Gland, Ed. Favre 2024 - EXTRAIT

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Gland. Histoires citoyennes.

Le Ciné Open Air à l’été 2023, avec les deux tours de la Cité-Ouest en arrière-plan.

GLAND. HISTOIRES CITOYENNES

Gland, cité de Marie-Thérèse Porchet

Si Berne est la capitale politique de la Suisse, Gland serait sa capitale anatomique. Voilà ce que dit en substance Marie-Thérèse Porchet née Bertholet à longueur de sketches. Personnage pensé et incarné par Joseph Gorgoni sur scène, Marie-Thérèse n’a cessé d’avoir recours à Gland, son lieu de vie romanesque, pour maints jeux de mots. Si bien que, en 2002, au lieu de s’en vexer, Gérald Cretegny, alors municipal, a décidé de créer un Square Marie-Thérèse Porchet née Bertholet. Laquelle est venue l’inaugurer en RollsRoyce. Le square se situe à proximité du théâtre de Grand-Champ. Et ce n’est évidemment pas un hasard puisque Joseph Gorgoni en a foulé les planches à de nombreuses reprises.

Être jeune dans la ville la plus jeune

C’est un jeudi soir à la Pépinière. Ici, dans cette ancienne école primaire de la rue de la Gare, une poignée de jeunes adultes est réunie pour évoquer, entre autres, la décoration d’une des quatre anciennes salles de classe, spécifiquement de la proposition faite par un graffeur de « repeindre » un mur. Sous le regard bienveillant des deux travailleurs sociaux de proximité (TSP), présents ce soir-là, les discussions portent sur la teinte principale de l’œuvre, bleue, que certains membres trouvent trop « genrée ». Bienvenue au Parlement des jeunes, une structure financée par les autorités communales permettant à la jeune génération de porter des projets dans l’intérêt de toutes et tous.

Gland, comme bien d’autres cités, a connu par le passé quelques soucis avec sa jeunesse, jugée responsable, à tort ou à raison, d’une série de déprédations, notamment aux abords de la gare CFF. Dans les années 2010, pour contrer ces incivilités, il a été évoqué la possibilité de déplacer le poste de police dans les locaux vides des CFF, puis de faire poser des caméras, ce qu’un nouveau règlement communal a permis. Les CFF ont même lancé une campagne visant à recruter des « parrains » bénévoles chargés d’arpenter les lieux et de déminer les potentiels conflits intergénérationnels.

installé en 1986 à Mauverney et depuis 1992 à Montoly, et destiné initialement aux 12-18 ans. Là, depuis plus de 30 ans, la jeunesse se retrouve pour partager ses passions, dont le sport et la musique. On y organise aussi divers événements festifs. Pourtant, force est de constater que, dans les années 2010, le vénérable CRL ne suffit plus. Imaginant de nouvelles prestations à fournir, le Service de l’enfance et de la jeunesse ne laissera pas passer une occasion en or : le départ en 2016 de l’UAPE de l’ancienne école de La Dôle, laissant le bâtiment vacant.

On y imagine alors un nouvel espace pour soutenir et accompagner les projets individuels et collectifs des jeunes, cette fois-ci âgés de 16 à 25 ans. Un programme évidemment complémentaire aux activités du CRL et qui prendra tout son sens avec le choix politique d’augmenter les effectifs des travailleurs sociaux de proximité (TSP).

Séance du Comité du Parlement des jeunes de Gland, dans les locaux de la Pépinière.

Cependant, les autorités ont rapidement compris que le problème était à prendre d’une autre manière, plus en amont, en privilégiant la prévention et la proximité. Le tout en se basant, bien sûr, sur l’expérience du Centre de rencontres et de loisirs (CRL),

Ainsi naît la Pépinière, lieu-ressource, retapé en partie par les jeunes eux-mêmes. Là, tout se met rapidement en place dès 2016. Canapés, bureaux et décorations offrent à cette ancienne école de La Dôle un nouveau look propice aux rencontres et aux discussions. Aussi, les travailleurs sociaux de proximité y basent leur point d’ancrage principal pour mieux aller à la rencontre des jeunes un peu partout en arpentant le territoire. Lui-même TSP ayant grandi à Gland, Kenny Lencrerot résume : « Une partie de notre métier consiste à aller les voir là où nous savons qu’ils se réunissent, à engager la conversation, échanger, instaurer un climat de confiance

La cabane sereine du pêcheur

Il fut un temps où les pêcheurs passaient jusqu’à 6 heures par jour sur leur bateau pour livrer aux grossistes de la profession quantité de poissons. Tout cela est une histoire ancienne. A La Dullive, petit quartier au sud-est de Gland, Alexandre Fayet a su adapter son métier aux diverses contraintes légales et économiques pour vivre en accord avec ses principes.

Plus question, en effet, de passer autant de temps sur le Léman pour ramasser un maximum de marchandise à revendre à d’autres, qui la prépareront pour d’autres encore. Il faut au contraire pêcher moins et apprêter davantage pour proposer la récolte du jour directement à la clientèle, sur place. Une façon tout à la fois de tirer davantage de satisfaction personnelle, de lutter contre la pression de pêche (permettre la régénérescence des espèces) et de facturer ses préparations culinaires. Ainsi Alexandre Fayet, sixième génération de pêcheurs d’une famille installée à La Dullive depuis presque toujours, embarque-t-il cinq jours par semaine sur le Capitaine Nicolas ou sur le Capitaine Laura, du nom de ses deux enfants, à 4h du matin pour en revenir 3 heures plus tard. Avec sa moisson du jour, généralement une vingtaine de kilos de perches, de truites ou de féra, il entame alors la préparation du produit. Il s’agit d’écailler, éviscérer, fileter, le tout dans la pêcherie située au sous-sol de la maison.

S’adapter

Ce laboratoire a été refait à neuf en 2016, tandis que le fumoir, au bord de l’eau, a été repensé selon les nouvelles normes d’hy-

giène en 2017. Cette volonté de préparer soi-même la pêche du jour remonte à son grand-père qui, dans les années 1970, avait dû faire face, comme ses homologues, à une raréfaction du poisson, essentiellement à cause de pollutions dans le Léman. « C’est de là, d’ailleurs, que vient cet engouement de manger des filets de perche au restaurant », détaille Alexandre Fayet. Car oui, ce plat si lémanique est devenu une tradition à un moment où les pêcheurs, pour survivre, ont dû préparer eux-mêmes les poissons. Les crises ont parfois du bon.

Même si elles peuvent durer bien trop longtemps. Alexandre Fayet, dont le rêve d’enfant a toujours été de reprendre la pêcherie familiale, a pourtant dû s’orienter plus de 13 ans dans une autre branche (le carrelage), attendant que les perspectives redeviennent favorables. « Mon père nous a obligés à avoir une autre formation en cas de coup dur. » Et puis, un jour, Alexandre Fayet est revenu à la pêcherie familiale, malgré le manque permanent de sommeil, la fatigue et le froid. « Mais c’est ma passion ! » Et les hivers finissent par passer : « Dès le printemps, on part au lever du soleil et on trouve sur le lac une sérénité que les gens dans leur voiture ne peuvent pas imaginer. »

Dans son quartier de La Dullive, au bord du lac, où pendant des décennies « on envoyait les paumés du village » à cause des rats et des moustiques, et où aujourd’hui le prix des logements a pris l’ascenseur, la clientèle vient lui acheter ses productions quotidiennes. Du lac à la pêcherie en passant par le fumoir, à peine quelques mètres de distance : difficile de

faire circuit plus court. Son poisson est aussi disponible dans certains restaurants et épiceries.

Après avoir pêché, apprêté la marchandise, l’avoir vendue durant la journée, il reste à Alexandre Fayet à prendre les

commandes de ses clients. Puis, en fin de journée, à aller reposer les filets dans le lac pour préparer le lendemain. En attendant que sa fille Laura, septième génération, ne finisse par rejoindre l’embarcation.

1er août : bien plus qu’une fête

nationale

La fête nationale 2023 à Gland. On peut y reconnaître, notamment, l’ancien syndic et préfet Jean-Claude Christen et Frédéric Baugmartner, ancien municipal.

Il est des lieux où le jour de la fête nationale dure… deux jours. Parfois même trois quand ladite fête tombe un lundi ! Le nom de cet endroit extraordinaire ? Gland, pardi ! On aurait d’ailleurs tort de se priver d’une telle offre puisque le programme propose à la fois un 31 juillet festif (le lendemain étant férié) et un 1er août plus traditionnel.

Cette idée des autorités de dépoussiérer la fête nationale remonte à 2019, s’arran-

dans le ciel ? Va alors pour des projections d’images sur les murs extérieurs du collège de Grand-Champ, dans un rendu son et lumière tout aussi époustouflant qu’un final pyrotechnique. Ce mapping, puisque c’est son nom, a conquis les spectateurs lors de sa première en 2019, puis en 2022 et 2023, avec des thématiques à chaque fois différentes. Mais les projections ne sont pas tout, bien sûr, puisque le 31 juillet à Gland est aussi l’occasion d’écouter des groupes en live et, naturellement, de goûter divers

Les années 2020 et 2021 ont, elles, Covid oblige, nécessité de penser différemment les événements, en respectant des quotas légaux (500 personnes) pour les rassemblements. Durant ces deux années de veille sanitaire, Gland a proposé de subdiviser les festivités en cinq lieux différents dans la cité. Notons notamment, en 2020, la venue de cinq montgolfières permettant aux citoyens de grimper dans les nacelles pour contempler la ville d’en haut. On a également pu assister en 2021

Car là est bien l’ambition des organisateurs, Ville et associations comprises : faire de la fête nationale un moment original et innovant. Le tout sans pourtant renoncer aux traditions, qu’il s’agisse de l’incontournable Schublig et sa tranche de pain ou des joueurs de cor des alpes, sans oublier les lanceurs de drapeaux. Il est une autre tradition typiquement glandoise : les tartines du 1er août. Depuis des années, en effet, la Société de développement invite tout un chacun à venir, à la salle communale ou à Grand-Champ, se réveiller en dégustant une de ces fameuses tranches de pain recouvertes ici de miel, là d’une confiture de fruits. Car une fois l’estomac bien callé, les festivités peuvent se poursuivre sans crainte.

En ce jour officiel de fête nationale, et après avoir profité des concerts de la veille, le programme est copieux : cortège partant de la gare, discours et intermède musical par la Fanfare de Gland. Enfin, après le repas, sur le coup des 22h, peut alors commencer le spectacle de projection d’images sur les murs de Grand-Champ.

Qu’on ne s’y trompe pourtant pas : si les projections ont pris la place des feux d’artifice depuis 2019, ce n’est pas dans l’idée de remplacer une ancienne tradition par une nouvelle. Au contraire, à Gland, on pourrait affirmer que la seule véritable nouvelle tradition est de proposer chaque année des projets inédits, pour surprendre les habitants. Qui répondent systématiquement présent, dans toute la diversité intergénérationnelle et culturelle qui définit la population locale. A Gland, le 1er août est bien plus qu’une simple fête nationale.

La nature fera le reste

Un sentier épouse le tracé du Lavasson et permet de charmantes balades. De surcroît, on y trouve une fraîcheur bien agréable en période estivale.

A l’ouest, la Promenthouse, alimentée par la Serine, qui se jette dans le Léman. A l’est, le Lavasson, parcourant les bois de La Lignière. Ces deux cours d’eau ont une particularité : ils ont été déviés et canalisés pour permettre à des lignes de fortification de s’ériger lors de la Mobilisation générale, décrétée en 1939. Aussi, à Gland, rivières et forêts se trouvent aux extrémités de la ville, dessinant deux lignes verticales qui, ajoutées aux lignes horizontales des voies de communication (autoroute, chemin de fer et route cantonale), articulent un quadrillage hélas peu favorable à la faune et la flore.

C’est dans le but de recréer des zones propices au développement de la biodiversité, et ainsi au mouvement des animaux, que divers programmes cantonaux et communaux de renaturation ont vu progressivement le jour dès les années 2010. Le Lavasson a été repensé en certains segments pour caler son parcours sur le tracé qui était le sien avant la Deuxième Guerre mondiale, selon des plans d’archives. En d’autres lieux, il a été remis à l’air libre. Pour ce faire, il a fallu les interventions des bûcherons d’abord, pour faire place nette (avant de replanter des arbres), puis celles des diverses machines de chantier, creusant ici et là et renforçant les berges en d’autres endroits. But recherché de cette renaturation ? Que la faune piscicole puisse remonter la rivière en période de fraie et que des zones humides puissent éclore naturellement à proximité du cours d’eau.

De mêmes travaux ont été entrepris sur la Promenthouse, libérant le lit de la rivière

de certaines strates de terres et de feuilles mortes, consolidant certaines berges pour éviter que le débit ne soit trop dense. Ont également été prévues des zones d’inondation en lisière de forêt. Batraciens, salamandres et même chevreuils apprécient.

Mais il n’est pas que les rivières qui ont eu la faveur d’une cure de jouvence. Les forêts également. Selon un programme articulé sur quatre années, 2000 chênes ont été plantés sur les parcelles publiques, où l’on compte 17 des 111 hectares de bois du territoire communal, le reste étant situé en domaine privé. Et puis diverses opérations ont permis de recréer des îlots de biodiversité un peu partout en ville, dont un hôtel à insectes sur le rond-point de l’avenue du Mont-Blanc. De même peut-on voir des morceaux de prairies apparaître ici et là où l’on trouvait jadis des pelouses bien tondues. Au début, bien sûr, la réaction de certains habitants fut de se demander si les services de la Ville étaient en grève, avant de comprendre que tout était savamment orchestré selon un souhait écologique. On peut également voir des moutons brouter l’herbe de telle ou telle parcelle communale.

Les efforts de communication entrepris par les autorités ont payé puisque la population semble non seulement comprendre mais aussi se réjouir de ces opérations visant à redonner à la nature les moyens de se développer : une intervention humaine comme une première impulsion pour laisser ensuite la nature faire le reste.

Page suivante : Le Lavasson qui s’écoule à l’est du territoire communal. La rivière a fait l’objet d’une renaturation.

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