20 à 30 minutes), et non une thérapeutique en tant que telle. Ainsi, lors de défaillances organiques simples ou complexes (cardiaque, rénale, vasculaire, neurologique, …), il est plus souvent utile de recourir à une administration intraveineuse continue de médicaments, à visée notamment symptomatique. LES INDICATIONS

pour lesquelles une administration médicamenteuse continue prend tout son intérêt clinique peuvent être détaillées : lors d’instabilité hémodynamique, lors de troubles du rythme ventriculaire, lors d’oligo-anurie et de relance de la diurèse, lors de convulsions, lors de douleur intense. Soutien cardiovasculaire lors d’instabilité hémodynamique Les médicaments vasopresseurs (phényléphrine, noradrénaline) et/ou inotropes (dobutamine, dopamine) sont indiqués en perfusion lors d’hypotension artérielle (instabilité hémodynamique objectivée par la mesure) qui ne répond pas assez vite à un remplissage vasculaire, même massif. ● En cas d’hypotensions artérielles par vasodilatation sévère (choc anaphylactique, choc septique, vasoplégie médicamenteuse, …) et/ou en cas de défaut d’inotropisme cardiaque (d’origine médicamenteuse, cardiomyopathie, …), l’utilisation de ces spécialités en administration continue est conseillée. Pour des raisons pharmacocinétiques (demivie courte des médicaments), ces perfusions médicamenteuses ne nécessitent généralement pas de “bolus de charge” (définition). ●

Traitement antiarrythmique lors de troubles du rythme ventriculaire

● Les médicaments utilisés en anesthésie, en ● Certains troubles du rythme ventriculaire réanimation et en soins intensifs qui peuvent sont fréquemment rencontrés dans les être administrés par perfusion sont nom- contextes de l’anesthésie-réanimation et de breux. Les molécules peuvent être classées l’urgence (syndrome dilatation-torsion de selon leurs indications (tableau). l’estomac, myocardite traumatique, …). ● Sans être exhaustif, certaines indications ● Lorsque ces troubles sont à l’origine d’une Encadré 1 - Les priorités

1. Stabiliser la ou les fonction(s) défaillante(s) Afin de réduire la morbi-mortalité, lors de la prise en charge d’un animal en détresse, l’objectif est d’obtenir une stabilisation de la ou des fonction(s) défaillante(s). 2. Agir vite et en continu ● Un

traitement symptomatique, avec l’administration intraveineuse : - permet d’obtenir rapidement une concentration médicamenteuse plasmatique efficace, durable et stable ; - augmente les chances de l’animal de "passer" la phase critique.

● Pour

des médicaments avec une demi-vie très courte, comme la dopamine ou la dobutamine, une perfusion est la seule méthode d’administration qui permette d’obtenir une stabilité de l’effet recherché. De même, il plus efficace de recourir à une administration continue par perfusion lors de soins intensifs, plutôt que de réitérer fréquemment des injections (bolus intraveineux de lidocaïne ou de propofol toutes les 15 à 20 minutes). ● Ce type d’administration offre une efficacité thérapeutique continue, et évite les effets rebonds indésirables, observés lors d’interruption du traitement.

Patrick Verwaerde Géraldine Jourdan Anesthésie - Réanimation - Urgences Département des sciences cliniques E.N.V.T., 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 03

Objectif pédagogique Comment savoir utiliser les perfusions médicamenteuses en réanimation. NOTE * Cf. article de J.-Y. Deschamps, "Les perfusions chez le chien et le chat", LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE, Hors-série 2002 Hospitalisation du chien et du chat, p.35 à 39.

Définition ❚ “Bolus de charge” : pour les médicaments utilisés en perfusion dont la demi-vie dépasse une dizaine de minutes, l’obtention de la concentration plasmatique efficace s’avère plus rapide en réalisant une injection intraveineuse préalable, dite “bolus de charge”.

Essentiel ❚ Pour des médicaments dont la demi-vie est très courte (dopamine, dobutamine), la perfusion est la méthode d’administration qui permet d’obtenir un effet stable. ❚ Lors de soins intensifs, plutôt que de réitérer fréquemment les injections, il est plus efficace de recourir à une administration continue par perfusion. ❚ Les médicaments vasopresseurs et/ou inotropes sont indiqués en perfusion lors d’hypotension artérielle.

RUBRIQUE

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 153


N.A.C.

les zoonoses infectieuses transmises par les rongeurs et les lagomorphes Parmi les affections transmises à l’Homme par les rongeurs et les lagomorphes, les dermatoses parasitaires sont les plus fréquentes. Toutefois, les maladies infectieuses, plus rares mais plus graves, sont à connaître du praticien, afin qu’il rappelle à ses clients les règles élémentaires de prévention.

L

e contact direct est la principale voie de transmission des zoonoses*. Plus rarement, la contamination peut être indirecte : - par contact avec les matières fécales ou les sécrétions présentes dans l’environnement de l’animal ; - par morsure, griffure, morsure de tiques. ● Le risque zoonotique dépend de l’hygiène de l’environnement des animaux, et de leur provenance géographique. LES ZOONOSES TRANSMISES PAR MORSURE

● La pasteurellose est la zoonose bactérienne la plus fréquemment transmise par les N.A.C. ● Il existe aussi d’autres zoonoses bactériennes potentielles : la listériose, la tularémie, la leptospirose. - 21 cas humains de tularémie ont été diagnostiqués en 2004 en France, surtout dans les Deux-Sèvres. - La contamination s’effectue par manipulation d’un cadavre, à l’origine d’une plaie cutanée et la maladie se traduit par de la fièvre et des adénopathies évoluant vers l'abcédation.

La pasteurellose Les pasteurelles sont présentes chez tous les lapins et les rongeurs de compagnie. On les retrouve à l’état de portage sain dans les voies respiratoires et la cavité buccale. Pasteurella multocida est présente chez le lapin et les gros rongeurs (cobaye, chinchilla, octodons, chiens de prairie), et Pasteurella peumotropica chez les petits rongeurs. ● La pasteurellose est une affection fréquente surtout chez le lapin, et de mauvais pronostic. ●

Didier Boussarie Clinique vétérinaire Frégis 43, avenue Aristide Briand 94110 Arcueil

Objectif pédagogique Prévenir la transmission de zoonoses infectieuses par les N.A.C.

Essentiel 1

Coryza muco-pururlent chez un lapin atteint de pasteurellose (photos D. Boussarie).

❚ La pasteurellose est la zoonose bactérienne la plus fréquemment transmise par les N.A.C. ❚ La pasteurellose est fréquente chez le lapin, et de mauvais pronostic. ❚ La tularémie est transmise à l’Homme lors de la manipulation d’un cadavre.

2

Radiographie thoracique de profil : bronchopneumonie lors de pasteurellose chez un lapin.

La maladie se développe à l’occasion d’un état de moindre résistance (courants d’air, transports, litière non renouvelée, froid, …). Sa transmission s’effectue par contact direct et la gravité varie selon les facteurs de virulence. ● Pasteurella multocida présente deux groupes de sérotypes : 1. les sérotypes A sont responsables de maladies respiratoires ; 2. les sérotypes D provoquent des infections septicémiques aiguës. ● Les symptômes sont une atteinte primaire des voies respiratoires supérieures, accompagnée de signes de coryza, suivie d’une broncho-pneumonie et parfois d’abcès pulmonaires (photos 1, 2, 3). Chez l’Homme - La contamination s’effectue essentiellement par morsure ou par griffure, parfois par contact de l’animal avec une peau souillée, très rarement par voie respiratoire. - La plaie souvent minime devient très rouge, œdématiée et douloureuse en 3 ou 4 heures, elle s’accompagne d’une hyperthermie et d’une atteinte de l’état général. - Une antibiothérapie s’impose. - La prévention consiste à désinfecter soigneusement toutes les plaies même peu importantes.

3

Radiographie toracique de profil : abcès pulmonaire lors de pasteurellose chez un lapin.

NOTE * Cf. “Les parasites transmis à l’Homme par les N.A.C.”, du même auteur dans LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE N°18, juin-juillet 2004, pages 241 à 243, et “Les zoonoses transmises à l’Homme par le furet” du même auteur, dans LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE N°21, janvierfévrier 2005, pages 65 à 66.

RUBRIQUE

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 157


immunologie

Séverine Boullier

les interactions entre le stress et la réponse immunitaire Cet article présente les interactions entre le stress et la réponse immunitaire, et propose quelques applications pratiques pour le vétérinaire praticien.

L

e stress est un des facteurs importants qui induit des modifications brutales du système nerveux central (S.N.C.) avec, en particulier, une activation du système sympathique et la synthèse d’hormones de stress. Les systèmes nerveux endocrinien et immunitaire sont en effet interconnectés. Aussi, les modifications qui surviennent au niveau du S.N.C. peuvent moduler la réponse immunitaire par deux voies : 1. la plupart des tissus lymphoïdes reçoivent une innervation par le système nerveux sympathique ; 2. le S.N.C. contrôle, directement ou indirectement, la sécrétion d’hormones, en particulier les corticostéroïdes, les enképhalines et les endorphines. ● Le stress peut altérer les fonctions du système immunitaire, avec comme conséquence une sensibilité accrue aux agents infectieux (encadré 1). LES RELATIONS ENTRE LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL ET LES EFFECTEURS DE LA RÉPONSE IMMUNITAIRE ● Les différents effecteurs du système immunitaire expriment des récepteurs spécifiques des hormones du stress et des catécholamines à

leur surface. L’expression de ces récepteurs dépend du type de cellule (lymphocytes, macrophages, granulocytes, etc.), et de leur état d’activation ou de maturation. ● La réponse des effecteurs cellulaires aux hormones du stress est donc hétérogène. ●

LES CONSÉQUENCES D’UN STRESS SUR LA RÉPONSE IMMUNITAIRE

stress peut être défini comme tout stimulus considéré comme agressif par l’organisme qui le perçoit. L’organisme met alors en place une stratégie d’échappement et de défense. ● Plusieurs facteurs influencent la réponse de l’organisme à un stress, en particulier : le type de stress, sa durée, son intensité. ● En fonction de ces paramètres, l’organisme synthétise des hormones, comme les corticostéroïdes, et active le système nerveux sympathique. Les principales études sur les conséquences d’un stress sur la réponse immunitaire portent sur les fonctions immunorégulatrices des glucocorticoïdes, mais d’autres médiateurs neuro-endocriniens jouent un rôle important. Ces études ont essentiellement été réalisées sur l’Homme ou sur

Objectif pédagogique ❚ Identifier les conséquences immunologiques du stress.

NOTE

Deux types de stress peuvent schématiquement être distingués avec une réponse différente dans l’organisme : - le stress aigu, qui correspond à un stimulus violent, mais de courte durée ; - un stress chronique, qui est présent pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines (encadré 2).

CONSÉQUENCES PRATIQUES POUR LE VÉTÉRINAIRE ● La première difficulté pour le vétérinaire praticien est de définir les conditions de stress pour un carnivore domestique et s’il s’agit d’un stress chronique ou aigu. ● Parmi les causes de stress des carnivores domestiques, ont été identifiées, entre autres [5] : - le sevrage précoce ; - la surpopulation (chenils) ; - les modifications hiérarchiques au sein d’un groupe (arrivée d’un nouvel individu dominant)*. L’anesthésie, la vaccination, les infections chroniques sont d’autres causes de stress.

Encadré 1 - Quelle est la nature de la réponse de l’organisme à un stress ? ● Le

Service de microbiologie immunologie E.N.V.T. 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex 3

les rongeurs de laboratoire, et non sur les carnivores domestiques. Les données présentées ne sont donc pas spécifiques de ces espèces. ● Par ailleurs, l’efficacité des glucocorticoïdes est directement liée à leur biodisponibilité : seuls les glucocorticoïdes libres peuvent agir sur les cellules cibles. La biodisponibilité des glucocorticoïdes synthétiques est nettement supérieure à celle des glucocorticoïdes naturels, car ils se fixent très peu sur la C.B.G. (corticosteroid binding globulin) sérique, ils sont donc libres dans le plasma. Les glucocorticoïdes de synthèse (en particulier la dexaméthasone) induisent une immunomodulation plus importante que celle engendrée par les glucocorticoïdes naturels synthétisés lors d’une réponse à un stress.

* Cf. article d’E. Gaultier, “Comportement : prévenir les modifications comportementales liées au stress chez le chien”, dans ce numéro.

Essentiel ❚ Le type de stress, sa durée, son intensité, influencent la réponse de l’organisme à un stress. ❚ Les effets d’un stress aigu et d’un stress chronique sur la réponse immunitaire sont totalement différents. ❚ La réponse des effecteurs cellulaires aux hormones du stress est hétérogène. ❚ En raison du stress induit par l’anesthésie, décaler la vaccination, en particulier chez les jeunes animaux. ❚ Chez les animaux sensibilisés, une réaction aiguë au stress peut être associée à une importante réaction cutanée.

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Partenariat

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LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE MARS / AVRIL / MAI 2005 - 161


Texte : Séverine Boullier Dessin : Frédéric Mahé Le système nerveux central (SNC) peut moduler la réponse immunitaire.

Attention : presque toutes ces études ont été faites sur l’homme et sur les rongeurs de laboratoire. Pratiquement aucune étude n’existe sur les relations entre stress et réponse immunitaire chez les carnivores domestiques.

Le SNC contrôle directement ou indirectement la sécrétion d’hormones, en particulier les corticostéroïdes, les enképhalines et les endorphines. OK, je t’envoie plein de corticoïdes ! Au tarif habituel ?

C’est nous les corticoïdes !

La plupart des tissus lymphoïdes reçoivent une innervation par le système nerveux sympathique.

A ce sujet : les glucocorticoïdes de synthèse (déxaméthasone en particulier) et les naturels n’ont pas des effets à la même échelle. La biodisponibilité des corticoïdes synthétiques est très nettement supérieure à celle des naturels. Minable !

On peut distinguer deux types de stress : - le stress aigu qui correspond à un stimulus violent mais de courte durée, - le stress chronique qui persiste pendant plusieurs jours ou semaines. La réponse de l’organisme à ces deux stress est différente.

Les lymphocytes quittent le territoire vasculaire et migrent dans les nœuds lymphatiques et dans la peau. L’arrêt du stress entraîne un retour à une distribution normale des lymphocytes dans les heures qui suivent.

Les granulocytes neutrophiles sont libérés massivement depuis la moelle osseuse hématopoïétique, cette neutrophilie sanguine persiste plusieurs jours après l’arrêt du stress. On sait jamais !

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Les corticostéroïdes inhibent la diapédèse des granulocytes et des monocytes ou macrophages vers les sites inflammatoires.

Les cellules natural killer (NK) sont aussi perturbées. Les NK sont des cellules très cytotoxiques, détruisant des cellules infectées (virus)…

…mais aussi des cellules tumorales.

Ah ah ah ! On fait moins le fier, hein, pendant que je métastase ?

C’est mou, tout ça…

Les glucocorticoïdes synthétisés lors d’un stress chronique induisent des modifications de l’équilibre des réponses Th1 et Th2. On note une exacerbation de la réponse de type Th-2 et une baisse de la réponse de type Th-1. Cet effet est dû à une modification de la synthèse des cytokines par les effecteurs, avec une inhibition de la production des cytokines Th-1, l’IL-2 et l’IFN-gamma et une augmentation de la synthèse de TGF-bêta, une cytokine anti-inflammatoire et inhibitrice des réponses Th-1.

… la chirurgie (suite à une anesthésie, on observe une forte inhibition de la réponse inflammatoire)…

Pitié !

Enfin, on note une baisse de la synthèse des Immunoglobulines. Pff…

Docteur, je stresse !

…les modifications hiérarchiques au sein d’un groupe (arrivée d’un nouvel individu dominant)… Toi, le minus, t’écrases !

…et la surpopulation (chenils)…

La première difficulté pour le vétérinaire praticien est donc de définir quelles sont les conditions de stress pour un carnivore domestique et s’il s’agit d’un stress chronique ou aigu. Parmi les causes de stress des carnivores domestiques, on a identifié entre autres :

…le sevrage précoce…

Au secours ! J’en veux encore…

Les études réalisées sur l’efficacité de la va c c i n a t i o n suite à un stress montrent que la mise en place de la réponse humorale est retardée chez les individus stressés (taux d’IgG final inférieur à celui des individus vaccinés non stressés). La réponse cellulaire est également de moins bonne qualité chez les individus stressés. Pour le vétérinaire, il est important de d é c a l e r la vaccination par rapport à une a n e s t h é s i e , en particulier chez les jeunes animaux (tatouage par exemple) qui reçoivent une primo-vaccination.

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management réflexion

sur comment gérer son temps

Jean-Louis Boulay Maryvonne Barbaray

en pratique

L’exercice du vétérinaire praticien en clientèle offre-t-il des particularités dans la gestion du temps ? Le contexte actuel de réduction du temps de travail nous amène à essayer d’analyser notre relation avec le temps, notre emploi du temps et sa répartition.

S

i nous sommes si souvent dans l’incapacité de gérer mieux notre temps, n’estce pas lié aux caractéristiques de notre exercice ? Une bonne part de notre travail s’effectue en effet à un rythme effréné, les activités médico-chirurgicales occupent une grande partie de notre journée et ne sont pas toujours aisées à planifier avec précision, nous entretenons un ensemble de relations complexes avec diverses personnes qui ne font pas partie de notre entreprise. Les activités de gestion se caractérisent par leur brièveté, leur variété, et leur aspect fragmentaire. ● Gérer son temps implique : - de donner la priorité à ce qui est vraiment important, les autres tâches étant effectuées dans un ordre décroissant de priorité ; - de fixer ses objectifs et de déterminer ses priorités. ● Plusieurs attitudes au travail révèlent une mauvaise gestion du temps (encadré 1). LA GESTION DU TEMPS DE TRAVAIL Lister les tâches pour les organiser Notre activité à la clinique est présidée par un triple souci : rapidité, efficacité, rentabilité. Pour mener à bien un maximum de tâches, il est déjà intéressant de les lister. ● Faire un inventaire à la Prévert est une première réflexion qui doit permettre de mieux s’organiser. Par exemple : préciser les objectifs de la journée, répondre aux appels et aux messages, surtout à ceux des clients, aux affaires urgentes ou prioritaires, recevoir les clients, effectuer les tâches administratives et commerciales, la comptabilité, lire des revues de formation continue et participer à des cours de formation permanente, ... ●

Clinique vétérinaire 47, av. Jean-Mermoz 69008 Lyon NÉVA, Europarc, 15 rue Le Corbusier 94035 Créteil Cedex

Encadré 1 – Les symptômes d’une mauvaise gestion du temps Voici quelques énoncés de comportements, de symptômes d’une mauvaise gestion du temps. Essayez, vous aussi, de vous tester ... et de vous corriger en complétant votre liste personnelle !

Objectif pédagogique Savoir bien utiliser son temps.

❒ Difficulté à se mettre au travail le matin. ❒ Oubli de noter des tâches à réaliser. ❒ Interruptions constantes . ❒ Mauvais aménagement du bureau et de l’ordinateur personnel.

❒ Les "urgences" occupent tout notre temps. ❒ Prolongation des pauses-café et des repas. ❒ Soirs, week-ends occupés au travail. ❒ Refus de déléguer. ❒ Ne pas savoir pas dire "non". ❒ Longues périodes de rêverie. ❒ Discussions personnelles pendant les heures de travail.

❒ Trop longues recherches de documentation, Une bonne organisation de l’espace de travail démontre une sage gestion du temps (photo J.-L. Boulay).

d’information.

❒ Mauvaise utilisation des outils de communication.

❒ Difficulté à rédiger. ❒ Lecture prolongée de magazines, de courrier. ❒ Travail rarement effectué dans les délais prévus.

Essentiel

❒ Relecture fréquente de documents, etc. Cette liste n’est pas exhaustive et chacun la peaufine en fonction de ses impératifs et de ses choix professionnels. Établir des priorités ● Il convient d’établir des priorités (i.e. qualité de ce qui passe en premier). Ceci signifie savoir ce que l’on va faire d’abord, donc accepter de renoncer éventuellement à ce qui sera mis en second. C’est surtout établir des principes de choix. Lorsqu’intervient un conflit de priorités, une solution est de nommer un médiateur interne entre les deux parties de nousmême qui s’opposent : notre “il faut” et notre “j’ai envie”.

Bien évaluer le temps nécessaire

❚ Gérer le temps, c’est déterminer des objectifs concrets et des priorités. ❚ L’objectif doit être réaliste et assorti de critères vérifiables de réussite, en particulier le délai. ❚ Faire la différence entre finalités et objectifs : - les finalités transcendent les objectifs, elles donnent le cap à suivre ; - les objectifs sont des rêves limités. ❚ Une mauvaise évaluation du temps mis pour telle ou telle tâche est une cause habituelle de retard.

La cause la plus fréquente de retard est la mauvaise appréciation du temps nécessaire pour faire les choses, c’est-à-dire l’expérience de la durée. Les retardataires chroniques n’évaluent pas ou mal ce temps.

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témoignage

la précipitation, source de motivation ou source de stress ? Comment cerner les tâches, gérer sa journée, planifier son travail à long terme. Comment bien gérer son temps ? Thierry Habran, praticien dans une clientèle canine urbaine, témoigne de son expérience dans sa clinique.

CERNER LES TÂCHES ET LEURS DÉLAIS Pour organiser son temps, il convient tout d’abord de cerner les tâches, leurs délais et les impératifs : - les consultations, les interventions chirurgicales et les soins sont à réaliser tout de suite et nécessitent une planification à la journée ; - les tâches administratives (factures, courriers divers) peuvent se planifier sur la semaine ; - les tâches comptables (T.V.A., fiches de paie), pour les confrères qui les réalisent, ont une périodicité mensuelle et régulière ; - d’autres tâches professionnelles, comme la formation continue (assister à des congrès, préparer des conférences), sont prévues plusieurs mois à l’avance. PLANIFIER LA JOURNÉE DE TRAVAIL Les rendez-vous Pour notre part, nous avons opté pour des consultations sur rendez-vous. - Les interventions chirurgicales et les examens (radios, échographies, électrocardiogrammes, etc.) sont réalisés en début de matinée. - Les consultations ont lieu en fin de matinée et l’après-midi. ● Les rendez-vous sont pris par les assistantes, après consultation du dossier médical. Le temps réservé à la consultation varie selon le motif (vaccin, consultation médicale, 1re visite pour un chiot, …). ●

Clinique vétérinaire 314, route de Schirmeck 67200 Strasbourg

Pour notre part, le travail réalisé dans la précipitation n’est pas source de motivation mais source de stress ... Donc, à éviter !

Q

ue l’on "gagne du temps" ou que l’on "perde du temps", on n’a finalement rien gagné et rien perdu puisqu’une heure fait toujours 60 minutes. On a tout simplement plus ou moins bien géré son temps de travail.

Thierry Habran

(photo T. Habran).

Encadré – Deux praticiens et une équipe ”Nous sommes deux vétérinaires associés mon épouse et moi-même. La clientèle est à 100 p. cent canine, avec une activité généraliste et deux spécialités : MarieChristine Ritter a un C.E.S. de dermatologie et Thierry Habran est comportementaliste. ● L'équipe de la clinique comprend aussi : - une stagiaire T1 pro de l'E.N.V.T., présente depuis septembre 2004 et jusqu'à juin 2005 ; - deux A.S.V. diplômées ; - une A.S.V. en contrat d'apprentissage. Les A.S.V. sont employées à temps partiel. ● Nous effectuons chaque jour, entre trois et cinq interventions chirurgicales, et entre 15 et 20 consultations. ● En général, deux vétérinaires sont présents le matin : l’un en chirurgie, l'autre en consultations, et un l'après-midi, pour les consultations. Le mercredi et le jeudi, un seul vétérinaire est à la clinique toute la journée. ● L’organisation est la même pour les deux vétérinaires, en dehors du temps libre que chacun organise à sa guise et selon ses obligations : comptabilité, activités associatives, etc. ● Les A.S.V. ont un poste de travail à occuper par demi-journée (accueil, chirurgie, consultation). En plus, chacune a des tâches particulières à effectuer chaque semaine, selon ses disponibilités : entretien de la développeuse radio, nettoyage complet du bloc opératoire, entretien des bacs à fleurs, commande hebdomadaire des aliments, etc.” ●

Essentiel ❚ Dès que quatre rendez-vous successifs sont pris, les assistantes laissent un rendez-vous libre, pour pallier les imprévus. ❚ Les vétérinaires ne répondent pas au téléphone. Si besoin, ils rappellent le client ou la secrétaire prend un rendez-vous téléphonique. ❚ Les praticiens disposent chacun de quatre demi-journées libres par semaine, mises à profit pour les éventuelles tâches longues.

Dès que quatre rendez-vous successifs sont pris, les assistantes ont pour consigne de laisser un rendez-vous libre pour faire face aux dépassements de temps ou aux imprévus (clients venus sans rendez-vous, urgences, etc.). ●

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management

la gestion du stress en clientèle

Bien comprendre les mécanismes qui provoquent le stress permet de lutter contre cette réaction d’adaptation de l’organisme, associée à de l’anxiété ou à une hyper-réactivité émotionnelle.

C

hacun de nous a des points de sensibilité particuliers : l’un déclenche une forte anxiété devant les problèmes fiscaux, un autre devant un client "agressif", un troisième, une forte colère à l’occasion d’une remarque apparemment anodine, etc. ● Après avoir défini le stress (encadré 1) et décrit des situations classiques rencontrées en clientèle, cet article présente des méthodes pour réduire les nuisances causées par ce phénomène biologique. Les représentations mentales personnelles Les expériences désagréables (en général, les expressions de la peur, jusqu’à la pa-

nique et à l’impuissance) sont plus facilement mobilisées. Nous l’avons tous constaté dans notre vie personnelle. Elles nous procurent, de façon paradoxale, un avantage : elles nous protègent, en nous mobilisant plus rapidement, d’une situation reconnue comme dangereuse. ● Mais cela constitue un inconvénient pour notre tranquillité quotidienne. Si nous mobilisions aussi fréquemment notre mémoire émotionnelle pour nous rappeler des expériences agréables, nous serions beaucoup plus gais, mais aussi plus insouciants. ● Par ailleurs, notre cerveau élabore des liens entre nos représentations mentales, et crée des associations, parfois inconscientes, entre des émotions, des situations et des représentations, parfois très éloignées les unes des autres, cela en fonction de notre histoire individuelle. ● L’ébranlement émotionnel et le stress se déclenchent alors devant un signe ou un élément substitué au stimulus originel, apparemment étranger ou déconcertant, parfois même pour celui qui le vit.

Frédéric Mahé D.D.S.V. 185, bd du Maréchal-Leclerc, BP 795 85020 La Roche-sur-Yon cedex

Objectif pédagogique Comprendre les situations de stress et connaître des méthodes pour y faire face.

De petits stress répétés finissent par s’accumuler pour user l’organisme (Dessin Frédéric Mahé).

Encadré 1 – Qu’est-ce que le stress ? Une réaction d’adaption Sur le plan médical, le stress n’est jamais qu’une réaction d’adaptation ; il n’est pas pathologique en soi. Cependant, il suffit d’écouter les conversations courantes pour se rendre compte que la plupart des gens donnent à ce mot une connotation négative. L’un se plaint que son travail le stresse, un autre que les clients le stressent, ou encore qu’il a un tempérament stressé. Tel magazine titre sur “le stress est la 1ère cause de maladies professionnelles”. Dans ces cas, il s’agit davantage d’excès de stress que de stress proprement dit. ● Dans son acception usuelle, le “stress” peut être assimilé à l’anxiété, ou à un état d’hyper-réactivité émotionnelle. Il est vrai qu’un stress chronique conduit à de l’anxiété. ● En cas de stress, l’organisme se prépare à l’action, que ce soit dans une stratégie de fuite ou, au contraire, d’attaque : encore une fois, cela n’a rien de pathologique. Les muscles se tendent, le cortisol et l’adrénaline raccourcissent les délais de réaction et stimulent l‘activité cérébrale, les pupilles se dilatent, les battements du cœur se renforcent ; tout concourt à passer à l’action. ●

La réaction initiale de stress est autant adaptée à une action postérieure de fuite (associée à la peur), qu’à une stratégie d’agression (associée à la colère). Il semble que la peur domine dans les réactions usuelles, mais un choix initial existe entre colère et peur. La plupart du temps, ce choix est inconscient car lié à notre histoire personnelle. ●

Notre mémoire émotionnelle ● Les réactions de stress sont très adaptées à la survie en milieu sauvage : l’apparition d’un prédateur, par exemple, demande une réaction rapide et entière de l’organisme. Mais dans le cas de la réception d’une lettre recommandée, qu’en est-il ? ● Le stress ne se déclenche que si l’individu se sent menacé, c’est-à-dire si son cerveau détecte un danger dans la situation, telle qu’il la perçoit. En effet, nous disposons d’un "amplificateur" de danger : notre mémoire émotionnelle. Située vraisemblablement dans l’amygdale, elle stocke et restitue nos expériences émotionnelles, associées aux situations dans lesquelles elles ont eu lieu, qu’il s’agisse d’un courrier des impôts ou de l’apparition d’un lion dans la savane.

Essentiel ❚ Sur le plan médical, le stress est une réaction d’adaptation. ❚ En cas de stress, l’organisme se prépare à l’action, que ce soit dans une stratégie de fuite ou, au contraire, d’attaque. ❚ Le stress ne se déclenche que si l’individu se sent menacé. ❚ Le stress mobilise plus facilement les expériences désagréables de notre mémoire émotionnelle.

MANAGEMENT

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test clinique les réponses

urolithiases chez un lapin

Olivier Reboul* Marie-Pierre Callait** *Cinique vétérinaire Dromel 425 boulevard Romain Rolland 13008 Marseille **E.N.V.L., 1 avenue Bourgelat 69280 Marcy l’Étoile

1 Présence d’urolithiases vésicales (flèche). Il ne s’agit probablement pas d’un calcul unique, mais de sable, en raison de la forme allongée.

3

Aspect de l'urine d’un lapin atteint d’urolithiases. Une analyse d'urine est réalisée : bandelette, densité, et culot urinaires ainsi qu’une analyse spectrophotométrique infra-rouge (photos O. Reboul).

Figure - Apport calcique de différents végétaux [5] Riche

- Brocolis - Chou chinois - Cresson - Chou frisé - Pissenlit - Persil - Épinard

Modérément riche

- Chou - Fraise - Radis - Feuilles de radis

Pauvre

- Carotte* - Chou-fleur - Concombre - Laitue - Tomate* - Banane* - Pomme - Poire - Chou de Bruxelles

* Ces végétaux sont également riches en phosphores.

Références 1. Boussarie D. Urolithiase du lapin de compagnie. Le Point Vétérinaire, 1999;30(n° spécial):56-57. 2. Garibaldi B, coll. Hematuria in rabbits. Lab Anim Sci, 1987;37(6):769-72. 3. Harkness J, Wagner J. The biology and the medicine of rabbits and rodents. 4th ed, Williams and Wilkins. Baltimore, 1995:372. 4. Paul-Murphy J. Reproductive and urogenital disorders, in Ferrets, Rabbits, and Rodents - Clinical medicine and surgery, Hillyer E and Quesenberry K, WB Saunders: Philadelphia.1997:202-11. 5. Richardson V. The urinary system, in Rabbits, Health, Husbandry and Diseases, Richardson V, Blackwell Science Ltd: Oxford, 2000:64-72. LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE 176 - MARS / AVRIL / MAI / 2005

1 Quelles sont les hypothèses diagnostiques ? Comment interpréter la radiographie abdominale ? ● En raison de la douleur abdominale et de l'hématurie, des calculs urinaires (rénaux, urétéraux, vésicaux ou urétraux) sont suspectés. ● Une affection utérine peut également être à l'origine de ces symptômes. ● La radiographie abdominale révèle une petite vessie avec une grande quantité de sable (photo 1). 2 Quelle conduite thérapeutique tenir ? ● Afin de préciser la nature des lithiases, une cystotomie est réalisée (photo 2). Remarque : un traitement médical peut être envisagé lors de non obstruction des voies urinaires. L'urètre est cathétérisé, comme chez un chat, sous anesthésie, notamment avec du diazépam (3 à 5 mg/kg par voie intramusculaire) qui permet un relâchement du muscle urétral. L'utilisation du butorphanol est recommandée pour assurer une analgésie indispensable (0,1 à 0,5 mg/kg par voie sous-cutanée ou intramusculaire, produit non disponible en France) [4]. - La lapine est anesthésiée par voie intramusculaire avec de la médétomidine (Domitor® 200 µg/kg) et de la kétamine (Imalgène® 15 mg/kg), l’entretien de l’anesthésie est assuré avec de l’isoflurane au masque. - La technique chirurgicale de la cystotomie est celle effectuée chez les carnivores. Il convient néanmoins de veiller à l’hypothermie, car en raison de leur petite taille, les déperditions de chaleurs sont rapides chez les lapins [1, 3, 4, 5]. ● De couleur brune, l’urine obtenue est très trouble (photo 3). La bandelette urinaire révèle une légère protéinurie (+) et un pH supérieur à 9 (tableau). La densité urinaire, mesurée au réfractomètre, est de 1,032. De nombreux débris cellulaires et quelques cristaux d’oxalate de calcium dihydrate sont présents dans le culot urinaire. Une partie de l'urine et du sable isolé dans un tube sec sont adressés au laboratoire afin de préciser la nature des lithiases. L'analyse spectrophotométrique infra-rouge montre que les cristaux sont constitués de carbonates de calcium et de phosphates amorphes de magnésium. Remarque : Physiologiquement alcaline (pH moyen de 8,2), l'urine du lapin est est riche en cristaux (surtout carbonates de calcium, et des phosphates ammoniaco-magnésiens) [1, 4]. 3 Quels sont les facteurs prédisposants ? ● Les facteurs prédisposants aux urolithiases sont les désordres métaboliques, des infections bactériennes (Escherichia coli, Staphylo-

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Tableau - Résultats de l’analyse urinaire et valeurs usuelles [1] Résultats Valeurs usuelles ●

Densité

pH

Cristaux

Cellules

Protéines

1,032 (réfractomètre)

1,003 – 1,036 (réfractomètre)

>9

8,2

- Carbonates - Phosphates de calcium ammoniaco-magnésiens - Phosphates - Carbonates de calcium amorphes de monohydrates magnésium et anhydres Absence

Absence à rare

+

Occasionnel chez les jeunes

coccus sp.), le sexe mâle, l'obésité, le manque d'exercice et des facteurs génétiques [1, 3, 4, 5]. ● Les facteurs déclenchants sont l'abreuvement insuffisant et l'excès de calcium alimentaire. Le lapin est en effet incapable de réguler son absorption intestinale de calcium [1, 5]. L'excès est excrété par les reins, ce qui explique les cristaux calciques urinaires à l'état physiologique. La précipitation est observée dès que le pH urinaire dépasse 8,5. L'excrétion urinaire du calcium est de l'ordre de 45 à 60 p. cent chez le lapin (ce qui correspond à 1 à 18 g de calcium par litre d'urine) alors qu'elle est inférieure à 2 p. cent chez les autres animaux [1, 2, 3, 4, 5]. 4 Quelle prophylaxie mettre en place ? ● La prévention des lithiases et des récidives implique une diminution du calcium ingéré et l'acidification des urines. - Seule la vitamine C est conseillée (dilution de 200 mg par l d'eau de boisson). Les autres acidifiants urinaires utilisés chez les carnivores domestiques peuvent altérer la flore digestive [5]. - Pour l'apport calcique, il convient de modifier l'alimentation. Le rapport phospho-calcique (Ca/P) doit être de l'ordre de 1,25. Très utilisée dans l’alimentation des lagomorphes, la luzerne ne doit pas dépasser 40 p. cent de la ration. Dans le cas d'une alimentation ménagère, la figure indique l'apport calcique de différents végétaux. ● Il convient de privilégier un abreuvement suffisant, des apports protéique et glucidique modérés, de favoriser l'utilisation des fruits et légumes (qui doivent représenter 50 p. cent de la ration). ● Tout complément minéral vitaminé doit être proscrit [1, 5]. Un lapin de compagnie qui a déjà présenté des urolithiases, doit recevoir 5 g de calcium/kg en régime courant, 8 g de calcium/kg en lactation et en croissance et ❒ 25 µg/kg de vitamine D [3].


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