Pour Emma
Pour Emma La vĂŠritable histoire de la catastrophe du car de Sierre
Tony Reynders
Nous adressons nos chaleureux remerciements: Aux traducteurs bénévoles Amy, Anne, Armand, Catherine, Eduard, Elsina, Eve-Marie, Floris, Gaëtan, Hilde, Ineke, Isabelle, Jacques, Jean, Joseph, Julien, Karine, Kristin, Kristof, Leen, Maria, Marjan, Michel, Nadine, Nicole, Pascale, Patricia, Urbain, Winston, À Nicole Luxem et Joseph Wijns, pour la supervision et la responsabilité de la traduction À Alain Rittiner, initiateur et coordinateur de la traduction Aux divers relecteurs ainsi qu’à toutes les personnes ayant contribué, par leur soutien et leurs efforts, à la publication de ce livre.
Editions à la Carte © Livre n° 1650 – Novembre 2015 ISBN 978-2-88924-234-4 www.editions-carte.ch
Edition originale: © 2014 – Tony Reynders & Editions Van Halewyck Diestsesteenweg 71a – 3010 Leuven www.vanhalewyck.be Responsabilité des photos: © EPA: p. 22 (en haut à gauche), 184 (en haut à gauche, -dessous) © Belga Image: p. 22 (à gauche au centre, -en dessous et à droite), 68 (à gauche en haut, -au centre), 80 (à gauche), 86, 112 (tout sauf à gauche en dessous), 134 (à droite), 146 (3 photos à gauche en dessous), 184 (à gauche au centre, à droite), 202 (à gauche au centre, à droite), 256 NUR 402/320 ISBN 978-2-88924-234-4 D/2014/7104/55
Mot de l’éditeur « Je n’avais qu’une pensée : rentrer chez moi pour raconter à mes amis, les deux jours les plus affreux de ma vie…» Ce sont les mots de l’auteur de ce récit, le père de la petite Emma qui fait partie des 22 enfants qui ont perdu la vie dans le tragique accident de car du tunnel de Sierre. « J’essayai de tenir mon cerveau éveillé. C’était comme si je n’avais pas vécu ces deux dernières journées, comme si elles n’avaient pas eu lieu ». La douleur d’un père face à la disparition si brutale de sa fille unique de 12 ans est indicible. Courageusement, deux ans après le drame, Tony Reynders a pourtant pris la plume pour écrire cette histoire, pour mettre des « mots » sur ses « maux ». L’écriture, comme catharsis, dans une tentative de se libérer du traumatisme que laisse inévitablement une telle épreuve. L’artiste néerlandais Bram Vermeulen a écrit « qu’on est mort que lorsque l’on est oublié », rappelle le père d’Emma. C’est l’autre raison de ce livre : perpétuer le sourire, la vitalité, l’effronterie de cette adolescente aux yeux bleus qui faisait le bonheur de ses parents. La 2e partie de l’ouvrage est consacrée à la recherche des causes de cet accident, le plus grave qu’a connu la Suisse. Il s’agit là d’une enquête et de témoignages personnels d’un père meurtri en quête de vérité sur les circonstances du décès de sa fille. Tony Reynders y donne son propre point de vue. L’éditeur souligne donc que les propos et les thèses défendues dans ce chapitre n’engagent que son auteur. La version originale de « Pour Emma – La véritable histoire de la catastrophe de car de Sierre », fut un succès de librairie en Belgique. L’intérêt de ce témoignage sur un drame qui s’est déroulé à Sierre et qui a ébranlé la population valaisanne et suisse justifiait une version française du livre. Un livre qui rend également hommage à tous ceux qui se sont mobilisés – secouristes, pompiers, médecins, police… – pour venir en aide aux victimes prisonnières de l’enfer du tunnel. Tragique, cette histoire est cependant illuminée par l’éclatant sourire d’Emma: une étoile au firmament… Les Éditions à la Carte 5
Table des matières
Préface
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Dès qu’elle le pouvait, elle s’asseyait sur vos genoux.
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Leurs derniers pas sur sol suisse
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Se réveiller en plein cauchemar
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La visite du tunnel
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Les petits cercueils atterrissent à Melsbroek.
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Le pays en deuil
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Une lettre de Suisse
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La commémoration d’Emma
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Il n’y a jamais d’adieu
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La cérémonie à Lommel
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Et maintenant ?
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En visite à l’école de Beersel
133
Du traumatisme jusqu’au spécialiste du deuil
139
Symbolisme et signaux
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13 mars, une date à ne JAMAIS oublier
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Juin 2012 : dans le sillage d’Emma pour une deuxième fois en Suisse
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Juillet 2012 et mai 2013 : retour en Suisse
173
A la recherche de survivants dans le tunnel du malheur
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Une enquête pleine de frustrations
207
Ma recherche personnelle de réponses
227
Les médias sont plus puissants que l’épée
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Facebook : un lien avec le monde, une fuite hors de la réalité
271
Le dernier mot ; témoignages personnels
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Conclusion
331
Sincères remerciements
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Préface
14 mars 2012: la Belgique se réveille avec des nouvelles qui laissent chacun dans un état de stupéfaction. En Suisse, la veille au soir, est arrivée une catastrophe avec un car belge ramenant de jeunes enfants des classes de neige depuis la station de Saint-Luc. Dans le véhicule, il y avait 52 personnes, toutes venant des écoles primaires ‘t Stekske de Lommel-Kolonie et Sint-Lambertus de Heverlee. Trois quarts d’heure après son départ de SaintLuc, le car est entré à pleine vitesse en collision frontale avec un mur perpendiculaire du tunnel. Ce qui s’est passé précisément n’est pas encore clair. Le bilan, par contre, l’est douloureusement: 28 personnes n’ont pas survécu, 22 enfants et 6 adultes. Les nouvelles font immédiatement le tour du monde. Aux marques de soutien succèdent incompréhension et impuissance. Tous les programmes radio et télé mettent l’événement à la Une, des sites web diffusent des informations minute par minute et écoulent toutes les données disponibles. Des émissions télévisées supplémentaires montrent des images de l’opération de secours à la sortie du tunnel. Le monde entier voit les hélicoptères atterrir et décoller et les ambulances entrer et sortir du tunnel. Ce sont des images qui sont gravées dans les mémoires, notamment celle de l’épave du car qui est conduite dans un hangar. Je fus moi aussi soudainement confronté à cet événement. Non pas à distance, mais de très près. Le téléphone me tira de mon sommeil, il était six heures trente. Les mots « le car d’Emma a eu un accident et il y a 28 morts » m’ont propulsé sans aucune préparation dans un film. Un film dont le scénario
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a été écrit par je ne sais qui, une histoire avec une fin indécise qui allait complètement changer ma vie et celle de beaucoup d’autres. Il semblait y avoir un billet pour des montagnes russes émotionnelles réservé pour moi. Je ne connaissais pas encore l’influence de ce message, ne savais pas encore que c’était un trajet pour la vie, et non seulement un cauchemar quelconque. Pourtant je ne compris pas tout de suite les mots qui m’avaient éveillé. Je ne pouvais pas réfléchir clairement, et encore moins ressentir quelque chose. Mon seul souci, c’était Emma. 28 morts, 52 personnes à bord du car. Un calcul vite fait me fit réaliser que ma fille avait une chance sur deux, la moitié. Dès ce moment, je fus bouleversé par la réalité. Je ne voulais qu’une chose: aller en Suisse, être avec Emma, n’importe comment. J’imaginais que j’allais la voir quelques heures plus tard dans un hôpital. Mon but était d’arriver sur place le plus vite possible, de n’importe quelle façon. Tout ce qui me passa à ce moment par la tête est impossible à décrire. Une minute semblait durer plus longtemps qu’une heure. Les heures qui suivirent étaient emplies d’une terrible incertitude – nous étions dépendants d’informations qui semblaient ne pas nous atteindre. C’est seulement douze heures plus tard que nous avons su, en Suisse, que tout espoir était perdu. Qu’Emma faisait partie du côté négatif de mon calcul mathématique, du groupe « 28 ». Ces premières heures, ces jours et semaines sont seulement descriptibles comme pure incrédulité, amer désespoir et émotions. Pourquoi elle, pourquoi Emma ? Dès mon retour de Suisse, j’ai commencé à écrire ; les mots sur le papier étaient une manière de donner un sens temporaire à ce qui s’était passé. Ça me donnait la chance de vider ma tête, souvent avant une nouvelle prolifération d’informations et de sentiments. Ce qui m’attendait était pour moi un grand point d’interrogation, je n’avais plus le contrôle sur moi-même. Je ne pouvais plus que fixer cet événement central, avec l’illusion qu’à chaque instant la porte allait à nouveau s’ouvrir et qu’Emma rentrerait. Encore maintenant, j’ai l’impression de ne pas encore être entièrement sorti de ce cauchemar. Encore maintenant, je me surprends à penser de la même manière. Cette seule question centrale: « Pourquoi ? Et comment ? »
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Dans le passé, quand les gens me disaient que la perte d’un enfant était la pire chose qui pouvait arriver à quelqu’un, je pensais que la rupture soudaine de toute relation et le manque de contact physique seraient le pire. Entre-temps, j’ai changé d’avis, mais je peux confirmer que ces gens avaient raison. La mort de ton enfant te vide, te détruit. Si j’avais eu la garantie de retrouver Emma en me suicidant, alors je l’aurais fait. Durant cette période, j’ai perdu pas mal de gens autour de moi. Ils partaient à cause du chagrin, ne savaient plus comment réagir. Mais je croisais aussi sur mon chemin composé de hauts et de bas, beaucoup de compagnons d’infortune, qui constituaient une grande plus-value et qui m’ont énormément aidé jusqu’à aujourd’hui. Tu vas te coucher avec la mort de ton enfant et tu te réveilles le lendemain avec. La recherche de l’introuvable ne donne pas seulement un sentiment bizarre et inédit, mais détermine aussi l’ambiance de ton environnement proche. Cela influence ton partenaire, tes amis et connaissances. Il en résulte une perte d’énergie irréparable au travail. Ça change ta vision du monde. Tout commence bien sûr avec les faits, les premières heures. A ce genre de nouvelles et à la manière dont je les ai apprises, aucun homme ne résisterait. L’incertitude, ne pas savoir pendant des heures si Emma était vivante ou morte: c’était l’enfer. C’est difficile de mettre ces sentiments dans des phrases ; des situations et des événements se prêtent mieux à cela. C’était pour moi un désir naturel d’essayer de découvrir pourquoi et de quelle façon le car a percuté ce mur, aller à la recherche des réponses à beaucoup de questions. Pour cela j’étais dépendant d’autres personnes, je devais faire confiance à une enquête, qui était menée loin d’ici. En première instance, je vivais avec l’idée que ça se faisait d’une manière acceptable. Mais après un certain temps, la méfiance grandissait. La Suisse optait pour peu de transparence, le gouvernement belge regardait simplement. Mes constatations et celles de beaucoup d’autres demandaient une enquête propre, indépendante des instances officielles. Nous avions le sentiment de n’avoir pas d’autre choix. Dès le début, j’ai choisi de ne pas être réduit au rôle de victime. J’ai toujours eu l’intention de transmettre cette expérience aux autres, de n’importe quelle manière. Ce livre est l’un des plans que j’ai déjà réalisés. Mon but ultime est de 11
partager une histoire qui passionne encore tout le monde. Plus de deux ans après, il y a encore régulièrement des gens qui me demandent ce qui s’est exactement passé dans le tunnel. Ce livre aimerait en proposer un aperçu. Le lecteur remarquera indubitablement que dans certains chapitres je ne peux trouver le mot « gris ». C’est noir ou blanc, sans demi-teintes. C’est le résultat de mes expériences, qui m’ont apportée les frustrations insurmontables. Il y a deux fils rouges qui traversent ce livre. Il y a la perte de la chair de ma chair et, à côté, la quête des raisons pourquoi ceci devait et pouvait arriver. Mais ce livre est avant tout un hommage à Emma. Une fille éblouissante qui n’a pas eu plus longtemps le choix de réaliser toutes ses idées. C’est Emma qui m’a fait réaliser après un temps que ça lui ferait plaisir que l’on puisse à nouveau être joyeux, qu’à nos larmes succède un sourire. C’est à elle que j’ai promis dans le tunnel d’aller jusqu’au bout et de décortiquer ce que veut dire: « être au mauvais endroit au mauvais moment ». Tony Reynders
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