Une première édition de ce texte a été réalisée à l’occasion des 25 ans de l’Espace des sciences par Jos Pennec, président de l’association Amélycor et membre actif de l’Espace des sciences. Cette présente édition augmentée a été préparée par Jean-Pierre Escofier avec le concours de Michel Cabaret, Odile Pennec, Jacques Rolland.
© Éditions Apogée, 2013 ISBN 978-2-84398-426-6
Sommaire Avant-propos / p. 5 Espace des sciences, aux Champs Libres / p. 7 Lycée Émile-Zola / p. 10 Palais universitaire / p. 14 Faculté des sciences, place Pasteur / p. 17 Palais abbatial de Saint-Melaine et jardin du Thabor / p. 20 Institut de géologie / p. 23 Laboratoire de botanique / p. 25 Hôtel de Robien / p. 29 Hôtel de ville / p. 32 École d’artillerie / p. 38 École de médecine : du nomadisme à l’école modèle / p. 40 Campus de Beaulieu / p. 42
Jos Pennec (1944-2011) / p. 44 Bibliographie / p. 45
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Le collège des Jésuites Le parcours sinueux que nous trace le temps dans l’histoire des sciences à Rennes commence il y a près de 500 ans. À vrai dire, il ne s’agit pas encore de sciences, seulement de la mise en place de centres d’enseignement pour les jeunes. La première étape, en 1536, est la transformation de l’ancien hôpital SaintThomas en collège que les bourgeois de Rennes obtiennent de François Ier. La seconde étape, en 1604, a lieu quand les Jésuites, sollicités par la ville depuis près de 20 ans, acceptent de prendre en charge les enseignements du collège. 10
Lycée Émile-Zola La ville finance largement la construction de nouveaux bâtiments, ainsi que celle de l’église Toussaints, la seule église en tuffeau de la ville. Les remparts de la ville, construits au xve siècle, sont alors tout proches, longeant l’avenue Janvier et le boulevard de la Liberté avec les tours Gaye et de Plaisance et la porte de Villeblanche donnant sur l’actuelle rue SaintHélier. Le collège connaît un vif succès : il a 900 élèves à ses débuts et 1480 en 1626. Il y est donné une éducation classique, en latin. Le collège reste un centre d’enseignement et d’apostolat pour les Jésuites jusqu’au
27 mai 1762 où le Parlement de Bretagne, sous l’impulsion du procureur général La Chalotais, prononce leur expulsion de Bretagne. En 1782, l’écrivain François René de Chateaubriand passe une année au collège de Rennes. Il la relate dans ses Mémoires d’outre-tombe : « La multitude des maîtres et des écoliers, la grandeur des bâtiments, du jardin et des cours me paraissaient démesurées » ; il se souvient aussi de mémorables bagarres au jardin du Thabor.
L’époque révolutionnaire Depuis l’époque révolutionnaire, les
responsables rennais prêtent une grande attention à tout ce qui touche au domaine éducatif dans leur ville. En janvier 1791, après l’installation de nouvelles administrations de la ville, du district et du département, les enseignants du collège démissionnent laissant la place à une nouvelle équipe. Sous l’impulsion du médecin NicolasPierre Gilbert, qui en devient le principal, l’enseignement des mathématiques, « le plus utile et le plus propre à former des hommes » est recréé ; il est confié à Mathurin Thébaut (1727-1801), un professeur chevronné qui assurait un cours de mathématiques pour les États de Bretagne depuis 1754.
Deux ans plus tard, le collège, qui a perdu les ressources qui le finançaient sous l’ancien régime, est en grande difficulté : il ne reste que quelques élèves et des patriotes ont remplacé les professeurs nommés en 1791. En l’an V (automne 1796), une institution nouvelle fondée par la Convention, l’école centrale du département d’Illeet-Vilaine, est ouverte. Les mathématiques y dominent, enseignées par Thébaut, qui termine sa carrière en préparant les premiers polytechniciens rennais. Lanjuinais assure les cours de législation, Rozais ceux de physique, Danthon, qui vient de l’Ain, les cours de sciences naturelles. Dans le plan d’études de ces écoles, l’enseignement des sciences tient une place importante
et un jardin botanique, un cabinet de physique et une collection de machines et de modèles pour les Arts et Métiers sont créés. L’école centrale de Rennes est une réussite, mais son existence se termine en 1803 quand Rennes est doté de l’un des premiers lycées, qu’elle accueille encore dans les bâtiments vétustes de l’ancien collège des jésuites.
Le lycée actuel Première commande de la ville passée à l’architecte Jean-Baptiste Martenot, en 1858, la reconstruction du lycée s’étale sur plus de trente ans. L’architecte donne à l’édifice, occupant une surface d’environ 25 000 m2, une allure prestigieuse en alliant la brique au tuffeau, au granite, au marbre, à 11
27 juin 1935. L’aménagement intérieur, le jardin et la décoration extérieure du bâtiment répondent à des demandes précises du professeur. Le 28 octobre 1937, l’institut de géologie s’installe, au 2 de la rue du Thabor, dans un bâtiment fonctionnel, bien équipé et parfaitement adapté à ses multiples usages. Couvrant une superficie de 612 m2, il comporte de vastes
sous-sols et s’élève sur deux étages ; un monte-charge relie les différents étages et un jardin, dessiné par Winter, le sépare de la faculté de droit. En 1941, le vote de crédits spéciaux attribués à la décoration des bâtiments neufs est l’occasion pour Yves Milon de solliciter quelques amis artistes. Il confie ainsi à Mathurin Méheut et à Yvonne Jean-Haffen la réalisation de 25 toiles
décoratives donnant à voir « des évocations de la vie terrestre et marine, des paysages caractéristiques étudiés au cours des excursions géologiques » ainsi que « les activités de l’institut de géologie au laboratoire et sur le terrain ». Le 15 mai 1947, Marcel Naegelen, ministre de l’Éducation nationale, inaugure l’institut et le marouflage des toiles est réalisé de mai 1947 à mars 1948.
Vallée des Traouïero à Ploumanach, Yvonne Jean-Haffen, musée de géologie.
Les falaises de grès rose du cap Fréhel, Yvonne Jean-Haffen, musée de géologie.
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Laboratoire de botanique La botanique à l’étroit Au Présidial, dans les années 1840, l’histoire naturelle occupait une salle du premier étage à quelques pas du petit amphithéâtre affecté aux cours. Cette pièce était entourée de vitrines où s’entassaient toutes les collections et, faute de place, Dujardin, titulaire de la chaire de zoologie et de botanique, poursuivait ses travaux chez lui, à l’autre bout de la rue Saint-Hélier. Au Palais universitaire, la situation ne fut guère meilleure. Le service de la biologie n’eut pas d’autre choix que de s’installer dans la pièce à gauche du vestibule d’entrée,
face au concierge, où les étudiants devaient travailler au beau milieu des herbiers, modèles et plantes fossiles. Malgré l’installation d’un laboratoire de botanique en 1878, il était toujours impossible, à cause de l’encombrement, d’y faire des recherches sérieuses.
Le laboratoire de la rue de Robien En 1901, la faculté des sciences de Rennes décide de compléter ses enseignements théoriques de botanique par l’organisation d’un cours complet de sciences naturelles appliquées à l’agriculture, au commerce et à l’industrie. Après la
rentrée de Pâques 1901, Lucien Daniel inaugure, devant près de 40 auditeurs, le cours de botanique appliquée. Le succès est immédiat et il est bientôt suivi de la création de la Société bretonne de botanique (1905) et de la publication du premier numéro de la Revue bretonne de botanique (1er mars 1906). En 1910, trop à l’étroit place Pasteur, l’enseignement de la botanique appliquée occupe une partie de la faculté des lettres ; là, les étudiants disposent d’une salle de collections servant de salle de travail pour la consultation des herbiers et même pour 25
Henri Nicollon des Abbayes (1898-1974)
Lucien Daniel, coll. part.
transmissions héréditaires de modifications des plantes par le greffage, dans une démarche proche de celle que Mitchourine (1855-1935) allait faire triompher en URSS avec le soutien de Lénine et de Staline. Daniel reçut à Rennes de nombreux visiteurs étrangers ; ses publications sont très nombreuses, relatant sans cesse de nouveaux prodiges comme des greffes de laitue sur salsifis, navet sur chou ordinaire, panais sur carotte, aubergine sur tomate, tomate sur pomme de terre, de 28
topinambour sur grand soleil dont les graines produisent des plantes avec de nombreux tubercules aériens, etc. Le fils de Daniel est mort au front en 1915. Il venait d’achever une thèse que Gaston Bonnier soutient en Sorbonne : c’est sans doute la première soutenance posthume. Le 6 octobre 1933, Daniel écrit : « Pour moi, c’est le couronnement de mon œuvre que ces expériences poursuivies pendant 40 ans consécutifs. Je m’estime heureux d’avoir assez vécu pour cela. »
Des Abbayes a été toute sa carrière professeur de botanique à l’université de Rennes. Il a naturellement beaucoup travaillé sur la Bretagne dont il a réalisé une flore très complète (sans dessins). Il est célèbre comme lichénologue. Il a réuni entre 1930 et 1960 une collection de lichens, en particulier du Massif armoricain, d’importance internationale. L’herbier des Abbayes comporte 11 000 spécimens de 1 300 espèces. Les troisquarts ont été collectés par des Abbayes luimême. Le reste vient du monde entier, en particulier des régions tropicales. La collection rend toujours de grands services aussi bien pour la formation que pour la recherche en systématique et taxonomie. Elle est conservée par l’UFR de pharmacie sur le campus de Villejean, avec près de 250 livres de la collection de des Abbayes, parmi lesquels des ouvrages anciens extrêmement rares et coloriés à la main.
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Hôtel de Robien En 1699, Paul de Robien achète aux Le Prestre de Lézonnet leur hôtel particulier de la rue aux Foulons. Construite au début du xviie siècle, cette demeure en pierre de taille, dont la façade principale donne sur la rue même, est qualifiée de grande maison avec une cour, close de murs, ouverte sur le Pont-aux-Foulons et sur le ChampJacquet par deux portails. Les espaces libérés par l’incendie de décembre 1720 donnent aux Robien
l’occasion d’étendre leur propriété au sud et l’acquisition, en 1700, d’un terrain de l’autre côté de la rue conduisant au Champ-Jacquet leur permet de réaliser un jardin à la française avec orangerie. C’est donc dans ce cadre urbain que Christophe Paul de Robien (1698-1756), président à mortier au Parlement de Bretagne en 1724 et collectionneur avisé, accueille les érudits et les scientifiques attirés par ses œuvres d’art, sa bibliothèque et son
cabinet de curiosités ou d’histoire naturelle. Il profite de toutes les occasions qui se présentent pour enrichir ses collections : voyages en Bretagne, cadeaux de relations amicales et scientifiques liées à la Compagnie des Indes… Dès 1742, ce cabinet figure parmi les douze cabinets de province cités par Dezallier d’Argenville dans un ouvrage consacré à l’histoire naturelle et, en particulier, à la conchyliologie.
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Jos Pennec teste le parcours de Rennes en sciences avec l’équipe de l’espace des sciences le 6 avril 2009.
Jos Pennec (1944-2011) Jos Pennec est né à PlougastelDaoulas dans le Finistère quatre jours avant le débarquement, le 2 juin 1944. Il se dirige vers les mathématiques et dès le début de ses études universitaires, en 1963, il passe le concours des IPES, un concours à l’issue de l’année de propédeutique, ce qui l’engage dans l’enseignement public en lui fournissant un salaire. En septembre 1970, après avoir rempli ses obligations militaires au collège naval de Brest, il est nommé à Vitré dans un établissement où on pouvait enseigner de la sixième à la terminale ; en septembre 1982, il obtient sa nomination au lycée Émile-Zola de Rennes, un des lieux qu’il a retenus pour son parcours de Rennes en sciences. Jos Pennec a eu de multiples centres d’intérêt et d’étude. L’un des plus importants est l’enseignement des mathématiques dans les classes du secondaire et il a travaillé pendant près de 30 ans avec de nombreux collègues professeurs de mathéma-
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tiques dans le cadre de l’IREM (Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques) à l’université de Rennes-1. Jos Pennec a obtenu un DEA d’histoire et avait en préparation une thèse qu’il n’a pas eu le temps de rédiger car en 2006, il a rejoint l’Espace des sciences.... Où il avait déjà contribué à la réalisation de différentes expositions comme, en 1989, Sciences et éducation en Bretagne à l’époque révolutionnaire. Il signera deux ouvrages : un collectif La Bretagne des savants et des ingénieurs et, avec Jean-Loup Avril, Les Médecins bretons de la Révolution au début du xxie siècle, dans lequel il retrace les carrières de 300 d’entre eux. Jos Pennec a également publié des textes sur la vie scientifique en Bretagne depuis la Révolution, sur Alfred Jarry avec la SAAJ (Société des amis d’Alfred Jarry), sur des peintres de l’école de Pont-Aven et des artistes bretons.