Première partie VACANCES AUX MALDIVES
Le taux de Covid très bas signalé aux Maldives ne justifiant pas de figurer sur la liste rouge des autorités suisses, nous nous sommes laissé convaincre par une offre à prix cassés d’un hôtel où nous avions déjà séjourné et qui confirma avoir des bungalows disponibles. Ainsi, le dimanche 4 juillet, tests PCR négatifs certifiés, avec ma compagne Claudia Simenta, nos deux enfants, William, 14 ans, et Matthew, 9 ans, nous nous sommes envolés pour Malé, puis en hydravion jusqu’à une île minuscule où se trouve le Resort, seul endroit habitable et habité, où nous allions passer 4 semaines.
Bien que je n’y sois pas très favorable, j’avais décidé de me faire vacciner au retour, par égard pour les personnes en situation de handicap que je côtoie en permanence dans le cadre de l’association No Difference. Pour des raisons pratiques, je voulais le faire avant les Automnales de Genève où j’ai créé il y a plus de 10 ans le Salon de l’Art du Mouvement. Sportif de haut niveau menant une vie très saine, sans alcool ni fumée, en pleine forme, je me croyais aussi en quelque sorte intouchable ou en tout cas peu exposé. Claudia, elle, était plus sceptique car elle songeait beaucoup aux effets ultérieurs encore inconnus du vaccin.
Notre petite famille passa ainsi 3 semaines de rêve, à marcher, courir, nager, plonger, lire, jouer, nous reposer dans ce cadre idyllique, sans connaître le moindre problème, le moindre souci, le moindre bobo.
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À 5 jours du retour, William nous dit un soir qu’il n’avait pas faim, qu’il se sentait fatigué, et il alla se coucher à 9 heures alors que la veille, nous avions joué ensemble au ping-pong jusqu’à minuit.
Comme il n’allait pas mieux le lendemain au réveil, Claudia, qui, comme toujours, avait emporté une trousse sanitaire très complète, prit sa température et, constatant qu’il avait un peu de fièvre, utilisa un des cinq tests antigéniques dont elle disposait. Celui-ci s’avérant positif, j’appelai immédiatement le directeur du Resort qui envoya son infirmier effectuer un test PCR. Celui-ci confirma que William était touché par le virus du Covid-19. À défaut d’être grave, la situation était tout de même un peu inquiétante, ce d’autant plus que Claudia et Matthew furent eux aussi testés positifs, mais pas moi. Soumis à 14 jours de confinement, les trois malades restèrent sur place et je dus m’exiler seul dans un autre bungalow où j’étais prêt à passer deux semaines en « ermite » tant il était exclu que je rentre en Suisse sans ma famille. Outre mes activités sportives, j’en profitai pour faire changer les billets d’avion, informer l’agence de voyages, et signaler la situation au Touring Club Suisse (TCS) en demandant comment procéder via le livret ETI au cas où les choses deviendraient plus sérieuses.
La nuit du 28 juillet, je ressentis durant mon sommeil comme une implosion en moi qui me réveilla brutalement. En nage, trempé de sueur, je me levai, me douchai puis me recouchai en réalisant que je l’avais moi aussi attrapé !
Le matin, je demandai à refaire le test PCR mais l’infirmier me dit que je devais attendre 7 jours. Pas question pour moi. J’insistai et je le persuadai en lui disant que je ne pourrais pas rejoindre ma famille et que nos confinements seraient ainsi différés. Il finit par accepter et le résultat fut tel qu’attendu : j’étais positif. Ayant rejoint Claudia et les enfants
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au bungalow, nous organisions notre temps en fonction des interdits et des obligations. Nous pouvions sortir et nous baigner dans un espace délimité, marcher dans le jardin mais pas dans l’île. Pour les repas, nous passions nos commandes au Resort et des plateaux étaient déposés devant la porte du bungalow. Tout cela ne nous semblait pas trop compliqué.
Claudia ne se sentait pas très bien et elle était fatiguée, ce qui ne l’empêchait pas de se réjouir à l’idée de pouvoir profiter de 15 jours de semi-vacances supplémentaires et de ne pas devoir se faire vacciner pour aller en novembre aux Automnales… Nos deux garçons, eux, ne ressentaient rien de particulier.
Mon ami, le docteur Francis Meier, qui m’avait coaché lors de l’expérience médico-sportive extrême que j’avais faite en 2010 sur les flancs du Mont Mitsumine au Japon1 me rassura et nous dit de profiter du soleil, de prendre un peu de vitamines D et du Dafalgan en cas de petite fièvre. Personne ne pensait au pire. Confiant, j’étais persuadé qu’avec notre hygiène de vie, ça ne pourrait pas être plus grave, mais je lui envoyais quand même chaque jour les relevés de l’infirmier.
Le surlendemain, j’avouai toutefois à Claudia que je ne me sentais pas bien et que j’avais des doutes. Depuis longtemps, je pensais avoir des lacunes datant de mon enfance au niveau pulmonaire car né prématurément, j’ai éprouvé des difficultés à bien respirer durant mes huit premières années. Je me dis alors que j’avais peut-être un problème aux poumons et que ce virus pourrait m’attaquer plus sérieusement. Claudia essaya de me rassurer en me disant de ne pas me faire du mauvais sang, mais le doute persistait.
Après quatre jours de positivité, je me mis à cracher du sang et la fièvre monta à 39,3 degrés, mais pas plus. Au
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1. Au-delà de soi-même, Éditions Favre, 2012.
Resort, l’infirmier, vêtu d’un scaphandre, vint prendre la tension, la température et la saturation, soit le taux d’oxygène dans le sang, dont l’idéal se situe entre 95 et 100 %, mais qui commençait à baisser un peu. Je me dis que c’était peut-être dû au fait que j’ai toujours les mains froides et je demandai à William de chauffer de l’eau dans la bouilloire de notre chambre, puis de la trans vaser dans une bouteille que je tenais dans mes mains avant que l’infirmier ne vienne mesurer ma saturation. Cela fonctionnait une fois ou deux, mais pas plus. Mon état empirait et je me sentais toujours plus mal, au point que je n’arrivais même plus à me brosser les dents. Je perdais mon souffle. Je décidai alors de me tester en essayant de marcher jusqu’à la mer toute proche, de nager un peu et de revenir. Après une brasse, je me mis debout dans l’eau d’où je sortis péniblement. Je n’avais plus de forces. De retour au bungalow non sans difficultés, je me couchai et je dis à Claudia :
« Ça sent mauvais.
– À ce point-là ? me répondit-elle, non sans inquiétude.
– Je n’arrive pas à souffler », fis-je péniblement.
Le 4 août, la saturation tomba en dessous des 90 % et il fallut impérativement me transporter dans un dispensaire pour y trouver de l’oxygène.
Avant de partir, je pris William à part car il semblait culpabiliser d’avoir transmis le Covid-19 à sa famille. Certes, il avait été le premier à contracter le virus mais on ignorait par qui ou comment il l’avait attrapé. Un mystère qui reste entier aujourd’hui encore. Je tentai de le rassurer en lui affirmant qu’il n’avait aucune responsabilité dans tout ce qui arrivait ou pourrait arriver.
L’infirmier m’emmena ensuite en bateau sous le regard hébété et inquiet de Claudia et des enfants.
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Optimiste comme souvent en cas de problème, je me dis que ça durerait au maximum 4 ou 5 jours. Je me retrouvai ensuite dans un dispensaire faisant office d’hôpital mais réservé exclusivement aux personnes atteintes par le virus. On me coucha dans une salle d’environ 50 mètres carrés où j’étais le seul patient. J’avais 10 litres d’oxygène à disposition et j’en avais besoin de 2 litres ce jour-là. Je commençais à m’inquiéter, ce, d’autant plus qu’un autre patient, maldivien, arriva vers 23 heures. Gravement atteint, il mourut deux nuits plus tard. Ayant pris avec moi mon téléphone portable, une prise adaptable pour la recharge, mon passeport et ma carte de crédit, j’appelai le docteur Francis Meier et demandai à Claudia d’activer la Rega (Garde aérienne suisse de sauvetage). Je passai trois jours et trois nuits dans ce dispensaire, seul si ce n’est la présence épisodique d’une infirmière, sans rien manger car ce sont les visiteurs qui sont censés apporter des repas, avec juste une carafe d’eau pour me désaltérer de temps en temps. Claudia, le TCS et Francis m’épargnaient heureusement le stress supplémentaire que j’aurais ressenti en apprenant les invraisemblables problèmes administratifs qu’ils ont eu toutes les peines du monde à résoudre.
Dans le but de faciliter mon prochain rapatriement, il fut décidé de me transférer par hydravion à Malé où l’avion de la Rega viendrait me chercher. C’est toutefois par bateau et dans une tempête déchaînée qu’un Speedboat piloté par 2 hommes allait me faire vivre le pire cauchemar jamais imaginé. Bien que rien ni personne ne l’y ait obligée, l’infirmière décida de ne pas m’abandonner et monta à bord, elle aussi. Le calvaire dura 3 heures et demie. La tempête était si forte que les vagues pénétraient dans le bateau qui avançait péniblement. Couché sur une sorte de matelas, je vomis un liquide verdâtre et nauséabond, apparemment de la bile, vu que je n’avais rien mangé
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depuis 3 ou 4 jours. L’infirmière n’allait pas mieux. Incapable de bouger et pour préserver mes forces, je lui demandai de l’oxygène. Déséquilibrée, elle tomba sur moi, s’excusa et se mit à prier. Ma désaturation s’aggravait méchamment et le stress augmentait sérieusement mon rythme cardiaque. Un véritable gaspillage d’énergie inutile en songeant à l’hydravion qui était supposé me transporter. C’est sans doute la tempête qui l’a empêché de voler.
Épuisés mais soulagés en arrivant, protégée par son seul masque, l’infirmière « volontaire » me prit dans ses bras et me dit alors qu’elle ne repartirait que le lendemain, ce qui me rassura. Je fus ensuite porté et déposé dans une fourgonnette qui faisait office d’ambulance et qui m’emmena à ce que je croyais être l’hôpital de Malé.
Il ne me fallut pas longtemps avant de déchanter ! Je me retrouvai dans un grand entrepôt transformé en « dortoir Covid » comprenant de nombreux lits. Une grande paroi séparait les hommes et les femmes, comme l’exige la religion musulmane. Mais comme ce mur n’atteignait pas le plafond, les plaintes, râles, pleurs et parfois hurlements étaient échangés sans distinction. J’avais l’impression d’être dans un mouroir.
Trois malades maldiviens étaient alités lorsque j’arrivai, mais il me sembla qu’il y en avait plus dans la section réservée aux femmes. Aucun dialogue n’était possible car aucun ne s’exprimait en anglais. De toute façon, personne n’avait vraiment envie de parler car chacun de nous souffrait et était inquiet pour lui-même. Dès lors, mes seules brèves discussions se sont faites par téléphone avec Claudia, Francis et le TCS.
Peu après mon arrivée, je devais aller aux toilettes, mais je tenais à peine debout, j’étais incapable de faire un pas sans désaturer énormément. Aussi, les infirmiers m’ont-ils porté pour que je puisse uriner, mais rien de plus car je n’avais toujours
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rien mangé. Puis ils me remirent au lit où je ne faisais rien sinon attendre la Rega. Épuisé, je téléphonais le moins possible. Je renonçais aussi à ma carafe d’eau car retourner aux toilettes m’aurait coûté trop d’énergie. Aussi je préférais rester couché, immobile, pour préserver ma saturation.
J’ai engagé une véritable stratégie de jeu d’échecs avec moi-même. Connaissant très bien mon corps, j’ai opté pour la privation d’eau, quitte à avoir un problème rénal ultérieur. Je ne travaillais que sur l’économie d’oxygène. Sachant que mon passé sportif très sain m’avait façonné une musculature très forte, et que le muscle est composé de 80 % d’eau, je réalisai que c’est là que je devais puiser l’énergie dont la diète totale était en train de me priver. J’ai littéralement fondu, mais ça m’a sauvé.
J’ai ainsi passé deux jours et deux nuits dans une sorte de léthargie, à moitié K.-O., sans jamais dormir. Je ne pouvais pas et ne voulais pas dormir, car tout pouvait arriver. J’ai tout de même eu des absences, et quand je reprenais vraiment conscience, le décor semblait avoir changé. Un malade est mort la première nuit et un autre n’était plus là le matin suivant. Il n’y avait que des Maldiviens, mis à part un touriste qui n’est resté que quelques heures, car il était apparemment peu touché. Les cas extrêmes, eux, n’avaient aucune chance de survivre. Chacun avait sa bonbonne d’oxygène qui dispensait de l’air par lunette nasale. Les réserves étaient suffisantes mais le problème se situait dans la puissance dégagée. Le débit était très faible et il n’y avait aucun masque ni d’intubation possible. Mille fois, je me suis vu rentrer dans une boîte qu’on remettait à ma mère.
Je pensais constamment à Claudia, à William et à Matthew qui étaient en quarantaine au Resort, ainsi qu’à Claudia et Jessica, mes filles nées de mon premier mariage, à mes
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petits-enfants, à toute ma famille et bien sûr à ma mère, âgée de 90 ans, qui me croyait en vacances et ignorait tout de la situation. Quant à moi, j’étais un peu au courant des difficultés administratives rencontrées par Claudia, le TCS et la Rega, dont celle qui interdisait de me laisser partir avant d’avoir fini mes 14 jours de quarantaine, ou encore celle relative à ma nationalité italienne que j’ai gardée par respect pour mon père alors que je suis né à Genève où j’ai toujours vécu ! J’ignorais bien sûr qu’il faudrait finalement une attestation produite par le Consulat d’Italie à Colombo, celui du Sri Lanka étant le plus proche des Maldives, pour que les douaniers m’autorisent à partir…
La deuxième nuit, à 3 heures du matin, j’étais au plus mal. Je désaturais beaucoup et on m’a mis le dernier litre d’oxygène, censé tenir de 2 à 4 heures en fonction de mon état. Pour survivre, je tentais d’épargner mes poumons avec des respirations aussi brèves que possible.
Ce 9 août, à 4 h 46, je reçus un sms : « Bonjour, c’est pour vous confirmer que l’ambulance viendra vous chercher à 10 h ce matin et que l’avion de la Rega décollera à 11 h 30, tout ça avec 1 heure de décalage, et arrivera à Genève vers 20 heures. Meilleures salutations, TCS Assistance. » L’épée de Damoclès devenait moins menaçante. Calculant dans ma tête, je commençai à croire que j’allais être sauvé.
Il me restait de l’oxygène pour 2 heures et tout allait dépendre de mon état. Physiquement, je me dis que ça devait être possible. Le saturomètre indiquait une saturation à 90 et une pulsation à 120 alors que normalement je suis entre 95 et 100, avec un rythme cardiaque à 60. Le cœur se bagarrait avec moi. Donc pendant 4 ou 5 heures, il fallait que je retrouve mon calme. J’y croyais encore mais ma dose maximale arrivait au bout. Mon combat se situait entre l’esprit et la matière et de
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ma façon de réagir allait dépendre ma saturation minimum à 90 %. Comme je suis descendu à 89 vers 6 heures du matin, je me suis positionné différemment dans le lit en espérant trouver des espaces d’oxygène. J’étais plus épuisé que jamais, comme si j’avais fait 10 marathons en une nuit ! Et toujours le ventre vide… Je n’avais pas vraiment faim mais je manquais cruellement d’énergie et de forces. J’étais conscient d’être en train de puiser dans les dernières réserves qui me restaient.
Croyant, j’ai prié le Padre Pio, que je vénère depuis mon enfance, et j’ai promis à Dieu, si je survivais à cette épreuve, de témoigner, de raconter mon histoire afin de faire prendre conscience de ce que ce mal peut engendrer, et de tout mettre œuvre pour aider les pays qui n’arrivent pas à y faire face.
À 10 heures, miracle ! la Rega est là et je suis immédiatement pris en charge au niveau médical ! On me sort du « dortoir Covid » et une sorte de fourgon m’emmène vers le tarmac, à 15 minutes de là. Après vérification des papiers, je suis déposé sur une civière qui me semble être un lit douillet. Une femme médecin et un infirmier s’occupent de me fournir tout l’oxygène nécessaire, avec enfin le débit adéquat, puis le pilote et le copilote m’accueillent dans l’avion où on m’installe dans une bulle destinée à protéger les personnes merveilleuses qui m’accompagnent. On me dit que je vais faire tout le vol enfermé dans cette bulle à laquelle il est possible d’accéder par des manchons pour me donner des soins, me faire des piqûres. L’infirmier me donne à manger des bretzels et du chocolat et je peux enfin boire de l’eau. Je ne m’en prive pas, car mon organisme a un urgent besoin de sel et de sucre.
Durant le vol, je me sens mieux moralement mais je ne dors pas. Je suis comme ébahi par ce qui m’arrive, ce Covid cruel, ma faiblesse et mon impuissance à le combattre seul. Je me dis aussi que ce n’est que le début car au fond de moi,
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je sais très bien que ça ne va pas être anodin à mon retour. Mon système fonctionnel est gravement atteint. Je respire mal. Si on m’enlève l’oxygène, je suis foutu. Ma vie dépend de ces deux petits tubes de lunette nasale en plastique qui m’ont sauvé la vie.
Après une escale à Mascate (Oman) pour le ravitaillement en kérosène, l’avion de la Rega se pose à Genève vers 22 h 00.
Le soulagement et un sentiment de sérénité s’installent en moi. Rien ne pourra être pire que ce que j’ai vécu. Je reste toutefois conscient et reconnaissant de ce qui a été fait aux Maldives où des gens fantastiques ont fait au mieux avec les moyens qui étaient les leurs. Sans eux, je n’aurais certainement pas survécu. L’infirmière et les infirmiers qui m’ont tenu en vie méritent d’être honorés, de la première au dernier qui m’a accompagné sur le tarmac où m’attendait l’avion de la Rega et qui m’a demandé de lui donner de mes nouvelles après mon retour.
Coordonnée par le TCS, une ambulance m’attend au pied de la passerelle de l’avion pour m’emmener directement aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Je suis très ému en me disant que quoi qu’il arrive dès ce moment, ce sera auprès des miens, que ma mère et mes filles sont là, et je sais que je trouverai la force d’attendre le retour de Claudia, de William et de Matthew. Ce premier ressenti peut paraître ambigu mais je ne songe pas un instant à l’angoisse, à la souffrance et au traumatisme que toutes et tous auraient endurés si j’étais mort loin d’eux.
Je dois être dans une sorte d’état second, et je ne connais pas le degré d’envergure de mon état sanitaire. Je sais que je ne suis pas bien du tout puisque je ne peux même pas m’asseoir sans désaturer immédiatement, que je ne peux que rester couché sur le dos, même pas sur le côté et encore moins sur le ventre. Dans l’ambulance, on m’assied toutefois légèrement en augmentant
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le débit de l’oxygénation car mon corps commence à convulser. À mes côtés se trouvent un docteur et une infirmière qui dit qu’elle ne me connaît pas mais qu’elle sait qui je suis. Surprise de ce qui m’arrive, elle me rassure en me disant que je vais être pris en charge immédiatement et que tout le nécessaire sera fait. Arrivé aux HUG un peu avant 23 heures, on m’emmène directement faire un scanner.
Finalement, contrairement à ce que je m’étais promis une semaine plus tôt, je suis rentré en Suisse sans Claudia ni les enfants…
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Nous avions passé les 3 premières semaines dans un bonheur familial complet. Plongée, snorkeling, ski nautique, jet-ski, plage, windsurf, kayak, piscine, badminton, beach-volley, tennis, football, musculation en salle de sport, billard, pingpong, tel était notre emploi du temps quotidien par un temps un peu humide mais superbe, avec quelques orages tropicaux et une eau à 30 degrés.
Le soir où Williams ne se sentit pas très bien avec un mal de gorge, j’ai pensé à un refroidissement dû à l’air conditionné et au fait que nous vivions constamment à pieds nus, même sur le carrelage froid de la salle de jeux.
Le lendemain soir, bien qu’il n’ait pas vraiment de fièvre, je décidai de lui faire un test antigénique vu qu’on l’avait mis dans la trousse sanitaire, sans imaginer en avoir besoin. Claudio était couché sur le lit avec le mode d’emploi dans les mains. À la fin du test, je lui demande :
« 2 barres, ça veut dire quoi ?
– Deux barres, c’est positif, me répond-il.
– Non, tu rigoles ? »
On ressent alors un peu d’inquiétude, mais comme il est déjà 22 heures, on n’alerte pas l’infirmier du Resort et on décide de faire tous un test PCR le lendemain matin.
Vingt-quatre heures plus tard, William, Matthew et moi sommes déclarés positifs, et Claudio négatif. Le Resort prend
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immédiatement les choses en mains. Je suis confinée avec les deux garçons dans le bungalow, avec accès aux alentours immédiats et sur le bout de plage adjacent, et Claudio se retrouve isolé dans un autre bungalow.
Pas du tout inquiète, je me dis que l’on va profiter de 15 jours de semi-vacances supplémentaires ! Et ce sera plus simple qu’à la maison où tout en étant malade, j’aurais quand même dû m’occuper des enfants et faire à manger. Ici, les repas que nous commandons sont livrés et déposés sur la terrasse.
Je ressens tout de même des douleurs à l’estomac, de la nausée, et des crampes intestinales, puis un peu de toux mais pas de problème au niveau des voies respiratoires. C’est un peu comme une grippe. On a un peu mal partout et des maux de tête assez forts, mais c’est supportable, surtout avec les médicaments que nous conseille le docteur Francis Meier que l’on a tout de suite alerté. Matthew est patraque le premier matin, mais il a peu de fièvre et ça ne dure pas. Pour lui, tout est terminé en 48 heures. William a un gros rhume et il tousse mais ça s’estompe en quelques jours. Après deux jours et demi, je me sens subitement mieux, comme si tout était parti. Je me dis que si ce n’était que ça, ce n’est pas grave, mais ça revient vers le 5e jour avec de grosses pressions sur la poitrine qui m’inquiètent un peu. Puis tout disparaît à nouveau après deux jours, mais je ne retrouve pas l’appétit. Je ne peux manger qu’un peu de pastèque et de papaye et j’ai perdu 5 kg dans la semaine. Atteint à son tour, Claudio nous rejoint deux jours plus tard, un peu décalé par rapport aux symptômes. Je ne suis pas vraiment angoissée mais je ne veux pas montrer que je suis très inquiète quand même. J’essaie de relativiser, de le rassurer car j’ai compris qu’il est encore plus inquiet que je ne le suis, ce, d’autant plus que personne ne sait comment on a attrapé ce virus.
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