Blessures de vie, Vincent Aveni (Ed. Favre 2020) - EXTRAITS

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Quand nous sommes touchés dans notre essence profonde, lorsque le milieu familial et social nous empêche de nous déployer en tant qu’êtres vivants et créateurs, tous les systèmes de notre corps réagissent en se défendant : maladies, douleurs chroniques et mal-être surviennent alors, et nous accompagnent dans notre quotidien. Ces manifestations, qu’elles soient physiques ou mentales, sont le signe que nous ne sommes pas en accord avec nos aspirations et que nous passons à côté de l’essentiel : la réalisation de soi. Nous survivons tant bien que mal, nous nous compromettons et mendions des miettes de bonheur.

Vincent Aveni

Le corps ne ment pas, il est porteur de notre histoire. Nous nous sommes construits au travers de nos joies, de nos peines, de nos manques, de nos peurs et de nos blessures affectives.

BLESSURES DE VIE

Ce livre donne des pistes pour comprendre comment notre personnalité, pour se protéger du souvenir douloureux du traumatisme, nous sépare de notre élan vital et comment il est possible de s’accompagner sur le chemin de la réunification : le retour vers soi.

© AGVision.ch

Préface de Marie Lise Labonté, créatrice de la Méthode de Libération des Cuirasses.

Vincent Aveni a été prothésiste dentaire pendant plus de vingt ans. En 2000, suite à un événement majeur qui le touche personnellement, il choisit de quitter cette activité pour s’orienter vers l­ ’accompagnement des personnes en souffrance. Son propre cheminement lui donne la certitude que la guérison passe par l’union du corps et de l’esprit. Il se forme en Méthode de Libération des Cuirasses (MLC) et en Images de Transformation auprès de Marie Lise Labonté et de Nicolas Bornemisza. Suivront des formations complémentaires en OrthoBionomy, Somatic Experiencing et Integral Somatic Psychology. Actuellement, il partage son temps entre son cabinet, l’animation de séminaires de développement personnel et son activité de formateur en MLC. ISBN 978-2-8289-1817-0

BLESSURES DE VIE

Le chemin vers la guérison est semé d’embûches. Pour éviter de rencontrer notre souffrance, nous n’hésitons pas à nous renier, à mettre aux oubliettes nos rêves d’enfant, à taire notre créativité pour nous satisfaire de petits moments de répit qui nous aident à tenir le coup. Si nous prenons le temps d’écouter ce que notre corps nous dit, alors s’ouvre la perspective de la transformation. Que ce soit suite à des accidents, des catastrophes, des blessures d’amour, nous avons tous en nous une force qui vient des profondeurs de notre être et qui permet la guérison. Elle émane de notre intelligence cellulaire, émotionnelle et mentale.

Vincent Aveni

Se libérer des chaînes du traumatisme Préface de Marie Lise Labonté


Siège social et bureaux 29, rue de Bourg CH – 1002 Lausanne Tél. : +41 (0)21 312 17 17 lausanne@editionsfavre.com Adresse à Paris 7, rue des Canettes F – 75006 Paris www.editionsfavre.com Dépôt légal en Suisse en février 2020. Tous droits réservés pour tous les pays. Sauf autorisation expresse, toute reproduction de ce livre, même partielle, par tous procédés, est interdite. Illustration de couverture : iStock / Boonyachoat Graphisme (couverture) et mise en page : Lemuri-Concept ISBN : 978-2-8289-1817-0 © 2020, Éditions Favre SA, Lausanne, Suisse Les Éditions Favre bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2016-2020.


Vincent Aveni

Blessures de vie

Se libĂŠrer des chaĂŽnes du traumatisme


Introduction

C

hère lectrice et cher lecteur,

Lorsque mon éditeur m’a contacté pour me proposer d’écrire un ouvrage décrivant la façon dont j’accompagne les personnes qui me consultent, j’ai été dans un premier temps dans le questionnement, tant la relation thérapeutique peut être complexe à raconter ; serai-je assez clair pour expliciter comment j’œuvre dans cet accompagnement ? Comme beaucoup de mes collègues qui travaillent dans des approches centrées sur la personne, je possède une « caisse à outils » qui ne cesse de se perfectionner au gré de mes expériences et formations ; sans oublier une grande part d’intuition pour choisir l’outil que je vais utiliser, quand ce n’est pas une combinaison de plusieurs approches thérapeutiques. Que ce soit dans le mouvement de la Méthode de Libération des Cuirasses (MLC) ou de l’Ortho-Bionomy, que ce soit dans l’équilibrage du système nerveux en Somatic Experiencing (SE) ou dans l’intégration émotionnelle de l’Integral Somatic Psychology (ISP), je suis essentiellement un « homme du corps » dans le sens où ma pratique fait toujours le lien entre le corps et l’esprit. Car c’est notre corps qui porte l’histoire des chocs de notre vie, inscrite dans sa peau, ses muscles, sa peau, ses organes, et il est aussi le miroir de ce qui se vit dans notre psyché et notre Âme.

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Blessures de vie

Nos postures, notre manière de nous exprimer, par les gestes ou la parole, sont autant de reflets de notre vécu émotionnel. Lorsque je reçois une personne et qu’elle me raconte son mal-être, je suis très attentif à son langage corporel. Et plus je l’observe s’exprimer, plus j’ai l’impression d’être devant un livre qui me raconte un peu l’histoire de sa vie. Au cours de mon expérience d’accompagnant j’ai acquis cette vision : le corps est comme une bibliothèque pleine de livres. Des livres anciens, certains même parcheminés, lourds et poussiéreux, qui nous racontent les histoires de nos vieilles blessures, de nos traumatismes. Des manuscrits faits de graffitis d’enfants tristes, abandonnés ou non reconnus, trahis dans leur innocence ou maltraités, quand le geste est imprécis et les mots pas encore dessinés ; d’autres qui nous entraînent dans un univers plus joyeux, qui décrivent des instants de rire et de gaieté ; ou des livres captivants qui racontent nos expériences de découvertes et d’apprentissages sur le chemin de notre autonomie. Des ouvrages plus récents qui nous narrent l’histoire d’un homme ou d’une femme qui chemine à la recherche d’un bonheur qui lui échappe, qui le fuit parce que le début de son histoire est source de souffrance et qu’il ne sait pas que le chemin vers ce bonheur tant recherché se trouve au cœur de cette douleur. Des livres en pleine écriture et dont la fin est conditionnée par le choix qui sera fait par le héros de se pencher sur sa vie, par sa volonté d’affronter ses démons et d’oser traverser sa souffrance pour en ramener son trésor. Des ouvrages à écrire, qui nous raconteront l’histoire d’Êtres libres de leur vie, rayonnant de la beauté de leur âme, vivants dans l’unité de leur corps, de leur cœur et de leur esprit. Ou encore d’autres évoquant la force et l’élan créateur qui habitent chaque être humain et qui ont été retrouvés après une longue bataille avec un ennemi féroce et tapi la plupart du temps dans l’ombre : nous ! D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours recherché l’harmonie. Pendant longtemps je l’ai cherchée à l’extérieur de 12


Introduction

moi, en fréquentant des personnes qui savaient comment y parvenir, en pratiquant la danse classique, puis plus tard dans la course à pied ou dans des livres qui me racontaient des histoires extraordinaires d’Êtres libres et heureux. Quelle belle illusion, j’ai dû me rendre à l’évidence que je faisais fausse route. Ce sentiment d’être en harmonie c’est en moi qu’il me fallait le trouver, il me fallait œuvrer à me défaire de ce qu’il y avait entre elle et moi et trouver le chemin vers ma liberté. Si, dans les trois premiers chapitres, je décris les processus qui nous amènent à nous séparer de notre corps, vous découvrirez dans les deux derniers des pistes pour entrer dans le chemin de réunification, de guérison. Dans votre lecture, vous découvrirez aussi quelques méthodes d’accompagnement que j’utilise ; mais il est bien évident qu’il en existe d’autres qui passent par le corps pour aller vers la guérison des traumatismes. Chère lectrice et cher lecteur, Mon souhait est que ce livre puisse vous amener quelques réponses et soit un guide pour cheminer un peu plus vers la libération de vos peines et participer à votre réunification. Vincent

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Chapitre 1 Le lien au corps

Où ai-je garé ma voiture ?

C’

est dimanche soir et il est temps de rentrer chez moi. J’ai passé le week-end à Paris. J’y étais convié pour animer un séminaire sur l’importance de prendre le temps de s’écouter et le groupe a été très demandeur d’informations. Il ne cessait de poser des questions sur les effets du temps sur le corps lorsqu’on n’y prête pas attention. C’est donc un peu fatigué que je quitte mon hôtel pour retrouver mon auto. Je l’avais garée dans un parking souterrain près du lieu où je logeais. J’entre dans l’immeuble où m’attend ma voiture et je ne la trouve pas. J’ai beau parcourir les étages je ne la vois pas. Cela devient angoissant car j’avais prévu de rentrer assez tôt chez moi, les minutes et les heures passent sans que je puisse la retrouver. Je me dis que je me suis certainement trompé d’immeuble. Je refais mentalement le parcours de mon arrivée mais rien n’y fait. Tous les immeubles que je visite se ressemblent et je deviens de plus en plus inquiet car il va bientôt faire nuit. À un moment je m’aperçois qu’en plus j’ai oublié ma valise avec toutes mes affaires à l’hôtel. Je retourne en vitesse pour la récupérer en sachant qu’ils ont déjà dû refaire la chambre. Heureusement, ayant remarqué mon oubli, le personnel de chambre l’avait mise de côté. Quel soulagement, mais il me reste à retrouver cette fichue auto. C’est incroyable mais 15


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il m’est impossible de me souvenir dans quel immeuble et à quel étage je l’ai laissée. Ce rêve m’a été donné alors que dans ma vie je vivais une période à forte intensité de travail, intensité amenant une grande surcharge d’émotions et de tensions physiques. Une période agréable, certes, mais mon corps était dans une fatigue que j’occultais inconsciemment ; fatigue cachée par le plaisir qu’avait ressenti mon ego à entendre les mots de félicitations des participants et le plaisir d’avoir mené à bien ce séminaire. Incontestablement je m’étais séparé de moi-même et j’avais perdu le contact avec mon corps (la voiture). En plus, avoir perdu ma valise (ce qu’il est important d’avoir avec moi car c’est un peu de notre vie que l’on y met) était terrible ; heureusement des aspects de mon inconscient à mon service (le personnel de chambre, la chambre étant un lieu d’union) l’avaient remarquée et mise de côté. J’étais donc informé que le stress que je vivais à ce moment, même s’il était agréable pour ma personnalité car il lui apportait reconnaissance et satisfaction, créait une séparation en moi. Mon esprit étant trop occupé à rassurer la partie en demande de reconnaissance, il en oubliait un des besoins fondamentaux du corps. Le message était donc clair, il me fallait renouer le contact avec mon corps et lui apporter ce dont il avait besoin : prendre le temps de me reposer et de me ressourcer. Sans ce lien, sans l’écoute de son message qui est de prendre du repos, impossible de rentrer chez moi.

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Le lien au corps

Pourquoi le lien au corps est-il si important ? Notre corps, expression de nos émotions et de nos traumatismes « Savez-vous que vous avez un corps ? – La bonne nouvelle Vincent ! Bien sûr que je sais que j’ai un corps, il me fait assez souffrir pour savoir que j’en ai un ! – Oui, mais savez-vous que vous avez un corps et qu’au travers de sa souffrance il vous parle ? » Et là je vois l’incompréhension sur le visage de mon interlocuteur. Ainsi donc vous avez, nous avons un corps, et ce corps nous parle constamment en nous indiquant si ce que nous vivons est bon ou pas pour lui. Bien sûr nos sens, la vue, l’ouïe et l’odorat, sont capables de nous avertir s’il y a danger. Ainsi si nous voyons un feu de forêt notre réflexe sera de s’éloigner de celui-ci. Si nous sentons une odeur de roussi dans notre cuisine nous accourons ; si nous entendons une sirène hurlante approcher nous savons qu’il y a probablement un accident ou une catastrophe. Mais cela ne suffit pas à nous révéler si la personne qui est en face de nous a des intentions agressives, si la situation que nous vivons ou l’atmosphère d’une réunion de travail est agréable ou désagréable. Notre corps possède aussi des capteurs sensoriels internes et externes qui informent instantanément notre cerveau si ce que nous vivons est plaisant ou déplaisant, s’il y a un danger que nos autres sens, la vue, l’ouïe et l’odorat n’ont pas décelé. En libérant des neurotransmetteurs, en activant des sécrétions hormonales, notre cerveau va réagir à ces informations et envoyer des stimuli vers certains de nos systèmes, qu’ils soient nerveux, musculaire, respiratoire ou sanguin afin de préparer le corps à effectuer telle ou telle action, pour assurer son bon fonctionnement et sa survie. 17


Blessures de vie

Un exemple : si mon cerveau m’informe qu’il y a un danger, il activera de l’adrénaline pour accélérer le rythme cardiaque, il agira sur le système respiratoire en dilatant les bronches pour disposer d’un volume d’air maximum en cas de fuite, ainsi que sur la vision en dilatant les pupilles pour avoir une vue plus large de l’environnement et ainsi être mieux à même de faire face au danger en mobilisant toutes les ressources du corps s’il me faut fuir ou combattre. À l’inverse si je me trouve en famille à discuter au coin du feu dans une atmosphère joyeuse et détendue, il y aura libération de sérotonine, l’hormone du bonheur. Mon corps sera dans le relâchement musculaire, ma respiration sera lente et profonde et mes pulsations basses. Donc notre corps nous parle et il a son propre langage, un langage d’impressions et de sensations. Il nous informe qu’il a des besoins, des besoins essentiels comme la soif, la faim, d’avoir un abri, d’être en sécurité et soigné, d’être aimé. Besoin d’avoir un territoire et d’autres besoins essentiels à la survie de notre biologie comme dormir ou uriner. Notre corps est ainsi fait et c’est la même chose pour les animaux. Quand mon « Monsieur chat », à qui je voue une admiration certaine, demande et reçoit de la nourriture, c’est à son besoin de s’alimenter qu’il répond. C’est une question de survie. Mais il n’y a pas que les besoins essentiels pour l’épanouissement de notre être. Il y en a des plus élevés pour passer de la survie à la vie. Besoin d’être écouté et reconnu pour ce que l’on est ; besoin d’affirmation et d’être valorisé dans nos actions ; besoin de bienveillance et de communication ; besoin de faire partie d’une communauté et besoin d’accomplissement de soi. Mais qu’en est-il lorsque l’un ou l’autre de ces besoins n’est pas comblé ? Qu’en est-il lorsque pour satisfaire notre désir d’être aimé nous nous compromettons ? Lorsque nous laissons notre territoire être envahi pour nous assurer de garder notre place au travail ? Que nous ravalons notre colère par peur de blesser ou de perdre l’amour des êtres qui partagent notre vie ou tout simplement une amitié ? 18


Le lien au corps

La relation à nos besoins est tellement primordiale dans le processus qui nous amène à nous séparer de nous-mêmes, à nous couper de notre corps, que j’y consacre une place plus importante plus loin dans ce livre. Comment vivons-nous lorsque nous remettons nos projets à plus tard parce que ce n’est jamais le bon moment, occupés à satisfaire le besoin de l’autre pour obtenir son attention ? Qu’en est-il lorsque nous nous séparons des signaux que notre corps nous envoie ? Nous continuons à nous maintenir en état de survie, nous ne vivons pas notre vie. Lorsque j’ai pris conscience que mon corps avait autre chose à me dire que mes besoins vitaux, cela a été une rencontre tellement intense que je m’en souviens encore aujourd’hui. Je me relevais d’une épreuve difficile qui serait, je m’en suis rendu compte bien des mois plus tard, le début d’une transformation personnelle et transpersonnelle. Au cours de ce que j’appelle ma convalescence émotionnelle j’ai rencontré pour la première fois « mon corps qui avait souffert » ; le corps que j’avais abandonné pour obtenir reconnaissance et sécurité matérielle. J’avais choisi par peur et pour ma sécurité affective de refouler mes émotions et de relativiser mes douleurs. J’étais devenu le « bon garçon », j’avais bafoué mon corps, je m’étais compromis et il me l’avait fait savoir. Lors d’un séminaire j’ai fait la connaissance de Marie Lise Labonté. Elle a créé une méthode de libération émotionnelle qu’elle a nommé la MLC (Méthode de Libération des Cuirasses). Dans cette approche psychocorporelle qu’elle a créée, elle nomme cet enfermement : la cuirasse du mal-aimé. Cette cuirasse porte toutes les tensions physiques, émotionnelles ainsi que tout le système de croyances de l’enfant qui a dû se soumettre et se sur-adapter pour survivre dans un milieu familial et scolaire qui l’exigeait de lui. Elle est faite de compromissions et de refoulement de l’élan vital. Notre créativité y est enfermée pour correspondre aux attentes des adultes. 19


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« Sois sage, ne bouge pas trop, ne dérange pas, travaille bien à l’école, écoute et obéis. » Durant ces trois jours elle nous suggérait d’aller à la rencontre des protections que nous portons, les cuirasses. C’est une étape qui a bouleversé ma vie et j’ai pris la décision d’entrer dans la formation qu’elle proposait pour comprendre le langage du corps et comment il porte nos compromissions dans sa chair. Quelle aventure ! Que de souffrances tapies dans l’ombre de mes tensions musculaires. Depuis très longtemps je pressentais que mon corps souffrait mais je savais très bien m’en protéger en banalisant les signaux qu’il envoyait ou en refoulant ce qu’il exprimait. Et pourtant sans cesse il continuait à me parler. Certaines fois il criait tellement fort que je devais arrêter toute activité physique pour me reposer et me soigner. Une fois remis sur pied, je recommençais de plus belle. J’allais même encore plus loin dans la destruction, en ajoutant encore plus de sport, plus de travail pour rattraper « le temps perdu à m’arrêter ». Seulement voilà ! Plus je me protégeais de la douleur du manque, plus j’enfermais ma souffrance, plus le corps envoyait de signaux jusqu’à la rupture. Tout cela a eu un prix : la chute dans l’abîme de la dépression ; le prix de l’abandon de mon corps à la satisfaction de mes besoins de reconnaissance et d’être aimé. Dans mon cas jusqu’à l’épuisement mental et physique. Pour d’autres ce sera l’accident, la maladie ou la mort. Je n’avais plus le choix si je voulais apaiser ma douleur, il me fallait renouer avec mon corps et rencontrer ma souffrance. Il me fallait traverser mes protections et écouter cette partie blessée à l’origine de ce que manifestait mon corps. Il me fallait prendre « le chemin le moins fréquenté ». Le début d’un chemin de vie vers la réunification et l’accomplissement. C’est ainsi qu’en cheminant vers la guérison de mes traumatismes d’enfance j’ai acquis la certitude que ce chemin passe par le corps. 20


Chapitre 5 La guérison

Les croyances Les croyances limitatives

J

’aime cette image que les croyances sont comme des lunettes que l’on porte et qui influencent les couleurs de notre réalité. Qu’elles soient grises ou marron foncé, qu’elles soient bleutées ou teintées de rose, elles font que notre regard n’est jamais tout à fait neutre. Mettons des lunettes grises et notre environnement nous semblera terne, comme si la vie avait perdu de sa saveur. Tout ce qui nous entoure nous paraîtra fade et notre monde intérieur se teintera de gris. Prenons des lunettes roses ou bleues et notre vie sera pleine de joie. Tout est tellement plus lumineux, tout est tellement joyeux. C’est sûr qu’avec des verres teintés de ces couleurs, la vie nous semble plus facile. Mais qu’en est-il lorsque nous rencontrons une difficulté ou un accroc dans ce ciel si bleu ? Le risque est que nos verres virent au gris ou au marron foncé. Nos croyances, qu’elles soient d’une couleur ou d’une autre, entravent notre chemin de guérison. Si elles ont eu une utilité à un moment de notre vie, nous protégeant de notre souffrance ou de la frustration, elles deviennent lourdes à porter et créent de l’insatisfaction lorsque l’illusion de maîtriser sa vie s’effondre. 147


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Il nous faut donc nous défaire de ces croyances limitatives, qu’elles soient grises ou roses. Mais qu’est-ce que c’est qu’une croyance limitative ? C’est une forme pensée qui vient freiner notre élan d’expansion. Elle influence notre pensée et par là même conditionne le regard que l’on porte sur tel événement ou telle personne lorsque nous interagissons avec notre environnement. Ainsi, si je crois que les hommes abandonnent parce que dans mon enfance mon père a quitté le foyer en laissant ma mère désemparée et triste, je peux porter la croyance qu’il vaut mieux que je sois méfiante et décider qu’affectivement et matériellement je ne dépendrai jamais d’un homme. Souffrir comme ma mère, jamais ! De même, si je crois qu’il faut se méfier des femmes car elles ne reçoivent jamais suffisamment de preuves d’amour, ayant eu une mère étouffante et possessive, je peux porter la croyance qu’il faut garder ses distances en amour pour éviter d’être avalé par la femme qui partage ma vie. Je rencontre souvent des femmes qui se plaignent que leur compagnon ou conjoint ne se dévoile pas ou participe très peu aux tâches ménagères ou à l’éducation des enfants. Qu’il soit peu enclin à s’ouvrir et à partager ses sentiments. Qu’il ne leur manifeste que peu de tendresse et n’exprime pas suffisamment son amour. Et que dire de ces hommes qui se retrouvent avec une femme qui dirige leur vie comme une amazone, écrasant tout sur son passage et leur laissant si peu de place. Leur masculinité s’en trouve réduite à l’état d’enfant obéissant, grappillant des miettes de reconnaissance. Ils sont incertains de leur valeur et de la place qu’ils occupent dans la vie de leur compagne. Ce ne sont là que quelques exemples qui mettent en exergue les croyances limitatives qui conditionnent notre vie. Ce schéma se retrouve aussi bien dans la vie relationnelle de couple que dans l’interaction familiale, professionnelle et dans notre vision du monde en général. 148


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Et ce qui est étonnant c’est que les protagonistes de mes deux exemples, en voulant se protéger, se retrouvent à un certain moment de leur vie à subir ce qui leur fait peur : être abandonnés ou être avalés. Dans le processus de guérison je m’emploie à débusquer ces croyances limitatives, à les mettre à jour et ainsi à faire découvrir à mes patients que leur réalité repose en fait sur des bases d’un autre temps. C’est dans notre enfance, dans notre jeunesse que se sont construites les croyances les plus profondes. Après, nous les avons peaufinées, arrangées dans l’air du temps en fonction des expériences vécues. Expériences conditionnées par les croyances de base. Pour sortir de cet engrenage démentiel il nous faut soulever le tapis et dépoussiérer le sol. D’où vient cette pensée ? Qu’est-ce qui vous fait dire que les hommes abandonnent ou ne sont pas fiables ? Que les femmes en demandent toujours trop, qu’elles ne sont jamais satisfaites ? Non seulement les croyances sont comme des lunettes que l’on porte en permanence, mais de plus elles sont le fondement de cette fameuse carte transmise à la naissance et que nous continuons à affiner tout au long de notre vie. Dans les croyances limitatives, la vie est enfermée, figée dans le passé. Pour nous ouvrir à notre élan vital il nous faut transformer ce qui est limitatif en expansif.

Les croyances expansives À la différence des croyances limitatives, qui nous enferment dans une vision étriquée de notre quotidien et de notre avenir, les croyances expansives sont des formes-pensées ouvertes qui permettent, comme leur nom l’indique, une expansion, une ouverture. Notre champ de vision devient plus large. Lorsque nous nous libérons de nos conditionnements, basés sur ce que l’on a appris ou vécu depuis l’enfance, il se produit 149


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un phénomène extraordinaire : les élans réprimés ou interdits se transforment en une infinité de possibles. Ce qui nous paraissait impossible devient envisageable, amenant par là même un regain d’énergie. Ainsi, si l’on nous a inculqué que « le monde est dangereux et qu’il vaut mieux ne pas trop s’éloigner de ce que l’on connaît » et que cette forme pensée se transforme en « je peux découvrir ce qui m’entoure en toute sécurité », notre avenir devient plus intéressant. Nous pouvons nous laisser aller à la curiosité et à l’enthousiasme de découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles contrées. Notre âme d’enfant s’en trouve réjouie. Prenons un autre exemple qui illustre ce que la transformation d’une croyance limitative en croyance expansive peut apporter. Si dans notre enfance nous avons été humiliés à cause de notre personnalité ou de nos actes, que ce soit par un parent ou toute autre figure d’autorité, si nous avons été rabaissés continuellement, n’étant pas assez comme ceci ou comme cela, ne satisfaisant jamais aux hautes exigences de ces mêmes personnes, il y a de fortes chances que nous ayons développé un gros complexe d’infériorité et que ce qui sous-tende ce complexe soit une croyance du type « Je ne pourrai jamais arriver à satisfaire à la demande » ou « Surtout je ne dois pas trop m’exposer, je ne dois pas trop me montrer, car on va voir que je suis médiocre. » Si maintenant je comprends que cette croyance découle de ce que l’on a dit de moi et que la source de ce jugement vient d’un parent ou d’une autorité maltraitante, je peux décider de me libérer de ce jugement en portant un regard bienveillant sur moi-même : « Je suis un être inventif dont les qualités sont reconnues. Je peux montrer ce dont je suis capable en toute sécurité. » Bien sûr ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de croyances expansives. Nous sommes loin de la méthode Coué qui serait une simple inversion de la phrase négative. Cette nouvelle croyance est en lien direct avec ce que la personne a vécu et qui 150


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continue d’occuper son esprit. Ainsi elle peut exprimer sa créativité sans avoir peur d’être humiliée par les petites voix qui lui font encore croire qu’elle n’est bonne à rien ou qu’elle est inintéressante. Il y a plusieurs façons de travailler sur ses croyances limitatives ; je vous en propose une que nous utilisons en MLC et que vous pouvez pratiquer seuls chez vous.

Un exercice de transformation de croyance limitative en croyance expansive Choisissez une pensée qui vous freine, qui vous retient lorsque pointe le début d’un élan de vous ouvrir à quelque chose de nouveau dans votre vie. Une nouvelle relation, un nouveau travail, un avancement dans votre vie professionnelle. Ce peut être d’exposer un sujet devant une assemblée, d’écrire un livre ou plus simplement une envie de visiter un pays seul, sac au dos. Quand vous avez trouvé le projet qui vous tient à cœur, voyez ce que cette pensée soulève en vous. Comment votre corps réagit-il ? Ressentez-vous une émotion à l’idée de vous lancer dans sa réalisation ? Si oui, suivez la piste de cette émotion. Si non, suivez la piste du corps. Éprouvez-vous des douleurs ? Votre corps se voûte-t-il ? Votre ventre se noue-t-il ? Vos jambes tremblent-elles ? Toutes ces manifestations, qu’elles soient émotionnelles ou somatiques, sont un signal. Un signal que votre désir de vous ouvrir, de vous réaliser dans quelque chose de plus grand que ce que vous vivez se heurte à la croyance que c’est impossible, que vous n’y arriverez pas, que vous n’êtes pas à la hauteur. Il y a des forces en opposition en vous : l’envie de vous réaliser et la peur de vous exposer à une possible souffrance. Maintenant, il vous reste une étape importante à franchir : garder le contact avec cette émotion ou cette manifestation physique. Être en contact avec le mal-être peut vous donner l’impression que 151


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vous allez être aspiré dans un abîme de souffrance, mais faites confiance au processus ! Le fait de pouvoir tenir cet état va vous faire descendre dans les couches émotionnelles et soulever une émotion plus profonde. En gardant le contact avec cette émotion, elle va vous amener dans le souvenir, celui d’une ou plusieurs histoires vécues qui sont à l’origine de votre traumatisme. Cherchez maintenant quelle serait la pensée positive que vous aimeriez avoir pour vous en lien avec ce que vous avez découvert. Comment aimeriez-vous rassurer cette partie de vous qui est en souffrance ? Vous êtes l’adulte qui a le pouvoir de rassurer l’enfant ou l’adolescent à qui vous vous adressez. Ensuite prenez le temps de transformer ce dialogue en une phrase pas trop longue. Quand vous l’avez trouvée, munissez-vous d’une feuille de papier et d’un stylo. Séparez votre feuille en deux colonnes et sur le côté droit inscrivez votre phrase expansive. Attention, cette phrase ne doit pas contenir de négation ou de conditionnel ! Donc pas de « ne, sans, si… » Prenons l’exemple d’un enfant à qui il a été dit qu’il était médiocre, que de toute façon il était tellement bête que ce serait une chance que l’on veuille bien de lui, que ce soit dans une activité professionnelle ou dans une relation. Plus tard, à l’âge adulte, il y a fort à parier qu’il va porter en lui la croyance qu’il ne sera jamais à la hauteur de ce que les autres attendent de lui. Il vivra dans la peur de se montrer et brimera ses aspirations à entrer dans une relation amoureuse où à évoluer dans sa profession. Il suffit que son partenaire lui demande de s’engager ou que son chef l’invite à prendre plus de responsabilités dans le secteur qu’il occupe pour que se mette en route la spirale de l’auto-dévalorisation. Ces autojugements l’entraîneront à coup sûr dans l’inhibition de l’action, voire dans une forme de paralysie, de figement devant ce que la vie lui propose. Si, après avoir dialogué avec cette partie de vous et pris connaissance de ses aspirations, il ressort que « Je suis un être inventif dont les qualités sont reconnues. Je peux montrer ce dont je suis capable 152


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en toute sécurité. », votre phrase courte sera : « Je peux montrer ce dont je suis capable en toute sécurité. » Notez-la sur le côté droit de votre feuille, puis écrivez sur le côté gauche la réponse qui vous vient spontanément à l’esprit, sans chercher à l’analyser ou à la changer. Par exemple : « Tu sais que ce n’est pas vrai. » Continuez en écrivant une deuxième fois votre phrase positive et laissez à nouveau venir la réponse que vous écrivez à gauche. Et ainsi de suite. Il se peut qu’à un moment donné les phrases à gauche soient identiques ou qu’il ne vienne aucune réponse. Ce n’est pas important, continuez à écrire votre phrase sur la droite. La répétition amène une forme de routine qui a pour effet d’endormir le mental et permet ainsi d’accéder à notre subconscient, et par là même aux réponses en lien avec les parties blessées en nous. Parfois une manifestation physique peut se présenter. Comme pour la réponse de votre subconscient, notez-la à gauche. Les réponses corporelles sont des émotions sensorimotrices, ce qui signifie que la phrase expansive fait réagir votre système émotionnel. Répétez encore et encore le processus. Ce qui est important dans ce travail de transformation c’est de prendre son temps. Inutile de commencer si vous n’êtes pas prêts à vous accorder ce temps ou si vos engagements vous en laissent très peu. Il faudrait idéalement répéter l’opération entre trois quarts d’heure et une heure, jusqu’à ce que dans la colonne de gauche les phrases positives se suivent au moins une dizaine de fois. Quelquefois la phrase positive change spontanément. Il se peut que vous écriviez sans le faire exprès « Je montre ce que je suis capable en toute sécurité ». Dans ce cas revenez à la première phrase et, si cela se reproduit plusieurs fois, prenez-la comme point de départ en l’écrivant sur la droite et en laissant venir la réponse.

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Les gains secondaires Vous allez forcément rencontrer un obstacle de taille dans votre changement, qu’on appelle les gains secondaires. Et cet obstacle, il nous faut le franchir pour aller vers les retrouvailles avec soi-même. Dans le long chemin vers la libération il y aura toujours des résistances. Tout le monde veut changer, chaque individu aspire à une vie meilleure : une vie qui laisserait la place à sa créativité, une vie qui permettrait l’épanouissement de sa personnalité. Une vie pleine d’expériences plus enrichissantes les unes que les autres. Tout le monde veut sortir de sa prison et vivre en étant libre. Alors, me direz-vous en entendant toutes ces promesses d’un monde meilleur, pourquoi rencontre-t-on des résistances au changement ? Tout simplement parce que la personnalité, ou l’ego, n’aime pas ignorer ce qui l’attend et où elle va. Nous voulons des garanties. La garantie que tout va bien se passer, que cela ne sera pas pire qu’avant. Si, par exemple, vous avez vécu dans votre enfance de l’humiliation à chaque fois que vous vous exprimiez devant votre famille ou vos camarades de classe, vous voudrez vous assurer qu’ils seront bienveillants avec vous. Si on vous sollicite pour une conférence, vous voudrez l’assurance que vous ne serez pas la risée des spectateurs ; ou si vous êtes en réunion de travail pour présenter un projet audacieux dont vous êtes particulièrement fier, qu’on ne vous traitera pas d’illuminé ou de fou. Il y a donc un gain secondaire énorme à ne pas changer : éviter le risque de souffrir. À continuer de fonctionner comme vous l’avez toujours fait, vous ne prenez pas le risque de donner une

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mauvaise image de vous. Et tant pis pour la partie en vous qui désire se montrer au grand jour et être reconnue. Se libérer de ses croyances limitatives demande que l’on ait un regard authentique sur soi. Nous devons nous regarder en face et nous accepter tels que nous sommes, sans faux-semblants ni condescendance, et cela ne se fait pas toujours sans douleur. Un des premiers pas vers la résolution de notre mal-être passe par l’acceptation de ces gains secondaires. Admettre qu’une partie de soi veut guérir et qu’une autre partie en a peur et préfère garder le statu quo. Il est impossible de changer une situation qui n’a pas d’abord été acceptée. Ensuite il nous faut reconnaître que, malgré l’insatisfaction de notre vie, nous sommes toujours vivants et que, pour la plupart d’entre nous, nous pouvons fonctionner sans trop de dommages. Donc que ce qui nous a empêchés de vivre pleinement qui nous sommes nous a protégés et nous protège probablement encore. Le tout est de savoir si nous avons encore besoin de cette protection, de cette cuirasse. Dans ma pratique, j’attire l’attention de mes patients sur la force dont ils font preuve pour être devant moi ce jour-là. Sur l’ingéniosité qu’ils ont dû déployer pour fonctionner tant bien que mal jusqu’à ce moment. Sur la force vitale et l’énergie qui les animent. Je les invite à remercier cette pulsion de vie qui les habite. Jérémy Jérémy est arrivé dans mon cabinet un matin d’avril. J’avais devant moi un homme dans la quarantaine à l’allure sportive. Séparé de son épouse, il avait deux enfants adolescents. Il occupait un poste de cadre dans une entreprise d’informatique. Il vivait depuis quelque temps une relation amoureuse avec une femme 155


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qui, elle aussi, était cadre. Ils avaient le projet de prendre un appartement et d’y vivre ensemble. La demande de Jérémy était de se défaire d’un problème récurrent très gênant. Il se réveillait tous les matins avec de grosses douleurs abdominales qui se terminaient en diarrhées. Il avait peur que sa nouvelle compagne le trouve ridicule et qu’elle soit dégoûtée par ces manifestations corporelles. À ma première question : « Depuis quand vivez-vous ces phénomènes ? », il m’a répondu que cela avait commencé juste après la séparation d’avec la mère de ses enfants. Ma question suivante avait pour but de l’amener à contacter l’émotion qu’il avait ressentie au moment de la séparation : « Que s’est-il passé lors de cette séparation ? » Je savais que je ravivais des souvenirs douloureux mais, manifestement, il était fort probable que la source de ses problèmes se situe dans cette partie de son histoire, il me fallait donc en savoir plus sur cette séparation. Il s’est avéré que son ex-femme avait une personnalité perturbée. Elle alternait le chaud et le froid et usait de toute une panoplie de chantages pour obtenir ce qu’elle désirait. Les humiliations et les coups étaient monnaie courante. Probablement pourrait-on la qualifier de personnalité borderline. Pendant des années, il a vécu la peur au ventre, ne sachant pas dans quel état il allait la retrouver, ni comment il allait être accueilli en rentrant chez lui. Cette peur s’est muée en douleurs abdominales, parfois tellement violentes qu’elles l’obligeaient à rester alité, ce qui augmentait la pression mise sur lui par son épouse. Ne tenant plus, il a décidé de fuir le domicile conjugal sans rien expliquer de ses peurs à son épouse, avant de demander le divorce. Dans mon processus pour amener les personnes vers la résolution de leurs traumatismes de développement, je m’attache à connaître le contexte familial dans lequel ils ont vécu. Qu’estce qui fait qu’un homme comme Jérémy, qui est loin d’être un 156


La guérison

gringalet ou un simple d’esprit, tombe sous le joug d’une femme tyrannique au point qu’il tremble de peur à l’idée de rentrer chez lui ? Il s’est avéré que durant son enfance son père subissait les accès de colère de son épouse, qui finissaient souvent en rage folle. Quand il essayait de riposter, les coups pleuvaient et tout y passait : vaisselle projetée contre les murs, crachats et paroles humiliantes. Petit à petit son père s’est résigné à subir tout en s’évadant dans l’alcool. Il est mort d’un cancer du foie. Pendant toute son enfance Jérémy a entendu que les hommes n’étaient bon à rien. Qu’ils n’étaient d’aucune aide et que c’étaient de grands enfants incapables de prendre leurs responsabilités. En ayant fui la maltraitance et l’humiliation subies pendant ses années de mariage, on pourrait croire que Jérémy se soit libéré d’une situation liée à ce qu’il avait vécu enfant. Il n’en était rien. « Jérémy, racontez-moi, comment se passe votre relation avec votre nouvelle compagne ? » Au fil du temps sa nouvelle compagne s’est dévoilée sous un nouveau jour. Quand il fallait choisir entre un projet qui lui faisait plaisir ou celui que sa compagne proposait, Jérémy peinait à faire valoir son choix. Il n’arrivait pas à défendre sa position de père quand elle critiquait l’éducation de ses enfants. Elle le trouvait mou, estimait qu’il ne prenait pas sa place de père responsable et qu’il démissionnait la plupart du temps quand il fallait exiger quelque chose de ses enfants. Bref, qu’il était un incapable et qu’il se comportait comme un enfant. Les remarques désobligeantes devenaient de plus en plus véhémentes, entraînant chez Jérémy une réaction de repli sur soi. Il n’osait pas se défendre. Il vivait cette relation la peur au ventre et se réveillait tous les matins avec des diarrhées. On peut comprendre son angoisse à l’idée de partager la vie de cette femme.

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Blessures de vie

Mais pourquoi Jérémy accepte-t-il de se laisser humilier de la sorte par les femmes ? Quel est le gain secondaire qui le retient de riposter et de reprendre son pouvoir ? Jérémy ayant vécu dans un milieu maltraitant avec peu de place pour l’amour, il est fort probable que l’image qu’il a de lui-même soit construite sur la dévalorisation d’être un homme. Les injustices que son père a subies et les reproches entendus ont fixé dans sa pensée l’idée que les femmes sont des êtres à craindre, qu’elles ont tous les pouvoirs. Les excès de colère et de rage que manifestait sa mère à l’encontre de son père ont créé en lui le sentiment que s’il osait s’opposer à une femme il prenait le risque de la fâcher et qu’elle finisse par tout détruire. Le corollaire de ce sentiment d’impuissance à l’encontre du sexe féminin produisait chez Jérémy des fantasmes de rage destructrice envers les femmes. C’est donc pour se protéger de la rage en lui que Jérémy se taisait, subissait les quolibets et les critiques des femmes qui ont partagé sa vie, le résultat étant que cette puissante énergie de rage se retournait contre lui. La conséquence de cette attitude avait un prix : douleurs abdominales et diarrhées matinales. Nous pouvons en déduire que les gains secondaires, même s’ils sont des résistances au changement, font partie des stratégies de protection de la psyché. Plutôt que de fuir la situation, ce qui lui donnerait un sentiment d’échec ou d’abandon, ou de la combattre au risque d’exploser et de tout détruire, Jérémy a choisi de se soumettre et de subir, niant par conséquent son besoin d’être reconnu comme un homme fiable et intelligent, capable de gérer sa vie et d’être un bon père. Le problème avec Jérémy, c’est que plus il fuyait la confrontation plus il retrouvait sa mère dans les femmes qu’il choisissait pour partager sa vie.

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La guérison

Connaître et assouvir ses besoins La pyramide de Maslow Comment parler de territoire sans parler des besoins inhérents à celui-ci ? Le psychologue américain Abraham Maslow (1908-1970) a établi une hiérarchie des besoins essentiels au bon développement de l’être humain (voir le schéma ci-dessous).

Pyramide des besoins selon Abraham Maslow

Nous avons tous des besoins de base qui sont les besoins physiologiques comme se nourrir, boire, éliminer ou dormir. Des besoins de l’ordre de la survie comme le besoin d’un toit et le besoin de sécurité. Chez le petit enfant le besoin essentiel d’affection, d’être touché et caressé, de chaleur et de réconfort, de pouvoir jouer, que l’on prenne soin de lui, qu’on respecte son sommeil. 159


Table des matières Préface de Marie Lise Labonté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Avant-propos de Florence Étienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Chapitre 1 : Le lien au corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Où ai-je garé ma voiture ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pourquoi le lien au corps est-il si important ? . . . . . . . . . . . Notre corps, expression de nos émotions et de nos traumatismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La MLC. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’Ortho-Bionomy. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les IT ou Images de Transformation . . . . . . . . . . . . . . .

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Chapitre 2 : Le paradis perdu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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La coupure de l’élan vital . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La descente vers la maladie – la spirale d’involution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les trois étapes vers la dissociation, la maladie et le trauma . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le corps bibliothèque de nos traumatismes . . . . . . . . . La Somatic Experiencing (SE) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mémoire explicite et mémoire implicite . . . . . . . . . . . L’influence du système nerveux . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les 3 cerveaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les différents traumatismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Blessures de vie

Les traumatismes ponctuels : accidents, annonces chocs, catastrophes, etc. . . . . . . Les traumatismes vicariants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le choix de Sophie et le SSPT (Syndrome de stress post-traumatique) . . . . . . . . . Les traumatismes du développement . . . . . . . . . . . . . . Nous avons tous des besoins de base . . . . . . . . . . . . . . . . . La relation au corps : la déconnexion . . . . . . . . . . . . . . La relation à ses besoins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La relation de confiance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La relation à l’affirmation de soi . . . . . . . . . . . . . . . . . La relation à l’amour et à la sexualité . . . . . . . . . . . . . .

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Chapitre 3 : La séparation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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L’intelligence du corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Comment naît la séparation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conception, naissance, dyade, symbiose . . . . . . . . . . . . . . Les traumatismes de l’enfance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’image inconsciente du corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . La perte de l’estime de soi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les processus de défense . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les cuirasses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La cuirasse mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les croyances et conditionnements . . . . . . . . . . . . . . . Les défenses de la psyché . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le refoulement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La banalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le déni . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’annulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le clivage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La projection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le triangle de projection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

65 66 68 68 70 73 76 76 82 82 84 84 84 85 86 87 89 90

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Table des matières

Chapitre 4 : La reconnexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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L’orientation vers les ressources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Visualisation des ressources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La reconnexion au corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le corps comme contenant émotionnel : le ressenti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’ISP. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les étapes vers la résolution de son mal-être émotionnel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Première étape : pouvoir générer l’émotion interdite . . . . . . . . . . . . Mais en fait, qu’est-ce qu’une émotion ? . . . . . . . . . . . Deuxième étape : pouvoir contenir l’émotion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La personnalité contrôlante. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La bonne distance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Troisième étape : pouvoir tenir l’émotion, la tolérer . . . . . . . . . . . . . . Quatrième étape : pouvoir gérer l’émotion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cinquième étape : l’intégration émotionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les territoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La notion de territoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le territoire corporel – la notion de l’espace – la sécurité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le territoire sexuel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le territoire affectif ou émotionnel . . . . . . . . . . . . . . . Le territoire mental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le territoire spirituel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Chapitre 5 : La guérison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 Les croyances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les croyances limitatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les croyances expansives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Un exercice de transformation de croyance limitative en croyance expansive . . . . . Les gains secondaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Connaître et assouvir ses besoins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La pyramide de Maslow . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La transmission, ou ce qui ne nous appartient pas . . . . . . . Oser changer de carte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oser dévoiler le secret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Teresa et la honte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cesser de correspondre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le lien au corps retrouvé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La renégociation ou action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Quitter la victimisation, sortir du triangle . . . . . . . . . . Quitter le ressentiment . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oser quitter le rôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Retrouver l’estime de soi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La fierté. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La guérison, l’élan vital retrouvé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les trois phases vers la guérison . . . . . . . . . . . . . . . . . . La spirale d’évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Renouer avec son ombre et l’apprivoiser . . . . . . . . . . . L’amour pour nos imperfections . . . . . . . . . . . . . . . . . Les liens de loyauté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Traverser la souffrance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’amour pour la partie en souffrance . . . . . . . . . . . . . . L’amour de soi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’engagement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le lien au Soi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Table des matières

Le chemin d’individuation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203 L’entrée sur mon chemin de guérison . . . . . . . . . . . . . 206 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209 Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213

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Vous venez de consulter un

EXTRAIT d'un livre paru aux Éditions Favre.

Tous droits réservés pour tous les pays. Toute reproduction, même partielle, par tous procédés, y compris la photocopie, est interdite. Éditions Favre SA Siège social 29, rue de Bourg CH – 1002 Lausanne Tél. : +41 (0)21 312 17 17 lausanne@editionsfavre.com www.editionsfavre.com


Quand nous sommes touchés dans notre essence profonde, lorsque le milieu familial et social nous empêche de nous déployer en tant qu’êtres vivants et créateurs, tous les systèmes de notre corps réagissent en se défendant : maladies, douleurs chroniques et mal-être surviennent alors, et nous accompagnent dans notre quotidien. Ces manifestations, qu’elles soient physiques ou mentales, sont le signe que nous ne sommes pas en accord avec nos aspirations et que nous passons à côté de l’essentiel : la réalisation de soi. Nous survivons tant bien que mal, nous nous compromettons et mendions des miettes de bonheur.

Vincent Aveni

Le corps ne ment pas, il est porteur de notre histoire. Nous nous sommes construits au travers de nos joies, de nos peines, de nos manques, de nos peurs et de nos blessures affectives.

BLESSURES DE VIE

Ce livre donne des pistes pour comprendre comment notre personnalité, pour se protéger du souvenir douloureux du traumatisme, nous sépare de notre élan vital et comment il est possible de s’accompagner sur le chemin de la réunification : le retour vers soi.

© AGVision.ch

Préface de Marie Lise Labonté, créatrice de la Méthode de Libération des Cuirasses.

Vincent Aveni a été prothésiste dentaire pendant plus de vingt ans. En 2000, suite à un événement majeur qui le touche personnellement, il choisit de quitter cette activité pour s’orienter vers l­ ’accompagnement des personnes en souffrance. Son propre cheminement lui donne la certitude que la guérison passe par l’union du corps et de l’esprit. Il se forme en Méthode de Libération des Cuirasses (MLC) et en Images de Transformation auprès de Marie Lise Labonté et de Nicolas Bornemisza. Suivront des formations complémentaires en OrthoBionomy, Somatic Experiencing et Integral Somatic Psychology. Actuellement, il partage son temps entre son cabinet, l’animation de séminaires de développement personnel et son activité de formateur en MLC. ISBN 978-2-8289-1817-0

BLESSURES DE VIE

Le chemin vers la guérison est semé d’embûches. Pour éviter de rencontrer notre souffrance, nous n’hésitons pas à nous renier, à mettre aux oubliettes nos rêves d’enfant, à taire notre créativité pour nous satisfaire de petits moments de répit qui nous aident à tenir le coup. Si nous prenons le temps d’écouter ce que notre corps nous dit, alors s’ouvre la perspective de la transformation. Que ce soit suite à des accidents, des catastrophes, des blessures d’amour, nous avons tous en nous une force qui vient des profondeurs de notre être et qui permet la guérison. Elle émane de notre intelligence cellulaire, émotionnelle et mentale.

Vincent Aveni

Se libérer des chaînes du traumatisme Préface de Marie Lise Labonté


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