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L'Avare Molière
sous la direction de Céline Thérien
Texte intégral Cléante et Élise, les deux enfants d’Harpagon, décident d’affronter leur père pour lui faire part de leurs volontés en ce qui concerne leur mariage respectif. Or, ce dernier, qui préfère l’argent au bonheur de ses enfants, est déterminé à régler à sa manière et dans ses intérêts les affaires de cœur de sa progéniture.
Molière
Imprimé sur papier contenant 100 % de fibres recyclées postconsommation.
CODE DE PRODUIT : 214456 ISBN 978-2-7617-6196-3
L'Avare
Molière
Le texte intégral annoté Un questionnaire bilan de première lecture Des questionnaires d’analyse de l’œuvre Cinq extraits accompagnés d’ateliers d’analyse dont un de lectures croisées Une présentation de Molière et de son époque Une description du courant baroque et du courant classique et des formes dramatiques au XVIIe siècle Un aperçu de l’œuvre et de sa place dans l’histoire littéraire
L'Avare
Cette comédie de caractère, dans laquelle l’extrême avarice de son protagoniste est mise à l’avant-plan, aborde également les thèmes de la flatterie et de l’hypocrisie, ceux des rapports de pouvoir sous le règne de Louis XIV, sans compter les inévitables conflits de génération que ce type d’intrigue engendre. Comme dans la plupart des comédies de Molière, le ridicule caractérisant Harpagon fait, encore aujourd’hui, fuser le rire des spectateurs, heureux de voir finalement la jeunesse et l’amour triompher.
Édition établie par Karine Vigneau
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L’Avare Molière Notes, questionnaires et synthèses établis par Karine VIGNEAU, professeure au Collège Ahuntsic
9001, boul. Louis-H.-La Fontaine, Anjou (Québec) Canada H1J 2C5 Téléphone: 514-351-6010 • Télécopieur: 514-351-3534
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Direction de l’édition Katie Moquin
Révision linguistique Nicole Lapierre-Vincent
Direction de la production Danielle Latendresse
Correction d’épreuves Marie Théorêt
Direction de la coordination Rodolphe Courcy
Conception et réalisation graphique Girafe & associés
Charge de projet Alain Menier
Illustration de la couverture Stéphane Jorisch
La Loi sur le droit d’auteur interdit la reproduction d’œuvres sans l’autorisation des titulaires des droits. Or, la photocopie non autorisée – le photocopillage – a pris une ampleur telle que l’édition d’œuvres nouvelles est mise en péril. Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, du présent ouvrage est interdite sans l’autorisation écrite de l’Éditeur. Les Éditions CEC inc. remercient le gouvernement du Québec de l’aide financière accordée à l’édition de cet ouvrage par l’entremise du Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres, administré par la SODEC.
L’Avare, collection Grands Textes © 2013, Les Éditions CEC inc. 9001, boul. Louis-H.-La Fontaine Anjou (Québec) H1J 2C5 Tous droits réservés. Il est interdit de reproduire, d’adapter ou de traduire l’ensemble ou toute partie de cet ouvrage sans l’autorisation écrite du propriétaire du copyright. Dépôt légal : 2013 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada ISBN 978-2-7617-6196-3 Imprimé au Canada 1 2 3 4 5 17 16 15 14 13
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Sommaire Présentation ......................................................................................
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Molière, toujours actuel Molière, sa vie, son œuvre ................................................................ L’Illustre-Théâtre ou la vie de bohème .............................................. À la cour de Louis le Grand ............................................................. L’envers de la gloire................................................................................ Description de l’époque : la France du XVIIe siècle ............................. Quelques renseignements préliminaires ............................................ Le contexte politique et social ........................................................ La religion, la culture, les courants de pensée .................................... Tableau des courants artistiques au XVIIe siècle .................................... Présentation de la pièce .................................................................... Liens avec la description de l’époque ................................................ Liens avec les courants artistiques et littéraires de l’époque ................. Liens avec la vie de Molière ............................................................ La conception de la pièce : sa dynamique interne ................................. Le pivot de la pièce : Harpagon ....................................................... La jeune génération ........................................................................ Les valets (et les figurants) .............................................................. La facture générale ........................................................................ Molière en son temps ....................................................................... Chronologie .................................................................................. L’Avare (texte intégral)
10 12 13 15 19 19 19 22 26 27 27 30 33 35 35 35 36 37 39 40
Personnages .......................... 46 Acte III .................................. 91 Acte I .................................... 47 Acte IV ................................. 111 Acte II ................................... 73 Acte V .................................. 127 Test de première lecture .................................................................... 146 L’étude de l’œuvre Quelques notions de base .................................................................. 150 Quelques renseignements sur le genre dramatique ............................ 150 Notions relatives au genre dramatique au XVIIe siècle ......................... 152 Tableau des formes dramatiques au XVIIe siècle .................................... 153 L’étude de la pièce par acte en s’appuyant sur des extraits ............... 157 L’étude de l’œuvre dans une démarche plus globale ......................... 174 Sujets d’analyse et de dissertation ...................................................... 179 Glossaire .................................................................................... 182 Bibliographie, filmographie et sites Internet ....................... 186
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Présentation Quel intérêt présente aujourd’hui la pièce L’avare de Molière ?
Lorsque l’on réfère à l’âge d’or de la comédie* classique, le nom de Molière nous vient d’emblée à l’esprit. Celui qui a donné ses lettres de noblesse à un genre théâtral qui, jusqu’alors, avait été souvent méprisé, est devenu une figure emblématique de la littérature de langue française que l’on désigne d’ailleurs aujourd’hui comme « la langue de Molière ». À la cour du RoiSoleil, la comédie moliéresque, par son caractère innovateur, ses portraits incisifs des travers de l’homme et ses ressorts comiques des plus efficaces, a réussi à se tailler une place aux côtés de la grande tragédie* classique. Naviguant entre farce* et comédie, classicisme* et baroque*, tradition et renouvellement du genre, Molière cherche d’abord et avant tout à séduire son public. C’est la raison pour laquelle son œuvre est truffée de situations et de personnages surprenants, dont le caractère excessif suscite les rires des spectateurs. Or, derrière les portraits caricaturaux et les quiproquos loufoques se dessinent souvent des drames déchirants. C’est d’ailleurs ce que l’on découvre dans L’avare. Dans cette comédie de caractère par excellence, Molière centre son propos sur l’avarice extrême d’un père autoritaire. Même s’il emploie à satiété des procédés comiques, il soulève aussi l’épineux sujet des relations conflictuelles entre les générations. Peut-on imaginer pire situation que celle de ce père qui ne tient pas compte des inclinations de ses enfants et leur impose un mariage arrangé, alors que lui-même désire épouser la jeune femme convoitée par son propre fils ? Ce type de confrontation est un thème récurrent dans l’œuvre du dramaturge, où tant les jeunes hommes que les jeunes femmes tentent de se soustraire à l’autorité parentale. Les tribulations amoureuses et, principalement, le mariage forcé – pratique courante au XVIIe siècle – sont souvent le moteur 5
* : Cf. Glossaire
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Présentation de l’action dans les comédies de Molière. L’auteur s’en prend aux abus de pouvoir des parents dans une sphère qui relève de la vie intime. On pense par exemple à la situation vécue par le personnage d’Agnès dans L’école des femmes, à celle des deux jeunes couples amoureux des Fourberies de Scapin ou, encore, à celle impliquant Cléante et Élise, enfants de l’avare Harpagon. Un patriarcat impitoyable, trait de la mentalité du XVIIe siècle, oblige très souvent les jeunes gens (dont Molière prend pratiquement toujours le parti) à se soumettre aux désirs des parents et à servir les intérêts de ces deniers quand vient le temps de se marier. Cette situation engendre un dilemme intemporel pour l’être humain : faut-il se rebeller ou obéir, faut-il se plier aux conventions ou respecter ses sentiments ? Chez Molière, la réponse se trouve généralement du côté du respect des choix individuels, l’inclination sentimentale l’emportant souvent sur le conformisme. Puisque ces thèmes de l’amour et du choc des générations sont intemporels, le lecteur actuel peut encore être sensible à l’intrigue de cette pièce. Qui plus est, le propos central du texte, la critique de l’avarice, s’avère lui aussi d’une portée indéniable. À travers les époques, la littérature universelle a mis au monde plusieurs avares célèbres et donné à ce thème une grande résonnance. À preuve, le père Grandet (Eugénie Grandet de Balzac), Shylock (Le marchand de Venise de Shakespeare) ou, encore, Séraphin Poudrier (Un homme et son péché de Claude-Henri Grignon) sont non seulement des figures mythiques du patrimoine littéraire, mais leur nom est aussi passé dans le langage courant1. D’autre part, les valeurs matérialistes du XXIe siècle peuvent trouver écho en la personne d’Harpagon ; fortement caractérisée par la marchandisation de tous les aspects de nos vies, notre époque s’éloigne d’un humanisme respectueux des intérêts du cœur. De fait, Molière laisse transparaître ses propres valeurs en caricaturant un caractériel obsessif, et cette 1. À tout le moins, les deux derniers personnages de fiction (Shylock et Séraphin), comme Harpagon d’ailleurs, servent aujourd’hui à qualifier les avares notoires et sont passés dans le domaine des noms communs, au même titre que, de nos jours, un séducteur est affublé de l’appellation don Juan.
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Présentation exagération, rappelons-le, sert bien son but, soit de faire rire le spectateur tout en dénonçant les mœurs sociales de l’époque. Toutefois, la modernité de Molière s’explique surtout par un sens indéniable du spectacle ; en s’appuyant sur le jeu corporel de ses comédiens, Molière conçoit des mises en scène enlevantes ; il sait occuper l’espace de la scène* en multipliant les entrées et les sorties de ses personnages, ce qui contribue à mieux mettre en lumière une dynamique de conflits savamment orchestrée. Des dialogues* rythmés, un humour vif, une gestuelle loufoque, tout concourt à créer un effet de divertissement festif. Les pièces du dramaturge sont d’ailleurs, encore aujourd’hui, parmi les plus jouées, que ce soit ici au Québec, en France ou ailleurs dans le monde.
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* : Cf. Glossaire
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Molière, sa vie, son œuvre Molière
Faut-il connaître la vie de l’auteur pour comprendre L’avare ?
Bourgeoisie Classe sociale regroupant les commerçants, les notables et plusieurs hauts fonctionnaires ; elle représente la classe montante.
Très peu de renseignements avérés sur la vie de Molière sont parvenues jusqu’à nous et très peu de documents existent le concernant2. De sa main, il ne nous reste que quelque cinquante signatures apposées au bas d’actes officiels ou de commandes de décors, mais aucun manuscrit d’un auteur pourtant si prolifique3. Toutefois, grâce à certains documents écrits de cette époque, témoignant de la perception que ses contemporains ont eue de lui, nous pouvons éclairer quelque peu le mystère planant sur cet homme de lettres. Premier enfant issu du mariage de Jean Poquelin et Marie Cressé, Jean-Baptiste Poquelin, qui prendra plus tard le nom de Molière, naît le 15 janvier 1622, à Paris. Son père, prospère marchand tapissier4, continue la tradition familiale, et sa mère est elle-même fille de tisserand. Ce portrait de famille est typique de la riche bourgeoisie* parisienne du XVIIe siècle. Comme cela était pour certaines familles bourgeoises privilégiées, les Poquelin ont leurs entrées à la cour, puisque le père est tapissier du roi et valet de chambre ordinaire, titres qu’il s’assure de pouvoir léguer à son fils aîné. 2. Une légende a même circulé, racontant qu’un homme serait arrivé à la Bibliothèque nationale avec une charrette remplie de documents ayant appartenu à Molière, et qu’on aurait refusé de le recevoir. L’homme s’en serait allé, emportant peut-être avec lui toute trace écrite de la vie de l’auteur. 3. Molière pouvait écrire deux ou trois pièces par année, dans ses périodes les plus créatives. 4. Au Québec, on utilise couramment le terme de rembourreur au lieu de celui de tapissier. Il peut aussi être considéré comme un équivalent du décorateur actuel.
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* : Cf. Glossaire
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Biographie Le jeune Molière perd sa mère à l’âge d’à peine dix ans ; Jean Poquelin se remarie avec la jeune Catherine Fleurette, qui décède quatre ans après l’union en mettant au monde le troisième enfant du couple. Le père reste donc le seul responsable de l’éducation de ses cinq enfants. Jean-Baptiste fréquente la boutique de son père tout en assimilant la façon de faire des affaires et du commerce. Contrairement à certains bourgeois désireux d’adopter le mode de vie de la noblesse, les Poquelin n’ont pas l’ambition de changer de statut social. Ce sont peut-être ces valeurs qui porteront le futur dramaturge à critiquer également les dévots* et les parvenus, mais aussi les précieuses, les pédants, les charlatans et les avares, bref tous ceux qui sombrent dans la démesure. En ce qui a trait à la religion, les Poquelin se montrent plutôt anticonformistes, même si les excès en tous genres ne font pas partie des mœurs familiales. Une bonne éducation, telle que l’exige le père Poquelin, donnera à Molière une culture savante dont témoignent les multiples emprunts aux écrivains gréco-latins. Jeune homme, il est en effet inscrit au collège de Clermont, où il reçoit une formation élitiste, dispensée en latin par les Jésuites. C’est durant ces années qu’il découvre entre autres les œuvres de Plaute et de Térence, deux dramaturges comiques de la Rome antique, qui l’influenceront considérablement. C’est également à ce moment qu’il assiste de façon régulière à des représentations de pièces de théâtre, dont celles de Corneille, données en alternance avec des farces* et des canevas burlesques à l’Hôtel de Bourgogne* ainsi que dans les foires publiques de Paris. Enfin, c’est à la même époque, peu après des études en droit à Orléans (1642) et un court intermède en tant que tapissier du roi, qu’il prend la décision qui changera à jamais le cours de sa vie.
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* : Cf. Glossaire
Dévots Au XVIIe siècle, chrétiens de la puissante Compagnie du Saint-Sacrement, aux buts charitables, mais aussi moraux, raisons pour lesquelles ils s’opposent Titre aux libertins, mais texteaussi, en général, à toute expression artistique qui détournerait le chrétien de Dieu.
À retenir
Farce Pièce généralement courte, qui, pour faire rire, mise surtout sur le comique de gestes, sur le burlesque.
Hôtel de Bourgogne Un des quatre grands théâtres de Paris au XVIIe siècle, avec le Palais-Royal, le Marais et le Petit-Bourbon.
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Description de l’époque: la France du XVIIe siècle Qu’importe-t-il de connaître de la France du XVIIe siècle ?
Quelques renseignements préliminaires Molière naît dans un siècle où la France impose à l’Europe le prestige de sa culture, grâce à un grand monarque comme Louis XIV : toutes les cours veulent imiter celle à laquelle participe l’aristocratie française, tous les rois désirent un château reprenant les canons architecturaux dont Versailles a posé les jalons, et la langue française jouit d’une très grande notoriété. En outre, les colonies d’outre-mer témoignent de la puissance de Louis le Grand, qui se soucie fort peu de ses colonies, mais sur lesquelles le ministre Colbert veille.
Le contexte politique et social Molière, né en 1622, a seize ans au moment de l’accession au trône de Louis XIV, qui se surnommera lui-même le Roi-Soleil dans l’intention manifeste de favoriser le culte de sa personnalité. Le grand roi compte éblouir l’Europe par la magnificence de sa cour, installée au majestueux château de Versailles. Tout au long de sa fructueuse carrière, Molière sert 19
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Contexte
Monarchie absolue Régime autocratique et héréditaire dans lequel le roi hérite du trône sans avoir de comptes à rendre à ses sujets. Absolutisme royal en est un synonyme.
Fronde Rébellion qui s’étend de 1643 à 1661, d’abord commencée par la noblesse, soutenue par les parlementaires et ensuite par le peuple, dont le but est d’affaiblir le pouvoir royal. Pour éviter ce genre de soulèvement, Louis XIV invite les nobles à Versailles et les réduit à l’état de courtisans.
cette politique de grandeur par son talent à multiples facettes. Lorsqu’il accède au pouvoir, Louis XIV nourrit le projet de maintenir la paix à l’intérieur du royaume. Il consolide alors la monarchie absolue*, prétendant détenir son pouvoir de Dieu. Omniprésente à l’époque, l’Église cautionne un ordre social qui prend racine au Moyen Âge et qui semble immuable. La noblesse, qu’on peut définir comme la caste des seigneurs, se caractérise par ses titres (duc, comte, marquis, baron, etc.) et par ses nombreux privilèges hérités à la naissance, comme celui de ne pas payer d’impôt et de réserver l’accès à la prestigieuse carrière militaire à ses membres. La guerre se pratique plutôt comme un sport où il est possible de se distinguer par sa vaillance. Puisque le prestige d’un roi se mesure à la quantité de ses conquêtes militaires, les conflits avec les pays frontaliers ne manquent pas. Cependant, ces guerres comportent un revers important, celui de mettre en péril l’équilibre financier de l’État. En 1673, la victoire de Louis XIV contre Guillaume d’Orange, roi de la Hollande, est célébrée – comme il était coutume de le faire à l’époque – par des spectacles à grand déploiement, très coûteux, dont l’objectif est de refléter la grandeur du règne. Le théâtre s’inscrit dans cette volonté de rayonnement d’un roi, qui apparaît souvent sur scène déguisé en soleil6. Louis XIV ne supporte toutefois pas que les Grands7 du royaume portent ombrage à sa gloire. Depuis l’épisode de la Fronde*, qui a marqué son enfance, il craint leur tendance à ourdir des complots, à fomenter des rébellions qui sèment le trouble dans le royaume. 6. Louis XIV était danseur de ballet à ses heures et l’une de ses chorégraphies les plus célèbres est celle faisant de certains de ses sujets choisis pour le spectacle des corps célestes tournoyant autour du centre de l’Univers, le roi lui-même. 7. Titre d’honneur réservé aux plus puissants seigneurs du royaume.
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* : Cf. Glossaire
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Contexte Aussi les invite-t-il à son somptueux château de Versailles où il les réduit à l’état inoffensif de courtisans, occupés à rivaliser entre eux pour obtenir une faveur, par exemple celle d’assister au lever de Sa Majesté ou, encore, de figurer à l’un des nombreux divertissements organisés en son honneur. Cependant, c’est au sein de ce groupe de privilégiés que se recrutent les membres du haut clergé. Il n’est pas rare alors de voir un cardinal exercer des fonctions politiques et vivre dans le luxe tout en ayant à ses côtés une maîtresse plus ou moins officiellement reconnue. En fait, la religion est intimement liée à l’exercice du pouvoir, puisque le roi prétend tirer sa légitimité de Dieu Lui-même et que c’est à Lui seul qu’il doit rendre compte de ses décisions. Parallèlement, une autre classe sociale cherche à concurrencer la noblesse dans de nombreux domaines. En effet, à force de travail et d’ambition, certains bourgeois arrivent à se construire d’importantes fortunes grâce à leur activité de commerçants, de notables ou de fonctionnaires au service du roi ; la famille Poquelin fait d’ailleurs partie de cette caste. Puisque Louis XIV a écarté les nobles du pouvoir, il choisit ses ministres au sein de la bourgeoisie. Ayant le monopole du commerce, les bourgeois jouissent d’une fortune qui dépasse parfois largement celle des grands seigneurs ; très ambitieux, ils ont acquis, dès la Renaissance et grâce à leur argent, des titres de noblesse8 ; ils ont maintenant des postes au sein du gouvernement et, bien que le roi les confine à des rôles d’exécutants, ils semblent s’en accommoder, flattés dans leur orgueil de cet honneur qu’on leur fait. Comme la manière de vivre des bourgeois doit être en accord avec leur statut, il n’est pas rare de percevoir, chez plusieurs d’entre eux, un désir d’étaler leur richesse, que ce soit par le luxe de leur résidence ou de leurs habits. 8. C’est d’ailleurs à cette époque que l’on assiste à une division de la noblesse, celle de sang qui définit les nobles de naissance, et celle de robe, pour les bourgeois qui se sont procuré des titres de duc, de comte, etc.
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Tableau comparatif des courantsdes artistiques courants e siècle dans romantique au XVII et réaliste Courant baroque
Courant classique
• Influence dominante au début du XVIIe siècle, dans toute l’Europe.
• Influence dominante en France sous le règne de Louis XIV.
• Héros inconstants, déchirés, susceptibles de se déguiser ou de se métamorphoser en cours d’action, qui adhèrent aux valeurs chevaleresques, qui ont le goût de l’héroïsme et qui cultivent l’ambiguïté.
• Héros qui calquent leurs valeurs sur celles de l’honnête homme, toujours dans la juste mesure, entre honneur et devoir. De rang élevé dans la tragédie, d’origine bourgeoise dans la comédie.
• Mélange des genres, le tragique se mêlant au comique (la tragicomédie) dans le but de traduire le malaise de l’être humain devant un monde en bouleversement ; foisonnement des anecdotes.
• Séparation des genres et respect des contraintes de composition, notamment la règle des trois unités, celles de lieu (un seul lieu), de temps (une journée) et d’action (une ligne directrice), pour traduire une impression de stabilité, celle de la monarchie absolue.
• Virtuosité stylistique, prolifération des figures de style et tendance au langage précieux, orné. Intensité dans l’expression des sentiments, goût pour tout ce qui est excessif.
• Sobriété dans l’expression des sentiments, qui doivent demeurer dans les limites de la bienséance, c’est-à-dire de la décence morale. Style épuré, clarté et précision du lexique.
• Prédilection pour les effets de mise en scène, pour les changements de décor, pour les pièces à machines.
• Mise en scène solennelle qui met l’accent sur le caractère cérémoniel de la représentation, dans le but de servir la gloire du roi.
• But par rapport au spectateur : créer un effet de surprise, l’impressionner.
• Désir de plaire au spectateur pour mieux l’instruire des valeurs et des comportements socialement souhaitables.
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Présentation de la pièce Premièrement, quels liens peut-on établir entre l’ensemble de ces connaissances et L’avare de Molière ? Deuxièmement, en quoi ces informations peuvent-elles aider à mieux comprendre la pièce ? L’avare, présentée pour la première fois le 9 septembre 1668, est une pièce en cinq actes qui respecte certaines règles du courant classique, bien qu’elle emprunte aussi quelques traits au baroque. En effet, derrière sa tonalité comique dominante, on peut déceler dans la pièce la présence de propos très graves, entre autres lorsqu’on observe les sentiments haineux animant réciproquement le père et ses enfants. Bien que les scènes* dans lesquelles s’engage une confrontation soient toujours traitées sur un ton comique, contrairement à Dom Juan qui exploite une atmosphère beaucoup plus sombre, on sent que le sujet est parfois lourd. L’auteur utilise le rire pour dénoncer les travers de ses concitoyens et il critique, comme dans la totalité de son œuvre, certaines absurdités de son époque.
Liens avec la description de l’époque Harpagon et sa famille font partie de la classe montante des bourgeois, qui prend de plus en plus de place dans la société du Grand Siècle. Or, dans la pièce L’avare, deux types de bourgeois nous sont présentés. D’abord, Harpagon, incarnant la bourgeoisie d’arrière-garde, qui cherche à la fois à faire fructifier son avoir en le 27
* : Cf. Glossaire
Scène Subdivision de l’acte qui correspond souvent à l’entrée ou à la sortie d’un personnage de la scène, qui est aussi l’espace de représentation de la pièce.
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L’Avare
Personnages HARPAGON, l’Avare, père de Cléante et d’Élise. CLÉANTE, fils d’Harpagon, amant de Mariane. ÉLISE, fille d’Harpagon, amante de Valère. VALÈRE, intendant1 d’Harpagon. MARIANE, amante de Cléante. ANSELME, gentilhomme, en réalité, Dom Thomas D’Alburcy. FROSINE, femme d’intrigue2. MAÎTRE SIMON, courtier3. MAÎTRE4 JACQUES, cuisinier et cocher5 d’Harpagon. LA FLÈCHE, valet de Cléante. DAME CLAUDE, servante d’Harpagon. BRINDAVOINE, laquais6 d’Harpagon. LA MERLUCHE, laquais d’Harpagon. Le COMMISSAIRE7 et son CLERC.8 Le théâtre représente une pièce de la maison d’Harpagon, avec une table, des sièges, un coffre, un secrétaire. Une porte donne sur la rue, une autre sur le reste de l’appartement ; au fond, une porte-fenêtre donne sur le jardin.
notes 1. intendant : personne chargée d’administrer la maison, les affaires et les biens d’un riche particulier ; domestique. 2. femme d’intrigue : dont le métier est de mener à bien des affaires amoureuses. 3. courtier : personne servant d’intermédiaire dans des transactions commerciales.
4. Maître : maître d’hôtel ; domestique. 5. cocher : qui s’occupe des chevaux. 6. laquais : domestique. 7. commissaire : officier du ministère public auprès de certains tribunaux. 8. clerc : secrétaire.
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Acte I
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Scène 1
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VALÈRE, ÉLISE
VALÈRE – Hé quoi ? charmante Élise, vous devenez mélancolique, après les obligeantes assurances que vous avez eu la bonté de me donner de votre foi1 ? Je vous vois soupirer, hélas ! au milieu de ma joie ! Est-ce du regret, dites-moi, de m’avoir fait heureux, et vous repentez-vous de cet engagement où mes feux2 ont pu vous contraindre ? ÉLISE – Non, Valère, je ne puis pas me repentir de tout ce que je fais pour vous. Je m’y sens entraîner par une trop douce puissance, et je n’ai pas même la force de souhaiter que les choses ne fussent pas. Mais, à vous dire vrai, le succès me donne de l’inquiétude ; et je crains fort de vous aimer un peu plus que je ne devrais.
notes 1. foi : promesse de fidélité.
2. feux : ardeur des sentiments.
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L’Avare
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VALÈRE – Hé ! que pouvez-vous craindre, Élise, dans les bontés que vous avez pour moi ? ÉLISE – Hélas ! cent choses à la fois : l’emportement d’un père, les reproches d’une famille, les censures du monde1, mais plus que tout,Valère, le changement de votre cœur, et cette froideur criminelle dont ceux de votre sexe payent le plus souvent les témoignages trop ardents d’une innocente amour2. VALÈRE – Ah ! ne me faites pas ce tort, de juger de moi par les autres. Soupçonnez-moi de tout, Élise, plutôt que de manquer à ce que je vous dois : je vous aime trop pour cela, et mon amour pour vous durera autant que ma vie. ÉLISE – Ah ! Valère, chacun tient les mêmes discours. Tous les hommes sont semblables par les paroles ; et ce n’est que les actions qui les découvrent différents. VALÈRE – Puisque les seules actions font connaître ce que nous sommes, attendez donc au moins à juger de mon cœur par elles, et ne me cherchez point des crimes dans les injustes craintes d’une fâcheuse prévoyance3. Ne m’assassinez point4, je vous prie, par les sensibles coups d’un soupçon outrageux, et donnezmoi le temps de vous convaincre, par mille et mille preuves, de l’honnêteté de mes feux. ÉLISE – Hélas ! qu’avec facilité on se laisse persuader par les personnes que l’on aime ! Oui, Valère, je tiens votre cœur incapable de m’abuser. Je crois que vous m’aimez d’un véritable amour, et que vous me serez fidèle ; je n’en veux point du tout douter, et je retranche mon chagrin aux appréhensions du blâme qu’on pourra me donner . VALÈRE – Mais pourquoi cette inquiétude ?
notes 1. les censures du monde : les blâmes émanant de la société. 2. innocente amour : souvent au féminin au XVIIe siècle.
3. d’une fâcheuse prévoyance : que vous craignez qu’il advienne. 4. Ne m’assassinez point : ne me portez pas préjudice.
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Acte I, scène 1
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ÉLISE – Je n’aurais rien à craindre, si tout le monde vous voyait des yeux dont je vous vois, et je trouve en votre personne de quoi avoir raison aux choses que je fais pour vous. Mon cœur, pour sa défense, a tout votre mérite, appuyé du secours d’une reconnaissance où le Ciel m’engage envers vous1. Je me représente à toute heure ce péril étonnant qui commença de nous offrir aux regards l’un de l’autre ; cette générosité surprenante qui vous fit risquer votre vie, pour dérober la mienne à la fureur des ondes ; ces soins pleins de tendresse que vous me fîtes éclater après m’avoir tirée de l’eau, et les hommages assidus de cet ardent amour que ni le temps ni les difficultés n’ont rebuté, et qui, vous faisant négliger et parents et patrie, arrête vos pas en ces lieux, y tient en ma faveur votre fortune2 déguisée, et vous a réduit, pour me voir, à vous revêtir de l’emploi de domestique de mon père. Tout cela fait chez moi sans doute un merveilleux effet ; et c’en est assez à mes yeux, pour me justifier l’engagement où j’ai pu consentir ; mais ce n’est pas assez, peut-être, pour le justifier aux autres, et je ne suis pas sûre qu’on entre dans mes sentiments3. VALÈRE – De tout ce que vous avez dit, ce n’est que par mon seul amour que je prétends auprès de vous mériter quelque chose ; et quant aux scrupules que vous avez, votre père lui-même ne prend que trop de soin de vous justifier à tout le monde ; et l’excès de son avarice, et la manière austère dont il vit avec ses enfants pourraient autoriser des choses plus étranges. Pardonnez-moi, charmante Élise, si j’en parle ainsi devant vous. Vous savez que sur ce chapitre on n’en peut pas dire de bien. Mais enfin, si je puis, comme je l’espère, retrouver mes parents, nous n’aurons pas
notes 1. Mon cœur, pour sa défense […], le Ciel m’engage envers vous : pour justifier cet amour, les qualités de Valère et la puissance du sentiment amoureux d’Élise sont suffisants.
2. fortune : condition sociale. 3. qu’on entre dans mes sentiments : qu’on me comprenne.
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Molière, L’Avare, scène d’exposition* : acte I, scène 1 Premier extrait, pages 47 à 51, lignes 1 à 100
Étape préparatoire à l’analyse ou à la dissertation : compréhension du passage en tenant compte du contexte a Évaluez l’efficacité de cette scène d’exposition, en donnant des preuves (citations, exemples et explications) à l’appui des fonctions suivantes, qui sont généralement celles que doit exercer la scène d’ouverture. a) Elle présente les personnages principaux de la pièce. b) Elle situe le spectateur dans le temps et dans l’espace. c) Elle établit le contexte antérieur en rappelant des événements susceptibles d’éclairer l’action. d) Elle fournit les renseignements nécessaires pour saisir la suite de l’histoire. e) Elle suscite l’intérêt ou la curiosité. z Quel type de phrase Valère utilise-t-il lorsqu’il cherche à convaincre Élise de la sincérité de ses sentiments ? e Au regard de la fin de la pièce et des reproches que fait Harpagon à sa fille (acte V, sc. 4, l. 2), que signifie l’expression « obligeantes assurances » dont Valère fait mention dans sa première réplique ? r Analysez le sentiment amoureux chez Élise, en répondant aux questions suivantes. a) En quoi l’amour d’Élise envers Valère semble-t-il exceptionnel, selon la jeune fille ? b) Quels procédés Molière utilise-t-il pour appuyer ce fait ?
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* : Cf. Glossaire
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Premier extrait, pages 47 à 51 c) En tenant compte du peu de considération donnée aux enfants et aux femmes au XVIIe siècle (voir « Le contexte politique et social », p. 19), expliquez la réponse donnée par Élise à la deuxième réplique de Valère lui demandant la raison de ses craintes. d) Dans cette même réplique, regroupez sous deux catégories les obstacles qui empêchent Élise d’aimer librement. e) Relevez les déterminants et les procédés stylistiques utilisés dans cette réplique. Qu’est-ce qui semble être le plus accablant pour la jeune fille ? t Dans le but de rassurer Élise, quel temps de verbe, utilisé par Valère, sert à convaincre la jeune fille de la profondeur des sentiments de son prétendant (l. 20 à 23 et 27 à 33) ? y Analysez la tirade d’Élise (l. 41 à 59) en répondant aux questions suivantes. a) Quelles inquiétudes sont soulevées par la jeune femme ? b) Quelles raisons évoque-t-elle pour justifier l’amour qu’elle ressent pour le jeune homme ? c) Quels procédés stylistiques y sont mis en œuvre ? d) Quel portrait se dégage de la jeune fille dans cette scène ? u Analysez les réparties de Valère. a) En quels termes Harpagon est-il évoqué par Valère ? b) Quels procédés stylistiques sont utilisés ici ? c) Quelle opinion cela traduit-il ? d) Comment ces propos révèlent-ils également le caractère de l’intendant ? i Dans l’exposé de la stratégie que Valère a adoptée pour se rapprocher d’Élise et s’attirer la sympathie d’Harpagon, on peut remarquer une métaphore. Repérez-la et expliquez en quoi elle ajoute au comique de la scène.
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L’Avare o Dans cette même analyse de comportements, le faux intendant use d’un vocabulaire mélioratif. À quoi sert ce procédé dans ce contexte ? q Peut-on dire que cette première scène nous permet de bien connaître les personnages et d’anticiper leurs actions ? Vers la rédaction
s Suivez les étapes proposées dans le but de rédiger une dissertation complète sur l’énoncé suivant : « En vous appuyant sur la première scène de l’acte I, montrez la difficulté de vivre une relation amoureuse au XVIIe siècle. » • Pour vous aider à rédiger votre introduction, en ce qui concerne le sujet amené, consultez la partie « Liens avec la description de l’époque » (p. 27) et faites un lien avec le principe du mariage forcé ou, encore, avec l’autorité parentale excessive au XVIIe siècle. Le sujet posé devrait ressembler sensiblement à l’énoncé ci-dessus. Vous pourriez vous inspirer des aspects suivants dans la formulation de vos idées principales : a) la description du sentiment amoureux ; b) les obstacles empêchant la réalisation de cet amour. • Comme il y a deux personnages en action dans cette scène, vous pourriez subdiviser chacun de vos deux paragraphes de développement en idées secondaires, présentant le point de vue de l’un et de l’autre sur les aspects proposés comme idées principales. D’autres avenues s’offrent aussi à vous pour formuler ces idées secondaires ; par exemple, préciser deux ou trois émotions que les personnages vivent dans cette situation complexe (le sentiment d’euphorie, la force et le courage engendrés par l’amour, l’inquiétude, etc.) et deux ou trois obstacles concrets à l’amour (les conventions sociales, le peu de considération donné aux femmes et aux enfants, les doutes envers l’autre, etc.). • En conclusion, rappelez le sujet de votre texte et ses principales divisions ; puis, en ouverture, vous pouvez vous servir de votre 160
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Premier extrait, pages 47 à 51 bagage de connaissances générales pour tenter d’établir un lien entre une des idées de votre analyse littéraire de L’avare et : a) une autre œuvre de Molière ; b) un aspect de la biographie de Molière (p. 10 à 18) ; c) une œuvre d’un autre auteur ; d) le contexte social. Ce lien doit toujours être expliqué et non pas seulement évoqué ; il doit être en rapport avec l’idée directrice de votre travail ou, encore, l’une ou l’autre des idées principales ou secondaires. d Bien que Molière prenne généralement le parti des jeunes amoureux dans ses comédies, montrez que Valère et Élise, s’ils sont valorisés, sont également critiqués. f Peut-on dire que cette scène répond aux objectifs d’une scène d’exposition ? Expliquez.
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Molière,Extrait, L’Avare,pagesacte73IV,à 75scène 7 Dernier extrait, pages 125 et 126, lignes 1 à 32
Questionnaire sur le texte de Molière a Dans le monologue d’Harpagon, relevez quelques occurrences des procédés stylistiques suivants, tout en faisant ressortir leur effet : a) hyperboles ;
Lectures croisées
b) énumérations ; c) gradations ; d) répétitions ; e) personnifications ; f) emplois d’une ponctuation expressive. z Quel type de comique est mis en œuvre par la didascalie « Il se prend lui-même le bras » (l. 7 et 8) ? Que nous apprend-elle sur l’état d’esprit du personnage ? e Une certaine folie envahit Harpagon. a) Relevez trois ou quatre passages le démontrant. b) Repérez les procédés stylistiques mis en œuvre dans ces passages. r Repérez les passages où Harpagon évoque l’importance de sa cassette et expliquez comment Molière s’y prend pour traduire son inquiétude. t Molière semble rompre avec la vraisemblance* et s’adresser directement aux spectateurs par l’entremise d’Harpagon. Relevez le passage précis où l’on peut remarquer cette entorse aux normes du spectacle.
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* : Cf. Glossaire
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Dernier extrait, pages 125 et 126 y En quoi la finale du monologue contribue-t-elle à la caricature de l’avarice ?
Honoré Beaugrand, Le fantôme de l’avare Honoré Beaugrand, né le 24 mars 1848 à Saint-Joseph-de-Lanoraie, au Québec, a été à la fois militaire, journaliste, propriétaire de journaux et homme politique. En tant qu’auteur, il a publié de nombreux récits d’inspiration folklorique, qu’il a rassemblés dans un recueil paru en 1900, La chasse-galerie : légendes canadiennes. Cet extrait du roman Jeanne la fileuse s’avère, aux dires de l’auteur, davantage un pamphlet pour contrer l’exode des Canadiens français vers les États-Unis qu’un récit. La veille du jour de l’An, des gens rassemblés pour célébrer la Nouvelle Année racontent à tour de rôle une histoire. Le tour du maître d’école venu, il relate le récit du fantôme de l’avare.
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Il y a de cela cinquante ans. C’était bien avant que l’Anglais eût jamais foulé le sol de ta paroisse natale. J’étais riche, bien riche, et je demeurais alors dans la maison où je te reçois, ici, ce soir. C’était la veille du jour de l’an, comme aujourd’hui, et seul près de mon foyer, je jouissais du bien-être d’un abri contre la tempête et d’un bon feu qui me protégeait contre le froid qui faisait craquer les pierres des murs de ma maison. On frappa à ma porte, mais j’hésitais à ouvrir. Je craignais que ce ne fût quelque voleur qui, sachant mes richesses, ne vînt pour me piller, et, qui sait, peut-être m’assassiner. Je fis la sourde oreille et, après quelques instants, les coups cessèrent. Je m’endormis bientôt, pour ne me réveiller que le lendemain au grand jour, au bruit infernal que faisaient deux jeunes hommes du voisinage qui ébranlaient ma porte à grands coups de pied. Je me levai à la hâte pour aller les châtier de leur impudence, quand j’aperçus, en ouvrant la porte, le corps inanimé d’un jeune homme qui était mort de froid et de misère sur le seuil de ma maison. J’avais, par amour pour mon or, laissé mourir un homme qui frappait à ma porte, et j’étais presque un assassin. Je devins fou de douleur et de repentir. Après avoir fait chanter un service solennel pour le repos de l’âme du malheureux, je divisai ma fortune entre les pauvres des environs, en priant Dieu
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d’accepter ce sacrifice en expiation du crime que j’avais commis. Deux ans plus tard, je fus brûlé vif dans ma maison et je dus aller rendre compte à mon Créateur de ma conduite sur cette terre que j’avais quittée d’une manière si tragique. Je ne fus pas trouvé digne du bonheur des élus et je fus condamné à revenir à la veille de chaque nouveau jour de l’an, attendre ici qu’un voyageur vînt frapper à ma porte, afin que je pusse lui donner cette hospitalité que j’avais refusée de mon vivant à l’un de mes semblables. Pendant cinquante hivers, je suis venu, par l’ordre de Dieu, passer ici la nuit du dernier jour de chaque année, sans que jamais un voyageur dans la détresse ne vînt frapper à ma porte. Vous êtes enfin venu ce soir, et Dieu m’a pardonné. Soyez à jamais béni d’avoir été la cause de ma délivrance des flammes du purgatoire, et croyez que, quoi qu’il vous arrive ici-bas, je prierai Dieu pour vous là-haut.
Lectures croisées
Honoré Beaugrand, « Le fantôme de l’avare », tiré de Jeanne la fileuse (1878), Bibliothèque électronique du Québec (BeQ), p. 43 à 46.
Questionnaire sur le texte de Beaugrand, Le fantôme de l’avare a Pour quelle raison l’avare, il y a cinquante ans, n’a-t-il pas ouvert sa porte au jeune homme venu frapper chez lui ? Relevez les deux verbes qui appuient votre réponse. z Quels sentiments semblent habiter, à rebours, l’âme de l’avare ? Repérez dans sa narration les indices qui le prouvent. e Faites la liste des termes associés à la religion dans cet extrait. r En quoi cette légende est-elle moralisatrice ?
Claude-Henri Grignon, Un homme et son péché Né à Sainte-Adèle en 1894, Claude-Henri Grignon a été journaliste, nouvelliste, essayiste et romancier. Son œuvre, Un homme et son péché, connut un succès indéniable et aura été adaptée tour à tour pour la radio, la télévision et le cinéma. Son protagoniste a marqué l’imaginaire des Québécois au point que l’expression « être un 170
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Dernier extrait, pages 125 et 126 c) en dégageant un portrait du personnage. e Énumérez les termes qui permettent de visualiser l’incendie. Quelle atmosphère se dégage de cette description ? r Relevez les occurrences du mot folie. Comment contribuent-elles à la signification de l’extrait ? t Dans la mythologie chrétienne, le « séraphin » est un ange. En quoi le choix de ce nom peut-il paraître paradoxal dans ce contexte ? Vers la rédaction – Analyse croisée
a La folie caractérise le personnage principal de L’avare et d’Un homme et son péché. Démontrez-le. z Montrez que le monologue de L’avare cherche à provoquer le rire, alors que les deux autres extraits créent davantage une inquiétude chez le lecteur. e L’avarice est-elle présentée de la même manière dans les trois extraits ?
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L’étude de l’œuvre dans une démarche plus globale La démarche proposée ici peut précéder ou suivre l’analyse par extrait. Elle apporte une connaissance plus synthétique de l’œuvre et met l’accent sur la compréhension de la pièce dans son entier. Les deux démarches peuvent être exclusives ou complémentaires. Pour chacun des cinq actes de la pièce, adoptez la démarche ci-dessous qui tient compte des composantes du texte dramatique, soit : a) l’intrigue* ; b) les personnages ; c) la thématique* ; d) l’organisation*, le style* et la tonalité.
Intrigue a Faites le résumé de chacun des cinq actes de la pièce, à l’aide des questions qui suivent. a) Qui ? Quels sont les personnages en présence ? b) Quoi ? Qu’apprend-on sur eux ? Que font-ils ? Quelles relations interpersonnelles sont évoquées ? c) Quand ? Et où ? Quelle est la situation exposée et dans quel contexte se déroule-t-elle ? Quels sont les temps et les lieux évoqués ? d) Comment ? Quels liens s’établissent entre les personnages ? Que vivent-ils ? Quels événements parsèment le récit ?
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* : Cf. Glossaire
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Sujets d’analyse et de dissertation Plusieurs pistes d’analyse portant sur l’œuvre complète sont maintenant accessibles, et certaines plus faciles à emprunter que d’autres. Pour favoriser votre progression vers le plan, les premiers sujets ont été partiellement planifiés (comme suggestion d’exercices : compléter ou détailler ces plans) ; en revanche, les autre sujets laissent toute la place à l’initiative personnelle. a Montrez qu’Harpagon est un personnage caricatural. Esquisse d’un plan possible de développement de ce sujet. Introduction
Sujet amené : dans la description de l’époque, la description de la pièce ou l’analyse portant sur l’œuvre globale, puisez une idée en lien avec le sujet posé. Sujet posé : reformulez le sujet. Sujet divisé : précisez les deux ou trois facettes du personnage qui sont caricaturées. Ces aspects serviront d’argument dans l’élaboration de votre texte. Développement
Pour vous aider à élaborer vos idées, appuyez-vous sur les aspects suivants du personnage d’Harpagon : a) son comportement de père ; b) son rôle de maître auprès de ses domestiques ; c) son comportement amoureux ; d) son rapport à l’argent ; e) sa perception de lui-même.
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Glossaire Pour étudier le théâtre : lexique de base et autres termes Acte : division d’une pièce, qui correspond aux étapes du déroulement de l’action dans le théâtre classique.
Comédie : dans sa forme classique, pièce visant à faire rire, qui met en scène des personnages de la bourgeoisie dans des situations de la vie quotidienne (par opposition à la tragédie).
Aparté : court énoncé que s’adresse le personnage à luimême, mais qui est aussi dirigé vers le public.
Commedia dell’arte : tradition théâtrale, fondée sur l’improvisation à partir de canevas. Les comédiens jouent masqués des personnages stéréotypés, qui reviennent d’une pièce à l’autre.
Baroque : courant du début du XVIIe siècle en France, présentant un monde mobile, souvent fondé sur l’illusion, et dont les caractéristiques principales sont l’irrégularité, le mélange des genres et des formes, la fusion des tons comique et tragique, et usant d’un style emphatique pour faire montre d’une virtuosité stylistique.
Conventions théâtrales : procédés de composition propres au théâtre. Ce sont des procédés factices, qui n’ont pas cours dans la vraie vie et qui tiennent à la nature du genre dramatique, qui est un texte conçu pour la représentation. Les monologues, les apartés, le fait que les comédiens dialoguent entre eux tout en s’adressant aux spectateurs, tout cela fait partie des conventions théâtrales.
Bienséance : règle classique selon laquelle on doit tenir compte de la décence sur scène, respecter la morale et éviter la représentation de la sensualité, de la vulgarité ou du bizarre. Bourgeoisie : classe sociale regroupant les commerçants, les notables et plusieurs hauts fonctionnaires ; elle représente la classe montante.
Courtisan : personne qui fréquente la cour d’un souverain, dans ce cas-ci celle de Louis XIV, installée à Versailles. Comme les courtisans cherchent à plaire à leur monarque, le terme a pris le sens d’un individu flatteur et adulateur.
Classicisme : courant en vogue sous le règne de Louis XIV en France, qui favorise l’idéal de l’honnête homme, la pureté des genres (comique ou tragique) et l’application de règles et de critères pour encadrer la création artistique.
Dénouement : moment de l’action où les conflits se résolvent, de façon heureuse dans une comédie et malheureuse dans une tragédie.
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Glossaire Deus ex machina : événement inattendu qui vient régler les problèmes des protagonistes, comme par magie. Cette locution latine signifie « dieu issu de la machine » et prend son origine dans le théâtre antique, où il était courant de faire intervenir une divinité en la faisant entrer en scène à l’aide d’un mécanisme.
représentation, quand les comédiens s’adresseront à l’auditoire assis dans la salle. Édit de Nantes : acte officiel, signé en 1598 par Henri IV, qui reconnaît la liberté de culte aux protestants et met fin aux guerres de religion sous son règne. Louis XIV, son petit-fils, le révoque en 1685 et relance l’intolérance religieuse en France.
Dévots : au XVIIe siècle, chrétiens de la puissante Compagnie du Saint-Sacrement, aux buts charitables, mais aussi moraux, raisons pour lesquelles ils s’opposent aux libertins, mais aussi, en général, à toute expression artistique qui détournerait le chrétien de Dieu.
Exposition : premier acte d’une pièce, où l’on présente les principaux éléments de l’intrigue (personnages, relations, enjeux, etc.). Farce : pièce généralement courte, qui, pour faire rire, mise surtout sur le comique de gestes, sur le burlesque.
Dialogue : au théâtre, suite de répliques qui fournit l’essentiel des informations permettant de suivre l’intrigue et de comprendre la dynamique des relations entre les personnages.
Fronde : rébellion qui s’étend de 1643 à 1661, d’abord commencée par la noblesse, soutenue par les parlementaires et ensuite par le peuple, dont le but est d’affaiblir le pouvoir royal. Pour éviter ce genre de soulèvement, Louis XIV invite les nobles à Versailles et les réduit à l’état de courtisans.
Didascalies : indications scéniques qui apparaissent en italique dans le texte et ne doivent pas être dites sur scène. L’auteur prend ce moyen pour s’adresser au metteur en scène, celui qui élabore une mise en espace du texte, et aux comédiens, ces professionnels qui incarnent les personnages.
Grand Siècle : c’est ainsi qu’on appelle souvent le XVIIe siècle français, époque où le royaume de France constituait la principale puissance européenne.
Double énonciation : la première énonciation, soit la première étape de la communication, se fait entre l’auteur et son lecteur. La deuxième étape se fera au moment de la
Honnête homme (idéal de l’) : le classicisme propose l’idéal de l’honnête homme : raisonnable, de bon goût et de bonne compagnie, qui sait courtiser sans s’humilier.
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L'Avare Molière
sous la direction de Céline Thérien
Texte intégral Cléante et Élise, les deux enfants d’Harpagon, décident d’affronter leur père pour lui faire part de leurs volontés en ce qui concerne leur mariage respectif. Or, ce dernier, qui préfère l’argent au bonheur de ses enfants, est déterminé à régler à sa manière et dans ses intérêts les affaires de cœur de sa progéniture.
Molière
Imprimé sur papier contenant 100 % de fibres recyclées postconsommation.
CODE DE PRODUIT : 214456 ISBN 978-2-7617-6196-3
L'Avare
Molière
Le texte intégral annoté Un questionnaire bilan de première lecture Des questionnaires d’analyse de l’œuvre Cinq extraits accompagnés d’ateliers d’analyse dont un de lectures croisées Une présentation de Molière et de son époque Une description du courant baroque et du courant classique et des formes dramatiques au XVIIe siècle Un aperçu de l’œuvre et de sa place dans l’histoire littéraire
L'Avare
Cette comédie de caractère, dans laquelle l’extrême avarice de son protagoniste est mise à l’avant-plan, aborde également les thèmes de la flatterie et de l’hypocrisie, ceux des rapports de pouvoir sous le règne de Louis XIV, sans compter les inévitables conflits de génération que ce type d’intrigue engendre. Comme dans la plupart des comédies de Molière, le ridicule caractérisant Harpagon fait, encore aujourd’hui, fuser le rire des spectateurs, heureux de voir finalement la jeunesse et l’amour triompher.
Édition établie par Karine Vigneau