L’incroyableodysséedu grandd’Axoumobélisque 2000 ans d’histoire et 200 tonnes de Patrimoine universel transportés de l’Éthiopie à Rome puis retour Luigi Cantamessa Préface de Jack Lang
L’incroyable odyssée du grand obélisque d’Axoum
Luigi Cantamessa
Carte du Royaume d’Axoum © Aldan-2, via Wikimedia Commons
Carte de l’Éthiopie actuelle (territoire deux fois plus grand que celui de la France) © Bouzinac, via Wikimedia Commons
Carte de Fra Mauro établie au XVe siècle. Le nord est en bas et le sud en haut. © Public domain, via Wikimedia Commons
Cette incroyable odyssée d’un monument qui nous vient de l’Antiquité a donné à l’auteur la possibilité de tirer de l’oubli une partie de l’histoire de l’Humanité. Un monde empli de légendes épiques, surgi des sables, un monde fabuleux, une grande civilisa tion ont pu vivre et prospérer pendant des siècles, sans remparts. Elle a été capable de produire et d’envoyer dans le futur de l’hu manité des monuments gigantesques dont nous n’avons pas encore percé le message, mais qui nous parle de quelque chose de grand et d’éternel. Cet obélisque étrange a été protagoniste du développe ment millénaire de l’histoire des idées. Arraché à une grande falaise de granite, travaillé, sculpté et érigé, il nous transmet un sentiment de puissance. Un symbole de pouvoir, devenu prétexte à des tyrans pour légitimer leur délire éphémère. Abattu, oublié, enfoui sous la terre en morceaux, il fut retrouvé et ramené à Rome comme proie de guerre des armées de Mussolini, nostalgique de l’Empire romain. Exilé pendant soixante-dix ans de son pays natal, l’obélisque a fina lement retrouvé sa place à Axoum, en Ethiopie, au milieu d’un monde resté toujours merveilleux et mythique. Malheureusement ce pays fabuleux a été lacéré par l’incapacité des hommes à vivre ensemble, en paix. Depuis son retour en Ethiopie, l’obélisque est le témoin d’une guerre cruelle qui s’est abattue sur des populations démunies dont l’auteur partage la souffrance. Le retour de l’obélisque dans
Préface de Jack Lang
son pays a représenté la plus colossale restitution d’une proie de guerre jamais effectuée au monde. De simple témoin d’un passé perdu, ce monument est devenu aujourd’hui partie du Patrimoine de l’Humanité.
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En abordant le sujet de cet ouvrage, bien modeste par rapport à l’importance et la grandeur des faits, j’ai donné la priorité à la descrip tion des idées qui ont accompagné pendant des millénaires la vie d’un gros bloc de granit devenu témoin de l’histoire de la pensée humaine, symbole de grandeur et de vanité et, surtout, d’oubli ! Un bloc de pierre,
Le passé des contrées lointaines est souvent peu connu. On continue à interroger les pierres et à essayer de déchiffrer leur message. On est tenté de penser que l’histoire a forcément un passé, un avant et un après. Mais on découvre un pays, l’Abyssinie, où le passé est présent et dans lequel l’espace et le temps sont inexistants.
Introduction
Dans l’Antiquité classique, écrivains, historiens et géographes ont montré un grand intérêt à étudier de longs moments de l’histoire de l’humanité, abandonnés et condamnés à l’oubli, en raison de la tentation de chaque civilisation d’éclipser la mémoire des précédentes. Le passé n’est toutefois jamais vraiment très loin. Parfois, on le retrouve présent lorsqu’il réapparaît dans les habitudes de vie. Lorsque, jeune étudiant, je traduisais Les Travaux et les Jours d’Hésiode, je retrouvais les gestes de mon père, paysan-vigneron : « … à l’aurore, dès qu’elle se montre, place les bœufs sous le joug… ! » L’histoire des idées et des croyances nous aide à comprendre les faits et les comportements du passé. Les mythes qui ont créé des mondes merveilleux apportent un éclairage sur les motiva tions des grandes entreprises humaines.
Introduction
Un jour, un roi passa par là avec son armée. Il pensa que ces vieilles pierres l’auraient aidé à trouver dans le passé des racines pour justifier son pouvoir. Des archéologues arrivèrent d’Europe pour étudier les pierres, et d’autres encore. Jusqu’au jour où des étrangers, venus eux aussi d’Europe, arrachèrent les gros blocs à la boue, les chargèrent sur de puissants tracteurs et les laissèrent deux mois plus tard au bord de la mer. Transbordés sur un navire, ils remontèrent la mer Rouge, tra versèrent la Méditerranée et arrivèrent en Italie. Là, un autre despote, Mussolini, se dit lui aussi que ces vieilles pierres auraient pu l’aider à trouver dans le passé des racines à la gloire de son pouvoir. À partir de ce moment, elles furent embrochées, assemblées et embellies pour retrouver leur unité et érigées à nouveau en obélisque. Une guerre éclata et la pierre, bien que meurtrie par les balles des mitrailleuses, survécut. Elle devint vite objet de disputes et beaucoup pensèrent qu’elle ne se trouvait pas à sa place et qu’il lui fallait rentrer dans son pays. Dans cette attente, et pendant bien des années, elle attendit dans l’indifférence générale, suffoquée et noircie par les gaz des voitures qui frôlaient ses pieds. Lors d’un gros orage, la foudre frappa le sommet de la pierre qui perdit la moitié de sa tête. Elle fut soignée et nettoyée. Ensuite, afin de pouvoir rentrer chez elle, à nouveau brisée en trois pièces, elle devint le plus grand fret au monde jamais transporté par avion. Pour la recevoir, on construisit un nouvel aéroport à Axoum où, bien qu’en morceaux, elle fut accueillie dans une grande liesse en avril 2005 par des dizaines
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transformé par les hommes en symbole de pouvoir, de souveraineté, de gloire et même d’intervention diabolique, objet de convoitise et d’âpres disputes, talisman aux vertus magiques. Une fois sorti de sa carrière, le rocher de centaines de tonnes a été amené dans un autre champ, taillé, sculpté, transformé en obélisque, érigé on ne sait comment, ni par qui, ni à la gloire de quel pouvoir personnel démesuré d’un homme dont les nom et souvenir ont disparu rapidement. On ne sait pas quand ni pourquoi il est tombé à terre, où il a été trouvé brisé en cinq morceaux. Le temps l’a recouvert de terre et de boue. Des paillotes ont été construites par-des sus, probablement habitées par des esclaves qui s’en servaient comme tables pour préparer leur nourriture.
Introduction
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de milliers de personnes. Aucun chef d’État, monarque ou dictateur n’avait jamais reçu tel accueil. La fête finie, elle fut parquée, toujours en pièces, sous un auvent en tôle et abandonnée aux intempéries jusqu’à fin décembre 2008. Durant ce long abandon, d’aucuns pensaient qu’il aurait fallu la remettre là où on l’avait trouvée, telle quelle. N’était-elle pas déjà en pièces au début de son odyssée ? D’autres envisagèrent son retour en Italie, où elle avait déjà acquis un statut. Elle dut entendre le brouhaha des disputes : son retour créa en effet un important précédent et bien des tourments à la communauté scientifique, politique et juri dique internationale. Depuis, l’obélisque se tient bien droit dans le parc archéologique d’Axoum. À Rome, on avait l’obélisque d’Axoum. À Axoum, on a maintenant l’obélisque de Rome. L’incroyable odyssée est pour le moment terminée. D’autres pierres retourneront-elles aussi à leur place originelle après elle ?
Le pays des Axoumites – Tigré, Érythrée et Saba
1. Une part de l’Antiquité retrouvée sous les champs de blé
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Le haut plateau éthiopien est considéré comme le plus grand massif montagneux d’Afrique. Une grande partie du plateau est d’origine basaltique, résultat d’immenses éruptions fissurales occasionnées par le soulèvement de la plaque africaine, éruptions qui se sont succédé au cours des temps géologiques. La partie septentrionale du plateau, qui comprend la région du Tigré et de l’Érythrée, est constituée de terrains sédimentaires, en particulier de différents types de grès, ponctués de nombreux accidents volcaniques. Les roches contiennent une quantité de fer et autres éléments qui, par le phénomène d’oxydation, créent un paysage aux couleurs rougeâtres. Cassé lors du soulèvement, sillonné et modelé par l’érosion due à l’oxygène présent dans l’eau et le vent durant des dizaines de millions d’années, le plateau présente un aspect dramatique d’une grande beauté : vallées profondes, pics vertigineux et falaises infranchissables. Un pays immense, avec vingt-sept massifs montagneux qui dépassent les 4000 mètres d’altitude, d’où coulent, aujourd’hui encore, les fleuves qui permirent l’essor de l’antique civili sation égyptienne. À l’est s’étend la grande dépression du Danakil, en pays afar, qui atteint les –130 mètres au-dessous du niveau de la mer Rouge. Une partie du plateau se situe aujourd’hui de l’autre côté et forme la partie occidentale de l’actuel Yémen. Géographiquement, le pays est
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davantage lié aux régions montagneuses de la péninsule sudarabique qu’aux grandes régions désertiques qui le contournent du côté africain. L’altitude y favorise un climat tempéré, avec des pluies abondantes lors des deux saisons humides annuelles.
Au cours des siècles, le temps n’a pas vraiment eu de prise sur le mode de vie et de pensée de ses habitants. Ils se réunissaient autrefois autour des temples et, par la suite, autour des églises et des grands monastères. Aujourd’hui, ils se retrouvent toujours sur les marchés hebdomadaires pour échanger et distribuer leurs produits. Lesquels marchés ont souvent pris le nom du jour de la semaine où ils se tenaient. Ainsi, dans les villages nommés Hamusit, le marché a lieu le jeudi, hamus signifiant « cinq », le cinquième jour de la semaine dont le premier jour est le dimanche. Pour toute décision concernant la vie de la commu nauté, les aînés et les personnes concernées se réunissent toujours à l’ombre d’un sycomore, l’arbre à palabres.
Au début du XXIe siècle, la ville de Maqalè, capitale de l’État du Tigré, reste encore le plus important marché du sel des hauts plateaux. Elle est toujours le point de rencontre de l’économie des diverses communautés pastorales qui montent de la dépression du Danakil avec leurs chameaux et celles des paysans des plateaux qui s’occupent de la redistribution de marché en marché, sur des centaines de kilomètres, à dos d’âne et de mule (voir p. XXXII du cahier photos). Quant au portage du bois, de la nourriture et de l’eau, il demeure l’apanage des femmes. Sur les marchés, on trouve toujours les mêmes céréales : blé, maïs, sorgho, tef, avoine, orge, seigle et houblon pour la bière, ainsi que des fèves, des lentilles et des pois chiches. À la fin du Moyen Âge, les voyageurs portugais témoignaient « avoir trouvé au Tigré du bon vin, meilleur que celui produit dans leur pays ! » Un coin du marché est toujours dédié aux outils en fer nécessaires au travail des champs, ouvragés par des forgerons. Travaillant avec le feu, ces der niers, appelés « buda », inspirent la peur. On leur attribue encore le mauvais œil et on écarte les enfants de leur possible regard. En Éthiopie, la roue ne semble pas avoir été connue avant le début du XXe siècle. Mis à part un rouleau compresseur à vapeur, utilisé pour damer la piste jusqu’au campement royal, la première automobile est arrivée en Éthiopie en 1907, cadeau
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à Ménélik II d’un donateur qui nous est resté inconnu. Le commerce se faisait de marché en marché, avec des caravanes d’ânes, de mules et de chameaux. Jusqu’au début du XXIe siècle, elles ont encombré les anciennes pistes qui reliaient la mer Rouge et la plaine de sel du Danakil aux marchés des hauts plateaux. Les roues utilisées aujourd’hui par les charrettes qui roulent sur les routes tirées par des chevaux proviennent de vieux pneus de voiture sur jantes. Une timide naissance d’activité industrielle prend forme au début du XXIe siècle seulement, lorsque de courageux investis seurs du monde entier ont découvert une main-d’œuvre nombreuse qui n’attendait qu’à être formée.
Au Tigré, la géographie, les populations, les travaux agricoles, les outils, les semis sont restés les mêmes. Un pays où l’on peut trouver, figées, les caractéristiques de la pensée humaine spécifiques de la fin de l’Antiquité. Une minorité de la population a été touchée depuis le XXe siècle par le développement technologique, la création de hautes écoles, d’universités et d’une diplomatie active, l’une des plus grandes compagnies aériennes au monde et une armée moderne. La vie des quatre-vingts autres pourcents du pays, qui vivent d’une économie de subsistance dépendante du travail de la terre et de l’élevage de bétail à l’échelle familiale, est restée inchangée au cours des millénaires. Cette région nous offre aujourd’hui les mêmes paysages, les mêmes saisons sèches et humides, les mêmes récoltes céréalières, les mêmes outils en fer pour travailler la terre. Pline l’Ancien mentionnait déjà l’araire
Jusqu’à la fin du XXe siècle, au Tigré, pays très chrétien, les paysans respectaient vingt-trois célébrations religieuses par mois, ne travaillant dans les champs que sept jours. Les mots liés au travail artisanal, méca nique, menuiserie, électricité, construction et autres n’existaient tout simplement pas. Lorsque les ouvriers arrivaient sur le chantier, je pouvais les comprendre. Ils pensaient que je comprenais le tigrigna, la langue du Tigré, alors qu’ils utilisaient des termes italiens. Un jeune homme voulut me parler de son commerce de quincaillerie en anglais. Je lui dis qu’il pouvait me donner le nom en tigrigna. Il répondit : « ferramenta » !
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Lorsque j’ai pensé amener une scie pour faciliter la coupe des troncs d’arbre nécessaires à la construction, ils l’ont examinée attentivement, ont trouvé l’instrument intéressant, puis l’ont mis de côté et ont continué leur travail à la hache. II est ainsi important de comprendre la différence entre la pensée populaire locale et notre idée du progrès, de développement technologique continu et de modernité. Au cours des siècles, notre société a vécu, entre autres, un Moyen Âge industrieux et inventif, la Renaissance, le Siècle des Lumières, le Modernisme. Nous avons élaboré une définition du concept de civilisation lié au développement continu, porté par une technologie en marche. À l’opposé, les gens du plateau tigréen, enfants d’un christianisme intégral et vétérotestamentaire, sont opposés à toute idée de changement ou d’évolution. Ils aiment à nous le dire : « Vous avez la science, nous avons Dieu » ou encore : « Vous avez la technologie, nous avons la civilisation, nous n’avons pas besoin de changement. »
éthiopien que les paysans utilisent toujours. Il s’agit d’un instrument attelé qui représenta une véritable révolution dans le domaine de l’agriculture en Mésopotamie au Ve millénaire av. J.-C. L’araire est muni d’un soc pointu sans versoir et il fend la terre sans la retourner. La seule énergie connue est celle des animaux ou de l’homme. Une grande partie du pays n’a pas encore fait l’objet de la distribution de l’électricité. Un ami tigréen très proche m’a raconté avoir combattu de montagne en montagne pendant seize ans, de 1975 à 1991, pour sauver les Tigréens de l’extinction, contre le régime communiste et militaire instauré par le Derg (« comité » en amharique) sous la férule du colonel Mengistu Haile Maryam. Lorsqu’en 1991, à la fin de la guerre, il arriva finalement à Addis Abeba, il vit pour la première fois les lumières sur la ville et s’exclama : « Maintenant, je peux mourir ! ». J’avais connu le même éblouissement lorsque, après un long périple à pied à la recherche d’une église mono lithique abandonnée en cours de taille dans l’Antiquité, du haut d’une colline, j’aperçus pour la première fois, à une quarantaine de kilomètres du site de Lalibela, des lumières dans la nuit. L’électricité était arrivée dans la Ville sainte ! C’était en 1998.
Depuis des siècles, à fin novembre, des centaines de milliers de pèlerins se rendaient en pèlerinage annuel à Axoum à pied, cela jusqu’au
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Les obélisques ne sont, de fait, pas le but de leur pèlerinage : ils n’y cherchent que le salut de leur âme. Quant aux dignitaires religieux, patriarches et évêques, ils recevaient leur sacre et l’onction au pied du grand obélisque. Ce dernier légitimait leur pouvoir temporel, dans l’idée que les monolithes étaient liés à la reine de Saba et au roi Salomon, et donc à Dieu. On voit là la volonté de l’Église éthiopienne de se considérer comme détentrice d’un pouvoir divin qui lui donnait la primauté sur le pouvoir politique. Dans les campagnes du Tigré, les églises étaient et sont toujours peintes à l’extérieur aux couleurs du drapeau éthiopien, le jaune, le vert et le rouge, voulu par Ménélik II, en 1895. Il célèbre l’union de l’ancienne Abyssinie et de l’Église.
Le pays connut des constructions royales au début du Ier millénaire av. J.-C., dont on voit encore les ruines sur le site de Yeha, petite ville située 56 kilomètres à l’ouest d’Axoum. Mille ans plus tard, on trouvera les ruines d’un palais royal à Axoum, dont les archéologues allemands nous ont laissé, en 1906, une représentation imaginaire. Il faudra attendre le XVIIe siècle pour voir apparaître la construction des grands châteaux de Gondar, avec la découverte de la chaux et l’intervention de main-d’œuvre portugaise et indienne de Goa, la capitale de l’empire por tugais des Indes orientales, de 1510 à 1961. En ce qui concerne le Tigré, il faudra attendre dix-huit siècles après la disparition de l’antique royaume pour voir une résidence royale. En 1872, l’empereur Yohannes IV, cou ronné roi des rois à Axoum, fera édifier par l’architecte italien Giacomo Naretti son château à Maqalè. Ménélik II vivait toujours dans de grands
début du XXIe siècle. Le bus est récemment devenu le nouveau moyen de locomotion pour atteindre la Ville sainte, y prier et rendre hommage à sainte Marie de Sion, la Vierge qui porta en son sein le Christ, « la Nouvelle Alliance », le Nouveau Testament. « Sion » signifie aussi « les Tables de l’ancienne Alliance du Sinaï » et tout objet et lieu qui attestent de la présence divine. Une autre célébration qui attire la foule des pèle rins est celle du dimanche des Rameaux, une semaine avant les fêtes de Pâques dont nous parlerons plus tard, au moment de l’érection de l’obélisque de Rome revenu au pays.
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Le pays des Axoumites – Tigré, Érythrée et Saba
Depuis la plus haute Antiquité, l’existence d’un pays merveilleux situé au sud de l’ancienne Égypte et de la Libye a toujours fasciné l’esprit des hommes. Les Grecs appelèrent ces régions « Éthiopie », de Aethiops, ou « visages brûlés », évoquant ainsi le mot utilisé pour la première fois par Homère pour désigner les fils du dieu Vulcain qui, travaillant à forger des éclairs pour Jupiter, en sortaient le visage noirci par la suie. Le royaume d’Axoum a été créé en pleine période hellénistique, au moment où tout le monde civilisé parlait le grec. Axoum fait partie de ce monde, et pendant les quatre premiers siècles, le grec a été langue nationale à Axoum comme en Égypte. Le christianisme a été importé par des gens parlant grec portant les Saintes Écritures écrites en grec. Les langues vernaculaires comme l’arménien, le copte, le guèze, etc., sont nées au moment de l’abandon du grec aux IVe et Ve siècles.
Pount, Koush, Abyssinie, Éthiopie, voilà des noms qui ont évoqué au cours des siècles ces mystérieuses contrées et touché l’imaginaire du monde méditerranéen jusqu’au XXe siècle. Pount, la terre du dieu Soleil, qui donna origine aux dieux de l’ancienne Égypte : Hathor, un des noms de Horus surnommé le « Lion de Pount », Bès, le dieu pygmée et Thot, le dieu des guérisseurs, des magiciens, le maître de la parole et des scribes. Connu comme « la terre des épices », le nom de Pount désignait toute la côte africaine au sud des ports égyptiens, alors que celui de Koush couvrait tous les peuples qui se trouvaient au sud de l’Égypte, dès l’Ancien Empire.Mille cinq cents ans avant notre ère, Hatshepsout, reine d’Égypte, envoya une expédition constituée de grands bateaux de commerce au pays de Pount. Nous en connaissons les détails grâce aux bas-reliefs sculptés sur le portique du temple de Deir al Bahari à Assouan. Cette
campements itinérants de 40 000 personnes. Il marchait pieds nus car, comme il aimait à dire à l’ingénieur suisse Alfred Ilg, son conseiller, à la fin du XIXe siècle, lequel lui proposait des chaussures, « qu’il n’aurait pas porté de chaussures car son peuple n’en avait pas ! »
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Les visages brûlés – Des origines du commerce à la naissance d’un royaume
Les visages brûlés – Des origines du commerce à la naissance d’un royaume
première grande expédition est chargée d’amphores, de ballots, de bois sons et de nourriture (pain, viande, légumes). Le chef de Pount, que l’on voit dans les bas-reliefs, suivi de sa famille, apporte des marchandises à embarquer : or, ivoire, arbres à encens et à myrrhe, gommes aroma tiques, résines, ébène et autres bois précieux, bijoux, singes, peaux de léopards…Homère, vers la fin du VIIIe siècle av. J.-C., écrit des Éthiopiens qu’ils sont « les habitants les plus éloignés de la terre », que les dieux de l’Olympe aiment parfois aller se reposer chez eux. Quant à l’historien Diodore de Sicile, il y a deux mille ans déjà, il mentionne que « certains affirment que les Éthiopiens sont les premiers hommes qui apparurent sur la terre. » Hérodote, historien et géographe grec (IVe s. av. J.-C.) en parle, célébrant « leur amour pour l’indépendance ». Diodore de Sicile leur attribue l’invention des sciences divines des anciens Égyptiens. Ératosthène de Cyrène (IIIe s. av. J.-C.) décrit deux affluents « qui, sortis d’un lac, descendent vers le Nil, de l’Est » ; le plus oriental est certaine ment l’Atbara, le Tekezē des Tigréens, qui prend sa source sur les pentes de l’Abune Yoseph au sud de la ville de Lalibela.
Plus tard, dans la partie septentrionale de l’Éthiopie actuelle et de l’Érythrée d’aujourd’hui, de nombreuses tribus portaient et portent encore le nom « d’Habesha », du nom sudarabique HBST qui signifie « métis, mélangé, », nom utilisé dans les langues sémitiques jusqu’à ce jour. Au début du XVI e siècle, les explorateurs européens translitté rèrent le nom en Abassia (voir carte p. 6) et nommèrent les habitants Abassinos , d’où « Abyssinie », terme sous lequel le pays est devenu membre de la Société des Nations en 1923. En 1948, l’Abyssinie devient membre des Nations Unies sous le nom d’Éthiopie.
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Grâce à l’archéologie et à l’histoire, nous savons aujourd’hui que les origines de cette civilisation « éthiopo-sabéenne » sont liées aux royaumes florissants du début du I er millénaire av. J.-C. dans la pénin sule sudarabique, au bord de l’océan Indien. Ma’in, Qataban, Saba, Hadramount : ils nous sont connus pour leur formidable organisation commerciale. Ils étaient en effet les maîtres du commerce des épices, des parfums, de l’encens, de l’or et de l’ivoire de tout le monde antique. Pour ces peuples nomades et caravaniers, il était essentiel d’établir
des comptoirs sur le côté africain de la mer Rouge et de conquérir l’arrière-pays afin de protéger leurs bases maritimes. Ces tribus de navi gateurs audacieux parcouraient les côtes de la mer Rouge et de l’Afrique orientale. Ceux d’entre eux qui habitaient les montagnes du haut plateau étaient des guerriers redoutables, jaloux de leur indépendance et prêts à tout sacrifier pour la conserver.
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Les Sabéens immigrés sur le plateau établirent de nombreuses com munautés, y introduisirent leur langue (sémitique), leur écriture, leur religion, leurs temples et monuments, de nouvelles techniques agricoles, ainsi que le cheval, le chameau et le mouton. Certaines inscriptions parlent de « Maîtres des immigrés sabéens », ce qui pourrait signifier que les pré-Axoumites étaient des peuples enracinés sur le plateau depuis le début du Ier millénaire. On assiste à une sémitisation progressive des hauts plateaux situés à l’ouest de la mer Rouge, où nous retrouvons aujourd’hui d’innombrables traces de cette civilisation qu’on appelle « sabéenne, éthiopo-sabéenne ou pré-axoumite ». De cette époque, on conserve encore de nombreuses inscriptions, des autels de libations ou votifs, des brûle-parfums, des bas-reliefs qui ornaient souvent les murs des temples, tels les linteaux aux têtes de bouquetins disposés en rangées.Lestravaux entrepris pour dégager les vastes zones archéologiques commencèrent par l’arrivée de l’expédition financée par le Kaiser Guillaume et réalisée par la Deutsche Aksoum-Expedition, sous la conduite d’Enno Littmann. Après avoir traversé l’Érythrée, les archéologues arrivèrent à Axoum le 6 janvier 1906. Ils durent en repartir inopinément le 7 avril, après avoir étudié l’ensemble des ruines monumentales de l’antique cité et des environs.Repris par Francis Anfray, à la tête de la Mission française d’archéologie, les travaux de fouille des grands sites antiques du pays se pour suivirent pendant plus de trente ans. D’autres importantes expéditions, anglaise et italienne, se sont relayées au cours des ans, avec la lourde tâche de ramener à la lumière ce quart de l’Antiquité classique qui gît, toujours enterré, dans le sous-sol du pays. Les importantes ruines d’un palais monumental nommé Grat Beal Gebre et celles d’un imposant temple sabéen témoignent de l’existence d’un royaume appelé D’mt
Au sud de la ville d’Axoum, dans la région de Melazo, les archéolo gues ont exhumé un sanctuaire daté du Ve siècle av. J.-C., représentant la pleine lune et la demi-lune. À proximité, à Hawelti, dans les ruines de deux bâtiments rectangulaires, on retrouva divers objets dont un dais richement décoré, une statue de femme assise, vêtue d’une longue robe plissée (actuellement exposée au Musée archéologique d’Addis Abeba). Quant au Musée archéologique de la ville de Wukro, située à 40 kilo mètres au nord de la capitale Maqalè, il expose également d’autres objets de valeur. Dont un autel de libations, pièce unique, des ex-voto en argile, des coupes, vases et autres objets provenant de fouilles effectuées dans
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Abba signifie père dans les langues sémites. C’est aussi l’abbé du monastère.
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Les visages brûlés – Des origines du commerce à la naissance d’un royaume (Damat). Ces ruines sont entourées aujourd’hui par les habitations de la petite ville de Yeha située à proximité d’Adoua et d’Axoum. Ces deux édi fices extraordinaires datent respectivement des IXe et VIIe siècles av. J.-C. et sont restés sans égal. Au moment de la christianisation de l’Éthiopie, le temple fut transformé en église, selon la tradition, par abba1 Afsé, l’un des nombreux saints syriens venus trouver refuge dans le chaos géologique des montagnes d’Abyssinie au VIe siècle. Il aurait voyagé de la ville d’Edesse, l’actuelle Urfa au sud de la Turquie, à Yeha sur les ailes d’un archange. Selon les informations obtenues des archéologues allemands du Deutsches Aerchäologiches Institut, financé par le minis tère des Affaires étrangères allemand travaillant sur le site, les murs sont bâtis avec des blocs de grès ou d’une sorte de calcaire provenant d’une carrière qui a été identifiée dans les alentours. Ces blocs, finement taillés, sont encastrés, sans ajout de mortier. La stabilité de l’édifice est assurée uniquement par la perfection du découpage et de l’assemblage des blocs de pierre. Une inscription trouvée par les archéologues sur l’une des pierres du temple atteste que « Je suis venu du pays de Saba pour construire le temple du dieu Almaqah ».
Au cours du Ier millénaire avant notre ère, ces immigrants sudara biques devinrent indépendants de leur mère patrie. On sait également avec certitude qu’à la même époque les contacts entre marchands étaient réguliers entre la Haute Égypte, la péninsule sudarabique et les populations de l’ouest de l’Éthiopie.
Le nom « Axoumites » n’apparaît qu’au cours du Ier siècle de notre ère. Un rapport anonyme rédigé en grec, connu sous le nom de « Périple de la mer Érythrée », décrit la route du commerce, d’Égypte en Tanzanie et de la péninsule Arabique au sud de l’Inde. Il énumère les marchandises qui s’y échangent : soie, ivoire, cannelle, topaze, lapis-lazuli, épices mais aussi esclaves. Il parle du port d’Adoulis, situé à huit jours de marche de la capitale des gens appelés Axoumites, où arrive tout l’ivoire recueilli dans les pays situés jusqu’au-delà du Nil, territoires gouvernés par un roi nommé Zoscalès, homme avide et cupide, néanmoins honnête. Il connaît la langue et la littérature grecques. Le géographe Strabon qui écrit au temps de l’empereur Auguste, au début de notre ère, nous dit qu’une flotte de cent vingt navires naviguait d’Égypte vers l’Inde. Les noms des rois d’Axoum nous sont connus grâce à des monnaies trouvées au cours des recherches archéologiques, lesquelles mentionnent également que les transactions monétaires entre l’Empire romain et l’Inde, ainsi que les monnaies romaines, sudarabiques et indiennes étaient courantes et familières à ces populations. Un petit trésor en monnaies d’or provenant de l’Empire kouchan (Inde) fut retrouvé au sommet du pic de Debré Damo, célèbre site sabéen et important monastère chrétien situé à 100 kilomètres au nord-est de la ville d’Axoum. Il témoigne de l’antique histoire du pays. On sait qu’on y frappait également les monnaies
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Royaume d’Axoum – Période préchrétienne
la partie orientale du Tigré et, en particulier, du site sabéen de Meqaber Ga’ewa, VIIe siècle av. J.-C. Ces découvertes indiquent une parenté culturelle avec le site de Yeha, identifié comme l’expression de la civilisation pré-axoumite, fortement imprégnée d’éléments culturels sudarabiques. Cette civilisation, qui atteignit son apogée entre le IXe et le IVe siècles av. J.-C., disparut sans nous laisser de témoignages littéraires sus ceptibles d’éclairer cette période de l’histoire du pays, restée encore obscure. Pendant trois siècles, l’activité économique et politique semble ralentir et pratiquement disparaître. Une nouvelle entité politique va surgir à la fin du Ier millénaire av. J.-C.
On peut imaginer le royaume d’Axoum basé à l’origine sur une sorte de confédération de petits États sous le commandement de chefs locaux appelés nagast , soit collecteurs d’impôts. Avec le temps, ce terme signifiera chef de tribu. Ces derniers, connus aussi plus tard comme Ras (qui signifie « chef », en référence à la tête), prêtaient allégeance à une personne choisie par eux et désignée comme « roi des rois », le Négus Nagast. L’activité économique, basée sur le contrôle du commerce, et l’élite politique étaient établies dans la ville d’Axoum. On peut ainsi penser que cette dernière a pu donner naissance à une dynastie. Les rois s’autoproclamèrent « fils de Dieu ».
Implantée dans une large cuvette, où s’accumulait une grande quantité d’eau pendant la saison des pluies, la ville bénéficiait qui plus est de nombreuses sources assurant la capacité d’eau nécessaire à une importante capitale caravanière. Elle est située à dix jours de marche d’Adoulis, son port stratégique sur la mer Rouge, à proximité de l’actuel port de Massaoua en Érythrée. D’importantes ruines dégagées par les archéologues témoignent de son glorieux passé, lorsque les bateaux marchands éthiopiens, romains, grecs, égyptiens et indiens y faisaient escale. Le port d’Adoulis devint aussi le débouché de Méroé (Soudan) sur la mer Rouge. De là, la grande flotte axoumite dominait cette mer, l’ac tuelle côte yéménite, la côte africaine jusqu’à l’Azanie, l’île de Menuthias (Zanzibar) pour atteindre encore, à deux jours de navigation, Rhapta, le
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Royaume d’Axoum – Période préchrétienne nécessaires au commerce international, d’or, d’argent et de bronze, comme les grands empires du moment.
Depuis l’Antiquité, la région d’Axoum a toujours été très fertile et elle l’est encore aujourd’hui, malgré l’érosion des millénaires. Cela a certaine ment contribué au développement d’une population nombreuse qui a pu donner naissance à un État prospère et militairement puissant. Lors des premiers siècles de notre ère, les rois axoumites étaient capables d’inter venir militairement dans le sud de l’Arabie et dans la partie méridionale du plateau, en pays agaw, l’actuelle région de Lalibela, et jusqu’au détroit de Bab al-Mandeb et Berbera, sur l’océan Indien en Somalie. À l’ouest, le royaume s’étendait jusqu’au Nil et le pays de Méroé d’où affluaient les caravanes se rendant au port axoumite d’Adoulis, sur la mer Rouge.
1. Une part de l’Antiquité retrouvée sous les champs de blé plus important comptoir de l’Azanie situé au sud de Dar es-Salam, où l’on trouvait en quantité ivoire, cornes de rhinocéros et carapaces de tortues. Isolée et protégée par ses formidables remparts montagneux, entou rée de déserts, du haut de ses 2200 mètres d’altitude, la ville a été la capitale du royaume pendant huit siècles. Les recherches n’ont pas mis au jour des traces de murs autour de la ville et nous parlent d’un pays relativement pacifique. Grâce à un ingénieux système de terrassement et d’irrigation, la région jouissait d’une très bonne production agricole qui s’étalait sur de grandes surfaces. La prospérité du royaume était due au commerce de marchandises de grande valeur : carapaces de tortues des îles Dahlak, cornes de rhinocéros, obsidienne, ivoire, encens et émeraudes, toutes marchandises très recherchées. Dans la région on trouve encore de nombreux racloirs en pierre pour le travail des peaux d’animaux. On importait le vin des côtes du Rhône et d’ailleurs, les olives, de précieux tissus, du fer, des objets en verre et des métaux précieux. L’or du Soudan était échangé contre des plaques de sel provenant du désert du QuelquesDanakil.témoignages
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nous sont parvenus de l’Antiquité : les géo graphes et les historiens de l’époque gréco-romaine nous ont laissé diverses descriptions du pays et donné de nombreux détails sur la société et le mode de vie des anciens Abyssins. Pline le Jeune, garçon adopté par Pline l’Ancien, célèbre écrivain romain, est connu pour son œuvre littéraire et par ses témoignages des évènements du Ier siècle de notre ère. Il mentionne dans son Histoire naturelle la ville d’Axoum qu’il définit comme « une fenêtre sur le monde », et son port Adoulis, par où passaient les routes commerciales vers les côtes africaines et l’Inde. Au milieu du II e siècle, le géographe et astronome alexandrin Claude Ptolémée mentionne Axoum et son palais royal.
Les routes commerciales sont ouvertes et parcourues par les marchands avec leurs innombrables animaux de bât – ânes, mules, chameaux – sur des milliers de kilomètres. Parmi celles-ci, la route de l’Égypte, quarante jours pour rejoindre l’île de Philae à Assouan. Strabon, qui remonta le Nil jusqu’à l’île au début de notre ère, estimait qu’elle constituait la frontière entre l’Égypte et l’Abyssinie. L’île fut en grande
La route de Cyrène, la plus importante cité grecque de la Libye orien tale, traversait le désert libyen où perdure, présent, le souvenir de cette « piste des Éthiopiens ». La route de Syrie se terminait à Edesse (Urfa) au sud de la Turquie. Là aussi j’ai recueilli des témoignages d’habitants de la ville d’Urfa qui me parlèrent d’une tradition ancienne se rapportant à la piste des Éthiopiens, marchands, moines et pèlerins. Une anecdote qui nous vient du Moyen Âge témoigne de leur présence dans la région d’Edesse. À la mort d’un évêque de la ville, les différentes familles chré tiennes n’arrivaient pas à trouver un accord pour assurer sa succession. Un ecclésiastique eut l’idée d’aller chercher un moine abyssin qui vivait dans les environs. Il le ramena en ville. Une fois sur place, il lui dit que le lende main il l’aurait proposé comme nouvel évêque. Le moine comprit le profond désaccord des chrétiens de la ville et, pris de peur, il s’enfuit dans la nuit.
Au IVe siècle, le prophète et écrivain perse Mani, théoricien du manichéisme, nous parle d’Axoum comme du quatrième plus important royaume du monde. Dans le désert de Jordanie, lors de la visite du château de Qusair Amra, « le Petit palais », on peut admirer une grande
Royaume d’Axoum – Période préchrétienne
partie submergée dans les années 1970, à la suite de la construction du haut barrage d’Assouan.
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La plus longue route était celle qui conduisait aux mines d’or de la mythique Sasou. Elle traversait le pays agaw et, par le sud du lac Tana, s’enfonçait dans l’Afrique profonde. Elle requérait toute une année pour l’aller et le retour.
À la fin du siècle dernier, lors d’une expédition ethnologique, nous fûmes obligés de rentrer du grand Sud de l’Éthiopie à pied, en traver sant le territoire de différentes ethnies. À chaque étape, de jeunes garçons rejoignaient la caravane pour sortir de leur territoire et franchir, indemnes, l’espace inhabité entre deux ethnies. Après onze jours, nous atteignîmes une ancienne route italienne, envahie par la végétation, qui suivait la frontière soudanaise jusqu’au Kenya. Au moment de quitter nos compagnons de route, je leur ai demandé ce qu’ils comptaient faire. Les muletiers avaient dans l’idée de vendre les mules et de retourner chez eux avec des vaches. Quant aux garçons, ils m’ont répondu qu’ils allaient marcher « jusqu’aux mines d’or, quelque part au Soudan ». Pensaient-ils rejoindre Sasou et ses mines ?
fresque datant du début du VIIIe siècle, représentant six souverains : Rodéric des Wisigoths, Justinien II des Byzantins, l’empereur des Perses sassanides Chosroès, le négus des Abyssins, le roi des Indes, ainsi que l’empereur de Sileos, probablement la Chine.
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1. Une part de l’Antiquité retrouvée sous les champs de blé
I
Obélisque 2 redressé à Axoum après sa restitution par l’Italie.
Départ de l’obélisque à Axoum pour Rome, en 1937 © Droits réservés.
X
XI
Arrivée de l’obélisque à Rome © Archives Monneret, Obélisque d’Axoum, photographie de la Bibliothèque d’archéologie et d’histoire de l’art, Rome.
Arrivée de l’obélisque à Rome avec la société de transport F. Gondrand © Archives Monneret, Obélisque d’Axoum, photographie de la Bibliothèque d’archéologie et d’histoire de l’art, Rome.
XX
L’obélisque à Rome en 2005, dressé au centre d’un giratoire © UNESCO/Lattanzi SRL
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Le gouverneur de Rome – le prince Piero Colonna – inaugure l’obélisque d’Axoum sur la Piazza di Porta Capena en présence d’un groupe de hiérarques le 31 octobre 1937 © Cinecittà, archivio Luc.
XXIX
L’obélisque en train d’être réinstallé et entouré d’échafaudages pesant 180 tonnes © UNESCO/ Michael Tsegaye.
Le pays des Axoumites – Tigré, Érythrée et Saba 27
Quel est leur message ? 44
Comment les obélisques ont-ils été transportés et érigés ? 47
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1. Une part de l’Antiquité retrouvée sous les champs de blé
Préface 7 Un
Qui a eu l’idée de créer ces monolithes et quand ? 45
Les visages brûlés – Des origines du commerce à la naissance d’un royaume 32 Royaume d’Axoum – Période préchrétienne 36
Que représentent-ils ? 48
................................................................................ 9 Repères historiques 11 Introduction 23
Pourquoi se sont-ils écroulés ? 49
Table des matières mot sur l’auteur
2. Les grands obélisques
Obélisques et stèles, symboles d’un pouvoir personnel 41
Qui a été capable de les tailler et de les sculpter ? 46
Faccetta nera 87
La France dans la Corne d’Afrique 88
L’invasion 90
158
Axoum chrétienne 51 Beta Israël, la tribu perdue 54 Maryam Tsion 59
4. Création d’une identité supranationale
L’incroyable aventure du « Livre Sacré » 77
Dieu choisit l’Éthiopie – Mythes et légendes d’un peuple élu, de Salomon à Hailé Sélassié 65
L’Italie, du Risorgimento à l’aventure coloniale 81
Ugo Monneret de Villard 97
....................................................................................................
Le Lion de Juda 102
Les stèles du couronnement 72
3. Mythes fondateurs et naissance d’un monde merveilleux
L’Arche de l’Alliance 67
Alessandro Lessona 95
Le convoi 100
La grande pierre blanche 70
Les rois archéologues et l’identité nationale 75
L’obélisque et la fabrication d’un symbole national 83 Benito Mussolini 85
Les obélisques voyagent 94
La reine Gudit – Le déclin ..................................................................... 62
5. La ruée vers l’Afrique et l’expansionnisme impérial
Table des matières
L’Arche aurait donc été conservée à Axoum jusqu’à nos jours 70
Érythrée 98
Asmara, « La Petite Rome » ou « La Cité de Rêve » .............................. 100
Le retour 129
Le démontage 128
....................................................
Le traité de paix 111 Hailé Sélassié à Rome 116
L’érection de l’obélisque 141
La disparition du dernier empereur 145 Mort d’un empire 147
..........................................................................................
La guerre entre libérateurs 124
L’obélisque de Rome est à Axoum 132
Aethiopia, quo vadis ? 152
L’obélisque gagne les élections ............................................................ 125
L’obélisque perd la tête 126
7. Mort de l’empire
Le Tigré exterminé, l’Éthiopie brûle 150
159 Table des matières
AOI (Afrique orientale italienne) 106
La guerre perpétuelle 118
La terreur rouge 121
La restitution 127
L’obélisque dans la poussière 137 Tant qu’il pleut aux États-Unis et au Canada, tout va bien pour l’Éthiopie 139
La libération du pouvoir divin 120
L’érection de l’obélisque à Rome 105
Les Éthiopiens se cherchent un futur 149
Bibliographie ....................................................................................... 153 Remerciements 156
6. Le retour de l’empire éthiopien
La libération, de qui et de quoi ? 122
Éditions Favre SA
d'un livre paru aux Éditions Favre.
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