Le Thabor

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des hommes. Car ce jardin public est une affaire de rapports et de composition. Régulier, strict et fleuri dans le jardin à la française ; sinueux et aéré dans le parc paysager ; savant et ordonné dans la roseraie et le jardin botanique. Culture-Nature, ce couple s’illustre partout dans ce patrimoine

Francine Lieury Louis-Michel Nourry

Au Thabor, l’espace est l’arbitre du temps qui mêle et entremêle les traces de l’Histoire et le talent

Le ThaborRenaissance

d’un patrimoine rennais

Louis-Michel Nourry est historien des jardins et du paysage. Francine Lieury est paysagiste et aquarelliste.

Éditions Apogée ISBN 978-2-84398-446-4 25 euros TTC en France

Le Thabor, renaissance d’un patrimoine rennais

rennais.

Aquarelles Francine Lieury Texte Louis-Michel Nourry

Éditions Apogée


© Éditions Apogée, 2013 ISBN 978-2-84398-446-4


Textes de Louis-Michel Nourry Aquarelles de Francine Lieury

Le

Thabor

Renaissance d’un patrimoine rennais

Éditions Apogée



Sommaire L’art de visiter le Thabor - p. 9 Un jardin historique - p. 9 La métamorphose d’un paysage - p. 10 La naissance d’un jardin public - p. 16 Le sens du parcours - p. 20

Le talent des hommes - p. 31 Les frères Bühler, deux illustres paysagistes du xixe siècle - p. 31 Jean-Baptiste Martenot, des créations au Thabor - p. 37

Un jardin public - p. 39 Une commande publique - p. 39 Une promenade pour tous - p. 41 La sensibilité bourgeoise - p. 42

La promenade de la connaissance - p. 47 La gestion d’un patrimone - p. 47 Des mises en scène florales - p. 47 La mosaïculture - p. 48 Des arbres remarquables - p. 52 Une roseraie de collections - p. 59 Le jardin botanique - p. 64

Art et fabriques - p. 73 Les œuvres d’art au Thabor - p. 73 Le mobilier urbain, objet de la mise en scène - p. 74

Un nouveau pacte avec la nature - p. 83 La conception différenciée - p. 83 Aménagement d’une aire de service - p. 84 Le pollinarium - p. 84 Les ruches - p. 85

Maintenance et renaissance - p. 87 Des restaurations - p. 87 Des créations - p. 88

Un service des jardins acquis au patrimoine  par Cyrille Lomet - p. 91 5


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u Thabor, l’espace est l’arbitre du temps qui mêle et entremêle les traces de l’Histoire et le talent des hommes. Car ce jardin public est une affaire de rapports et de composition. Régu-

lier, strict et fleuri dans le jardin à la française ; sinueux et aéré dans le parc paysager ; savant et ordonné dans la roseraie et le jardin botanique. Culture et nature, ce couple s’illustre partout dans le parc rennais. Le Thabor est le résultat d’une « alchimie » savante et progressive, élaborée par une des plus prestigieuses signatures du xixe siècle, Denis Bühler. Dans notre première publication consacrée à ce patrimoine, nous connaissions peu cet architecte-paysagiste. Les recherches entreprises et les inventaires réalisés sur tout le territoire ont permis de mieux mesurer la réalité du talent de l’architecte et le caractère patrimonial du jardin rennais. À ce titre, le Thabor est un modèle de style qui constitue une référence dans l’histoire de l’art des jardins. La ville de Rennes a su transmettre cette image de jardin élevé au rang de patrimoine. L’homme y puise ses racines, son talent créateur et sa soif de connaître. Le Thabor est resté le lieu de tous les publics, refuge de paix et de méditation. La politique d’entretien, de restauration et d’aménagement soutenue par une volonté des élus clairement exprimée permet à cet espace protégé de connaître une renaissance qui lui profite : renouvellement de la roseraie, aménagement de l’Enfer, restauration du kiosque et de la colonne Vanneau-Papu, nouvel espace pour chiens, création d’un vignoble de mémoire, nouvel espace pour la gestion écologique des déchets végétaux, remise en eaux des cascades… Faut-il vraiment s’étonner du nouvel intérêt qu’il suscite ?

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L’art de visiter le Thabor Des traces d’Histoire, c’est toujours émouvant ; d’autant plus émouvant quand elles sont quasiment intactes et qu’elles permettent d’imaginer une foule d’histoires, des petites cette fois, des histoires de la vie quotidienne qui ont fini par construire la grande Histoire de la ville et de son parc. Le Thabor constitue une véritable mine d’or de références, de souvenirs et de symboles historiques.

Un jardin historique Au chapitre des symboles, il faut savoir que la naissance de ce jardin est due à la volonté d’une municipalité qui en 1864 décide d’appliquer les principes de la politique de l’espace engagée par Haussmann dans la capitale. Rennes, après Paris, Lyon et autres grandes villes, aura désormais son jardin public. La quête du bonheur en ville s’inscrit dans une organisation réglementée et reconnaissable des espaces. Le jardin public du Second Empire est un espace aménagé de distinction et d’ostentation. Il manifeste la reconquête de la ville par les élites sociales. Il autorise de jouir de l’Ordre : ordre des parterres, ordre des comportements assuré par le règlement qui multiplie les interdits, par le gardien qui veille et, surtout, par la clôture qui protège de l’irruption intempestive. Le jardin est tout à la fois manifestation et métaphore de l’ordre social. Le Thabor est né dans ce contexte d’expression d’un désir collectif aux complexes modalités. Il ne résulte pas de la seule visée d’embellissement. Il ne répond pas, comme on pourrait le croire, à un besoin de jeu ou de simple récréation. Cet espace planté n’est pas le lieu de la promenade ritualisée qui se déployait naguère sur le mail ou sur le cours. La déambulation qu’il autorise diffère de ces autres pratiques de parcours de l’espace urbain que dessinaient les promenades le long des remparts, au bord des quais ou à l’intérieur des champs de foire plantés d’arbres. Le Thabor, contrairement au boulevard, n’est pas seulement un lieu de flânerie. C’est un espace aménagé que l’on fréquente avec un sentiment d’appartenance à la « bonne société », éprise de représentation et de reconnaissance.

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Surtout, ce jardin public autorise une certaine économie des émotions, au sein de laquelle la passivité et la quiétude l’emportent sur l’activité. Il résulte d’une gageure : celle qui consiste à fournir à la promenade publique un cadre, subtilement urbanisé, qui présente les caractères d’un espace privé.

La métamorphose d’un paysage Avant la Révolution, il n’existait à cet endroit aucune promenade publique. La ville s’étendait alors jusqu’aux bâtiments de Saint-Melaine et de l’archevêché. À part quelques constructions entremêlées de champs et de jardins, qui bordaient de loin en loin la route de Fougères, l’agglomération s’arrêtait là. Tous les terrains occupés aujourd’hui par le quartier Sévigné n’étaient que des pièces de terre en culture dépendant de diverses fermes et notamment de la ferme de la Palestine, propriété des bénédictins. La place Saint-Melaine n’existait pas. Près de l’actuelle grille d’entrée, une église paroissiale aujourd’hui détruite ; le chœur de cette église Saint-Jean débordait sur le carré Du Guesclin. À côté, l’église Notre-Dame n’était à cette époque que la chapelle de l’abbaye bénédictine. Quant à la place Saint-Melaine, elle était divisée en deux parties par un mur : la partie droite du côté de la préfecture constituait le cimetière de l’église SaintJean ; l’autre partie était une cour d’entrée commune à l’abbaye Saint-Melaine et à l’évêché (devenu résidence du recteur d’académie). Cette cour, fermée elle aussi par un mur sur la rue de Fougères, avait pour entrée un grand portail monumental qui donnait juste en face de la rue Saint-Melaine. 10



L’abbaye Saint-Melaine et l’évêché possédaient de vastes enclos ; les jardins des bénédictins comprenaient tous les terrains de l’actuel parc du Thabor jusqu’à l’allée des Chênes et la volière. L’évêque disposait au sud de l’Enfer et des buttes qui l’entouraient un terrain rectangulaire appelé au xviiie siècle La Tonnelle et qui avait reçu le nom de Paradis, par opposition au trou de l’Enfer qui se trouvait à côté. Tous ces jardins étaient des propriétés privées. On y accédait en passant par l’abbaye. Mais les clôtures étaient perméables et les bénédictins se plaignaient régulièrement de la mauvaise fréquentation des lieux comme en témoigne la requête envoyée au Parlement : « Quantité des fainéants, vagabonds, femmes galantes et écoliers qui remplissent les enclos de dissolution et de désordre, au grand préjudice des exercices religieux… » À la Révolution, l’évêché et l’abbaye sont confisqués comme biens d’Église et deviennent biens nationaux. La ville décide de créer dans la partie est des terrains des bénédictins un jardin botanique en annexe de l’École centrale installée dans l’ancien palais épiscopal. Les divers terrains confisqués restent en l’état sans vocation précise. C’est sous la Restauration que le maire de Lorgeril (1821-1830), riche propriétaire foncier 12



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La grille monumentale Le carré Du Guesclin L’Enfer La volière L’allée des Chênes Le kiosque Les serres Le jardin régulier Le parc paysager La roseraie Le carré de roses anciennes Le jardin botanique L’enclos des canards Le jardin des Catherinettes Le puits des Catherinettes

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