C’est un paradoxe ! En ces temps de crise financière, alors que nous n’avons jamais été aussi informés, il est souvent difficile de démêler le vrai du faux quand on évoque la place de l’argent, aujourd’hui comme hier… N’est-ce pas le rôle d’un musée de société comme le musée de Bretagne à Rennes, de mettre à la disposition de ses contemporains des expériences et des analyses qui puissent les éclairer ? Cet ouvrage montre que les questions d’argent ne se réduisent justement pas à leur seul aspect financier mais qu’elles ont aussi donné en Bretagne matière à une solide tradition culturelle. Faisant apparaître les liens entre le régional et le national, soulignant l’importance des évolutions historiques, se penchant sur ce que l’argent suscite de pudeur ou de parole indirecte, cette enquête s’appuie sur des sources quelquefois inattendues : des monnaies certes, mais aussi une coche à pain, un livret d’épargne scolaire, des broderies de gilet, un manteau de cheminée sur laquelle un marchand du 16 e siècle « expose » sa richesse,… tous ont, à leur manière, quelque chose à nous dire du rapport des Bretons à l’argent.
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Éditions Apogée ISBN 978-2-84398-391-7 18 € TTC
Cette publication accompagne l’exposition Les Bretons et l’argent présentée du 10 mai au 30 octobre 2011 au Musée de Bretagne, à Rennes.
© Éditions Apogée, 2011 ISBN 978-2-84398-391-7
Musée de Bretagne
Les Bretons et l’argent
Éditions Apogée
Avant-propos Alors que l’inquiétude suscitée par les pertes boursières vertigineuses de l’automne 2008 reste présente dans les esprits, alors que les « banques casino » sont montrées du doigt, que les stock-options suscitent une réprobation générale et qu’un trader de la Société générale originaire de Pont-l’Abbé a défrayé la chronique, le journal Le Monde pouvait écrire récemment : « L’argent a envahi notre actualité quotidienne. Autrefois relégués dans les journaux réservés aux spécialistes, les cours de la Bourse alimentent les conversations du Café du Commerce. » L’accroissement des déficits publics, déjà importants, a fait réapparaître de son côté une hantise profonde : que des décennies de croissance et de progrès soutenus par les États et les autres collectivités puissent toucher à leur fin. Paradoxalement, jamais les citoyens n’ont été aussi informés. Pourtant, on ne sait pas toujours démêler le vrai du faux quand il est question d’argent. N’est-ce pas justement le rôle d’un musée de société de mettre à la disposition des publics des matériaux, des expériences, des antécédents capables d’exposer cette situation ? Répondant par l’affirmative, le Musée de Bretagne concepteur de l’exposition Les Bretons et l’argent et de son catalogue, adhère pleinement aux propos de Marguerite Yourcenar qui affirmait : « Le coup d’œil sur l’Histoire, le recul vers une période passée, ou comme aurait dit Racine, vers un pays éloigné, vous donne des perspectives sur votre époque et vous permet de voir davantage les problèmes qui sont les mêmes ou les problèmes qui différent, ainsi que les solutions. » Cette exposition montre que les ressorts cachés de l’économie ne sont pas dissociables des autres aspects de la vie sociale ou culturelle et que les questions d’argent ne peuvent se réduire à des calculs d’intérêt mercantile ou financier. C’est ce que suggère de longue date l’anthropologie, et Marcel Mauss en particulier, qui ont inspiré ce travail. Cherchant à faire apparaître les liens entre le régional et le national, mettant en relief les comportements individuels, soulignant l’importance des évolutions historiques, se penchant sur ce que l’argent suscite de pudeur ou de parole indirecte quand ce n’est pas d’humour, le Musée de Bretagne a trouvé parmi ses collections et celles qui lui sont prêtées des témoins de premier ordre. Et certains inattendus : une tabatière, une coche à pain, un livret d’épargne scolaire, une armoire, des broderies de gilet, des affiches contemporaines pour le denier du culte, un film d’archives montrant un acheteur de cheveux, un manteau de cheminée sur laquelle un marchand se représente, un poteau d’octroi, un treizain de mariage… Tous ont, à leur manière, quelque chose à nous dire du rapport des Bretons à l’argent. Daniel Delaveau Président de Rennes Métropole
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Sommaire Quand l’argent nous parle des Bretons…
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Et aujourd’hui ? Un passé recomposé…
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Introduction La pierre : Manoir de Kermathaman, Pédernec (Côtes-d’Armor) La crise : Coffre contenant des assignats périmés Change des billets de banque à l’hôtel des monnaies de Rennes en 1720 Assiette de la série dite des Actionnaires L’inégalité : Caleçon ravaudé L’esprit d’entreprendre : Le yacht de course Viviane sur l’Erdre (LoireAtlantique)
Le vaste monde
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Introduction Sablière Armoire « à usage de fil » dite presse à lin Le Champ de foire à Quimper Monnaie dite gros au lion Pierre tombale d’Yves Quertouch, Sluis (Pays-Bas) Marché au beurre salé à Lesneven (Finistère)
L’argent de tous les jours
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Introduction Treizain de mariage Paysans de Briec. Manière de conclure un marché Pancarte faite pour le prix du pain Tabatière Une distribution de vivres à la mairie pendant la misère en Bretagne
Crédit épargne Introduction Crédit est mort, les mauvais payeurs l’ont tué Baguette à entailles dite coche à pain L’épargne scolaire
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Action de 250 F émise pour le compte de la société Forges et laminoirs de Bretagne Projet pour la Caisse d’épargne de Saint-Brieuc. Détails de la façade
Afficher sa réussite
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Introduction Cheminée avec les portraits de Lucas Royer et Françoise Gouverneur Front de meubles de la fabrique Branthôme, Rostrenen (Côtes-d’Armor) Corsage et corselet Ceinture Fermiers aisés de Pluméliau (Morbihan)
Pouvoir et argent
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Introduction Corps de balancier Monnaie en or d’Anne de Bretagne, dite cadière Billets en lur Billet de vingt francs créé par la Banque de France Poteau de limite d’octroi Plaque fiscale pour les vélos Monnaie gauloise attribuée à la cité des Vénètes et as romain
L’argent et l’Église
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Introduction Saint Yves entre le riche et le pauvre Tableaux de missions (taolennoù) Plats à quête Diplôme de Garant de Marie. Paroisse Saint-Aubin, Rennes Indulgences. Tableau, chapelle de Coadry, Scaër (Finistère) Orientations bibliographiques Crédits photographiques
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Quand l’argent nous parle des bretons…
Le Champ de foire à Quimper. Huile sur toile, Olivier Perrin (1761-1832). Collection Musée des Beaux-Arts, Quimper
L’argent est une réalité si présente dans les existences, et depuis longtemps, qu’il n’est pas étonnant qu’il ait donné en Bretagne comme ailleurs matière à une solide tradition culturelle. On lui doit ainsi une longue litanie de proverbes, souvent à connotation morale. Du côté gallo, dans un texte de 1585, le conteur Noël du Fail constate : « Quand la bourse se rétrécit, la conscience s’élargit. » Les bretonnants ne sont pas en reste, qui dénoncent l’argent mal gagné du vol, de la spéculation ou de la tromperie : « An arhant a zeu a berz an diaoul, a zistro buan da houarna Paol » (L’argent qui vient du Diable repart vite ferrer Satan). Certaines formules se font aussi l’écho de pratiques anciennes ainsi dans « Gwelloh moged evid reo, gwelloh arhant evid bleo » (Mieux vaut fumée que gel, mieux vaut argent que cheveux) : ce proverbe renvoie en effet à la pratique de la vente de leurs cheveux par des paysannes pauvres, pour fabriquer des postiches, spécialement à la mode entre 1850 et 1890. La chanson traditionnelle s’empare également du thème monétaire : dans la gwerz (complainte) Kroaz aour Plouaret, un homme vole la croix d’or de l’église de Plouaret et cherche, en vain, à la fondre pour en faire des pièces de monnaie. Aux regards indigènes répondent les témoignages des visiteurs. Parmi eux, retenons les propos de Gustave Flaubert qui voyage en Bretagne en 1847 : « Dès que vous arrivez quelque part, les mendiants se ruent sur vous […]. Vous leur donnez, ils restent ; vous leur donnez encore, leur nombre s’accroît, bientôt, c’est une foule qui vous assiège. Vous aurez beau vider votre poche jusqu’au dernier liard, ils n’en demeurent pas moins acharnés à vos flancs, occupés à réciter leurs prières, lesquelles sont malheureusement fort longues et heureusement inintelligibles. » La Bretagne « pays des mendiants » est alors un stéréotype fortement enraciné, qui trouve de multiples échos sur les estampes ou les cartes postales anciennes. Mais cette omniprésence dans les discours d’un argent donné et reçu, échangé ou accumulé, ne signifie pas que ses usages et son rôle soient immuables : en Bretagne comme ailleurs, le rapport à l’argent a une histoire…
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Pauvres bretons. Carte postale, début du 20e siècle. Collection Musée de Bretagne, Rennes
Les premières monnaies frappées sur le territoire breton furent sans doute celles des Vénètes, plusieurs siècles avant Jésus-Christ. Signe d’une incontestable ouverture, elles s’inspirent de pièces émises par Philippe de Macédoine, le père d’Alexandre le Grand. Cette ouverture se retrouve au temps des ducs de la famille des Montfort, à la fin du Moyen Âge, quand certaines pièces reprennent des traits du monnayage des Flandres, une des régions les plus riches du temps. L’affirmation politique s’appuie dans les deux cas sur des modèles prestigieux, mais en les adaptant au contexte local. Le monnayage d’une cité ou d’une principauté exprime en effet quelque chose de son identité. Celui de la Bretagne s’efface au 16e siècle, avec l’union au royaume, mais c’est sous une autre forme que les questions d’argent continuent à nourrir l’identité de la province. L’union en effet s’est faite moyennant la reconnaissance par le roi de privilèges bretons, au premier rang desquels figurent la sous-imposition fiscale et le consentement des États provinciaux à l’impôt. Plus que les traits culturels, cette défense d’avantages liés à l’argent contribue fortement, jusqu’au 18 e siècle, à entretenir une conscience collective bretonne. Pour frapper des monnaies d’or ou d’argent, la Bretagne ne peut guère compter sur des ressources importantes. Certes, à son apogée, la mine de Pont-Péan constitue le premier site d’Europe pour l’extraction de plomb argentifère. Mais le métal précieux qui sert aux monnaies et les monnaies elles-mêmes viennent surtout de l’extérieur. À partir du 16 e siècle, un actif commerce avec l’Espagne et l’Amérique espagnole fournit de quoi alimenter les ateliers monétaires bretons. La province connaît alors ce que l’historien Alain Croix a baptisé son « âge d’or », jusqu’au règne de Louis XIV. Un chef militaire de la fin du 16 e siècle n’hésite pas à qualifier de « petit Pérou » les campagnes de Basse-Bretagne sur lesquelles les troupes s’abattent au temps des guerres de religion. Il fait ainsi allusion aux richissimes mines d’argent espagnoles des Andes, pour mettre en valeur la prospérité bretonne. Un autre chroniqueur du temps affirme qu’en Cornouaille rurale, « il y avait très peu de familles où il n’y eut force hanaps d’argent : cela veut dire des tasses, qui étaient grandes et larges, dont plusieurs étaient dorées » : quoi de plus significatif de la richesse paysanne que cette vaisselle en métal précieux ?
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Assiette de la série dite des Actionnaires Porcelaine de Chine, vers 1720 Collection Musée de la Compagnie des Indes, Lorient
Un Arlequin se contorsionne, comme pris de folie — ou de colique — dans le climat spéculatif créé par l’expérience économique et financière de John Law (1718-720). Ses répercussions se font sentir en Bretagne (voir supra gravure de Huguet) comme au-delà du royaume. Cette assiette est en effet destinée au marché néerlandais, une des régions les plus riches d’Europe. Elle dénonce le « commerce du vent » (wind handel) que constitue la spéculation sur le cours des actions de la compagnie du Mississippi : celle-ci devait, dans le projet de Law, développer la Louisiane française et, par ses profits commerciaux, contribuer au remboursement de la dette publique. Mais elle ne tient pas ses promesses et beaucoup de ceux qui ont placé de l’argent dans ces actions connaissent de lourdes pertes. Des gravures, également néerlandaises, sont plus explicites encore : elles représentent des courtiers avalant de l’or et déféquant des actions sans valeur portant le mot « Mississippi ». On devine au passage que cet or accumulé n’est cependant pas perdu pour tout le monde… La compagnie des Indes orientales, qui fait commerce de tels objets fabriqués en Chine, est incluse dans le consortium commercial mis en place par Law. Elle est bretonne par son port d’attache, Lorient, et par le lieu de vente de ses cargaisons (jusqu’en 1734, Nantes ou Saint-Malo). Mais elle est parisienne par son capital et sa direction. Pour elle, l’expérience Law est bénéfique puisqu’elle reçoit des capitaux nouveaux. Comme en témoigne cette assiette, la folie spéculative elle-même peut être mise au service de son activité ! P. H.
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Caleçon ravaudé Collection particulière
Les vêtements de travail et l’habillement des classes populaires sont peu étudiés au temps de leur utilisation en France contrairement à la Grande-Bretagne. Les vêtements ordinaires, de « tous les jours » ont donc disparu, a fortiori les sous-vêtements. Le caleçon ou culotte est ici un sous-vêtement de marin, des années 1920-1930, en laine de couleur rose, beige et kaki, à longues jambes, solide, chaud, qui couvrait le corps de la ceinture aux chevilles, bien adapté à la navigation. À la ceinture, un empiècement en coton est cousu au tricot, fermé devant par deux boutons dépareillés au-dessus d’une large ouverture servant de braguette ; au dos, il se lace avec un fil de gros coton passé dans deux boutonnières. Vêtement ample au fessier et serré aux jambes, il était porté sous un pantalon de velours ou de coton enduit de graisse épaisse et d’huile de lin ; ce mélange composé dans des ateliers de cireurs ou des fabriques de vêtements cirés apportait l’étanchéité nécessaire à une époque où les « cirés » n’existaient pas. Très usé et ravaudé de nombreuses fois, boutons dépareillés, il est un symbole de la gêne financière que connaissaient les classes laborieuses. Le raccommodage, des plus minutieux, indique un travail efficace qui doit durer le plus longtemps possible. Ce caleçon est arrivé jusqu’à nous, « sauvé » par Yves Hémar, architecte malouin (18861955), membre de la société des Arts décoratifs bretons et collectionneur. Depuis 2004, il est conservé chez un particulier. Françoise Leuzy 29
Le vaste monde
Dès la fin du Moyen Âge, la Bretagne est largement ouverte sur le monde et ses échanges extérieurs lui fournissent une part importante de son argent. Entre le 14 e et le 18e siècle, les Bretons jouent un rôle actif dans les circulations internationales, à la fois comme transporteurs maritimes et comme producteurs de marchandises exportées dans le monde entier. À la Renaissance, les Bretons font figure de « rouliers des mers » et leurs navires, généralement de petite taille, longent toutes les côtes d’Europe occidentale. La réussite est particulièrement spectaculaire dans les relations avec les Flandres, alors une des régions les plus riches d’Europe sur le plan économique. En 1533-1534, sur 995 navires qui entrent à Arnemuiden, le principal avant-port d’Anvers, 81 % sont bretons ! À cette époque, des ports comme Audierne, Roscoff et surtout Penmarc’h sont connus de l’Espagne à la Baltique pour leur rôle dans le transport du fret. La richesse produite par ces activités et les relations ainsi créées incitent les Bretons à faire des achats dans les régions où ils jettent l’ancre. Les paroisses bretonnes font alors venir de Flandres aussi bien de modestes plats à quête que de grands retables pour orner églises et chapelles. Mais ces transporteurs aux capitaux modestes et aux capacités limitées sont bientôt concurrencés avec succès par d’autres flottes. L’armement hauturier breton ne disparaît pas cependant, mais se concentre dans quelques grandes cités, aux moyens financiers bien plus considérables. Le règne de Louis XIV voit ainsi la spectaculaire réussite des grands armateurs malouins qui diversifient au maximum leurs activités, depuis la pêche à la morue jusqu’à l’activité corsaire en temps de guerre. Ils envoient même des navires jusque dans le Pacifique et l’océan Indien. Au 18 e siècle, les armateurs nantais fondent leur prospérité sur les relations avec les Antilles, à la fois en important le sucre produit sur les plantations et en approvisionnant celles-ci avec les esclaves achetés sur les côtes d’Afrique. Les fortunes des plus riches des grands négociants (Magon ou Danycan à Saint-Malo, Montaudouin ou Grou à Nantes) se comptent désormais en millions de livres tournois. On est loin avec ces activités des produits bretons dont la vente a considérablement enrichi la province dès le Moyen Âge : céréales, surtout du Vannetais, sel et vin du pays nantais. Mais un nouveau produit phare apparaît à la Renaissance : les toiles de chanvre ou de lin, aux multiples usages, depuis les voiles des navires jusqu’aux fines
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Le mariage de la Vierge. Retable, 16e siècle, Anvers. CathÊdrale Saint-Pierre, Rennes. Ci-contre, la petite main noire est une marque des ateliers anversois
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Armoire « à usage de fil » dite presse à lin 1653 Collection Château des ducs de Bretagne – Musée d’histoire de Nantes
Cette vaste et large armoire est typique des meubles chers aux paysans-marchands de toile du Léon, qui entassaient le fil dans la partie basse et qui rangeaient les piles de toile destinées au marché dans celle du haut. Conservant des buffets médiévaux majesté et volume, ce meuble à vocation professionnelle présente deux caractères particuliers : une ornementation qui prodigue partout où la sculpture est possible des ovales, des figures de monstres, des chérubins, des vases de fleurs, des rinceaux végétaux sur des panneaux rectangulaires dont les contours sont eux-mêmes soulignés par des frises elles aussi inspirées des décors en vogue à la Renaissance. Le montant vertical du registre du haut est sculpté d’une vierge à l’enfant terrassant un dragon. Une autre invocation religieuse prend la forme du monogramme sacré IHS (Jésus sauveur de l’homme) sur le panneau médian du registre du bas, à côté duquel un autre panneau présente une date, 1653, sculptée à l’envers ; formée à partir d’un dessin appliqué sur le meuble, mais à l’envers, elle dispose d’un « 6 » lui aussi inversé et ainsi transformé en « 9 ». Les deux portes du registre supérieur offrent des représentations personnifiées exceptionnelles. Coiffé d’un chapeau à bords retroussés, sur une longue chevelure, un personnage s’honore de sa fortune incarnée par la bourse qu’il porte à la main. L’origine de sa prospérité n’en est pas moins exposée : à sa droite, une balance romaine à fléau avec son peson en bas et sa charge en haut est sculptée elle aussi renversée. À sa gauche, on est tenté d’identifier des chaînes de lin ourdie et tressée, sans doute des crées. Si elle n’évoque pas directement un fabricant apparié à une balance, rappelant opportunément que la filasse se pèse et que sa valeur est proportionnelle à son poids, cette sculpture rappelle l’univers des « paysans-marchands de fil et de toiles », les Julots, qui dans le Haut-Léon constituaient une aristocratie paysanne, en général fortunée. Ils négocient des toiles, une fois « tombées du métier » quand leur valeur se calcule en fonction de leur longueur, mesurée en aune et réglementée. Les pièces de toile, achetées, seront ensuite entreposées par des « paqueurs » qui les disposeront empaquetées dans leurs magasins, avant qu’elles ne rejoignent Morlaix ou Landerneau dans des bureaux de marque où l’on vérifiera leur état et leur conformité aux règlements. P. A.
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Marché au beurre salé à Lesneven (Finistère) Photographie Collection École nationale d’agronomie de Rennes
Issue du fonds de l’École nationale d’agronomie de Rennes, attachée à faire connaître à ses étudiants les pratiques agricoles régionales, cette photographie rassemble d’une part des fermières venues vendre leur propre production, d’autre part des marchands, sans doute grossistes, la pesant et l’achetant. Malgré sa renommée flatteuse (à partir de 1750, pendant le Carême, l’intendant de Rennes adresse des paniers du célèbre beurre de la Prévalaye à la famille royale et aux ministres) et bien qu’il soit couramment embarqué dans les navires au long cours appareillant à Lorient ou à Nantes, le beurre salé breton s’exporte peu pendant l’Ancien Régime. En 1913, dans le Finistère qui tient la première place des départements français pour l’élevage bovin, les productions laitières assurent une bonne part des rentrées monétaires. Celles-ci incombent aux femmes qui, dans les villes et les villages, disposent d’emplacements marchands pour leur commerce dans lequel s’exprime une expertise toute féminine pour vérifier la fraîcheur du beurre. Les productrices le marquent au moyen d’un moule ou d’un tampon qui fournit un état de fraîcheur imparable : tout amollissement se voit si les arêtes des décors manquent de vigueur. Les acheteuses, elles, le goûtent en le « pinçant » de l’ongle. Il est vrai que les fermières peuvent y avoir adjoint des saveurs végétales de leur choix : orties, pousses de noisetier… À Lesneven, en ce début du 20e siècle, la transaction témoigne d’une évolution ; c’est un marchand, capable d’acheter en nombre, qui intervient. P. A. 46
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Paysans de Briec. Manière de conclure un marché Lithographie, Pierre-Henri Charpentier, 1829-1831 Collection Musée de Bretagne, Rennes
La manière de conclure un marché répond à un rituel non verbal qui en outre s’abstient d’exposer de l’argent. C’est une implication du corps codifiée qu’ont décrit non sans surprise des observateurs dès la fin du 18 e siècle. Ainsi Cambry dans son Voyage dans le Finistère édité en 1798 note-t-il : « Les achats se font avec simplicité […] ; mais on les termine avec lenteur. Que d’examen ; quel bavardage ! On s’appelle, on se quitte, on revient ; une bouteille de cidre, un sol, qu’on s’accorde ou qu’on se refuse, rompt quelquefois, ou font conclure une affaire considérable : tout se termine en frappant, en serrant la main de l’homme avec qui l’on contracte. » Plus tard, en 1834, le commentateur de dessins et de gravures d’Olivier Perrin invoquant la place que l’on donne au temps pour conclure un marché pour permettre « au vendeur de beaucoup surfaire » et à l’acheteur de « beaucoup marchander » a apporté des précisions sur ce jeu de mains : « Il s’empare de la main du vendeur et y frappant avec force lui dit de dire tel prix. Celui-ci à son tour prend la main de Corentin, y frappe avec rudesse et diminue de quelque chose sa demande primitive. » Indice du succès de ce type de scènes, on en édita longtemps des gravures ; malgré leur caractère devenu entre-temps hautement pittoresque, les premiers observateurs surent insister sur l’esprit de « consécration simple et antique » qui en la circonstance engageait l’honneur de chacun des hommes en présence. P. A.
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Tabatière Buis et laiton Inscription : « Gautier, haut pavée numéro 10 à Nantes. 1845 » Collection Musée de Bretagne, Rennes
L’ornementation fait appel à des spirales, des rosaces et un crucifix, fait figurer le nom et l’adresse de son possesseur par des incrustations en couronne autour de la boîte. Celles-ci nous conduisent à identifier Pierre Gautier, à cette date jeune aubergiste de 32 ans, qui décédera en septembre 1866 ou son père Pierre-Louis demeurant à la même adresse lors du recensement de population de 1846. S’il est de nature à indiquer la pensée religieuse de Pierre Gautier, le crucifix n’en marque pas moins l’usage très commun des tabatières dans l’enceinte des églises. Il est en effet d’usage courant pour les marguilliers, ces laïcs en charge de l’entretien des églises et de l’organisation des offices, d’offrir une prise de tabac aux paroissiens généreux quelquefois sur le plateau d’offrande lui-même, lors de la quête. Bien qu’en apparence mineure, la consommation du tabac est un enjeu politique et social de l’Ancien Régime en Bretagne. N’est-ce pas l’annonce en 1674 du monopole de la vente du tabac par le roi et de l’augmentation de son prix en proportion de la fiscalité qui le touche dès lors qui constituent les détonateurs de la révolte des Bonnets rouges en 1675 ? À cette date, le père Lefort, dont le duc de Chaulnes rapporte les propos à Colbert, n’écrit-il pas : « la publication de l’Édit du tabac dont ils ne pouvoient se passer et qu’ils ne pouvoient plus achepter avoient beaucoup contribué à la sédition » ? Aussi les habitants des « 14 paroisses unies depuis Douarnenez jusqu’à Concarneau » inscrivent-ils naturellement dans le Code paysan la revendication d’une distribution gratuite de tabac pendant la messe « avec le pain bénit ». L’achat en serait assuré par l’argent du principal impôt direct : le fouage. Se penchant sur les usages matrimoniaux en Cornouaille, en 1808, Alexandre Bouët rapportait que dans certains cantons, le tabac « est devenu un des signes distinctifs des jeunes fiancées et elles n’y comprendraient pas le mariage sans une tabatière d’argent ». P. A.
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Crédit Épargne
« Il faut le reconnaître la Bretagne est… un fléau pour la France. Elle absorbe des capitaux considérables et, au lieu de les laisser repomper par le crédit, ce soleil si vivifiant, elle les garde stérilement enfouis et en appauvrit d’autant la circulation. » Dans cette désolation datée de 1808, Alexandre Bouët dit bien la contradiction qui se manifeste dans l’économie ancienne entre amasser de l’argent et le faire circuler. Une chose est certaine néanmoins : le crédit est omniprésent jusqu’à la Révolution française. À la campagne, les prêts sont nécessaires pour les semailles autant que pour la soudure entre récoltes, pour s’acquitter des impôts autant que pour honorer les transferts de biens et les dots des mariages. Ils sont accordés par les bailleurs de fonds traditionnels, les seigneurs dont c’est une attribution protectrice héritée du Moyen Âge en faveur de ceux qui exploitent leurs terres. Aux prêts accordés par les usuriers ou les notaires réputés implacables, les paysans préféraient la famille ; nombre de familles se sont ainsi trouvé assumer des dettes vieilles de plusieurs générations soumises au feu nourri de l’usure. En ville, la recherche non moins avide d’avances de trésorerie, même pour honorer les dépenses alimentaires, conduit les ouvriers et les artisans à inventer avec leurs commerçants des moyens de comptes ; dans la tradition des codes de reconnaissance et de confiance matérialisés par des objets coupés en deux, les coches à pain fleurissent dans les boutiques. Mais si abus et crises entament la confiance des vendeurs, le crédit à la consommation cesse, entraînant des émotions populaires. C’est l’origine des images d’Épinal sur le thème « Crédit est mort, les mauvais payeurs l’ont tué ». Force est de constater que la question est culturelle. Si bien que lorsque l’aisance arrivera, les comportements anciens subsisteront. Ainsi, dans les années 1960, découvrant à Plozevet le principe du « crédit honteux », Edgar Morin observera que dans la mesure où la société traditionnelle réprouve l’achat à crédit qui « relève de l’immoralité et du déshonneur (car il signifie endettement, c’est-à-dire aliénation) », ceux qui y ont recours pour de fortes sommes vont poster leurs mandats à Quimper, pour qu’on n’en sache rien localement. C’est que les adages populaires n’ont cessé d’inculquer en priorité la vertu du « bas de laine » : « Mar fell dit dastum madou, pa lammi unan, laka daou. Si tu veux faire fortune, pour un sou dépensé, épargnes-en deux. » Du reste, la constitution de réserves d’argent ne s’est pas imposée comme une évidence. Après des générations de disette monétaire le langage et les technicités
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Crédit est mort. Estampe, Jean-Baptiste Sébire, entre 1814 et 1837, Nantes. Collection Château des Ducs de Bretagne – Musée d’Histoire de Nantes
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crédit épargne
Buvard, années 1960. Collection Musée de l’École rurale en Bretagne, Trégarvan
(p. 67) Le Livre unique de morale et d’instruction civique. Manuel scolaire, A. Poignet, H. Bernat, Paris, Éditions Paul Auguste-Godchaux et Cie, 1899. Collection Musée de l’École rurale en Bretagne, Trégarvan
de la capitalisation monétaire, font défaut. La République l’a bien compris ; à la fin du 19e siècle, elle s’en remet à l’apprentissage scolaire. L’affaire est d’importance en proportion de son inexistence actuelle dans l’enseignement général. Pour des générations d’écoliers bretons et usant à l’envi du précepte « l’économie est sœur de la prudence, la pauvreté naît de l’imprévoyance », la classe devient le lieu de l’instruction à la prévoyance développant à cette fin une pédagogie par l’action. Par le spectacle quotidien de buvards promotionnels, par l’expérience directe du collectage de timbres d’épargne à coller sur un livret ouvrant droit au versement par l’instituteur de sommes d’argent, l’école primaire va jusqu’à impliquer les écoliers dans des actions de secours mutuel et de retraite. Comptant sur leur motivation à constituer de petits pécules dans des livrets de sociétaires et sur leur compréhension de la rentabilité qu’ils génèrent, la Providence Bretonne de Châteaulin flatte leur solidarité vis-à-vis des parents qui peuvent aussi en être bénéficiaires. Cependant, si la pédagogie de l’argent à l’école se revendique comme un enseignement moral et s’inscrit dans une ambition de progrès social, celle à laquelle s’adonnent les banques qui naissent au début du 19 e siècle est utilitaire. Elle vise à constituer des masses financières destinées à être investies. Les premières banques sont familiales ; elles drainent des bas de laine d’origine agricole ou aristocratique ; elles les redistribuent sous forme de capitaux constituant l’assise financière nécessaire à l’industrie et au commerce.
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Afficher sa réussite
Manteau de cheminée avec les portraits de Lucas Royer et Françoise Gouverneur. 1583. Collection Musée du Château, Vitré
Quelle soit publique ou privée, la vie des familles bretonnes est l’objet d’une mise en scène que Pierre-Jakez Hélias (1914-1995) a vérifié en Cornouaille. « Pour nous, bigoudens » disait-il « la montre est essentielle ». La « culture des apparences », comme l’a définie Daniel Roche, a ses lieux : les pièces de réception. C’est à Vitré dans l’une d’elles qu’en 1583 Lucas Royer, un négociant d’outre-mer, se fait représenter sur le manteau de la cheminée monumentale de sa maison, en costume de la grande bourgeoisie d’affaire et « exposant » ostensiblement sa fortune et sa culture. À la campagne, aussi restreint soitil, l’espace de réception est la pièce unique des fermes. Aux faveurs de l’aristocratie et de la bourgeoisie pour les arts savants et les emprunts aux grands styles, s’oppose à l’inverse l’attachement des paysans et artisans pour les traditions artistiques de leur paroisse où le langage ostensible est assuré par les meubles et les vêtements de cérémonies. Offrant de confortables surfaces pour l’ornementation, les presses à lin sur lesquelles il arrive qu’au 17 e siècle un fabricant ou un marchand de toiles se fasse représenter, puis les armoires rurales sont nées du besoin de ranger des biens accumulés. Souvent apportées en dot par l’un des époux, bénéficiant d’une position privilégiée dans l’aménagement de la maison, elles sont alignées l’une contre l’autre formant un « front des armoires ». En cela, elles expriment l’accroissement des biens en meubles.
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Armoire et détail de fuseaux. Fabrique Valentin Branthôme. 1924, Rostrenen (Côtesd’Armor). Collection Musée de Bretagne, Rennes
En outre, leur ornementation n’est pas seulement esthétique. L’abondance des décors n’est-elle pas proportionnelle aux moyens financiers attribués aux artisans qui les exécutent ? Les fuseaux de bois tourné sont un terrain d’excellence ; disposés en ligne sur un ou deux rangs, en rosace ou en surplomb galbé, ils font profusion lorsque le propriétaire d’un buffet vaisselier ou d’un lit veut signifier qu’il a pu financer des dizaines d’heures de travail au tourneur sur bois. La culture des apparences est une culture de la vérité ; il convient que le niveau de fortune soit exact. Pierre-Jakez Hélias toujours, raconte que les brodeurs sont les sentinelles de cette vérité des fortunes, ce qui leur vaut sous sa plume le qualificatif de « chanceliers de l’étrange royaume bigouden ». « L’oncle Tist se rappelle encore une jeune fille trop ambitieuse qui était venue les trouver, son frère et lui, quand ils finissaient leur apprentissage pour se faire broder, en vue de son mariage, un grand habit exactement pareil à celui d’une autre héritière mariée l’année d’avant. Mais les parents de cette héritière avaient une dizaine d’hectares de plus que ceux de la nouvelle cliente. Tist et Sylvestre eurent du mal à faire comprendre à celle-ci qu’elle devait se contenter d’un habit plus modeste. La fille pouvait faire illusion, mais les brodeurs avaient respecté la hiérarchie des fortunes. » Eva Guillorel a récemment observé qu’au 17 e siècle la « réprobation sociale », qui se
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Front de meubles de la fabrique Branthôme. Rostrenen Ameublement d’une maison rurale de Locarn (Côtes-d’Armor) Châtaignier, 1910 Collection Musée de Bretagne, Rennes
Ces cinq meubles, constitués d’un lit, d’armoires, d’un buffet vaisselier et d’une horloge sont alignés sous une forme appelée trustel. Dans cette disposition qui expose seulement la façade, sur laquelle les décors peuvent être exclusivement apposés, les côtes et les fonds sont traités avec moins de soin par le menuisier qui y agence des bois de moindre qualité. L’ornementation a ceci d’original qu’il répond à un répertoire typé : le feuillage de liseron. Devenu un critère de reconnaissance des meubles Branthôme à Rostrenen, il garnit montants ou traverses d’une branche simple, mais il peut aussi sur d’autres meubles présenter une exubérance couvrant l’ensemble des panneaux. Cette profusion nécessitait plusieurs semaines de travail au sculpteur de la fabrique (qui disposait du reste pour cela de gabarits). À ce compte, on comprend que l’abondance décorative n’était accessible qu’à ceux dont les moyens financiers permettaient la rémunération du temps de travail du décorateur. Les faux-dormants des armoires et du buffet vaisselier portent les célèbres rinceaux de liseron et les pommes de pin stylisés, connus dans toute la Cornouaille, qui se terminent par des cannelures. Une plaque en métal ovale « Valentin Branthôme, ancienne maison veuve Branthôme, Rostrenen » figurait sur l’un de ces meubles ; après 1869, elle a vocation à « signer » les meubles réputés de qualité supérieure. Au sein de la dynastie qui dans les dernières années du 19 e siècle et les premières décennies du 20 e siècle, a assuré une production semi-industrielle allant jusqu’à fabriquer 400 à 500 pièces par an, Valentin avait en 1899 succédé à sa mère, l’épouse du fondateur Charles Branthôme. P. A.
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Billet de vingt francs créé par la Banque de France 1942 Dessins de Lucien Jonas et de Clément Serveau Collection particulière
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Mis en circulation en février 1942, retiré en 1963, ce billet appartient à une série de petites coupures émises pendant la guerre ; son petit format est la conséquence de difficultés d’approvisionnement en papier. L’imagerie des personnages typiques des provinces françaises fait ici appel en filigrane au profil d’Anne de Bretagne qui constitue une référence historique compréhensible par tous. Au recto, un pêcheur en suroît rouge hale un cordage au premier plan d’un port qui présente toutes les caractéristiques de celui de la vieille ville de Concarneau. L’ethnologue attribue généralement ce vêtement maritime aux pêches lointaines en Islande et surtout à Terre-Neuve, depuis les ports d’embarquements du littoral nord de la Bretagne (Saint-Malo, Saint-Brieuc…). De même, les attributs vestimentaires du verso sont-ils géographiquement mêlés ; une femme porte la coiffe de Quimper, l’autre celle du pays bigouden. Les monuments sont eux aussi artificiellement combinés ; l’église est Notre-Dame-de-la-Joie à Penmarc’h, mais le calvaire semble plutôt se rattacher à une sculpture du Porzay (sans doute Saint-Marie-du-Menez-Hom). Peu importe la vérité géographique ! La Banque de France, qui émet à la même période d’autres coupures présentant des personnages typiques des provinces françaises, attend du pittoresque de ces effigies qu’il se conforme à l’image que le gouvernement de Vichy veut donner de la France occupée par l’Allemagne et que des campagnes de propagande valorisent à l’envi : piété, travail, famille… Dans cette iconographie, si le Nord est représenté par un mineur, le Berry par une bergère, la Bretagne est résolument maritime. Une tradition orale rapporte que la Résistance falsifiait cette iconographie bien ordonnée, en plaçant une reproduction du visage d’Hitler, découpé sur les timbres-poste, derrière le cordage ; ainsi le pêcheur l’étranglait-il ! P. A.
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Indulgences Panneau de bois polychrome, 1830 Chapelle de Coadry, Scaër Inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques Collection Commune de Scaër (Finistère)
Traduction du panneau INDULGENCES Pour la chapelle de Coadry Données en l’an 1830 Par notre Saint Père le pape Pie VII INDULGENCES PLÉNIÈRES 1. Le dimanche du Saint Sacrement, premier Pardon, et le samedi précédent, à partir de deux heures jusqu’au coucher du soleil 2. Le quatrième dimanche de septembre, second Pardon, et le samedi précédent, à partir de deux heures jusqu’au coucher du soleil 3. Le quatrième vendredi du Carême. 4. Le premier vendredi de chaque mois. Pour gagner les présentes indulgences, il faut : se confesser et communier (sauf le jeudi saint et le vendredi saint), et prier dans la chapelle pour les besoins de l’Église. INDULGENCES MINEURES Chaque vendredi de l’année : deux cents jours d’indulgences. Pour les gagner il faut prier en la chapelle, pour les besoins de l’Église.
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Les indulgences apparaissent au 11e siècle à Rome et au début du 14e siècle en Bretagne. Selon la religion catholique, le péché est effacé par le sacrement du pardon (confession). Mais ce sacrement n’enlève pas la peine temporelle : le purgatoire. Cette peine peut être atténuée voire annulée par les indulgences, concédées par l’autorité ecclésiastique aux fidèles. L’indulgence est dite partielle ou plénière selon qu’elle libère partiellement ou totalement de la peine temporelle due pour le péché. Dans la chapelle de Coadry c’est le jour du Pardon du Saint-Sacrement, le troisième dimanche du mois de juin, qui avait la faveur des pèlerins pour obtenir des indulgences plénières. Les indulgences ne sont pas à l’origine des pardons mais elles participent fortement à leur succès. Vers 1550, les luthériens dénoncent leurs commerces. En effet, l’Église, qui doit reconstruire les bâtiments religieux détruits par les guerres de successions, promet des indulgences contre de l’argent. La meilleure façon d’obtenir des offrandes ! Cette pratique connaît un grand succès. Au 16 e siècle la Contre-Réforme supprime toute relation directe avec l’argent. Ce panneau d’indulgence assez dégradé a failli disparaître ! Il a pu être sauvé par l’association de bénévoles de la chapelle de Coadry puis restauré. Il témoigne de ces pratiques qui ont perduré jusqu’au début du 20e siècle et de l’emploi du breton — même s’il s’agit d’un « brezhoneg beleg ou breton de curé » qui ne correspond pas tout à fait au breton cornouaillais des habitants de Scaër. P. N.