90e anniversaire PUF

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Pour qui aime la vérité, le savoir cesse d’être un moyen pour devenir une fin en soi, ou plutôt (puisqu’il n’est de finalité que pour un désir) une fin ultime ou suffisante. Ce savoir-là ne sert à rien, pas même à être heureux. Mais tout bonheur, sans lui, ne serait qu’ignorance ou illusion.

André COMTE-SPONVILLE

“On dit souvent que la connaissance progresse car

ceux qui en font métier seraient (…) des nains sur des épaules de géant. Or – au-delà du fait que la métaphore est difficile à concrétiser physiquement (…) – si nous sommes tous, à un moment ou à un autre, découvreur, transmetteur, éducateur, accumulateur, ne devrions-nous pas plutôt dire que nous sommes tous des nains, sur des épaules d’autres nains (passés et actuels). Alors, le rôle du savoir est de faire mieux vivre tous ces nains. C’est-à-dire nous tous.

Julien DAMON

“ “À quoi sert le savoir ? ” Pourquoi donc devrait-il

servir à quoi que ce soit d’autre qu’à lui-même ? Aristote, qui en savait quelque chose, du savoir, commence par lui, ou plutôt en fait le commencement du reste : tous les hommes désirent par nature savoir. On ne cherche pas à savoir pour autre chose que ce qu’on saura ainsi, mais simplement pour le savoir lui-même. Le savoir n’a rien d’un moyen, puisqu’il s’impose au désir. On désire savoir comme on désire voir ou respirer. Celui qui ne désirerait pas savoir pour le plaisir de savoir ne serait tout simplement pas humain.

“À quoi sert le savoir ? Si vous voulez le savoir,

le savoir ne sert à rien. À rien d’autre qu’à savoir, à rien d’autre qu’à le vouloir. À rien d’autre qu’à luimême. Car le savoir n’est pas une utilité, un moyen, un outil, un médium, il n’est pas même une fonction, il est une fin. Une fin ? Oui, un faim d’ogre inextinguible, une soif qu’on ne peut étancher, une conduite, un processus qui se renouvelle par soi et qui s’accomplit en se développant. Le savoir n’est pas intransitif, il est le savoir de quelque chose, mais il n’est pas le savoir au service d’autre chose.

Blandine KRIEGEL

Qui ne s’est surpris un jour à prononcer tout au fond de lui-même : « Je sais bien… mais quand même ». Cela s’appelle le déni. L’être humain est ainsi fait que lorsque ça l’arrange, il peut oublier ce qu’il sait pourtant très bien. Nos personnalités sont pleines de caves et de greniers dans lesquels sont enfermés des savoirs que nous choisissons d’ignorer. (…) Savoir, c’est voir, et faire voir autrement. Il y a un avant et un après le savoir. Parce que le savoir, tout savoir, modifie notre regard sur ce qui nous entoure.

Serge TISSERON

L’opposition entre le savoir et la vie ne date pas d’aujourd’hui, mais elle prend aujourd’hui une importance toute particulière, après un siècle où les enjeux des positions tranchées sur ce point n’ont cessé de se creuser, et en un moment où tout peut et doit se rejouer. Faut-il croire que le savoir tue la vie comme la lettre l’esprit ? ou au contraire que la vie déforme le savoir comme l’utile dénature le vrai ?

Jean-Luc MARION

Frédéric WORMS

“Suffit-il

d’éclairer les hommes pour les rendre meilleurs ? Ce pont-aux-ânes de la pensée philosophique a du bon : il nous rappelle que, quelle que soit la réponse apportée à une telle question, il n’y a pas d’émancipation véritable sans savoir, et que celui ou celle qui a la malchance d’en être privé et la conviction erronée de pouvoir s’en dispenser reste, par delà les progrès techniques, un voyageur sans bagages dans son parcours de vie.

Jean-François SIRINELLI

Directrice des relations extérieures :

On a longtemps pensé que le pouvoir était indifférent au savoir, parce que le savoir n’était accessible qu’à une petite minorité de savants et n’avait guère d’influence sur les choix politiques.(…) Le pouvoir, en effet, s’intéresse à l’opinion parce qu’elle est la reine du monde, c’est elle qui peut accréditer ou discréditer un pouvoir. (…) Mais le savoir, qui s’en soucie, mis à part ceux qui le font ou ceux qui s’y intéressent ? En vérité, le pouvoir n’a jamais été indifférent au savoir.

Yves Charles ZARKA

Attachées de presse :

Dominique Reymond

Patricia Ide-Beretti

Caroline Psyroukis

01 58 10 31 85 • reymond@puf.com

01 58 10 31 89 • ide-beretti@puf.com

01 58 10 31 91 • psyroukis@puf.com

90 AnnivErsAirE e

1921-2011

www.puf.com

72 intellectuels d’aujourd’hui 72 textes pour penser et agir Extraits... “Le savoir doit permettre d’être heureux – c’est

même ce qui non seulement m’a permis d’être heureux, mais – surtout – ce qui m’a permis de le rester. (…) On retrouve alors le conseil de Nietzsche : “Où que tu sois, creuse profondément. À tes pieds se trouve la source !” » (Le gai savoir, prologue, § 3). Je suis un puisatier heureux.” Jean-Robert ARMOGATHE

“ Il est vrai que le savoir libère, mais le savoir qui libère véritablement sert d’abord à augmenter notre souffrance, à nous déchirer et à nous diviser – et c’est peut-être à cela qu’on le reconnaît.” Pierre-François MOREAU

“En ce début du XXI

siècle, le moment est à la grande liquidation. Aujourd’hui on brade. (…) On connecte à toute allure des myriades de documents numérisés à la hâte. Le savoir ne serait plus désormais qu’en ligne. Il faudrait tous nous transformer en pécheurs à la ligne, à l’épuisette et à l’aveuglette.” e

MICHEL DELON

“La nature du savoir est paradoxale, à la fois démesurée et insuffisante, immense et impossible à clore. C’est la raison pour laquelle le savoir est essentiel à l’homme : il lui sert à devenir infiniment grand et à rester infiniment petit.” Claude GAUVARD

““Ah ! la belle chose que de savoir quelque chose !”

On reconnaît en ces mots l’émerveillement béat du Bourgeois gentilhomme, héros éponyme de la pièce de Molière, à qui l’on apprend quelque chose (Acte V, scène 2). Lui ne se demande pas à quoi sert le savoir, il en jouit. Notre bourgeois n’est pas si benêt que cela. Il s’émerveille de l’essentiel.” Paul-Laurent ASSOUN

“Le savoir rend puissant ; il ne rend pas bon.

Le savoir a transformé radicalement la vie humaine, son rapport au temps, à l’espace, à la nature. Mais les hommes des Lumières avaient tort – le savoir ne s’est pas accompagné de progrès moral. (…) Leçon amère qui contraint à reconnaître non que le savoir ne sert à rien, mais qu’il ne suffit pas au progrès social et moral.” Monique CANTO-SPERBER

“Le savoir n’est pas un singulier, mais un plu-

riel, il résulte des conquêtes qu’il conduit comme autant d’attaques du réel. Il ne constitue pas une totalité, il ne se définit pas, une fois pour toutes, par la bibliothèque unifiée des textes qui en présentent les pièces. (…) Le savoir, c’est la liberté de l’esprit qui dispose du monde et n’est pas à la disposition de puissances imaginaires qui concourent à son aliénation.” Georges BALANDIER


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