Les contes du renard - Le chien domestique et le chat sauvage Benjamin Rabier | Éditions Langlaude Briffaut appartient au maire de Châteaurenard. Briffaut est un brave chien sans race, de bonne garde et dévoué à son maître. Notre bon chien a un ami : Broussaille, chat sauvage. Quand par hasard ils se rencontrent, c’est pour discuter de leur situation sociale respective. La domesticité, pour un chien, c’est le rêve, clame le docte Briffaut. La liberté et l’indépendance, c’est le paradis, rétorque Broussaille. Pauvre Broussaille, ton indépendance t’oblige à chercher toi-même ta nourriture. Je te vois patienter des heures dans une immobilité absolue pour guetter une vague souris dont tu ne feras qu’une bouchée. Et encore! à la condition que tu l’attrapes. Combien de fois dans une journée ton gibier disparaît-il dans un trou de mur ou une fente de parquet! Et si, par hasard, tu t’attaques à un maigre poussin. Prends bien garde de ne pas être vu par le chien de la ferme : sans quoi c’est non seulement ta capture que tu serais obligé d’abandonner sur le terrain, mais également tes os. Chiens de ferme et chats sauvages font mauvais ménage, tu as dû t’en apercevoir déjà à tes dépens. Si tu miaules un peu fort, après avoir été molesté par le chien, c’est le fermier qui te fera taire en lançant sur toi le premier objet qui lui tombera sous la main. Crois-moi, Broussaille, rien ne vaut la domesticité. J’ai un toit, où je repose à l’abri des intempéries et sous lequel, à des heures fixes, un valet de ferme m’apporte la pitance quotidienne. Regarde-moi, Broussaille, dévorer les meilleurs os du festin. On les met exprès de côté pour moi, pas un pas à faire pour chercher ma nourriture, c’est elle qui vient à moi. Qu’as-tu donc, mon brave ami, demande un matin Broussaille à son cher Briffaut qu’il trouve sur le seuil de sa niche, défait, le poil hérissé et la mâchoire contractée. Le maître m’a servi hier des os de lapin et de la chair faisandée; décidément, mon vieux, je ne me sens pas bien. Le lendemain, Broussaille trouva Briffaut mort dans sa niche. Le maître avait, sans le vouloir, empoisonné son chien. Mieux vaut que je continue à chercher ma nourriture, dit Broussaille, et surtout à la choisir.
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