L'Affaire Dickinson

Page 1


© Éditions Apogée 2005 ISBN 2-84398-196-4


Hélène Hémon et Michel Tanneau

L’affaire Dickinson Préface d’Hervé Rouzaud-Le Bœuf

Éditions Apogée



Préface

« L’Affaire Dickinson » ! Très vite, ce vocable facile, mi-judiciaire mijournalistique, s’est imposé pour évoquer le viol et la mort de Caroline Dickinson, la jeune Anglaise de 13 ans, presque encore une enfant, retrouvée étouffée au matin du 18 juillet 1996 par les quatre autres collégiennes venues comme elle de Cornouailles en Grande-Bretagne et qui partageaient sa chambre dans l’auberge de jeunesse de Pleine-Fougères, en Bretagne, non loin du Mont-Saint-Michel, à l’occasion d’un voyage scolaire commencé dans la joie et prématurément achevé dans la tristesse et l’incompréhension. Vocable dérisoire au regard du drame dont cette petite chambre a été le théâtre, en fin de nuit d’été, dans la pénombre et le quasi-silence imposé à sa victime par un agresseur déterminé à assouvir coûte que coûte des pulsions sexuelles dont on saura plus tard qu’elles l’avaient déjà conduit en prison pour tentative de viol, en Allemagne. Un drame opaque, qui n’a pas cependant tout à fait échappé aux camarades de la victime, que la souffrance, malgré les manœuvres d’étouffement du violeur, a fait gémir et se débattre, réveillant brièvement deux des quatre autres collégiennes de la chambre, incapables toutefois d’imaginer l’horreur se déroulant près d’elles et se rendormant aussitôt. Vocable inattendu enfin, le nom de famille de la victime s’imposant seul, sans son prénom, demi-anonymat brutal qu’explique sans doute en partie la détermination immédiate du père de Caroline, John Dickinson, à se battre jusqu’au bout (9 ans auront été nécessaires pour arriver au dénouement) pour que soit retrouvé l’agresseur de sa fille et qu’il rende des comptes à la Justice,

7


non d’ailleurs par désir de vengeance mais par besoin de comprendre et de protéger d’autres victimes potentielles. « L’Affaire Dickinson », puisque tel est resté son nom, même après l’arrestation de l’agresseur de Caroline, mérite qu’on l’étudie. Par l’importance accordée aux vérifications génétiques (en l’absence de témoins adultes directs des faits), l’enquête judiciaire, devenue efficace à partir de la transmission du dossier à la cour d’appel de Rennes le 14 août 1997, et conduite dès lors par une équipe de gendarmes dévoués, compétents et déterminés, sous la direction initiale d’un magistrat instructeur exceptionnel, le conseiller Renaud Van Ruymbeke, aura fait date dans l’histoire pénale contemporaine en France. Pour la première fois dans notre pays, à la demande de la famille Dickinson, légitimement soucieuse que les méthodes d’enquête anglaises les plus récentes soient utilisées pour la découverte de l’agresseur de leur fille, des tests génétiques systématiques, refusés par le juge d’instruction de SaintMalo, chargé initialement du dossier, ont été réalisés dans la localité où l’agression avait eu lieu, l’agresseur n’ayant laissé de ses crimes d’autre trace qu’une signature génétique, nécessitant, en l’absence d’autres indices déterminants, des comparaisons aussi nombreuses et larges que possible. L’honneur de la commune de Pleine-Fougères devait être ainsi lavé, aucun homme de cette petite ville bretonne ne correspondant au profil génétique recherché. « L’Affaire Dickinson » aura montré aussi que si la génétique permet de confondre un agresseur a priori introuvable (celui de Caroline, qui niera longtemps l’accusation de viol et contestera jusqu’au bout avoir tué sa victime intentionnellement, devra finalement s’incliner devant l’évidence de plusieurs comparaisons génétiques concordantes), elle peut aussi disculper des suspects trop facilement mis en cause. De ce point de vue, « l’Affaire Dickinson » aura aussi été exemplaire, le premier mis en examen, aux aveux obtenus en garde à vue dans des conditions demeurées inexpliquées à ce jour, ne bénéficiant, après une détention provisoire abusivement prolongée au-delà du temps strictement nécessaire, d’un non-lieu qu’à la faveur de l’impossibilité, génétiquement établie, de sa responsabilité dans la commission des faits commis contre Caroline Dickinson. Sans doute peut-on, sans exagération, penser que « l’Affaire Dickinson » aura contribué à la généralisation du recours à la génétique dans les enquêtes pénales en France et à la création du fichier des délinquants sexuels, si nécessaire à l’indispensable prévention de cette déviance aux conséquences si dramatiques pour ses victimes.

8


Le temps passant, même les affaires pénales les plus médiatisées – et « l’Affaire Dickinson » le fut particulièrement et pas seulement en GrandeBretagne et en France – s’éloignent et sont oubliées. Que, derrière ce que l’on a donc coutume d’appeler « l’affaire Dickinson », ne disparaisse pas trop vite le souvenir du sourire d’une grande enfant joyeuse, venue chez nous pour la première (et la dernière) fois, parce qu’elle aimait notre langue et voulait connaître notre pays et qui ne demandait qu’à grandir et qu’à vivre ! À Rennes, le 2 juillet 2005

Hervé Rouzaud-Le Bœuf, avocat au barreau de Rennes, conseil de la famille Dickinson

9



Prologue

Samedi 14 avril 2001, 22 heures. Des journalistes venus du monde entier s’impatientent sur les marches du Parlement du Bretagne à Rennes. Cinq ans après avoir fait la une des journaux français et anglais, le mystère qui entoure la mort de Caroline Dickinson est sur le point d’être levé. Depuis 24 heures en effet, l’empreinte génétique d’un Espagnol de 51 ans est comparée à celle prélevée, au matin du 18 juillet 1996, sur le corps martyrisé de l’adolescente britannique. Violée et étouffée dans une chambre de l’auberge de jeunesse de Pleine-Fougères, près de Saint-Malo, où elle dormait entre ses quatre meilleures amies. Le meurtrier présumé, Francisco Arce Montes, a été arrêté en Floride un mois plus tôt, et incarcéré en attendant d’être jugé pour « comportement obscène ». Depuis octobre 1997, son nom figurait en bonne place sur la liste des personnes recherchées : des gendarmes d’Indre-et-Loire l’avaient surpris en train d’épier un groupe de jeunes Irlandaises, en 1994, près d’un centre de vacances en Touraine. Est-ce le même homme qui a attendu, un soir de juillet 1996, que Pleine-Fougères s’endorme, pour s’introduire dans l’auberge de jeunesse et se choisir une proie ? Se serait-il risqué, cinq ans plus tard, à agresser, en plein jour, une jeune Française qui somnolait dans un hôtel de Miami Beach ? Les enquêteurs de la cellule Dickinson en sont presque convaincus. Comparer les modes opératoires ne vaut certes pas un bon test ADN, mais la ressemblance entre les trois agressions ne trompe pas. Et puis, il y a ce visage apparu sur l’écran de télévision… Ce regard profond, ces sourcils épais et

11


broussailleux… Pour Laura Davey, camarade de classe de Caroline, pas de doute possible. C’est bien l’homme qu’elle a vu la veille du meurtre rôder autour de l’auberge. À l’époque, son souvenir associé au témoignage d’une autre collégienne avait permis d’esquisser un portrait-robot, diffusé en février 1998. En mars 2001, malgré cinq ans d’enquête, 3 500 suspects innocentés, 7 500 personnes interrogées et les milliers d’appels parvenus à la gendarmerie de Saint-Malo, le coupable court toujours. Il faudra compter sur l’acharnement du père de Caroline et s’appuyer sur l’enquête minutieuse d’un juge d’instruction déterminé pour qu’un coup de pouce du destin aide enfin à localiser le suspect Arce Montes. Le 10 avril, lorsque le nouveau magistrat instructeur apprend d’un officier de l’immigration américain que Francisco Arce Montes est derrière les barreaux à Miami, il sent qu’il tient un gros poisson. Quatre jours plus tard, le 14 avril donc, l’avocat général de la cour d’appel de Rennes remonte le filet et annonce devant une foule de journalistes que l’empreinte génétique d’Arce Montes est bien celle du violeur de Caroline Dickinson. L’Espagnol est pris au piège : pour établir avec certitude que des traces d’ADN appartiennent à la même personne, il faut au minimum neuf points communs avec les 18 examinés. Le laboratoire de la police technique et scientifique de Paris a mis en évidence une concordance de 14 points entre l’ADN d’Arce Montes et le sperme prélevé sur le corps de la victime. Présumé innocent selon la loi française, Arce Montes ne peut pourtant pas échapper aux mailles serrées de la « reine des preuves » : l’ADN. Quelques heures avant cette annonce officielle, John Dickinson, le père de Caroline n’osait encore y croire : « Attendons de voir… la presse a entendu parler des déceptions et des fausses pistes les plus importantes, mais il y en a eu bien d’autres ». Blessé par la mort violente de sa fille aînée, cet homme de 43 ans s’est rendu en France près d’une vingtaine de fois en cinq ans, au rythme des ratés et des désillusions d’une enquête qui aura fait évoluer la justice française aux forceps. En rappelant, par exemple, comme il est facile de bafouer la présomption d’innocence et de condamner un homme sur la foi d’aveux obtenus sous la contrainte. Et à l’usure. Lorsque la conviction aveugle et fait mentir les faits… En août 1997, quand l’enquête change de main, l’identification génétique des hommes de Pleine-Fougères et le dépistage systématique d’environ 3 500 suspects banalise l’usage de l’ADN et révolutionne ainsi les méthodes d’in-

12


vestigation traditionnelles. Aujourd’hui incontournable en matière de médecine légale, cette technique faisait alors ses timides débuts dans le paysage judiciaire français. Un tel déploiement de force et de moyens aurait pourtant pu être évité si l’Europe judiciaire avait fonctionné. La mauvaise volonté et le peu de zèle dont a notamment fait preuve la Guardia civile espagnole ont fait gagner au meurtrier un temps fou. Heureusement, en avril 2001, un journal anglais est venu pallier l’autisme des Espagnols, pour finalement mettre un coup d’arrêt à la cavale d’un pervers : Francisco Arce Montes, dont la personnalité et le parcours de vie sont toujours allés crescendo en matière de criminalité. En juin 2004 à Rennes, puis en juin 2005 à Saint-Brieuc, il a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle, dont une peine incompressible de 20 ans au terme de la plus grande enquête criminelle de la fin du XXe siècle en France.

13



Chapitre

I

Le mystère de la chambre n° 4

Lorsqu’elles ouvrent les yeux, au matin du 18 juillet 1996, Ann, Jenny, Melissa et Camilla ne devinent rien du drame qui s’est joué pendant la nuit. Comme chaque jour depuis leur arrivée à l’auberge de jeunesse de PleineFougères, les quatre adolescentes s’éveillent avec le soleil… Seule Caroline, qui a dormi sur un matelas entre leurs quatre lits superposés ne bouge pas. D’un geste, Melissa soulève le sac de couchage qui recouvrait presque entièrement Caroline, espérant la faire réagir. Ann Jasper tente à son tour de la faire se lever, mais le corps de Caroline reste inerte, sans réaction : « Je l’ai secouée pour qu’elle se réveille, mais elle n’a pas répondu. J’ai regardé attentivement son visage… Ses lèvres étaient bleues ». Camilla, enfin, essaie de capter un pouls, mais le poignet de son amie se révèle froid et muet comme le marbre. Alertée, Elisabeth Barker, la responsable du groupe, se précipite jusqu’au premier étage. Une odeur étrange se dégage de la petite chambre. Déjà, une autre enseignante l’a rejointe. Jackie Thorpe enjambe le matelas et ouvre la fenêtre. Suivant les consignes de sécurité, Miss Barker place Caroline en position latérale de sécurité : « J’ai cru qu’elle était inconsciente, j’ai voulu dégager ses voies respiratoires et orienter son visage vers la fenêtre. En la déplaçant, j’ai découvert une tâche rouge au niveau de ses hanches ». Elle décide de remettre le corps dans sa position initiale, et entame un massage cardiaque. En vain. Miss Mitchell, l’infirmière qui encadrait les collégiens soulève sans grand espoir la paupière de Caroline : elle ne peut que constater l’évidence, et s’attarder, impuissante, devant le corps sans vie de son élève. Mais que s’est-il passé ? Les quatre adolescentes s’échangent des regards

15


inquiets, qui plongent vers le sol dès que quelqu’un pose à nouveau cette question terrible. Vers 8 h 30, le médecin du village, Michel Coignard, arrive sur place, et fait les premiers constats : l’enfant est décédée depuis déjà plusieurs heures. Une chose est sûre, la mort n’est pas naturelle. Couchée sur le dos, Caroline a les jambes entrouvertes et légèrement relevées. Son sac de couchage ne la recouvre pas entièrement. On devine une large tâche de sang sur le matelas, à hauteur du bassin. A-t-elle été violée, dans cette petite chambre, entre quatre de ses amies ? C’est impossible ! Pourtant, le médecin légiste requis sur place, le docteur François Paysant confirme ce diagnostic que tous redoutaient : la jeune Anglaise a subi des violences sexuelles avant de mourir. Le sang sur le matelas et surtout la trace blanchâtre qui souille la cuisse gauche de la victime ne laissent plus de place au doute. Le caleçon en coton qui lui servait de pyjama est retrouvé roulé entre ses jambes, également maculé de sperme. Il est a peu près 11 heures, le médecin légiste commence, sur la scène même du crime, l’examen post mortem : le corps est encore « tiède », le visage semble congestionné, la rigidité cadavérique est complète : autant d’éléments qui permettent d’établir l’heure du décès, il remonte à une douzaine d’heures, maximum. Dans l’auberge, le huis clos commence. Personne ne doit quitter les lieux ! Les 40 collégiens sont cantonnés au rez-de-chaussée, dans le restaurant. « Caroline n’est pas bien, elle est partie à l’hôpital » annonce une accompagnatrice. La consigne des gendarmes est claire : éviter la panique, et surtout, ne pas affoler ces adolescents en vacances. De l’autre côté de la cantine, la permanencière qui assurait la garde de nuit signale qu’un motard et sa compagne manquent à l’appel : il ont dû partir avant le lever du jour. Précipitamment ? Les gendarmes de la section de recherches de Rennes, qui ont pris l’enquête en main, le sauront bientôt : le bourreau de Caroline a, malgré lui, signé son crime… Sur le corps de l’adolescente, les gendarmes prélèvent un échantillon de sperme et isolent ainsi l’empreinte génétique du meurtrier. Elle sera bientôt comparée à l’ADN de chaque suspect interpellé. A commencer par tous les hommes qui ont dormi à l’auberge cette nuit-là : les accompagnateurs, le chauffeur du car anglais, un Italien… En quelques heures, le centre de Pleine-Fougères est retranché derrière une vingtaine de véhicules de gendarmerie. Un périmètre de sécurité interdit l’accès à l’auberge. Au fur et à mesure que les gendarmes installent les scellés et les barrières de sécurité, la rumeur enfle dans ce petit bourg breton de 1 800 habitants, situé en rase campagne, à une quarantaine de kilomètres à

16


l’est de Saint-Malo. L’auberge de jeunesse, grande et belle maison en retrait, à la sortie du bourg, fourmille de gendarmes : deux volets sont restés fermés au premier étage. Un paysan qui passe sur son tracteur tourne la tête avec étonnement. Les mères de famille s’arrêtent chercher le pain et commentent avec inquiétude l’agitation et le déploiement de force qui s’amplifient au fil des heures autour de l’auberge. « Que s’est-il passé pour qu’ils soient aussi nombreux ? Il paraît que, depuis le début de la semaine, l’auberge était occupée par un groupe de collégiens anglais. » Un peu en retrait de la Côte d’Émeraude, Pleine-Fougères est en effet le point de départ idéal pour découvrir, à peu de frais, la baie du Mont-SaintMichel, Saint-Malo et toute la côte nord de la Bretagne. Depuis toujours, cette maison accueille des groupes scolaires, il n’y a jamais eu de problèmes… Ce matin pourtant, c’est presque palpable, « il a dû se passer quelque chose de grave ». Le mutisme des gendarmes entretient le mystère. L’hélicoptère qui survole la zone en permanence, le ballet des voitures et des lumières bleues ne laisse décidément présager rien de bon. Les enquêteurs, une cinquantaine de gendarmes venus de Rennes et des brigades de Saint-Malo et de Pleine-Fougères ont transformé la mairie en poste de commandement : lignes téléphoniques, fax, machines à écrire… La mairie devient en quelques heures une antenne détachée de la gendarmerie de Saint-Malo. Les enquêteurs procèdent aux premières auditions (Ann et Melissa ont encore leur pyjama) et interrogent les six accompagnateurs du groupe, ainsi que les 40 collégiens, âgés de 11 à 14 ans. Parmi eux, cinq garçons. Sans oublier les huit touristes individuels qui avaient posé leurs bagages à l’auberge pour la nuit. À l’extérieur, les gendarmes commencent une classique enquête de voisinage. Porte après porte, ils rencontrent les riverains et les habitants des maisons attenantes. Du moins, ceux qui ne sont pas partis en vacances : « il y a eu un décès suspect à l’auberge, vous n’avez rien vu de particulier, hier dans la journée ? » En début de soirée, vers 19 h 30, le corps de Caroline est transporté à l’institut médico-légal du centre hospitalier universitaire de Pontchaillou, à Rennes, pour être autopsié. Alerté par son président Bruno Crépin, le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Saint-Malo, Gérard Zaug, interrompt aussitôt ses vacances et se rend sur place, suivi de près par le consul de GrandeBretagne, venu s’informer de ce drame qui touche une de ses ressortissantes. Premier journaliste présent sur les lieux, Édouard Maret, du quotidien régional Ouest-France, se heurte au silence complet des autorités : « Une chape de

17


plomb était tombée sur Pleine-Fougères ». À l’époque, ce chef-lieu de canton est isolé, à l’écart des grands axes routiers et économiques. Le maire de la commune se bat encore pour obtenir l’accès aux transports collectifs. Seul au milieu de ce décor et de cette atmosphère quasi insulaires, appareil photo en bandoulière, le journaliste se fait vite repérer. Après trois heures passées dans le bourg, « je prends conscience que les gens n’en savent pas plus que moi, raconte Édouard Maret, et je rentre à la rédaction de Saint-Malo taper mon article », le tout premier écrit sur l’affaire Dickinson : « Hormis le décès suspect d’une jeune Anglaise, donc, aucune certitude » 1. En soirée, le journaliste parcourt une nouvelle fois les quelque 40 kilomètres qui séparent Saint-Malo de Pleine-Fougères. Il croise un confrère de l’AFP, l’Agence France presse. Les volets de la chambre n° 4 de l’auberge de jeunesse laissent encore filtrer de la lumière. Ann, Melissa, Jenny et Camilla, sous le choc, dormiront à l’hôtel jusqu’à leur départ pour l’Angleterre, reporté sine die. Malgré l’heure tardive, les gendarmes sont encore à pied d’œuvre pour faire parler la scène du crime… À part son empreinte génétique, le meurtrier n’a laissé aucun indice. Pas d’empreintes digitales significatives. Rien. Si ce n’est un morceau de coton de 9 cm sur 12, retrouvé à hauteur de la hanche droite de Caroline. La chambre est exiguë, 12 mètres carrés tout au plus. Un sérieux désordre règne dans la pièce, des papiers de bonbons traînent un peu partout, des tas de vêtements épars recouvrent le plancher. Ainsi que la peluche de Caroline. Deux lits gigognes, cinq adolescentes, et au milieu de ce décor un violeur d’enfants d’une discrétion incroyable. Inquiétante surtout. Les enquêteurs alertent leurs collègues policiers, et s’informent auprès du service de rapprochement de la gendarmerie, espérant trouver dans ces archives un profil qui correspondrait au mode opératoire du meurtrier de Caroline. « Il était évident qu’on avait affaire à un individu extraordinaire, au sens propre du terme » se souvient l’adjudant Didier Le Gac, âgé de 37 ans à l’époque, et nommé directeur d’enquête par le commandant de la section de recherches. Les gendarmes ont beau imaginer toutes les hypothèses, la configuration des lieux les ramène sans cesse à la case départ : comment expliquer que les adolescentes n’aient rien entendu ? Se seraient-elles tues pour ne pas subir le même sort ? C’est assez dur à admettre. Peu à peu, les enquêteurs rentrent se coucher. Un car de gendarmes mobiles est arrivé dans la soirée pour assurer la relève. Vers 22 heures, le bourg de Pleine-Fougères s’éteint. Moins serein que la veille. 1.

18

Ouest-France du vendredi 19 juillet 1996.


Chapitre 8

3 000 coups de fil pour un portrait-robot

Deux mois ont passé depuis la fin de l’opération Pleine-Fougères, sans un mot dans la presse sur les avancées de l’enquête. À l’ombre des médias pourtant, les allers-retours en Angleterre, qui se multiplient pour les gendarmes de la cellule Dickinson, vont s’avérer payants... Lorsque le conseiller Van Ruymbeke récupère le dossier, en août 1997, seul un quart des auditions réalisées par les policiers anglais un mois après les faits ont été traduites. Contrairement aux habitudes des services d’enquête français, les agents de Scotland Yard ne rédigent pas de synthèse de leurs auditions, qui sont par contre intégralement filmées. Tout est restitué en anglais, in extenso, à la gendarmerie de Saint-Malo. Pendant des mois, les témoignages ainsi recueillis auprès des collégiens de Launceston ont attendu en vain que leur tour arrive, perchés sur la haute pile des dossiers en attente, sur le bureau des experts traducteurs assermentés. Parmi ces milliers de pages, le juge instructeur va faire une bonne pioche. Il tombe sur un témoignage assez déconcertant, peut-être la clé du mystère. Précis et nuancé, le récit de la collègienne Laura Davey rappelle qu’un rôdeur s’est attardé, l’avant-veille du drame, voire également la veille, sous les fenêtres de l’auberge. Comme pour repérer les lieux, cet homme grand, brun, vêtu d’un gros blouson en plein été, faisait les cent pas dans la cour. « Ce n’était pas un touriste, il n’avait rien à faire là » se souvient la jeune fille, qui a été marquée par le regard insistant de l’intrus. Selon l’avocat des parents Dickinson, Hervé Rouzaud-Le Bœuf, « c’est un témoignage clé, trop longtemps délaissé par la

63


justice, et qui aurait dû être exploité dès le début si le premier juge instructeur avait vraiment lu et fait traduire les différents témoignages ». La description que Laura Davey fournit aux gendarmes, au lendemain du 18 juillet, corrobore parfaitement le témoignage d’une de ses camarades de classe, Amy White. Cette autre collégienne a, elle aussi, a croisé un homme au comportement étrange. Mais c’était la nuit du drame, près des toilettes du premier étage. Seulement les traductions se font attendre, et les gendarmes sont alors persuadés que les deux Anglaises désignent un motard, lui aussi hébergé à l’auberge. Ce motard rapidement identifié et disculpé, cette piste est écartée et le portrait-robot avec. À l’époque, la barrière de la langue et la distance physique entre les gendarmes et ces rares témoins oculaires interdisent toute spontanéité. Chaque intuition, chaque vérification exige autant de temps que d’argent, disperse les moyens et les hommes jusqu’au malentendu. Jusqu’à l’erreur d’appréciation qui nuit inconsciemment à la manifestation de la vérité. Pour le juge Van Ruymbeke, qui jette un regard neuf sur le dossier, cet inconnu aperçu par Laura Davey ne peut pas être étranger à la mort de Caroline Dickinson. Tous les hommes présents à l’auberge la nuit du 17 au 18 juillet ont été disculpés. Idem pour la « population mâle » de Pleine-Fougères, et pour tous les délinquants sexuels actifs de la région. Le meurtrier était juste de passage à Pleine-Fougères. Mais qui est cet homme, ce rôdeur dessiné par Amy White dans les premières heures de l’enquête ? Entendre une nouvelle fois les deux Anglaises n’aurait pas grand intérêt: les premières auditions sont précises et beaucoup de temps a passé. Pourtant, dix-huit mois après le début des investigations, le juge d’instruction découvre, stupéfait, qu’un témoin n’a pas dit tout ce qu’il savait! C’est la directrice du collège de Caroline, à Launceston, qui le révèle dans une audition réalisée en Angleterre, quelques mois après les faits. Un des professeurs accompagnateurs, Nicolas Ward, s’est confié à elle: il a croisé quelqu’un dans les couloirs de l’auberge, la nuit du crime, mais il n’a pas cru utile d’en parler plus tôt: « Quand j’ai été entendu le 18 juillet, j’étais sous un stress énorme, je n’avais pas dormi de la nuit. Et puis, j’étais jeune, j’avais 26 ans, c’était ma première année en tant qu’enseignant, je n’ai pas su gérer la situation... C’est après, quand j’ai réfléchi... » Un an et demi plus tard donc, l’enseignant parle enfin: il a croisé cet inconnu, vers 0 h 15, dans le corridor qui mène aux sanitaires du deuxième étage, alors qu’il allait prendre une douche. Un homme au

64


teint hâlé, « du type de ceux qui travaillent à l’extérieur, ou qui voyagent beaucoup », avec de longs cheveux bruns entre bouclés et ondulés, des sourcils broussailleux et épais. Ce signalement, même tardif, est capital: il correspond trait pour trait au rôdeur repéré par Laura Davey, et dessiné quelques heures après le drame, par Amy White. À la fin du mois de janvier 1998, les gendarmes retournent à Launceston, accompagnés, cette fois, par un portraitiste de la police judiciaire de Rennes. Nick Ward, fin dessinateur, passe près de cinq heures à compléter et modifier le portrait-robot réalisé le lendemain du meurtre par Amy White. Retravaillé grâce à un logiciel de la police britannique, le CD-Fit, le dessin amateur se fond en un portrait plus précis, exploitable, fidèle aux souvenirs du professeur. La coiffure du suspect ne figure pas dans la base de données: en quelques coups de crayon, Nick Ward griffonne des cheveux mi-longs, frisottants et gras, il ajoute encore une barbe de trois jours... Sa catharsis achevée, Nick Ward s’effondre en pleurs. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour parler de ce rôdeur ? Comment expliquer aux parents de Caroline ces dix-huit mois perdus ? « Dans un premier temps, je n’ai pas cru utile de révéler ces choses que j’avais observées... » Un mois plus tard, en août 1996, il est déjà trop tard : ça semblerait louche de n’avoir rien dit le lendemain, pour tout déballer un mois après. On aurait pu penser qu’il était complice du meurtrier, en lui laissant le temps de s’enfuir... Et puis, ça ne doit pas être très important, dans une auberge de jeunesse, il y a toujours du passage, ça peut être n’importe qui. Cette fois pourtant, Nick Ward s’est fait violence: l’enquête fait du surplace et le meurtrier court toujours. Or, si ce n’est pas un habitant de Pleine-Fougères qui a fait le coup, ça ne peut être qu’un rôdeur. Confrontées au portrait-robot de Ward, Laura Davey et Amy White n’hésitent pas une seconde: selon elles, l’intrus a le visage un peu plus long, mais ce regard perçant, ces sourcils épais...« C’est le portait le plus ressemblant en tous cas», affirment les jeunes Anglaises. Les gendarmes répètent la démarche auprès des deux jeunes filles de Manchester qui avaient mis en fuite l’agresseur de Kate Wrigley, à Saint-Lunaire. Là encore, l’une d’elles «percute» et reconnaît le visage de l’homme qui s’était introduit dans leur chambre. L’enquête progresse et l’itinéraire meurtrier d’un obsédé sexuel se précise dangereusement... Les pièces du puzzle s’assemblent enfin, et permettent, pour la première fois, de se représenter l’emploi du temps de ce « rôdeur », au cours de la nuit du crime.

65


L’homme qui a tué Caroline n’est donc pas entré par hasard dans l’auberge de jeunesse de Pleine-Fougères : il a repéré les lieux deux jours avant de passer à l’acte. Le soir du 17 juillet, il s’introduit une première fois dans l’auberge. Il est à peu près 0 h 15, il croise Nick Ward, à quelques centimètres, alors qu’il sort des toilettes-douches, au deuxième étage. L’intrus à la voiture blanche est ensuite aperçu par trois collégiennes, qui se rendent aux toilettes. Parmi elles, Amy White. Surpris, il bredouille quelques mots en une langue qu’elles ne comprennent pas, avant de disparaître. Direction le centre de vacances de Saint-Lunaire, à environ 45 minutes de route. Perdue en pleine campagne, la demeure n’est, là encore, pas fermée à clef. Entre deux et trois heures du matin, surexcité, il pénètre dans une chambre, il commence à se masturber près d’une adolescente endormie. Découvert, l’agresseur quitte la chambre sans stresser et retourne à Pleine-Fougères. Frustré d’avoir été interrompu et pressé de recommencer ! Cette fois, l’auberge est endormie... Il est déjà quatre heures du matin, une professeur accompagnatrice, Jackie Thorpe, l’entend qui s’approche, les gravillons crissent sous ses pas, dans la cour de l’auberge. Aperçoit-il Caroline qui sort des toilettes, avant de la suivre jusqu’au seuil de la chambre? C’est d’une des hypothèses sérieuses retenues par les enquêteurs. Au motif que l’autopsie a établi que la vessie de l’adolescente était vide au moment de sa mort. Or le « tractus urinaire » recommence à fonctionner entre 15 et 45 minutes après un passage aux toilettes. Une fois le silence revenu dans l’auberge, l’agresseur entre, se couche sur sa victime pour l’empêcher de se débattre. Pour qu’elle ne crie pas, il lui masque la bouche avec un morceau de coton (pris à Saint-Lunaire ?). Moins de deux minutes plus tard, Caroline Dickinson rendait son dernier souffle et le meurtrier quittait l’auberge, d’un pas tranquille. Quatorze mois plus tard, seul face à ce portrait-robot sorti des oubliettes, malgré le temps perdu et les souvenirs qui s’estompent, le juge Van Ruymbeke décide de tenter le coup et de rendre public cet indice trop longtemps négligé. Mercredi 11 février 1998, le dessin réalisé par Nick Ward et authentifié par Laura Davey est diffusé et placardé dans toutes les gendarmeries françaises. Deux jours plus tard, le visage en noir et blanc du suspect n°1 apparaît sur les écrans télévisés, en ouverture du journal de 20 heures : « Du nouveau dans l’affaire Dickinson, un portrait-robot relance l’enquête ». Une vraie piqûre de rappel ! Le soir même, cette annonce réveille l’intérêt des Français pour cette histoire déjà ancienne. Depuis un an et demi, le sort tragique de la jeune Caroline Dickinson, 13 ans et demi, demeure une réalité insupportable pour Robert Baffert, avocat général à la cour d’appel de

66


Rennes : « Le portrait sera diffusé en priorité dans la presse régionale. On imagine toujours que le meurtrier puisse être du grand ouest de la France ». Pour connaître ainsi le département comme le fond de sa poche...« Le but est de rafraîchir la mémoire des personnes qui ont pu croiser, ou servir cet homme en juillet 1996 », poursuit l’avocat général. 2 000 affiches seront placardées en Bretagne, dans les stations-services, les bureaux de poste et les commissariats. Par ailleurs, le journal britannique The Sun prend l’initiative d’offrir une récompense de 10 000 £, environ 100 000 F de l’époque pour quiconque fournirait un renseignement susceptible d’identifier l’homme du portrait-robot, en mentionnant le numéro vert de la cellule Dickinson. Fait anecdotique mais précurseur pour l’époque, une adresse internet est mise à disposition des témoins éventuels : www.interieur.gouv.fr. John Dickinson, informé en temps réel des avancées de l’enquête, a fait le déplacement pour lancer un nouvel appel à l’aide aux habitants de Bretagne. Exceptionnellement, il lit son message en français : « Nous vivons avec le chagrin constant d’avoir perdu Caroline et nous savons que son meurtrier est toujours en liberté, prêt à tuer de nouveau à tout moment. S’il vous plaît, aidez-nous ». Samedi matin, à Pleine-Fougères, la pile de journaux est descendue un peu plus vite que d’habitude au bar-tabac. Mais depuis la fin des tests systématiques, on a passé le relais. Comme dans n’importe quel autre village de Bretagne, les habitants commentent, un peu sceptiques, le portrait-robot du meurtrier présumé de Caroline Dickinson. Beaucoup ont déjà reçu la visite des gendarmes, qui depuis trois jours battent la campagne, de Saint-Brieuc à Avranches, portrait-robot sous le bras. Garagistes, stations services, épiceries, restaurants : quelques commerçants ont bien signalé une ou deux ressemblances, mais rien de déterminant...« C’est si loin tout ça maintenant. Pensez, presque 18 mois ! Même s’il était venu, qui s’en souviendrait ? Pas moi en tout cas », raconte à Ouest-France le patron du bar PMU. Il a repris le commerce en janvier 1997, six mois après le drame. Hélas pour les gendarmes, le temps ne s’est pas arrêté le 18 juillet 1996 à Pleine-Fougères... Au premier étage de la gendarmerie de Saint-Malo, dans les heures qui suivent la diffusion télévisée du portrait du meurtrier, les appels affluent sans discontinuer. Trois gendarmes ont le combiné collé à l’oreille, pour recueillir les indications de témoins oculaires, plus ou moins pertinents. Avant chaque audition, ils réalisent une enquête d’environnement: degré de crédibilité, antécédents judiciaires... Leurs collègues iront ensuite sur le terrain tenter de vérifier et de recouper les informations recueillies.

67


Vendredi à minuit, la cellule a reçu pas moins de 103 appels depuis 20 heures. Samedi soir, le compteur affiche 338. Puis 550 le dimanche. 24 heures plus tard, près de 800 personnes ont déjà contacté le numéro vert gratuit mis en place pour l’occasion: 08 00 35 01 05. La moitié des appels provient de l’ouest de la France. Quinze de Grande-Bretagne. Il y a de tout: « Je l’ai croisé dans le métro, à Lyon »; d’autres ont repéré le meurtrier présumé, ou du moins son sosie, dans l’émission Thalassa, diffusée sur France 3 le vendredi soir... Le 22 février, huit jours après la diffusion du portrait, le capitaine Jean-Pierre Michel annonce que la cellule a reçu quelque 1 290 appels : « Très peu d’appels farfelus » souligne l’officier. Sur les 734 dossiers de signalement ouverts, 83 seront traités en priorité : 36 rien que pour l’arrondissement de Saint-Malo, 23 sur l’ensemble de la Bretagne, 24 pour toute la France. 17 prélèvements de salive ont déjà été réalisés. Ils viennent s’ajouter aux 1 100 empreintes déjà prélevées sur autant de suspects potentiels. Avec toute cette agitation et le rebondissement médiatique provoqué par la diffusion du portrait-robot, l’enquête initiale est mise à mal. Les articles de presse accablent l’instruction menée par le premier juge Gérard Zaug: «Les preuves étaient là depuis le premier jour», insiste John Dickinson. Mais le 25 février 1998, en solidarité avec leur collègue, seize juges d’instruction de l’Ouest expriment leur entier soutien à Gérard Zaug, par une lettre envoyée à l’AFP. Les signataires de cette motion citent notamment deux articles du Monde, dont l’un, titré « l’incroyable série d’erreurs et de négligences » et publié le 14 février, mettrait directement en cause le travail du premier juge instructeur. Même réflexe de corps au tribunal de grande instance (TGI) de Saint-Malo, où l’on regrette « le déchaînement médiatique mettant gravement en cause le comportement du juge Zaug ». Le magistrat, lui-même père de quatre filles, a été blessé et reste marqué par ces attaques personnelles, et la mise en cause de son travail. « J’ai été injustement sali ». Tout en reconnaissant quelques dysfonctionnements inhérents à l’administration judiciaire, il reste persuadé que seul un coup de chance, comme celui d’avril 2001, pouvait permettre l’arrestation du meurtrier. Niant l’utilité des tests de Pleine-Fougères, et la diffusion du portrait-robot, qui n’a fait selon lui que «remettre un coup de projecteur sur ce village, déjà traumatisé ». Avant de devenir procureur de la République à Lons-le-Saunier (Jura), en septembre 2000, Gérard Zaug sera aussi le premier juge d’instruction... de l’affaire Godard! Du nom de ce médecin normand parti du port de Saint-Malo à bord d’un voilier, avec ses enfants (et sans son épouse ?), début septembre 1999.

68


Chapitre 11

La piste des auberges de jeunesse. La bonne…

En septembre 1997, alors que « l’opération Pleine-Fougères » se met en place, le juge Van Ruymbeke reprend tout depuis le début. Comme son prédécesseur, il ne délaisse aucune piste et tente sa chance à Rosny-sous-Bois, au service technique de rapprochement judiciaire et de documentation de la gendarmerie (STRJDG). Cette base de données informatisée recèle peut-être le nom d’un suspect potentiel, un homme dont le profil et le mode d’action correspondraient à ceux du meurtrier de Caroline. Le juge d’instruction sait qu’il lui faudra cibler, il tente le mot « intrusion ». Quelques résultats seulement. Contre plusieurs dizaines de milliers pour le seul mot « viol ». Impossible de tester tous les violeurs de France ! Pourtant, deux agressions la même nuit, à une cinquantaine de kilomètres d’intervalle... Le meurtrier de Caroline n’en était sans doute pas à son coup d’essai. Si c’est un récidiviste, son nom doit traîner quelque part. Mais où ? En fait, celui d’Arce Montes figurait bel et bien dans cette base informatique, mais sous la rubrique « Violation de domicile ». Encore fallait-il le deviner. Une fois de plus, il est passé au travers des mailles du filet. Au même moment, à la gendarmerie de Saint-Malo, un indice en particulier oriente les enquêteurs sur la piste d’un « extérieur », un violeur itinérant qui choisit ses victimes en arpentant les couloirs des auberges de jeunesse : « Un dépliant de publicité distribué à l’époque dans les offices de tourisme et syndicats d’intitatives de la région mentionnait les deux auberges, PleineFougères et Saint-Lunaire. Plan à l’appui », se souvient le sous-officier de la

87


cellule Dickinson, Joël Davy. Précisant que le centre de vacances de PleineFougères était aussi recommandé par le célèbre Guide du routard. Pour le juge d’instruction, cette prédilection de l’agresseur pour les auberges de jeunesse est une faiblesse à exploiter, peut-être le talon d’Achille de cet homme, jusque-là insaisissable. En effet, à Pleine-Fougères, personne n’a donné l’alerte. Mais si le meurtier est coutumier d’une telle prise de risques, il est possible que le piège se soit déjà refermé, sans lui laisser le temps de s’enfuir. Pour le savoir, là encore, une seule solution : faire parler les archives, et râtisser le plus large possible. Le juge d’instruction suggère alors une recherche exceptionnelle, à la hauteur des enjeux qui entourent le meurtre de la jeune Anglaise. Profitant d’une réunion avec les principaux acteurs de l’enquête, le charismatique Renaud Van Ruymbeke obtient de la direction générale de la gendarmerie qu’elle lance tous ses hommes aux trousses du meurtrier de Caroline. Sur commission rogatoire, chaque brigade de gendarmerie française sera chargée d’interroger tous les directeurs des auberges de jeunesse de son secteur, afin de recenser les actes de violences sexuelles commis dans ces établissement ces trois dernières annnées. Viols, agressions sexuelles, attentats à la pudeur, intrusions douteuses... Rien que pour le département des Hautes-Alpes, on va compter pas moins de 200 auditions ! Autant chercher une aiguille dans une botte de foin, diront certains, mais avec du temps, et de la méthode, rien d’impossible. À l’annonce de cette enquête nationale, certains directeurs d’auberges regrettent d’être ainsi montrés du doigt comme des gens à problèmes. Parmi eux, le directeur de l’auberge de Paramé : « On a certes reçu une visite suspecte une nuit de juillet 1996, mais ça s’est arrêté là. Depuis, nous avons accueilli quelques 25 000 jeunes et la sécurité a été renforcée ». À Pleine-Fougères aussi, depuis un an, tout a été mis en œuvre pour qu’un tel drame ne puisse pas se reproduire : un digicode a été installé à l’entrée, le code change toutes les semaines. Quant à la petite porte de derrière, elle est fermée tous les soirs, dès que la gardienne de nuit part se coucher. Malgré cela, depuis juillet 1996 et jusqu’à cet été 2005, aucun groupe d’Anglais ne s’est plus « risqué » dans le village de Pleine-Fougères, dont le simple nom est désormais profondément ancré dans l’inconscient collectif outre-Manche. La condamnation définitive d’Arce Montes permettra-t-elle un jour d’effacer ce qui ressemble à un bannissement profondément injuste?

88


En octobre 1997, moins de deux mois plus tard, le rapport complet arrive sur le bureau du juge. Sur 223 dossiers jugés intéressants, 95 noms sont identifiés. Les autres pistes sont inexploitables, faute d’identité relevée lors des faits. Grâce au lieu de naissance de ces suspects, déjà condamnés pour certains d’entre eux, les gendarmes parviennent cependant à remonter jusqu’aux familles, et tentent avec elles de retracer l’itinéraire suivi par chaque homme depuis le printemps 1996. Certains, décédés, sont innocentés, post mortem, grâce au patrimoine génétique de leurs parents... Une technique inédite qui évite d’exhumer un corps, tout en s’assurant que l’homme traqué n’est pas déjà raide mort, six pieds sous terre. La consigne est claire : ces 95 clients des AJ doivent être systématiquement recherchés, et testés, et ce, même s’ils ne ressemblent pas au portrait-robot. Un à un, les suspects sont donc soumis au test ADN et rayés de la liste. Parmi cette petite centaine de noms, certains retiennent plus particulièrement l’attention du juge d’instruction. Et notamment un Espagnol de 47 ans, Francisco Javier Arce Montes, arrêté en 1994 par des gendarmes d’Indre-etLoire. En s’attardant sur le procès-verbal relatant cette interpellation, les enquêteurs relèvent le professionnalisme du gendarme tourangeau Patrice Vincent, qui a mené l’interrogatoire et rédigé le fameux PV grâce auquel le nom d’Arce Montes est apparu pour la première fois. C’était en juin 1994, à la brigade de Bléré, à environ 25 kilomètres à l’ouest de Tours. Le 18 au soir, Yves Franquelin, directeur du Centre international de séjour (CIS) de la Croix-en-Touraine, près du château de Chenonceaux, signale qu’un homme s’est introduit la veille dans l’auberge : il a pris soin de laisser ses chaussures à l’entrée, pour monter discrètement jusqu’aux chambres; à l’étage, il aurait ouvert et refermé plusieurs portes avant d’arrêter son choix. Sans bruit, il s’est introduit dans une petite pièce, occupée par un groupe de jeunes Irlandaises, originaires de Limerick. L’une d’elles, une certaine Valérie Jacques, se réveille brusquement: un homme est assis sur son lit et l’appelle par son prénom. Calmement, il lui demande de le suivre pour l’aider à réparer une panne de voiture... Surprise dans son sommeil, l’adolescente demande à plusieurs reprises: « Qui c’est ? » en insistant pour que l’intrus allume la lumière. Mais au bout de quelques minutes, son agresseur prend la fuite et s’éloigne, sans perdre son sang-froid. Un culot qui n’est pas sans rappeler le témoignage des amies de Kate Wrigley, cette jeune Anglaise sauvée du pire à Saint-Lunaire... Kate et Valérie l’ont sûrement échappé belle. S’agit-il du même homme ? Rien ne permet encore de l’affirmer. Le lendemain pourtant, 18 juillet 1994, alors qu’elle pique-nique

89


avec sa classe dans un jardin près de la gare de Tours... à une trentaine de kilomètres de la Croix en Touraine, elle reconnaît cet homme à l’accent étrange, il passe à quelques mètres d’elle, en souriant. Comme la veille, elle est dérangée par l’insistance et la perversité de ses regards. Le directeur du centre se souvient que les Irlandaises « avaient souvent l’impression d’être épiées, voire filées par cet homme qui les intriguait. Soucieux d’opérer dans la discrétion, sans la moindre vulgarité ». En enregistrant la plainte, au lendemain de cette tentative d’agression, les gendarmes de Bléré font le rapprochement avec un incident survenu un an plus tôt, dans la nuit du 7 au 8 juillet 1993 dans le même centre de vacances: un homme qui circulait au volant d’une Renault 5 rouge immatriculée en Hollande avait, en pleine nuit, attiré hors de l’auberge une jeune Italienne de 14 ans pour qu’elle l’aide à « porter une valise ». Il avait tenté de la rassurer: « Ma femme attend dans la voiture ». Une fois dehors, l’adolescente flaire le danger lorsqu’elle aperçoit le siège passager: vide. Elle donne l’alerte en criant et rejoint l’auberge en courant, affolée. La jeune Italienne prévient un animateur qui se rend sur place, à l’entrée du centre, et note le numéro d’immatriculation de la R5. En rentrant se coucher, il croise un individu en train d’enfiler deux mocassins, qui bredouille quelques mots en français ou en anglais et explique qu’il cherche une chambre où passer la nuit. Vérification faite auprès des autorités hollandaises, ce véhicule appartient à un certain Francisco Arce Montes, né en 1950 à Gijon. C’est le premier déclic de cette affaire. Quinze jours plus tard, dans la nuit du 22 juillet 1993, une jeune fille hébergée dans le même centre de vacances est là encore réveillée par un homme au comportement plus qu’étrange. Plusieurs fois, elle sent ses draps glisser vers le fond du lit, et les remonte machinalement sans se poser de questions. Jusqu’au moment où un homme s’avance vers elle, une lampe torche à la main : venu passer la nuit dans cette auberge avec son épouse, il aurait besoin de son aide pour sortir une valise de sa voiture. Sans se méfier, la jeune fille sort dans l’allée. Heureusement, elle rebroussera rapidement chemin, prise de panique en apercevant le coffre grand ouvert, et la voiture vide. Elle s’éloigne en courant, et fonce se barricader dans sa chambre : « Je me suis dit qu’il allait me mettre dans le coffre ». Là encore, il s’agissait d’une R5 rouge... Trois intrusions suspectes, à un an d’intervalle, et un signalement à chaque fois identique... Au lendemain de la tentative d’agression sur Valérie Jacques, le 19 juillet 1994, les gendarmes de Bléré se mettent en planque aux abords

90


du CIS. Si c’est vraiment un pervers, il reviendra ! Après quelques heures d’attente, vers 2 h 30 du matin, les militaires en embuscade, qui ont pris soin de fermer à clé les portes du centre, interpellent le dit Francisco Arce Montes qui tentait de filer, après avoir essayé de pénétrer en douce dans les dortoirs. Pris au piège, il les repousse et se défend: « J’ai rien fait de mal ». Placé en garde à vue pour tentative d’enlèvement de mineurs, l’Espagnol fournit alors « des explications incohérentes et embarrassées ». « Calme, courtois, poli » selon les gendarmes, il explique qu’il cherchait un lit pour dormir. Et reconnaît être passé par là un an plus tôt, au volant d’une R 5 rouge. Quant à sa présence à Tours le 18 juillet 1994, il y est tout simplement passé voir un ami, dont il ne connaît ni l’adresse, ni le nom de famille. « Rien de vérifiable en fait », résume le gendarme Patrice Vincent. Dans un bon français, Arce Montes raconte qu’il a travaillé comme serveur dans un hôtel à Londres pendant six mois, et donne aux enquêteurs l’adresse de son appartement dans la capitale anglaise. Yves Franquelin, qui dirigeait à l’époque le centre de vacances de La Croix-en-Touraine, précise qu’Arce Montes avait sur lui plusieurs cartes d’adhérents aux auberges de jeunesse du monde entier. Malgré ces attributs de routard, l’homme présente bien : cheveux courts, bien rasé. Inconnu des justices française et hollandaise, il n’est pas armé, et la fouille de sa voiture, une Mazda blanche 626 immatriculée en Hollande, ne révèle rien de particulier. Aucune raison de le garder, ni de le mettre en examen. Au bout de huit heures, le gardé à vue est libéré sur instruction du procureur... « On a contacté le service de rapprochement de Rosny-sous-Bois qui nous a confirmé qu’Arce Montes n’avait pas d’antécédents, se souvient Patrice Vincent. On a souhaité élargir cette recherche à l’Espagne, l’Angleterre et la Hollande: il agissait avec un tel calme, qu’il ne pouvait s’agir que d’un habitué. Toujours selon le même mode opératoire, sans contrainte, ni violence, avec préméditation, il usait de stratagèmes pour faire sortir les jeunes filles du château ». Mais le substitut du procureur de l’époque estime alors qu’il y a trop peu d’éléments à charge, et que l’intéressé doit être remis en liberté. « Pour caractériser une tentative d’enlèvement, il faut, selon la loi, un commencement d’exécution... C’était pas évident... Pourtant, on a présenté Arce Montes à Valérie Jacques, qui l’a formellement reconnu », a déclaré le gendarme Vincent, devant la cour d’assises des Côtesd’Armor, à Saint-Brieuc en juin 2005. Deux ans après ce dernier passage d’Arce Montes en Touraine, presque jour pour jour, un homme se faufilait en pleine nuit dans l’auberge de PleineFougères. Cette fois, il ne prenait pas la peine d’attirer sa victime à l’extérieur.

91


Toujours plus accro à l’adrénaline, surexcité par la peur et le désir d’être pris, il a changé sa façon d’opérer : l’homme prudent qui s’éclipse à la moindre alerte ne supporte plus d’être dérangé par les cris de ces victimes. Cette fois ci, elle ne criera pas. S’ils n’ont pas pu présumer, à l’époque, de la dangerosité d’Arce Montes, les gendarmes de Bléré rédigent néanmoins le procès-verbal d’audition, qui orientera trois ans plus tard les enquêteurs de la cellule Dickinson sur la piste de ce routard Espagnol, né en 1950, à Gijon, dans les Asturies. Un premier détail cloche: son âge. En juillet 1996, Arce Montes a « déjà » 46 ans. Or tous les témoignages des jeunes Anglaises qui ont vu l’agresseur, le fameux rôdeur, estime qu’il doit avoir 25-30 ans. Peut-être 35, mais pas plus. Cette différence d’âge va longtemps « chiffonner » certains enquêteurs. Voire les tarauder, au point d’avoir un doute. Au final, il faudra bien admettre que les témoins s’étaient trompés de 10 ans... au bas mot! Un témoignage est un élément parmi d’autres, il n’est pas fiable à 100%. La preuve. De plus, son apparence bien soignée ( cheveux courts, bien rasé) ne coincide pas du tout avec le rôdeur repéré par les témoins à Pleine-Fougères: cet homme aux cheveux longs, à l’apparence sale, voire primitive. Il conduisait une Mazda, ce qui ne correspond pas là encore à la camionnette blanche décrite par Laura Davey. Enfin, son séjour à Londres laisse supposer une maîtrise correcte de la langue anglaise. Or Amy White qui a croisé le rôdeur dans l’escalier la nuit du drame se souvient avoir tenté de communiquer avec lui en anglais, mais il avait répondu dans une langue qu’elle ne comprenait pas, en français, ou en espagnol. Et puis, à ce stade de l’enquête, rien ne permet de rattacher Francisco Arce Montes, ni à Pleine-Fougères ni à Saint-Lunaire, ni même au grand ouest. Malgré ces quelques incohérences, en mars 1998, Renaud Van Ruymbeke communique à Interpol l’adresse supposée de l’appartement de Francisco Arce Montes à Londres. Les policiers anglais mènent l’enquête, mais aucune trace de l’Espagnol. Sans doute payait-il son loyer « au noir »... En novembre suivant, le juge fait vérifier les plaques d’immatriculation d’une douzaine de véhicules suspects, avec l’espoir d’en apprendre un peu plus sur le propriétaire de la Mazda blanche, immatriculée au Pays-Bas. Elle appartient bien à un certain Francisco Arce Montes, depuis 1994. L’adresse est celle de ses parents, à Gijon. Interrogée sur le passé et la situation actuelle de ce ressortissant, l’Espagne confirme ses date et lieu de naissance: exempté du service militaire à cause de problèmes psychologiques du genre troubles obsessionnels compulsifs, il aurait fait l’objet d’une procédure à Brême, en 1980, en Allemagne, pour exhibitionnisme. À part ça, pas grand chose... Ah

92


si ! il a été interpellé en 1984 à Fribourg, pour viol. Il est également suspecté d’avoir violé deux autostoppeuses en 1985 et 1987, à Tübingen, Allemagne... En janvier 1999, les gendarmes de la cellule Dickinson contactent la mère et la sœur d’Arce Montes, qui vivent toujours à Gijon, et s’occupent de l’affaire familiale. Mais depuis décembre 1997, elles sont sans nouvelles. Le 26 janvier 1999, le nom du suspect Arce Montes est diffusé dans tous les commissariats et les gendarmeries de France, idem en angleterre. Cette recherche est étendue, le 19 février suivant, à tous les pays de l’espace Schengen. Mais là encore, l’Espagne fait la sourde oreille. À la gendarmerie de Saint-Malo, le nom de l’Espagnol revient à chaque nouvelle réunion. Certains gendarmes aimeraient se rendre sur place, à Chenonceaux, et pourquoi pas à Gijon, pour essayer d’obtenir une photo du suspect, et comparer la configuration des lieux d’agressions. Ce déplacement aurait-il permis de répondre à cette question qui taraude les enquêteurs, sur le terrain: pourquoi chaque année ou presque, à la mi-juillet, cet Espagnol traverse-t-il l’ouest de la France? Remonte-t-il d’Espagne vers l’Angleterre ? Seulement, depuis les derniers faits de juillet 1994 à La Croix-en-Touraine, Arce Montes n’a plus fait parler de lui. En France, tout au moins... En avril 2001, exécutant une commission rogatoire internationale à Gijon, après l’arrestation du meurtrier présumé de Caroline aux États-Unis, le capitaine Jézéquel et le traducteur espagnol, l’adjudant Alvarro, ont sorti de l’ombre une information qui aurait pu s’avérer déterminante, en temps utile. Le beau-frère d’Arce Montes, Corsino, a conservé et réuni dans un album tous les articles de journaux relatant les frasques du frère de son épouse. Parmi ces coupures de presse, un extrait de la Nueva España, en date du 17 avril 2001. Les deux gendarmes découvrent ainsi qu’une semaine avant les faits de Pleine-Fougères, le 10 juillet 1996, à Llanès, Francisco Arce Montes a été chassé d’une auberge de jeunesse, la Fonta del Cai, alors qu’il importunait de jeunes adolescentes. En 2001, mis en présence du portrait-robot réalisé par Nick Ward, le directeur de cette auberge reconnaîtra le visage de l’agresseur : « Il était comme ça quand il avait les cheveux mouillés. Il prenait tout le temps des douches ». Il se souvient également de sa Mazda blanche, « le pot d’échappement tapait par terre et faisait un boucan d’enfer ». En tous points, ces déclarations correspondent au témoignage de Jackie Thorpe, une des accompagnatrices du groupe de Caroline, qui avait entendu une voiture quitter l’auberge en pleine nuit, « dans un bruit de casserole ».

93


Table des matières Préface par Hervé Rouzaud-Le Bœuf ........................................................ 7 Prologue ................................................................................................ 11 Chapitre 1. Le mystère de la chambre n° 4 .......................................... 15 Chapitre 2. « Je suis en France, je suis heureuse » .............................. 19 Chapitre 3. Patrice Padé, l’innocent qui avait tout avoué .................... 27 Chapitre 4. À Saint-Lunaire, Jenna a sauvé Kate… ............................ 35 Chapitre 5. L’affaire Céline Figard ...................................................... 41 Chapitre 6. Une enquête qui repart à zéro ............................................ 45 Chapitre 7. Pleine-Fougères au microscope

........................................ 55

Chapitre 8. 3 000 coups de fil pour un portrait-robot .......................... 63 Chapitre 9. À la cellule Dickinson : « Ne laissez jamais tomber » ...... 71 Chapitre 10. De Nancy au Connemara, combien de fausses pistes…

79

Chapitre 11. La piste des auberges de jeunesse. La bonne… .............. 87 Chapitre 12. Les cafouillages de l’Europe judiciaire

.......................... 95

Chapitre 13. Arce Montes, 20 ans d’errance à travers l’Europe ........ 101 Chapitre 14. Il venait voir son fils, il a tué Caroline .......................... 107 Chapitre 15. La piste du meurtrier passait par Miami et Detroit ...... 111 Chapitre 16. Une extradition réussie vers la France .......................... 117 Chapitre 17. Quand Arce Montes passe aux aveux ............................ 123 Chapitre 18. Un procès « spectacle »

................................................ 129

Chapitre 19. L’accusé échappe à la perpétuité

.................................. 135

Chapitre 20. Libérable dans 16 ans… sauf avis médical

.................. 143

Chapitre 21. Il était une fois, la révolution ADN .............................. 151

159


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.