Claude Dussez et Quentin Mouron connaissent bien l’Ouest américain. Ils ont tous les deux parcouru ces déserts où le rêve s’effrite, lentement, se résorbant sans bruit dans le décor minéral, où la poussière retourne à la poussière. Claude Dussez en a rapporté une série de clichés sur lesquels l’humain n’apparaît le plus souvent que sous forme de trace. Les photographies sont accompagnées d’un long poème de Quentin Mouron, qui dit la poussière, l’aridité des paysages et des sentiments, le temps qui passe – et ne laisse que des ruines. Claude Dussez – photographe suisse Spécialisé dans les portraits d’artistes sur scène ou en coulisses, il est l’auteur de Artistes CH qui rend hommage aux créateurs suisses. Sa passion pour les voyages l’a mené à plusieurs reprises aux États-Unis, l’endroit rêvé pour raconter des histoires. Quentin Mouron – écrivain canado-suisse Il a séjourné pendant deux ans aux États-Unis et plus particulièrement en Californie et en Arizona. Il est l’auteur de plusieurs romans salués par la critique et traduits en plusieurs langues, notamment Notre-Dame-dela-Merci et Vesoul, le 7 janvier 2015.
ISBN 978-2-8289-1802-6
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ÉDITIONS FAVRE SA Siège social 29, rue de Bourg CH – 1002 Lausanne Tél. : +41 (0)21 312 17 17 Fax : +41 (0)21 320 50 59 lausanne@editionsfavre.com Adresse à Paris 7, rue des Canettes F – 75006 Paris www.editionsfavre.com ISBN 978-2-8289-1802-6 © 2019 - Éditions Favre SA, Lausanne, Suisse La maison d’édition Favre bénéficie d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2016 - 2020.
Ce livre est publié avec le soutien de
Couverture Autoportrait - Amboy CA 2016 Pages précédentes Bedrock City - Williams AZ 2015 / Barbed Wire - Bodie CA 2015 Moki Dugway - Valley Of The Gods UT 2019 / Railroads - Ludlow CA 2016 4e de couverture The Gables Motel - Las Vegas NV 2016 Les Auteurs - Monthey VS 2019 © Florian Cella / Oldsmobile 54 - Williams AZ 2016 8
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Il faut y être allé. Là-bas. Il faut y être allé à Salton Sea, Bombay Beach, Slab City, pour goûter la brûlure, le sel, la cendre, et la vie aussi, qui surgit, primordiale, au cœur de l’aridité. Il faut avoir plongé les yeux dans ces no man’s land à perte de vue, suivi du regard ces routes qui s’étirent sans but dans ces plaines trop vastes. Il faut avoir sondé l’âme profonde du pays, parlé avec ceux qui ont porté son rêve jusqu’à l’assèchement. Il faut encore avoir entendu dans le vent l’écho lointain de ce qui a été beau, plein, vibrant d’une arrogante innocence. Claude Dussez a fait ce voyage. Lui qui, sous nos latitudes, ne cherche qu’à capturer le feu des regards, qu’à figer dans son viseur l’essence dont se consument les artistes, les passionnés et les fous, a trouvé de l’autre côté de l’Atlantique une matière d’une tout autre densité. Des images ramenées, l’humain est absent, ou alors il hante le cadrage, effacé, comme perdu dans les vestiges d’une civilisation qui se serait effondrée sous son
propre poids. En voyant ces enseignes de motels à l’abandon en bordures de routes nationales, on pense au travail du photographe hollandais Toon Michiels qui révélait au milieu des années 70 la beauté étrange, hyperbolique de ces lettrages de néon, dont la puissance iconique explosait sur ses clichés nocturnes. Lumière électrique, couleur vives, opulence d’une imagerie pop qui allait coloniser l’inconscient collectif… Chez Claude Dussez, les enseignes ont cessé même de clignoter. Elles attendent en nuances de gris magnifiques l’érosion, la corrosion, la rouille. Mais, le photographe y tient, ce sont de belles ruines. Elles furent grandes, elles restent dignes. Comme le sont ces habitants rencontrés durant le voyage, qui ont fait le choix de les habiter et de les accompagner jusqu’à l’oubli. Lost… C’est une poésie de la disparition que Claude Dussez convoque au fil des clichés. Car, qu’on ne s’y trompe pas, avec la désertification de ces terres de Californie, d’Arizona ou du Nevada, c’est l’imaginaire d’au moins trois générations, couches sédimentaires de cinéma hollywoodien, d’épopées littéraires, Faulkner, Harrison, Miller,
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Burroughs, de tableaux d’Edward Hopper…, qui s’efface peu à peu des esprits. Mais le sable n’a pas encore tout recouvert. Quelque chose subsiste, une sensation ténue, une empreinte mémorielle... Dans Eternal Sunshine Of The Spotless Mind de Michel Gondry, le personnage de Joel (Jim Carrey) dit : “ Sand is overrated. It’s just tiny little rocks. ” (« On attache beaucoup d’importance au sable, alors qu’en fait ce ne sont que des tout petits cailloux minuscules »). Lui-même lutte contre l’effacement du souvenir de celle qu’il a aimée. Sable, temps, poussières… En avançant, nous, hommes, femmes, civilisations, ne faisons jamais que laisser derrière des particules de nousmêmes. « Nous poussons notre poussière, encore un peu plus loin », écrit Quentin Mouron qui offre sa poésie en écho aux photos de Dussez. L’écrivain lui aussi a fait ce voyage dont parle Lost. Il a vécu dans ces paysages, les a traversés, les a laissés le traverser. Il a goûté la brûlure, le sel et la cendre. Il sait l’errance des plaines, le parfum de l’asphalte
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écrasé par le soleil, et la lumière incomparable de ces paysages où tout ce qui s’offre au regard est matière de fiction, support idéal de l’imaginaire. Il sait encore à quel point tout est friable. Alors, en reflet au miroir tendu par le photographe, il est allé chercher ses mots dans ses états intérieurs, dans les gravats d’une relation amoureuse récemment écroulée. On connaît le style définitif, frontal du romancier. Moins le poète impressionniste. Avec ce dernier comme guide, le voyage prend une nouvelle dimension et la beauté décharnée de son écriture emmène le lecteur sur des chemins référentiels plus secrets que ceux qui conduisent souvent vers l’imagerie étasunienne. Au canyon se superpose la plaie, au village fantôme l’empire intime déserté. Il faut y être allé. Là-bas. Il faut avoir aimé et perdu. Il faut avoir pris des routes qui mènent nulle part. Il faut avoir porté ses rêves jusqu’à l’assèchement. Ce qui est perdu n’est plus à perdre.
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Il ne reste que des grincements Des éloignements Des tentatives de fuite Du sable sur Du sable. Un drapeau flotte Un fauteuil Des bris, des douilles, des chiures Des éclats de bois et de fer Des lustres éclatés De vieilles bouteilles de bière. Un matelas, des ressorts Une voiture rouillée Un jerrican percé. Il ne reste que des souvenirs Quelques frissons Recouverts de poussière. - Nous n’avons pas même la dignité des ruines.
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Un lac de sel Une camionnette - Le pare-brise brille. Il n’y a personne au volant Personne autour Pas de vent Pas de vie. Qu’une camionnette rouge Au milieu du sel blanc.
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Tu as miné l’édifice J’ai déblayé les gravats : Notre œuvre unique. Le fracas des dalles Des pilotis qui s’abîment Des ferrures qui s’entrechoquent Et nous, enveloppés Perdus Dans un nuage de ciment Capital Définitif Un nuage blanc Sans pluie Sans larmes Un nuage Sec.
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d'un livre paru aux Éditions Favre. Tous droits réservés pour tous les pays. Toute reproduction, même partielle, par tous procédés, y compris la photocopie, est interdite. Éditions Favre SA Siège social 29, rue de Bourg CH – 1002 Lausanne Tél. : +41 (0)21 312 17 17 lausanne@editionsfavre.com www.editionsfavre.com
Claude Dussez et Quentin Mouron connaissent bien l’Ouest américain. Ils ont tous les deux parcouru ces déserts où le rêve s’effrite, lentement, se résorbant sans bruit dans le décor minéral, où la poussière retourne à la poussière. Claude Dussez en a rapporté une série de clichés sur lesquels l’humain n’apparaît le plus souvent que sous forme de trace. Les photographies sont accompagnées d’un long poème de Quentin Mouron, qui dit la poussière, l’aridité des paysages et des sentiments, le temps qui passe – et ne laisse que des ruines. Claude Dussez – photographe Spécialisé dans les portraits d’artistes sur scène ou en coulisses, il est l’auteur de Artistes CH qui rend hommage aux créateurs suisses. Sa passion pour les voyages l’a mené à plusieurs reprises aux États-Unis, l’endroit rêvé pour raconter des histoires. Quentin Mouron – écrivain Il a séjourné pendant deux ans aux États-Unis et plus particulièrement en Californie et en Arizona. Il est l’auteur de plusieurs romans salués par la critique et traduits en plusieurs langues, notamment Notre-Dame-dela-Merci et Vesoul, le 7 janvier 2015.
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