De la Terre au Ciel, Thévoz Jacqueline

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Jacqueline Thévoz

De la Terre au Ciel Poèmes d’une vie

Editions à la Carte

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De Jacqueline Thévoz aux Editions à la Carte Ont été publiés à compte d’éditeur :

Vieillesse en petits morceaux, 2001 Simon l'Infidèle (roman), 2002 Rhapsodie autobiographique, 2005 Vacances en Purgatoire, 2006 La Fin du monde comme si vous y étiez, 2007 44 leçons de foi, avril 2008 Contes et légendes de l'Au-Delà, décembre 2008 Mourir avant l'hiver ! (journal), avril 2010 Musique et explosifs (poèmes), juin 2010 Saga familiale, les Thévoz-Thürler, avril 2011 Le souffle de la mort, avril 2012 Pourquoi l’Apocalypse n’a pas eu lieu, 2013 Jacques Thévoz tel que je l’ai connu, 2014 De la terre au ciel, poèmes d’une vie, mars 2015 Nos remerciements à Jacqueline pour sa fidélité. J. Lamon, Editions à la Carte

Fonds Jacqueline Thévoz Disponible depuis 2007, aux archives de la Bibliothèque cantonale et universitaire BCU, Lausanne.

Editions à la Carte www.edcarte.ch N° 1624 – mars 2015 ISBN 978-2-88924-208-5 Imprimerie Calligraphy.ch 2


Je dédie ce recueil de poèmes à mes deux filles et à mes deux petits-enfants

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"A boy aged seven who was dragged to safety after being led into the sea by his mother told his rescuers: "Me and mummy are going to Paradise". Even in the ambulance the boy kept asking: "Is this Paradise ?"

"Un garçon âgé de sept ans qui a été traîné à la Sécurité après avoir été conduit dans la mer par sa mère a dit à ses sauveteurs: "Moi et maman vont au paradis."Même dans l'ambulance le garçon a demandé: "Est-ce le paradis ?" (Fait divers extrait d'un journal anglais)

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Le Paradis Calme est l'océan. Vont y pénétrer la mère et son fils de sept ans, fixant L'horizon d'un long regard D'espoir. Aller tout droit, sans s'arrêter! Le joli jeu! S'y livrait la mère au temps où elle était enfant... L'eau gourmande lèche déjà les dodus petits pieds. L'enfant pleure un peu A cause du froid. "Ne pleure pas! Nous allons au Paradis..." – Est-il encor loin d'ici ? – Non, mon angelot. Tu le verras d'abord à travers l'eau." Toujours si calme est l'océan... Il monte, monte insensiblement. Il fait à la mère un vaste collier bleu pâle Et à l'enfant, que la mère porte à présent, Une ceinture royale. "Pourrons-nous, Maman, Causer encore ensemble sous l'eau ?... Mais tu ne parles plus! Vois-tu Déjà le Paradis ? Et qui sont ces gens dans ce bateau ?" Les sauveteurs accourent. "Cette folle et son petit ! Portons-leur secours!" L'enfant, près de sa mère, qui semble reposer, Ouvre tout grands ses yeux confiants, ses yeux d'enfant, Dans l'ambulance aux pauvres noyés. 5


"Est-ce là le Paradis? Je ne l'ai pas vu à travers l'eau... Maman, retournons dans l'océan ! Ne m'avais-tu pas promis Que nous irions ensemble au Paradis ?"

(Ce bouquet de poèmes... Pour le Prix Roger Kowalski)

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Lyon J'étais allée à toi avec ma mère. Nous avions Déposé Aux pieds De Notre-Dame de Fourvière Un bouquet de prières. Lyon! Nous avions Hanté ta foire Dans la joie Comme deux écoliers tout guillerets. Nous avions caressé tes pièces de soie. Nous nous étions arrêtées pour boire Un apéritif Bisset A la gloire Des empereurs Claude et Caracalla, De Coysevox, de Philibert Delorme, de Dame Récamier, de Suchet, De Jussieu, de Duphot, de Jacquard et d'Ampère, De Meissonier, de Philippe V le Long., De Puvis de Chevannes Et des massacrés du siège de Kellermann. Et voilà que tu m'invites, aujourd'hui, Lyon que j'aime, A te faire un bouquet de poèmes. Tu as choisi ce nom de Kowalski Comme si tu m'encourageais... Au temps de la dernière guerre Nous étions en Suisse, et Maman rencontrait Chaque jour, dans le train Du matin. Un Polonais 7


Bon et triste, qui était Interné pour un temps. Ils se souriaient Simplement. Dans ce train. Ils se sont souri chaque matin Sans se connaître Durant de longs mois, Et, un jour, quittant sa fenêtre, Le Polonais vint s'asseoir près de Maman chérie Pour lui dire ceci: "Je m'appelle Kowalski Et je dois retourner au pays. D'ici trois mois si vous n'avez plus de nouvelles de moi Vous saurez que l'on m'aura Jeté dans l'Au-Delà... Alors, en souvenir, vous garderez cela." C'était un peu d'argent Et des petits objets émouvants: Une croix de bois, Des photos jaunies... "Vous comprenez, je suis Seul au monde." Maman n'a plus rien entendu de lui. Elle est partie aussi, depuis... Et j'ai fait le tour du monde. Lors, Avec des larmes dans mes yeux Devenu vieux, J'apporte à Lyon que j'aime Ce bouquet de poèmes...

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PERSONNAGES

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Hommage au corps nu de ma mère Alors qu'encor j'étais jeune, gaie et rieuse, Dans sa grande sagesse, ma mère m'enseigna L'art de demeurer calme, impassible et rêveuse Devant les nudités que j'avais devant moi. Alors que brillait fort le soleil des vacances, Elle étalait son corps, ses seins et son gazon Sur le sol desséché. Sa joie était immense Lorsqu'elle subissait l'ardeur des chauds rayons. J'admirais, en silence, la taille de Maman, Sa poitrine un peu folle, et ses hanches rebelles Aux claques quotidiennes. Massages abondants N'avaient fait que les rendre encore bien plus belles, Leur donnant la vigueur, la rondeur des fruits mûrs. Les devants de Maman sont d'un modelé sûr, Avec des bas-reliefs provocants, tentateurs, Où s'ouvre une toison aux rouquines lueurs Comme les canadiens érables, après l'été. Elle le savait bien: c'était pour les montrer Qu'imperturbable et digne elle osait s'exposer A mes regards ravis d'enfant très initié Qui ne craint pas le nu et les déshabillés. Mais lorsqu'était venu l'instant de se vêtir, Quand le soleil d'été trop brûlant se faisait, Maman, rouge et honteuse, me priait de partir Là-bas vers la grand'route, voir si elle y était. Ce changement d'état lui rendait la pudeur Comme un changement d'air peut rendre la santé, Et, mes yeux s'emplissant de soudaine frayeur, Je m'en allais bien loin, en courant, me cacher.

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Maman-Soleil Il y a, de par le monde, des mères qui aiment leurs enfants Pour les garder à elles, jalousement. Il y a des mères qui donnent pour recevoir en retour, Il y a des mères qui se plaignent tout le temps, Qui disent avoir assez joué le rôle de robot Pour leurs marmots Au temps où ils avaient dix ans. Il y a des mères qui soignent leur progéniture Comme des fleurs en pot Et puis les jettent dans la vie Comme par la fenêtre Et les laissent rouler dans l'abîme Sans même les aider à remonter. Il y a des mères qui élèvent leurs ouailles En s'y déchargeant les nerfs Comme sur des matelas usés Ou des tapis à taper. Enfants-martyrs, boucs émissaires, Vous en auriez à raconter Sur ce que vous appelez vos mères... Je connais une vraie maman: C'est la mienne. Elle aime autant qu'elle m'aime Tous ceux qui m'aiment. An après an Elle n'a jamais cessé de me sourire, Même à travers ses larmes, Et n'a jamais cessé de me donner Jusqu'à n'avoir plus rien: Pour moi s'est déshabillée, S’est oubliée complètement. Elle voudrait agoniser le plus tôt possible 11


Pour que je puisse avoir encor tout ce qu’elle a sur elle, Et me redonne ce qu'on lui donne, Revend pour moi tout ce qu’elle a, Et me redonne ce que j'essaie en vain de lui donner. Jamais je n'ai pu l'inviter à ma table : Elle apporte tout le dîner Et puis s'assoit un peu plus loin, à jeun, Pour travailler pour moi. Tout ce que j’ai de bon au cœur C’est à elle que je le dois, Qui n’a eu que des paroles de confiance et de douceur, M'a fait don de toute sa peine, toute sa vie, tous ses biens. Mon propre bonheur est condition du sien. Elle ne pensera jamais à elle. Si, au zénith de la vie, il y a un seul astre resplendissant Qui ne se couche jamais, S’il y a une seule sainte au monde, C'est Maman, Maman-Soleil.

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